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La croyance, la foi et la Religion

Repères dans le temps :


- Empereur Constantin : 272-337 Conversion en 312
- Edit de Milan : 313
- Augustin D’Hippone : 354-430
- Thomas d’Aquin : 1256 ( Opuscules) 1224-1274
- Luther : 1483-1546
- Distinction entre le paganisme (Païens, qui désignent aussi les paysans par rapport aux ceux de la ville), les païens et les athées. Le
paganisme désigne ceux qui appartiennent à une religion non monothéiste ou ceux qui ne croient pas en un dieu transcendant. L’athée
désigne celui qui ne croit en aucun Dieu.

A)Bibliographie

Le Savant et le politique ( 1919) de Max Weber


Foi et Savoir de Jacques Derrida, 2000
Dits et Ecrits de Michel Foucault, 2001
Dictionnaire Philosophique, article la tolérance, de Voltaire
Propos d’Alain
Les deux sources de la morale et de la religion de Bergson, 1932
Opuscules théologiques de Thomas d’Aquin
La cité de Dieu d’Augustin d’Hippone dit Saint Augustin ( 431-425)
La Religion dans les limites de la simple raison de Kant

B) Dissertations possibles
Peut –on désirer l’absolu ? (Terminale L)
La croyance n’est-elle qu’une démission de la raison ?
Doit-on opposer la croyance à la pensée ?
Pourquoi le progrès scientifique n’a pas fait disparaître la croyance ?
La religion est-elle irrationnelle ?
Peut-on ne pas croire ?
La religion doit-elle nécessairement s’opposer à la politique ?

C) Plan du cours
1) La religion, le retour de la religion, et la foi
2) Penser n’est pas croire
3) La croyance et la superstition
4) Le fait religieux et la politique 
5) Penser la religion dans les limites de la simple raison
6) Galop d’essai : doit-on opposer la religion à la pensée ?
Quelques termes
1°Sacrifice, sacrifier : du grec, Θύω, qui signifie offrir un sacrifice aux Dieux, offrir une victime en sacrifice, ou encore célébrer un sacrifice.

2°Retour de la religion et la Religion. Foucault nous dit la religion est la nostalgie de l’origine, le désir de l’origine. La religion est une
croyance ancestrale motivée par le désir qui rend son retour fortement désirable.

3° L’immun : racine latine de l’immun, est munus, ce qui est commun à nous, ce qui n’appartient qu’à la communauté du Livre. En
Sanscrit, «sûra» signifie fort, sûra désigne aussi Zarathoustra, celui qui est Dieu. Et, le verbe védique su/ sva signifie l’Aurore qui veut dire,
ce qui s’accroit, prend de la force et de la prospérité, ce qui a la vertu d’être fort et vaillant.

EN GREC ANCIEN, l’immun a le même sens : Κυέω : veut dire « être enceinte », « porter en son sein », « enfanter », Et «  κῦμα » veut dire,
ce qui s’enfle, à l’instar, du flot ou de la vague de la mer, d’une part et, d’autre part, κύριος veut dire le maitre, celui qui a l’autorité, le
droit de vie et de mort, ce qui a le « κῦρος » c’est-à-dire l’autorité souveraine

Urbain VIII ( 1568-1644) Congrégation de l’immunité ecclésiastique

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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1° La religion, le retour de la religion, et la foi
1-1° Parler de la religion

Comment parler de la religion aujourd'hui, la religion, article défini au singulier ?


Les filiations sont immenses. Religion/ foi, croyance. Religion/ piété, Religion/culte, religion/théologie. Religion/
divin. Mortel/immortel/ Religieux, sacré et profane.

1° L’indemne

Nous nous interrogerons tout particulièrement sur une des sources de la religion , l’indemne (Heilig, le
sacré) ce qui n est pas corruptible, le PUR FACE à l’impur ce qui échappe au temps mais aussi ce qui conduit à la
haine de la raison, de la science et des autres .

2° LE SALUT

un deuxième concept, qui constitue aussi une source de la religion est important : c’est le SALUT

( Sauver, être sauvé, se sauver). On ne peut pas dissocier un discours de la religion d'un discours sur le salut, mais
aussi d’un discours sur ce qui n’est profane, ce qui est échappe à la corruption, ce qui est sain, sauf, indemne ?
Salut qui veut dire se sauver soi-même sans les autres ? Toute religion serait intéressée visant à se sauver, être
sauvé, sans sauver les autres ? Comme si ŒUVRER POUR LE PROCHAIN ETAIT CHOSE DERISOIRE ALORS MEME QUE
PRIER EST DERISOIRE SI ON N’AGIT PAS POUR LES AUTRES ;

3° LE RETOUR DE LA RELIGION

Corrélativement, on ne peut penser la religion, de nos jours, sans ce que nous appelons, le retour de la religion.
Qu’est ce retour de la religion ? Le retour, c’est revenir sur ces pas, mais on ne revient jamais par le même chemin,
revenir chez soi, revenir dans son pays natal ne veut pas dire reprendre le même chemin mais être nostalgique de
son origine, le retour de la religion, c’est avoir la nostalgie de l’origine.

Le retour a un autre sens, comme le retournement d’une situation, un changement radical, l’inversion de l’ordre
des choses. Pensons au retour à la monarchie que l’on appelle la restauration de la monarchie qui n’est pas que le
retour des Bourbons, mais l’instauration d’un nouvel ordre moral et politique. L’instauration d’un nouvel ordre
par rapport à un supposé désordre.

La monarchie de Juillet et la Charte de 1814 qui rétablit un droit supposé bafoué, la religion catholique comme
"La divine Providence, en nous rappelant dans nos États après une
religion d’Etat selon
longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La religion catholique,
apostolique et romaine est la religion de l’État. »
Certes MAIS POURQUOI CE RETOUR D’UNE RELIGION ALORS MEME QUE LA SCIENCE PROGRESSE ET QUE LES
CROYANCES AURAIENT DU ETRE CONSIDERES COMME OBSOLETTES ?

Pensons à l’espoir de la révolution Française qui pensant abolir les croyances pour laisser la place au savoir.

Pensons aussi au sacrifice Politique des enfants de la République lorsque par la Loi Jourdan en 1798, on instaura ,
le service militaire obligatoire qui conduit à la mort pour la liberté, des millions d’hommes de Valmy à la Première
Guerre mondiale comme si la République devait sacrifier ses hommes pour qu’elle survive. Le sacrifice constitue
aussi une exigence politique. Se sacrifier pour la patrie.

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4°LA FOI ET LA PENSEE ET LA CROYANCE PARFOIS COMME ENNEMI DE LA PENSEE

Nous nous interrogerons bien évidemment sur ce qui semble plus évident, à savoir une des sources de la religion :
la foi et la croyance. Mais nous distinguerons, ce que l’on ne fait pas d’habitude, la foi de la croyance.

5° L’ INCLUSION DU POLITIQUE DANS LA RELIGION

Dans une avant dernière partie, nous nous interrogerons sur le rapport entre la religion et le politique parce qu’il
n’y pas de religion abrahamique sans idée du politique alors même que l’opinion commune, oppose
ordinairement, dans une société démocratique, la religion comme sphère privée, à la politique comme sphère
publique, qui nous lie, les hommes, aux affaires humaines et au monde. La religion à l’instar du politique nous
lierait elle aux affaires humaines et au monde ?

6° PENSER LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA SIMPLE RAISON

Afin de sortir de cette aporie constituée par l’intime relation constituée par la religion et le politique, déjà prônée
par Saint Augustin dans la Cité de Dieu, nous tenterons de trouver une solution afin de sortir la religion du
politique, en pensant la religion dans les limites de la simple raison. Dans cette perspective, la religion ne
s’oppose pas au jugement éclairé, et il considère, l’homme pas simplement comme sujet métaphysique, ni qu’un
sujet moral mais comme un nouveau Samaritain, un inconnu qui devient notre prochain, c’est-à-dire quelqu’un
que l’on peut aimer comme soi- même comme si soi -même était n’importe qui. Loi de séparation de l’Eglise et de
l’Etat du 9 décembre 1905

Commençons notre analyse, que peut-on vouloir dire le retour de la religion ?

1-2 le retour de la religion


Si l’étude de cette notion revêt une acuité certaine, c’est qu’il y a un phénomène dont il est difficile de parler,
hâtivement nommé " le retour des religions".

ll étonne. la religion n’est pas morte et elle semble retrouver une certaine efficace. Voilà un grand étonnement
pour les laïcs, les philosophes, les athées, mais aussi tous ceux et celles qui croyaient ingénument qu'une
alternative opposait d'un côté la religion et de l'autre la raison, la religion et de l'autre les progrès de la
science, la religion et de l'autre la critique de Nietzsche et de Freud .

Afin de mieux comprendre le retour de la religion, partons de l’analyse de Max Weber dans le savant et la
politique, écrit en 1919. 

TROIS SOUS PARTIES : Pourquoi la religion ?

 Parce qu’il y a déshumanisation de l’homme,


 désenchantement de soi par rapport au monde,
 et réappropriation du Sacré par la violence

1) Les progrès de la science sont inversement proportionnels à l’humanisation de l’homme.

Pourquoi ce pessimisme concernant les progrès de la science et de la technique.

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Parce qu’il n’y a pas de science sans technique et la technisation a conduit à un arraisonnement de la terre et à
l’oubli du monde. Le monde que créé l’homme, le testament que nous lègue la culture est morte, oubliée par les
hommes, car ce que les hommes créent sont anéantis par la guerre.

Cela devient un sacrilège de parler de l’art, des œuvres d’art, de la parole de l’homme, de l’intelligibilité du monde
que crée les hommes lorsque le monde n’est plus qu’une terre habitée par des êtres vivants, animés par aucune
valeur : l’homme n’est pas un Héros mais de la chair à canon. La vertu devient un vice et le vice ( considérer autrui
comme un moyen) une vertu.

L’homme oublie ses valeurs, son héritage, le trésor qu’il a en main, est mort. «  Notre héritage n’est précédé
d’aucun testament » nous dit René Char

Plus les progrès de la science technicisée évoluent, plus l’humanisation des hommes régressent

2) Plus la science progresse, plus le sujet est désenchanté

De plus, la science a produit un vide sidéral. En effet, plus la connaissance de l’infiniment petit avec l’atome et
l’infiniment grand avec la connaissance des Astres et de Monde, progresse et moins nous nous connaissons nous-
mêmes, plus le doute concernant la force du sujet augmente, et sa puissance d’exister régresse.

Saint Augustin avait raison de montrer, que la connaissance du monde est inversement proportionnelle à la
connaissance de soi.

Confessions de Saint Augustin

«  Je fus frappé d’étonnement, je l’avoue, et priant mon frère, avide d’entendre, de ne pas
me troubler, je fermai le livre. J’étais irrité contre moi-même d’admirer maintenant encore
les choses de la terre, quand depuis longtemps j’aurais dû apprendre à l’école même des
philosophes des gentils qu’il n’y a d’admirable que l’âme pour qui, lorsqu’elle est grande,
rien n’est grand. Alors, trouvant que j’avais assez vu la montagne, je détournai sur moi-
même mes regards intérieurs, et dès ce moment on ne m’entendit plus parler jusqu’à ce que
nous fussions parvenus en bas. Les hommes s’en vont admirer les cimes des montagnes, les
vagues de la mer, les révolutions des astres et ils se délaissent eux-mêmes ».
Gentils : Latin Gentiles, les nations ceux qui ne sont pas juifs ( Goyim : les non juifs ou ceux qui appartiennent aux
nations)

C’est pourquoi, à présent que nous sommes mortels. Nous autres hommes sommes convaincus de notre finitude
face à l’infinitude de la connaissance. La savoir immense dévoile la finitude du sujet.

