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CYRILLE BAUDOUIN

OLIVIER BROSSEAU

Enquête sur les CRÉATIONNISMES

RÉSEAUX, STRATÉGIES ET OBJECTIFS POLITIQUES


© Éditions Belin, 2013
EAN epub : 9782701186337
EAN KF8 : 9782701186344

Photographie de couverture : Bon Bon/ImageZoo/Corbis


Mise en page : Catherine Jambois

Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre national du livre.

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reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non
destinées à une utilisation collective » [article L. 122-5] ; il autorise
également les courtes citations effectuées dans un but d’exemple ou
d’illustration. En revanche « toute représentation ou reproduction intégrale
ou partielle, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou
ayants cause, est illicite » [article L. 122-4].

Ce livre numérique a été converti initialement au format XML, ePub et KF8


le 27/01/2014 par Prismallia à partir de l’édition papier du même ouvrage.

Retrouvez l’ensemble de nos titres sur notre site http://www.editions-


belin.com
Présentation

Au-delà de leur diversité, tous les créationnismes se caractérisent par leur


volonté d’instrumentaliser la science pour justifier une vision du monde
conforme à certains dogmes religieux. Leur démarche est donc politique.
Fruit d’une enquête minutieuse et riche d’interviews de spécialistes
reconnus (biologistes, cosmologistes, sociologues, philosophes, etc.), cet
ouvrage est à la fois un recueil d’informations sur les créationnismes et un
outil indispensable pour exercer son esprit critique dès lors que la science
est convoquée pour justifier des positions politiques. Après avoir rappelé les
spécificités de la démarche scientifique, Cyrille Baudouin et Olivier
Brosseau explorent la diversité des mouvements créationnistes et les
ressorts de leur mondialisation, en livrant une analyse inédite de leurs
réseaux, de leurs stratégies et des contextes politiques dans lesquels ils
émergent, y compris en France. Ils montrent ainsi combien le créationnisme
est à la croisée de questions sociétales majeures, comme le rôle politique
des religions, la privatisation de l’enseignement et la place de la science
dans une démocratie.
Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau, respectivement ingénieur en
physique et docteur en biologie, enquêtent sur les créationnismes depuis
plusieurs années et sont les auteurs de divers travaux sur le sujet.
Une enquête inédite à la croisée de la science, de la religion et de la
politique.
Nous dédions ce livre à Cat et Nath qui ont
supporté les nombreux mois de travail nécessaires à
la réalisation de ce livre et sans le soutien desquelles
rien n’aurait été possible.
Remerciements

Un grand merci à Guillaume Lecointre qui a bien voulu préfacer ce livre


dans un format atypique d’entretien.
Nous tenons aussi à remercier Normand Baillargeon, Jean Bricmont,
Pascal Charbonnat, Armand de Ricqlès, Sébastien Fath, Jean Gayon,
Dominique Guillo, Philippe Janvier, Marc Lachièze-Rey, Guy Lengagne,
Richard Monvoisin, Jesús Mosterín et Michel Paty qui ont accepté de
répondre à nos questions et de voir figurer leurs réponses dans ce livre.
Nos vifs remerciements à Nathalie Charrier-Arrighi, David Gagneul,
Catherine Grec, Laurent Le Guillou, Marc Silberstein et notre éditeur aux
éditions Belin pour leurs relectures et leurs commentaires avisés qui ont
permis d’améliorer le contenu de ce livre.
Nous remercions aussi tous nos proches (ami(e)s, famille) qui ont
témoigné au fil des années de leur intérêt pour notre travail et ont ainsi
contribué à ce que ce livre voit le jour.
Préambule

Éclairages pour une lecture critique

Comment en sommes-nous arrivés à travailler sur ce sujet ?

Nous avons suivi des formations scientifiques, l’un à l’université


(Olivier Brosseau), l’autre en école d’ingénieurs (Cyrille Baudouin), avant
différentes expériences dans le monde de la recherche. Olivier Brosseau en
tant que jeune chercheur en biologie (systématique et évolution) au
Muséum national d’Histoire naturelle pour la préparation d’un doctorat,
Cyrille Baudouin en tant qu’ingénieur en physique (instrumentation pour
l’astrophysique) au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Ayant tous les deux décidé de nous orienter vers la communication et le
journalisme scientifiques, nous nous sommes rencontrés dans le cadre de la
formation universitaire suivie à l’université Paris 7 pour cette spécialisation.
C’est ainsi que fin 2005, nous nous sommes plongés dans la problématique
du créationnisme dans le cadre d’un projet universitaire.
À cette époque se déroule le procès de Dover lié au mouvement
américain du dessein intelligent, nouvel avatar du créationnisme outre-
Atlantique. La médiatisation de cet événement et les diverses prises de
position de ministres de l’Éducation d’États européens à l’encontre de la
théorie darwinienne de l’évolution depuis 2004 nous ont poussés à enquêter
plus avant sur un sujet complexe où se mêlent science, politique et religion.
Dans le même temps, l’actualité politique française faisait écho à ces
questions d’intrusion des religions dans les affaires publiques, avec
notamment la remise en cause de la laïcité (rapport de la commission
Machelon initiée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et de
l’Aménagement du territoire en 2005) ou l’affaire dite des caricatures de
Mahomet.
L’étendue du sujet nous a rapidement menés plus loin que le projet
initial. Nous avons cherché à appréhender les enjeux sociétaux du
créationnisme et les moyens utilisés par ses partisans pour en diffuser les
idées, rejoignant ceux qui en appellent à une vigilance citoyenne face à ces
remises en cause de l’autonomie des sciences(1). Dans le prolongement,
parallèlement à nos activités professionnelles respectives(2), nous avons eu
l’opportunité d’écrire un premier ouvrage intitulé Les Créationnismes. Une
menace pour la société française ? (Syllepse, 2008). Voir également le site
http://www.tazius.fr/les-creationnismes de présentation de nos travaux.

Quelles sont nos motivations ?

Comme vous le découvrirez dans ce nouvel ouvrage, pour appréhender


un sujet comme le créationnisme, nous avons dû approfondir de nombreux
autres sujets et c’est sans doute là notre première motivation, la volonté de
comprendre et la curiosité pour des sujets balayant de part et d’autre
l’interface science-société : l’épistémologie, l’histoire des sciences, les
théories scientifiques en biologie et en physique, la philosophie, la
sociologie, l’histoire, la géopolitique, la diffusion de la culture scientifique,
les questions relatives à l’enseignement, la laïcité…
Nous sommes convaincus que les questions que nous traitons, au-delà de
notre propre curiosité intellectuelle, concernent l’ensemble des citoyens.
Tout en revendiquant cette motivation citoyenne et donc politique, nous
tenons à faire preuve d’honnêteté vis-à-vis du lecteur en lui précisant
certaines de nos positions afin qu’il puisse exercer un regard critique sur
notre travail. Ainsi, nous défendons la laïcité définie selon la loi de 1905(3)
et nous rejoignons plus particulièrement les analyses de Catherine
Kintzler(4) et d’Henri Peña-Ruiz(5) - tous deux philosophes spécialistes de la
laïcité — qui s’opposent aux diverses remises en cause de la laïcité à la
française, depuis les propositions d’accommodements appuyant le
communautarisme jusqu’aux dérives ultralaïcistes liberticides. Mais nous
ne nous exprimons pas sur les croyances individuelles qui relèvent de la
liberté de chacun. Nous dénonçons les objectifs politiques des religions —
revendiqués par leurs représentants — ainsi que leur instrumentalisation par
des personnalités politiques. À travers la défense de l’autonomie de la
démarche scientifique vis-à-vis de positions politiques et religieuses et la
dénonciation des tentatives d’instrumentalisation de la science à des fins
politiques, nous combattons donc le créationnisme (dans le sens où nous le
définissons dans l’introduction de ce livre).

Pourquoi publier un deuxième ouvrage sur le même sujet ?

Notre premier livre épuisé, il nous est apparu utile de proposer un


nouveau projet d’ouvrage pour plusieurs raisons : l’intérêt que ce livre
suscite auprès du public et des médias depuis sa parution, l’actualité
française autour des créationnismes, les réactions et questionnements qui
sont ressortis de nos échanges avec le public(6), mais aussi la volonté de
faire prendre conscience de l’existence d’un climat favorable au
créationnisme et des enjeux politiques et sociétaux associés. Nous avons
réutilisé une partie du contenu de notre premier livre en le mettant à jour, le
remaniant et le réorganisant. Parallèlement, nous avons élaboré de
nouveaux chapitres concernant la démarche scientifique, les théories des
sciences physiques décrivant la matière et l’histoire de l’univers, le
développement du créationnisme dans certains pays européens, les courants
créationnistes musulmans d’origine turque, les approches créationnistes
évangéliques en France, les approches créationnistes sophistiquées menées
dans le sillage d’une puissante fondation américaine — la John Templeton
Foundation — qui masque ses véritables objectifs derrière la promotion
d’un dialogue entre science et religion, etc. Nous avons aussi sollicité —
sous la forme d’entretiens — douze chercheurs de diverses disciplines et
une personnalité politique pour apporter un éclairage sur certains points
développés.

De quel type d’ouvrage s’agit-il et à qui s’adresse-t-il ?

Notre livre est en premier lieu une enquête de type journalistique qui
assume les positions politiques évoquées précédemment. Nous avons tenté
dans la mesure du possible de nous référer directement aux sources
primaires. Tous les éléments que nous présentons sont vérifiables par le
lecteur via les notes. C’est aussi un livre qui parle de sciences et de
démarche scientifique. Comme pour notre premier livre, nous avons
travaillé et écrit avec la volonté de le rendre accessible à tous ceux qui
s’intéressent aux questions de société, quelles que soient leurs
connaissances scientifiques.
Pour finir, précisons que l’élaboration de cet ouvrage a été conduite avec
l’objectif d’en faire un vade-mecum. Il peut bien entendu être lu de façon
continue, mais son découpage en entrées parfaitement identifiables ainsi
qu’un index détaillé des noms propres et des organismes doivent permettre
d’accéder facilement à une information ciblée. Nous espérons donc que cet
ouvrage pourra être utilisé comme un recueil d’informations sur les
créationnismes.

De l’utilisation des sondages dans ce livre

Tout au long de cet ouvrage, nous nous appuyons sur des sondages qui
sont utiles pour donner de grandes tendances d’opinions des populations
auxquelles nous nous sommes intéressés. Cependant, ces sondages ne
constituent qu’un élément de notre analyse et nous sommes tout à fait
conscients de leurs nombreuses limites. Car même si les citoyens sont
aujourd’hui habitués à leur utilisation abondante, les sondages n’en
constituent pas moins de formidables outils de propagande qu’il est
nécessaire de manier avec précaution pour ne pas abuser le lecteur(7). Pour
chaque sondage proposé, nous avons donc cherché à appréhender la
signification et la pertinence des résultats indiqués (représentativité de
l’échantillon, formulation des questions posées et des réponses proposées,
existence d’autres sondages similaires) afin de les utiliser à bon escient et
de proposer des sondages représentatifs. Nous fournissons au lecteur les
éléments nécessaires à une interprétation critique.
Préface

Entretien avec Guillaume Lecointre(*)


- De l’épistémologie à la sociologie des sciences, nombreux sont les
chercheurs qui ont tenté de définir la démarche scientifique. Les
critères de définition issus de ces disciplines sont parfois
contradictoires. La démarche scientifique serait-elle finalement
quelque chose d’indéfinissable ?
– Le rôle des sciences, en tant qu’entreprise intellectuelle collective, est
aujourd’hui de fournir des explications rationnelles et testables sur le
monde réel. Les « savoirs » sont des affirmations rationnellement justifiées
et testables. Si elles sont universellement valides, c’est qu’elles ont été
testées et validées par des observateurs indépendants. Un élément essentiel
de la validation des savoirs scientifiques est donc la reproductibilité des
expériences. Aussi, cet universalisme ne repose-t-il pas sur une autorité —
il n’est pas dogmatique -, mais sur la possibilité permanente d’une remise
en cause, pourvu qu’une « règle du jeu » soit suivie. Et c’est là qu’est le
point important : il existe chez les scientifiques un contrat tacite, une règle
du jeu qui régit la reproductibilité des expériences, la recevabilité des
objections et les controverses scientifiques.
Cette règle repose sur quatre piliers qui conditionnent la possibilité de
faire des expériences scientifiques, de tester et d’en reproduire les
résultats(*). Ces piliers sont :
– 1° le scepticisme initial sur les faits : le scientifique est sceptique quant
aux faits avancés par ses prédécesseurs, à ceux qu’il trouve lui-même et il
est ouvert à l’inattendu ;
– 2° la rationalité : le scientifique doit être logique et suivre un principe
d’économie d’hypothèse (parcimonie), sans quoi ses collègues réfuteront
aisément ses démonstrations ou affirmations ;
– 3° le réalisme de principe : le scientifique vise à une connaissance
objective, c’est-à-dire qu’il souhaite que d’autres puissent corroborer ses
affirmations par une vérification qui passe par un rapport au monde réel. Il
suppose donc, pour que cette vérification ait un sens, que le monde réel
existe indépendamment de lui et indépendamment de ce qu’il en dit, et que
ce monde réel se manifestera à un collègue inconnu comme il s’est
manifesté à lui-même ;
– 4° le matérialisme méthodologique : la vérification expérimentale n’est
possible que sur un monde réel sur lequel nous avons prise. Nous avons
prise sur ce qui est changeant, c’est-à-dire sur ce qui est matériel ou
d’origine matérielle. Dit autrement, les sciences ne savent travailler qu’avec
ce qui est matière ou propriétés émergentes de celle-ci. S’il y avait autre
chose que de la matière dans le monde réel, les sciences ne le sauraient pas
et ne pourraient pas le documenter. Ce matérialisme-là est humble, il n’est
que méthodologique : il pose la condition par laquelle nous savons faire des
expériences scientifiques. Il ne s’agit donc pas d’un matérialisme
philosophique qui dirait « tout est matière ».
- La vision de la science que vous proposez n’est-elle pas une vision
idéalisée très éloignée de la façon dont la science se pratique et évolue ?
– Il s’agit en fait d’un contrat. Comme tout contrat, il spécifie des
attendus : il y a bien une démarche intellectuelle. La notion de contrat ne
nie aucunement que les scientifiques subissent par ailleurs des pressions
sociales, économiques et politiques. Le contrat ne nie pas la réalité des
dérapages individuels. Mais la collectivité des scientifiques fait un pari
optimiste. Sur le long terme, l’exigence de reproductibilité des résultats
agira comme un filtre : l’impact qu’ont sur ces résultats les incidents
individuels, les pressions subjectives de toute nature, les pressions locales,
etc., finira par s’estomper. Un résultat ne survivra que par ce filtre collectif.
- Vous évoquez souvent les problèmes que représente le
providentialisme. Qu’est-ce que le providentialisme et quel est son
rapport avec le créationnisme ?
– Le providentialisme recourt à une entité extranaturelle, c’est-à-dire non
matérielle et inaccessible à l’expérience, dont les interventions expliquent
ce qui se passe « ici-bas » et pourvoient au bon fonctionnement du monde.
Le créationnisme est mobilisé sur la question des origines de ce qui existe.
Le créationnisme est un providentialisme des origines : la matière seule
serait insuffisante pour expliquer sa propre origine et les changements
incessants qu’elle manifeste. Une entité extranaturelle est postulée soit pour
une impulsion créatrice initiale, soit pour de multiples créations. Il s’agit là
de postures philosophiques qui posent véritablement des problèmes
épistémologiques et politiques lorsqu’elles se parent de scientificité ou
mobilisent les sciences de l’extérieur. Le dessein intelligent est précisément
la réintroduction de la Providence dans l’explication scientifique, ce qui
revient à reprendre les pratiques d’avant le XVIIe siècle(8). Si la Providence,
omnisciente et omnipotente, pouvait être mobilisée au laboratoire pour
pallier la moindre difficulté expérimentale ou interprétative, elle tuerait
dans l’œuf tout effort expérimental à fournir. Affirmons donc que la
Providence n’a rien à faire, par contrat, dans une explication scientifique
moderne.
- En quoi cette problématique concerne-t-elle les scientifiques
professionnels ?
– Nous sommes concernés au premier chef, car c’est l’autonomie des
sciences qui est en jeu. La mise en raison du monde n’a pas à subir
d’injonctions religieuses, morales ou politiques. Certes, les applications des
sciences doivent être socialement, moralement et politiquement pilotées,
mais nous ne parlons pas ici des applications. Nous parlons de l’explication
rationnelle du monde réel qui, elle, ne saurait se produire en fonction des
attentes des uns ou des refus des autres. Tout le monde n’apprécie pas que
la Terre soit sphérique, encore aujourd’hui. Ou que le chimpanzé soit un
proche cousin de l’homme. Certains refusent que notre globe ait 4,6
milliards d’années et lui préfèrent un âge de 6 000 ans. D’autres voudraient
que l’espèce humaine ait toujours existé. Mais les sciences et les
scientifiques n’ont que faire de la recevabilité de ce qu’ils trouvent. Leur
rôle est de dire ce que la raison a collectivement validé quant à
l’interprétation du monde réel. Une véritable autonomie des sciences dans
leurs méthodes et dans leurs résultats (répétons que les applications des
sciences ne sont pas concernées ici) laisse ses pleines prérogatives morales
et politiques à l’arène des citoyens. Si nous, scientifiques, voulons
conserver l’autonomie du cœur explicatif des sciences, nous devons
l’expliciter au public : fournir des éléments factuels et épistémologiques
aux élus, aux services de communication, aux philosophes, pour que ces
acteurs puissent analyser et dialoguer avec les créationnistes en évitant de
se faire manipuler. Démontrer et dénoncer les contrefaçons
épistémologiques dont les créationnistes usent et abusent. Rappeler le
périmètre de la science et les quatre piliers sur lesquels elle repose. Aider
les enseignants à enseigner cette définition de la science. Toutes ces actions
aideront à déjouer les pièges tendus par les créationnistes, afin de faire
respecter la laïcité de l’espace du laboratoire et celle de l’enseignement
public.
- En quoi l’autonomie de la science vis-à-vis du religieux concerne-t-
elle la société ?
– Le mot-clé est le mot « laïcité ». Notre citoyenneté repose sur le fait
que la vie publique, le « vivre ensemble » se fondent sur la reconnaissance
par tous d’un certain nombre d’assertions sur le monde réel, et sur le fait
que, depuis les XVIIe et XVIIIe siècles, ces assertions doivent être régies par la
raison. La laïcité est le principe selon lequel l’élaboration des faits au
laboratoire, l’élaboration des droits et devoirs dans l’arène des citoyens, et
l’enseignement d’un socle commun de savoirs à l’école publique, doivent
rester hors de portée politique des affirmations et influences relevant
d’options métaphysiques et religieuses. Ce principe garantit la liberté de
conscience et, pour chacun, les mêmes droits et devoirs indépendamment
des options métaphysiques personnelles. Ces garanties sont en parties dues
au fait que le domaine relevant de la puissance publique est neutre sur le
plan métaphysique ; en d’autres termes, la puissance publique respecte une
neutralité (ainsi l’affirmation selon laquelle le principe de laïcité à la
française mènerait à un État et une école athées est fausse). C’est un
puissant facteur de paix civile. Cultiver l’exercice de la raison a le double
avantage de maintenir l’autonomie du cœur méthodologique des sciences et
de permettre l’émancipation individuelle.
Imaginez un seul instant que l’espace du laboratoire ne soit plus un
espace laïque. Nous ferions mention de nos options métaphysiques dans nos
articles professionnels. Il se créerait alors une science catholique, une
science athée, une science islamique, etc. Chacun pliant le monde réel à ses
besoins métaphysiques, il n’y aurait plus de socle commun de
connaissances minimales sur lequel asseoir le « vivre ensemble ». Du
moins, il existerait un « vivre ensemble », mais organisé par des
communautés religieuses étanches. Quelle science pourrions-nous enseigner
à l’école pour tous si les résultats scientifiques portaient la marque de la
religion de ceux qui les ont produits ? La science procède d’un
universalisme non dogmatique. En tant que telle, elle est une forme de
laïcité à l’œuvre. Lui mettre un adjectif l’amoindrirait : il n’y a ni science
créationniste, ni science bourgeoise, ni science prolétarienne, ni science
védique, ni science féministe, ni science ouverte, ni science de quelque
religion qui soit. Tant que nous reconnaîtrons à tous les hommes et toutes
les femmes la possibilité d’une intelligence commune, la possibilité de
vivre ensemble sur la planète, et des droits élémentaires fondés sur un socle
minimal commun de connaissances, il n’y aura qu’une science, laïque de
fait, à l’échelle internationale.
Introduction

« Aucune autre espèce sur Terre ne fait de science. Pour autant que l’on sache, c’est une
construction humaine permise par l’évolution du cortex cérébral sous l’effet de la sélection
naturelle, et ce pour une simple raison : ça marche. La science n’est pas parfaite. Elle peut
être dévoyée. Ce n’est qu’un outil. Mais c’est de loin le meilleur outil dont nous disposions,
capable d’autocorrection, évolutif, praticable dans tous les domaines. La science suit deux
règles. Tout d’abord, il n’y a pas de vérité intangible : toutes les assertions doivent être
examinées de manière critique ; les arguments d’autorité sont nuls et non avenus. Ensuite,
toute idée qui n’est pas en cohérence avec les faits doit être abandonnée ou révisée. Dans cette
perspective, nous devons comprendre le cosmos tel qu’il est, et non tel que nous souhaiterions
qu’il fût. Car si l’évidence peut être fausse, l’inattendu est parfois vrai. »
Carl Sagan, Cosmos(9)

D’où vient l’Univers ? Pourquoi existons-nous ? Pourquoi le monde est-


il tel que nous l’observons ? L’existence a-t-elle un sens ? Toutes les
cultures et sociétés humaines ont élaboré et continuent d’élaborer des
histoires, des mythes, des religions qui tentent de dire quelque chose sur les
origines du monde et sur les origines de l’être humain. Ces discours sont
appelés cosmogonies(10). La tradition biblique, par exemple, porte en elle
l’idée d’un Dieu pensé comme créateur, préexistant et cause première.
Ainsi, la doctrine(11) de la Création est une conception religieuse qui stipule
que l’Univers, la Terre et tous les organismes qu’elle porte ont été créés à
partir du néant par une puissance surnaturelle.
L’évocation du mot « créationnisme » renvoie immédiatement à la
doctrine de la création du monde en six jours telle qu’elle est racontée dans
la Genèse. Pourtant, avant la fin du XIXe siècle, il n’est pas question de
créationnisme. Ce mot apparaît à la fin du XIXe siècle pour désigner des
mouvements anti-évolutionnistes nés dans des Églises évangéliques du sud
des États-Unis. Ces oppositions se sont développées parallèlement à
l’acceptation de plus en plus large, au sein de la communauté scientifique,
de la théorie de l’évolution des espèces proposée en 1859 par le naturaliste
Charles Darwin (1809-1882) dans L’Origine des espèces, et à sa diffusion
dans la société. Dans un sens premier, les créationnistes sont ceux qui
affirment que le récit de la Création, tel qu’il apparaît par exemple dans la
Genèse, doit être accepté à la lettre(12) : le créationnisme est alors qualifié de
littéraliste. Ses partisans considèrent la théorie de l’évolution comme une
remise en cause de leurs croyances et de leur conception du monde. Leur
objectif principal est l’interdiction de l’enseignement de la théorie de
l’évolution.
Les États-Unis, en tant que foyer initial des mouvements créationnistes,
constituent un modèle pour comprendre leur cheminement dans un contexte
d’opposition idéologique aux transformations profondes de la société. En
effet, pendant le XXe siècle, les discours créationnistes vont subir des
reformulations et des adaptations au sein de trois mouvements majeurs
motivés par les mêmes objectifs politiques. L’élaboration de discours
créationnistes de plus en plus sophistiqués(13) correspond d’une part à une
adaptation à des avancées de la science qui ne pouvaient plus être ignorées
ou rejetées et, d’autre part, aux conséquences des affrontements juridiques
qui se sont succédé outre-Atlantique. Ainsi, le créationnisme littéraliste de
la première moitié du XXe siècle, qui tente d’interdire l’enseignement de
l’évolution, devient-il un créationnisme dit « scientifique » dans les années
1970-1980, en se parant d’un costume scientifique pour imposer une
conception religieuse dans l’enseignement des sciences. La science n’est
alors plus seulement une cible. Elle devient, en lien avec la place qu’elle
occupe dans les sociétés modernes, un instrument pour légitimer
objectivement la vision du monde de ces créationnistes.
Au début des années 1990, le mouvement du « dessein intelligent »
(Intelligent Design) émerge. Ce dernier accepte de larges pans du corpus
scientifique contemporain, notamment l’idée d’évolution. Il s’agit d’un
créationnisme évolutionniste qui témoigne d’ores et déjà que créationnisme
et évolutionnisme ne s’opposent pas nécessairement (contrairement à une
opinion courante ; voir notre entretien avec Dominique Guillo dans le
chapitre 5). Tout en acceptant l’évolution, le dessein intelligent refuse les
processus proposés par la biologie contemporaine à l’intérieur du cadre
théorique de la théorie darwinienne de l’évolution. La démarche
scientifique est alors instrumentalisée pour imposer, dans l’enseignement
des sciences, l’idée d’une évolution guidée par une intelligence supérieure,
indéfinie et transcendante. L’objectif est d’imprégner toute la société de
cette idée grâce à une légitimité scientifique usurpée.
L’appellation de « néocréationnisme »(14), souvent attribuée au dessein
intelligent, illustre bien la filiation entre les créationnismes antérieurs et
celui-ci. Pourtant, ce qualificatif « néo » ne décrit pas un type de
créationnisme, mais uniquement le fait qu’il soit nouveau à un instant
donné. C’est pourquoi il nous semble préférable de ne pas utiliser cette
notion de néocréationnisme, plus problématique qu’éclairante. En revanche,
le polymorphisme du créationnisme justifie pleinement l’utilisation d’un
pluriel. Dans ce livre, nous parlerons donc « des créationnismes » dans leur
diversité.
Selon les auteurs et spécialistes du sujet, le mot créationnisme est
souvent suivi de qualificatifs (théiste, évolutionniste, scientifique,
littéraliste, jeune Terre, vieille Terre, philosophique, mimétique, etc.) qui
traduisent des classifications différentes. Peut-on trouver une définition qui
engloberait toute la diversité des créationnismes (diversité dont nous
n’avons ici donné qu’un échantillon) ? Oui, il est possible d’identifier un
socle commun aux différentes formes de créationnismes et cela est d’autant
plus nécessaire que les créationnismes les plus sophistiqués présentent leur
doctrine comme non créationniste et scientifiquement légitime. Brouillant la
perception des formes diverses que peuvent adopter les créationnismes,
leurs partisans affirment le plus souvent — pour mieux imposer leurs
propres positions — que seuls ceux qui croient aux espèces fixes et
immuables devraient être qualifiés de créationnistes. L’anti-évolutionnisme
ne constitue qu’une forme de créationnisme parmi d’autres. Ainsi, toute
tentative d’explication du monde naturel visant à prouver de manière active
qu’une force surnaturelle et décisionnelle élabore le monde est, au sens
large, un créationnisme(15). Toutes les doctrines créationnistes — qui
émanent de conceptions religieuses — reposent sur quatre présupposés(16) :
– le monde a été conçu par une intelligence surnaturelle visionnaire
(pour les religions monothéistes, il s’agit de Dieu) ;
– l’esprit est une réalité distincte de la matière (spiritualisme) ;
– l’être humain est intrinsèquement différent de l’ensemble des êtres
vivants, ce qui lui confère un statut spécial dans la Création
(anthropocentrisme) ;
– tout processus historique lié au monde physique et au monde vivant est
nécessairement dirigé ou a une direction prédéterminée (finalisme(*)).
Pour les créationnismes, ces présupposés supportent une conception du
monde et un projet de société. Tous les champs de la connaissance ainsi que
la construction politique de la société y sont englobés, ce qui porte atteinte
au principe de laïcité. En conséquence, les créationnismes se caractérisent
par deux types d’actions ayant un impact sur la société dans son ensemble :
– lorsqu’elles ne rejettent pas simplement les résultats scientifiques en
contradiction avec leur croyance, les doctrines créationnistes redéfinissent
la démarche scientifique pour légitimer objectivement leur vision du
monde ;
– l’enseignement, et plus particulièrement l’enseignement des sciences,
constitue une cible privilégiée des créationnistes dans le but d’imposer
durablement leurs conceptions à l’ensemble de la société.
Pour aider les citoyens à comprendre qui sont les créationnistes et quels
sont les enjeux politiques de leur démarche, nous proposons dans cet
ouvrage des clés pour détecter et déconstruire les discours créationnistes.
Tout d’abord, pour comprendre en quoi les créationnismes sont extérieurs à
la science, nous consacrons la première partie du livre à définir la démarche
scientifique et bien préciser la ligne de démarcation entre le discours
scientifique et les discours religieux. Dans un deuxième temps, nous
présentons un historique des mouvements créationnistes américains, un état
des lieux des offensives créationnistes dans de nombreux pays européens,
ainsi que de la propagation d’un créationnisme musulman d’origine turque.
Nous décrivons ensuite les structures créationnistes actives en France, avant
d’aborder les stratégies de communication communes à ces mouvements,
ainsi que les stratégies développées par une forme particulièrement élaborée
de créationnisme, que nous nommons le spiritualisme englobant(17). Enfin,
nous nous intéressons aux terreaux social, culturel et politique sur lesquels
les créationnismes peuvent se développer en France, avant de proposer
quelques pistes de réflexion pour limiter leur incidence.
Chapitre 1

La démarche scientifique et son


instrumentalisation par les créationnismes
Comme nous l’avons déjà évoqué en introduction et comme nous le
verrons par la suite plus en détail, le créationnisme est protéiforme, c’est-à-
dire qu’il prend des formes et des aspects variés. Cependant, cette diversité
s’estompe dans la volonté commune à tous les mouvements créationnistes
de faire tenir à la science un discours qui n’est pas le sien et
particulièrement un discours spiritualiste affirmant que l’esprit est une
réalité distincte de la matière. Avant de rendre compte des spécificités des
créationnismes et des structures qui les portent, nous proposerons dans ce
chapitre quelques clés pour comprendre ce qu’est la science et ce qui la
caractérise(18). Ensuite, nous tracerons les contours de la démarche
scientifique et nous nous interrogerons plus particulièrement sur les
rapports entre science et religion. Enfin, nous décrirons les grandes lignes
de deux disciplines particulièrement attaquées par les créationnistes — les
sciences du vivant et la physique — afin de donner quelques outils pour
bien comprendre combien certaines interprétations créationnistes
concernant les origines du monde naturel sont situées hors du champ
scientifique.

