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Luis Miguel Ramos Barragan Travail Personnel: Spinoza

Université Sorbonne Paris IV Professeur: Hugo Lorgeril

La stylistique de la Bible dans le système de Spinoza

A première vue, il est clair que la philosophie de Spinoza n’a jamais développé explicitement
une théorie esthétique. Dans l'ensemble de son œuvre, l’on peut trouver très peu de passages
avec des tentatives de conceptualiser une notion présente dans la philosophie depuis Platon:
le beau. Cependant, dans le cadre de l’exercice d’exégèse biblique qui se développe dans le
Traité théologico-politique (T.T.P), une série de réflexions sur la poíêsis sous-jacente à la
bible se dégage, réflexions qu’on peut situer, dans un sens général, dans le domaine de
l’esthétique tel que nous la comprenons aujourd'hui, c’est-à-dire, à la fois comme l’analyse
rhétorique des œuvres et comme l’analyse de certains réalités culturelles dans son milieu.
Cela ne signifie pas que le but principal de Spinoza soit de considérer les textes sacrés en tant
qu’une fabrication culturelle. Au contraire, il est important de rappeler l’importance et le sens
du T.T.P par rapport au moment historique dans lequel il a été écrit: la mise en marche d’une
herméneutique biblique qui cherche à révéler le véritable contenu de la parole de Dieu, afin
de dissiper la superstition chez les hommes, qui les rendent faibles devant les usages
politiques de la religion fait par les théologiens et les hommes de pouvoir. Mais il est
important de souligner que, lorsque cette herméneutique se déroule, plusieurs conceptions
esthétiques sont mises en jeu comme préfigurations de la dimension politique de l'œuvre,
avec l’intention de détruire tous les éléments propres à la condition de création humaine qui
intègre la Bible. Ce point peut être vu plus clairement si l’on réalise que cet exercice
d'interprétation commence par la prise de conscience de la Bible comme création humaine,
un produit de la culture. En tant que production culturelle de l’humanité, la Bible perdre, en
partie, sa sacralité: elle est susceptible d’être la cible de jugements de natures diverses, liés
non seulement au contenu de la révélation, mais aussi à des jugements d’autres genres, tel
que ceux de nature esthétique, ceux d’analyses linguistiques ou de cadres comparatifs avec
certaines réalités historiques. Ce type d'analyse implique de mobiliser des conceptions
stylistiques qui correspondent non seulement à la poiesis de la révélation biblique, mais
également au caractère de ses auteurs, en pensant comment leur personnalité a pu façonner

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l'écriture de la Bible. Avec ce type d'analyse, la Bible est partiellement examinée au niveau
rhétorique en tant qu'œuvre, puis elle a été produit par des hommes et non par Dieu
lui-même. Mais elle est examinée de cette manière précisément pour détruire tout ce sens
rhétorique: la Bible ne montrera son vrai sens qu’en déployant une analyse rationnelle, qui
aura comme effet anéantir le pouvoir de l’image dans les récits du texte sacré. Cela ouvre la
porte à la compréhension d'une conception générale de l'esthétique dans le système de
Spinoza, que selon mon point de vue prend plutôt la forme d’une anti-esthétique.

Pour Spinoza, la Bible pourrait être interprétée comme étant porteuse de deux enseignements
fondamentaux: l'existence de Dieu et l'amour du prochain. Mais ces enseignements ne
peuvent être soustraits que lorsque nous dispersons les ténèbres que les prophètes ont
imprimées dans son contenu, en faisant passer le message de Dieu à travers son imagination.
En outre, il faut prendre la Bible comme une œuvre dont les auteurs sont des autorités
religieuses qui laissent ses traits sur l' écriture, en tant qu’ils sont ancrés dans un
environnement culturel et social spécifique. En effet, l'herméneutique de Spinoza implique
une certaine destruction du sens métaphorique de la Bible afin de révéler son véritable
contenu en élevant les traits propres aux prophètes, à travers d’une critique interne de
différents passages, émouvant d'autres passages de la Bible et même des ressources d'analyse
de la langue hébraïque, etc. Mais pour détruire ce sens métaphorique il faut d’abord
démontrer qu’elle est, en effet, une création avec un style et des astuces narratives concrètes
et non la parole directe de Dieu. Il y a donc un double mouvement: pour refuser les
utilisations politiques que les théologiens font du texte sacré, il faut d'abord les accuser de
mauvais lecteurs en tant qu’ils prennent les textes de manière littérale comme la parole de
Dieu en soi-même, sans comprendre son sens métaphorique et son ancrage aux différentes
réalités socio-culturels. C’est pour cette raison qu’on peut dire que chez eux il y a une
manque de sensibilité littéraire par rapport à la Bible. Mais toute à suite, Spinoza fait
disparaître ce sens métaphorique que les théologiens ne reconnaissent pas en mouvant une
interprétation philosophique, plus rationnelle, où seulement restent vivantes les deux vérités
annoncées précédemment. C’est-à-dire qu’une grande partie de l’œuvre est détruite par
l'analyse rationnelle, puis la Bible est surtout un recueil de récits ayant pour objectif la
promotion de la foi. J’estime que cela est d’une grande importance, puisqu’il nous place dans
un lieu à partir duquel on pourrait formuler la problématique suivante: Étant donné que chez