Alors, la religion console. Elle est là, comme, cette opiacée, qui calment et anesthésient nos douleurs, d’autant plus
que comme nous le savons, le 20 ième Siècle a montré avec la Première Guerre Mondiale puis la banalité du mal,
que l’homme régresse : son humanité s’appauvrit alors que sa connaissance du monde grandit.

Dès lors, on trouve consolation dans la religion, un remède à l’angoisse et à la peur de l’autre dans la
déshumanisation progressive que nous subissons. La religion devient notre protection contre la finitude du sujet.

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3) Le retour du fait religieux comme réappropriation de l’immun face au profane : la manifestation de la
Violence du Sacré

Michel Foucault, lui-même, en 2001, dans Dits et Ecrits, au volume II, en tant que journaliste dans le grand
quotidien italien le Corriere Della sera, écrivait que lorsqu’il posait la question aux insurgés contre le régime de Shah,
«  que voulez-vous ? » Il s’attendait à ce qu’ils répondent, nous voulons la révolution, mais ils répondaient en masse,
« nous voulons le gouvernement islamique ».

Michel Foucault de conclure, que l’espérance messianique constituait alors le principe vital du soulèvement
populaire chiite, car il symbolisait le RETOUR du douzième Imam, dont on a perdu la trace à Bagdad au IX siècle qui
devait revenir pour chasser les impies et la société de Satan.

Croyance au messie rédempteur. Imam ou Emam en persan désigne un guide religieux, celui qui apporte la lumière car il serait censé pouvoir seul parler de la
religion. Dans le cadre des 12 imams shiites, qu’auraient désigné Mohamed, les imams ne sont plus seulement des guides mais détiennent un savoir absolu
concernant la religion qui gouverne les hommes et le monde. L’imam désigne celui qui a le savoir absolu du passé, du présent et du futur. Le dernier imam serait
Mohamed Al Mahdi.

Autrement dit, Michel Foucault développe l’idée identique à celle de Derrida que le retour du religieux en 2001,
constitue une force qui s’unie à la force du désir DE LA NOSTALGIE DE L’ORIGINE.

Qu’est-ce que la Religion nous demande Foucault ? Il y répond en une phrase simple :
c’est Le désir de l’origine. La religion est une croyance ancestrale motivée par le désir de
l’origine.
Les Iraniens ne cherchent pas dans la révolution, une démocratie qui respecterait les libertés individuelles, mais ils
recherchent un gouvernement qui prône le retour du sacré face au profane, du pur face à l’impur, de l’indemne
face à la génération et au corruptible. En ce sens, Il n’y a pas de retour du religieux sans politique qui restaure la
NOSTALGIE DE L’ORIGINE.

D’où sa conclusion « leur faim, leurs humiliations, leur haine du régime et leur volonté de le renverser, ils les
inscrivaient aux confins du ciel et de la terre, dans une histoire rêvée qui était autant religieuse que politique. »

Mais il faut aussi le dire, le Retour de la religion nous montre Derrida dans Foi et Savoir
en 2000, est une démarche originale, sans précédente, un retournement comme
inversion de l’ordre des choses. Il se manifeste par une nouvelle violence comme si le
retour au sacré ne pouvait s’exprimer que dans l’irrationnalité de la violence.

a) Que l’on se souvient de l’appel D’Abraham à Dieu. Abraham demande à Dieu s’il
doit sacrifier son fils. Le sacrifice de son fils se fait au nom de Dieu. L’appel au Sacré
constitue une violence, immoler le fils d’Abraham au nom de Dieu.

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b) On peut parler de la Violence du sacré dans de nombreuses religions polythéistes :
afin d’honorer leurs dieux, les Aztèques sacrifiaient les tribus faites prisonnières au
sommet des pyramides

c) Enfin, ainsi que nous le montre Derrida, Dans Foi et Savoir, si on revient à la main nue, à l’arme blanche,
c’est qu’il y aurait, « dans les mains tranchées, l’exhibition de cadavres, la vengeance du corps contre
une technoscience expropriatrice que développent des modèles démocratiques européens » ( page 81)
d’une part.

d) D’autre part, et c’est le plus important, le retour de la religion, et la recherche à tout prix de l’immun.
Cette recherche de l’immun peut être considérée comme totalement irrationnelle et déshumanisatrice car
elle agit comme une causalité délirante dans laquelle la cause ( la civilisation technique du monde
occidental) et les conséquences ( ses méfaits présupposés sur les humains) conduisent à la déraison ( celle
de nuire au genre humain en ôtant des vies)

e) Alors Le retour de la religion nous dit Derrida devient une guerre sans Etat, « un combat contre soi -même
et les autres, où on tue individuellement, par la torture, la décapitation, la mutilation. « 

Finalement, Derrida nous montre que la recherche de l’immun, du sacré, du pur face à l’impur
devient un effort insensé, messianique, eschatologique, totalement inhumain et
suicidaire.

Cette recherche de l’immun prend la forme devient une causalité délirante et perverse,
dans la mesure où on prend le mal pour le bien et on fait le mal en pensant faire le bien.

Prendre le bien pour le mal et faire le mal en pensant faire le bien devient l’apanage d’un
esprit délirant.

Cependant, nous devons aussi comprendre que l’immun vise aussi l’ IMMUNITE car la religion est souvent
politique.

Dans cette perspective, l’immunité vise à assurer la sécurité des gens du culte mais aussi
leur impunité et à accorder des privilèges à ceux qui défendent le sacré face au profane.
L’immunité réclamé par les sujets ecclésiastiques est l’exigence d’un Droit qui apporte des privilèges exorbitants
du droit commun comme nous le montre le Pape Urbain VIII en 1568-1644.

L’immunité vise à être affranchi du droit des humains et des affaires profanes et à bénéficier d’avantages
particuliers.

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Ainsi, L’immunité de l’église Catholique obtenu par le Pape Urbain VIII, affranchit l’église
catholique, apostolique ( celle qui est chargé d’envoyer des missionnaires pour
évangéliser le monde) des charges, du service, des obligations de la communauté. la
Congrégation de l’Immunité Ecclésiastique, n’est autre que l’immunité des Eglises mais
plus généralement l’inviolabilité de la maison de Dieu mais aussi l’immunité ecclésiastique
contre les impôts, l’affranchissement des charges, du service militaire, l’immunité contre
la justice des hommes et contre la perquisition policière.

L’ immunité est exempte de la justice des hommes pour ne se référer qu’à la justice de
Dieu.
D’où la révolte de Voltaire dans le Dictionnaire philosophique : » un exemple révoltant du mépris des lois et de
« l’ambition ecclésiastique » nous dit justement Voltaire pas du tout parce qu’il est athée ( ce qui est totalement
faux) mais parce que l’immunité constitue un privilège ecclésiastique absolument pas légitime. La justice sur terre
est humaine et non divine. On doit rendre des comptes aux hommes et pas à Dieu.

On constatera que aussi que la notion d’immunité, d’origine sacrée, parle aussi du corps biologique.

L’immunité quitte la source sacrée pour devenir profane. On parle d’immunité du corps qui produit des anticorps, on parle d’auto-immunisation qui consiste
pour un organisme vivant à se protéger contre son autoprotection en détruisant ses propres défenses immunitaires (maladies auto-immunes).

Si nous parlons autant de l’immun, c’est que le retour de la religion consacre cette notion sacrée en la réhabilitant contre le monde profane tout comme, le
retour de la religion, par sa nature destructrice, pratique une logique d’’auto-immunisation de la religion selon les termes de Derrida.

En effet, la protection légitime de l’indemne, du sacré, de l’immun existante dans toutes les religions abrahamiques se double d’une nécessité de se protéger
soi- même, de s’auto immuniser, par sa propre police, son pouvoir de rejet et de critique, face à la violence de l’immun.

L’auto-immunisation consiste alors à se protéger soi- même en tant que croyant ou non croyant, de se protéger tout court. L’indemne crée une Auto-
immunité de l’indemne face à ses dérives et à son dogmatisme.

L’immun n’est absolument pas propre à l’islam car il concerne toutes les religions ou tous les cultes de Dieu ou des
Dieux.

En effet, le culte de l’indemne qui fonde le sacré, est propre à toutes les langues indo européennes montre Derrida.
Le sacré et l’indemne ne concerne pas que les religions abrahamiques, mais aussi la religion védique (décrit dans le
livre du Véda de la tradition religieuse hindoue), et dans un certain sens les religions antiques

Le caractère de l’immun propre aux religions monothéistes ou non se décrit comme une force exubérante et
fécondante, capable d’amener la vie et de faire surgir les productions de la nature. En Sanscrit, «sûra» signifie
fort, mais il désigne aussi Zarathoustra, celui qui est Dieu et fort en même temps. Et, le verbe védique su/ sva
signifie l’Aurore qui veut dire, ce qui s’accroit, prend de la force et de la prospérité, ce qui a la vertu d’être fort et
vaillant.

On a ce même rapport notionnel avec le grec ancien. Κυέω : veut dire « être enceinte », « porter en son sein »,
« enfanter »,Et «  κῦμα » veut dire, ce qui s’enfle, à l’instar, du flot ou de la vague de la mer, d’une part et, d’autre
part,

κύριος veut dire le maitre, celui qui a l’autorité, le droit de vie et de mort, ce qui a le « κῦρος » c’est-à-dire l’autorité
souveraine.

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Immun implique :

 Deux sources du sacré


 Ce qui est non souillé et pur
 La retenue ( Verlassenheit)
 Mais aussi la démission ou la haine de la raison et du jugement
 Le développement de tabou et la ruine de la science

1° nous comprenons que l’immun révèle deux sources du sacré


A) la force de vie, la fertilité, l’accroissement , et
B) le pouvoir, la force souveraine et l’autorité commune à toutes les religions abrahamiques et
communes aux langues indo- européennes.

2° l’immun nous montre aussi ce qui est indemne, non souillé et pur ( Dieu, le temple, le
culte, les actions de grâce, la prière).

3° C’est pourquoi, on comprend que la religion implique alors le respect, la pudeur


(Scheu), l’arrêt, la retenue (Verhaltenheit), la discrétion (Gelassenheit).

Heidegger peut donc dire de la religion qu’elle est « la retenue devant ce qui doit ou devrait
rester sain, sauf, intact, indemne, devant ce qu’on doit laisser être ce qui doit être, au prix
parfois du sacrifice de soi et dans la prière ».

4° Parallèlement, la glorificationet l’exaltation de l’indemne et du pur conduisent bien


trop souvent au pire à la violence et à une causalité délirante conduisant à la haine de
l’autre et à sa mort, mais aussi et c’est le problème, le retour des religions conduisent
trop souvent à la haine de la raison et au mépris du jugement clair et distinct car croire
n’est pas penser et dire que croire est penser c’est ne plus vouloir penser.