Qu’est-ce que la science ?

Certains affirment que « personne ne peut définir ce qu’est ou ce que ne


serait pas la science ; ce sont la pratique de la communauté scientifique et
l’opinion des scientifiques à un moment donné, à une époque donnée, qui
déterminent les limites de la science. Faire autrement serait justement faire
preuve à la fois de dogmatisme et, ô ironie, d’un argument d’autorité »(19).
Cette posture avantageuse permet à son auteur de définir la science comme
bon lui semble au gré de ce qu’il veut lui faire dire. En suivant cette
logique, tout un chacun pourrait donner sa propre conception de la science.
Bien que difficile, l’exercice consistant à préciser ce qui caractérise les
disciplines scientifiques(20)est non seulement possible, mais aussi nécessaire
pour apprendre à distinguer la science et les autres types de discours.
Différentes acceptions du mot « science »
Dès lors que l’on aborde la thématique de la science dans les médias ou
dans une conversation, il est nécessaire d’avoir à l’esprit que ce mot est
polysémique. Les physiciens Alan Sokal et Jean Bricmont(21) proposent
quatre acceptions principales du mot « science » :
(i) La science est un ensemble de résultats et de connaissances
accessibles à une époque donnée et/ou dans une civilisation donnée. On
peut ainsi faire référence à la science grecque dans l'Antiquité ou à la
science arabo-musulmane au Moyen Âge. La science moderne
correspondrait aux connaissances scientifiques contemporaines.
(ii) La science est l’ensemble des acteurs professionnels qui la
pratiquent, en quelque sorte la « communauté des scientifiques ». Il s’agit
d’une vision sociologique.
(iii) La science est l’ensemble des applications techniques et
technologiques qui en sont issues (machine à laver, médicaments, arme
nucléaire, etc.). Cette acception, parmi les plus courantes, est en fait une
réduction de la science aux technosciences.
(iv) La science est une démarche rationnelle de découverte et de
compréhension du monde réel ou, dit autrement, un ensemble de méthodes
et d’outils rationnels développés pour appréhender le monde naturel.
Intéressons-nous ici au quatrième sens, c’est-à-dire à la démarche
scientifique et à ce qui la caractérise. L’épistémologie, une branche de la
philosophie qui traite de la démarche scientifique, nous fournit quelques
éléments de réponse indispensables pour décrypter les discours
créationnistes.
La démarche scientifique
La science, en tant que démarche d’investigation, propose de construire
collectivement des connaissances objectives grâce à des expériences
reproductibles sur le monde qui nous entoure. Comme l’explique le
généticien André Langaney, « la science cherche des représentations du
monde que les humains puissent partager et permettant des actions
prévisibles pour leur survie et la qualité de leur environnement. Dans un
monde multiculturel, seul ce qui fait l’objet d’un accord entre des
chercheurs de cultures différentes peut prétendre à l’universalité »(22). Pour
être validé, un résultat scientifique doit ainsi avoir pu être testé par des
chercheurs du monde entier, quelle que soit leur culture. Qu’un corps soit
lâché depuis une tour à Pise, au Vatican, à La Mecque, à Jérusalem ou sur la
Lune, une même théorie — l’attraction universelle — explique son
mouvement en l’état actuel des connaissances et ce, indépendamment du
système politique dans lequel vit l’expérimentateur et de ses convictions
religieuses.
La scientificité d’une assertion tient au respect d’un contrat social qui
repose sur quatre piliers : le scepticisme initial sur les faits, la rationalité
(logique et parcimonie(*)), le réalisme et le matérialisme méthodologique
(voir, en préface, notre entretien avec Guillaume Lecointre). Le
matérialisme en question n’est pas une philosophie, un dogme(23) ou une
idéologie. Aucun résultat n’est imposé a priori. Il s’agit d’un matérialisme
de méthode qui a permis à la science de s’affranchir des idéologies
religieuses et politiques pour tenter d’expliquer le monde objectivement
(voir chapitre 1 notre entretien avec Pascal Charbonnat). Cette
méthodologie matérialiste se caractérise par le fait que la science ne
travaille pas avec des éléments immatériels (transcendance, force vitale,
esprit, etc.) : la science refuse ces entités ou ces phénomènes parce qu’ils ne
sont pas accessibles à l’expérience et qu’aucune théorie crédible ne peut en
rendre compte.
Le fonctionnement même de la science, dans sa démarche de
construction des connaissances, est par définition indépendant de toute
considération morale : il est amoral. Attribuer des valeurs morales à une
théorie scientifique ne permet en rien de discuter de sa validité sur le plan
scientifique. Attention : amoral ne veut pas dire immoral. Quand certains
prennent l’exemple de l’arme nucléaire pour proclamer la science
immorale, ils confondent la démarche scientifique avec les applications de
la science. La démarche scientifique est amorale, mais on peut considérer
que certaines de ses applications sont immorales. Comme le souligne
Lecointre(24), « entre le raisonnement scientifique, qui est amoral, et les
applications pour lesquelles on déploie ce raisonnement, il existe toute une
chaîne décisionnelle qui est oubliée ou tue, et qui est la principale porteuse
des considérations économiques, sociales, éthiques, politiques, historiques,
morales et philosophiques qui se surajoutent pour justifier tel ou tel objectif
des technosciences. Les équations qui décrivent la fission de l’atome ne
sont pas responsables à elles seules de l’existence de la bombe atomique ».
La description de la démarche scientifique utilise un certain nombre de
notions qui sont parfois employées dans un sens éloigné de leur acception
courante. Dans l’encadré ci-après, nous précisons six d’entre elles, qui nous
paraissent importantes car elles sont régulièrement utilisées par les
créationnistes dans leurs critiques ou dans leur instrumentalisation de la
démarche scientifique : fait, hypothèse, loi, paradigme, preuve et théorie.
Quelques notions au cœur de la démarche scientifique
En l’état actuel des réflexions des épistémologues, les notions développées ci-après
ne sont pas étanches les unes par rapport aux autres et peuvent donner lieu à des
interprétations ou à des ajustements selon les disciplines.

Fait
Au sens épistémologique, un « fait » est particulièrement difficile à définir, car il peut
décrire une diversité de types d’observations impliquant divers niveaux
d’interprétation, depuis le « fait brut » jusqu’au « fait scientifique ». Le fait brut est
une observation, un constat vérifié. Par exemple, « les petits d'une portée de chat ont
des caractéristiques différentes (couleur, taille, etc.) » est un fait brut : il s’agit d’une
observation répétée à plusieurs reprises par des observateurs différents ou par des
techniques d’observation différentes. Le fait scientifique est élaboré, construit
intellectuellement en faisant intervenir, suivant les cas, d’autres faits, une ou
plusieurs théories, des lois et également des instruments de mesures. Par exemple,
« la Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil » est un fait scientifique.

Hypothèse
Proposition qui permet de faire des déductions pouvant être soumises à des tests.
L’hypothèse pourra être invalidée ou modifiée si les déductions ne sont pas vérifiées,
ou bien considérée comme correcte si les déductions sont confirmées. L’hypothèse
selon laquelle les acides nucléiques (ADN et ARN) sont le support universel de
l’information génétique dans le monde du vivant connu à ce jour est acceptée depuis
plusieurs décennies sur la base de nombreuses preuves (comme la possibilité de
transferts de gènes entre espèces différentes pour créer des organismes
génétiquement modifiés, ou OGM). Parfois, certaines hypothèses, après avoir été
formulées de manière intuitive et considérées comme valides (par exemple parce
qu’elles ont été à la base d’explications du monde plus parcimonieuses que les
hypothèses concurrentes), ne sont prouvées expérimentalement que plusieurs
décennies plus tard (hypothèse héliocentrique, tectonique des plaques, etc.).

Loi
Relation vérifiée entre plusieurs grandeurs physiques. Elle n’a pas de valeur
explicative et elle est la conséquence de mécanismes fondamentaux. Par exemple,
la loi de Hubble décrit la vitesse d’éloignement des galaxies en fonction de leur
distance ; il s’agit d’un constat et non d’une explication.

Paradigme
Cadre conceptuel ou modèle cohérent de représentation du monde et d’interprétation
de la réalité largement accepté dans un domaine particulier. L’évolution biologique
est à la fois une théorie scientifique et un paradigme dans lequel s’insère l’ensemble
des sciences de la vie et de la Terre.

Preuve
Argumentaire ou démonstration qui vient justifier la pertinence d’une hypothèse.
Même si l’enseignement a tendance à mettre en avant l’expérimentation (ou preuve
expérimentale) comme principale manière d’établir la preuve en sciences, il en existe
d’autres qui sont aussi importantes. Nous citerons la démonstration logique ou
mathématique et la preuve historique (voir chapitre 2 notre entretien avec Armand de
Ricqlès). Ainsi, la théorie de l’évolution repose sur des expérimentations — comme
en témoignent, par exemple, les recherches agronomiques sur l’évolution des
parasites des cultures — mais aussi sur des preuves historiques qui consistent à
« mettre en cohérence maximale un certain nombre de faits afin de déduire des
événements du passé à l'origine de ces faits. Les observations de départ étant
reproductibles, les preuves historiques sont donc reproductibles »(25). Ainsi, la
systématique phylogénétique a pour objectif de définir des relations de parentés
entre des organismes actuels et/ou fossiles à partir de caractéristiques observées
sur ces organismes. Les représentations sous forme d’arbres dits phylogénétiques
qui sont obtenues peuvent être comparées avec des données biogéographiques,
géologiques, écologiques, etc. Ce travail de reconstitution historique pourra être
reproduit pour validation par autrui dans la mesure où il a été clairement présenté
dans toutes ses étapes.

Théorie
Le sens commun nous dit qu’il s’agit d’une affirmation spéculative (c’est en jouant sur
l’ambiguïté de cette acception que certains remettent en cause la pertinence de la
théorie de l’évolution). Mais en science, une théorie est une explication bien étayée
concernant un aspect du monde. Une théorie est une généralisation dans un
domaine de validité bien défini, assurant une mise en cohérence maximale entre
faits, hypothèses et éventuellement lois. Elle n’est jamais considérée comme
définitive ou acquise puisque la possibilité de réfutation est au cœur de la démarche
scientifique. La théorie darwinienne de l’évolution est, par exemple, l’une des
théories scientifiques les plus solides à l’heure actuelle (voir chapitre 1 notre
entretien avec Jean Gayon).

L’élaboration et la validation institutionnelles des connaissances


scientifiques
Compte tenu de la diversité des champs disciplinaires, nous nous en
tiendrons ici à quelques généralités permettant au lecteur non familier du
monde de la recherche de comprendre comment les connaissances
scientifiques sont validées collectivement.
La production de connaissances scientifiques repose sur des femmes et
des hommes qui travaillent, pour l’essentiel, dans le cadre d’organismes ou
d’institutions de recherche. Elle résulte du fonctionnement d’une entreprise
collective — la science — qui implique des interactions entre chercheurs
pour critiquer, corroborer, valider des résultats, notamment par des
publications scientifiques ou des colloques. Ceci, en respectant les règles
méthodologiques évoquées précédemment.
Dans le monde entier — quels que soient les continents, les régimes
politiques, les religions majoritaires — l’activité du monde de la science
repose sur les publications scientifiques. Elles sont au cœur du processus de
la science en tant que supports de diffusion des résultats scientifiques et de
mise en œuvre du processus collectif de validation des savoirs scientifiques.
Majoritairement, les scientifiques proposent leurs résultats à des revues
scientifiques dites à comité de lecture, généralistes (Nature, Science, etc.)
ou spécialisées (Journal of Cell Biology, Zoosystema, Plant Physiology,
Anthropologie et sociétés, Astronomy & Astrophysics, Physical Review
Letters, etc.)(26). Une fois l’article soumis, il est présenté par la revue à un
comité de lecture indépendant constitué de spécialistes (fréquemment deux)
du domaine concerné. Ces spécialistes, dits referees ou reviewers(27), doivent
déterminer si l’article propose des résultats répondant aux critères de
scientificité et aux contraintes des publications scientifiques et si ceux-ci
méritent d’être publiés. On parle de validation par les pairs. La publication
peut être refusée, acceptée ou soumise à des corrections. Il ne suffit pas
qu’un article soit publié pour que ses conclusions rejoignent immédiatement
le champ des connaissances objectives et vérifiées. La validation de
résultats scientifiques dépend de leur reproductibilité, de leur corroboration,
d’une absence de réfutation. Ce système de validation par les pairs assure
ainsi également un contrôle collectif des tentatives de fraude. Notons qu’il
ne suffit pas qu’un article présenté comme une réfutation radicale d’une
théorie soit publié pour que la théorie s’effondre. Encore faut-il que cette
réfutation soit vérifiée et confirmée… et qu’elle propose une théorie
alternative plus explicative que la théorie prétendument réfutée.
Finalement, les processus de diffusion et de validation des savoirs sont
longs (se comptant en années, voire en décennies), mais garantissent le
progrès des connaissances scientifiques dans tous les domaines. La lenteur
de ce processus de validation favorise son indépendance à long terme par
rapport au contexte économique, politique, social dans lequel peut s’inscrire
la soumission d’un travail de recherche.

L’instrumentalisation du discours scientifique

Compte tenu de l’importance de la science dans nos sociétés, celle-ci se


voit souvent remise en cause ou instrumentalisée par différents pouvoirs,
politiques, religieux, idéologiques ou philosophiques.
La confusion est trop souvent faite entre technosciences et méthode
scientifique, les deux étant évoquées sous le même terme générique de
« science ». La science est alors accusée d’immoralité ou rendue
responsable d’un déclin des valeurs (spirituelles, morales, politiques…) au
sein de la société. De surcroît, le matérialisme méthodologique au cœur de
la démarche scientifique est confondu par ses détracteurs — notamment par
les mouvements créationnistes — avec le matérialisme entendu en un sens
trivial (l’accumulation de biens matériels) ou, plus fréquemment, avec un
matérialisme idéologique et/ou philosophique. Ces confusions,
intentionnelles ou non, permettent à ceux qui les énoncent de défendre la
liberté de fonder la science sur un autre pilier que le matérialisme
méthodologique. Et donc de plaider pour la nécessité d’introduire dans la
démarche scientifique des valeurs (spirituelles, religieuses, politiques…) en
lui demandant de répondre à des questions pour lesquelles elle n’est pas
outillée, par exemple la « quête de sens ». Autres types
d’instrumentalisation du discours scientifique : celles qui relativisent les
connaissances scientifiques en réduisant la démarche scientifique à un
simple processus historique et social. Ou encore les tentatives de certains
d’établir des ponts entre science et religion, dans le but d’assujettir ou de
redéfinir la science en donnant l’impression qu’elle appuie le discours de la
religion. Ces tentatives sont entre autres une réaction au fait que le discours
scientifique tente d’apporter des réponses à la question des origines (en
particulier de l’Univers, de la vie, de l’espèce humaine, de la conscience),
autrefois chasse gardée des religions.
Des interprétations hors science
La démarche scientifique, par sa méthodologie, a pour objectif de fournir
des connaissances objectives sur le monde, c’est-à-dire indépendantes du
sujet qui l’énonce et donc de toute autorité, qu’elle soit politique ou
religieuse. Ainsi, les connaissances produites par la démarche scientifique
ont un statut sans équivalent dans les autres types de discours, qu’ils soient
philosophiques, théologiques ou artistiques, comme le rappelle Jean
Bricmont : « Ce que comprenaient bien les penseurs des Lumières, mais qui
a été en partie oublié depuis lors, c’est que l’approche scientifique (en y
incluant la connaissance ordinaire) nous donne les seules connaissances
objectives auxquelles l’être humain ait réellement accès. »(28) Avec la
science, l’être humain construit la seule connaissance objective accessible
jusqu’à aujourd’hui. Pour atteindre cet objectif ambitieux, le discours
scientifique s’est progressivement affranchi de considérations ne pouvant
pas être testées : c’est le cas des croyances personnelles ou des présupposés
métaphysiques, ainsi que des opinions morales et politiques. Les
scientifiques ne sont pas pour autant sans émotion et sans opinion
personnelle lorsqu’ils travaillent au quotidien, mais la validation des
connaissances qu’ils construisent ne se fait pas selon des critères moraux.
La mise à l’écart de la démarche scientifique de présupposés
métaphysiques apparaît clairement dès le XVe siècle. Le philosophe des
sciences Pascal Charbonnat (voir notre entretien dans le chapitre 1) parle
alors d’une « abstinence métaphysique » : cela ne signifie pas que les
savants ont systématiquement abandonné leur foi, mais qu’ils n’introduisent
plus d’entités métaphysiques dans leurs énoncés savants afin de bâtir leur
système et interpréter leurs observations. Peu importe alors l’interprétation
des connaissances scientifiques que pourraient en faire les religions : le
discours scientifique s’est émancipé du discours théologique. Mais alors
doit-on estimer que le physicien anglais Isaac Newton (1642-1727) ne
respecte pas la démarche scientifique et que ses résultats ne doivent être
considérés qu’à l’aune de sa foi personnelle lorsqu’il écrit(29) : « Cet
admirable arrangement du Soleil, des planètes et des comètes ne peut être
que l’ouvrage d’un être tout puissant et intelligent. […] Cet Être infini
gouverne tout, non comme l’âme du monde, mais comme le Seigneur de
toutes choses. Et à cause de cet empire, le Seigneur-Dieu s’appelle
Pantokrator, c’est-à-dire, le Seigneur universel »(30) ? Ces propos pourraient
être interprétés comme de la théologie naturelle(31), telle que l’a développée
par exemple, quelques décennies plus tard, pour la biologie, le théologien
anglican William Paley(32) (1743-1805). Mais comme l’explique
Charbonnat, « Newton ne développe pas une théologie naturelle, il affirme
simplement certaines thèses métaphysiques en accord avec sa théorie. Une
théologie naturelle a pour vocation la fusion du théologique et du
scientifique, ce qui n’est pas le cas dans les énoncés des Principia à moins
d’interpréter la force d’attraction comme la main de Dieu, mais c’est aller
plus loin que le texte de Newton »(33). Certains créationnistes défendent la
redéfinition de la science en mettant abusivement en avant les croyances de
certains savants illustres plutôt que leur démarche scientifique qui s’inscrit
dans une nécessaire abstinence métaphysique.
Les tentatives d’introduction de présupposés métaphysiques sont
particulièrement fréquentes dans les disciplines scientifiques qui traitent de
l’histoire du monde naturel et qui se retrouvent parfois en contradiction
avec des récits hérités de traditions — religieuses ou non — donnant à l’être
humain un statut particulier. Selon ces traditions, toute l’histoire du monde
naturel, de l’évolution du cosmos à celle des êtres vivants, contiendrait en
germe l’apparition nécessaire et inévitable de l’être humain. Cette vision
anthropocentrique relève aussi d’un finalisme qui veut expliquer l’évolution
d’un processus depuis son origine par son résultat final. Cela sous-tend
l’idée d’un projet qui aurait été établi a priori, autrement dit un dessein. En
sciences du vivant, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), jésuite et
paléontologue, illustre ce type de position. Il a développé un
« évolutionnisme chrétien » que l’on peut qualifier d’« évolutionnisme
finaliste », tout d’abord rejeté fermement par le Vatican (car il acceptait
l’évolution) avant que ses nombreux écrits ne constituent un vaste sujet
d’étude pour l’Église catholique(34). En effet, Teilhard de Chardin a essayé
de discerner un sens (une direction et une signification) dans l’évolution et
a développé l’idée d’une évolution dirigée(35) vers un point de convergence,
un but, le « Point Oméga », qu’il définit comme la réunion ultime de Dieu
et de l’espèce humaine dans une « parfaite spiritualité ». En cosmologie,
l’argument du principe anthropique fort consiste, lui, à déclarer que les
paramètres de l’Univers ont été ajustés en vue de l’émergence d’une vie
intelligente (voir chapitre 1 notre entretien avec Jesús Mosterín). La
considération a posteriori d’une situation, que ce soit le monde vivant ou
l’Univers d’aujourd’hui, peut facilement nous conduire à interpréter la
réalisation de cet événement comme inéluctable ou nécessaire et à y voir la
présence d’un dessein. Ces arguments n’étant pas testables et
expérimentables, ils n’ont pas leur place dans le discours scientifique : ils
sont hors science.
Par ailleurs, le discours scientifique ne prend pas compte de
considération morale dans l’élaboration de ses résultats. Ainsi l’idée
d’échelle des êtres en biologie, c’est-à-dire la représentation de l’évolution
comme une succession ordonnée d’organismes allant des bactéries jusqu’à
l’espèce humaine selon une complexité croissante, correspond à une vision
préconçue du monde vivant. Cette représentation est souvent défendue pour
mettre en accord une considération morale — l’être humain est une espèce
à part parmi toutes les espèces qui peuplent la planète — avec une
description scientifique naïve de l’évolution du monde vivant : elle est hors
science.
Certains penseurs justifient une idéologie politique par un discours
présenté comme scientifique, en s’appuyant sur des connaissances
scientifiques valides dans un tout autre domaine. Ainsi la théorie
darwinienne de l’évolution est instrumentalisée, entre autres(36), par deux
idéologies : le spencérisme et l’eugénisme, regroupés sous l’expression
« darwinisme social »(37). Rapidement après la parution de L’Origine des
espèces, le philosophe Herbert Spencer (1820-1903) interprète la théorie de
Darwin comme « la sélection du plus apte » et transpose cette idée à la
société dans son ensemble pour justifier, dans une période d’essor du
libéralisme économique, une opposition à toute mesure d’aide aux plus
défavorisés (voir ci-contre l’encadré « Le spencérisme selon Richard
Monvoisin »). Parallèlement, le statisticien Francis Galton (1822-1911),
passionné par l’étude des phénomènes héréditaires, va développer les thèses
à la base de l’eugénisme. Soucieux du risque de dégénérescence de la
société britannique victorienne et considérant l’hérédité comme un facteur
prédominant par rapport aux aspects sociaux et/ou culturels, il promeut
l’organisation d’une sélection artificielle institutionnalisée pour améliorer
les qualités biologiques et psychologiques de la société. Des politiques
eugénistes visant, en particulier, à stériliser (mais aussi parfois à éliminer)
les individus considérés comme déviants (faibles d’esprit, handicapés,
pauvres, criminels, homosexuels, alcooliques, malades mentaux, etc.) ont
ainsi été adoptées dans de nombreux pays entre la fin du XIXe siècle et les
années 1970(38) (États-Unis, Suisse, Suède, Allemagne, etc.). Darwin n’a pas
promu ces conceptions responsables de politiques aussi dramatiques. Il s’y
est même opposé(39). Le lien familial entre Galton et Darwin (ils étaient
cousins) et le fait que les auteurs de ces théories se soient réclamés du
darwinisme ont contribué à cette accusation.

Le spencérisme selon Richard Monvoisin(*)


Certains penseurs de la fin du XIXe siècle proposèrent, dans le sillage d'Herbert
Spencer, un évolutionnisme anthropologique appelé « darwinisme social », qui
interprète l'assujettissement de certaines populations par d'autres et les inégalités
sociales comme la preuve de l'infériorité de certains par rapport à d'autres, « plus
aptes » (la notion de « plus apte » est une définition ad hoc, puisqu'on désigne
comme peuple le « plus apte » celui qui écrase le peuple voisin à coups de botte).
Dans cette vision spencériste, l'hérédité aurait un rôle prépondérant par rapport à
l'éducation et la culture, et signerait en quelque sorte l'inadaptabilité d'un groupe
social. C'est une idéologie qui a eu beaucoup de succès dans les systèmes
politiques élitistes, comme le nazisme ou les diverses formes de colonialisme.

Cela dit, la mise à l’écart de la démarche scientifique des présupposés


métaphysiques, moraux et politiques n’est-elle pas utopique ? L’individu
peut-il s’abstenir d’en tenir compte, sachant qu’il vit dans un contexte
sociétal spécifique qui l’influence ? Dans cette logique, le courant
philosophique du relativisme cognitif (voir page suivante l’encadré « Le
relativisme cognitif selon Jean Bricmont ») prétend réduire les
connaissances scientifiques à un simple produit culturel et social. Elles
dépendraient à la fois de la culture ou de la société dans laquelle elles ont
été émises, mais également de la période historique de leur construction
(voir chapitre 1 l’encadré « Le sophisme de l’historico-social selon Jean
Gayon »). Or c’est justement une spécificité de la démarche scientifique
que de pouvoir s’affranchir du contexte culturel dans lequel une
connaissance a été émise en étant fondée sur les piliers cités précédemment
et sur la validation collective des résultats.
De surcroît, ce relativisme cognitif pose un sérieux problème, comme le
souligne Alan Sokal(40), car « adopter une telle position équivaut à renoncer
à la recherche d’un savoir objectif, et partant, au but de la science ». Le
pari raisonné est fait que sur le long terme, les présupposés individuels des
savants ainsi que leur environnement culturel s’effacent pour laisser place à
des connaissances objectives sur le monde, testables par des individus d’un
autre contexte historique, culturel et social. Ainsi, la gravitation universelle
du physicien chrétien Isaac Newton reste testable aujourd’hui par un
Japonais musulman, ou par un Algérien bouddhiste…
Le relativisme cognitif selon Jean Bricmont(*)
Le relativisme cognitif est une doctrine philosophique qui affirme que toutes les
connaissances sont relatives à un point de vue, à une époque, à une société ou à un
groupe humain donnés. Les relativistes sont en général d'accord pour dire que les
théories scientifiques sont « vraies », mais, ajoutent-ils, « pour nous » ou « à
l'intérieur de notre culture » et pas « tout court ». Il est assez facile de réfuter cette
attitude en se référant aux vérités de la vie quotidienne : le fait que je tape ce texte-ci
sur mon ordinateur est un fait réel indépendant de toute perspective ou culture. C'est
vrai qu'étendre cet argument aux théories scientifiques est un peu compliqué, mais
on peut se demander comment il serait possible que la science ait de tels effets
pratiques, bons ou mauvais, électricité, avions, autos, bombes atomiques, si elle était
une pure illusion ou une pure « construction sociale », « occidentale », « masculine »
ou autres ? On ne trouve aucun effet pratique semblable (même de loin) dans les
mythes religieux, les pseudosciences, les discours métaphysiques, etc., qui sont,
eux, effectivement, des produits « sociaux ». Cette observation laisse en suspens un
certain nombre de questions philosophiques, mais elle me semble offrir une réponse
à tous ceux qui veulent considérer la science comme un pur produit culturel ou
social.

Le sophisme de l'historico-social selon Jean Gayon(*)


Le philosophe Larry Laudan a dénoncé le « sophisme de l'historico-social », qui
consiste à dire qu'un contenu de connaissance est socialement déterminé parce qu'il
a émergé dans un contexte historique précis. Or en matière de culture humaine et de
surcroît en matière de science, tout émerge dans un contexte historique.
L'arithmétique, la géométrie, la mécanique rationnelle ou la théorie de l'évolution sont
apparues dans des contextes précis exprimant des tendances profondes de la
société. Voulons-nous dire pour autant que la validité de l'arithmétique dépend du
contexte social dans laquelle elle s'est développée ? La réponse est non :
l'arithmétique est rapidement devenue une science autonome par rapport à la base
historique sur laquelle elle s'est construite.

L’ABSTINENCE MÉTAPHYSIQUE DU SCIENTIFIQUE


Entretien avec Pascal Charbonnat(**)

- Quand est apparue l’idée de l’indépendance du discours scientifique vis-à-vis


d’entités métaphysiques ?
– J’ai créé le concept d’« abstinence métaphysique » pour décrire l’attitude d’une
partie des savants face à la religion à partir du XVe siècle(41). En simplifiant, on peut
dire que deux manières de concevoir le rapport entre les sciences et la religion
coexistent jusqu’à la moitié du XIXe siècle. D’un côté, certains savants entendent
concilier science et théologie, et partent en quête d’une physico-théologie ou d’une
théologie naturelle. ils fondent en partie leurs théories sur des entités métaphysiques
ou des considérations théologiques, qui ne sont susceptibles d’aucune contradiction,
ni vérification empirique, et s’en servent pour bâtir leur système et interpréter leurs
observations. Par exemple, au XVIIIe siècle, de nombreux naturalistes comme René-
Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757) défendent la théorie des germes
préformés car ils présupposent que l’organisation des êtres ne peut être que le fruit
de l’intelligence divine, et non d’agencements matériels aveugles. De l’autre côté,
des savants cherchent au contraire à séparer les énoncés scientifiques des
impératifs du dogme biblique. ils ne sont pas pour autant des athées ou des critiques
de l’idée de Création. Mais ils choisissent de s’abstenir, autant que possible, de
recourir à des entités métaphysiques dans leurs travaux scientifiques. C’est le cas
notamment de Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788) qui explique la diversité
des êtres en fonction d’échanges entre matière organique et matière inerte. Cette
approche s’est imposée définitivement parmi les savants au XIXe siècle.
L’abstinence en sciences n’est pas une pure neutralité, comme on le pense trop
souvent aujourd’hui, où tout présupposé métaphysique serait évacué des discours
scientifiques. En effet, le terme de neutralité a l’inconvénient de passer sous silence
l’effort de retenue et de sobriété fait par des naturalistes qui possèdent bel et bien
des conceptions métaphysiques. En réalité, ils ont des idées métaphysiques, mais ils
s’abstiennent de les mêler à leurs énoncés traitant de la physique des êtres et du
globe. La différence entre les abstinents et les conciliateurs réside dans la place
laissée à Dieu dans les énoncés. Un savant conciliateur présuppose que Dieu est
intervenu dans le cours ordinaire de la nature et qu’il doit donc être l’un des objets de
la science. Un savant abstinent limite l’intervention divine soit à un acte
extraordinaire au commencement de la nature, soit à rien, ce qui dans les deux cas
exclut Dieu de la connaissance. Autrement dit, l’abstinence métaphysique des
scientifiques suppose un Dieu absent de la nature qu’ils étudient. Ce présupposé
abstinent garantit une certaine indépendance aux sciences sur le plan
méthodologique en empêchant le recours à des entités métaphysiques a priori
invérifiables. Les créationnismes d’aujourd’hui sont une survivance des savants
abstinents.

- Un argument créationniste consiste à justifier l’introduction d’une


transcendance dans le discours scientifique par le fait que de nombreux
scientifiques illustres étaient (ou sont) croyants et que leur croyance aurait été
(ou serait) déterminante dans leurs travaux et découvertes. Qu’en pensez-
vous ?
– Cet argument joue sur une ambiguïté entre les différentes conceptions de la place
de Dieu dans la nature. Certes, la plupart de ces scientifiques étaient (ou sont)
croyants, mais leurs théories ne font jamais intervenir Dieu. Il en est
systématiquement absent. Les créationnistes confondent à dessein leur Dieu
interventionniste et le Dieu absent de la majorité des scientifiques. La science laisse
le champ libre à diverses croyances à condition que Dieu n’agisse pas dans les
processus ordinaires de la matière, et donc ne soit pas un objet de connaissance.