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Spinoza il existe une certaine dévaluation de toute création du type rhétorique à la poursuite
d’un style beaucoup plus sobre et structuré tel que celui de l'Éthique, qui fait appel à la partie
rationnelle de l'homme et non aux notions propres à l'imagination, est-il possible que
l'Éthique, dans son style de sobriété rationnelle, soit plus importante que la Bible elle-même,
même lorsque celle-ci possède les deux vérités fondamentales mentionnées? La Bible
n'est-elle pas réduite à un ensemble d'histoires superstitieuses et sans valeur? S'il en est ainsi,
il me semble que la chose la plus cohérente serait que Spinoza se détache de la Bible en tant
que source de contenu religieux valable, mais cela n’arrive pas. Or, pourquoi Spinoza
sauve-t-il la Bible? De mon point de vue, ce sauvetage ne peut être réalisé qu'à partir des
conceptions esthétiques non explicitées, une dérivation du conjoint de thèses propres à la
pensée de Spinoza, dans lesquelles la Bible est considérée comme une œuvre culturelle
destinée à un certain public. Le présent travail vise à approfondir sur ce problème.

1. Spinoza et le beau, sur l’imagination et la raison

Il sera un bon point de départ rappeler certains postures générales du système spinozienne,
surtout celles relationnées à l'esthétique et les degrés de connaissance; en voyant la manière
dont Spinoza s’exprime autour de cette matière dans le conjoint de son œuvre, nous donnera
une vision plus générale de sa théorie par rapport à la faculté de l’imagination, qui est une
notion centrale dans le T.T.P avec sa contrepartie, la raison. Le concept de l’imagination est
de grand importance étant donné qu’elle joue un rôle actif à la fois dans la compréhension de
plusieurs idées du T.T.P et comme base d'une théorie esthétique, elle est au même temps une
théorie de la connaissance, base sous-entendue des réflexions politiques de Spinoza et, de
manière indirecte, elle est aussi le point de départ de plusieurs conceptions par rapport à la
rhétorique dans le cadre de l'exégèse biblique. En plus, elle sera aussi, avec la raison, un
moyen de classifier les hommes et les réalités textuelles selon une degrée de complexité
culturel.

Comme j’ai mentionné auparavant, chez Spinoza il n’y a pas un travail explicite sur des
notions qui émergent autour de l’esthétique. Cela peut être compris si nous le pensons comme
une conséquence du moment historique dans lequel Spinoza a vécu. En effet, l’on doit
attendre les œuvres de Baumgarten avant que l'esthétique devienne une branche d'étude

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propre de la philosophie. Mais cela ne nous empêche pas de penser que Spinoza a une posture
et des idées sur la matière et qu’elles ont un lieu important dans le déroulement de sa pensée.
En lisant l'Éthique l’on peut trouver la référence suivante sur le concept de beau, sur laquelle
nous pouvons nous appuyer afin de concevoir le beau comme notion vulgaire pour
comprendre la nature:

“Si, par exemple, le mouvement, que reçoivent les nerfs, des objets qui nous sont
représentés par les yeux, convient à la santé, alors les objets qui en sont la cause sont
appelés beaux, et l’on dit laids ceux qui excitent un mouvement contraire. Ceux qui
émeuvent le sens par le nez, on les nomme bien odorants ou fétides; doux ou amers,
agréables ou désagréables au goût, ceux qui font impression sur lui par la langue, etc.
(...) Tout cela montre assez que chacun juge des choses selon la disposition de son
cerveau ou plutôt leur a laissé se substituer les manières d’être de son imagination. Il
n’y a donc pas à s’étonner (...) que tant de controverses se soient, comme nous le
voyons, élevées entre les hommes et que le Scepticisme en soit enfin provenu. Si, en
effet, le corps humains conviennent en beaucoup de points, ils diffèrent en un très
grand nombre et, par suite, ce qui paraît bon à l’un, semble mauvais à l’autre (...) Et
tous ces dictons montrent assez que les hommes jugent des choses selon la disposition
de leur cerveau et les imaginent plutôt qu’ils ne les connaissent. S’ils les avaient
clairement connues, elles auraient, comme en témoigne la Mathématique, la puissance
sinon d’attirer, du moins de convaincre tout le monde. (...) Nous voyons ainsi que
toutes les notions par lesquelles le vulgaire a coutume d’expliquer la Nature, sont
seulement des Modes d’imaginer et ne renseignent sur la nature d’aucune chose, mais
seulement sur la façon dont est constituée l’imagination” (Éthique, Spinoza, p. 66,67)

