Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
RÉSUMÉ
Au carrefour de l’histoire religieuse, la philosophie de l’histoire, de la théologie de l’histoire
et de l’histoire du christianisme, cet article éclaire sur la perception, la vision ou la finalité
chrétienne de l’Histoire. Par opposition à l’histoire scientifique, qui est préconisée depuis le
« Siècle des Lumières », il développe l’idée chrétienne d’une histoire providentialiste dans
laquelle Dieu est maitre. L’intérêt de cet article réside sur sa capacité à éclairer l’opinion sur
la conception chrétienne des faits et du temps historiques dans un pays comme le Gabon
empreint à une forte religiosité depuis 1990.
Mots clés : Histoire, Christianisme, Philosophie, Théologie
SUMMARY
In the crossroads of the religious history(story), the philosophy of history, the theology of
the history(story) and the history(story) of the Christianity, this article lights(enlightens) on the
perception(collection), the vision or the Christian end(purpose) of the History(Story). By oppo-
sition to the scientific history(story), which is recommended since the «Age of the Enlighten-
ment», he(it) develops the Christian idea of a providentialiste history(story) in which God is
the master. The interest of this article lives(lies) on its capacity to light(enlighten) the opinion
on the Christian conception(design) of the historic facts and of time(weather) in a country as
the Gabon prints in a strong religiosity since 1990.
Keywords: History(story), Christianity, Philosophy, Theology
1 Docteur en Histoire religieuse et politique. Master professionnel Sciences des sociétés et leur environ-
nement « culture de l’écrit et de l’image »
2 Georg Friedrich HEGEL, La Raison dans l’histoire, Paris, Union générale d’éditions, 1965, 313p
Dom Guéranger a écrit : « Le Christ est chez Lui, dans l’histoire4». Cela a été
le cas durant la période médiévale où la chrétienté était au cœur de toute l’activité
humaine. Même si le monde chrétien du Moyen-âge n’a pas cherché à formuler une
analyse approfondie, les chrétiens du Moyen conçoivent tout de même l’histoire
3 Jean LECLANT (sous la direction de) Dictionnaire de l’Antiquité, article « Historiographie grecque »,
PUF, 2005 p.1075.
4 Dom GUERANGER, Le sens chrétien de l’histoire, Paris, Plon, 1945.
L’idée d’une Histoire large au sens chrétien est abordée par deux grands hommes,
qui sont Saint Augustin dans La Cité de Dieu et Bossuet dans Le discours sur l’Histoire
Universelle. L’un et l’autre montre que Dieu est Maître de l’histoire et qu’Il dirige les
actions humaines par sa Providence. Si les médiévaux ont retenu cet élément fonda-
mental de la pensée augustinienne, la période classique, avec Bossuet, reprend le fait
que Dieu n’est pas seulement cause première du Cosmos mais bien agent principal
des activités humaines. Dans l’ensemble, en ce qui concerne l’idée d’une histoire au
sens chrétien, nous pouvons retenir d’une part, que la doctrine chrétienne soutient
que le Créateur est transcendant, écartant ainsi tout panthéisme tel qu’il avait été
formulé par les Stoïciens dans l’idée de Destin. D’autre part, l’idée de sens pour le
christianisme est rapportée au concept de finalité ultime, c’est-à-dire Dieu. C’est bel et
bien sous cet angle que la pensée chrétienne dans son ensemble approche l’histoire.
Mais, l’anthropocentrisme, qui naît durant « le Siècle des Lumières » Sous la
plume des philosophes comme Voltaire, Rousseau et plus tard Condorcet, atténue
l’idée de Providence dans l’histoire et va jusqu’à réduire Dieu à une sorte de grand
architecte de l’Univers en détachant l’idée de fins particulières et de finalité ultime. Les
Lumières désignent par métonymie les élites européennes ouvertes aux nouveautés,
une « République des Lettres éclairées ». Ce siècle se voulait éclairer par la lumière
métaphorique des connaissances - et non pas l’illumination divine, « émanation de
l’absolu11», utilisé exclusivement au singulier - acquises par l’expérience et l’enseigne-
ment du passé. Il suggéra aussi une vision manichéenne du monde, où l’« homme
éclairé » s’oppose à la masse de ceux restés dans les ténèbres. La formule a donc
bien tant une dimension sociale qu’une dimension spatiale.