En préférant à ce qui est pensé et ce qui est jugé, adorer le sacré et en interdisant toute
interprétation des textes sacrés comme le montre encore Heidegger : en n’opposant pas
la religion à la raison et à la pensée, on rend alors possible la misologie, la haine de la loi
et la contestation du droit en exaltant le culte du sacré, de la pudeur, du respect, de
l’interdit et la halte de tout ce qui serait malsain, impur et pas indemne.

5° L’idée selon laquelle la religion


interdit toute modification du vivant comme créature
divine conduit à la multiplication de tabous : l’ interdiction de l’avortement, l’interdit du
progrès scientifique comme l’insémination artificielle ou la thérapie génique qui
constitue un acte contre l’immun et ce que l’on doit laisser indemne et à Dieu.

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Pourquoi parler de LA RELIGION, article défini au singulier et non pas des religions ?

1-3 la religion abrahamique et les lumières (L uniquement)

Parce que la religion est abrahamique, elle est lumière. Elle a un lieu. L’orient et la méditerranée. Dans la religion, on ne séparera jamais la coïncidence du
rayon de soleil avec l'inscription topographique de Dieu, en l’occurrence, la religion abrahamique, l’énigme de l'Orient, du Levant et de la Méditerranée.

Je constate que si Dieu est atemporel, la religion monothéiste abrahamique a un lieu, où elle s’est toujours développée. La Méditerranée et le Proche Orient,
comme s’Il n'y avait pas de religion sans langue et sans nation, comme si toute passion religieuse se déclinait en langues européennes ou proche orientales et
nom pour le dire et en parler.

La lumière (φάος : la lumière, φαίνω : faire briller, faire paraître, rendre visible, faire connaître) commande le discours (φανοῦμαι : moyen, se montrer en
soi, apparaître) dans la manifestation de la révélation (Offenbarkeit).

La lumière dicte ce que hier encore on croyait soustraire voire opposer à la religion, et dont il faut repenser l'avenir aujourd'hui, les Lumières (l’Aufklärung).

Le langage indo européen constate Benveniste rassemble sous le nom de dieu (θεός), ce qui est lumineux et céleste. Noel devient l'avènement du Christ Roi
pour les Chrétiens le jour où la nuit est la plus longue.

Dieu dans toutes les religions monothéistes est la lumière et l’esprit qui combattent le monde des ténèbres.

Que nous soyons croyants ou non, nous ne sommes pas prêtres liés à un sacerdoce, ni théologien, ni représentant qualifié et compétent en une religion, ni
des ennemis de la religion au sens où l'on croit trop souvent et à tort, que les philosophes sont des ennemis de la religion.

Mais, et c’est probablement très important, NOUS PARTAGEONS avec les philosophes des
Lumières un goût sans réserve, un amour inconditionnel pour ce que nous appelons la
démocratie républicaine, comme si on ne pouvait pas penser le fait religieux sans la
politique, comme un modèle universalisable, ce qui lie la philosophie aussi à la chose
publique, à la publicité et aux Lumières en vertu de l'espace public où s'exerce la politique
démocratique et la philosophie.

Alors que par opposition, si nous avions un dégoût pour la chose publique, si nous
n’avions que de la haine pour la démocratie républicaine, on ne pourrait pas penser que la
philosophie et la politique peuvent s’émanciper, toutes les deux du pouvoir théocratique.
La philosophie deviendrait une théologie, la politique serait au service des dogmes
religieux. On préfèrerait à la publicité, à l’ouverture, le secret, le privé.

Le pouvoir théologique et théocratique soumettrait ensemble la philosophie et la


politique à une autorité religieuse.
Autrement dit, ainsi que l’avait déjà montré Saint Augustin dont nous étudierons un extrait de la Cité de Dieu,
ainsi que 1700 ans plus tard, Michel Foucault comme Derrida en feront l’analyse, il n’y a pas de religion sans idée
du politique.

Et, réciproquement, il n’y a pas de liberté de conscience et de foi, si la politique et la philosophie sont inféodés à
une croyance religieuse dogmatique, c’est-à-dire à un pouvoir théologique et théocratique.

Mais nous comprenons que nous devons préciser la différence existante entre la foi et la croyance.

1-4 la croyance et la foi ( 1-3 pour les S)


La croyance : est un jugement subjectivement satisfaisant et objectivement insuffisant.

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On peut croire en de multiples choses, que la journée sera belle, qu’en sortant de ce lycée, tout ira pour le mieux
dans le meilleur des mondes possibles, la croyance est nécessaire à l’existence. Si ne croyais pas, je n’existerai plus,
j’anticiperais plus, je sombrerais dans la folie.

La foi :

A° le souci de Dieu. La foi est Latrie (du grec- latréia- : adorer). Elle désigne le culte rendu au Dieu unique.
L’expression d’une liaison renouvelée entre l’homme et Dieu est la foi. L’homme exilé sur Terre retrouve en la foi la
relation originelle perdue entre lui et son créateur. Relation qu’il cultive par la foi.

B° la foi est aussi manifestation sociale et extérieure qui se manifeste par le culte. Par le culte se développe des
croyances car c’est le culte qui impose les croyances et c’est pourquoi Voltaire pouvait très justement dire " C'est
l'apanage de l'humanité. De toutes les religions, la chrétienne est sans doute celle qui doit inspirer le plus de
tolérance, quoique jusqu'ici les chrétiens aient été les plus intolérants de tous les hommes".

Que veut-il dire ?

La religion chrétienne nous dit Voltaire enseigne la tolérance mieux que tout autre religion mais aussi rend possible
la moralité puisqu’elle peut donner l'exemple. D'où l'ingénuité de celles et de ceux qui pensent qui se mettent sous
le Drapeau de Voltaire pour fonder une laïcité qui serait opposé à toute foi réfléchissante ou à toute religion dans
les limites de la simple raison alors même que Voltaire développe l’idée que la chrétienté développe la Caritas, la
charité et le respect des autres par le paradigme du prochain ( Sermon de La Montagne où l’on doit aimer non pas
ceux qui nous aiment mais ceux qui ne nous aiment pas et Parabole du Bon Samaritain qui aime le prochain)

Mais en même temps, Voltaire stigmatique, dans l’article intitulé la tolérance dans le Dictionnaire Philosophique
non pas la foi et la liberté de conscience, mais la croyance lorsqu’elle devient une religion dogmatique.

Je cite, une religion " catholique, apostolique et romaine" qui en tant que religion dogmatique, conduit à
l'intolérance.

La croyance religieuse nous montre Voltaire s'oppose à la foi.

Pensons à la croisade des Albigeois, et à l'inquisition. La religion catholique devient alors, " dans ses cérémonies, et
dans ses dogmes, l'opposé de la religion de Jésus".

C° C’est là, un point extraordinaire, la foi n’est pas la croyance nous dit Voltaire. Mais qu’est –ce que la foi ? La foi
est fidélité à ce qui advient.

La foi c’est la disponibilité de notre Ame et notre assentiment à une rencontre


extraordinaire car la rencontre d’un Dieu ou d’un prophète ( Abraham ) va bouleverser l’ordre du monde.
Abraham fait basculer les humains des religions polythéiste vers la religion monothéiste, de l’adoration des Dieux
multiples en l’adoration d’un Dieu unique.

On peut penser à l’avènement de Jésus en Israël et en cette rencontre improbable qui bouleverse l’ordre établi
d’un homme fait Dieu.  On peut penser aussi à l’avènement de Mohamed dans la péninsule arabique qui va
durablement bouleversé, le monde arabe, ses mœurs, ses croyances, ses représentations et les hommes dans leur
âmes et dans leurs cœurs.

La foi est ouverture à l’hérésie, à une autre croyance car la foi peut penser l’hérésie, en discuter,
dialoguer avec soi -même et avec les autres, afin de penser l’idée de Dieu, interpréter la relation intime que nous

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avons avec lui et le rapport adéquat que nous pourrions avoir avec nos co-religionnaires afin de vivre ensemble
notre foi alors que la croyance religieuse chevillée à l’Ame et au corps, la combat farouchement et férocement.
Ex. Foi des Albigeois combattus par les catholiques. L’hérésie cathare combattue dans le sang et le crime.

Avoir la foi, c’est avoir la capacité d’interroger, de penser, de dialoguer avec soi même et les autres, être
disponible et donner son assentiment à l’ouverture alors que la croyance divise.

2) Penser n’est pas croire


Nous avons dit que la croyance un jugement subjectivement suffisant mais objectivement insuffisant.

Croire c’est juger tout simplement. Ce qui veut dire que la croyance est éminemment et le plus souvent non
religieuse. Croire c’est juger et le plus souvent comme nous le montre Descartes dans la Seconde Méditation, le sujet
responsable de sa pensée, est seul dans le monde, il est seul comme un ilôt dans le monde des opinions, des
croyances et des représentations. On pense rarement par soi même, on croit le plus souvent, notre esprit est peuplé
de représentations et de croyances qui nous permettent de vivre sans trop se poser de questions.

Prenons un exemple fort simple afin d’illustrer ces propos.

Ouvrons la porte d’une classe ou les fenêtres d’une classe qui se trouve au 5 ième étage du lycée. Si nous vous
disons, le cours est fini, vous pouvez sortir, tous les élèves sortiront par la porte principale et aucun ne sortira par la
fenêtre.

Pourquoi ? Tout simplement parce que la totalité des élèves croient à la chute des corps de telle sorte que le
jugement est suffisamment clair pour qu’ils y croient sans pour autant en posséder le savoir c’est-à-dire en connaître
les propriétés et en définir distinctivement l’essence.

Le halo de croyances est essentiel car elle constitue un guide pour notre vie quotidienne. Sans croyance, nous
tomberions dans la folie.

La croyance est utile à la vie et à la conduite de notre existence mais elle est insuffisante à instituer un savoir

Pourquoi néanmoins s’oppose-t-elle le plus souvent à la pensée ?

Lisons le texte d’Alain

La croyance est adhérence à une opinion avec un corps qui agit et qui agit comme un force de persuasion. Croire
ce n’est pas que juger comme le pense Kant, c’est adhérer avec son esprit et avec son corps. Croire c’est engager
son esprit et son corps, car lorsque l’on croit on est comme un chien qui mort son os, et qui ne veut pas le lâcher.
La croyance colle à l’esprit, à la peau et pénètre le corps.

Aucun savoir, aucun jugement ne nous fera changer d’avis. Seule la force d’une autre croyance pourrait renverser
la croyance à laquelle adhérent ma chair, mon corps et mon esprit.

La croyance est une force qui s’impose parfois contre les raisons de croire.

Dans cette perspective, nous comprenons avec Alain dans les Propos que penser n’est pas croire. La différence ne se
situe pas au niveau des objets de la pensée et de la croyance selon Alain mais elle réside dans l’attitude radicalement
différente du croyant et du penseur. Le penseur prend de la distance par rapport à son objet de pensée. Il est

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comme une Ame noble, qui sait prendre de la distance, sans être collé aux choses, car le penseur construit, analyse,
crée une vérité nouvelle.

Qu’est ce que penser ? «  C’est inventer sans croire » nous dit Alain.

Comment peut on inventer sans croire ?