LE PRINCIPE ANTHROPIQUE
Entretien avec Jesús Mosterín(*)

- En cosmologie, le principe anthropique sert ceux qui veulent voir notre


existence comme la finalité de l’évolution de l’univers. Dans sa version dite
faible, il s’énonce comme suit : « Ce que nous pouvons nous attendre à
observer doit être compatible avec les conditions nécessaires à notre
présence en tant qu’observateurs. »(42) Ce principe est-il scientifiquement
recevable ?
– Loin de représenter une révolution dans le raisonnement scientifique, le principe
anthropique faible n’est qu’une reformulation d’une règle élémentaire de logique déjà
connue au Moyen Âge et même dans l’Antiquité, la contraposition(43) (règle
d’inférence modus tollens). Ainsi, le principe anthropique faible ne nous permet que
d’inférer ce que nous connaissions déjà (que les constantes ont les valeurs que nous
savons qu’elles ont), mais il ne nous permet pas d’expliquer ou de prédire quoi que
ce soit de nouveau. il est donc valide, mais au même titre que les tautologies(44),
c’est-à-dire de manière triviale et stérile.
Une simple inférence est épistémologiquement plus faible qu’une explication
proprement dite. Une inférence à partir de prémisses vraies nous permet d’affirmer
quelque chose, mais ne révèle pas sa cause. Elle ne répond pas à un « pourquoi ».
À partir du fait que nous ne voyons pas de dinosaures vivants aujourd’hui, nous
pouvons inférer qu’ils ont disparu, mais ce n’est en aucun cas une explication de leur
extinction. Pour l’expliquer, nous avons besoin de faire appel à un événement
antérieur qui a provoqué leur extinction, comme l’impact d’une météorite sur la Terre
il y a 65 millions d’années. À partir du fait que quelqu’un s’appelle Élisabeth, on peut
en inférer que cette personne est une femme, mais son nom n’explique pas son
genre. Elle est de sexe féminin parce que le noyau de ses cellules contient deux
chromosomes X. De la même manière, notre vie et notre existence n’expliquent pas
pourquoi les constantes de la physique et les paramètres du modèle cosmologique
standard ont les valeurs qu’ils ont.

- En se posant la question « Pourquoi les constantes fondamentales ont-elles


les valeurs qu’elles ont ? », certains concluent à leur réglage extrêmement
précis (ou « fine tuning »), sous-entendu par une entité transcendante. Qu’en
pensez-vous ?
– Nous n’avons pas à considérer que tous les « pourquoi » correctement énoncés
ont du sens. Pourquoi est-on mardi aujourd’hui ? Pourquoi la formule chimique de
l’eau est-elle H2O ? Pourquoi la Terre n’a-t-elle qu’un seul satellite naturel ? Pourquoi
le système solaire a-t-il huit planètes ? Pourquoi y a-t-il quelque chose(45) ? Lorsque
l’on a affaire à des faits bruts, non seulement on ne connaît pas la réponse, mais il
n’y a pas nécessairement de réponse à connaître. Peut-être que les valeurs des
constantes fondamentales de la physique sont des faits bruts. Peut-être qu’il n’y a
rien à expliquer à leur propos. Ou peut-être qu’il y aura une explication dans une
théorie plus générale de la physique qui reste à venir. Nous ne savons pas.
Les spéculations anthropiques se focalisent toujours sur le fait que la plupart des
univers (logiquement) possibles seraient inadaptés à la vie, sur les nombreuses
coïncidences nécessaires à l’émergence de la vie et sur le présumé réglage fin
nécessaire pour produire ces coïncidences. Bien sûr, si les lois et les constantes
étaient différentes de ce qu’elles sont, l’Univers serait différent de ce qu’il est. Et
alors ? Quelle que soit l’étrangeté de cet hypothétique univers, nous pourrions
toujours spéculer sur le fait que ses lois et ses constantes aient été finement réglées
pour produire ce résultat étrange. Tous ces discours sur les coïncidences et les
constantes sont confus et inutiles. La notion d’un réglage fin des constantes implique
nécessairement une intentionnalité et une multiplicité de valeurs possibles pour
chacune des constantes ; or l’intentionnalité ne joue aucun rôle dans la physique et
notre Univers n’offre qu’un seul ensemble de constantes. il n’y a donc pas lieu de se
poser la question d’un réglage fin des constantes.
- « L’Univers (et par conséquent les paramètres fondamentaux dont il dépend)
doit être tel qu’il permet la création d’observateurs en son sein à un moment
de son existence. »(46) Ainsi énoncé dans sa version forte, le principe
anthropique affirme que les conditions initiales ont été ajustées finement pour
permettre l’apparition d’observateurs. Cette affirmation est-elle scientifique ?
– Le principe anthropique fort est la thèse que l’Univers entier est une grande
conspiration pour produire des êtres humains. Cette théorie conspirationniste n’a rien
à voir avec la science. On pourrait aussi bien l’appliquer aux cafards ou même aux
cailloux, ce qui donnerait un principe « cafardique » et un principe « caillouteux ». La
version faible de ces principes est triviale, mais juste : comme il y a des cafards et
des cailloux aujourd’hui, les constantes de la physique ne peuvent pas être telles
qu’elles excluent l’existence des cafards ou des cailloux. Le principe « cafardique »
(ou « caillouteux ») fort est téléologique(*) et faux : les constantes de la physique ont
été finement ajustées de manière à produire des cafards (ou des cailloux) ; par
conséquent, non seulement il y a des cafards (ou des cailloux), mais il doit y en avoir,
parce que leur existence est le but de l’Univers dans son ensemble. Aucune théorie
en physique, en astronomie ou en cosmologie ne fait une quelconque référence à
des buts ; ces disciplines n’incluent même pas les mots « buts » et « intention » dans
leur vocabulaire. À partir du moment où on parle de buts de l’Univers, on quitte le
domaine de la science. Les tenants du principe anthropique fort expliquent une
cause par ses effets. Pourquoi y a-t-il de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre ? La
réponse de type anthropique est qu’il y a de l’oxygène parce que nous, humains,
respirons de l’oxygène. Or, l’oxygène dans l’atmosphère précède l’arrivée des
humains sur la Terre de 2 milliards d’années. Donc le fait que l’atmosphère contienne
de l’oxygène est au contraire une condition préalable à l’existence de créatures
aérobies telles que nous. De la même manière, on ne peut pas expliquer les
conditions initiales de l’Univers il y a 15 milliards d’années par notre existence
récente(*). Le principe anthropique fort est une affirmation métaphysique qui engage
ses défenseurs vers une vision anthropocentrique de l’Univers. L’évolution cosmique
est vue comme menant nécessairement à la production de la vie et d’observateurs.
Comme le principe anthropique fort ne peut être justifié avec des arguments
scientifiques, certains auteurs lui trouvent une justification théologique : l’univers doit
produire la vie et les êtres humains car c’est avec cette intention qu’un dieu
personnel (capable d’avoir des intentions) et créateur l’a créé.

Les relations entre science et religion


La pensée humaine produit de nombreux discours sur le monde :
philosophique, religieux, mythologique, scientifique, poétique, artistique,
politique, idéologique, moral, etc. Grâce à la méthodologie déjà décrite, le
discours scientifique est le seul à produire des connaissances objectives et
universelles. Cela tient notamment à la nature de la démarche collective de
construction des savoirs scientifiques, aux limites de son champ d’action et
à ses outils conceptuels : les mathématiques et la logique.
Les scientifiques doivent s’abstenir de faire intervenir les autres discours
dans leurs démonstrations et rester conscients que la science ne répond pas
à toutes les questions que se posent les humains. Ceux qui considèrent que
la science offre les réponses à toutes les questions que nous nous posons
versent dans le scientisme. Cette posture philosophique développe une sorte
de foi dans l’application des principes et des méthodes de la science dans
tous les registres de notre vie. Les impasses liées à cette position sont
multiples. Elle conduit d’une part à éliminer la spécificité et la richesse des
autres types de discours et, d’autre part, à transformer la méthodologie
scientifique pour la plier à des contraintes politiques et sociales qui ne sont
pas les siennes.
Une fois les positions scientistes identifiées et rejetées, force est de
constater que la science occupe une place considérable dans les sociétés
contemporaines. Or sur certaines questions, une concurrence ou un conflit
peut s’installer entre le discours scientifique et d’autres types de discours.
C’est tout particulièrement le cas lorsque les religions ne souhaitent pas que
le discours scientifique vienne contredire leurs assertions et un certain ordre
établi qui y est associé. Les pouvoirs religieux cherchent alors à fixer des
limites à la connaissance scientifique uniquement pour soutenir leur vision
du monde. Elles ne s’attaquent d’ailleurs qu’à des aspects qui posent
problème dans leur système du monde, comme la position de l’espèce
humaine par rapport aux autres animaux, ou encore le statut de l’âme
humaine dans le monde vivant et dans le cosmos. Les religions ne sont pas
les seules concernées. Les lobbies économiques et politiques adoptent des
comportements similaires vis-à-vis de certains domaines de la science qui
remettent en question une conception donnée du monde et, par là même,
leurs intérêts. L’intensité de la polémique médiatique en 2009 et 2010
autour du changement climatique et des travaux du Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) illustre ce dernier
point(47).
Notons que la plupart des controverses d’ordre scientifique restent au
cœur des disciplines concernées et ne suscitent pas de débats « publics » (la
question de la charge du neutron ne fait pas débat en dehors des cercles
scientifiques concernés). Ceci est un argument supplémentaire pour
souligner que ce ne sont pas les débats au cœur d’une discipline scientifique
qui expliquent un conflit avec un autre type de discours, mais bien les
répercussions du discours scientifique sur un autre type de discours
politiquement et socialement ancré.
À de nombreuses reprises dans l’histoire, alors même que le cœur de
l’entreprise scientifique ne consiste pas à démontrer que le discours
religieux est faux, les relations entre science et religion ont été
conflictuelles, en particulier sur les questions concernant la place de
l’espèce humaine dans l’Univers : au XVIIe siècle l’opposition de l’Église
catholique au système héliocentrique de Nicolas Copernic (1473-1543), ou
bien aujourd’hui l’opposition des créationnismes à la théorie darwinienne
de l’évolution (voir chapitre 1 notre entretien avec Jean Gayon). S’il est
clair que les deux types de discours semblent chacun apporter une réponse à
des questions en apparence identiques, comment distinguer ces discours ?
Peut-on définir une frontière entre eux afin d’assurer leur autonomie
respective ?
Une posture classique consiste à assigner aux discours scientifique et
religieux deux registres de questions différents et complémentaires : la
science répondrait au comment, et la religion au pourquoi, ainsi que
l’affirme Mgr le cardinal Gianfranco Ravasi, président du conseil pontifical
pour la culture : « La science s’interroge sur les faits, sur le “comment”,
tandis que la métaphysique et la religion enquêtent sur les valeurs ultimes,
sur le “pourquoi”. »(48) Cette délimitation et l’idée d’une complémentarité
(et donc d’un dialogue possible) qu’elle sous-tend se révèle illusoire et
stérile car :
– soit le « pourquoi » est en fait un « comment » déguisé, et la science
peut y répondre ;
– soit le « pourquoi » attend une explication finaliste ou ultime, auquel
cas il n’existe aucune réponse testable donc fiable et l’on a aucune
complémentarité, aucun dialogue possible entre un discours métaphysique
et un discours scientifique qui, par définition, s’abstient de toute
considérations métaphysiques (voir nos entretiens avec Jean Bricmont et
Jesús Mosterín dans le chapitre 1).
Autrement dit, il n’y a pas de dialogue qui puisse être utile entre le
discours scientifique et le discours religieux : chaque domaine travaille avec
des démarches et des objectifs différents. Il y a ainsi une frontière
épistémologiquement étanche qui rend nulle et non avenue toute idée de
complémentarité et de dialogue entre les discours. Précisons que le dialogue
dont il est ici question concerne des domaines de compétences, et donc des
personnes en tant que représentantes de ces domaines et s’exprimant au
nom de leur communauté respective. Il ne s’agit évidemment pas
d’individus s’exprimant en leur nom, qu’ils soient scientifiques, théologiens
ou autres.
On peut faire les mêmes reproches au principe de « Non-empiétement
des magistères » (en anglais, Non Overlapping MAgisteria ou Noma)
énoncé par le paléontologue américain Stephen Jay Gould (1941-2002), qui
le présente ainsi : « Le Noma prône le respect mutuel, sans empiétement
quant aux matières traitées, entre deux composantes de la sagesse dans une
vie de plénitude : notre pulsion à comprendre le caractère factuel de la
Nature (c’est le magistère de la Science), et notre besoin de trouver du sens
à notre propre existence et une base morale pour notre action (le magistère
de la Religion). »(49) Ici, comme le souligne l’historien et philosophe des
sciences Olivier Perru, « il semble que l’emploi du mot “magistère” par
Gould est inadéquat et que ce mot devrait être remplacé par un mot comme
“compétence” ou par un autre mot analogue. Épistémologiquement, les
compétences des positions théologiques ou religieuses et les compétences
des scientifiques ne se recouvrent pas. » Perru explique en effet que : « La
religion catholique implique un magistère, basé sur l’enseignement
traditionnel de l’Église, donc sur la Révélation, et sur l’actualisation de cet
enseignement par la hiérarchie catholique. On ne peut pas affirmer la
même chose pour les sciences : il y a bien un enseignement basé sur des
connaissances reçues, mais cet enseignement se fonde sur
l’expérimentation et s’étend à un domaine restreint dans l’ordre de la
nature et du vivant. »(50) La complémentarité injustifiée
épistémologiquement présente dans le Noma émane principalement des
religions(51). Un propos qu’aurait tenu le pape Jean-Paul II lors d’une
discussion avec le physicien britannique Stephen Hawking l’illustre en
partie : « Nous sommes bien d’accord : ce qu’il y a après le Big Bang, c’est
pour vous, et ce qu’il y a avant, c’est pour nous. »(52)
On comprend donc que la volonté de dialogue avec la science affichée
par les religions n’a pas de sens. Comme l’explique le géologue Jean
Dubessy à propos de l’Église catholique dans un article sur les relations
entre science et religion, « c’est l’Église qui a besoin de ce dialogue entre
science et religions pour légitimer la place de la religion et donc de l’Église
sur le plan politique, c’est-à-dire la sphère publique. Ce besoin de dialogue
n’a pas de ressorts épistémologiques, mais bien politiques. La science, dont
la méthodologie relevant du matérialisme a fait ses preuves sur le terrain de
la connaissance objective, n’a pas besoin d’un tel dialogue, puisqu’elle est
autosuffisante épistémologiquement. »
En définitive, en respectant les règles méthodologiques évoquées
précédemment, le type d’interrogations auquel le discours scientifique peut
répondre est limité. Mais le périmètre des connaissances scientifiques
s’élargit sans cesse et la limite de notre compréhension scientifique du
monde est, elle, encore inconnue à ce jour. Dans le même temps, cette
manière de concevoir la science laisse la possibilité d’expression de tous les
autres types de discours — et donc des discours religieux — tant que ces
derniers ne remettent pas en cause la méthode scientifique et son incroyable
efficacité pour construire des connaissances objectives et universelles.
LE COMMENT ET LE POURQUOI
Entretien avec Jean Bricmont

- Concernant les rapports entre science et religion, une affirmation classique


consiste à délimiter ces deux domaines en attribuant à la science la réponse
au « comment », et à la religion celle au « pourquoi ». Cette séparation vous
paraît-elle effective et pertinente ?
– Quand on dit « Pourquoi l’eau bout-elle à 100 degrés ? » ou « Pourquoi y a-t-il eu
une tempête hier ? », la réponse fait intervenir des considérations physiques ou
météorologiques, et on ne voit pas en quoi les réponses à ces questions utilisant le
mot « pourquoi » sont différentes de celles qu’on donnerait à des questions utilisant
le mot « comment ». On pourrait aussi dire « Comment se fait-il qu’il y ait eu une
tempête hier ? » et cette question aurait le même sens que celle utilisant le mot
pourquoi. Les personnes qui introduisent la séparation mentionnée ici n’utilisent
évidemment pas le mot « pourquoi » dans le sens exposé ci-dessus. Leur question
présuppose en fait un certain type de réponse : qu’il y a une intention cachée
derrière l’Univers visible, ou encore un but vers lequel celui-ci tend. Mais comment
répond-on à ce genre de question ? La science répond à la question du comment (ou
du pourquoi, quand ces deux termes ont un sens équivalent) par une combinaison
d’observations et de raisonnements. Mais comment faire pour découvrir le but ou
l’intention qui se cacherait derrière l’Univers ? Évidemment, on peut inventer un
grand nombre de réponses, mais comment les tester et comment savoir laquelle est
la bonne ? Les théologiens et les métaphysiciens qui nous parlent de la « question
du pourquoi » ne répondent jamais à cette question méthodologique préliminaire. La
seule façon de faire est de se référer à une révélation et à un livre sacré, supposés
expliciter cette intention. Le problème est qu’il existe une multiplicité de révélations
dans le monde ainsi qu’une multiplicité d’interprétations de ces textes sacrés à
l’intérieur de chaque religion, et qu’il n’y a aucun moyen de savoir ce que l’intention
cosmique a vraiment voulu dire dans ses « révélations ». On tombe alors dans
l’arbitraire le plus complet et hors du champ du questionnement scientifique.
Considérations sur quelques disciplines scientifiques

Nous allons désormais présenter quelques notions centrales des


domaines qui sont les cibles privilégiées des créationnistes : la biologie de
l’évolution et la cosmologie. Les cadres théoriques dans lesquels travaillent
aujourd’hui ces disciplines sont soit remis en cause, soit caricaturés pour
mieux les instrumentaliser. Il s’agit aussi d’illustrer que la construction de
théories scientifiques n’est pas un long fleuve tranquille et que le processus
peut durer plusieurs dizaines d’années.
Biologie et évolution
Lorsqu’en 1859 le naturaliste Charles Darwin publie On the Origin of
Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured
Races in the Struggle for Life(*), une véritable révolution a lieu dans la
conception de l’origine du monde naturel. Darwin adopte un point de vue
transformiste, c’est-à-dire l’idée que les espèces se transforment au cours du
temps (le mot « évolutionnisme » ne sera introduit qu’à la fin du XIXe siècle)
(53)
. Cette explication scientifique s’oppose frontalement à une lecture
littérale du mythe de la Création selon la Bible, qui affirme que les espèces
ont été créées telles qu’elles nous apparaissent aujourd’hui par un être
divin.
À cette époque, l’idée de transformation des organismes au cours du
temps n’est pas nouvelle en soi. Certes, la pensée dominante est alors le
fixisme, théorie selon laquelle les espèces sont fixes et immuables, telles
que le Créateur les a définies, mais d’autres savants ont proposé, avant
Darwin, des théories transformistes. Par exemple, Jean-Baptiste de Lamarck
(1744-1829), naturaliste français, développe une théorie transformiste plus
de cinquante ans avant la parution de L’Origine des espèces. Selon lui, les
changements de l’environnement provoquent des modifications chez les
organismes selon les lois d’une mystérieuse « force vitale » et ces nouvelles
caractéristiques acquises pendant la vie peuvent être transmises à la
descendance (c’est la fameuse image de la girafe qui allonge son cou pour
manger des feuilles plus hautes dans l’arbre et dont l’allongement ainsi
acquis sera transmis à la descendance). Il est généralement fait référence à
l’hérédité des caractères acquis(54) pour parler de l’approche de Lamarck.
Darwin n’en propose pas moins une représentation novatrice et pose
ainsi les fondements du paradigme évolutionniste qui prévaut toujours en
biologie, dans l’actuelle théorie darwinienne de l’évolution : le tandem
variation-sélection naturelle(55). La notion de variation est issue de
l’observation : par exemple, tous les individus d’une portée de chats sont
différents. Des caractéristiques morphologiques, anatomiques ou
physiologiques permettent de les distinguer les uns des autres. Les espèces
ont donc une capacité naturelle à varier (la variabilité). Darwin associe à
cela l’héritabilité, c’est-à-dire le fait que les variations peuvent être
transmises (ou sont héritables) de génération en génération. Soulignons ici
que les processus à l’origine de cette « descendance avec modification »
(termes de Darwin) étaient alors inconnus ; ce n’est qu’à partir du XXe siècle
que le développement de la génétique fournira une explication à la variation
et à l’héritabilité. Darwin explique ensuite qu’une sélection s’opère sur les
variations affectant les organismes. Certains organismes survivent ou se
reproduisent mieux que d’autres parce qu’ils ont des caractéristiques
avantageuses dans un environnement donné. Si l’environnement change au
cours du temps, d’autres caractéristiques — plus rares, mais présentes chez
certains individus d’une population du fait de la variation — pourront
conférer un avantage pour la survie et/ou la reproduction et, au fil des
générations, se répandre dans une population. C’est le mécanisme principal
de transformation des espèces que Darwin défend, arguments
observationnels à l’appui.
En 1871, dans The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex(*), il
étend sa théorie de l’évolution à l’espèce humaine. Il place
généalogiquement Homo sapiens au sein des singes et s’intéresse à l’action
de la sélection naturelle sur les variations morphologiques, mais aussi sur
les comportements. Il tente de comprendre comment ont pu émerger les
comportements de solidarité ou d’entraide, ou bien encore la morale, dans
les différentes civilisations humaines. Insistons ici sur le fait que les
idéologies qualifiées de darwinisme social évoquées précédemment avec
Spencer et Galton sont un contre-sens par rapport à l’anthropologie
darwinienne. Selon Darwin, la sélection naturelle ne se limite pas à une
compétition entre individus sur la base de différences biologiques. La
coopération, l’entraide, l’altruisme, etc., sont aussi nécessaires pour
expliquer le succès reproductif d’un individu(56). Résumer, par exemple, la
sélection naturelle à la « loi du plus fort » ou à une « lutte pour la vie »
relève d’une caricature, intentionnelle ou non, des idées de Darwin(57). Mais
revenons-en à son ouvrage de 1871. Il y décrit aussi la sélection sexuelle
qui préside, dans le monde animal, à la rencontre amoureuse et aux rituels
nuptiaux ainsi qu’à la transmission des caractères sexuels secondaires. Cette
sélection sexuelle complète l’action de la sélection naturelle.
En définitive, Darwin a théorisé l’idée selon laquelle les espèces
animales et végétales sont le produit d’un long processus évolutif. La base
théorique qu’il a proposée s’est développée jusqu’à nos jours, imprégnant et
intégrant tous les domaines de la biologie, mais aussi, par la dimension
historique du processus évolutif, les sciences de la Terre (voir chapitre 1
notre entretien avec Jean Gayon). Nous parlerons tout au long de ce livre de
« théorie darwinienne de l’évolution » plutôt que de « théorie de
l’évolution » pour qualifier le cadre de pensée qui prévaut aujourd’hui en
biologie(58). En effet, nous verrons que certains revendiquent des positions
évolutionnistes, mais non darwiniennes, c’est-à-dire en désaccord avec les
mécanismes proposés par Darwin.
L’approche et la théorie formulées par Darwin constituent, sur plusieurs
points, une rupture par rapport à ses prédécesseurs.
– Les valeurs morales ou les entités immatérielles jusque-là associées à
l’explication scientifique du monde vivant sont définitivement exclues du
nouveau cadre théorique, car considérées comme injustifiées, superflues et
non testables empiriquement. La théorie de Darwin est matérialiste
(méthodologiquement) dans la mesure où elle est capable d’expliquer le
monde naturel sans avoir recours à une transcendance ou à une puissance
surnaturelle.
– Darwin rompt avec l’essentialisme, ce dernier correspondant à « une
représentation du monde où les entités biologiques, voire sociales, portent
une essence dont l’origine les transcende »(59). Par exemple, affirmer que
« la coccinelle a six pattes parce qu’elle est un insecte » est une
représentation essentialiste. Dire que « la coccinelle est un insecte parce
qu’elle a six pattes » rétablit le fait que le concept d’insecte ne préexiste pas
au monde réel, mais qu’il s’agit d’un terme défini par l’homme pour
rassembler tous les animaux qui ont six pattes.
– Il rompt aussi avec les positions finalistes, qui conçoivent l’évolution
comme ayant une direction déterminée à l’avance.
– Dans le prolongement de l’idée précédente, il évite un biais de
raisonnement anthropocentrique qui place l’homme comme aboutissement
de l’évolution.
– Darwin abandonne l’échelle des êtres, qui consiste à voir l’évolution
comme une succession linéaire d’organismes allant de la bactérie à
l’homme, dans le sens d’une complexité croissante.
Un autre concept au cœur de la théorie darwinienne est, à diverses étapes
des processus évolutifs, le hasard. Derrière ce terme se cachent différentes
interprétations(60). Il y a, par exemple, le hasard des processus à l’origine des
variations ou bien le hasard des conditions environnementales dont dépend
le résultat de la sélection. Existe encore le hasard au sens de la contingence,
c’est-à-dire l’idée que l’évolution des espèces est liée à un ensemble
d’événements indépendants les uns des autres et qui auraient pu ne pas se
produire (la chute d’une météorite, par exemple) ou qui auraient pu être
différents de ce qu’ils ont été (les conséquences de la chute d’une météorite,
par exemple). Au contraire de ce qu’affirment de nombreux détracteurs de
la théorie darwinienne de l’évolution, le hasard n’est pas le moteur de
l’évolution. Celle-ci dépend d’un ensemble de processus (dont la sélection
naturelle) dans lequel le hasard intervient sous différentes formes et à
différentes étapes.
THÉORIE DARWINIENNE DE L’ÉVOLUTION ET DARWINISME
Entretien avec Jean Gayon

- Est-il pertinent de se référer à Darwin plus de cent cinquante ans après la


parution de L’Origine des espèces ?
– Nous constatons que les évolutionnistes contemporains se réfèrent à Charles
Darwin, premièrement, au sens où ils se demandent si leurs théories sont
darwiniennes ou non, deuxièmement au sens où nombre d’entre eux font l’effort de
lire Darwin dans le texte, ce qui est tout à fait exceptionnel dans l’histoire des
sciences modernes, au moins des sciences de la nature. La récurrence obstinée du
mot « darwinisme » dans le débat scientifique sur l’évolution en est la marque. Il n’y
a pas d’équivalent : on ne parle pas, par exemple, d’« einsteinisme », mais de
théorie de la relativité. On trouve cependant une situation similaire en
mathématiques : certains se référent à Georg Cantor (1845-1918) sur la question de
l’infini, des nombres transfinis et se disent « cantoriens » ou « non cantoriens ». La
question n’est pas de savoir si Cantor avait raison ou pas, mais de constater qu’il a
institué un genre de questions qui n’existaient pas avant lui et qui demeurent
ouvertes aujourd’hui. C’est ce qui se passe aussi avec Darwin. La théorie de
l’évolution telle qu’on la pratique aujourd’hui est différente de ce que Darwin avait dit
et proposé, mais elle s’inscrit dans un cadre de pensée, un cadre ouvert
d’investigation avec un certain nombre de questions mises en place par Darwin.
C’est ce qui en fait un cadre théorique dynamique et fécond. Bien entendu, la notion
d’évolution n’a pas été créée par Darwin, mais le cadre théorique qu’il a proposé a
bouleversé l’ensemble des questions que l’on pouvait se poser à propos de
l’évolution. On pourrait prendre de très nombreux exemples du pouvoir heuristique(*)
des approches darwiniennes : la sélection naturelle, la compétition, la descendance
avec modification, la variation, l’hérédité, la sélection sexuelle, etc. Darwin a été
terriblement inventif, il a permis de construire bien au-delà de lui-même des
problèmes qui ne se posaient pas avant ses travaux.

- Qu’est-ce que le darwinisme ? L’utilisation d’un mot en « isme » signifie-t-elle


que nous sommes face à une idéologie ?
– Le darwinisme au sens large est une entité complexe. il faut distinguer deux
choses : le fait que nous soyons dans un champ intellectuel désigné en référence à
un nom propre, et le fait que nous soyons face à un « isme », c’est-à-dire une
tournure qui indique une orientation théorique. La question n’est pas de savoir si le
darwinisme est une idéologie, mais de décrire cette entité culturelle complexe dans
laquelle il y a de la science, et même de la très bonne science, mais aussi des idées
politiques et des espaces de valeurs. Dans l’espace de la biologie de l’évolution, le
darwinisme est un cadre théorique ouvert et non une doctrine étroite. Il est certes
intéressant de se demander quel est le terreau social réel dans lequel tout cela a pu
se construire. Mais peut-on dire pour autant que la théorie de la sélection naturelle
de Darwin ne serait qu’une expression idéologique du système économique de
l’époque ? Je pense que considérer les choses ainsi est aberrant. il faut plutôt
admettre l’émergence d’un espace de travail scientifique qui devient autonome par
rapport aux racines historiques dans lesquelles il s’est construit.

