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I. - Le statut de l ’Ecriture7
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Isabelle Bochet montre que, pour Augustin, l’Ecriture ne peut être « assimilée
à un livre quelconque8 ». Même si d’autres textes peuvent inviter le lecteur à
être illuminé par la Vérité, l’Ecriture y prépare plus que tout autre parce qu’elle
exhorte à l’humilité et à la charité - bien plus, parce qu’elle est elle-même la
manifestation de l’humilité et de la charité de Dieu qui rejoint l’homme là où il
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faut-il pas dire alors qu’Augustin (comme les Pères de l’Eglise en général) est à
situer clairement du côté de l’exégèse confessante - même s’il convoque au
service de celle-ci les ressources des disciplines dites profanes ?
La question que nous venons de poser pourrait donner l’impression de mettre
en cause l’actualité de la perspective augustinienne. Or, dans notre esprit, il n’en
est rien, non seulement parce que l’exégèse confessante a bien droit de cité
aujourd’hui même (à condition d’être, comme le voulait Augustin, une exégèse
respectueuse des « règles » d’interprétation), mais aussi pour une raison plus
directement liée à la situation culturelle qui est la nôtre. Dans cette situation, où
la Bible risque d’apparaître souvent comme « un livre parmi d’autres » (fût-ce
l’un des plus grands), où elle risque d’être traitée comme un simple « objet
culturel » - mémoire, certes, d’une grande tradition, mais à laquelle beaucoup
risquent de se rapporter de façon très extérieure -, dans cette situation même
(dont on sait qu’elle est aussi marquée, positivement, par de grandes attentes
spirituelles), l’exégèse d’Augustin ne trouve-t-elle pas une pertinence renou-
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la référence principale, mais bien plutôt Paul Ricœur. A vrai dire, Isabelle
Bochet ne s’intéresse pas ici à l’interprétation que ce dernier donne d’Au
gustin26 ; elle s’intéresse surtout à la manière dont Paul Ricœur réfléchit sur la
compréhension d’un texte, et à ses analyses fameuses de la narrativité. Mais elle
trouve là, justement, autant de chemins pour rendre compte du texte augustinien
des Confessions et de l’expérience qui le porte. On pourrait relever l’éclairage
que les analyses de Paul Ricœur permettent de jeter sur la question classique « le
récit de la conversion d’Augustin est-il un récit fictif ou non ? » (Isabelle Bochet
montre qu’il n’y a pas à opposer ici vérité et fiction : le récit opère bien une
transformation du réel, mais il doit justement se « vérifier » en produisant ce
qu’il raconte dans le narrateur ou parmi les lecteurs27). Mais nous retiendrons
surtout sa référence aux analyses de Paul Ricœur sur l’acte de comprendre un
texte comme acte de « se comprendre devant le texte » : les Confessions
apparaissent bien, de ce point de vue, comme « un effort d’Augustin pour se
comprendre lui-même en s’exposant au texte scripturaire28 ». Une comparaison
avec le De doctrina Christiana permet de préciser que les Confessions ne sont
pas seulement un récit paradigmatique du passage de la culture païenne à la
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lecture de l’Ecriture mais que, en sens inverse, l’Ecriture est au principe des
Confessions au sens où elle rend possible une nouvelle compréhension de soi29 ;
XIX-XXII. Ainsi, par sa manière même de lire l’Ecriture, Augustin laisse bien
entendre que la religion chrétienne est la « vraie philosophie ».
La question pourrait alors rebondir : est-ce l’Ecriture qui montre ainsi la voie
de la vraie philosophie, ou n’est-ce pas plutôt l’interprétation qu’en donne
Augustin ? De fait, Isabelle Bochet montre combien la lecture augustinienne de
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l’Ecriture est orientée, dans La Cité de Dieu, par un certain nombre de choix
(l’un des faits les plus surprenants est l’extrême brièveté du récit de la vie de
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39. Sur le sens de cette image du « firmament de l’Écriture » voir ibid., p. 25-31.
L 'H E R M É N E U T IQ U E A U G U STIN IE N N E D E LA B IBLE 389
Abstract : The recent book of Isabelle Bochet does not only explain the augustinian
exegesis of Scripture ; it invites also, through this way, to deepen some major aspects of a
contemporary reflection about Bible. Four questions are here considered : the statute of holy
scripture ; the link between the two Testaments ; the relationship between the reading of
scripture and the understanding of oneself ; the relationship between the exegesis of scripture
and the interpretation of christianity as true philosophy.