Par le fait de «  concevoir, définir, calculer, démonter, remonter. »

Penser, ce n’est plus douter de tout en néantisant le contenu de sa conscience pour être responsable de ce que l’on
dit et de ce que l’on fait ( Descartes).

Penser, c’est pouvoir concevoir c’est-à-dire c’est la capacité d’inventer des représentations nouvelles, des
représentations actives parce qu’elles exigent de la méthode ( démonter, remonter, calculer, définir).

Penser c’est inventer de nouveaux modèles scientifiques.

La pensée est solidaire des méthodes scientifiques comme nous le montre aussi Paul Ricoeur dans Histoire et Vérité

Par opposition, la croyance adhère à l’objet. Il y a une exigence vitale de croire de tout son corps et de tout son
esprit comme si les organes vitaux étaient requis pour croire avec la ferveur nécessaire. Le L’image du croyant «  prêt
à mordre » veut dire que l’homme croyant engage sa vie dans la croyance alors que le penseur pour penser
véritablement doit au préalable se détacher des idées et instituer une distance entre le JE et le Monde.

Lorsque l’on pense, on prend de la distance par rapport à l’objet. C’est cette manière de nous disposer par rapport à
l’objet qui permet de structurer le réel.

Dans la pensée, L’objet n’est plus objet des sens et de la perception. Afin de pouvoir énoncer
une vérité scientifique, comme le fait le physicien (d’où le paradigme du physicien d’Alain) il faut faire éclater le
modèle théologico-philosophique de la vérité ( Histoire et Vérité de Paul Ricoeur) ainsi que l’a fait Galilée. La
vérité expérimentale dont il est question dans ce texte et qui précise la pensée, est solidaire d’une
méthode scientifique et de notre décision de définir un objet comme mathématisable et
non pas comme simplement objet des sens.

La vérité devient alors une attitude du sujet par rapport à l’objet.

Une manière de nous disposer et de nous remettre en cause puisque la vérité devient
solidaire d’un processus continu dans l’histoire de vérification mais encore plus de
réfutation.

Accepter la vérité, c’est alors accepter d’être réfuté.

La science construit bien plus qu’elle n’examine de même que selon Alain, penser c’est
bien plus construire qu’examiner.

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Objection possible du texte d’Alain et analyse de la croyance puis de la foi

Alain nous montre avec justesse que la différence essentielle entre le croire et le penser réside dans une attitude qui
fait du penseur un amoureux de l’idée qui accepte la critique et sait suspendre son jugement pour le réviser.
Cependant, la critique à opposer au texte est d’avoir compris la pensée et la croyance comme activité de l’homme
sans différencier l’objet de la croyance constituée de l’imagination de l’homme et de l’opinion commune alors que
l’objet de la pensée n’est rendue possible que si le sujet doute radicalement des croyances toutes faites, des
préjugés et de l’imagination afin que l’idée devienne une représentation distincte de l’esprit.

Nous pourrions, dans cette perspective développer la nature de la croyance. Si elle est essentielle à la vie, c’est que
la vie se satisfait des représentations communes qui fondent les habitudes et se méfie de ce
qui est nouveau et trouble l’ordre quotidien. En vivant dans des croyances, nous pouvons agir sans trop
penser, sans douter du monde ni d’autrui.

A quoi sert la Croyance ? A stabiliser le monde dans lequel on vit.

Croire, c’est alors rendre conforme un ordre présent et vécu afin de n’être déboussolé
par rien. La croyance rend conforme la représentation du monde que l’on a. Elle permet
une prise sur le monde sans être surpris.

Et s’il n’y a plus surprise et s’il n’y a plus étonnement, la croyance renvoie ce qui est
nouveau à ce qui est ancien afin que rien de nouveau de nous fasse douter de notre
manière de penser et de notre manière d’agir.

En un sens, on rejette la foi dans la croyance afin de n’être surpris de rien.


Transition : que penser alors la croyance par rapport à la superstition ?

3) La croyance et la superstition
La croyance est l’antinomie de la foi.

Car avoir la foi, ce n’est pas simplement adorer Dieu et faire de Dieu, un objet de culte, c’est être disponible pour
recevoir l’incroyable, ce qui n’est pas cru car la foi est une rencontre extraordinaire qui bouleverse le monde auquel
on croit : croire en Dieu c’est accepter un ordre divin dans le monde des vivants et communier avec des croyants en
un monde où l’inexistant et l’absent Dieu existe dans notre cœur et occupe l’espace. Si la croyance est nécessaire à
l’ordre du monde et rejette l’incroyable, la foi est l’assentiment à l’incroyable qui est vrai pour nous dans notre cœur
et dans notre chair.

Corrélativement, ce qui bouleverse le monde, est moins le rapport de Dieu à l’homme que l’incroyable vérité des
miracles, de l’incroyable que crée Dieu et auquel adhère l’homme de foi. C’est incroyable dit on mais c’est vrai.

Qu’est- ce que l’incroyable ?

Ce n’est pas ce qui n’est pas cru, puisque le croyant y adhère.

L’incroyable c’est l’acte qui rompt fondamentalement avec la croyance.

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Car si croire c’est avoir une prise sur le monde et sur nos représentations, croire à
l’incroyable, c’est-à-dire avoir la foi, c’est bouleverser le monde existant, en suscitant le
désordre c’est-à-dire en créant un ordre que l’on ne connait pas. Désordre de Jésus qui
conduit à sa condamnation à mort par Ponce Pilate.
Exemple : Pensons à l’avènement d’un Dieu unique lorsque les hommes croyaient en des Dieux multiples qui
habitaient avec nous dans l’Antiquité, voire à des Dieux animaux des Egyptiens.

Donc, avoir la foi c’est croire à l’incroyable. Et croire à l’incroyable, c’est avoir la foi, c’est-
à-dire être capable de s’étonner du moins dans un premier temps puisque une fois
l’étonnement acquis dans la foi, la foi devient croyance en transformant ce qui fut étonnant, merveilleux et
nouveau pour l’homme en un dogme.

La foi dans le temps se transforme en croyance pour avoir une prise efficace sur ce que l’on croie.

Puis la croyance devient un dogme, afin de rendre possible une croyance sans doute et sans penser. Alors le
dogme se situe aux antipodes de la foi, comme principe non discutable, admis, incontestable d’une doctrine. Ex
les dogmes de la l’Eglise Catholique et Romaine.

Cette transformation de la foi en croyance et de la croyance en dogme est nécessaire pour réaliser la religion. Il n’y a
pas de religions sans co-rélégionnaires qui partagent tous les mêmes croyances quel que soit l’espace et le temps.

Qu’en est- il alors de la croyance que l’on appelle la croyance superstitieuse ?

Dans les Deux Sources de la Morale et de la Religion, Bergson nous montre que le superstitieux est celui qui croit à
des miracles à la magie, et plus généralement à un monde merveilleux.

La superstition est fonction fabulatrice créatrice d’un monde merveilleux.


Mais être superstitieux, ce n’est pas être idiot, mais croire à ce qui n’est pas le réel.

La superstition, c’est s’inventer des images qui ne sont pas des perceptions et des souvenirs. Être superstitieux
c’est avoir la capacité d’inventer des histoires non pas pour expliquer l’origine du monde, la fin du monde ou donner
un sens à l’être pour la mort, comme le fait le mythe mais pour combler une incertitude dans l’avenir.

La superstition est donc une croyance visant à combler l’incertitude de l’avenir et à rompre avec l’angoisse du
présent et monde qui semble absurde. La superstition invente un nouveau en ré-enchante le monde présent. Le
superstitieux est celui qui détourne ce qui n’est pas connu en un allié qui lui permet d’agir alors avec une plus
grande confiance.

La superstition transforme ces objets, mesurables et mesurés par l’Esprit en CHOSES ANIMEES. ELLES DONNENT
DE LA VIE A CE QUI EST MORT OU A CE QUI EST CONSIDERE COMME INFERIEUR AU GENRE HUMAIN : PENSONSQ
AUX FABLES DE LA FONTAINE ; Il s’agit d’un récit merveilleux où les hommes sont devenus plus bêtes que bêtes
mais ou les animaux ressuscitent en ayant une nouvelle vie incarnée dans le bon sens ou la raison. Ces animaux
parlent non pas pour ne rien dire mais pour dire la vérité lorsque les hommes préfèrent vivre dans le mensonge.

La superstition comme ces fables fabuleuses inventent un nouveau monde où les objets
et les animaux ont une histoire. Cette histoire fait partie du genre humain. Ce qui nous

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permet de l’intégrer dans notre vie d’augmenter notre confiance dans l’action de tous les
jours.
Cependant, si la superstition augmente notre confiance et constitue un allié pour notre existence, elle pose de
sérieux problèmes.

1) La superstition accorde une autorité à des fictions qui ne peuvent être fondées en raison.
2) La superstition nous fait agir en fuyant le monde réel et non pas en s’insérant en lui-même pour le
comprendre que l’on peut gagner en sérénité.
3) En se fondant sur la fabulation, l’homme se raconte à lui-même des histoires en créant un monde d’illusion
dans lequel on se plait à vivre
4) Enfin, La superstition transforme l’homme libre en homme servile car la croyance devient un tabou. Il
devient interdit de ne pas y croire. Est donc refusé la liberté de dire non, la néantisation nécessaire du
sensible, des représentations et de l’opinion commune pour penser librement. La superstition devient
l’opium de la pensée.

Que peut- on conclure ?

A) Les adversaires de la foi, de la pensée et de la science sont les croyances. La force de pensée, de la science
et de la foi est la fidélité à la vérité métaphysique (Descartes, épistémologique et pratique).

B) les croyances perdent confiance en la vérité et en la raison. Le discrédit de la vérité conduit à la


déconstruction de la métaphysique mais aussi de la science.

C) Finalement ce qui réunit la science et la foi, c’est pour la première, la recherche de la vérité théorique
pour augmenter notre connaissance et, pour la seconde, le développement d’une vérité pratique pour
sauver l’humanité de l’homme dans l’amour du prochain.

D) On peut donc dire que paradoxalement, l’attitude du savant et de l’homme de foi est assez proche. Ils
prennent de la distance par rapport à la certitude sensible et le monde tel qu’il est. Il faut un Ame noble
pour aimer son prochain mais aussi une Ame noble pour prendre de la distance par rapport à la vérité
scientifique pour accepter la réfutation.

E) Enfin, et en dernier point, on peut aussi penser que la science est fondée sur la foi en l’avenir quand la
religion est fondée sur la foi en l’espérance et l’amour du prochain.

4) le fait religieux et la politique

4-1 l’origine latine du nom de religion


N’oublions pas comme nous le conseille Derrida de tenter de comprendre le sens des mots. Que veut dire dont
la religion ?

Elle est d’origine latine.

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D’une part, elle crée le concept d’immun et de sacré, face à l’impur et au profane, ce que nous avons déjà
analysé.

D’autre part, étymologiquement encore, la religion a deux acceptions en latin.

« Religere » et « religare ».

Dans le premier sens, la religion est ce qui lie. La religion nous lie. Certes mais qu’est- ce que cela veut dire ?

Dans un premier sens , celui de religere, la religion lie les croyants entre eux parce que en raison de leurs
croyances communes ils appartiennent à la même communauté religieuse.

On alors penser que c’est la ligature qui symbolise la religion. La religion aurait une fonction aliénante car elle
nous lierait les uns aux autres.