- Au-delà de la théorie de l’évolution, est-il pertinent de dire que la biologie


contemporaine s’élabore dans un cadre darwinien ?
– Cela nous ramène à notre question initiale. Qu’est-ce que le darwinisme ? Je
préfère reformuler votre question ainsi : la référence à Darwin est-elle devenue
désuète, au sens où le cadre théorique des études sur l’évolution aurait radicalement
changé ? il y a sans doute quelques voix discordantes sur ce sujet, mais vous
trouverez peu de spécialistes de l’évolution pour affirmer que le cadre est totalement
différent. Il y a bien sûr des auteurs pour le dire depuis cent cinquante ans,
proclamant régulièrement que « le darwinisme est mort », mais, à chaque fois, ce qui
semblait un cadre nouveau est finalement apparu comme une rectification du cadre
darwinien, qui n’atteignait pas le cœur de la théorie. L’exemple le plus parlant de ce
point de vue est l’évolution même de la pensée de Stephen Jay Gould. Ce dernier a
ambitionné d’être une sorte de second Darwin. En 1980, il a écrit un article intitulé
« Une théorie de l’évolution nouvelle et générale émerge-t-elle ? »(61) dans lequel il
parlait d’une théorie hiérarchique de l’évolution et affirmait qu’un changement de
paradigme était en cours. Mais quelques mois avant qu’il ne meure, en 2002, dans
son immense ouvrage La Structure de la théorie de l’évolution(62), il explique que
Darwin n’a pas été dépassé au sens où un paradigme aurait été remplacé par un
autre. il y a eu des additions, des reformulations, des généralisations des hypothèses
darwiniennes.
Physique et cosmologie
Depuis le premier tiers du XXe siècle, les physiciens disposent de deux
cadres théoriques distincts pour décrire le monde physique : d’une part, la
relativité générale élaborée en 1915 qui traite du monde macroscopique en
décrivant l’une des quatre interactions fondamentales(63), la gravitation, et,
d’autre part, la théorie quantique, élaborée dans les années 1920, qui décrit
et permet de comprendre le monde microscopique(64). Ces deux théories ont
en commun de nous livrer une vision du réel très éloignée du sens commun,
ce qui facilite leur instrumentalisation par divers courants spiritualistes.
Comme en biologie, les sciences physiques sont instrumentalisées selon
deux modalités : d’une part, les limites ou les trous temporaires des
connaissances scientifiques actuelles sont comblés par une transcendance
(en physique quantique notamment), et d’autre part, une interprétation
volontairement erronée des connaissances scientifiques alimente des
positions finalistes (en cosmologie). Dans les deux cas, selon ceux qui les
instrumentalisent, les théories physiques elles-mêmes fourniraient les
preuves d’une réalité définitivement inaccessible(65) et d’une transcendance
à l’œuvre dans le cosmos(66). Pourtant, aussi surprenants et contre-intuitifs
que puissent être la description quantique de la matière (voir chapitre 1
notre entretien avec Michel Paty(67)) ou la théorie de l’histoire de l’Univers
(voir chapitre 1 notre entretien avec Marc Lachièze-Rey), ces discours
scientifiques s’exercent toujours dans le cadre méthodologique défini
précédemment : le finalisme et les entités non testables n’y ont donc pas
leur place. L’histoire de la construction du cadre théorique de l’évolution de
l’Univers admis aujourd’hui illustre la puissance de la démarche
scientifique pour fournir une description de plus en plus solide et cohérente,
ce qui implique la capacité de remise en cause de connaissances
précédemment établies.
« Les astrophysiciens, aidés par les physiciens, sont parvenus à
reconstituer une partie du grand récit de l’Univers, les 13,7 derniers
milliards d’années de son évolution », s’émerveille le physicien Étienne
Klein. « Ce récit est original, inédit, en rupture avec toutes les cosmogonies
traditionnelles. Personne, avant les scientifiques, n’avait pu le raconter, ce
qui prouve qu’en l’occurrence la démarche scientifique a quelque chose de
vraiment spécifique, d’authentiquement révolutionnaire. »(68)
Ce récit de l’histoire et de l’évolution de l’Univers est décrit par les
modèles(69) du big bang, dont le terme même prête à confusion car « ces
modèles n’invoquent aucun événement qui serait assimilable à une
explosion » comme le souligne l’astrophysicien Marc Lachièze-Rey(70).
« De plus, une explosion se déroule dans l’espace, alors qu’ici il s’agit de
l’évolution de l’espace. »(71)
C’est Albert Einstein (1878-1955) qui, en 1917, formule le premier
modèle cosmologique s’inscrivant dans le cadre de la théorie de la relativité
générale. Le modèle d’Univers d’Einstein est statique, homogène et
isotrope à grande échelle(72), c’est-à-dire qu’il n’évolue pas dans le temps,
qu’il n’y a pas de lieu privilégié et que l’Univers est le même dans toutes
les directions. L’hypothèse est particulièrement audacieuse à une époque à
laquelle l’Univers observé ne se limite encore qu’à notre galaxie(73). En
1922, le physicien russe Alexandre Friedmann (1888-1925) trouve des
solutions dynamiques aux équations de la relativité générale appliquées à
l’Univers dans son ensemble : « Avec son article de 1922, Friedmann
introduit une révolution scientifique de même ampleur que la révolution
copernicienne », constate l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet. « Dans la
cosmologie précopernicienne, l’espace était centré sur un lieu très
particulier, la Terre. Dans la cosmologie préfriedmanienne, le déroulement
temporel de l’univers était réduit à un cas très particulier, la “staticité”,
c’est-à-dire l’absence de toute évolution. La cosmologie friedmanienne
introduit de façon irréversible l’historicité de l’Univers comme espace-
temps, et l’idée d’un commencement. »(74)
En 1927, le chanoine et physicien belge Georges Lemaître (1894-1966)
propose un modèle d’Univers en expansion, duquel il déduit que plus un
objet astrophysique est éloigné de nous, plus il se déplace vite selon une
relation de proportionnalité ; cette loi, nommée injustement loi de Hubble,
est confirmée par ce dernier en 1929 à partir d’une synthèse d’observations.
Puis, en 1931, Lemaître formule le raisonnement suivant : si l’Univers est
aujourd’hui en expansion, que son contenu se dilue et donc se refroidit,
c’est que dans un passé lointain, il était plus dense et plus chaud. C’est le
modèle de « l’atome primitif »(75), qui constitue le canevas à partir duquel se
sont construits les modèles de big bang actuels. Ironie de l’histoire, le terme
de big bang (signifiant grande détonation ou grande explosion en français) a
été d’abord utilisé, dans les années 1950, par l’astronome Fred Hoyle
(1915-2001) pour dénigrer le modèle de « l’atome primitif ». Hoyle était un
ardent promoteur d’un modèle concurrent d’Univers stationnaire, qui n’a
perdu de son importance au profit du modèle de Lemaître qu’après 1965 et
la détection du rayonnement de fond cosmologique par Arno Allan Penzias
et Robert Woodrow Wilson. Ce rayonnement, dans lequel baigne l’Univers
tout entier, est une relique du passé extrêmement chaud de l’Univers. Il
témoigne du moment où les photons ont pu s’échapper du reste de la
matière environnante, alors suffisamment refroidie. Il s’agit de la première
lumière observable de l’Univers et c’est pourquoi ce rayonnement est
qualifié de « fossile ». Cette observation est venue confirmer que l’Univers
avait bien une histoire, presque un demi-siècle après les formulations
mathématiques du premier modèle cosmologique.
Plusieurs raisons expliquent les réticences initiales vis à vis du modèle
de Lemaître. D’une part, dans ce modèle, il y a un « commencement », qui
a pu être compris comme un fiat lux initial ou une création ex nihilo, ce qui
était suspect de la part d’un prêtre. Pourtant, Lemaître lui-même distinguait
clairement commencement et création, et avait conscience que la science ne
possède pas les outils pour expliquer le passage du néant à l’être, comme il
l’exprime notamment dans ce texte écrit peu avant la Seconde Guerre
mondiale : « Nous devons affronter la valeur nulle du rayon [de l’Univers].
Nous pourrions appeler cet événement un commencement. Je ne dis pas une
création. D’un point de vue physique, c’est un commencement dans le sens
où si quelque chose est arrivé avant, cela n’a aucune influence observable
sur le comportement de notre Univers, car toute caractéristique de la
matière avant ce commencement a été complètement perdue par l’extrême
contraction au zéro théorique. […] D’un point de vue physique, tout se
passe comme si le zéro théorique était réellement au commencement. La
question de savoir si c’était vraiment un commencement ou plutôt une
création — quelque chose débutant à partir de rien — est une question
philosophique qui ne peut être résolue par des considérations physiques ou
astronomiques. »(76) D’autre part, l’âge de l’Univers prédit par le modèle de
Lemaitre, de l’ordre de 1 milliard d’années, était inférieur à celui donné
alors à la Terre, ce qui soulevait une incohérence.
Durant les années 1940-1950, Georges Gamow (1904-1968) puis Ralph
Asher Alpher (1921-2007) et Robert Hermann (1914-1997) appliquent les
modèles de physique de particules à la période primordiale très dense et très
chaude prédite par le modèle de Lemaître. Ils parviennent ainsi à expliquer
l’origine de la répartition des différents éléments chimiques dans l’Univers
et ils prédisent également l’existence du rayonnement cosmologique fossile.
Rappelons que son observation, en 1965, confirme la validité du modèle
d’Univers en expansion. Depuis lors, et particulièrement depuis le début des
années 1990, les développements technologiques permettent d’observer le
rayonnement fossile avec de plus en plus de détails et de mesurer différents
paramètres de l’Univers (sa courbure, son âge, sa densité, etc.). Le récit
reconstitue ainsi ses 13,7 derniers milliards d’années, puis il bute sur un
point qui, rappelons-le, correspond non pas à une origine, mais à un
obstacle au-delà duquel la physique actuelle devient muette et aveugle,
faute d’une théorie capable d’unifier la théorie quantique et la relativité
générale. Les pistes sur lesquelles travaillent aujourd’hui les physiciens
pour formuler une théorie de la gravitation quantique ne manquent pas
(théorie des supercordes, théorie quantique à boucles) et les tentatives pour
aller voir plus loin que ces 13,7 milliards d’années livrent des résultats qui
font régulièrement la une des journaux de vulgarisation scientifique, comme
les théories des univers parallèles, ou multivers(77). Ces dernières nourrissent
de nombreux débats au sein de la communauté des cosmologistes. S’il
convient de rester ouvert à toute nouvelle piste explorée, Étienne Klein
nous rappelle, à propos de l’unification entre théorie quantique et relativité
générale, parfois nommée théorie du tout, que « pour qu’une théorie
prétendument du tout puisse se proclamer “scientifique”, il faudra qu’elle
soit en partie intelligible et conduise à des prédictions cruciales qui
puissent être vérifiées par des mesures, des observations ou des
expériences. Sans quoi elle risquerait de ne pouvoir se départir du rôle
d’éternelle conjecture — dont les implications ne seront pas nécessairement
déchiffrables -, ou servirait de prétexte à pouvoir tout dire, de “foire à
tout” en quelque sorte »(78).
INTERPRÉTATIONS ET SCIENTIFICITÉ DE LA PHYSIQUE QUANTIQUE
Entretien avec Michel Paty(*)

- L’interprétation de la physique quantique ainsi que ses résultats surprenants


ont suscité et suscitent toujours une certaine vision ésotérique du monde
physique et de ce que la science pourrait en dire. La source de cette confusion
vient en partie du débat lié à l’interprétation de la physique quantique. De quoi
s’agit-il ?
– Le domaine de la physique quantique est celui des propriétés de la matière qui
tiennent à sa structure interne profonde. Ces propriétés échappent complètement à
la perception et, dans leur énoncé, au sens commun. La théorie qui en a été
élaborée dès les années 1925-1927, la mécanique quantique, continue aujourd’hui
encore à servir de base à la théorie quantique plus générale qui permet depuis lors
de connaître et d’explorer avec succès les profondeurs de la matière, des atomes et
de leurs noyaux aux « particules élémentaires » et à leurs champs fondamentaux
d’interaction. Les physiciens étaient parvenus alors à rendre compte des propriétés
constatées, si éloignées de l’expérience ordinaire et du sens commun, en mettant au
point un outil théorique à l’aide de grandeurs mathématiques dont la forme et les
relations entre elles permettaient de retrouver les propriétés des phénomènes
observés. Mais on ne voyait pas de rapport immédiat entre ces grandeurs
quantiques issues du formalisme et ce qu’il était convenu jusqu’alors, en physique
classique, de considérer comme des concepts physiques, qui servent à décrire les
corps et leurs propriétés (distance spatiale, énergie, champ électrique et magnétique,
etc.), et qui permettent de les penser. Le schème mathématique qui fonctionnait si
bien était admis comme un « formalisme » (très utile, mais en fin de compte
arbitraire), auquel il fallait adjoindre une « interprétation » pour le faire correspondre
à un contenu de connaissance physique.
Cette interprétation se présentait de deux manières. La première, l’interprétation
physique, admise pratiquement par tous, consistait en un ensemble de règles
d’utilisation des grandeurs quantiques. La seconde, l'interprétation philosophique,
portait sur la nature de la connaissance que l’on pensait obtenir de cette façon : c’est
à propos d’elle que les avis divergeaient et que se développa le débat sur
l’interprétation de la physique quantique, dont les deux principaux protagonistes
furent Niels Bohr (1885-1962) et Einstein. Bohr inspira la conception (philosophique),
dominante à l’époque, de l’« École de Copenhague », qui posait le primat de
l’observation en matière de connaissance, et pour laquelle décrire les systèmes
quantiques n’a pas de sens indépendamment de leurs conditions d’observation ou
de mesure (rapportées à nos sens) ; autrement dit, on ne peut décrire un système
physique de manière intrinsèque, mais seulement un tel système en tant qu’il est
inséparablement lié à l’instrument de son observation (instrument macroscopique,
relevant de la physique classique). Selon cette vue, le domaine quantique, parce qu’il
échappe aux sens et à l’observation directe, n’est plus conforme à la conception de
l’objectivité et de la réalité que sous-tendait la physique classique. Ce que décrit la
théorie quantique est tributaire des conditions de l’observation, et donc des
grandeurs classiques qui caractérisent l’appareillage utilisé. Einstein revendiquait,
contre cette conception, la possibilité pour une théorie du domaine quantique de
décrire la réalité physique telle qu’on la suppose exister à son niveau propre
indépendamment de l’observation que l’on peut en faire (postulat de « réalisme
physique »), c’est-à-dire de décrire des systèmes physiques de manière objective. il
considérait la théorie quantique existante comme une approche vers ce but, mais
encore insuffisante, car trop tributaire des concepts classiques. Des variantes de ces
conceptions étaient également proposées par d’autres physiciens, mais la place
manque pour les évoquer ici.

- La physique quantique remet-elle en cause un des objectifs principaux de la


science d’acquérir des connaissances objectives du monde physique
indépendamment de la perception que nous en avons ?
– Bien des choses sont survenues depuis la période pionnière, et bien des
problèmes de compréhension de la théorie quantique, liés à son « interprétation »,
se sont décantés, permettant d’y voir plus clair. En particulier, la portée et la
signification physique des grandeurs quantiques et de leurs relations théoriques se
sont vues précisées, de sorte que l’on peut mieux caractériser désormais ce qui
relève de la physique proprement dite par rapport aux considérations de nature
philosophique sur le monde et sur la connaissance. Des aspects tels que la non-
localité, l’indiscernabilité (parmi bien d’autres encore), envisagés naguère comme de
simples images du formalisme sans portée effective, comme des curiosités
d’interprétation, sont désormais admis comme des propriétés physiques, proprement
quantiques, démontrées et observées. Ce qu’il était convenu naguère d’appeler
formalisme est considéré de fait aujourd’hui comme ni plus ni moins la théorie
physique du domaine quantique, de ses phénomènes et des entités qui les portent.
La théorie quantique ainsi pratiquée, et rendue pour ainsi dire concrète par les
phénomènes, dûment constatés, qu’elle permet de concevoir, est devenue une
« seconde nature » pour la pensée des physiciens. Ils se sont familiarisés avec elle
jusqu’à l’assimiler dans leurs structures mentales, et c’est par elle qu’ils se
représentent désormais intellectuellement tout le domaine en question. Les
physiciens pensent désormais les systèmes quantiques directement à travers la
théorie quantique, qui leur est devenue intelligible malgré les obscurités initiales.
Cette transformation de la pensée physique pour connaître le domaine quantique
permet de rapporter à sa juste place l’observation, qui n’est plus considérée de fait
comme la référence de la connaissance, mais comme son moyen, ce qu’elle avait,
en fait, toujours été. Cela signifie que la théorie quantique n’a plus besoin d’être
interprétée de l’extérieur, elle fournit elle-même, avec ses propres ressources, de
l’intérieur, les ressorts fondamentaux de son interprétation. Cela représente un
changement de perspective, voire un retournement, par rapport à la manière de voir
des premiers temps de la physique quantique. La caractérisation du domaine
quantique était vue alors comme dépendante de l’approche qui en était possible par
la physique classique. Aujourd’hui, au contraire, le domaine quantique est conçu
objectivement comme sous-jacent au monde macroscopique classique, ce dernier
résultant, ou émergeant, de l’organisation du premier.

COSMOLOGIE, MODÈLES DU BIG BANG ET « FINE TUNING »


Entretien avec Marc Lachièze-Rey(*)

- La cosmologie possède cette caractéristique spécifique de s’intéresser à un


objet unique : l’Univers. Quels sont donc les critères qui permettent de définir
la cosmologie comme étant scientifique ?
– De manière générale, les épistémologues n’ont pas fini de décider quels sont les
critères exacts qui font qu’une démarche puisse être qualifiée de scientifique,
certains s’appliquant plus particulièrement à la biologie par exemple, d’autres à la
physique. Cela dit, deux points permettent d’identifier clairement la cosmologie
comme une branche de la physique. Il s’agit premièrement du statut de l’objet de
cette discipline : l’Univers dans son ensemble. Pour qu’il puisse être qualifié d’objet
physique, on doit pouvoir lui accorder sans ambiguïté des propriétés mesurables. La
première de ces propriétés est le taux de l’expansion cosmique. Il s’agit bien d’une
propriété de l’Univers dans son ensemble et non pas de celle d’objets particuliers,
par exemple les galaxies, par l’intermédiaire desquelles cette expansion a pu être
mise en évidence. Les premières mesures de cette constante, à la fin des années
1920, ont précisément engendré la cosmologie relativiste(79) en tant que branche de
la physique. Aujourd’hui nous avons mesuré plusieurs autres propriétés de l’objet
« Univers », ce avec une précision sans cesse améliorée : sa courbure, son taux
d’accélération, sa température, etc. Le prix Nobel de physique attribué en 2006(80) a
d’ailleurs consacré la cosmologie comme « science observationnelle de précision ».
Un autre critère de scientificité d’une théorie ou d’un modèle concerne sa capacité à
fournir des éléments susceptibles d’être mis à l’épreuve. Les modèles de big bang
ont passé ce test plusieurs fois avec brio. Par exemple, un de leurs grands succès
est la prédiction dans les années 1950 du rayonnement diffus cosmologique dit
« fossile », relique du passé très chaud de l’Univers, observé pour la première fois
dans les années 1960.

- Qu’est-ce que le modèle du big bang, appelé aussi modèle cosmologique


standard ? Les cosmologistes le remettent-ils en cause aujourd’hui ?
– Les cosmologistes disposent plutôt d’une famille de modèles standard, que l’on
qualifie globalement de big bang. Il s’agit d’une famille de solutions simples des
équations de la relativité générale considérées comme de bonnes représentations de
notre Univers réel. Toutes ces solutions décrivent un Univers en expansion depuis un
temps fini, dont le contenu se dilue et se refroidit. Elles se distinguent les unes des
autres par des paramètres différents : le taux d’expansion de l’univers, l’accélération
de cette expansion, la forme ou courbure de l’espace, ou bien encore les
événements des époques primordiales… Les cosmologistes tentent d’établir quelle
est la meilleure version dans la famille de ces modèles et quels compléments les
nouvelles connaissances de physique doivent leur apporter. Il ne s’agit pas de
contester l’idée de base de cette famille de modèles, mais d’en amender tel ou tel
point. Par ailleurs, les différentes pistes étudiées actuellement pour répondre au
caractère insatisfaisant de notre physique actuelle(81) (incompatibilité entre la
physique quantique et la relativité générale) ne remettent pas en cause les modèles
de big bang. Bien au contraire, les physiciens considèrent que ces derniers sont
tellement bien établis qu’ils les utilisent comme critère pour tester les nouvelles
théories : ces dernières ne sont retenues que si elles se révèlent compatibles avec
ces modèles, au moins dans leurs grandes lignes.

- Pour montrer que l’évolution de l’Univers serait guidée par une entité
supérieure, certains utilisent comme argument le fait que les constantes
fondamentales de la physique (masses du proton et de l’électron, constante de
la gravitation, vitesse de la lumière, etc.) seraient « réglées » finement. Ce
« fine tuning » sur lequel s’appuient les partisans du principe anthropique fort
est-il scientifique ?
– Le terme même de « réglage fin des constantes » résulte d’une mauvaise
compréhension de ce que sont la physique et la cosmologie. En physique, toute
constante est censée posséder une valeur précise et, en ce sens, est donc
« finement réglée » à sa valeur. Cela fait partie de la définition même de ce qu’est
une constante en physique. Sans supposer ce réglage fin, il n’y a pas de loi physique
possible. Mesurer la valeur d’une constante, c’est vérifier la validité d’une loi
universelle impliquant cette constante. Or une telle mesure consiste très précisément
à montrer qu’une valeur différente serait incompatible avec le monde tel qu’il est. Et
cette mesure n’aurait aucun sens si la constante n’était pas « finement réglée ». En
ce sens, le réglage fin des constantes n’est pas un résultat, mais l’expression même
de la démarche de la physique en tant que science expérimentale. La physique
repose donc sur ce « réglage fin » (bien que ce terme ne soit guère heureux car il
suggère une intervention extérieure). Les tentatives d’en déduire des conséquences
plus profondes (principe anthropique [voir chapitre 1 notre entretien avec Jesús
Mosterín], autres univers) ne peuvent être prises au sérieux dans un cadre
scientifique.
Chapitre 2

Le combat politique des créationnismes contre la


science
Qui sont les créationnistes ? La réponse — sans doute la plus répandue
et assurément la plus restrictive — est que ce sont les Américains
protestants évangéliques qui rejettent la théorie de l’évolution et soutiennent
que la Terre et les espèces telles qu’on les observe aujourd’hui ont été
créées par Dieu il y a 6 000 ans. S’il est exact que ce créationnisme
littéraliste est à la fois historique et encore répandu, d’autres créationnismes
se sont développés au XXe siècle (créationnisme « scientifique », dessein
intelligent, etc.). De surcroît, les objectifs politiques poursuivis par les
créationnistes ne sont pas liés à une religion spécifique ou à un pays
particulier. Si les mouvements créationnistes ont émergé aux États-Unis et
ont évolué sous diverses formes, ils se sont également développés, plus
récemment, en Turquie et dans de nombreux États européens comme nous
allons le voir dans ce chapitre. L’historien des sciences américain Ronald L.
Numbers, spécialiste du créationnisme aux États-Unis, constate qu’« en
dépit des preuves toujours plus nombreuses du contraire, les évolutionnistes
de la fin du XXe siècle et du début du XXIe s’accrochent à la croyance que le
créationnisme pourrait être géographiquement restreint. […] L’anti-
évolutionnisme est devenu un phénomène globalisé, qui s’exporte aussi
facilement que le hip-hop ou les blue jeans. Lors des dernières décennies, il
s’est propagé tranquillement depuis les États-Unis à travers le monde et du
protestantisme évangélique vers le catholicisme, l’orthodoxie orientale,
l’islam, le judaïsme, et même l’hindouisme »(82).

Historique des croisades créationnistes aux États-Unis

Trois grandes croisades créationnistes américaines ont émaillé le dernier


siècle et se prolongent de nos jours. Leur analyse offre une vue d’ensemble
de la diversité des créationnismes et illustre l’évolution de ces mouvements.
Les créationnistes visent en priorité à influencer l’enseignement. Leurs
offensives sont d’autant plus nombreuses aux États-Unis que le système
éducatif américain est décentralisé. Les écoles publiques dépendent de
conseils scolaires (School Boards) qui sont élus localement. Ces conseils
définissent les programmes et choisissent les manuels scolaires. Les
croisades créationnistes se traduisent par la mise en action massive de
procédures juridiques, avec la volonté de jouer sur le premier amendement
de la Constitution américaine (1787) stipulant que « le Congrès ne fera
aucune loi qui touche l’établissement, ou interdise le libre exercice d’une
religion ».
Le procès du singe de 1925
Dans les années 1920, une vaste mobilisation anti-évolutionniste
engagée par des Églises fondamentalistes évangéliques conduit au vote de
la loi Butler (1925) dans l’État du Tennessee. Cette loi voit le jour dans le
contexte des importants changements sociaux, culturels et technologiques
des dernières décennies : les fondamentalistes considèrent la théorie
darwinienne de l’évolution comme un symbole du modernisme qu’ils
cherchent à combattre et voient en elle un responsable majeur du glissement
de la société vers une immoralité généralisée. La loi Butler interdit « à tout
enseignant d’université, d’école normale ou de toute autre école publique
financée entièrement ou partiellement par les fonds de l’État, d’enseigner
une théorie qui nie l’histoire de la Création divine de l’homme, telle qu’elle
est enseignée dans la Bible, et qui prétend que l’homme descend d’un ordre
inférieur d’animaux ». Inquiète de cette montée en puissance de
l’obscurantisme dans l’enseignement des sciences, la principale
organisation américaine de défense des droits civiques — l’American Civil
Liberties Union (ACLU) - décide de mettre à l’épreuve la constitutionnalité
de la loi Butler. C’est dans ce contexte, et avec le soutien de l’ACLU, qu’un
jeune enseignant, John Thomas Scopes, accepte d’être inculpé après avoir
enfreint la loi. L’objectif est aussi de mobiliser l’opinion publique. C’est ce
qui va se passer puisqu’en juillet 1925, la petite ville de Dayton, dans le
Tennessee, est le siège d’un des procès les plus retentissants et les plus
médiatisés qui se soient déroulés aux États-Unis(83).
L’ampleur du procès Scopes, plus connu sous l’expression « procès du
singe(84) », tient en partie à la notoriété des deux protagonistes principaux :
d’un côté, le procureur, Williams Jennings Bryan, trois fois candidat
malheureux à la Maison Blanche, orateur reconnu et anti-évolutionniste
affirmé ; de l’autre, le défenseur de Scopes, Clarence Darrow, un avocat de
Chicago, symbole de la libre pensée et défenseur des syndicalistes. Des
centaines de journalistes et des milliers de personnes assistent aux
plaidoiries. Après onze jours de procès, Scopes est condamné à une amende
de 100 dollars pour avoir enfreint la loi.
Une victoire des créationnistes ? En théorie seulement, car dans la
pratique, le procès est marqué par l’appel à la barre de Bryan lui-même en
tant qu’« expert en Bible ». Lors d’un long interrogatoire, Darrow réussit à
démontrer la faillibilité des Écritures saintes par des questions sur la
Création et le Déluge. En s’attaquant à la lecture littérale de la Bible
défendue par Bryan, Darrow gagne ce jour-là la bataille de l’opinion
publique. Mais le jugement est annulé pour vice de forme, empêchant le
recours en appel que souhaitait l’ACLU. La loi Butler reste en vigueur dans
le Tennessee jusqu’en 1967 et, dans le même temps, les fondamentalistes
poursuivent leurs actions à l’encontre de la théorie de l’évolution et de son
enseignement dans une douzaine d’États (conduisant, par exemple, au
bannissement de la théorie de l’évolution dans quatre autres États du Sud :
Texas, Mississippi, Louisiane et Arkansas(85)). Il faut attendre 1968 pour que
la Cour suprême des États-Unis considère que l’interdiction d’enseigner la
théorie darwinienne de l’évolution est contraire au droit constitutionnel de
séparation des Églises et de l’État stipulée par le premier amendement de la
Constitution américaine. Dans le prolongement, la théorie de l’évolution
s’impose dans les manuels(86).
Le créationnisme « scientifique »
Les créationnistes ont assimilé leurs erreurs passées : ils ne veulent plus
interdire l’enseignement de l’évolution, mais ils souhaitent démontrer que
l’évolution n’est qu’une supposition ou une spéculation et soutiennent que,
au nom de la science et de la tolérance, la « science de la Création »
(Creation Science) doit être obligatoirement enseignée dans les écoles
comme une théorie alternative. Ce mouvement, aussi appelé créationnisme
« scientifique » ou « science créationniste » et porté en particulier par
l’Institute for Creation Research (ICR) de San Diego, se fonde toujours sur
une lecture littérale de la Bible, mais prétend désormais démontrer
scientifiquement l’historicité du récit biblique de la Genèse. L’institut a été
fondé en 1970 par l’ingénieur Henry Morris (1918-2006), considéré comme
l’idéologue principal de la « science de la Création » et fervent défenseur
d’un « créationnisme de la Terre jeune » qui explique ainsi que « le seul
moyen que nous ayons de déterminer l’âge véritable de la Terre est que
Dieu nous le dise. Et comme il nous a dit très clairement dans les saintes
Écritures que c’était quelques milliers d’années et pas davantage, cela doit
répondre à toutes les questions de chronologie géologique »(87). Ce
créationnisme scientifique « Terre jeune » défendu par l’ICR prétend que
l’Univers, la Terre et toutes les espèces vivantes ont été créés par Dieu en
six jours, il y a environ 6 000 ans(88). D’autres organisations défendant un
créationnisme scientifique vont chercher à s’accorder avec certaines
connaissances scientifiques en interprétant différemment la genèse. Par
exemple, pour certains, les « jours » de la Genèse sont considérés comme
des périodes de temps (day-age creationnism) ; pour d’autres, la vie a été
créée sur une Terre déjà âgée car une longue période de temps séparerait la
création du monde de la création des espèces (gap creationnism)(89). Quelle
que soit la justification, ces mouvements défendent un créationnisme
scientifique « Terre ancienne » qui accepte que l’origine de l’Univers et de
la vie sur Terre remonte à des millions, voire des milliards d’années. En
définitive, si on laisse de côté les variations d’interprétations de la Genèse,
la deuxième croisade créationniste se distingue de la première par la
méthode (l’approche prétendue « scientifique ») et les objectifs
(l’enseignement de la « science de la Création » parallèlement à la théorie
darwinienne de l’évolution).
Les organisations qui soutiennent la « science de la Création » se
structurent et s’organisent dans les années 1970, et c’est au début des
années 1980 que commence la croisade des créationnistes « scientifiques ».
Cette offensive est à mettre en parallèle avec l’élection de Ronald Reagan à
la présidence des États-Unis (1981-1989), grâce notamment au soutien de la
« Majorité morale », dirigée par le télévangéliste Jerry Falwell(90) : les
fondamentalistes chrétiens se placent alors dans l’antichambre du pouvoir.
En décembre 1981, se déroule un autre procès médiatique, à Little Rock en
Arkansas. Il met en scène — en tant que chef de file de la contre-offensive
évolutionniste — le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould (1941-2002).
Ce dernier — comme d’autres experts appelés à la barre — conteste que
ladite « science de la Création » relève d’une démarche scientifique et
défend, dans le même temps, la scientificité de la théorie de l’évolution. En
janvier 1982, le juge fédéral déclare que la loi visant à accorder un
traitement égal de la « science de la Création » et de la théorie darwinienne
de l’évolution révèle une intention religieuse en opposition avec le premier
amendement de la Constitution. En dépit de cette défaite des créationnistes,
et toujours en s’appuyant sur la décentralisation du système éducatif
américain, les procès vont se succéder dans vingt-six États jusqu’à un
ultime jugement de la Cour suprême, en 1987, qui rend illégal
l’enseignement de la « science de la Création » dans les écoles.
Il faut noter que cette croisade des créationnistes « scientifiques » ne se
joue pas sur le seul territoire américain. Au cours des années 1970, ce
créationnisme va être peu à peu diffusé dans de nombreux pays anglo-
saxons ou à forte influence américaine, notamment grâce à Henry Morris et
Duane Guish (autre membre très actif de l’ICR). À l’aide des ressources
financières de cette organisation, ils mettent sur pied des structures
créationnistes ou aident à leur développement, par exemple en Nouvelle-
Zélande (1973), en Corée du Sud (1980) et en Afrique du Sud (1983). Leur
influence va être également déterminante dans la montée en puissance du
créationnisme en Australie. Dans ce pays, Morris et Guish vont ainsi
revigorer, au milieu des années 1970, le Creation Science Movement(91)
(d’origine britannique) et susciter l’émergence de structures calquées sur les
organisations américaines(92). À force de lobbying, l’une d’elles, la Creation
Science Foundation, obtient, en 1987, une décision du ministre de
l’Éducation de l’État du Queensland en faveur de l’enseignement du
créationnisme dans les écoles de cet État(93). Dans le prolongement,
l’Australie s’offre plusieurs procès de 1992 à 1998. Ian Plimer, professeur
de géologie à l’université d’Adélaïde, refuse en effet que le créationnisme
soit enseigné en tant que science et engage des poursuites en justice. Il subit
plusieurs échecs successifs dans des procès financièrement ruineux face à
des structures qui disposent de ressources considérables leur permettant de
multiplier les procédures juridiques(94). Il estime tout de même que ces
actions en justice ont constitué « un forum pour la promotion de la science
en direction du public, et lui ont démontré la nature frauduleuse du
créationnisme »(95).
Cependant, les deux dernières décennies témoignent plutôt de la bonne
santé de certaines structures créationnistes australiennes, qui ont aussi
exporté leurs activités. La Creation Science Foundation est renommée
Answers in Genesis en 1994 sous l’impulsion d’un ancien enseignant en
sciences australien, installé depuis 1987 aux États-Unis : Ken Ham(96). Ce
changement est lié à l’un des procès intentés par Ian Pli-mer : l’utilisation
du mot science associé à Création a été jugée frauduleuse(97). La structure
est donc renommée et des bureaux sont créés, en plus de l’Australie, au
Canada, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et aux
États-Unis. Début 2006, des différences d’approches conduisent à une
scission. Les bureaux américains et britanniques se maintiennent sous la
direction de Ken Ham avec le nom Answers in Genesis
(answersingenesis.org) tandis que les autres bureaux australiens, canadiens,
néo-zélandais et sud-africains se rassemblent sous le nom Creation
Ministries International (creation.com)(98). Ces deux structures
indépendantes de type créationnisme scientifique « Terre jeune » sont
puissantes et actives dans de nombreux pays à l’heure actuelle. Answers in
Genenis l’illustre en proposant des contenus traduits dans 24 langues sur
son site internet.
En 2005, le ministre de l’Éducation australien, Brendan Nelson, se
prononce pour que les élèves soient confrontés à la théorie de l’évolution et
au dessein intelligent. Selon un sondage de 2009 de l’institut Nielsen(99), 32
% des Australiens pensent que Dieu a créé l’être humain dans sa forme
actuelle au cours des derniers 10 000 ans, 23 % que l’être humain s’est
développé au cours d’un processus guidé par Dieu à partir de formes de vie
antérieures pendant des millions d’années, 42 % que l’être humain s’est
développé à partir de formes de vie antérieures pendant des millions
d’années sans intervention de Dieu dans le processus.
Le dessein intelligent
En 1991, Phillip Johnson, professeur de droit de l’université de
Berkeley, publie Darwin on Trial(100) (Darwin en procès), un ouvrage qui
devient rapidement un best-seller. S’appuyant sur la biologie moléculaire et
la biochimie, Johnson remet en question la théorie darwinienne de
l’évolution et défend une « nouvelle » approche du débat sur les origines :
le dessein intelligent (Intelligent Design ou ID). Cette « théorie » était déjà
énoncée depuis plusieurs années, mais ce livre va la propulser sur le devant
de la scène.
Qu’est-ce que ce « dessein intelligent » ? Il s’agit d’un mouvement
pseudoscientifique fédéré, entre autres structures, par le Discovery Institute,
un puissant think tank (ou groupe de réflexion et de lobbying) conservateur
américain fondé en 1990. Cette institution est présidée par Bruce Chapman,
qui a occupé d’importantes fonctions au sein de l’administration Reagan
dans les années 1980. Le site de l’organisation (discovery.org) indique que
« le dessein intelligent est une théorie scientifique qui affirme que certaines
caractéristiques de la nature sont mieux expliquées par une cause
intelligente, plutôt que par un processus non dirigé tel que la sélection
naturelle ». La Bible, la Création ou Dieu ne sont pas explicitement
nommés et le processus d’évolution est accepté par la majorité de ses
partisans, ce qui différencie ce mouvement des précédents. En revanche, la
sélection naturelle, le matérialisme méthodologique et la notion de hasard
sont toujours en ligne de mire.
Les idées de ce mouvement ne sont rien d’autre qu’une remise au goût
du jour de vieux arguments de la théologie naturelle développés, entre
autres, par un professeur de Cambridge devenu prêtre anglican, William
Paley (1743-1805). Dans un ouvrage publié en 1802, Natural Theology : or,
Evidences of the Existence and Attributes of the Deity (Théologie naturelle,
ou preuves de l’existence et des propriétés de la déité), il développe une
analogie entre une montre et la nature. Si vous trouvez une montre sur un
chemin et que vous l’observez attentivement, vous constatez que chacune
des pièces qui la constituent a une forme définie et que toutes ces pièces
sont parfaitement agencées les unes par rapport aux autres, en vue d’une
fonction déterminée. De cette complexité et de cette apparente perfection,
vous inférez l’existence d’un horloger. Ce raisonnement, Paley le transpose
à la nature, où il constate la diversité, la complexité (voir ci-dessous notre
entretien avec Armand de Ricqlès) et l’adaptation des organismes vivants à
leur milieu. Il en infère donc l’existence d’un Créateur, d’un designer, d’un
grand concepteur à l’origine de cette apparente perfection.
LA COMPLEXITÉ DES ORGANISMES ET DES ORGANES
Entretien avec Armand de Ricqlès(*)