De cette manière, l’on voit bien qu’il n’y a pas une conceptualisation de l’esthétique comme
domaine séparé et avec un champ d’étude propre. D’abord, il faut dire que ce concept est
avant tout sous l’influence du système général que Spinoza expose dans l'Éthique, au sein
duquel tout a sa place spécifique et son rôle à jouer. Ainsi, le beau est surtout thématise
comme une notion vulgaire qui est souvent pensée comme une manière possible d’accéder à
la véritable nature des choses, une notion propre à l’imagination, mais qu’en vrai est
tellement opposée à la raison et pourtant elle ne fait pas partie de la unique bias véritable de

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la connaissance. Nous pouvons considérer plutôt classique placer la différence d’opinion, y
compris la différence d’opinion sur le beau, dans l’imagination en tant que faculté passive de
sensation et non au niveau de la pensée ou de la raison. En revanche, ce qui est intéressant
dans ce petit extrait c’est la mise en place d'une posture matérialiste afin de relativiser l’accès
que les êtres humaines ont, en tant individualités composés d’une sensibilité propre, de la
nature. Cette thèse est bien radicale par rapport à la tradition philosophique, par exemple, à
celle de Platon. Chez Spinoza il n’y a pas, d'un côté, différence d’opinion sur le beau et d'
autre côté, une idée véritable du beau à laquelle nous pouvons, éventuellement, accéder. Par
contre, toute conception de beau est conçue comme fausse, ou au moins comme tout à fait
contraire à la vérité au cas où nous avions l’intention de l’utiliser pour avoir une connaissance
de ce que Spinoza appelle êtres de raison.

Dans les prochaines lignes j'essaierai de montrer comment ces conceptions des notions
esthétiques jouent un rôle important en relation avec l'exégèse biblique qui Spinoza déroule
dans le T.T.P. Il peut être utile aussi d'avoir dans l’esprit le Scolie II de la proposition XL de
l'Éthique, dans lequel il est établie une classification entre les différents genres des notions
générales. Cet aspect de la théorie spinozienne nous aidera à comprendre dans quel sens est
comprise l’imagination. Selon Spinoza, les notions générales peuvent être trouvées en trois
degrés selon sa clarté et son rapprochement à la vérité: d’abord nous trouvons cette
connaissance qui est appelée connaissance de première genre ou imagination, qui a pour
objet au même temps des singularités représentées par la sensibilité et aussi les signes, qui
nous renvoient à d'autres réalités, par exemple les mots quand nous les lisons, les deux sont
toujours conçus comme essentiellement confuses, comme un rapprochement tronqué à la
réalité. Tout de suite, nous trouvons la connaissance du deuxième genre, qui reçoit aussi le
nom de raison et qui a pour objet des notions communes et qui sont tout à fait adéquates par
rapport aux choses. Depuis cette classification de connaissances et ses objets, il s’ensuit que
la fausseté ne peut être que dans l'imagination, tandis que la vérité ne peut être trouvée que
dans le deuxième genre de connaissances. Ici l’on trouve une approche plutôt cartésienne à la
conception de la vérité, point bien claire si l’on reprend l’exemple du soleil proposé pour
Spinoza dans le scolie de la Proposition XXXV de l’Ethique: si nous imaginons le soleil
comme plus proche de nous tandis qu’en vérité il est bien loin de nous, c’est parce que nous
ignorons la vraie distance du soleil aussi comme la cause pour laquelle nous le percevons de