Dans un second sens, celui de «  religare » la religion constitue la répétition du lien entre moi et le créateur.

Autrement dit, la religion réinstaurerait le lien originel avec notre créateur. La religion restaure le lien originel
perdu en raison de notre exil sur terre. La religion renouvelle le lien. Il s’agit de se re- lier avec son origine.

Qu’est-ce que la religion ? La Nostalgie de l’origine.

4-2 : la religion est le désir de remonter à l’origine.


Ce que Foucault avait déjà compris de la révolution islamique iranienne, c’est que la religion constitue un acte
politique et théocratique pour restaurer la nostalgie de l’origine.

Être religieux c’est désirer le retour vers l’origine. La nostalgie de ce lien perdu entre moi et mon créateur.
C’est pourquoi, les hommes et femmes « capable de Dieu » selon l’expression
d’Augustin, c’est-à-dire les hommes capables de penser, peuvent alors désirer le retour
de ce lien originel et perdu.
En pensant Dieu et en le priant, ils restaurent le lien entre eux-mêmes et leur créateur.
Sont exclus du désir religieux, les plantes et les animaux tout simplement parce qu’ils sont incapables de
penser et donc de prier.

L’existence constitue un exil et une incomplétude. Seule la faim de Dieu permet le retour vers lui
en réalisant notre nature d’homme, visé comme créature divine et pas simplement
comme être conscient de lui-même oubliant son créateur.
La religion, ce n’est pas simplement des temples, des mosquées, des messes, des
prêtres et des fidèles. Non,
La religion c’est le DESIR de REMONTER VERS l’ORIGINE. « À Dieu lui-même ».
4-3 : Pourquoi le fait religieux semble indissociable du politique ?
Nous nous rappelons la formule fameuse de Saint Augustin dans la Cité de Dieu au livre14, chapitre 28 qui
nous montre que le développement de la conscience de soi conduit à l’exacerbation de l’EGO. L’homme erre
dans l’égoïsme et méprise alors son créateur.

Au livre14, chapitre 28

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« Deux amours ont donc bâti deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, la
cité de la Terre, l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi, la cité de Dieu. L'une se
glorifie en soi, et l'autre dans le Seigneur ».
Tout d’abord comprenons bien une chose : Le fait religieux s’étend aux œuvres humaines nous dit Saint
Augustin

Il n’y a pas de fait religieux sans œuvre humaine. Et ceci est d’autant plus vrai que lorsque l’on pense que la
religion n’est pas qu’une affaire d’adoration du Dieu et d’un culte fermé sur lui-même dans des églises, des
temples ou des mosquées.

Le fait religieux est que le croyant vit aussi avec ses semblables et qu’il doit considérer que servir Dieu dans
des œuvres sociales constitue aussi la pratique de la foi.

Ce que nous rappelle avec acuité , au moyen Age, en 1256, déjà Thomas d’Aquin dans les Opuscules
Théologiques, au chapitre 1, montrait que la foi ne se limite pas en la contemplation et la prière.

LA RELIGION N’EST PAS CLOTURE ;

La religion vit aussi avec les autres en pratiquant la charité. La charité n’est pas une
commisération honteuse pour se donner bonne conscience mais un elle est comportement et une action qui
visent à établir une justice sur terre en considérant que son prochain est son frère en amour de telle sorte
qu’au- delà de considérations sociologiques, l’homme, comme le bon samaritain, se doit d’aider son frère dans
le malheur et le besoin.

On comprend alors que la religion est UN ACTE SOCIAL : Parce que tout homme qui croit en Dieu doit être un
bon Samaritain qui vit l’amour du Seigneur en œuvrant dans le monde en pratiquant la charité, la religion n’est
donc plus un acte de foi mais un acte social. Elle fait œuvre dans la société en aidant, le pauvre, le déshérité, le
malade, en visitant les veuves et les prisonniers comme le montre Jacques et les ordres mendiants du Moyen
Age. La religion devient activité sociale.

D’où le problème suivant : Quel est le rapport entre le peuple des croyants la société civile et le politique ? 

Lisons le chapitre 17, livre XIX, de la Cité de Dieu d’Augustin d’Hippone. Que nous dit Saint Augustin ?

La cité terrestre SANS FOI et la cité céleste VIVANT AVEC LA FOI visent la paix mais d’une manière différente,
l’ une et l’autre.

Les deux paix auxquelles elles prétendent s’opposent radicalement entre elles. La paix de la foi exige la
pacification des hommes et des peuples par tous les moyens. LA PAIX DE LA CITE CELESTE EST L’HARMONIE DES
VOLONTES SANS LA POLITIQUE

La politique DANS LA CITE SANS FOI ( la nôtre) a pour fin d'assurer la paix civile, sans parler d'harmonie de
volontés ou de collaboration entre les hommes. , il y a coexistence d'individus pour lesquels la politique assure la
paix. La paix la plus indigente consiste à assurer par tous les moyens même illégitimes une paix civile et l'absence
de conflits.

On vit en paix en détestant son voisin.

Le texte nous montre clairement que la cité terrestre ne veut que la paix civile et n'a que faire d'une harmonie
de volontés.

Par opposition dans la Cité de Dieu ou la cité céleste, L'harmonie vise une communauté de volonté, et de
partage. Si la volonté de vivre avec l'autre n'est pas fondée, il n'y a pas de partage. Mais il ne s’agit que d’un
partage : être frère dans la foi.

L’harmonie de volonté que préconise le POLITIQUE EXCLUT LA CROYANCE ET LA FOI RELIGIEUSE.

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Elle vise à s’associer en vue d'une fin afin que des divergences d'intérêts et de points de vue soient discutées
pour vivre ensemble harmonieusement.

Soyons clair : la politique vise l’harmonie des volontés lorsque des volontés s’opposent entre elles, en raison
de volontés particulières et des inégalités entre nous. Dans le cadre de la religion, l’harmonie des volontés
préexiste sans s’occuper du politique car les croyants croient qu’ils sont des frères et que donc il y a une égalité
entre eux : ils sont prochains dans la croyance et dans la foi.

La religion ne veut alors qu’une politique utilitariste pour lesquels tous les moyens sont bons pour vivre sur
terre et pour prospérer dans la cité. La paix assure la sécurité afin que les besoins soient pourvus.

Cependant, lorsque la religion s’occupe des affaires humaines et du monde, elle ne veut pas que la politique
ait pour objet de développer les échanges, de prendre soin de l’homme, d’assurer son éducation, d’assurer une
plus grande égalité entre tous et de rendre possible l’éclosion de désirs raffinés.

La cité de Dieu n'en a cure. Seule importe à la cité de Dieu, l’instauration de la sécurité, de l’ordre civil et
l’absence de conflits.

Autrement dit, la politique ne sert que de véhicule pour mon voyage dans cette vie.

Elle n'a pas de valeur propre. Elle n'est pas fondée sur le dialogue et l'inégalité en vue de garantir une plus
grande égalité en droit pour tous les hommes.

Selon Saint Augustin, la politique n'a pas pour objet de fonder une liberté civile, un acte par lequel le peuple
devient sujet politique.

La politique ne vise pas cette fin, car une telle fin, l'égalité ou la liberté n'intéressent pas le peuple de baptisés.

Pourquoi ? Parce que les croyants sont déjà égaux en droit face à Dieu et dans leur communauté et sont libres
face au Seigneur.

En conséquence de quoi, la politique de la nation n'a pas à se substituer à la cité céleste. La politique n’a qu’une
seule fin, garantir la paix civile et devenir un moyen pour le peuple de baptisés de vivre tranquillement leur foi.

Néanmoins, se pose la question de savoir, pourquoi obéir aux lois si la politique n’intéresse pas la cité de Dieu ?

Parce que la paix est nécessaire aux deux cités. Il est bon qu’il y ait une concorde réciproque.

Les chrétiens obéissent aux lois civiles mais, en contrepartie, les païens (paysans) doivent les laisser vivre. La
persécution des chrétiens est dans toutes les mémoires. L'Edit de Milan qui a mis fin à leur persécution date de
313 après que l'empereur Constantin soit devenu chrétien et a fait de l'Empire romain polythéiste, un empire
chrétien.

Si les chrétiens ont été ainsi persécutés, c’est moins, en raison de leur croyance en un Dieu unique puisque l’on
pouvait considérer que la PHRATRIE ou la CURIE à Rome réunissait des familles qui pratiquaient le même culte
d’un Dieu unique (Zeus pour les Romains). S’ils furent persécutés par les Romains, c’est essentiellement parce
qu’ils refusèrent d’obéir aux lois romaines en substituant aux lois terrestres les lois divines. Autrement dit, ils
refusaient le droit païen qui conduisait à tuer son prochain en choisissant la nouvelle Alliance qui leur dictait
de s’aimer les uns les autres. Ils ne pouvaient donc pas accepter les guerres de conquête et l’esclavage auquel
était soumis la majorité des hommes et des femmes de l’Empire Romain. Ils devenaient donc des ennemis de
Rome.

Il est clairement fait état dans le texte, d’une vraie religion qui ne célèbrerait que le culte d’un Dieu et non pas
d’une fausse religion fondée sur les cultes de Dieux multiples.

Pourquoi la vraie religion refuse le culte polythéiste ?

On peut énoncer deux raisons.

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1) Dieu ne peut pas être multiple : Si Dieu est multiple, sa puissance est divisée par le nombre de Dieu. Il n’est
donc plus omnipotent et n’a plus d’efficace. Il est donc nécessaire de ne penser qu’au Dieu unique.

2) Si les dieux sont multiples, ils se défont eux-mêmes, à se préoccuper de ce qui ne les regardent pas, en
l’occurrence, les mariages et les saisons et toutes les affaires humaines et terrestres qui ne sont pas des
affaires divines. Ce qui explique l’énumération longue faite ici de ces Dieux païens que l’on idolâtre alors que
leurs puissances est réduite à néant par l’existence sans fin des dieux.

Quel rapport, alors, cela implique-t-il entre les croyants d’un Dieu unique et ceux qui croient plusieurs Dieux ?

Saint Augustin parle clairement d’une guerre entre les croyants en Dieu et les autres qui ne croient en plusieurs
Dieux.

Dieu, dans sa Providence a fait triompher son peuple. La Religion unique de l’empire romain devient la
Chrétienté. En ce sens, on peut dire que la chrétienté a triomphé des Païens. Elle fonde une légitimité qu’atteste
son universalité car elle devient la religion de l’Empire Romain.

Si les chrétiens luttent contre les païens, c’est parce que les chrétiens ne veulent pas d’une politique qui s’oppose
à la religion du Dieu unique.

Mais, et c’est tout le problème, Ils ne veulent donc pas du paganisme mais on pourrait aussi ajouter dans un
commentaire de texte, afin de montrer l’acuité de ce texte, que la LAICITE poserait aussi problème. En effet, si
les païens étaient majoritaires au sein d’une nation, cela conduirait à remettre en cause le Cité de Dieu.

Corrélativement, on pourrait dire que si les laïcs étaient majoritaires au sein d’une nation, ils pourraient
remettre en cause la cité de Dieu. Il serait donc légitime de les combattre au nom de la vraie religion.

Autrement dit, la politique doit défendre la paix civile sans s’opposer à l’existence d’un culte et de croyants qui
veulent adorer un seul Dieu.