- « Les organismes et les organes qui les constituent sont trop complexes pour
être le résultat d’un processus aléatoire. L'intervention d’une intelligence
supérieure est donc nécessaire pour expliquer le monde naturel et son
évolution. » Que répondez-vous à cette affirmation répétée par beaucoup de
créationnistes ?
– Cet argument de la complexité ressort plus de la pétition de principe que de la
démonstration. Il est toujours fait référence au théologien anglican William Paley
(1743-1805), mais on pourrait aussi évoquer l’abbé Noël-Antoine Pluche (1688-
1761), qui était un des auteurs de langue française les plus connus du temps de
Voltaire au milieu du XVIIIe siècle. Dans différents ouvrages, ce dernier avait déjà
parfaitement développé l’argument du design. Cette idée aboutit à une vision
totalement providentialiste [voir la préface de Guillaume Lecointre] de l’explication du
monde vivant, mettant en avant une parfaite adaptation de la structure à la fonction.
Pluche a été répété par Paley, lui-même repris à l’heure actuelle par de nombreux
créationnistes.
Par ailleurs, dès lors que l’on tente d’introduire des considérations spiritualistes dans
la science, on ne fait plus de la science, on fait autre chose. On a toujours le droit de
faire autre chose, mais ça n’est pas de la science. Darwin, dans sa démarche, a
contribué à placer l’étude de l’évolution dans un cadre véritablement scientifique.
Auparavant, on pouvait tenir pour vraie la transformation du monde vivant sur des
échelles de temps extrêmement longues, mais, chez beaucoup d’auteurs, cela faisait
intervenir une volonté vers un progrès abstrait, vers une transcendance qui serait un
long cheminement linéaire. C’est une vision des transformations évolutives qui ajoute
une couche non scientifique à ce que peut effectivement nous dire la science de
l’évolution du monde vivant. Darwin, en rendant inutile tout recours à des forces
autres que matérielles pour rendre compte de l’évolution, place définitivement l’étude
de celle-ci au sein de la méthode scientifique, qui exige, au minimum, un strict
matérialisme méthodologique.

La prétendue « nouveauté » qu’exhibent les partisans du dessein


intelligent (Intelligent Designers ou IDers) est liée au fait qu’ils travaillent
cette idée à l’échelle de l’expression génétique ou du fonctionnement
cellulaire (flagelle des bactéries, système immunitaire, etc.). La réédition(101)
par les IDers de l’ouvrage de Paley, agrémenté de commentaires sur
l’argument du dessein, conforte l’idée d’une modernisation de la théologie
naturelle. Hormis l’absence de référence à Dieu ou à la Bible qui caractérise
ce mouvement, notons que les promoteurs les plus médiatisés de l’ID sont
des universitaires établis qui utilisent leurs titres pour défendre cette
« théorie ». On peut citer le géophysicien et historien des sciences Stephen
Meyer (membre du Discovery Institute, directeur du Center for Science and
Culture — CSC - du Discovery Institute), le biochimiste Michael Behe
(CSC), ainsi que le mathématicien et théologien William Demski (CSC). En
dehors des États-Unis, le biochimiste et généticien australien Michael
Denton, de l’université d’Otago (Nouvelle-Zélande) et ancien directeur du
Centre de génétique humaine de Sydney, est un autre IDer très actif. Il est
l’auteur d’un livre prônant une théologie naturelle qui est devenu un
instrument du mouvement du dessein intelligent, Evolution : A Theory in
Crisis, paru en 1985 en anglais puis en français en 1988 (Évolution, une
théorie en crise, Londreys). Un autre de ses livres, The Long Chain of
Coincidences, a été traduit en français en 1997 (L’Évolution a-t-elle un
sens ?, Fayard). Denton, également membre du CSC du Discovery Institute,
est intervenu en août 2012 lors de l’événement annuel du CSC consacré au
dessein intelligent (8th Annual Insiders Briefing on Intelligent Design(102)).
Derrière cette façade pseudoscientifique se cachent — à peine — des
objectifs véritablement politiques. Ainsi le CSC élabore en 1999 un texte
dans lequel est détaillée une stratégie qui doit mener « au renversement du
matérialisme et de son héritage culturel ». Son titre, Wedge Document, est
en lui-même évocateur : cet écrit sera « le coin » (wedge) à enfoncer dans
l’édifice de la « société matérialiste » pour la mettre à bas. D’après les
auteurs de ce document, « les penseurs tels que Charles Darwin, Karl Marx
et Sigmund Freud ont décrit les êtres humains non pas en tant qu’êtres
moraux et spirituels, mais en tant qu’animaux ou que machines, […]
brisant la conception traditionnelle de Dieu et de l’homme ». Se fondant sur
cette affirmation, les auteurs du Wedge Document attribuent au
matérialisme un véritable déclin moral de la société : « Les conséquences
culturelles et le triomphe du matérialisme sont dévastateurs […]. Les
réformateurs matérialistes soutiennent des programmes gouvernementaux
coercitifs qui promettent à tort de créer le paradis sur Terre. » Pour mettre
fin au matérialisme de façon générale, les auteurs du document sont
« convaincus qu’il faut le couper à sa source. Cette source est le
matérialisme scientifique », représenté par la théorie darwinienne de
l’évolution. C’est donc dans ce contexte de mélange total de ce qui relève
du champ moral et politique et de la démarche scientifique, ainsi qu’entre
matérialisme méthodologique et matérialisme philosophique, que le
Discovery Institute voit dans le dessein intelligent « une théorie [qui]
promet de renverser l’étouffante domination de la vision matérialiste du
monde, et de la remplacer par une science conforme aux convictions
chrétiennes et théistes »(103).
Pour parvenir à imposer leur « théorie », les IDers définissent, dans le
Wedge Document, une stratégie reposant sur une communication intensive.
Par le biais d’un prosélytisme efficace, le mouvement du dessein intelligent
s’est développé pendant les années 1990, utilisant tous les moyens de
communication disponibles (Internet, télévision, ouvrages, conférences,
etc.) grâce aux importantes ressources financières fournies par des individus
et des structures fondamentalistes protestantes, par exemple la famille
Ahmanson(104) ou bien la MacLellan Foundation(105).
Le mouvement se montre plus virulent à partir de 2001, année de la
première élection de George W. Bush. En effet, les fondamentalistes
chrétiens qui ont contribué à son élection participent alors directement aux
prises de décisions politiques. La cible privilégiée est encore
l’enseignement, toujours à grand renfort de procès. En 2005, le mouvement
du dessein intelligent obtient le soutien direct de Bush, de même que le
créationnisme « scientifique » avait obtenu celui de Ronald Reagan vingt
ans auparavant. À l’occasion d’une conférence de presse à la Maison
Blanche en août 2005, interrogé sur l’enseignement du dessein intelligent
aux côtés de la théorie darwinienne de l’évolution, Bush déclare : « Une
partie de l’éducation consiste à exposer les enfants à différentes écoles de
pensée. Vous me demandez si oui ou non les enfants doivent être exposés à
différentes idées, et la réponse est oui. »(106)
Cette prise de position du président américain a lieu parallèlement à
l’offensive du dessein intelligent dans les établissements scolaires de
plusieurs États américains(107) et peu de temps avant un important procès qui
oppose des parents d’élèves au conseil d’éducation de la ville de Dover
(Pennsylvanie). En décembre 2005, les IDers subissent pourtant un échec
important puisque le juge conclut que « l’enseignement du dessein
intelligent comme une alternative à la théorie darwinienne de l’évolution
dans les classes de science des écoles est anticonstitutionnel »(108).
Des mouvements toujours très actifs
Le jugement du procès de Dover marque-t-il la défaite des
créationnistes, toutes mouvances confondues ? Rien n’est moins sûr, car les
deux mandats de G. W. Bush et son entourage néoconservateur ont ravivé la
ferveur religieuse dans la population américaine. En juillet 2006(109), selon
un sondage réalisé par le Pew Research Center, 26 % des Américains
pensent que l’espèce humaine et les autres espèces ont évolué selon le
processus de sélection naturelle, 21 % choisissent l’option d’une évolution
guidée par une intelligence supérieure, 42 % croient que toutes les espèces
vivantes ont été créées sous leur forme actuelle et les 11 % restants ne
s’expriment pas. En juin 2012, un autre sondage, réalisé par l’Institut
Gallup(110), indique que 15 % des Américains pensent que les hommes ont
évolué pendant des millions d’années à partir d’autres formes de vie sans
intervention de Dieu dans le processus, 32 % que l’évolution de l’espèce
humaine est guidée par Dieu, 46 % pensent que Dieu a créé les humains tels
qu’ils sont il y a moins de 10 000 ans et 7 % sont sans opinion.
Même si les créationnistes ont échoué, jusqu’à maintenant, à faire en
sorte que leurs thèses soient inscrites officiellement dans les programmes
scolaires, cela n’empêche pas leurs idées d’être diffusées très largement. Par
exemple, des films pédagogiques peuvent être utilisés par les parents dont
les enfants sont scolarisés à domicile. The National Home Education
Research Institute comptabilisait 2,5 millions d’enfants dans cette situation
aux États-Unis en 2006, contre 1,5 million en 2 000 et 50 000 en 1980(111).
L’organisme souligne que l’augmentation est due en grande partie aux
parents qui choisissent d’éduquer leurs enfants selon une conception
biblique. Dans le documentaire Jesus Camp (2007), les réalisatrices Heidi
Ewing et Rachel Grady montrent un exemple de ce type d’enseignement,
avec des enfants visionnant un film produit par l’organisation Answers in
Genesis, qui ridiculise l’évolution et le big bang. C’est également cette
puissante fondation qui a fourni les 27 millions de dollars nécessaires à la
construction du Creation Museum inauguré en juin 2007 à Petersburg dans
l’État du Kentucky (creationmuseum.org). Près de 6 000 m2 « d’effets
visuels numériques, de mannequins à taille humaine et de dinosaures
animés, et d’un théâtre à effets spéciaux agrémenté de brises marines et de
sièges dynamiques », autant de moyens destinés à montrer des enfants
jouant aux côtés des dinosaures, Adam et Ève dans le jardin d’Éden ou bien
encore une maquette de l’arche de Noé : un véritable temple du
créationnisme « scientifique » ! Fort du succès du musée depuis son
ouverture, un parc d’attractions appelé Ark Encounter (arkencounter.com)
est en projet(112) avec des répliques de l’arche de Noé, de la tour de Babel,
etc.
Sur la scène politique, Sarah Palin, l’une des leaders de l’influent
mouvement du Tea Party(113) et ex-colistière de John McCain lors de la
campagne présidentielle américaine en 2008, crée la polémique. Elle a
notamment affirmé que « les dinosaures et les hommes avaient vécu en
même temps sur Terre, il y a six mille ans »(114). Notons que de son côté,
Barack Obama a exprimé clairement son opposition à l’enseignement du
créationnisme en cours de sciences dans un livre(115) publié avant la
campagne présidentielle de 2008, alors qu’il était sénateur : « Presque par
définition, foi et raison opèrent dans des domaines différents et impliquent
des voies différentes pour discerner la vérité. La raison et la science
impliquent l’accumulation de connaissances, sur la base de réalités que
nous pouvons tous appréhender. La religion, par opposition, est basée sur
des vérités qui ne peuvent être prouvées à travers la compréhension
humaine courante. Lorsque des professeurs de sciences insistent pour
laisser le créationnisme et le dessein intelligent en dehors de leurs classes,
ils ne prétendent pas que la connaissance scientifique est supérieure à la
religion. Ils insistent simplement sur le fait que chaque parcours de
connaissances implique des règles différentes et que ces règles ne sont pas
interchangeables. »(116) Une autre représentante du Tea Party, Michele
Bachmann, candidate aux primaires républicaines de l’élection
présidentielle de 2012, se fait également remarquer pour ses prises de
position favorables au créationnisme. Ainsi, en 2006, elle affirme qu’« il y a
une controverse parmi les scientifiques pour savoir si l’évolution est un
fait… Des centaines et des centaines de scientifiques, beaucoup d’entre eux
étant prix Nobel, croient au dessein intelligent »(117). En juin 2011, lors d’un
événement du parti républicain, elle renouvelle son soutien au dessein
intelligent. Elle souhaite « mettre toute la science sur la table et ainsi
laisser les élèves décider », car elle ne pense pas « que ce soit une bonne
idée pour le gouvernement de pencher d’un côté ou de l’autre d’une
question scientifique, lorsqu’il y a un doute raisonnable des deux
côtés »(118). Finalement, parmi les sept principaux candidats républicains à la
primaire de 2012, cinq ont exprimé publiquement leur défiance vis-à-vis de
la théorie de l’évolution ainsi que leur souhait de voir le créationnisme ou le
dessein intelligent enseignés en classes de science(119). Le candidat désigné,
Mitt Romney, s’est, lui, opposé à l’enseignement du créationnisme et du
dessein intelligent en cours de science lorsqu’il était encore gouverneur du
Massachusetts, tout en affirmant qu’il croit que « Dieu a conçu l’Univers et
a créé l’Univers »(120) ajoutant : « Et je crois que l’évolution est
probablement le processus qu’il [Dieu] a utilisé pour créer le corps
humain ». Mais, ce qui est inquiétant pour de nombreux observateurs de la
vie politique américaine, c’est qu’au-delà de positions individuelles
favorables aux sciences au sein de ce parti, de façon générale « le parti
républicain américain a lentement mais sûrement divorcé de la science, en
particulier sous l’ère Bush »(121).
Dans ce contexte, une nouvelle approche stratégique et juridique se
développe. Pour brouiller les pistes, plusieurs thématiques scientifiques qui
seraient l’objet de controverses sont désormais associées à l’évolution
biologique(122). Il s’agit de faire passer des lois interdisant d’interdire (sic) à
un enseignant de l’école publique d’analyser et de critiquer les « forces et
les faiblesses scientifiques de certaines théories existantes ». Certains
partisans de cette stratégie vont jusqu’à présenter l’enseignant Scopes
inculpé pour avoir enseigné l’évolution en 1925, comme une icône de la
« liberté d’enseignement » qu’ils veulent instaurer dans les salles de classe.
Leur objectif est de permettre aux enseignants de diffuser des théories qu’ils
considèrent comme « alternatives », mais qui sont en réalité
pseudoscientifiques ou non scientifiques. Les sujets visés sont toujours
l’évolution biologique, les origines de la vie et la cosmologie, mais
également le changement climatique(123) et le clonage humain. Le Texas, la
Louisiane, le Tennessee, le Dakota, le Kentucky, l’Oklahoma sont, par
exemple, concernés. Citons, en avril 2012 dans le Tennessee, l’entrée en
vigueur d’une loi autorisant les enseignants à aider leurs élèves à
comprendre, critiquer et étudier les théories scientifiques prétendument
controversées comme l’évolution ou le changement climatique(124). Cette
nouvelle offensive qualifiée de post-Intelligent Design(125) est inspirée de
positions récentes promues par le Discovery Institute. Les créationnistes
tentent à nouveau de contourner leurs défaites juridiques passées alors que
leurs arguments sont toujours identifiés comme religieux.
Cela est d’autant plus préoccupant qu’une enquête publiée en janvier
2011 dans la revue Science(126) indique que seuls 28 % des enseignants de
biologie suivent les directives du National Research Council(*) sur
l’enseignement de l’évolution. Treize pour cent enseignent explicitement le
créationnisme « scientifique » ou le dessein intelligent pendant au moins
une heure de cours. Cinq pour cent, sans prendre l’initiative, répondent
positivement à des questions d’élèves sur le créationnisme. Enfin, une large
majorité, 60 %, enseigne l’existence de deux théories, soit pour éviter les
conflits en classe et les réactions des parents, soit parce qu’ils sont
convaincus qu’il est nécessaire d’enseigner les différents points de vue. Les
auteurs de l’étude soulignent qu’en agissant ainsi, ce dernier groupe
d’enseignants « échoue à expliquer la nature de la démarche scientifique,
sape l’autorité des experts reconnus, et légitime les arguments
créationnistes, même de manière non intentionnelle »(127).
À la vue de tous ces éléments, on peut légitimement penser que les
créationnistes — des créationnistes « scientifiques » aux partisans du
dessein intelligent en passant par toutes les formes intermédiaires — ont,
pour le moment, gagné la bataille de l’opinion publique qu’ils avaient
perdue en 1925. Le site Creation Wiki(128) recense au moins 33 organisations
créationnistes aux États-Unis, dont huit classées « dessein intelligent », les
autres étant réparties entre créationnisme scientifique « Terre jeune » ou
« Terre ancienne ». Comme pour mieux souligner que ces mouvements
méritent tous l’appellation de « créationnistes », l’édition de mars 2006 de
la revue Journal of Creation - laquelle s’inscrit dans le courant du
créationnisme « scientifique » - fait la promotion de la réédition du livre de
Paley cher aux IDers, en expliquant que « comme L’Origine des espèces de
Darwin est considérée comme la Bible de l’évolutionnisme, la Théologie
naturelle de Paley est considérée comme la Bible à la fois du créationnisme
et du dessein intelligent »(129). Chaque offensive créationniste est une
évolution tactique qui ne masque pas la volonté commune à tous ces
mouvements (qu’ils acceptent ou non une évolution) : réintroduire une
transcendance dans l’explication scientifique du monde réel à des fins
politiques. Les IDers, comme les créationnistes « scientifiques », visent le
pouvoir qu’ils pourraient acquérir sur les individus et la société en dictant à
la science son orientation, ses méthodes ou ses résultats. Parmi les objectifs
politiques se dessinent des visées législatives. Si un Créateur a fait la nature
aussi parfaite que les créationnistes le prétendent, ils peuvent affirmer que
des comportements qu’ils considèrent « déviants » - comme
l’homosexualité, l’avortement, la contraception — doivent être interdits car
ils vont à l’encontre de la volonté du Créateur.
Dans les médias français, le créationnisme est souvent considéré comme
une spécificité américaine ou fortement lié au fondamentalisme protestant.
Or des méthodes et des objectifs communs se retrouvent dans des
mouvements de confession musulmane qui ont émergé notamment en
Turquie.