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cette façon et non à la distance vraie. Certainement, en connaissant ces deux informations
notre perception ne sera pas réarrangée, mais nous ne serons pas plus dans la fausseté, l’on
sera éloigné de l’erreur. Ici on peut voire que pour Spinoza l’imagination comprend en même
temps la sensibilité et l'évocation des images et en particulier les mots sont compris comme
une réalité qui a comme essence être signe des choses, des images qui sont liées à la mémoire
en tant que faculté pour faire présente ce qui n’est pas en le moment spacieux-temporel
actuel. Parmi les plusieurs signes de l’imagination, les signes écrits, c’est-à-dire les mots, ont
un statut particulière, puis ils sont à la fois le signe par excellence et le moyen d’expression
de la parole de Dieu si nous pensons dans la Bible comme parole de Dieu, en vrai comme
l’unique témoin du divin. En effet, à mon avis cette condition de signe qui est dans l’essence
de la Bible ne doit pas être prise avec légèreté, puis conçue de cette façon, la Bible a un statut
particulier. Ainsi, comme faculté évocatrice, l’on peut penser que l’imagination a une grande
importance même si elle réside dans la fausseté. Cela deviendra plus important au fur et à
mesure que nous avançons par les réflexions de Spinoza.

2. La bible comme révélation de la parole de Dieu ou contre la superstition

La Bible peut nous témoigner sur ses deux vérités fondamentales: l'existence de Dieu et
l'amour du prochain, vérités lesquelles ne sont pas spéculatives: en opposition aux attributs de
Dieu, elles sont évidentes et tous les hommes peuvent les découvrir. Les attributs de Dieu,
dont sa vérité ne peut pas être tirée seulement des Écritures, ont besoin d’une analyse
rationnelle afin d’être saisies pour l’esprit, ils ont besoin d'un intellect aigu pour les
découvrir, ayant pour preuve que les prophètes ont des versions différentes de la nature de
Dieu. Mais la piété peut être établie seulement avec la connaissance de ces deux
enseignements fondamentaux, sans aucune nécessité de connaître la vérité sur Dieu. Le texte
sacré a ses origines encadrées dans un peuple particulier, il est une œuvre ancrée dans une
situation historique spécifique. L’ancien testament, par exemple, a été écrit afin de réunir ou
fonder le peuple hébraïque dans un moment où ils étaient comme des enfants et trouvaient
des problèmes pour fonder sa société: ils avaient besoin de certaines règles pour bien
organiser son état. C’est donc avec ce but que la plupart des récits de la Bible ont été écrits,
les normes du comportement qu’on y trouve ne sont pas valables à toute l’humanité. A la
base de cet argument, on trouve la distinction entre imagination et raison. La Bible est en une

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grande partie l’expression de l’imagination des prophètes, qui ont interprété la parole de
Dieu, c’est-à-dire, si un prophète parle d’imposer un loi ou une norme de comportement, il
faut bien comprendre s’il s’agit d’une norme qui a été dérivée de la nature de Dieu vers la
raison ou si elle est le produit d’une compréhension particulière de l’imagination personnel
du prophète. La religion est composée pour un certaine nombre de croyances tout à fait
applicables dans la vie courante, et la Bible est, effectivement, une source valide de ces
croyances, mais la validité de ce normativité est universelle seulement en tant qu’elle fait
partie de ce qui reçoit le nom de culte intérieur, qui Spinoza limite aux deux enseignements
que j’ai déjà énoncés au début de cette section et qui s’oppose au culte extérieur. En effet,
bien que certain normativité puisse être trouvée dans la Bible en rapportant au culte extérieur,
par exemple sur l’organisation de l’Eglise ou sur la institution de sacrifices ou régimes
alimentaires, sur l’oblation ou en général sur la mise en pratique de certains actes destinées à
vanter à Dieu, ce deuxième genre de normativité ne doit pas être universalisé puis elle a été
réglée dans un moment historique particulière, à une peuple particulière: le peuple hébraïque.
Ainsi, les règles de vie qu’on peut suivre après avoir lu la Bible ne sont pas tous ce qu’on
peut y trouver: par intervention de ses prophètes Dieu se révèle lui-même et les donne une
normative, une guide pour la vie et la composition de l'État, mais vers sa imagination les
prophètes (et toutes les autres autorités religieuses par ailleurs) ont laissé aussi dans l'écriture
sacrée ses opinions, plus appropriés à ces nécessités qu’à ceux de l’humanité. Par exemple, si
l’on prend le cas de Moïse, nous pouvons constater qu’il a formulé certaines règles afin de
solutionner son grand préoccupation: de bien fonder l'État hébraïque en promouvant les lois
adéquates qui disposent à la civilité, en les donnant une base théologique. Il renforce donc
l'obéissance par la foi. Alors, il faut bien noter l’importance de la distinction entre ces règles
que Moïse a donné à peuple hébraïque, normes du culte extérieur comprises comme les
manières de rendre culte à Dieu, et le culte intérieur, qui vise à la croyance en Dieu. Cette
distinction a une grande importance au niveau politique puisque c’est à partir d’elle qu’on
peut comprendre les guerres de religion, qui naissent pour des disputes liées au culte
extérieur. En effet, au sens strict, toutes les religions chrétiennes et même la religion juive se
sont basés dans les mêmes principes, ceux de l’amour à Dieu et au son prochain, mais ils sont
souvent en désaccord dans des sujets liés au culte extérieur, c’est-à-dire liés à la manière
d’adorer à Dieu. C’est en ce désaccord qui naît la haine dans la religion et c’est par ce chemin
que les commandement fondamentaux de Dieu sont bouleversés et mélangés avec des autres