La politique doit respecter la liberté de conscience, la liberté de culte et la pratique religieuse des chrétiens
quand bien même cette pratique conduirait à une guerre contre tous des païens qui combattent trop souvent la
liberté de croyance des chrétiens et leur culte.

On pourrait penser que remettre en cause la liberté du culte chrétien par la politique légitimerait une guerre
« juste » des chrétiens contre les gouvernements en place.

Dans cette perspective, la politique est soumise à la foi et à l’ordre chrétien car elle ne peut pas, du moins dans
ce texte, rendre raison aux païens, car cela constituerait un trop grand risque pour la liberté de culte des
chrétiens.

En contrepartie, les chrétiens passent un pacte avec les institutions politiques en place en s’obligeant d’obéir aux
lois de leurs pays.

On ne peut pas dire que la religion ne s’oppose pas au politique puisqu’elle s’y oppose si la politique ne défend
pas la seule religion vraie, celle qui pratique le culte du Dieu unique.

Autrement dit, on obéit aux lois politiques à la condition que ces lois disent qu’il n’existe qu’un seul Dieu.

Vivre en communauté, dit le texte en latin, c’est vivre dans le cadre de lois communes (la communauté des lois,
dit expressément le texte latin).

Finalement que conclure, y a- t- il une Indifférence du Chrétien ?

La réponse n’est pas aisée.

Par rapport à l’analyse que nous avons fait du texte, nous pouvons dire, d’une part, que le chrétien peut entrer
en guerre pour défendre sa religion mais, que d’autre part, que le croyant obéit aux lois politiques parce qu’elles
permettent de vivre en sécurité et que la paix est nécessaire aux croyants.

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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Les croyants ne s’opposent pas à la politique aussi longtemps que la politique leur permette de pratiquer leur foi
et d’étendre cette foi à d’autres continents.

Mais, et c’est tout l’ambiguïté de ce texte, on ne devient pas un sujet politique en devenant un mauvais chrétien
car on perdrait sa foi.

Autrement dit, Echanger sa foi contre la politique c’est perdre son Ame : on est d’abord croyant, et parce que
l’on croit corps et âme, la politique comme instrument de la foi.

En 425, et d’après cet extrait de Saint Augustin, il semble difficile de penser la politique comme souveraineté
du peuple pour un chrétien. La démocratie représentative qui rend possible la souveraineté du peuple,
indépendante de la religion du culte, semble impossible à envisager. On est chrétien d’abord, la politique n’est
qu’un véhicule permettant d’exercer notre foi.

Dans la seconde partie du texte de « ainsi, pendant son pèlerinage «  Augustin analyse avec profondeur le
rapport entre la politique et le religieux  en se posant la question suivante :

Comment penser l’obéissance aux lois de la cité ?

Tout d’abord, Augustin nous montre qu’il y a une indifférence à appartenir à telle nation ou telle autre ou de
parler une langue plutôt qu’un autre.

L’expression «  sans se soucier » signifie négativement, n’avoir rien à faire et être indifférent aux lois, aux
institutions, et aux langues.

Comment comprendre ce passage.

Tout simplement en se mettant à la place d’un croyant. Nous ne sommes que de passage. Comme nous l’avons
déjà dit, la politique n’est qu’un véhicule permettant d’exercer notre foi.

L’unité de ce texte est, une fois encore, affirmée en montrant que, la politique, n’est qu’un moyen en vue de
notre passage sur terre.

Finalement, à bien y réfléchir, la politique implique moins d’indifférence que de se battre contre elle. Le
croyant se bat le plus souvent contre le politique, car la politique institue des frontières, des Etats, des Nations
là où le croyant est sans frontière, sans Etat et sans Nation.

Saint Augustin nous montre que si la politique pose un vrai problème c’est qu’elle divise les nations alors que
le chrétien cherche à fonder un monde cosmopolite : la cité de Dieu sur terre.

Le souci du chrétien, nous montre Saint Augustin, est le culte d’un Dieu unique en réunissant les croyants dans
des rites codifiés par les Conciles, ce qui permettra l’unité de la pratique religieuse au-delà de tout politique.

Le chrétien n’a pas de désir du politique. L’expansion de l’empire chrétien qui deviendra le Saint Empire
Germanique et la diffusion de la chrétienté est tout d’abord une affaire entre chrétiens qui n’a que faire du
régime politique en place.

On pourrait dire, sans contre sens, que, peu importe au chrétien au V ième siècle, le régime politique en
vigueur, que ce régime soit tyrannique ou non pour le peuple, ce qui importe au croyant, c’est que la politique
sauve la religion en lui permettant de franchir les frontières et d’instituer la cite de Dieu sur terre.

Alors, l’obéissance aux lois est de pure forme car la loi ne sert pas à nous humaniser et à nous civiliser ou nous
rendre libre. Elle n’est recherchée que pour assurer la sécurité et la paix sociale.

Le chrétien en a cure de l’évolution du droit et des institutions car il ne trouve la liberté que dans la foi et dans
l’égalité entre les croyants.

Le droit ne devient qu’un simple légalisme régulant des êtres dans leurs appétits et leurs Ego afin d’éviter la
guerre de tous contre tous.

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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Le droit constitue la discipline nécessaire pour faire régner l’ordre dans le monde. On se conforme à l’ordre
dicté par le politique pour que règne la religion. On ne pense pas la politique.

Nous comprenons alors qu’avec Saint Augustin et à la différence notable d’Aristote, l’homme n’est plus un
animal politique puisque qu’il ne développe pas sa raison dans le cadre public de la politique en délibérant.

L’homme ne devient pas plus humain grâce au langage, à la délibération, à la recherche d’un compromis et en
s’occupant d’affaires publiques auquel les affaires humaines privées le privent de tout cela.

L’homme devient plus humain par amour de Dieu, et, réciproquement, par l’amour du prochain qu’il engendre
en créant la paix sociale sur la terre et, un monde cosmopolite, habité par des hommes qui n’aiment qu’un
Dieu.

La valeur principale du croyant est donc la vie selon la foi.

Que signifie cette expression « et rapporte la paix terrestre à la paix céleste » ?

Qu’est-ce que la paix véritable ?

Le plus petit dénominateur commun à la paix terrestre et céleste est la paix sociale et l’ordre.

Cependant qu’est-ce cette paix céleste ?

Elle ne peut pas être une paix de l’au-delà car comment en parler alors que le concept est sans existence.

Augustin nous dit que cette paix céleste est une « union très réglée et très parfaite… et notre prochain en Dieu ».

La paix céleste n’est atteinte que par des créatures raisonnables qui sur terre reçoivent la Grâce de Dieu.

Cela ne veut pas dire que les chrétiens sont inégaux entre eux parce que certains auraient la grâce et d’autres
pas.

Il n’y a pas d’homme élu plus qu’un autre. L’homme est élu de Dieu parce qu’il croit en Dieu. Croire en Dieu
suffit à être reconnu du Seigneur. Sont exclus, par opposition de la foi, les créatures non raisonnables. C’est-à-
dire les animaux. Car ils sont incapables de penser Dieu. Autrement dit, en pensant Dieu et en ayant la foi en
lui, nous sommes chrétiens.

La paix céleste est dite céleste car l’homme en religion restitue le lien originel avec Dieu. Exilé sur Terre, nous
pouvions vivre sans lui et être un atome isolé dans le monde. Grâce à la religion, nous retrouvons ce lien
originel perdu en rétablissant une relation verticale entre nous et Dieu.

La paix céleste est donc une paix retrouvée, une forme d’ataraxie rendue possible par l’amour du prochain. Si
la paix terrestre est la paix civile, la paix céleste consiste à une paix véritable grâce à l’amour de ces
semblables.

Dans le cadre de la paix terrestre, la loi nous dit « tu ne tueras pas ton prochain ».

Dans la paix véritable et céleste, le croyant accorde sa confiance en son prochain en l’aimant comme soi-
même.

Et donc comme n’importe qui en ne s’aimant pas lui-même plus que les autres car cela signifierait qu’il aimerait
toujours moins autrui.

Nous pouvons conclure en disant que :

1) Il n’y a pas de religion sans œuvres sociales car on ne pense pas qu’à Dieu on agit au service de Dieu dans le
cadre des œuvres sociales par amour du prochain pour rendre l’Amour à Dieu, cet amour qu’il nous a donné
à nos semblables. La religion a donc un efficace au niveau social, dans ces œuvres sociales. On peut penser
aux Ordres Mendiants du Moyen Age mais aussi aux œuvres caritatives d’aujourd’hui. En ce sens, le fait
religieux est social pas simplement par la manifestation du culte, mais par ces effets dans la société
Cours sur la croyance, la foi et la religion
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2) Cependant, si le croyant œuvre dans la société en aidant son prochain, il sépare le fait religieux du fait
politique. Le problème que met en exergue Saint Augustin est que le croyant fait la guerre aux Païens mais
aussi qu’il ne s’intéresse, au politique que parce qu’elle est le véhicule de l’ordre social. Autrement dit, et
c’est le problème, croire en Dieu et accomplir des œuvres sociales au nom de Dieu, c’est accepter, que la
politique n’a plus de sens. Elle n’a plus qu’un seul objet, instaurer l’ordre social et la paix civile. De telle sorte
que l’on vide la Politique de son sens : on ne s’intéresse plus à la constitution civile par lequel le peuple
devient sujet politique, on ne cherche pas à faire du politique en vue de réduire les inégalités et de
développer la liberté civile par le Droit. Le fait religieux s’oppose alors au politique en lui ôtant toute
raison d’exister et ne lui conférant qu’une seule prérogative nécessaire à l’expansion de la foi,
l’instauration de l’ordre public

3) Cependant, Il pourrait ne pas y avoir d’opposition entre la religion et la politique si le croyant accepte le fait
que la politique ne s’intéresse pas aux dogmes et à la pratique religieuse en garantissant la liberté de
conscience pour autant que le croyant accepte que dans une République ou dans une Monarchie
constitutionnelle, tous les hommes ont les mêmes droits, tous les citoyens quelques soient la foi et la
croyance de chacun. Ainsi ils doivent être éduqués, et être libre de tout Seigneur, c’est-à-dire ils doivent
pouvoir être libre de vivre avec la foi mais aussi sans foi et sans croyance en une religion.

Après cette analyse qui a mis en exergue la difficulté de penser le fait religieux indépendamment de l’institution
parce que, pour le croyant, parfois, la politique sert de véhicule à l’ exercice de sa foi et au développement de la
religion du simple culte, comment penser la religion dans la limite de la simple raison ?

4) Penser la religion dans les limites de la simple raison

Comment pourrions-nous aujourd'hui envisager de traiter la Religion dans les Limites de la Simple Raison ?

Dans un premier sens, la religion recherche les faveurs de Dieu. Elle n'agit pas. Cette religion que Kant nomme la
religion du simple culte (des blossen Cultus) n'enseigne que la prière et le désir et réunit les coreligionnaires.

Par opposition, la religion morale (die moralische Religion) intéresse la bonne conduite de la vie (die Religion des
guten Lebenswandels).

Cette religion commande l'agir, elle dissocie l'agir du savoir, car elle prescrit de devenir meilleur, de changer, de
combattre son comportement, de lutter contre sa nature.