Dans cette lancée Condorcet12 sépara l’histoire humaine de l’histoire sainte. Tout
en ne niant pas d’une manière absolue l’idée d’un Dieu. Il affirme l’indépendance de
l’homme, au nom de sa liberté d’action, de l’intervention divine. Dieu n’est donc plus le
maître de l’histoire, puisque c’est l’homme qui construit librement son histoire, excluant
11 Jacques ROGER, « archéologie d’une expression », dans Cahiers de l’Association internationale des
études françaises, 1968, N°20, p. 167-177. p.170
12 Jean Antoine CONDORCET, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain. Paris,
Bureau de la «Bibliothèque choisie, 1829, 431p.
14 Henri DAVENSON, Qu’est-ce que l’histoire ? , le sens chrétien de l’histoire, édition de l’abeille, Lyon,
1941, 173p. Henri-Irénée MARROU dans la Théologie de l’histoire affirme également : « A la lumière
de la révélation, nous pouvons nous représenter l’ensemble de l’histoire de l’humanité comme un grand
triptyque. Au centre, l’Incarnation, le Verbe éternel qui se rait homme pour nous et notre salut, la Kénose,
l’humilité, l’humiliation, l’obéissance usque ad mortem, la croix du calvaire, la résurrection »
15 Atonin-Dalmace SERTILLANGES La vie catholique. Paris, Jean Gabalda, 2ème série, 1922, 307p : «
En d’autres termes, toute l’Histoire authentique est une Histoire Sainte. »
16 BOSSUET, Œuvres de Bossuet, Discours sur l’histoire universelle. Versailles, J.A Lebel, 1818 Tome
XXXV, p.41.
22 Saint AUGUSTIN, La Cité de Dieu, 4ème édition, Desclée de Brouwer, 1960, livre I.
23 Idem
24 Etienne GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, Vrin, Paris, 1948
25 Wilhelm DILTHEY, Einleitung in die Geisteswissenschaften (1883), Traduction française, Paris, 1923,
p 142-143.
CONCLUSION
Doit-on alors parler de philosophie de l’histoire ou de théologie de l’histoire ? Tout
dépend du sens que l’on donne au mot théologie. Or, dans notre brève démonstration,
nous avons établi que la perception ou la vision chrétienne de l’histoire est donnée
par Dieu qui en est le maître. Ceci est à comprendre dans le sens d’une vision
providentielle de l’Histoire Humaine selon une économie divine. Ceci ne veut pas
dire selon Saint Augustin, que c’est Dieu qui fait l’histoire, sous peine d’abolir toute
liberté humaine. En réalité c’est l’homme qui fait l’histoire sous le regard de Dieu.
Cette approche n’est saisissable qu’au regard d’une « anthropologie théologique »
c’est à dire sous l’angle de l’Incarnation et de la Rédemption qui sont au cœur de la
vie humaine. Mais là encore, l’homme est libre de choisir ou de refuser la voie qui
lui est tracée, comme le dit Bossuet28. Ce qui rejette tout déterminisme absolu. Par
conséquent, il est difficile de vouloir « construire » une philosophie de l’histoire indé-
pendante d’une théologie à moins de rejeter toute idée de finalité ultime. On pourrait
objecter que Hegel a proposé une solution « finaliste », qui ramène à l’Esprit absolu
26 Henri-Irénée MARROU, Théologie de l’histoire, Edition du seuil, Paris, 1968, chapitre 14, p. 63.
27 Langmead CASSERLY, Toward a théology of hystory, 1965, p. 65
28 BOSSUET, Le Discours sur l’histoire universelle, «La connaissance de Dieu et la mémoire de la création
s’y conserva ; mais elle allait s’affaiblissant peu à peu (…) les fausses divinités se multipliaient(…) »
Op.Cit.p. 14
BIBLIOGRAPHIE
-AUGUSTIN saint, Oeuvres de Saint Augustin. La Cité de Dieu : Livres XIX-XXII. Triomphe de la cité
céleste. Paris, Desclée de Brouwer et Cie, Texte de la 4ème Edition, 1960, 964p.