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croyances qui ne sont pas du tout universelles et qui ne ramènent pas aux hommes
nécessairement à la foi, elles servent surtout à établir une discipline social dans un moment
historique déterminé. Pour bien faire cette distinction, il faut mettre en marche une
herméneutique biblique qui sépare l' individualité des prophètes de la parole véritable de
Dieu.

Le problème c’est que les théologiens prennent le texte sacré comme la parole directe de
Dieu, comme une révélation littérale du domaine du spirituelle qui n’a pas besoin d'
interprétation. Ainsi, ils font du place à la superstition, qui est en même temps cette
interprétation littérale de la Bible et l’origine de son pouvoir. Si on prend le texte sacré
comme une vérité littérale provenant de Dieu, on ne donne pas place à l’entendement et en
étant la raison la voie unique vers la connaissance véritable du divin, l’on se jette à utiliser la
parole de Dieu d’une manière irrationnelle. De cela deviendrait la possible utilisation des
différents récits de la Bible tel que l’on veut, comme si son contenu était source véritable
pour connaître la volonté, les attributs et la nature de Dieu, tout en gardant une dogmatisme
dans le domaine du culte extérieur. Les théologiens utilisent donc le pouvoir rhétorique de la
Bible, l'expression de l’imagination de ces écrivains, pour rendre les gens superstitieux. Pour
Spinoza, ce que arrêtera cette condition de fabrique de haine qui paraît être essentielle à la
religion sera la distinction claire entre elle-même, la politique et la superstition. L’État le plus
raisonnable est celui où le magistrat laisse la plus de liberté possible à la pensée, afin que les
savants et les docteurs puissent chercher sans aucune limitation la nature de Dieu, dans lequel
la superstition puisse être éradiquée.

3. La bible comme production culturel ou sur la désacralisation de la parole de


Dieu

“(...) rien n’est, pris en soi et absolument, sacré ou profane et impur, mais seulement par
rapport à la pensée.” (T.T.P, Spinoza, p. 219)

En remarquant l’importance de distinguer entre le contenu que les écrivains de la Bible


imposent avec son imagination et la connaissance véritable de Dieu, la Bible est considéré
comme un produit humaine entre autres, remplie de récits qui résident plutôt sur plusieurs

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subjectivités que sur la vérité impersonnel propre de les mathématiques et la objectivité de la
démonstration géométrique. C’est dans le chapitre XII du T.T.P où nous pouvons trouver le
sommet de la désacralisation de la Bible fait par Spinoza, puis il fait une distinction entre ce
texte sacré et la parole de Dieu. En effet, la Bible peut, éventuellement, nous montrer la
parole ou message véritable de Dieu, mais elle même n’est pas nécessairement ce message.
Considérer la Bible comme un livre entre autres, susceptible d’erreur comme n’importe quel
roman, puisse être pensé comme l'impiété la plus grande. Mais Spinoza fait un tournement à
l'accusation d'impiété en se défendant: en sens strict, il n’a rien dit par rapport à la parole de
Dieu en attaquant la Bible, puis la sacralité dérive de l’usage que les hommes font des objets
qu’ils utilisent. Si la Bible, par certain usage, ne conduit pas les hommes au salut, elle ne sera
plus sacrée. Pour Spinoza, un mauvais usage peut arriver pour voies différentes:

“Mais qu’ensuite l’usage se perdre si bien que les mots n’aient plus aucune
signification, ou que le livre tombe dans un entier abandon soit par la malice des
hommes, soit parce qu’ils n’ont que faire, alors et les mots et le livre ne seront plus
d’aucun usage ni d’aucune sainteté. Enfin, si les mêmes mots sont disposés
autrement, ou que l’usage ait prévalu de les prendre dans une signification opposé,
alors et les mots et le livre, auparavant sacrés, seront impurs et profanes.” (T.T.P,
Spinoza, p. 219)