Si cette religion morale se dissocie du savoir, si la foi se distingue radicalement du savoir, c'est parce qu'il n'est pas
nécessaire de savoir ce que Dieu fait ou a fait pour notre salut" nous dit Kant, mais " bien de savoir ce que nous-
même devons faire pour se rendre digne de ce secours". Autrement dit, Kant oppose la religion du simple culte
qui implique l'acceptation d'une foi dogmatique auquel nous adhérons qui concerne le savoir de l'essence de Dieu,
de sa nature, de ses actes, de son existence, de son histoire et de ses commandements, à la foi réfléchissante.

Kant dissocie la foi dogmatique de la foi réfléchissante car la foi réfléchissante ne dépend pas d'une révélation
historique de Dieu, de son histoire et de ses dogmes.

La foi réfléchissante s'accorde intimement avec la raison pure pratique. Elle ne s’accorde qu’avec la
raison pure pratique comme si Dieu, son histoire et ses dogmes n’existaient pas.
Elle est ce que Kant appelle, la religion dans les limites de la simple raison.

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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Cependant, plutôt que de montrer que seule la foi réfléchissante rend possible l’ existence entre la religion, la
morale et la politique, Kant tire une conséquence vertigineuse de cette opposition : la religion chrétienne est une
religion " morale" car elle libère une foi réfléchissante.

La Moralité pure et le christianisme seraient- ils indissociables ?

Kant veut nous montrer que l'universalité inconditionnelle de l'impératif catégorique est évangélique et
en ce sens, la loi morale kantienne inscrite dans nos cœurs, peut être considérée, comme une mémoire de
la Passion du Christ.

Ce que nous dit Kant est aussi ce que pense Nietzsche.

En effet, en prenant constamment pour cible Paul, pour pouvoir attester de la mort de Dieu, Nietzsche nous montre
que le christianisme a pu avoir cette force incomparable d'avoir intériorisé la croyance en la foi.

Ainsi que Nietzsche nous le montre dans l'Aurore, le christianisme a su se débarrasser du fardeau de la loi divine
pour intérioriser la foi en prônant l'amour du prochain.

Autrement dit, ce que pensent Nietzsche et Kant est le christianisme peut se libérer de la LOI DIVINE afin de n’obéir
qu’à la loi du cœur.

Ne plus obéir aux lois de Dieu mais à la loi du cœur.

Le prochain que l'on aime comme soi-même, alors que l'on ne peut pas aimer soi-même comme n'importe qui est
une conséquence de l'amour des chrétiens qui en raison de l'amour de Dieu qui s'est fait homme et a sacrifié son fils
sur la croix, peuvent alors irrationnellement aimer les autres comme eux –mêmes et se considérer soi-même
n’importe qui, ce qui est aberrant dans le monde ordinaire où soi-même est un moi qui s’aime beaucoup que les
autres ainsi que la très bien démontré Kant dans le second paragraphe de l’Anthropologie du point de vue
Pragmatique.

De plus, ce qui nous permet de comprendre pourquoi Kant associe la moralité pure à l'essence du christianisme,
c'est aussi parce que le chrétien peut se suffire de la foi réfléchissante sans s'embarrasser des croyances et du savoir
dogmatique.

En effet, le chrétien, est libéré du fardeau de la loi pour n'aimer que la foi comme le dit justement Nietzche.

Ce qui veut dire, et ceci est plutôt vertigineux, encore, que par amour du christ, le chrétien devrait agir moralement,
et faire COMME SI Dieu n'existait pas et ne s'occupait pas de notre salut.

Ce qui immoral est d'agir en vue d'une récompense comme le paradis.

Par opposition, ce qui est moral, n'est pas le but de l'action mais l'intention de l’action, aimer et agir selon la
bonne volonté comme si Dieu nous avait abandonné.

En suspendant l'existence de Dieu, l'immortalité de l'Ame, et l'union de la vertu et du bonheur, il ne reste plus que
le postulat de la raison pratique, l'idée de Dieu, qui assume la responsabilité rationnelle et philosophique de
l'existence d'un sujet moral, autonome, et libre car n'agissant que par pur amour de la loi morale et non pas pour
obtenir une grâce, le pardon de Dieu ou le paradis.

Finalement, avoir la foi réfléchissante, c'est agir moralement, en faisant comme si Dieu
n’existait plus.

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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Ce que pense finalement Kant c’est qu’il FAUT OUBLIER DIEU, son histoire ET DE SES
dogmes, pour N AIMER QUE LA FOI.

Ce qui peut nous paraître étrange de dire j’ai la foi en abandonnant le culte, les lois de
Dieu, l’histoire de Dieu, les arrières mondes et tout ce que l’on dit de Dieu.
A CONTRARIO, on peut penser alors que le judaïsme et l'islam sont peut-être les seules religions à ne pas pouvoir
abandonner Dieu, comme croyance et savoir.

La religion doit agir comme si Dieu n’existait pas ?

C’est toute la difficulté de la thèse de Kant.

Et toute la difficulté en tant que sujet de n’avoir comme source que la foi réfléchissante ?

En oubliant le livre dit saint, son histoire et en réalité l’histoire de Dieu et l’histoire
religieuse ?
Ce sont les questions que nous pose Kant en montrant que la condition sine qua non de la foi réfléchissante et de
faire comme si Dieu n’existait pas afin de ne plus être asservi à des croyances et à des dogmes et ne servir que la
loi morale en n’aimant les autres non plus simplement comme des sujets mais comme des prochains.

Peut –être alors, on peut penser que seuls, le judaïsme et l'islam sont les
derniers remparts qui nous prémunissent de l'idée d'abandonner Dieu et de
trouver en lui la miséricorde nécessaire en notre espérance ?
En continuant notre réflexion, on peut se demander si on peut penser une religion dans
les limites de la simple raison qui soit universelle en échappant aux religions du Livre,
comme religion du culte ?

Probablement que oui par le concept de tolérance.


C’est un des secrets de la communauté chrétienne, d’antan, lorsqu’elle n’était qu’une secte face aux Romains pense
Voragine dans la Légende Dorée. Les chrétiens n’avaient pas encore d’institution mais surtout la religion chrétienne
avant l’Edit de Milan de 313, n’était une religion sectaire. La religion des chrétiens était une secte par rapport aux
religions polythéistes de la Rome Antique.

Pourquoi étaient-ils jetés aux lions et mourraient-ils en martyrs ? Comme nous le rappelle Voragine dans La Légende
dorée, c'est, parce que leurs bourreaux, les romains avaient peur d'eux et ne les comprenaient pas.

Ils ne comprenaient pas, en effet, qu'ils puissent considérer autrui comme eux -mêmes et non comme un étranger,
et qu'ils puissent donc s'opposer à l'esclavage, à la guerre pour prôner la paix.

Autrement dit, les chrétiens étaient des victimes de Romains car ils détruisaient Rome, l'esprit de conquête qui avait
constitué sa grandeur ; ils combattaient les guerres qui permirent à Rome de devenir un empire et d'assurer aux
Romains, un avenir hors du Latium.

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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En d’autres termes, les chrétiens sapaient les fondements de l'empire romain tout comme ils remettaient en cause
l'inégalité sociale au fondement de la société et de la religion romaine en prônant l’amour du prochain par la
tolérance.

Voltaire a donc raison de considérer les premiers chrétiens en tant que sectes comme ceux qui par la foi étaient les
plus tolérants des hommes alors qu’ils devinrent intolérants et sectaires en fondant l’Eglise de Pierre et le
catholicisme, romain.

D'où, l'ingénuité de celles et de ceux qui pensent qui se mettent sous le Drapeau de Voltaire pour fonder une laïcité
qui serait opposé à toute foi réfléchissante ou à toute religion dans les limites de la simple raison.

Enfin, on peut penser comme nous l’explique Voltaire que la religion peut enseigner la
TOLERANCE et donc rendre possible la moralité car elle donne, la moralité, en exemple ou du moins,
selon Voltaire, les premiers Chrétiens persécutés par les Chrétiens, donnaient la moralité en exemple.

Pourquoi ? parce qu’ils vivaient leur foi et partageaient leur foi avant que l’institution
religieuse ne transforme cette foi en dogme.
On peut penser notamment à l’épreuve de la foi réfléchissante qui consiste en un combat permanent pour sauver
l’autre et soi-même en nous considérant toujours l’autre comme un prochain

Ainsi le Samaritain d’hier de Matthieu, 25-40, est l’anonyme d’aujourd’hui.

Le samaritain d’aujourd’hui n’est pas qu’un être de compassion mais un homme qui agit pour les autres en faisant
que les autres, déclassés, délaissés voire méprisés deviennent notre prochain. Le prochain c’est cette rencontre
singulière avec autrui à la première personne « par-delà de toute médiation sociale et qui ne relève d’aucun critère
immanent à l’histoire » nous dit Paul Ricoeur dans Histoire et Vérité.

C’est la manière personne dont je rencontre autrui et dont le sens de cette rencontre n’est révélé qu’au dernier jour,
« comme la manière dont j’aurai, sans le savoir rencontré le Christ » ainsi que nous le dit Paul Ricoeur.

Le Samaritain est proche parce qu’il s’approche et ne fuit pas son prochain mais il est aussi lointain car il ne vise pas
à s’abandonner à l’autre mais à le sauver comme lui-même et n’importe qui. Etranger, comme non Judéen, il
ramassa cet inconnu sur la route pour lui porter secours, amour et assistance.

On peut donc conclure que le prochain, c’est cette manière personnelle et non objective dont je rencontre autrui
par- delà de toute médiation sociale. C’est une rencontre qui ne relève d’aucun critère immanent à l’histoire.

C’est une vérité pratique que l’on appelle la CARITAS, la charité, qui consiste en un acte de foi dans la nature
humaine.

C’est l’amour et la charité qui gouvernent la foi pratique.

Peut-on alors conclure que l’impératif catégorique kantien, fait de l’autre, mon semblable ?

La loi morale inscrite dans mon cœur et dans la foi peut- elle faire de l’autre mon prochain ?

Une des formes de l’impératif kantien est la suivante : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien en ta
personne que dans la personne de tout autre, toujours et en même temps, comme une fin et jamais comme un
moyen ».

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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L’impératif catégorique me dit que je dois me le représenter comme mon semblable et le traiter dans mes actions
comme tel. La définition que je donne de l’autre est une définition pratique.

Je ne la tire pas de ce qu’il est, en tant qu’homme, mais ce qu’il est dans la manière dont je dois me le représenter.
Il est la REPRESENTATION DE CE QU IL DOIT ETRE. Cet énoncé est donc l’énoncé d’un devoir. La définition de
l’autre du devoir ne peut se tirer que de la forme même du devoir. Et, cette définition se retrouvera en toute loi
morale, quel qu’en soit le contenu particulier.

Complémentairement, cet autre qui est mon semblable a le même devoir. Il y a similitude de l’agent
moral car je pose l’égalité entre soi. L’autre est mon parfait semblable en tant que personne
morale mais il n’est pas mon prochain dans le cadre du devoir, il est l’agent moral qui est égal à moi-
même par réciprocité et reconnaissance mais non pas par Charité et amour.

Toutefois, si l’autre est mon semblable, on peut penser aussi, que c’est par amour de Dieu qui nous a fait
homme, que nous pouvons aussi aimer les autres comme nous même à la condition que l’on s’aime soi-
même comme n’importe qui.