Au-delà des clivages religieux : naissance et propagation d’un


créationnisme musulman

En 2007, l’envoi d’un ouvrage créationniste, L’Atlas de la Création,


dans de nombreux pays occidentaux fait brutalement prendre conscience de
l’existence d’un créationnisme organisé prônant la vérité du Coran, qualifié
de créationnisme musulman. Cet ouvrage de près de 800 pages et plus de
cinq kilogrammes, signé Harun Yahya, est envoyé à plusieurs milliers
d’exemplaires à des enseignants, des documentalistes, des universitaires,
des chercheurs, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse, en Espagne, au
Danemark, en Allemagne, aux États-Unis et en France(130). Il entend
notamment démontrer « un fait indiscutable : les êtres vivants ne naquirent
pas suite aux processus imaginaires de l’évolution. Tout ce qui existe sur
Terre est l’œuvre de Dieu. Ce fait de la création transparaît dans les traces
laissées par les parfaites créatures vivantes » (harunyahya.com).
L’organisation turque à l’origine de cet ouvrage, le BAV (Bilim Arastirma
Vakfi, ce qui peut être traduit par « Fondation pour la recherche
scientifique »), affirme que la théorie darwinienne de l’évolution n’est pas
« une théorie scientifique, mais un dogme idéologique et philosophique. Ce
dogme a servi de base soi-disant scientifique à des idéologies sanguinaires,
des guerres atroces, des gouvernements coloniaux et des actes de barbarie
racistes ».
Pour diffuser ces positions, les moyens mis en œuvre sont considérables,
comme l’illustre le site internet en français « Harun Yahya, une invitation à
la vérité » (harunyahya.fr). Les moyens financiers nécessaires à l’opération
de propagande que représentent la fabrication et la diffusion de l’Atlas de la
Création soulèvent de nombreuses questions : qui est Harun Yahya ? D’où
proviennent ses fonds ? Quel est l’impact de son organisation dans le
monde musulman et au-delà ? Bénéficie-t-elle de soutiens politiques ? Cette
structure est-elle la seule représentante d’un créationnisme musulman en
Turquie ?
Un antidarwinisme idéologique
Salman Hameed est professeur assistant au Hampshire College dans le
Massachusetts et travaille sur les relations entre science et religion dans le
monde musulman (helios.hampshire.edu/~sahCS). Il constate que
« l’évolution biologique reste un concept relativement nouveau pour la
majorité des musulmans [hormis les intellectuels], et aucun débat sérieux
sur sa compatibilité avec la religion n’a encore eu lieu »(131). Cela dit, il
s’empresse d’ajouter que « les pays à majorité musulmane, mais aussi les
pays où il y a de fortes minorités musulmanes, constituent un terreau fertile
pour le refus de l’évolution en raison de la faiblesse du niveau d’éducation
et de l’absence de connaissances suffisantes des idées évolutionnistes ».
Effectivement, quelques études permettent d’entrevoir les difficultés à
accepter la théorie de l’évolution dans les pays où la religion musulmane a
un poids politique important. Ainsi, selon une étude sociologique publiée en
2007, seulement 16 % des Indonésiens, 14 % des Pakistanais, 8 % des
Égyptiens, 11 % des Malaisiens et 22 % des Turcs considèrent la théorie
darwinienne de l’évolution comme vraie ou probablement vraie(132). Pour
expliquer cette opposition majoritaire, Hameed insiste sur les raisons
sociales et culturelles : « La plupart du temps, l’opposition à l’évolution
n’est pas liée à un verset du Coran en particulier, mais plutôt à la menace
sociale et culturelle que cette théorie représente pour les musulmans [car]
dans le monde musulman, beaucoup, voire presque tous, confondent
évolution et athéisme, et considèrent que l’évolution est nécessairement
opposée à la religion. »(133) Pour Taner Edis, physicien américain d’origine
turque et auteur de nombreux travaux sur les rapports entre science et
religion au sein de l’islam, la pensée antiévolutionniste relève même d’un
consensus chez les penseurs musulmans : « Les critiques musulmans de
l’évolution ne vont pas contre le courant dominant de leurs élites
intellectuelles et culturelles. Le peu de doute concernant le fait que la
nature émane d’un dessein divin fait toujours partie du socle intellectuel
traditionnel. L’évolution darwinienne est une importation occidentale,
défendue par des élites sensibles à l’Occident à l’intérieur des sociétés
musulmanes. Les pensées anti-évolutionnistes, contrairement aux formes
occidentales de créationnisme, sont consacrées non pas à combattre une
défaite [de leurs doctrines contre les théories scientifiques admises], mais à
défendre un point de vue interne fort et authentique. Les créationnistes
musulmans sont plus proches d’intellectuels classiques que de courants
extérieurs marginaux. »(134)
Effectuons un bref retour en arrière. Suite à la publication de L’Origine
des espèces de Darwin, différents courants de pensée — des modérés
inspirés des idées occidentales aux plus traditionnels — se développent au
sein du monde islamique, comme l’explique Taner Edis : « Les
occidentalistes modérés, au lieu de seulement emprunter la science
occidentale, voulaient la rendre islamique en la purgeant d’idées
matérialistes. Les intellectuels musulmans plus traditionnels condamnaient
la pensée évolutionniste comme étant impie, mais les modernistes, en tant
qu’intellectuels islamiques réformateurs, qualifièrent également l’évolution
d’inacceptable. […]. Par conséquent, la pensée darwinienne ne pénétra pas
les pays musulmans. Seulement une fraction d’une élite se montra
enthousiaste, mais sinon, l’évolution fut soit ignorée, soit décrite
superficiellement uniquement pour être dénoncée […]. Du fait de ce
manque de discussion et de cette connaissance limitée de l’évolution de la
part du public, une opposition créationniste franche à Darwin ne s’est pas
développée. »(135)
C’est dans le courant du XXe siècle qu’une pensée anti-évolutionniste va
peu à peu se développer en Turquie, en réaction à la laïcisation fondatrice
engagée par Mustafa Kemal Atatürk. Profondément influencé par une
certaine philosophie matérialiste(136) et l’idée que la science doit réguler tous
les aspects de la vie en société (une position scientiste), ce dernier réforme
son pays dans les années 1920 en rompant définitivement avec le régime
théocratique du sultanat ottoman(137). En réaction à la laïcisation de la
Turquie(*), de nouveaux courants de pensée islamiques se développent.
Ainsi, durant la première moitié du XXe siècle, l’intellectuel musulman
Bediüzzaman Said Nursi tente de moderniser la théologie musulmane et de
montrer que la science ne s’oppose pas à la religion. Pour lui, l’harmonie du
monde vivant au sein de l’Univers met en évidence la grandeur du créateur.
Il développe ainsi une véritable théologie naturelle et prône l’union de tous
les croyants pour lutter contre le matérialisme philosophique. Les écrits de
Nursi ont inspiré de nombreux penseurs à l’origine du créationnisme
musulman et sont à l’origine du mouvement Nurcu(138) qui se développe dès
la mort de Nursi en 1960 et qui regroupe aujourd’hui plusieurs millions de
personnes, essentiellement au sein de la communauté turque de par le
monde.
L’opposition à la théorie de l’évolution ne prend véritablement son envol
que dans le courant des années 1970, à l’époque où les mouvements
islamistes recommencent à jouer un rôle social en Turquie. Ainsi, en 1973,
Fethullah Gülen (voir chapitre 2), l’imam et prédicateur d’Izmir qui est à
l’origine d’un véritable renouveau du mouvement Nurcu dans les années
1980, prononce une série de sermons contre la théorie de l’évolution(139). En
fait, durant cette période 1960-1970, l’instrumentalisation de Darwin par les
islamistes se joue dans un contexte d’opposition violente entre ces derniers,
l’extrême droite — qui revendique un état totalitaire, dictatorial et
nationaliste, prône le panturquisme(*) et affiche un racisme exacerbé contre
les communautés considérées comme non turques (Kurdes, Arméniens,
Juifs) - et une extrême gauche marxiste qui revendique un « matérialisme
darwiniste » qui aurait signé la mort de la religion(140). Il est donc intéressant
de noter qu’en Turquie comme aux États-Unis, se manifeste « l’existence
[…] d’une guerre culturelle et de jeux politiques au sein desquels la théorie
de l’évolution et les doctrines créationnistes jouent un rôle de marqueur
idéologique, d’emblème d’une position au sein de cette guerre »(141).
L’enseignement de la théorie darwinienne de l’évolution et du
créationnisme en Turquie
Comme aux États-Unis, la bataille idéologique se joue notamment
autour des programmes scolaires. Après le coup d’État militaire de
septembre 1980, l’armée turque tient les rênes du pouvoir et instrumentalise
l’islam, comme l’explique la spécialiste turco-américaine de l’islam
politique en Turquie et en Asie centrale, Zeyno Baran : « Pour tenter de
réduire les tensions sociales et se concentrer sur le danger politique
principal [l’extrême gauche] , l’armée tenta d’apaiser les islamistes grâce à
une politique d’un “islam contrôlé”. Son objectif était défini par la
“synthèse turco-islamique”, un nouveau nationalisme qui comprenait
l’interprétation prédominante du sunnisme en Turquie, et qui prévoyait
ainsi de protéger les turcs pieux des mouvements islamistes internationaux.
[…] Les dirigeants laïques de la Turquie ont cru qu’en diminuant la
“pression” islamiste, ils pourraient empêcher la marmite sociétale de
déborder pendant qu’ils se concentraient sur ce qu’ils estimaient être la
menace principale contre la démocratie — les mouvements gauchistes en
général et le communisme en particulier. »(142) C’est dans ce contexte que le
pouvoir turc impulse un renouveau religieux en autorisant l’éducation
religieuse dans le secondaire, la diffusion de programmes religieux
télévisés, assouplit le contrôle sur les confréries religieuses (tariqas), etc.
Le créationnisme est tout d’abord introduit dans les cours d’« éducation
religieuse et éthique »(143). En 1983, la victoire aux élections du nouveau
Premier ministre Turgut Özal — soutenu par les militaires — amplifie
encore l’introduction du créationnisme dans l’éducation turque. Son parti,
celui de la Mère Patrie (ANAP), compte en effet dans ses rangs des anciens
islamistes et des religieux conservateurs, et fait un grand écart politique en
promouvant à la fois le libéralisme économique, le conservatisme religieux,
le nationalisme et la social-démocratie(144). Outre la construction massive de
mosquées et d’écoles coraniques sous son mandat de Premier ministre
jusqu’en 1991, une nouvelle politique culturelle nationale est dessinée dans
le rapport du Plan de 1983 : la « synthèse turco-islamique ». C’est dans
cette logique qu’en 1985, le ministre de l’Éducation, Vehbi Dinçerler,
commande à Adem Tatli, un professeur de biologie créationniste, un
« rapport sur la théorie de l’évolution » qui est envoyé aux enseignants
turcs. Ce rapport, introduit par une lettre du ministre lui-même, est censé
démontrer les failles scientifiques de la théorie(145). Mais la véritable
motivation politique de Dinçerler est bien liée à la religion : « Je tiens sur
mes épaules la responsabilité spirituelle de 15 millions d’enfants. La foi de
notre jeunesse est ébranlée par la présentation d’une seule face d’une telle
théorie. »(146) Suite à ce rapport, le créationnisme est introduit dans les
manuels turcs de biologie aux côtés de la théorie de l’évolution qui est, elle,
complètement dénigrée(147).
Cet anti-darwinisme s’inscrit également dans un contexte de lutte contre
le communisme, le marxisme et l’athéisme : « La civilisation occidentale a
tourné le dos à Dieu et aux vérités universelles. Parmi les hypothèses
démoniaques, vers lesquelles cette civilisation fondamentalement dévoyée a
poussé l’humanité, figurent le darwinisme et la théorie de l’évolution. Le
darwinisme et le marxisme sont deux fausses religions nées au XIXe
siècle. »(148) Dans le courant des années 1980, la guerre froide relancée par
l’administration Reagan bat son plein et tout ce qui peut affaiblir le camp
communiste, considéré comme « axe du mal », est vu d’un bon œil et même
soutenu activement par les Américains. La Turquie, membre de l’OTAN et
bénéficiant d’une position géographique stratégique, est donc considérée
avec bienveillance(149). Ainsi, les différentes idées défendues par le parti au
pouvoir en Turquie dans les années 1980, mêlant ouverture à une économie
libérale et lutte contre le matérialisme et le marxisme sont appréciées du
pouvoir américain(150). C’est dans ce contexte favorable que des liens a
priori « contre nature » se tissent entre créationnistes américains protestants
et créationnistes turcs musulmans.
Le rapport sur la théorie de l’évolution commandé par le ministre turc de
l’Éducation en 1985 ne fait qu’égrener l’argumentaire contre la théorie de
l’évolution élaboré par les créationnistes scientifiques américains : critique
du hasard jugé trop prépondérant, dénonciation d’impossibilités statistiques,
exploitation de la prétendue absence de « fossiles de transition », citations
hors contexte, usage d’une taxonomie erronée, accusations de
conspirationnisme, condamnations d’un matérialisme dogmatique(151). De
manière plus précise, l’analyse du rapport témoigne de liens
particulièrement étroits avec l’Institute for Creation Research (ICR) qui
promeut un créationnisme scientifique « Terre jeune » (voir chapitre 2). Les
publications de l’ICR, notamment celles des fondateurs Henry Morris et
Duane Gish, sont abondamment citées et ce dernier est même présenté
comme expert en évolution. En fait, l’ICR a été directement sollicité par le
pouvoir politique turc, comme en témoigne Morris : « Dans le milieu des
années 1980, le ministre turc de l’Éducation, M. Vehbi Dinçerler […] fit
appel à l’ICR. […] Il voulait éliminer l’enseignement de la seule théorie de
l’évolution, basée sur la laïcité, qui était alors dominant dans leurs écoles
et le remplacer par un programme enseignant deux alternatives. […] Par
conséquent, plusieurs ouvrages de l’ICR qui traitaient des preuves
scientifiques (et non bibliques) en faveur de la Création furent traduits en
turc et distribués à tous les enseignants turcs du secteur public. »(152) Ces
liens étroits entre créationnistes américains et créationnistes turcs sont
restés effectifs depuis cette période.
L’enseignement du créationnisme dans les cours de biologie du
secondaire en Turquie perdure tout au long des années 1990. Il est même
renforcé par l’accession au pouvoir des islamistes en 1996, avec à leur tête
Necmettin Erbakan. Suite à son éviction du pouvoir par l’armée en 1997, au
nom de l’héritage d’Atatürk, le nouveau ministre de l’Éducation du
gouvernement social-démocrate, Hikmet Ulugbay, prête une oreille
attentive à ceux qui se battent contre le créationnisme et leur accorde une
petite victoire : le créationnisme est toujours enseigné, mais des phrases
telles que « selon l’islam » sont remplacées par « selon les livres
sacrés »(153) afin de marquer l’absence de référence explicite à une religion
particulière. Alors que les offensives créationnistes turques des années 1980
et du début des années 1990 visent principalement l’éducation et les
programmes scolaires, le renversement du premier gouvernement islamiste
d’Erbakan, ainsi que la suppression des références explicites à l’islam,
suscitent en réaction une nouvelle campagne créationniste qui commence en
1998 : il s’agit cette fois d’une propagande massive diffusée par les médias.
Elle est menée notamment par le BAV d’Harun Yahya.
Cette campagne débute avec la publication et la promotion dans les
médias turcs d’ouvrages anti-évolutionnistes tels que Le Mensonge de
l’évolution ou La Face sombre du darwinisme, signés par Harun Yahya. Ces
livres sont promus dans les médias et même distribués gratuitement par les
journaux islamistes Akit et Zaman(154). Cette promotion est renforcée par
l’organisation de trois conférences créationnistes internationales à Istanbul
et Ankara en avril et en juillet 1998, auxquelles prennent part les acteurs
majeurs de l’ICR (srf-tr.org/conferences.htm), dont Gish et Morris. Comme
l’indique le BAV, « la raison de cette initiative était directement reliée à la
volonté officielle d’inclure le darwinisme comme un fait scientifique dans le
système éducatif. Afin de prévenir cette décision, fausse et nuisible, la
fondation a décidé de montrer comment la science moderne disqualifie le
scénario évolutif des origines ». Ces conférences internationales sont
suivies de 120 conférences organisées par le BAV à travers la Turquie en
1998 et 1999. En réaction, 2 000 professeurs d’université et scientifiques
turcs s’organisent en comité pour répondre aux arguments du BAV et avertir
le public de la pseudoscience véhiculée par les créationnistes
musulmans(155). Le BAV met alors en œuvre les moyens qui dévoilent son
véritable visage en lançant une campagne de diffamation et d’intimidation
contre les scientifiques à l’origine de l’initiative. Ainsi, le biologiste Aykut
Kence et ses collègues sont accusés de propager l’athéisme et d’être des
maoïstes, ce qui est considéré comme une conspiration contre l’État. Leurs
noms sont envoyés avec les bulletins publiés par le BAV à plus de 11 000
adresses électroniques, dont celles des plus hautes instances turques. Après
avoir porté plainte contre le BAV pour diffamation, les six scientifiques
impliqués gagnent leur procès en 1999(156).
Depuis la victoire aux élections législatives turques de 2002 de l’AKP,
Parti de la justice et du développement (toujours au pouvoir en mars 2013),
les positions créationnistes ont encore gagné du terrain dans l’éducation et
dans l’opinion publique turques. La théorie darwinienne de l’évolution
figure toujours au côté du créationnisme dans les programmes scolaires,
mais en réalité les enseignants sont libres d’enseigner ce qu’ils
souhaitent(157). Or, selon un sondage réalisé auprès de 143 enseignants en
biologie, plus de la moitié n’accepte pas l’évolution(158). De plus, les
enseignants doivent faire face à des pressions directes de leur hiérarchie.
Ainsi, cinq enseignants du sud de la Turquie sont exclus, en 2005, pour
avoir enseigné l’évolution à l’école primaire(159). En 2006, le ministre de
l’Éducation AKP Hüseyin Celik s’engage également en faveur d’un
enseignement « équilibré » : « La théorie de l’évolution se préoccupe
d’athéisme, l’intelligent design (ID) de croyance religieuse. […] Étant
donné que les sondages montrent que seulement 1 % des Turcs sont athées,
supprimer l’ID du programme scolaire serait une tentative de censure. »(160)
En 2007, une pétition de 600 universitaires alerte le ministère de
l’Éducation de la part de plus en plus importante dédiée au créationnisme
dans les manuels scolaires(161). Enfin, largement encouragés par la
propagande d’Harun Yahya, les parents eux-mêmes dénoncent les
enseignants qui évoquent Darwin(162), comme l’illustre l’avertissement
adressé à une enseignante d’une école primaire d’Ankara par sa direction
début 2011(163).
En fait, au-delà du monde éducatif, c’est un véritable climat anti-Darwin
qui est entretenu en Turquie, soit par des positions officielles d’élus de
l’AKP, soit par des actes de censures, y compris en sapant « l’autorité
académique » du monde universitaire et de la recherche. En mars 2009, le
magazine de vulgarisation scientifique Bilim ve Teknik (Science et
technologie) publié par le Tubitak (Agence nationale turque qui finance la
recherche scientifique et dont le comité est nommé par le gouvernement
depuis 2008) annule au dernier moment sa une et le dossier mettant en
avant Darwin à l’occasion de l’année en son honneur, pour cause de
« provocation » à l’approche des élections municipales, et l’éditrice est
renvoyée(164). Tout en condamnant cette censure, le ministre AKP de la
Recherche Mehmet Aydin remet subtilement en cause la validité de la
théorie darwinienne de l’évolution en précisant que l’agence « doit refléter
les opinions de tous ceux qui ont contribué à la science, peu importe
qu’elles soient erronées »(165). La remise en cause du darwinisme est de plus
en plus fréquente dans les universités turques(166). En mai 2012, se tient à
l’université Marmara d’Istanbul la première conférence universitaire
consacrée à l’ID, organisée par un club d’étudiants et à laquelle participent
cinquante personnes, étudiants et universitaires(167). Plusieurs centaines de
manifestants s’opposent à la tenue de cette conférence(168) pourtant soutenue
par le vice-recteur de l’université qui déclare : « En tant qu’université, nous
sommes censés créer un environnement qui accueille n’importe quel débat
scientifique. La véritable attitude antiscientifique, c’est la réaction des
autres universités. »(169) Par ailleurs, l’accès à l’information constitue
également un moyen pour les autorités turques de lutter contre les idées
évolutionnistes. Fin 2011, la mise en place d’un filtrage internet de 130
mots-clés considérés comme sensibles pour les enfants (pornographie,
inceste, gay, etc.) par le BTK(170)(Conseil de la communication et de
l’information technologique turc) censure tous les sites internet consacrés à
la théorie darwinienne de l’évolution, à Darwin, au biologiste contemporain
Richard Dawkins(171), alors que les sites créationnistes comme ceux d’Harun
Yahya restent eux accessibles(172).
L’idéologie d’Harun Yahya
Dans le contexte politique turc déjà évoqué d’opposition entre
kémalistes laïques et islamistes fondamentalistes, l’idéologie développée
par Harun Yahya est une clé pour comprendre les liens qui se sont tissés
entre lui et certains mouvements islamistes politiques. Sous le pseudonyme
d’Harun Yahya(173) se cache Adnan Oktar(174), un Turc de confession sunnite.
Oktar étudie les beaux-arts dans les années 1970. Inspiré des idées de Nursi,
il développe, dans les années 1980, un discours centré sur quatre points(175) :
un refus de la théorie de l’évolution, fondé simplement sur les modèles
développés par le mouvement Nurcu ; la venue proche du Mahdi(*) ; une
théorie conspirationniste antisémite et anti-francs-maçons ; le néo-
ottomanisme. C’est en 1987 qu’Oktar publie son premier ouvrage sous le
pseudonyme d’Harun Yahya intitulé La Franc-maçonnerie et le
judaïsme(176). Dans ce livre, on retrouve le fond du discours qui restera
omniprésent dans tous ses écrits rendant les Juifs et les francs-maçons
responsables de tous les maux : « La principale mission des Juifs et des
francs-maçons en Turquie était d’éroder les valeurs spirituelles, religieuses
et morales du peuple turc et de faire d’eux des animaux. »(177) Comme le
rappelle Edis, « attaquer les francs-maçons peut sembler curieux, mais
c’est un aspect récurrent dans le discours islamique, où la franc-
maçonnerie, de même que pour les conspirationnistes chrétiens dans le
passé, sert de symbole de la tradition des Lumières ayant sapé la religiosité
traditionnelle »(178). En 1990, il créée le BAV(179) et en 1995, il publie Le
Mensonge de l’Holocauste(180). Le discours d’Harun Yahya s’inscrit en fait
dans celui d’une extrême droite islamique alliant rigorisme religieux et
nostalgie de l’impérialisme ottoman, discours diffusé à travers une autre
structure qu’il a créée en 1995, le Milli Deerleri Koruma Vakfi (MDKV ou
Fondation pour la protection des valeurs nationales)(181). Yahya y fait la
promotion du panturquisme en soutenant les minorités turkmènes d’Irak, en
condamnant les séparatistes kurdes du PKK, mais, paradoxalement, en se
revendiquant d’Atatürk, présenté comme un croyant fervent récupéré par
les matérialistes(182).
La propagande créationniste de Yahya s’appuie sur de nombreux
soutiens politiques en Turquie. Ainsi, le combat anti-évolutionniste mené
par le BAV est relayé au sein du Parlement turc par Mehmet Silay, un
député islamiste du Parti de la vertu (successeur du Parti de la prospérité
d’Erbakan). En février 1999, Silay propose un projet de loi anti-évolution,
suggérant d’interdire purement et simplement l’enseignement de l’évolution
à l’école et de détruire tous les ouvrages sur l’évolution(183). En 2001, Ali
Gören, professeur de médecine et député du même parti, dépose, lui, une
motion au Parlement : « Considérant que la théorie de l’évolution constitue
le fondement idéologique du marxisme et d’activités divisant l’opinion,
avez-vous réalisé que les programmes scolaires qui présentent la théorie de
l’évolution comme une vérité indiscutable mènent tout droit au marxisme,
aux activités divisant l’opinion, à l’anarchie et à la terreur, et à la
prolifération de meurtriers contre notre État, et cela de notre propre
faute ? »(184)
Au-delà de son combat contre la théorie de l’évolution, Adnan Oktar est
connu en Turquie pour ses démêlés avec la justice et son implication dans
des affaires de chantage envers des personnalités influentes du monde
politique turc. Dès la fin des années 1980, peu de temps avant de créer le
BAV, Adnan Oktar rassemble autour de lui des disciples organisant un
mouvement sectaire centré sur le culte de sa personnalité qui utilise les
mêmes techniques que l’Église de l’unification (secte Moon) ou que la
Scientologie(185). D’anciens adeptes de l’organisation témoignent de la
manière avec laquelle de jeunes Turcs, hommes et femmes, issus de
familles aisées, sont recrutés puis endoctrinés pour vider leurs comptes
bancaires pour le compte d’Oktar(186). Selon plusieurs journalistes turcs, il
aurait aussi fait chanter des personnages éminents des milieux politiques et
économiques turcs après avoir filmé leurs relations sexuelles(187). Il aurait
été ainsi sollicité pour son « savoir-faire » dans le cadre de rivalités
politiques pour l’accession au pouvoir du Parti de la juste voie (DYP) ce qui
aurait conduit au déploiement, en 1999, d’une vaste opération impliquant
2 000 policiers(188). Oktar et cinquante membres de son mouvement sont
alors arrêtés. Durant un premier procès qui débute en 2000, Oktar est
accusé d’avoir exercé des menaces en vue d’enrichissement personnel et
d’avoir « créé une organisation avec l’intention de commettre un crime »,
mais les charges contre lui sont finalement abandonnées(189). Lors d’un
second procès qui se tient en 2008 toujours en lien avec l’arrestation de
1999, Oktar est condamné à trois ans de prison ferme pour « création d’une
organisation illégale » et « enrichissement personnel »(190). Suite à un
recours en appel, la condamnation d’Oktar est une nouvelle fois annulée et
les charges à son encontre sont finalement abandonnées en 2010(191).
Y a-t-il une collusion entre l’AKP au pouvoir depuis 2002 et le BAV ?
Ce qui est certain, c’est que les activités anti-évolutionnistes du BAV se
déroulent dans un climat politique favorable, comme en témoignent la
réforme de l’éducation initiée par Erdogan début 2012, visant à « former
une jeunesse pieuse »(192), ou bien les nombreuses actions anti-
évolutionnistes du BAV soutenues politiquement. Ainsi, en 2006,
l’ouverture du musée turc de la Création à Istanbul par le BAV est soutenue
par les élus locaux de l’AKP(193). En 2008, le leader du BAV parvient à faire
interdire l’accès au site internet du biologiste anglais Richard Dawkins en
Turquie après que celui-ci a critiqué le contenu de L’Atlas de la
Création(194). Cette censure fait suite à celle de blogs WordPress ou de
forums de Googlegroups en 2007(195).
Au travers de son organisation, Oktar a développé des liens étroits avec
les milieux politiques et économiques turcs. Selon Halil Arda, c’est en
1994, lors de l’arrivée au pouvoir aux mairies d’Istanbul et d’Ankara des
islamistes du Parti de la Providence (parti d’Erbakan et ancêtre de l’AKP)
que ceux-ci auraient fait appel à l’organisation d’Oktar. Ils n’avaient alors
pas les réseaux économiques et financiers islamiques nécessaires pour
gouverner(196). Cette proximité avec les milieux influents ainsi que les
soupçons d’activités d’extorsion de fonds qui pèsent sur son organisation
constituent aujourd’hui les pistes les plus sérieuses(197) pour expliquer la
source des fonds considérables nécessaires à la diffusion de la propagande
créationniste d’Harun Yahya(*).
La diffusion internationale du créationnisme musulman
L’influence d’Harun Yahya a largement franchi les frontières du pays. Il
est considéré comme l’un des auteurs les plus diffusés dans le monde
musulman(198). Ses ouvrages sont aussi bien distribués en Arabie Saoudite et
à Dubaï(199) qu’utilisés par des enseignants en Indonésie(200). Sous le nom
d’Adnan Oktar, il figure dans le « Top 50 » d’un classement des 500
musulmans les plus influents dans le monde établi en 2010 par le Royal
Islamic Strategic Studies Centre, un centre islamique non gouvernemental
installé à Amman, la capitale jordanienne. Comment expliquer l’impact de
Yahya, aussi bien dans les pays occidentaux que dans les pays musulmans
de confessions parfois concurrentes(*) ?
Dès le lancement de son offensive anti-évolutionniste à la fin des années
1990, Yahya a su prendre en compte le potentiel considérable offert par les
nouvelles technologies pour diffuser largement ses idées. Aujourd’hui, le
BAV dispose de plusieurs dizaines de sites internet. Dès les débuts, une
version anglaise de son site principal (harunyahya.com) a été mise en ligne
parallèlement à la version turque, ce qui illustre la volonté de viser un
public hors de la Turquie(201). Rapidement, des versions française, allemande
et néerlandaise de ce site ont été également mises en ligne. La quantité de
contenus proposée est considérable. Si l’on considère uniquement la
production en langue française, le site « Harun Yahya, une invitation à la
vérité » (harunyahya.fr) propose en téléchargement gratuit pas moins de
102 livres, tandis que 76 documentaires et 292 extraits de documentaires
sont en visionnage et téléchargeables dans différents formats, 866 articles
sont à consulter et 43 sites internet thématiques en français sont
accessibles(202). Yahya dispose aussi, depuis 2007, d’un programme vidéo en
ligne intitulé Conversations avec Harun Yahya (fr.harunyahya.tv), qui lui
permet de traiter pendant deux heures par jour une multitude de sujets
(politiques, religieux, scientifiques, etc.), avec une traduction en français.
Cette impressionnante propagande touche potentiellement de très
nombreux pays puisque les contenus sont aujourd’hui proposés — au moins
en partie — dans une soixantaine de langues. Pour traduire les contenus de
ses sites, mais également diffuser ses ouvrages, Yahya s’appuie sur les
populations d’origine turque installées en Allemagne, en Autriche, en
France, aux Pays-Bas, en Belgique ou en Suisse. Le jeune public est aussi
visé. Par exemple avec le site internet « Demandez aux darwinistes »
(demandezauxdarwinistes.com), dont l’objectif affiché est de mettre en
difficulté les enseignants de biologie : ce site offre ainsi une longue liste de
questions/réponses telles que « Des fossiles intermédiaires ont-ils jamais
été découverts ? » ou encore « Une protéine peut-elle se former par hasard
? ».
Les nombreuses conférences données à travers le monde permettent
également à Yahya de diffuser ses idées. Des membres de son organisation
ou des sympathisants, invités par des associations musulmanes locales,
présentent son discours créationniste dans des salles publiques, dans des
mosquées, mais également dans des universités(203) ou des collèges
privés(204), aux États-Unis, ou plus récemment en Suisse(205) ainsi qu’en
France. En effet, trois séries de conférences — une trentaine d’événements
— sont organisées en janvier 2011, mai 2011 et janvier 2012, dans des lieux
confessionnels, des collèges privés, ainsi que des lieux publics d’une
vingtaine de villes françaises(206). Une association française voit d’ailleurs le
jour pour l’organisation de ces conférences : l’Association sciences de la
nature (ASN France ; asn-france.fr). Parmi les objectifs que l’association
mentionne sur son site internet, notons les deux suivants, particulièrement
sobres : « Inviter le grand public à méditer sur les enseignements de la
science et à considérer toutes les alternatives possibles qui permettent
d’expliquer ces millions d’équilibres parfaits que l’on observe dans la
nature » et « Inviter le grand public à réfléchir et à trouver une réponse par
la science sur la finalité de l’existence de l’Homme. »(207) Dans la rubrique
« À propos » de la page Facebook de l’association, les références à Allah ou
à un créateur sont plus explicites : « La science offre une méthode qui
permet d’examiner toutes les composantes de l’univers afin de découvrir la
beauté dans la Création divine, la communiquant ainsi à l’humanité. La
religion encourage donc la science, en l’adoptant comme un instrument qui
permet d’étudier la Création. »(208) Dans cette optique, cette structure
(présidée par Émir Pousse, scientifique de formation(209)) propose les livres
de Yahya ainsi que des expositions de fossiles dans des événements
publics(210) et continue d’organiser des conférences(211). Yahya s’appuie
ensuite largement sur la médiatisation de ces événements par les médias
occidentaux pour valoriser son impact international. Même les contenus les
plus critiques sont utilisés pour la promotion de ses positions
(paniquedarwinisteenfrance.com ou harunyahyaimpact.com). Il n’hésite pas
non plus à offrir le voyage aux journalistes désireux de l’interviewer(212),
même les moins favorables à sa propagande, afin de toucher toujours plus
de monde(213). Son message est également largement diffusé dans des
médias plus spécifiquement musulmans, depuis la Bosnie jusqu’en Iran, en
passant par l’Égypte et par la chaîne d’information qatarie Al Jazeera(214).
Les sites internet en indonésien, en arabe ou en ourdou destinés à toucher
des communautés musulmanes importantes constituent les relais
complémentaires indispensables. Par ailleurs, des organisations islamiques
du monde entier, y compris de courants religieux concurrents, n’hésitent pas
à renvoyer vers les versions anglaises des sites de Yahya(215) : c’est le cas
par exemple de l’association pakistanaise Hazara Society for Science
Religion Dialogue (hssrd.org), d’une mosquée d’Amsterdam s’adressant
aux musulmans soufis d’origine indienne (taibah.nl), ou encore d’une
mosquée britannique de confession déobandie(216).
Le discours anti-évolutionniste de Yahya touche d’autant plus facilement
les musulmans du monde entier que l’anti-darwinisme est largement
majoritaire chez les penseurs musulmans (voir chapitre 2). La portée
internationale du discours de Yahya tient également au fait qu’il s’inscrit
dans un contexte plus général où le darwinisme est perçu dans le monde
musulman comme un combat contre la spiritualité(217). C’est dans ce cadre
que Yahya revendique l’héritage du penseur turc musulman Nursi, avec
notamment le dialogue interreligieux et l’union des croyants de toutes les
religions(218), nécessaires selon lui pour combattre le darwinisme : « Il est
nécessaire pour les Gens du Livre [ceux qui adhèrent au judaïsme et au
christianisme] et les musulmans de coopérer, puisqu’ils croient en Dieu et
acceptent la morale qu’Il enseigne. Les disciples de ces trois religions
doivent exposer au monde l’erreur du darwinisme, qui n’a aucune base
scientifique, mais qui est toujours préservé au nom de la philosophie
matérialiste. Musulmans et Gens du Livre devraient ensemble mener une
lutte intellectuelle contre toutes ces idées trompeuses qui servent l’athéisme
(communisme, fascisme, racisme). »(219) Yahya tire également profit des
attentats du 11 septembre 2001 pour se présenter comme le vecteur d’un
islam modéré et ouvert, toujours grâce au dialogue interreligieux. Selon lui,
on ne trouve « aucune des religions divines » à l’origine du terrorisme
contemporain, mais bien plutôt « l’athéisme et ses manifestations : le
darwinisme et le matérialisme. »(220) Il revendique également l’union turco-
islamique (ou panturquisme), qui unifierait le monde islamique, depuis le
Nigéria jusqu’à l’Extrême-Orient, sous la bannière turque. Les ex-
républiques soviétiques turcophones du Caucase et de l’Asie centrale font
ainsi partie des cibles privilégiées du discours d’Harun Yahya, et par
conséquent de nombreux sites internet sont déclinés en russe.
Le mouvement Gülen
La propagande massive de Yahya ne doit pas masquer la pluralité du
créationnisme musulman. De même que les IDers revendiquent une
certaine modernité en acceptant l’évolution des espèces tout en luttant
résolument contre les processus darwiniens, certains intellectuels
islamiques influents sont considérés comme les représentants d’un « islam
modéré » en prônant un islam ouvert à la science et à la modernité tout en
combattant férocement le darwinisme. C’est notamment le cas du
prédicateur turc Fethullah Gülen, inspirateur d’un mouvement comptant
plusieurs millions de fidèles en Turquie et à travers le monde(221).
Née dans les années 1970 dans le contexte politique turc développé plus
haut, la pensée de Gülen partage avec celle de Harun Yahya l’héritage des
travaux de Nursi, dont l’objectif principal est de réconcilier la religion avec
la modernité. La science et la raison sont identifiées comme les outils de la
modernité et, le Coran étant considéré comme « unique livre des sciences »,
raison et foi ne sont pas séparées, la première étant entièrement
subordonnée à la seconde(222). Le darwinisme est vu comme un ennemi de la
religion. Comme Yahya, Gülen associe le darwinisme au communisme et
utilise tous les arguments « classiques » des créationnistes, depuis la
prétendue absence de fossiles de transition jusqu’à l’importance
prépondérante du hasard pour en conclure que « l’alternative à l’évolution
est le “design” [au sens général d’un dessein divin, et pas spécifiquement
au sens du mouvement politique du dessein intelligent] qui mène
nécessairement au concept d’une puissance transcendante et unitaire, le
créateur architecte, Dieu »(223).
Le mouvement Gülen ne doit pas être vu comme une organisation
pyramidale, comme l’explique Hakan Yavuz, universitaire en sciences
politiques au Middle East Center de Salt Lake City, et spécialiste du
mouvement Gülen : « Je le considère comme un mouvement fondé sur une
nouvelle imagination de l’islam consistant en des réseaux informels sous le
conseil et la direction de Fethullah Gülen. Ces réseaux ne sont pas
nécessairement organisés en termes hiérarchiques. Mais nous pouvons voir
trois cercles. Le premier est le cercle central autour de Gülen. Le second
cercle contient ceux qui donnent de leur temps et de leur énergie avec
l’objectif de réaliser les buts collectifs du mouvement. Le troisième cercle
contient ceux qui sont sympathisants : ils peuvent soutenir le mouvement en
écrivant, en donnant de l’argent, etc. »(224) Dans la mesure où il ne s’agit pas
d’une structure explicite, le poids financier du mouvement Gülen se
comprend aussi bien par les dons des fidèles — les fethullaci - que par les
capitaux propres des entreprises qui adhèrent au mouvement. Aujourd’hui,
le mouvement Gülen est une toile économique aux ramifications
internationales estimée à au moins 25 milliards de dollars possédant de
nombreux journaux, dont Zaman, quotidien turc distribué dans 80 pays en
plusieurs langues. Mais aussi des chaînes de télévision, dont l’une des plus
regardées par la communauté turque dans le monde, Samanyolu TV, ainsi
que Bank Asya, une des plus grosses institutions financières en Turquie,
que Gülen a fondée au milieu des années 1990 avec l’ancienne Premier
ministre Tansu Çiller, sans compter des maisons d’édition, des hôpitaux, des
groupes de pression, des ONG et autres associations de dialogue
interreligieux très développées aux États-Unis(225). De surcroît, Gülen
entretient des liens étroits avec le pouvoir politique turc depuis les années
1980(226). Bien qu’il se soit exilé aux États-Unis depuis 1999, son réseau est
soupçonné d’avoir infiltré les instances policières de l’État turc et d’être
étroitement lié avec les dirigeants politiques de l’AKP au pouvoir depuis
2002(227).
L’éducation est également une des activités essentielles du mouvement.
Aujourd’hui, entre 500 et 1 000 écoles(228) « inspirées de la pensée de
Gülen » sont ouvertes dans une centaine de pays, depuis la Turquie
jusqu’au Pakistan en passant par l’Asie centrale, l’Afrique ainsi que
l’Europe occidentale et les États-Unis. C’est en vantant cette activité
éducative que Gülen obtient, en 2008, un visa permanent sur le sol
américain en tant qu’« étranger doué d’une capacité extraordinaire dans le
domaine de l’éducation » et en arguant du fait que « [son] travail sur la
tolérance religieuse et l’éducation est utilisé par une variété d’institutions
qui transmettent le savoir et la culture, notamment les centaines d’écoles
dont les programmes sont basés sur la méthodologie de M. Gülen »(229).
Pourtant, ces écoles suscitent de nombreuses controverses, quels que
soient les pays dans lesquelles elles sont installées. Elles ont été interdites
en Ouzbékistan puis en Russie, notamment pour avoir encouragé la loi
islamique et diffusé une propagande panturquiste(230). Un documentaire
diffusé en 2008 sur la chaîne néerlandaise Nova a révélé un endoctrinement
religieux du même ordre aux Pays-Bas dans des associations et des écoles
liées au mouvement Gülen. Suite à sa diffusion, une enquête menée par les
services de renseignement néerlandais a conclu : « Rien n’indique que des
jeunes fondamentalistes sont formés dans [ces] écoles. Mais d’un autre
côté, de nombreuses questions sont soulevées concernant l’accent mis par
le mouvement sur le créationnisme. »(231) Dans les ouvrages utilisés en
cours, la théorie de l’évolution est décrite comme « une croyance illogique
qui n’a aucun fondement scientifique », et les étudiants doivent également
répondre à des questions du type « Donnez des exemples qui prouvent que
la sélection naturelle est fausse »(232). Sous le vernis d’un islam modernisé,
le combat contre la théorie darwinienne de l’évolution constitue bien un
cheval de bataille de l’idéologie développée par Gülen, dont s’inspirent les
écoles en question. Pour Gülen, l’unité entre raison et révélation ne peut
qu’aboutir « au fait qu’une compréhension sensée, fiable du monde naturel
conduit à la croyance en un Créateur unique, universel »(233). Et, toujours
selon lui, l’objectif de l’éducation est de « trouver des moyens efficaces
pour initier les jeunes aux voies profondes de la vie religieuse » afin de
lutter contre l’athéisme(234).
L’œcuménisme des créationnismes
L’organisation de Harun Yahya s’appuie sur les contacts déjà établis
avec les créationnistes américains de l’ICR dans les années 1980 et qu’il a
consolidés lors des conférences créationnistes internationales organisées en
Turquie en 1992 et en 1998(235). Les fondamentalistes chrétiens et
musulmans se rejoignent dans leur objectif de lutter contre les darwinistes,
derrière lesquels se cacherait « Satan »(236). Ainsi, Yahya et son organisation
utilisent les écrits de leurs homologues chrétiens de l’ICR bien qu’à la
différence de ces derniers, ils acceptent une Terre âgée de plusieurs
milliards d’années s’inscrivant donc dans un créationnisme scientifique
« Terre ancienne ». Selon un ancien membre du BAV, « il y a un groupe de
disciples qui sont chargés de rédiger les ouvrages. Pour chaque livre, ils
vont chercher quelques passages clés écrits par les auteurs créationnistes
chrétiens, la plupart Américains. Ils plagient alors les chapitres et les
paragraphes qui sont en accord avec leur approche créationniste. Ensuite,
ils ajoutent les photos, quelques versets du Coran, et parfois un petit
commentaire. Aucune des idées n’émane d’Oktar »(237). Cette méthode
explique aussi la formidable production de quelque 270 ouvrages par un
seul et même auteur depuis la fin des années 1990.
Les liens entre le BAV et les partisans du dessein intelligent américain
sont en revanche plus compliqués. D’un côté, l’argument de l’irréductible
complexité est utilisé par Yahya pour démontrer la faillite du darwinisme,
ainsi que sa soi-disant légitimité sur le plan scientifique(238), et de l’autre il
met en garde les tenants du dessein intelligent de ne pas tomber dans un
« piège tendu par Satan » consistant à ne pas nommer explicitement
Allah(239). Soulignons ici que les critiques de Yahya à l’encontre du dessein
intelligent sont systématiquement d’ordre religieux(240) mais ne concernent
étrangement pas l’idée d’une évolution du vivant (acceptée par la majorité
des IDers) que Yahya s’évertue pourtant à combattre dans tous ses discours.
Et le leader du Discovery Institute, Bruce Chapman, se démarque
complètement des activités du BAV en déclarant que son institut n’a
« aucun lien avec lui ou ses produits », car il considère Yahya comme
« créationniste et fondamentaliste »(241), alors qu’un des blogs officiels du
mouvement du dessein intelligent, Uncommon Descent, publie en 2009 une
interview d’Adnan Oktar, sobrement présenté comme « un sceptique turc de
Darwin » par la journaliste canadienne Denyse O’Leary. Ardente
défenseuse du dessein intelligent, cette dernière précise, avant de rendre
compte de son entretien avec Adnan Oktar, que l’ouvrage du créationniste
turc, Le Mensonge de l’évolution, est « la plus synthétique et
compréhensible des critiques que j’ai jamais lues sur les affirmations
exagérées en faveur de l’évolution darwinienne »(242).
Par ailleurs, d’autres faits montrent que le mouvement du dessein
intelligent et le BAV ont eu des contacts. En 2005, lors d’auditions
organisées par le Conseil de l’éducation de l’État du Kansas afin de
promouvoir l’enseignement du dessein intelligent en cours de sciences, on
note la présence d’un Turc musulman invité par les partisans du dessein
intelligent(243). Il s’agit de Mustapha Akyol, ancien membre du BAV et
éditorialiste turc qui écrit aussi bien pour des journaux turcs comme
Hürriyet ou Star, que pour des journaux américains comme Newsweek, le
Washington Post ou le Wall Street Journal. Il croit en « la compatibilité
entre l’islam et les idées libérales occidentales, incluant les droits de
l’homme et le capitalisme »(244). Lors des auditions qui se déroulent au
Kansas, bien que n’ayant aucune formation scientifique, il est invité pour
témoigner que le dessein intelligent est bien scientifique et montrer que
cette « alternative » n’est pas liée à une religion particulière. Il est nommé
la même année membre du conseil d’administration de l’Intelligent Design
Network (IDnet)(245). Et dans le communiqué qui annonce cette nomination,
un des responsables du conseil d’administration de l’IDnet fait l’éloge de
Mustapha Akyol : « Nous avons rencontré Mustapha à l’un de nos
symposiums annuels alors qu’il travaillait pour une organisation islamique
promouvant le dessein intelligent. Nous avons été impressionné, et nous
l’avons invité à faire une conférence à l’université du Minnesota en
2003. »(246) En fait, l’organisation islamique en question présentée
sobrement comme promouvant l’ID n’est autre que le BAV(247), auquel
Akyol dit lui-même avoir participé pendant plusieurs années jusqu’en
2003(248), et qu’il a défendu lors des poursuites judiciaires contre Oktar, en
déclarant en 2001 que « notre effort intellectuel contre le matérialisme a
créé une opposition injuste contre notre fondation »(249).
Toujours dans le but de combattre la théorie de l’évolution, les pouvoirs
politiques s’inspirent et promeuvent le dessein intelligent. Ainsi, la fameuse
stratégie des créationnistes scientifiques (depuis 40 ans) et des IDers
consistant à défendre l’enseignement de la controverse est employée à
plusieurs reprises(250) par le ministre de l’Éducation Hüseyin Celik de
l’AKP. Quelques mois plus tard, en février 2007, Mustapha Akyol organise
une conférence promouvant le dessein intelligent à Istanbul soutenue par la
municipalité et accueillant près de 500 personnes. Et cela, parallèlement(251)
à l’envoi massif de L’Atlas de la Création dans toute la Turquie par le BAV.
En définitive, pour cerner les véritables enjeux soulevés par la
propagation d’un créationnisme musulman dont Harun Yahya est le porte-
parole principal autoproclamé, il est nécessaire de ne pas se contenter
d’analyser la production créationniste de l’organisation ou de s’en tenir à la
figure d’Adnan Oktar. Tout d’abord, l’analyse du contexte politique duquel
l’organisation de Yahya a émergé permet de comprendre les raisons de la
diffusion du créationnisme musulman depuis les années 1990, et notamment
les ressorts politiques à son origine. Par ailleurs, d’autres penseurs
musulmans — qualifiés de « modernistes », car prônant une réflexion sur
l’islam tenant compte de la science contemporaine — diffusent un
créationnisme auprès d’un large public musulman à travers le monde, tels
Gülen(252), ou, encore, des universitaires cherchant à développer une
« science islamique », comme le philosophe iranien Seyyed Hossein Nasr et
le philosophe malaisien Osman Bakar(253). Ensuite, le succès remporté par le
créationnisme de Yahya n’est sans doute qu’un révélateur, comme l’analyse
Edis : « L’offensive de Yahya a montré qu’il y avait un marché considérable
pour une version du créationnisme teinté d’islam. Si Harun Yahya devait
disparaître, cela pourrait juste être un encouragement pour que d’autres se
disputent ce marché. »(254) Enfin, le contexte politique et social turc duquel
ont émergé Yahya et Gülen du fait de leur lutte (parfois commune(255))
contre le communisme et l’athéisme, puis leurs liens à des niveaux divers
avec les créationnistes américains, montrent qu’à l’instar des
créationnismes qui se sont développés aux États-Unis, le créationnisme
musulman possède des objectifs politiques et cherche à imposer une
conception religieuse du monde en instrumentalisant la science.
L’offensive politique du créationnisme sur le continent
européen