De ce point de vue, la Bible n’est pas sacrée en soi. Mais il existe une autre raison pour
laquelle l’on ne peut pas dire que Spinoza est impie: il existe une différence ontologique entre
la parole de Dieu et le moyen physique dans laquelle elle a été écrite et qui sert à la garder
dans la mémoire vers l’histoire. Cela est aisément saisi si l’on pense à l’analogie que Spinoza
construit entre la Bible et les lois de Moïse, qui ont été écrites en pierre. Quand Moïse
descend de la montagne et entre en colère en regardant au peuple judaïque adorer des faux
dieux, il détruit les pierres sur lesquelles il avait écrit les commandements de Dieu. Cette
action n’implique pas que Moïse ait détruit la parole de Dieu, ou qu’il soit devenu impie. En
bref, Spinoza pose la distinction entre certaine matérialité de la parole de Dieu et la parole
elle-même: la dernière est universelle et habite surtout dans la profondeur de la pensée
humaine, elle peut être dérivée par la raison. En effet, la véritable charte de Dieu réside dans
le cœur des hommes et non dans un livre, c’est dans la puissance de la pensée, avec laquelle

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chacun d'entre nous peut, potentiellement, arriver à comprendre toutes les connaissances
nécessaires pour arriver au salut, être emmenés à la salvation. Jusqu’à ce point, l’on peut bien
voire comment Spinoza place la Bible dans le monde humain, comme une fabrication
humaine. Il la réduit au monde profane. Les tables de Moises, en tant que matérielles, ne sont
pas la parole de Dieu et cela arrive aussi avec la Bible.

Une fois restituées comme création humaine, l’on peut mieux comprendre comment depuis le
début du T.T.P Spinoza peut traiter les écritures sacrées comme des récits parmi autres,
productions culturelles similaires à autres livres d’histoires qu’au niveau formel et par rapport
au contenu ne sont pas très différentes des récits de la Bible. En effet, ils ont un auteur, qui
façonne avec un style la structure formelle et le contenu du récit en fonction de sa
personnalité ou de son intention. En vrai, c’est le dernier critère, la intention, ce qui est
important au moment de déterminer la différence entre la sacralité d’un texte, c’est-à-dire,
comme nous avons dit en ce travail auparavant, la sacralité dépend de l’utilisation plutôt que
d'un statut particulier des objets. En ce cas, ce qui donne le statut de sacrés aux récits de la
Bible est l’intention de son auteur, il y a des récits qui ont été écrits afin de rapprocher au
peuple à la foi. Mais tous les récits de la Bible n’ont pas cet intention:

“J’avais lu dans Ovide une histoire très semblable se rapportant à Persée et une autre
enfin dans les livres des Juges et des Rois sur Samson (qui seul et sans armes
massacra mille hommes) et sur Elie qui volait dans les airs et finit par gagner le ciel
avec des chevaux et un char de feu. Ces histoires, dis-je, sont très semblables;
cependant nous portons sur chacune d’elles un jugement bien différent : le premier
auteur n’a voulu écrire que des frivolités; le second, des choses ayant un intérêt
politique; le troisième, des choses sacrées.” (T.T.P, Spinoza, p. 151)

Nous y trouvons donc l’importance d'une condition nécessaire à l’existence de tout texte:
l’auteur. Ainsi, il est nécessaire une série de réflexions sur la poíêsis sous-jacente à la Bible,
qui dégagent un conjoint d’idées qu’on peut en général situer dans le domaine de l’esthétique.
On peut voire aisément comment le côté positif de l’herméneutique biblique, qui tire des
conclusions, qui trouve et construit vérités avec la raison, a une autre face, négative, dans
laquelle nous assistons à toute une destruction du sens métaphorique de la Bible: il existe une

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destruction du sens essentiellement relativiste de l’imagination, au moins des aspects qui sont
de ses domaines de cette faculté et degré de connaissance propre à toute l’humanité, y
compris les prophètes, êtres humaines plus proches à Dieu grâce à la révélation divine.