Dans cette perspective, la religion devient morale en étant inscrite dans notre cœur lorsque nous disons
qu’autrui n’est pas seulement un agent moral, mon égal, mon semblable mais aussi, par la foi, par amour
et par fraternité, l’agent n’est plus un inconnu mais je le reconnais comme mon prochain.

Ce qui n’a pas de prix c’est le sacré, le saint, l’indemne, l’immun, le prix de ce qui doit inspirer pudeur, respect et
retenue. Ce prix n’a pas de prix. C’est ce que Kant appelle die Würdigkeit, la dignité de la loi morale, de la fin en
soi, de l’être raisonnable et fini qui aura son propre nom, distinct de tous les autres : le noumène. Le sacrifice de
soi consistant à obéir à la loi morale sacrifie donc le plus propre au service du plus propre. Je sacrifie mon
comportement à la sainteté de la loi.

On peut donc conclure a la faculté de penser la religion dans la limite de la simple raison :

«Deux choses remplissent le cœur d'une admiration et d'une vénération toujours nouvelles et
toujours croissantes, à mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de
moi et la loi morale en moi »

CLASSE LITTERAIRE : AUTRUI ET LE PROCHAIN

ANALYSE DU BON SAMARITAIN et LE PARADGIME DU PROCHAIN

Selon Paul Ricoeur, dans Histoire et Vérité

Le bon Samaritain est connu par la Parabole du bon Samaritain extrait de l’Evangile de Luc, 10, verset 25 à
37 :
25 « Un professeur de la loi se leva et dit à Jésus pour le mettre à l'épreuve : « Maître, que dois-je faire
pour hériter de la vie éternelle ?»
26 Jésus lui dit : « Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu'y lis-tu ? »

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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27 Il répondit : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme,
de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. »
28 « Tu as bien répondu, lui dit Jésus. Fais cela et tu vivras. « 

29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ?» 

30 Jésus reprit la parole et dit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba entre les
mains de brigands qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à moitié
mort.
31 Un prêtre qui, par hasard, descendait par le même chemin vit cet homme et passa à distance.
32 De même aussi un Lévite arriva à cet endroit; il le vit et passa à distance.
33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut rempli de compassion
lorsqu'il le vit.
34 Il s'approcha et banda ses plaies en y versant de l'huile et du vin; puis il le mit sur sa propre
monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. 35 Le lendemain, [à son départ,] il sortit
deux pièces d'argent, les donna à l'aubergiste et dit : 'Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en
plus, je te le rendrai à mon retour.'
36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des
brigands ?»

 37 « C’est celui qui a agi avec bonté envers lui », répondit le professeur de la loi. Jésus
lui dit [donc] : « Va agir de la même manière, toi aussi. »

Le problème n’est pas de croire ou de ne pas croire en Dieu mais de REMPLIR TROIS CONDITIONS
nous montre Paul Ricoeur dans Histoire et Vérité en analysant la parabole du Bon Samaritain qu’il
considère comme le paradigme du prochain.

L’autre n’est pas simplement celui qui n’est pas moi, mon ennemi ou un ami, ou encore une relation
sociale instrumentale et nécessaire à tout être social pour être reconnu par les autres, une manière
objective de rencontre l’autre dans les rapports sociaux de tous les jours ce que Paul Ricoeur, appelle
« le Socius ».

L’autre c’est le prochain, une manière subjective de rencontrer l’autre, que révèle la parabole du Bon
Samaritain.

Trois conditions sont nécessaires pour rencontrer l’autre comme mon prochain.

- 1) Considérer son prochain comme soi- même et donc comme n’importe qui.
- 2) aimer car sans amour, la rencontre est impossible : il s’agit de l’exigence du
proche

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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- 3) être dans un rapport d’abandon aussi de l’autre, ne pas simplement être proche,
mais savoir le quitter, ce que l’on peut appeler avec Paul Ricoeur, l’exigence du
lointain. Sans cette exigence, il n’y a plus de prochain mais que l’être aimé.
Un professeur de loi pose la question « Qui est mon prochain ?

Le professeur de loi s’attendait à une définition du prochain, qu’on lui apporte une réponse tout prête,
mais Jésus lui répond qu’il s’agit simplement d’un comportement :

« Va agir de la même manière, toi aussi ».

Le prochain, c’est cette conduite de se rendre présent à l’autre. 


S’il n’y a pas de rencontre avec le professeur de loi et le sacrificateur, si la rencontre échoue, c’est
parce qu’il n’y a pas de reconnaissance réciproque, parce les personnes ne sont pas présentes à l’autre.

Elles ne sont pas présentes à l’autre, parce qu’elles sont absorbées par leur fonctions, dans leurs
rôles.

Ils sont donc indisponibles à une rencontre.

Ainsi, le sacrificateur et l’homme de loi ignorent le voyageur.

Seul, le Samaritain, celui qui n’a pas de fonction sociale est disponible à une rencontre.

Il est désigné comme un homme anonyme, car il n’est pas Judéen et il est sans fonction.

Qui est le Samaritain ?

Celui qui est désigné sans aucune fonction sociale, sans attribut social, d’une part, et qui, d’autre
part, parce qu’il n’est pas judéen, est l’étranger.

C’est l’étranger qui devient un pèlerin en exil en Judée, et parce qu’il n’est pas absorbé par son
travail, parce qu’il n’a pas de fonction sociale reconnu et à reconnaître, il est libre pour cette
rencontre.

Il est tout simplement disponible pour être présent à l’autre.

Mais si ce récit a aussi un sens, c’est au terme de l’histoire qu’il l’acquiert.

Je cite Matthieu, 25-40 :

Le roi leur répondra : « Je vous le déclare, c'est la vérité : toutes les fois que vous l'avez
fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. ».
Ricoeur nous montre dans Histoire et Vérité que les œuvres de charité, ne consistent pas à faire de
grands biens ou simplement à avoir de la pitié pour l’humanité ou pour l’autre.

L’œuvre de charité (Caritas) est une œuvre du cœur : reconnaitre autrui comme son prochain.
Cours sur la croyance, la foi et la religion
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Je pourrais continuer cette analyse en disant que cette œuvre de charité crée une
histoire, l’histoire de ces rencontres, qui font sens pour les autres car c’est l’amour du
réciproque alors que dans la vie de tous les jours, les rencontres sont simplement
sociales, utiles et utilitaristes.

La rencontre de charité, la rencontre qui nous faire reconnaitre l’autre comme notre
prochain est une rencontre verticale car elle nous fait aimer l’inconnu, comme s’il était
nous -même, alors que nous même, nous ne pourrions jamais vendre notre âme à
l’autre en nous considérant comme n’importe qui.

Si l’on aime l’autre comme nous même en acceptant d’être soi -même, comme
n’importe qui, c’est par amour de Dieu.
Finalement, l’histoire des hommes, nous montre Paul Ricoeur, n’est pas faite que par des acteurs qui
modifient les événements, l’histoire des hommes n’est pas faite que par celles des héros
extraordinaires, ce que l’on appelle, les grands hommes que rappellent notre mémoire afin que se
crée le monde des hommes.

L’histoire est le rappel des récits des hommes qui ont fait notre monde.

Mais l’histoire, est aussi faite par des hommes sans fonction sociale et attribue mais qui bouleversent
notre vie et notre existence.

Ainsi, le Samaritain d’hier, de Luc 10-25 à 37 et de Matthieu, 25-40, devient l’anonyme d’aujourd’hui.

Ce n’est pas qu’un être de compassion mais un homme qui agit pour les autres en faisant que les
autres, déclassés, délaissés voire méprisés, deviennent notre prochain.

Le prochain c’est cette rencontre singulière avec autrui à la première personne « par-delà de toute
médiation sociale et qui ne relève d’aucun critère immanent à l’histoire » nous dit Paul Ricoeur.

C’est la manière, dont je rencontre autrui et dont le sens de cette rencontre n’est révélé qu’au dernier
jour, « comme la manière dont j’aurai, sans le savoir, rencontré le Christ » nous rappelle Ricoeur.

Le Samaritain est proche parce qu’il s’approche et ne fuit pas son prochain.

Corrélativement, le Samaritain est lointain car il ne vise pas à s’abandonner à l’autre, mais à le sauver
comme lui-même et comme n’importe qui.

Etranger, comme non Judéen, il ramassa cet inconnu sur la route pour lui porter secours, amour et
assistance.

On peut donc conclure que le prochain :

1) C’est cette manière personnelle et non objective dont je rencontre autrui par- delà de toute
médiation sociale
2) C’est une rencontre qui ne relève d’aucun critère immanent à l’histoire
Cours sur la croyance, la foi et la religion
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3) Il s’agit d’une vérité pratique que l’on appelle la CARITAS, la charité, qui consiste en un acte de foi
dans la nature humaine. C’est l’amour et la charité qui gouvernent la foi pratique. Une foi qui
rend possible pas simplement un sentiment de sociabilité mais un sentiment d’amour et de
fraternité par rapport à l’inconnu

MARXISME ET RELIGION : COMMENT LA RELIGION DEVIENT POLITIQUE ?

L’importance du rapport entre la politique et la religion alors que l’opinion commune l’oppose comme d’ailleurs le
marxisme. Déjà, dans un article du Monde daté du 4 décembre 1980, l’ancien président de la république algérienne,
Ben Bella avait montré le rapport entre la croyance et l’engagement politique. Si la révolution algérienne pouvait
être considérée selon un point de vue international et public comme marxiste, elle était selon le point de vue du
peuple algérien mue par une croyance en l’islam. L’islam selon Ben Bella représentait la seule révolte authentique
contre une domination culturelle et économique de l’occident. Je cite. «  Plus que l’arabisme, c’est l’islamisme qui
offre le cadre le plus satisfaisant, non seulement parce qu’il est le plus large et donc plus efficace, mais aussi et
surtout parce que le concept culturel le fait de civilisation doit commander le reste ». «  C’est l’islamisme qui offre les
meilleures chances d’une libération réelle ».

COMPLEMENT BIBLIOGRAPHIQUE POUR LES TERMINALES LITTERAIRES

Ménon 97A et 97 C (croyance et savoir)


De la liberté du Chrétien de Luther
Et
Traitement de la dissertation : peut- on désirer l’absolu ?
CONTRAT SOCIAL de Rousseau, Livre IV, chapitre VIII, Folio pages 289-291
Traité des autorités théologiques et politiques de Spinoza
Vicaire Savoyard de Rousseau
Warburton Dissertation sur l’union de la religion, de la morale et de la politique
Robespierre Sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, 18 Floréal, An II, du 7 mai 1794
Moby Dick de Melville
Phèdre de Platon – 571D578A et le Banquet de Platon – 201 à 205
Cicéron, Tesculanes, XXXII
Confessions de Saint Augustin – IV, X,VIII et XIII
Pour les Germanistes : Faust de Goethe GF, pages 27 à 86, Hölderlin, A l’Ether ? Poèmes de la Période d’Hispérion
Nietzsche, Le Crépuscule des Idoles
Critique de La Raison Pure, de Kant «  Idéal de la Raison Pure » page 421, Et «Canon de la Raison Pure »

Cours sur la croyance, la foi et la religion


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