Des mouvements créationnistes se sont développés dans de nombreux


pays de l’Europe continentale(256), en particulier depuis les années 1980. Ils
doivent souvent beaucoup aux soutiens matériels et financiers apportés par
leurs alliés américains. Mais l’influence américaine ne suffit pas à expliquer
ce développement. Chaque pays présente des spécificités qui se
comprennent au regard de l’environnement sociétal, de l’organisation
politique, de la culture et des religions majoritaires. Le Conseil de l’Europe
s’est d’ailleurs inquiété de la situation en 2007, comme nous allons le voir
immédiatement avant de faire un tour d’horizon des musées créationnistes
européens. Puis, nous traiterons plus spécifiquement des offensives
créationnistes au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Italie,
avant de terminer par la situation dans quelques pays de l’ancien bloc
communiste, la Pologne, la Russie, et la Roumanie. Le cas de la France sera
traité dans le chapitre suivant.
Une prise de conscience au Conseil de l’Europe
Fin juin 2007, la Commission de la culture, de la science et de
l’éducation du Conseil de l’Europe(257) publie un rapport intitulé Les
Dangers du créationnisme dans l’éducation. Cette institution, dont l’un des
objectifs est la défense des droits de l’Homme, « invite les instances
éducatives des États membres à promouvoir le savoir scientifique et
l’enseignement de l’évolution, et à s’opposer fermement à toutes les
tentatives de présentation du créationnisme comme discipline scientifique ».
Après un renvoi en commission dans des circonstances troubles (lire page
suivante notre entretien avec le rapporteur Guy Langagne), une résolution
est finalement adoptée en octobre 2007 lors d’une séance plénière de
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le rapport ayant subi
quelques modifications par rapport à sa version initiale. Dans sa version
finale, il est précisé : « Nous sommes en présence d’une montée en
puissance de modes de pensée qui, pour mieux imposer certains dogmes
religieux, s’attaquent au cœur même des connaissances que nous avons
patiemment accumulées sur la nature, l’évolution, nos origines, notre place
dans l’univers. »(258)
Pour illustrer ce propos, le rapport évoque les activités des mouvements
créationnistes au sein des pays européens ainsi que leur éventuelle influence
dans l’enseignement. Même si les contextes politiques, sociaux et culturels
sont différents d’un pays à l’autre, de nombreux États sont concernés. La
Suisse, la Suède, les Pays-Bas, la Pologne, l’Italie, la Serbie, la Russie, la
Grèce, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France sont ainsi évoqués.
Comme le constate Guy Lengagne, « le créationnisme ne concerne plus
seulement les évangéliques américains ou certains écrivains turcs.
L’Europe n’est plus à l’abri de ce message faux qui prétend se substituer à
des connaissances scientifiques reconnues »(259).
PRESSIONS ET LOBBYING AU CONSEIL DE L’EUROPE
Entretien avec Guy Lengagne(*)

- Pourquoi le Conseil de l’Europe, qui traite essentiellement des droits de


l’homme, s’est-il intéressé au créationnisme ?
– Premièrement, c’est manifestement un sujet politique puisqu’il s’agit de l’intrusion
du religieux dans l’enseignement, et en particulier dans l’enseignement scientifique.
Cela concerne donc l’indépendance de la science par rapport à toutes les doctrines
religieuses. Ensuite, le premier des droits de l’homme, c’est le droit de penser, de
réfléchir et de s’interroger sur le monde. Donc l’accès à la science fait partie des
droits de l’homme. Je ne parle pas ici de technique, mais bien de science, qui
consiste à essayer de comprendre comment le monde fonctionne. Je suis très
respectueux des religions, mais j’estime qu’empêcher des gens de s’interroger sur
l’origine de l’homme, sur l’origine de la vie, sur la génétique, sur l’évolution, etc., pour
imposer à la place des positions dogmatiques comme le font les créationnistes en
s’appuyant sur des croyances religieuses, est une grave atteinte aux droits de
l’homme.

- Qu’est-ce qui a suscité votre colère lors de la conférence de presse que vous
avez donnée après le renvoi du rapport en commission en juin 2007 ?
– On ne peut pas comprendre ma réaction si on ne note pas que le rapport a tout
d’abord été voté quasiment à l’unanimité en commission, avec seulement une voix
d’abstention et une voix d’opposition — celle d’un Russe qui a empoisonné le débat
en assimilant la théorie darwinienne de l’évolution au nazisme et au stalinisme.
Ensuite, lors de la discussion du bureau à propos de l’ordre du jour de la session
plénière de juin, Luc van den Brande, qui alors est le président du groupe du Parti
populaire européen (PPE) au Conseil de l’Europe et qui est aussi un théologien, a
déposé une motion de renvoi en commission qui a été votée par l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe. C’est à ce moment-là que j’ai réagi. En effet,
ils auraient pu dire que le rapport devait être renvoyé en commission afin de
l’améliorer ou de le modifier. Mais ils n’ont même pas lu le premier mot de la
première ligne du premier paragraphe ! C’est pourquoi j’ai organisé une conférence
de presse dans les deux heures qui ont suivi.

- Comment le rapport a-t-il finalement été voté en octobre 2007 ?


– Immédiatement après l’incident, la commission a, elle aussi, exprimé son vif
mécontentement et ne s’est pas déjugée puisque le rapport a été repris par Anne
Brasseur — une députée luxembourgeoise — le 14 septembre lors de la réunion de
la commission. Alors que je préparais la nouvelle version du rapport avec elle, Luis
Maria de Puig, à l’époque président du groupe socialiste, est venu nous dire que Luc
van den Brande proposait des amendements, en échange de quoi il voterait le
rapport. Ces amendements adoucissaient quelques rugosités, mais ne changeaient
absolument pas l’esprit du rapport. Nous les avons donc acceptés. Début octobre,
juste avant le vote du rapport amendé présenté par Anne Brasseur, Luc van den
Brande, contrairement à son engagement, a demandé à son groupe de ne pas le
voter.
En fait, il y a eu une intervention directe du Vatican pour que le rapport ne soit pas
voté. Une lettre signée du représentant du Vatican auprès des institutions
européennes a été envoyée à van den Brande ainsi qu’à d’autres parlementaires. Il y
est dit : « Le Saint-Siège estime que, en ce moment, le mieux serait que ce projet ne
soit pas adopté. » Après ces péripéties et en dépit des pressions vaticanes, le
rapport a été adopté par 48 voix pour, 25 voix contre et 3 abstentions.