4. L’analyse de la stylistique de la bible comme anti-esthétique

Cette face négative puisse être retrouvée dans les efforts de rationalisation des miracles, pour
donner qu’un exemple. En utilisant certains outils d'analyse stylistique qui servent de base à
son argumentation, Spinoza critique la possibilité de l’existence de miracles. La discussion
sur les miracles est de grande importance dans la philosophie des lumières, puis avec l'arrivée
de la compréhension causale du monde, le miracle apparaît comme un contresens. Par
définition, un miracle doit être un événement qui l’on n’attend pas dans le déroulement
normal de la chaîne de causes et effets qui gouverne le monde, un événement inattendu. Il
rompt donc avec l’idée d'un monde mécanique, dans lequel toutes les évents peuvent êtres
compris dans un logique de causalité. Si nous expérimentons un événement déterminé, il faut
enquêter sur sa cause afin de le comprendre. En ayant cela dans l’esprit, comment peut-on
comprendre les faits miraculeux qu’on trouve dans la Bible? Il semble impossible de croire
aux histoires de la Bible et d'avoir en même temps une vision mécanique du monde. Afin de
bien attaquer ces deux sujets, Spinoza fait un double mouvement, comme j’ai déjà dit
auparavant. Étant donné le statut de littérature, les analyses stylistiques ne sont pas un
divertissement simple: elles constituent un principe fondamental qui ouvre la voie à la
rationalisation du contenu véritable de la Bible. En effet, il est impossible pour Spinoza de
clarifier son contenu s'il ne la considérait pas auparavant comme une œuvre avec une
dimension esthétique d’importance, un artifice créé par les hommes en utilisant certaines
ressources rhétoriques et linguistiques et en ayant des objectifs spécifiques, comme
promouvoir la foi en stimulant l’imagination. Mais l’imagination est surtout cette faculté vers
laquelle ceux qui ont été en contact avec Dieu ont passé, comme par un tamis, la
connaissance qu’ils ont de la puissance suprême. C’est la composition du corps et les
systèmes de croyances de certains hommes et même ses habitudes d'écriture ce qui est
présent dans la Bible. Or, le véritable contenu de la Bible n'apparaît que lorsque sa condition
d’œuvre disparaît une autre fois, en tant que le statut que Spinoza l’a donnée soit démantelé.
Il faut supprimer les opinions, les outils linguistique et toute le contenu rhétorique afin de

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nous trouver devant les véritables enseignements de Dieu. Voyons un exemple de ces
analyses:

“Pour connaître enfin les événements miraculeux tels qu’ils sont arrivées, il importe
de savoir de quels tours et de quelles figures de rhétorique usent les Hébreux; si l’on
n’y a pas égard, on introduira dans l'Écriture beaucoup de miracles fictifs (...) Par
exemple Zacharie (chap. XIV, v. 7) parlant d’une guerre future, dit: et il y aura un
jour unique, connu seulement de Dieu, car ce ne sera ni jour ni nuit, mais au soir de
ce jour la lumière sera. Il semble par ces paroles prédire un grand miracle et
cependant il ne veut rien dire sinon que l’issue de la guerre, connue de Dieu seul,
sera douteuse tout le jour et qu’au soir on aura la victoire (...) On rencontre dans les
livres sacrés de nombreux exemples de cette sorte : ce sont manières de dire en usage
parmi les Hébreux et point n’est besoin de les passer ici toutes en revue.” (T.T.P,
Spinoza, p. 130, 131)

Ici Spinoza semble réduire toute la dimension poétique de ce passage de Zacharie afin de le
trouver une explication quelconque, avec l’unique intention de restituer la causalité physique,
l’ordre naturel du monde qui guide la pensée des lumières. En effet, dans le T.T.P l’on y
trouve au moins deux dimensions d’analyses stylistiques: par rapport aux récepteurs du
message de la Bible, par rapport à ses écrivains. Les deux visent détruire la poiesis de la Bible
pour donner des explications physiques, la prédominance du pouvoir de l’image qu’on trouve
partout dans la Bible est tellement refusée. Pour Spinoza les habitudes de pensée du peuple
Hébraïque expliquent, en partie, ces conceptions faussées de Dieu, mais la raison de force qui
est donnée pour faire comprendre la nécessité de ces images est liée à la fois à la capacité
d'écriture de ses auteurs et de la possibilité de réception de la Bible en tant qu’œvre. La
question qu’on doit se poser ne consiste pas seulement en essayer de comprendre comment les
prophètes ont compris à Dieu ou si simplement ils ont saisi une idée inexacte et influencée par
sa vie et ses coutumes, mais surtout: Est-il possible distendre la foi avec des histoires
ennuyantes, qui ne touchent pas l’imagination, qui ne motivent pas à l’action vers certains
chemins que sur autres? L’imagination est l’unique moyen d’accès que le peuple a pour
accéder au divin, et nous ne pouvons pas faire des démonstrations d’ordre géométrique au
conjoint de la population.