-BOSSUET, Jacques Bénigne Œuvres de Bossuet. Discours sur l’histoire universelle, par Bossuet ;
Avec une Vie de Bossuet et les Éloges de Bossuet par Saint-Marc-Girardin et Patin Tome XXXV.
Versailles, J.A Lebel, 1818, 456 p
-BOSSUET, Jacques Bénigne, Oraison funèbre de très haute et très puissante princesse Anne de
Gonzague de Clèves, princesse palatine. Prononcée en présence de Monseigneur le Duc, de
Madame la duchesse et de Monseigneur le duc de Bourbon, dans l’Eglise des Carmélites du
Fauxbourg Saint-Jacques, le 9 aoust.1865 Paris, Imprimerie Baudelot, 1943, 45p. (Reproduction.
en fac similé. de l’Edition. de Paris : S. Mabre-Cramoisy, 1685)
-CASSERLY Langmead, Toward a théology of history. New-york, Holt Rinehart and Winston, 1965,
238 p.
-CONDORCET, Jean Antoine Nicolas de Caritat, Esquisse d’un tableau historique des progrès de
l’esprit humain. Nouvelle édition, suivie de fragments de l’histoire de la quatrième époque et d’un
fragment sur l’Atlantide. Paris, Bureau de la «Bibliothèque choisie, 1829, 431p
-DAVENSON Henri, (MARROU Henri Irénée de son vrai nom), Qu’est-ce que l’histoire ? , le sens
chrétien de l’histoire. Lyon, Edition de l’abeille, 1941, 173p.
-DELATTE Paul (Dom), Vie de Dom Guéranger. Dom Guéranger, abbé de Solesmes. Sablé-sur-
Sarthe, Abbaye de Solesmes, Imprimerie Tardy-Quercy, 1984, 946p. (Reproduction. en fac.
similé. Augmentée de notes, de l’Edition de Paris, Plon-Nourrit, 1909)
-DILTHEY Wilhelm, Einleitung in die Geisteswissenschaften ( 1883), Traduction française. introduction
aux sciences de l’esprit. Berlin, B. G. Teubner, 1923, 429p.
-GILSON. Etienne, L’esprit de la philosophie médiévale. Paris, Vrin, 2ème Edition, Revue et augmen-
tée, 1948, 446p.
-HEGEL Georg Wilhelm Friedrich, La Raison dans l’histoire: introduction à la philosophie de l’histoire.
Paris, Union générale d’éditions, 1965, 313p
-LECLANT Jean (sous la direction de) Dictionnaire de l’Antiquité, Paris, PUF, 2005.
-GUERANGER Prosper, (Dom), Le sens chrétien de l’histoire. Paris, Plon, 1945, 71p
-MARROU Henri.Irenée, Théologie de l’histoire. Paris, Edition du Seuil, 1968, 191p.
-MOUNIER Emmanuel, Le Personnalisme. Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, 1949, 136p.
-ROGER Jacques, « archéologie d’une expression », dans Cahiers de lAssociation internationale
des études françaises, 1968, N°20, p. 167-177.
-SERTILLANGES Atonin-Dalmace, La vie catholique. Paris, Jean Gabalda, 2ème série, 1922,
307p
-VOLTAIRE, (François Marie AROUET) Le siècle de Louis XIV, uvres complètes de Voltaire, Paris,
Desoer, 1817.
29 Emmanuel Mounier, Le Personnalisme, 1949.
Hervé ESSONO MEZUI (2013), La conception, la perception ou la vision chretienne de l’histoire
101