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5. Réalité textuelle et classification des hommes

Pour Spinoza, seulement la raison puisse arriver à une véritable connaissance de Dieu:

“Ceux pour qui la Bible telle qu’elle est est comme une Epître de Dieu envoyée du ciel
aux hommes ne manqueront pas de clamer que j’ai commis le péché contre le
Saint-Esprit en jugeant la parole de Dieu menteuse, tronquée, falsifiée et incohérente
(...) s’ils consentent à examiner la question, leurs cris ne prennent fin aussitôt. C’est
moins la Raison en effet que les textes mêmes des Prophètes et des apôtres qui le
proclament: la parole éternelle de Dieu, son pacte et la vraie Religion sont divinement
écrits dans (...) la pensée humaine; c’est là la véritable charte de Dieu qu’il scellée de
son sceau, c’est-à-dire de son idée, comme d’une image de sa divinité” (T.T.P,
Spinoza, p. 217)

Il existe une différence entre les types de connaissance et il semblerait qu’elles peuvent se
constituer elles-mêmes comme des corrélats d'un type de réalité textuelle. Nous avons déjà vu
tels le Scolio II de la proposition XL de l'Éthique, cette manière de classer les façons dont les
êtres humains obtiennent la connaissance des choses pose non seulement une différence
épistémologique, mais aussi une gradation des hommes selon ses capacités de compréhension
dans le cadre plutôt social du T.T.P. Mais cette classification pose aussi des créations
culturelles correspondant à chaque type d’homme. Dans le monde il y a des sages, mais il y
aussi le peuple et chacun d'eux ont des capacités particulières, ses manières propres d'accéder
à la connaissance de Dieu. A mon avis, c'est dans ce sens que la Bible est sauvée dans le
système de Spinoza, puisque son style, les caractéristiques propres à son récits permettent au
vulgaire accéder à la foi en tant qu’ils ont une compréhension limitée des causes naturelles et
ne peuvent qu’êtres amenés à la foi grâce au pouvoir rhétorique des récits bibliques. On
pourrait dire que la Bible est nécessaire parce que le peuple n’a pas la capacité de comprendre
une œuvre comme l’Éthique: les images rhétoriques sont maintenues comme un élément
permettant de distendre la foi parmi les masses. Or, en soulignant cette dimension esthétique,
il me semble qu’il y a un problème difficile à résoudre: en gardant la Bible, les efforts de
Spinoza ne se sabotent-ils pas? l'impulsion initiale du T.T.P. est d'expulser la superstition et

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néanmoins on pourrait penser que plus que l'interprétation des théologiens, l'origine de la
superstition ne provient pas de l'interprétation que les théologiens en font, mais de la Bible en
tant que texte en soi, comme poiesis, en tant que création avec un style, en tant qu'objet de
caractère rhétorique qui transcende ses auteurs et son inspiration lointaine et dont forme est
ce qui permet aux théologiens se munir des utilisations politiques de la religion. Il semble que
la Bible soit une machine à produire des injustices alors qu' elle n’a pas la clarté de l'Éthique,
elle est essentiellement un œuvre qui multiplie les sens en tant qu'œuvre littéraire. Si nous
pensons à l’extrait de Zacharie que Spinoza utilise, on peut penser à manières bien différentes
de le comprendre et la théorie même de Spinoza nous donne la raison: on face des signes, des
moyens limités par rapport à la connaissance de Dieu puis il se pose toute notre imagination
intervient pour établir une relation entre les choses et la vérité. En vrai, nous pouvons penser
que l'Éthique est plus proche de la connaissance de Dieu et pourtant, nous pouvons penser
qu’elle est plus sacrée, mais on ne peut pas évangéliser sans la Bible et son pouvoir
d'évocation d’images. La Bible est donc à la fois nécessaire et susceptible d’être utilisée en
visant mauvais buts. En gros, c’est cette une des raisons pour établir la différence entre l'État
et la religion, pour contenir le pouvoir des hommes qui utilisent l'écriture sacrée avec des
interets politiques, mais ceci peut marcher jusqu’à la formation de l’État politique, mais si la
Bible circule dans la société, si elle reste parmi les hommes, il restera toujours une possibilité
d’être utilisée avec des intentions politiques, comme fabrique de rêveries à la fois
métaphysiques et politiques.

Bibliographie

- Ethique démontrée suivant l’ordre géométrique. Spinoza. 1965. GF Flammarion.


- Traité théologico-politique. Spinoza. 1965. GF Flammarion.

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