Des musées créationnistes en Europe


Les musées créationnistes ne sont plus, depuis longtemps, un monopole
américain. Dès 1996, la Swedish Biblical Creation Society ouvre le premier
musée créationniste européen à Umea, la plus grosse agglomération du nord
de la Suède (près de 30 000 étudiants pour plus de 100 000 habitants).
L’ouverture de ce musée, baptisé « Le Monde préhistorique »
(dinosaurier.nu), a été saluée par la Creation Research Society
américaine(260). Dans un reportage diffusé en mars 2012 sur France Inter(261),
une visite du musée montre qu’il s’agit d’un modeste musée aménagé dans
une maison privée et dont le propriétaire s’évertue à critiquer la théorie de
l’évolution pour valoriser une vision personnelle d’un créationnisme
scientifique « Terre jeune ».
Une autre initiative a vu le jour en Belgique en 2007(262), avec un musée
créationniste en ligne (museecreationniste.org) créé par deux anciens
enseignants en sciences, Rich et Tina Kleiss. Le site valorise des positions
de type créationnisme scientifique « Terre jeune » et s’appuie ou renvoie
vers d’autres structures comme l’Association de science créationniste du
Québec, Answers in Genesis, Creation ministries international, Au
commencement, etc.
En septembre 2010, des médias ont annoncé un projet de parc
d’attractions chrétien sur l’île espagnole de Majorque pour 10 millions
d’euros(263). Sur sept hectares, le parc doit présenter des spectacles de scènes
et récits bibliques, comme la création de l’humanité, la naissance du Christ,
la résurrection… Le promoteur possède déjà un parc similaire à Buenos
Aires, en Argentine. Il s’agit de s’inspirer du succès des parcs d’attractions
chrétiens américains comme le Holy Land Experience à Orlando ou le
Creation Museum de Cincinnati(264).
Un autre projet ambitieux est un parc suisse « de réflexion et de loisirs »
baptisé The Land of Genesis (« Le pays de la Genèse »), qui ambitionne la
reconstitution « grandeur nature » de l’arche de Noé — 138 mètres de long
et 22,5 mètres de large — dans laquelle « se trouveront une salle de
conférence et de cinéma ainsi qu’un musée présentant la version biblique
de la création du monde » (genesis-land.ch). Le projet est porté par le
groupuscule ProGenesis, « organisation supraconfessionnelle œuvrant pour
la réhabilitation de la Genèse ». Il devait se concrétiser par l’ouverture du
parc début 2011, mais peine, semble-t-il, à obtenir les financements
nécessaires et à définir un emplacement (envisagé en Allemagne) pour
construire le parc. Le site internet propose un plan du parc, des
modélisations animées en 3D, des « pavillons » ou encore un film
promotionnel de 10 minutes présentant les différentes attractions du parc
(genesis-land.ch).
Enfin, évoquons un projet de reconstitution de l’arche de Noé qui a
doublement abouti. Il s’agit des arches construites par le millionnaire
hollandais Johan Huibers. La première, d’une longueur de 70 mètres, d’une
largeur de 9 mètres et d’une hauteur de 13 mètres, a été inaugurée en avril
2007(265). Sa taille réduite a permis à Huibers de la faire naviguer sur les
canaux des Pays-Bas et selon les informations disponibles sur son site
internet (arcofnoah.org), il aurait visité une vingtaine de villes et accueilli
600 000 visiteurs durant trois ans et demi. À l’intérieur de l’arche, des
vidéos pédagogiques montrant le Déluge, des couples d’animaux en
plastique, ainsi que divers accessoires comme la tombe vide de Jésus
permettent de rendre les récits de la Bible plus « concrets ». Pour Huibers,
ce projet de l’ordre du million d’euros a un objectif évangélisateur : « Il faut
que les Hollandais soient touchés par les Évangiles. C’est l’objectif de
l’arche. Autrefois, les gens allaient à l’église et le dimanche, entendaient les
paroles saintes. Désormais, ils ne vont plus à l’église, donc pour les
atteindre, Dieu utilise d’autres moyens. »(266) Et en juillet 2012, il inaugure
une seconde arche construite grâce aux bénéfices de la première, grandeur
« réelle » cette fois : 135 mètres de long, 30 mètres de large et 23 mètres de
haut(267). Cette arche est située dans le sud des Pays-Bas à Dortrecht.
Huibers a envisagé de la déplacer à Londres à l’occasion des Jeux
olympiques de 2012, mais le projet n’a pas abouti pour des raisons de
sécurité(268). Interrogé sur la fin du monde et l’utilité de son arche, Huibers
estime que « la fin du monde est proche, d’ici 100 ou 200 ans. Je le sais
parce que le nombre de divorces n’a jamais été aussi élevé, il y a de plus en
plus d’enfants qui grandissent avec un seul parent, les homosexuels sont
arrivés au pouvoir et les Juifs retournent en Israël »(269).
Entre privatisation de l’école et prosélytisme : une situation inquiétante
outre-Manche
Au Royaume-Uni(*), en avril 2009, un sondage de Ipsos Mori(270) pose la
question suivante : « Points de vue sur le développement de la vie sur
Terre : duquel êtes-vous le plus proche ? » 38 % répondent que la vie sur
Terre, incluant la vie humaine, a évolué au cours du temps comme un
résultat de la sélection naturelle dans lequel Dieu n’a joué aucun rôle, 25 %
que la vie a évolué au cours du temps dans un processus guidé par Dieu, 16
% que la vie a été créé par Dieu et a toujours existé dans sa forme actuelle
et 11 % ont un autre point de vue non précisé par l’étude (les 11 % restants
n’ont pas d’avis)(**). Par ailleurs, une autre étude commandée par le British
Council au même institut et réalisée également en avril 2009, pose la
question de l’enseignement de la théorie de l’évolution en classes de
science à l’école(271) : 21 % souhaitent uniquement l’enseignement de la
théorie de l’évolution, 54 % des Britanniques estiment que les théories
évolutionnistes devraient être enseignées avec d’autres perspectives
possibles, tel que le dessein intelligent et le créationnisme, 6 % veulent
l’enseignement de toutes les approches à l’exception de la théorie de
l’évolution et 3 % ne souhaitent l’enseignement d’aucune approche (16 %
ne savent pas). Un autre sondage de 2008 réalisé par Ipsos Mori(272) auprès
d’enseignants anglais et gallois des collèges et lycées indique que 29 % des
enseignants de science ont répondu positivement à la question : « Pensez-
vous que le créationnisme doit être enseigné dans les cours de science ? »
(Le résultat est de 37 % toutes disciplines confondues.) Ces résultats
témoignent de l’importance des idées créationnistes au sein de l’opinion
publique britannique.
Cette situation est à mettre en parallèle avec la multiplication des
organisations et des églises créationnistes depuis le début des années 1990.
Cela est analysé par le British Centre for Science Education (BCSE),
organisation fondée en 2006 par des professionnels de l’éducation et des
scientifiques pour recenser et combattre les offensives créationnistes en
Grande-Bretagne. Le BCSE s’intéresse aux principales organisations
créationnistes britanniques et aux militants créationnistes les plus actifs(273),
mais aussi à la pénétration des idées créationnistes dans des églises
chrétiennes britanniques(274).
Les conférences données régulièrement dans les établissements scolaires
et universitaires(275) britanniques par des militants créationnistes ont déjà
convaincu des élèves et des étudiants depuis le lycée jusqu’à l’université.
Ainsi, une enseignante en biologie dans un lycée londonien témoigne du
fait que « la grande majorité de [ses] élèves croient désormais au
créationnisme. […] Ils possèdent des brochures approfondies sur le
créationnisme qu’ils déposent dans mon casier […]. C’est un peu comme
dans les États du sud des États-Unis »(276). Et peu importe leur confession
religieuse, ils peuvent être baptistes, pentecôtistes ou musulmans. Ces
derniers sont aussi très actifs. Comme dans cette faculté de médecine de
Londres, sur le site du Guys Hospital du King’s College, où des membres
de l’association islamique de l’université ont distribué aux étudiants des
tracts remettant en cause le darwinisme(277). Mais la distribution de tracts
n’est rien en comparaison des moyens désormais mis en œuvre par certaines
organisations pour pénétrer l’enseignement.
Fin septembre 2006, les responsables de l’enseignement scientifique
d’environ 5 000 collèges et lycées britanniques reçoivent gratuitement du
matériel « éducatif » destiné à promouvoir le dessein intelligent. Le pack
éducatif est constitué de deux DVD et d’un manuel d’enseignement. Il est
envoyé par Truth in Science (La vérité en science), une organisation
britannique éclectique composée de scientifiques, d’enseignants ou
d’hommes d’affaires, qui se présente comme « promouvant la bonne
éducation scientifique au Royaume-Uni » (truthinscience.org.uk). Un des
DVD n’est autre que Unlocking the mystery of life (Déchiffrer les mystères
de la vie(278)), un film réalisé par le Discovery Institute, structure américaine
promouvant le dessein intelligent. Selon l’un des membres de Truth in
Science, ce film explique que « le dessein intelligent examine les preuves
empiriques du monde naturel et dit que ce sont les preuves en faveur d’un
concepteur. Et si vous allez plus loin, l’argument devient religieux et le
dessein intelligent a des implications religieuses »(279). Le quotidien The
Guardian(280) précise que cinquante-neuf des collèges et lycées visés ont
décidé d’utiliser ce matériel pédagogique, bien que le gouvernement ait
condamné ce matériel comme étant « non approprié pour enseigner le
programme officiel de sciences ».
À l’occasion de cette polémique, le gouvernement affirme que ni le
créationnisme, ni le dessein intelligent ne sont des théories scientifiques et
que ces doctrines ne doivent donc pas être enseignées en cours de sciences.
Tony Blair, alors Premier ministre, déclare dans une interview accordée au
New Scientist en novembre 2006(281) que les craintes à propos de
l’enseignement du créationnisme au Royaume-Uni « sont largement
exagérées. […] Si je m’aperçois que le créationnisme devient largement
enseigné dans le système éducatif de ce pays, alors il sera temps de
s’inquiéter. Comme je l’ai dit, il est important que la science mène les
combats qui doivent être menés ». Et selon lui, le créationnisme au
Royaume-Uni n’en fait pas partie. Cela n’empêche pas les organisations
créationnistes comme Truth in Science ou Creation Ministries International
de continuer à faire circuler du matériel dans les écoles et en direction des
enseignants depuis 2006(282). De surcroît, la position politique de Blair
semble excessivement rassurante alors que le gouvernement travailliste
qu’il dirige entre 1997 et 2007 réforme le système éducatif anglais(283) en
profondeur. En fait, le gouvernement a entrepris et développe ce que l’on
peut qualifier de privatisation de la gouvernance des établissements. Le
principe général consiste à laisser plus d’autonomie à des structures privées
dans la gestion d’écoles et dans la détermination des programmes scolaires,
tout en maintenant un financement majoritairement public. L’obtention d’un
des statuts concernés ici (faith school, academy et free school en particulier)
dépend d’une évaluation initiale satisfaisante du projet pédagogique de
l’établissement (par le ministère de l’Éducation). Les réformes ont été
nombreuses depuis 1997 et il ne s’agit pas ici d’en rendre compte de façon
exhaustive mais de pointer celles qui présentent des risques —
hypothétiques ou constatés — quant à la mise en place d’enseignements
créationnistes à la place ou parallèlement à l’enseignement de l’évolution.
Dès 1997, le gouvernement parie sur un partenariat avec les
communautés religieuses en créant les premières écoles confessionnelles
(faith schools). Ces établissements, bien que publics (state schools), sont
assujettis à une communauté religieuse particulière (chrétienne, juive,
musulmane, etc.) et peuvent sélectionner leur personnel sur des critères
religieux(284). En 2010, ils représentent environ 7 000 établissements publics
sur 20 000(285) et « la communauté éducative [les] soupçonne […]
d’introduire leurs opinions religieuses dans les cours de sciences au mépris
des programmes nationaux [national curriculum] »(286). Des incursions
créationnistes dans les faith schools sont d’ailleurs régulièrement constatées
et suscitent des polémiques(287).
Une autre réforme(288), initiée en 2000, complète le développement de
l’autonomie des établissements en mettant en place les academies, des
écoles publiques autonomes par rapport aux local education authorities(289) -
LEAs (administrations locales de l’enseignement) - et financés directement
par le ministère (à hauteur de 80 % de l’investissement initial nécessaire et
de la totalité des frais de fonctionnement(290)). Ces écoles dépendent d’un
mécène (particulier, entreprise, association, université, groupe de parents
d’élève, etc.) qui fixe la politique en matière d’enseignement et de
spécialisation(291). Les academies doivent proposer un programme large et
équilibré incluant l’enseignement de l’anglais et des sciences (mais aussi de
l’éducation religieuse)(292) sans obligation de suivre le national
curriculum(293). En mai 2010, il y a 203 academies en Angleterre (collèges
et lycées)(294). Parmi les investisseurs qui se sont engagés dans cette voie, le
richissime chrétien Sir Peter Vardy a fondé l’Emmanuel Schools
Foundation dès 1989(295). Cette structure gère notamment, dans le nord-est
de l’Angleterre, trois écoles régulièrement prises comme exemple par Blair
pour promouvoir ses réformes(296). Or ces écoles Vardy enseignent le
créationnisme(297). Sir Vardy explique lui-même à propos de la théorie de
l’évolution et du créationnisme que « l’une est une théorie et l’autre relève
de la foi, c’est aux enfants de décider »(298).
En mars 2011, le British Centre for Science Education (BCSE) adresse
une lettre au ministre de l’Éducation pour l’avertir que les créationnistes
prévoient d’utiliser une nouvelle législation gouvernementale sur les free
schools pour organiser une offensive dans l’enseignement des sciences(299).
En effet, le programme d’autonomisation des écoles s’est amplifié avec le
gouvernement de David Cameron qui a lancé le programme free schools
(écoles libres) en 2010. Ainsi, The Academies Act 2010 incite les écoles
publiques classiques à acquérir le statut d’academies et autorise la création
des free schools (qui peuvent être des écoles primaires, collèges et lycées)
(300)
. Le nouveau statut de free schools est similaire à celui des academies
tout en laissant une plus grande autonomie : par exemple, les enseignants
n’ont plus besoin d’avoir le statut d’enseignant qualifié (qualified teacher
status)(301). La création des academies et des free schools dépend d’une
évaluation favorable du projet éducatif par le ministère de l’Éducation et les
établissements habilités sont ensuite censés être contrôlés régulièrement par
l’Office for Standards in Education (Bureau des normes éducatives)(302). 24
free schools ont ouvert en 2011, 55 en 2012(303). Dans le même temps, le
nombre d'academies augmente très rapidement et on en compte plus de
2 600 le 11 février 2013(304). L’inquiétude du BCSE qui a motivé l’envoi de
la lettre au ministre prend notamment appui sur les exemples concrets de
deux groupes engagés dans le contrôle d’écoles : Everyday Champion
Church et Christian Schools Trust. Le premier, par exemple, a soumis une
demande pour une école de 652 places dans le comté anglais du
Nottinghamshire. Le dirigeant de l’école, Gareth Morgan, après avoir
précisé que le créationnisme sera enseigné comme une croyance et
l’évolution comme une théorie, dit que « nous croyons que les enfants
devraient avoir une large connaissance de toutes les théories, en
conséquence de quoi ils pourront faire un choix en connaissance de
cause ». Le ministère de l’Éducation affirme en retour qu’ils sont
extrêmement attentifs dans l’analyse des dossiers pour éviter la mise en
place d’enseignements créationnistes en science dans ces free schools. Mais
le BCSE insiste — à juste titre — sur le fait que l’imprégnation du
créationnisme à l’école, même présenté en tant que croyance, ne peut que
signifier que la science est « subordonnée à des considérations religieuses,
et que les concepts centraux des sciences naturelles […] doivent être rejetés
en tant que doctrines erronées ».
En septembre 2011, une trentaine de scientifiques et cinq associations
lancent l’appel « Teach evolution, not creationism » (Enseigner l’évolution,
pas le créationnisme ; evolutionnot-creationism.org.uk) pour que le
gouvernement s’engage clairement à refuser l’enseignement du
créationnisme dans les écoles britanniques financées par l’État et pour que
l’évolution soit incluse dans les programmes de l’école primaire, du collège
et du lycée, dans toutes les écoles. Fin 2011, tout en affirmant qu’il ne cède
à aucune pression, le ministère de l’Éducation renforce les critères relatifs
au contenu des programmes proposés par les écoles financées par l’État,
pour l’attribution et le maintien des financements publics(305). Un
représentant du ministère affirme ainsi que « nous n’accepterons aucune
proposition d’academy ou de free schools qui prévoit d’enseigner le
créationnisme dans le programme scientifique ou comme une alternative
aux théories scientifiques validées »(306). Quelques mois plus tard, en juin
2012, le ministère de l’Éducation annonce des modifications du national
curriculum des écoles primaires visant à inclure l’enseignement de
l’évolution dès le CE2 (8-9 ans) alors que son enseignement apparaît
jusque-là à partir de la fin du collège (14-15 ans)(307). Depuis plusieurs
années, des scientifiques et spécialistes de l’éducation, dont ceux à l’origine
de l’appel « Enseigner l’évolution, pas le créationnisme », argumentent sur
la nécessité d’enseigner plus tôt dans la scolarité la théorie fondamentale de
la biologie(308).
Dans ce contexte de réformes profondes du système éducatif anglais, ces
derniers éléments paraissent encourageants pour l’avenir de l’enseignement
de l’évolution et la limitation des enseignements créationnistes. Pourtant,
au-delà des engagements du gouvernement, il reste la question de la mise en
œuvre pratique et de la concrétisation de ces annonces. Pour ce qui
concerne l’enseignement de l’évolution, la multiplication des faith schools,
academies et free schools ainsi que l’autonomie qui leur est laissée dans
l’élaboration des programmes, peuvent légitimement susciter des doutes sur
la portée des modifications du national curriculum. Concernant le
créationnisme, dès juillet 2012, une nouvelle polémique éclate alors que le
ministre de l’Éducation, Michael Gove, a récemment approuvé la mise en
place de trois free schools dirigées par des groupes ayant des points de vue
créationnistes(309). Les écoles concernées démentent proposer des
enseignements créationnistes et affirment que les documents allant dans ce
sens (identifiés sur leurs sites internet) sont désormais « obsolètes ». De son
côté et conformément aux règles d’attribution des financements publics, le
ministère de l’Éducation se défend de financer des écoles susceptibles
d’enseigner le créationnisme(310). De toute évidence, aucun des deux partis
ne veut perdre la face du moment que les réformes sont mises en place.
Comme évoqué au début de cette partie, cette offensive du créationnisme
dans l’enseignement britannique s’appuie, comme aux États-Unis, sur des
structures portées par des universitaires. Ainsi, à Glasgow (Écosse), le
Centre for Intelligent Design voit le jour en septembre 2010(311). Cette
institution veut rassembler ceux qui « ne sont pas satisfaits par l’explication
darwinienne sur les origines et sont attirés par la position beaucoup plus
crédible du dessein intelligent »(312). Elle est dirigée par Alastair Noble,
ancien enseignant en science et inspecteur des écoles, désormais conseiller
en éducation et pasteur évangélique, soutenu par Norman Nevin, professeur
émérite en génétique médicale à l’université de Belfast, et David Galloway,
ancien vice-président du Royal College of Physicians and Surgeons de
Glasgow. Le centre fonctionnerait sur la base de fonds individuels et
institutionnels provenant du Royaume-Uni. Noble affirme que son
institution ne fait que de la science (et non la promotion de positions
religieuses) et nie qu’il s’agisse d’une branche anglaise du Discovery
Institute américain, tout en précisant qu’il entretient des relations amicales
avec eux(313). Le premier conférencier invité fin 2010 par le Centre for
Intelligent Design pour une tournée de six conférences (Glasgow, Londres,
Belfast, Leamington et Oxford) est d’ailleurs Michael Behe, biochimiste et
l’un des fers de lance du Discovery Institute. Notons également en
septembre 2012(314) une conférence donnée par le Britannique John Lennox,
professeur de mathématiques à l’université d’Oxford, et l’un des
scientifiques européens très impliqué dans la promotion du dessein
intelligent en Europe et aux États-Unis(315). Dans un article publié fin
2009(316), Noble défend l’enseignement du dessein intelligent en science en
affirmant que « si vous soutenez qu’une cause intelligente doit être exclue
de l’étude des origines, alors vous enseignez une philosophie matérialiste,
pas de la science ». Il s’appuie également sur le sondage évoqué au début
de cette partie dans lequel 54 % des Britanniques estiment que les théories
évolutionnistes devraient être enseignées avec d’autres perspectives
possibles, telles que le dessein intelligent et le créationnisme(317). Plusieurs
associations britanniques comme le British Centre for Science Education, la
National Secular Society, la British Humanist Association ou la Scottish
Secondary Teacher’s Association, s’inquiètent de ces pressions sur
l’enseignement des sciences auprès du gouvernement écossais qui affirme
« ne pas reconnaître l’enseignement du dessein intelligent dans un contexte
scientifique »(318).
En l’espace d’une quinzaine d’années, la situation au Royaume-Uni est
devenue comparable à celle des États-Unis en ce qui concerne la mise en
place de structures prosélytes créationnistes, leur lobbying en direction de
l’enseignement des sciences ainsi qu’une propagande organisée assez
efficace pour influencer l’opinion publique de manière significative. Cette
situation est à replacer dans un contexte favorable de mise en place de
réformes libérales du système de l’éducation dont les créationnistes tirent
profit pour infiltrer l’enseignement.
L’ancrage de l’anti-évolutionnisme en Allemagne
Les discours anti-évolutionnistes ont une emprise importante en
Allemagne. Un sondage(319) effectué en septembre 2005 indique que 12,5 %
des Allemands adhèrent au créationnisme scientifique et pensent que « Dieu
a créé directement toutes les formes de vie comme le décrit la Bible » et
25,2 % sont partisans d’un dessein intelligent et estiment que « la vie sur
Terre a été créée par un être surnaturel et qu’elle s’est développée ensuite
sur de longues périodes de temps, et que ce processus a été guidé par une
intelligence supérieure »(320). Dès 1954, Ernst Mayr, biologiste
évolutionniste américain d’origine allemande et l’un des principaux
contributeurs à la synthèse moderne de la théorie de l’évolution, voit dans le
contexte allemand un terrain propice au développement des idées anti-
évolutionnistes : « En Allemagne — désormais un état clérical — le
mouvement anti-évolutionniste est particulièrement puissant… De la même
manière que le nom de McCarthy évoque le libéralisme et le communisme,
l’évolution a été assimilée après la Seconde Guerre mondiale au
sélectionnisme le plus radical, et la biologie au racisme nazi. »(321)
Au cours des années 1960-1970, la diffusion des idées créationnistes en
Allemagne s’appuie principalement sur le travail de l’anglais Arthur E.
Wilder-Smith (1915-1995), considéré alors comme le « leader scientifique
créationniste en Europe »(322). Parlant allemand couramment après avoir
séjourné, étudié et travaillé en Suisse et en Allemagne, ce scientifique
titulaire de trois doctorats(323) traduit en langue allemande de nombreux
textes créationnistes américains produits par l’ICR et publie ses propres
ouvrages(324). Au début des années 1980, le mouvement créationniste
allemand se structure et l’association Wort und Wissen (La parole et la
connaissance) voit le jour. De confession évangélique, cette structure
s’appuie sur des scientifiques établis pour promouvoir un créationnisme
scientifique « Terre jeune » en organisant des conférences au sein des
universités et en distribuant de nombreux ouvrages et des cassettes vidéo.
Dans les années 1990, c’est Werner Gitt, professeur d’ingénieurie et
directeur du Physikalisch-Technische Bundesanstalt (Institut fédéral
allemand de physique et de technologie) à Braunschweig, qui dirige
l’association. Il publie des ouvrages créationnistes qui sont traduits dans
une dizaine de langues(325). Par ailleurs, Wort und Wissen édite, tout comme
l’association créationniste suisse Pro Genesis dont elle est proche, des
revues périodiques : respectivement Studium Integrale Journal et
Factum(326).
À la fin des années 1990 et au début des années 2000, le discours anti-
évolutionniste de Wort und Wissen touche un public de plus en plus large,
notamment grâce à un ouvrage publié à 40 000 exemplaires(327), Evolution,
ein kritisches Lehrbuch(328) (Évolution, un manuel critique) et à deux
films(329), dont celui intitulé Hat die Bibel doch Recht ? Der
Evolutionstheorie fehlen die Beweise (La Bible a-t-elle raison finalement ?
La théorie de l’évolution manque de preuves) diffusé à 50 000
exemplaires(330). C’est l’un des leaders de Wort und Wissen, le
microbiologiste Siegfried Scherer, professeur d’écologie microbienne à
l’université technique de Munich, directeur de l’association créationniste
jusqu’en 2006 et membre du conseil d’administration du Discovery Institute
de 2000 à 2003(331), qui est à l’origine de ces diverses productions et qui en
est l’acteur principal. L’objectif de ces productions, dont la promotion est
assurée par le site wort-und-wissen.de et le site associé genesisnet.info, est
de formuler une critique « scientifique » de la théorie de l’évolution, à la
frontière entre un créationnisme scientifique « Terre jeune » et le dessein
intelligent, mais aussi de promouvoir la Bible. Dans le film évoqué
précédemment, Scherer et le généticien Wolf-Ekkehard Lönnig sont mis en
scène dans leur laboratoire respectif et ce dernier y affirme qu’une force
intelligente est à l’œuvre pour créer la complexité du monde vivant(332). La
proximité avec le mouvement du dessein intelligent est plus explicite dans
l’ouvrage de Junker et de Scherer évoqué précédemment - Evolution, ein
kritisches Lehrbuch. Intitulé initialement Enstehung und Geschichte der
Lebewesen : Daten und Deutungen für den schulischen Bereich (Origine et
histoire des êtres vivants : données et interprétations pour le domaine
éducatif), l’ouvrage fait l’objet de six éditions successives. Il est présenté
comme « la production la plus importante des anti-évolutionnistes
européens »(333) par le biologiste Ulrich Kutschera, professeur à l’université
de Kassel et critique des mouvements créationnistes. Dans la 4e édition,
publiée en 1998, le titre devient Évolution, un manuel critique et les termes
« créateur » et « unités de vie créées » sont respectivement remplacés par
« designer » et une expression jugée plus scientifique, « types
fondamentaux génétiquement polyvalents »(334). L’objectif principal de
l’ouvrage est de présenter une alternative à la macroévolution, fondée sur le
concept de formes de vie génétiquement prédéterminées — par un designer
- qui se diversifient ensuite par microévolution(335). De manière stratégique,
ce discours hybride entre créationnisme scientifique « Terre jeune » et
dessein intelligent omet volontairement la question « sensible » de la
datation pour laquelle Scherer penche clairement en faveur d’un monde
créé il y a moins de 10 000 ans(336).
L’ouvrage est largement diffusé dans les bibliothèques d’établissements
scolaires confessionnels et publics(337). Des associations chrétiennes(338) lui
attribuent même, en 2002, le prix « Lernen für die Deutsche und
Europäische Zukunft » (Apprendre pour l’avenir allemand et européen). Le
prix est remis en présence de représentants officiels de parents d’élèves, de
l’évêque de l’Église évangélique luthérienne indépendante et du président
de la CDU Dieter Althaus (Union chrétienne-démocrate, parti dirigé par la
chancelière Angela Merkel) dans la Thuringe(339). Dans son discours, ce
dernier félicite à plusieurs reprises Junker et Scherer pour cet « excellent
manuel » qui permet de « construire des ponts entre la biologie, la
philosophie et la théologie », en posant des « questions ouvertes » qui
prennent en compte « les connaissances objectives de la théorie de
l’évolution ». Tout « en se réjouissant de la remise de ce prix », il souhaite
que « cet ouvrage ne soit pas utilisé uniquement par les étudiants en cours
de biologie », mais qu’il soit lu par le plus large lectorat possible(340).
Cette confusion de la part d’un dirigeant politique allemand entre ce qui
relève de la science et une croyance hors du champ scientifique n’est pas un
fait isolé. Ainsi, en septembre 2006, lorsque la chaîne de télévision Arte(341)
révèle que deux écoles du Land de Hesse, l’une privée, l’autre publique,
enseignent le créationnisme en cours de biologie dans certaines classes, la
ministre de l’Éducation CDU du Land, Karin Wolff, n’apporte pas son
soutien aux parents d’élèves qui se sont plaints de ces enseignements
créationnistes(342). Cette ex-enseignante du fait religieux protestant déclare
peu de temps après dans l’hebdomadaire évangélique Idea Spektrum,
distribué à plus de 30 000 exemplaires, qu’elle n’effectuera pas d’enquête
dans les écoles concernées sauf si « l’opinion personnelle de l’enseignant
est trop mêlée au transfert de connaissances »(343). Toujours selon elle, la
mission éducative des écoles allemandes doit s’effectuer « dans le sens
d’une culture humaniste chrétienne » et, par conséquent, « tous les
professeurs ont cette mission » et il est donc « bon qu’un professeur de
biologie n’enseigne pas l’évolution sans connexions » avec la version
chrétienne de la Création, et réciproquement pour l’enseignement du fait
religieux(344).
À la fin du mois de juin 2007, en réaction au rapport du Conseil de
l’Europe sur les dangers du créationnisme dans l’éducation, elle est
interrogée par le Frankfurter Allgemeine Zeitung et confirme sa position(345).
Elle ne voit aucune contradiction entre l’évolution biologique et la version
biblique sur les origines du monde, ajoutant qu’il y a même une
« concordance extraordinaire » entre les deux. C’est en ce sens qu’elle
plaide pour « des cours de biologie moderne » qui devraient intégrer les
questions philosophiques sur le sens de la vie. Et en se défendant toujours
d’être créationniste, Karin Wolff évoque une nouvelle fois le débat
concernant la version biblique de la Création comme une opportunité pour
« un nouveau rapprochement entre les sciences naturelles et la religion ».
Ces prises de position de la part d’une ministre de l’Éducation en
exercice suscitent de vives réactions, notamment de la part des dirigeants
des partis politiques de l’opposition(346) dans le Land de la Hesse et dans le
pays — le parti social-démocrate SPD, les Verts — ainsi que des
scientifiques(347). Ils estiment tous que les questions religieuses et en
particulier la doctrine de la Création n’ont pas leur place en cours de
biologie. Dans le camp conservateur, de nombreux dirigeants politiques
soutiennent publiquement la déclaration de Wolff, comme le président CDU
de la Hesse Roland Koch, le chef du groupe CDU au parlement de la Hesse
Christean Wagner, ou le député CSU — Union chrétienne sociale, alliée de
la CDU — au Parlement national Norbert Geis(348). Ils expliquent qu’il ne
s’agit pas d’introduire le créationnisme dans les cours de biologie, mais que
les sciences naturelles n’ont pas réponse à toutes les questions que se posent
les élèves, et que les interrogations d’ordre religieux doivent être abordées
en cours de biologie(349). De son côté, l’évêque catholique d’Augsbourg,
Walter Mixa, approuve la prise de position de Wolff et estime même
« qu’Adam et Ève ont leur place en cours de biologie »(350).
En mars 2008, les représentants de la seconde plus grande confession en
Allemagne après le catholicisme, l’Église évangélique allemande (EKD)(*),
publie une brochure destinée aux enseignants, les incitant à ne pas défendre
le créationnisme scientifique, ni le dessein intelligent(351). Dans cette
brochure de 22 pages intitulée Weltentstehung, Evolutionstheorie und
Schöpfungsglaube in der Schule(352) (L’Origine du monde, la théorie de
l’évolution et la croyance en la Création à l’école), l’EKD renvoie dos-à-
dos les « nouveaux athées » tels que le biologiste Dawkins et les
créationnistes, en précisant que pour le christianisme, « Dieu le créateur fait
partie de cette croyance, mais pas le créationnisme ». Cependant, comme
l’enseignement religieux est obligatoire dans les écoles primaires et
secondaires(353), l’EKD ajoute que « les classes d’enseignement religieux
protestant peuvent discuter du créationnisme, mais pas le défendre », et que
par conséquent « en principe, toutes les classes peuvent traiter à la fois de
la croyance en la Création et de la théorie de l’évolution »(354). Pour
comprendre cette initiative de conciliation entre la foi en la Création et
l’acceptation des connaissances scientifiques de la part de l’EKD, il faut
noter la prolifération d’écoles allemandes confessionnelles « concurrentes »
gérées par des évangéliques conservateurs ces dernières années. Ainsi en
2012, plus de 33 000 élèves sont scolarisés dans 90 de ces écoles(355), dont
plus de la moitié est représentée par le Verbandes Evangelischer
Bekenntnisschulen (VEBS, Association des écoles confessionnelles
évangéliques) qui prône l’enseignement du créationnisme en classe(356) et
qui promeut l’enseignement à domicile(357).
Enfin, comme indicateur de la diffusion des idées anti-évolutionnistes en
Allemagne(358), citons l’étude réalisée fin 2006 par Dittmar Graf, professeur
de didactique en biologie et spécialiste du créationnisme à l’université
technique de Dortmund, auprès de 1 228 étudiants en première année, tous
en formation pour devenir enseignants. Toutes disciplines confondues,
environ 15 % d’entre eux rejettent la théorie darwinienne de l’évolution, et
parmi les futurs enseignants en biologie, ce pourcentage avoisine les 7 %
(359)
. Pour Graf, ce résultat préoccupant est dû à la propagande créationniste
d’associations comme Wort und Wissen, à la confusion engendrée par les
diverses prises de position politiques et aussi au manque d’heures
d’enseignement consacrées à l’évolution. Celui-ci intervient très
tardivement dans le cursus scolaire — pas avant les classes 9 et 10, c’est-à-
dire à l’âge de 15-16 ans — alors que les élèves sont confrontés depuis leur
plus jeune âge aux doctrines religieuses(360).
Les Pays-Bas, « Kansas » de l’Europe ?
C’est sous ce titre provocateur faisant référence à l’introduction du
dessein intelligent en cours de biologie dans l’État américain du Kansas,
qu’en juin 2005, le journal scientifique américain Science s’émeut de la
prise de position de la ministre hollandaise de l’Éducation, Maria van der
Hoeven, en faveur de la tenue d’un débat académique à propos du dessein
intelligent(361). À plusieurs reprises entre mars et juin 2005, van der Hoeven,
membre du CDA (Appel démocrate-chrétien), met en avant des objectifs
religieux pour ce qui est pourtant présenté comme une discussion
scientifique autour de la théorie darwinienne de l’évolution. En mars 2005,
elle déclare sur son blog que « ce qui relie l’islam, le judaïsme et le
christianisme, c’est l’idée qu’il y a un créateur, quelle que soit la manière
avec laquelle il est identifié. En cela, je vois la possibilité de construire des
ponts. Cela peut particulièrement être mis en œuvre au cours de discussions
académiques. Si nous réussissons à réunir les scientifiques de confessions
différentes, peut-être que [le dessein intelligent] pourrait finalement être
enseigné dans les écoles »(362). Pour motiver la tenue de ce débat entre
scientifiques et partisans du dessein intelligent, van der Hoeven utilise la
stratégie créationniste classique consistant à se placer sur le terrain
scientifique : ainsi, elle déclare au quotidien national de Volkskrant qu’« il
faut admettre que la théorie de l’évolution est incomplète et que nous
faisons sans cesse de nouvelles découvertes »(363). Fin mai, sa proposition
est examinée au parlement hollandais et finalement rejetée. De nombreux
parlementaires, y compris ceux de son propre camp politique, sont hostiles
à ce qu’ils considèrent comme une atteinte à la séparation entre les Églises
et l’État. Par ailleurs, les scientifiques ne manquent pas non plus d’exprimer
leur opposition à cette tentative d’intrusion d’une doctrine religieuse en
science(364).
Pourtant, c’est bien au contact de scientifiques que van der Hoeven se
laisse séduire par le dessein intelligent, en particulier par l’intermédiaire de
Cees Dekker(365). Ce physicien de l’université de technologie de Delft,
lauréat de nombreux prix, est reconnu pour ses recherches sur les nanotubes
de carbone et pour ses travaux en biophysique moléculaire. Dekker (qui se
revendique chrétien protestant) affirme que si les processus darwiniens de la
théorie de l’évolution sont toujours considérés comme valides malgré des
preuves scientifiques insuffisantes, c’est parce que cette théorie est en
adéquation avec une vision du monde matérialiste athée(366). Dès le début
des années 2000, Dekker s’exprime en faveur d’un dessein intelligent et est
rejoint par d’autres universitaires hollandais(367), avec lesquels il défend une
vision scientifique du dessein intelligent comme « théorie alternative » à la
théorie darwinienne de l’évolution car « elle est l’aboutissement
d’observations scientifiques et du raisonnement qu’un dessein est
consubstantiel à la réalité naturelle qu’on expérimente »(368). Même si ces
idées sont présentées comme scientifiques, les seules références restent
celles de Behe, Dembski et Johnson, les principaux leaders du mouvement
du dessein intelligent aux États-Unis. Ainsi, le 22 octobre 2005, à
l’occasion de la première conférence du dessein intelligent en Europe
organisée à Prague par le Center for Science and Culture du Discovery
Institute et intitulée Darwin and design, Dekker est l’un des trois
conférenciers Européens(*) aux côtés des américains Stephen Meyer,
Jonathan Wells, Charles Thaxton et David Berlinski(369). Avec plus de 700
participants provenant de 18 pays, William Dembski conclut que cette
conférence « a clairement démontré que la controverse du dessein
intelligent n’est pas qu’un phénomène américain ; cela a ouvert de
nombreuses portes aux collègues en Europe avec lesquels la communauté
ID va considérablement travailler dans les années à venir »(370). Cependant,
en avril 2006, quelques mois après la défaite du procès de Dover, Dekker se
désolidarise du mouvement et se réclame d’un évolutionnisme théiste(371). Il
reste très actif sur la thématique science et religion et depuis 2009, il est
membre du conseil d’administration de la John Templeton Foundation(**).
Avec de nombreuses associations, les Pays-Bas sont également un
terrain fertile pour le créationnisme scientifique « Terre jeune ». Dès le
développement de la science de la Création dans les années 1960-1970 aux
États-Unis, les calvinistes hollandais accueillent très favorablement la
« géologie du déluge »(372) au cœur du créationnisme scientifique « Terre
jeune »(373). À cette époque, la discussion sur les preuves scientifiques des
textes de la Genèse constitue un marqueur identitaire sur lequel s’opposent
conservateurs et progressistes au sein du calvinisme hollandais(374). À tel
point que l’historien des sciences Ronald L. Numbers note que, dans les
années 1970, « les Hollandais prirent la tête dans la diffusion de la
géologie du déluge en Europe continentale »(375). Après une activité très
intense dans les années 1970 et le début des années 1980, les créationnistes
scientifiques « Terre jeune » hollandais restent relativement silencieux
jusqu’à la fin des années 2000. Deux événements les font revenir sur le
devant de la scène médiatique hollandaise.
Le premier concerne la chaîne de télévision évangélique du groupe de
médias Evangelische Omroep (EO, Diffusion évangélique). Cette chaîne
soutient le créationnisme scientifique « Terre jeune » depuis sa création en
1973(376). Courant 2007, elle diffuse une série documentaire produite par la
BBC sur la vie des mammifères(377). Cependant, la chaîne EO adapte le
contenu scientifique du film à son discours créationniste, et tous les
passages concernant l’évolution ou l’âge de la Terre sont coupés ou
transformés. Le dixième et dernier épisode concernant les liens de parenté
entre l’être humain et le singe est entièrement supprimé. Suite à cette
diffusion, des scientifiques menés par les biologistes Gerdien de Jong et
Hans Roskam, respectivement de l’université d’Utrecht et de l’université de
Leiden, protestent auprès de la BBC(378). Une pétition signée par 300
biologistes est envoyée à la BBC en arguant du fait que « la BBC, en tant
que producteur et détenteur des droits, ainsi que les réalisateurs des
documentaires de la BBC ont la responsabilité envers le public hollandais
d’aider à préserver la diffusion de documentaires sur une base
scientifiquement solide »(379). La BBC réagit très mollement en déclarant
qu’elle n’est pas concernée(380).
Le second événement marquant se déroule durant l’année Darwin en
2009. À l’occasion du bicentenaire de la naissance du célèbre biologiste, le
12 février, un collectif impressionnant d’une trentaine d’associations
créationnistes hollandaises et flamandes piloté par l’association Bijbel
& Onderwijs (Bible & éducation) et par la version hollandaise d’Answers in
Genesis — dans ce collectif, on trouve également une association
antiavortement — organise l’envoi de brochures créationnistes à 6 millions
de foyers hollandais. Cette brochure de 8 pages, intitulée Évolution ou
Création. En quoi croyez-vous ?, reprend les arguments des créationnistes
scientifiques « Terre jeune » contre l’évolution et les temps longs, et
promeut le fait que le débat n’est pas une question de preuves, mais de
choix : « Vous avez le choix : croire ce que dit la théorie de l’évolution à
propos de l’origine des êtres humains ou croire ce que dit la Bible. Croire
en la théorie de l’évolution signifie qu’il n’y a pas de réponse aux questions
centrales telles que : d’où je viens ? Pourquoi suis-je là ? Et où est-ce que
je vais quand je meurs ? Alors que si nous croyons en la Bible, nous avons
effectivement les réponses à ces questions fondamentales. Alors nous
pouvons savoir que Dieu nous a créés par amour et qu’il a un plan pour
nos vies. »(381) Cette opération de communication illustre l’impact des
créationnistes hollandais auprès de l’opinion publique, depuis la capacité du
collectif à réunir les 400 000 euros nécessaires(382), jusqu’à la promotion des
idées créationnistes dans les médias hollandais qui les invitent(383). En
réaction, des étudiants de l’université d’Utrecht mettent en place la vente
d’autocollants « Créationnisme, non — Darwin, oui » destinés à être collés
sur les boîtes aux lettres afin de ne pas recevoir la fameuse brochure
créationniste. Cette opération est un succès(384).
Dans le prolongement, un des promoteurs de cette campagne, le
président de l’association Bible & Éducation, Kees van Helden, entreprend
de recueillir 40 000 signatures pour que la question de l’enseignement du
créationnisme dans les établissements scolaires hollandais publics soit
étudiée au parlement. Son initiative échoue en 2010(385). Parallèlement à
l’impact des organisations créationnistes de confession chrétienne, il faut
noter qu’avec environ 5 % de musulmans, les Pays-Bas sont aussi touchés
par les organisations créationnistes d’Harun Yahya et de Fethullah Gülen
(voir chapitre 2).
En Italie, une vague anti-évolutionniste
Le 19 février 2004 dans le cadre d’une réforme du système éducatif,
Letizia Moratti, ministre italienne de l’Instruction, de l’Université et de la
Recherche du gouvernement Berlusconi, signe un décret excluant
l’enseignement de la théorie darwinienne de l’évolution des cours de
biologie au collège. Les notions d’évolution de la Terre ou bien d’origine et
d’évolution biologique et culturelle de l’espèce humaine sont supprimées
des programmes. Après avoir considérablement appauvri les écoles
publiques italiennes en distribuant des primes aux familles envoyant leurs
enfants dans des écoles privées, après avoir supprimé du programme
d’histoire le XXe siècle, et donc le régime fasciste de Benito Mussolini, la
ministre catholique poursuit sa réforme de l’école intitulée « Anglais,
informatique, entreprise », en imposant l’enseignement de la version
biblique de la Création à tous les collèges d’Italie.
Ce décret provoque une vive réaction de la communauté scientifique
italienne et le journal La Repubblica lance un appel intitulé « Un dommage
pour la culture des nouvelles générations »(386). La pétition est signée par des
scientifiques, des enseignants et des intellectuels qui pensent que
« l’absence de la théorie de l’évolution des programmes du collège dans
l’apprentissage scientifique des adolescents de 13-14 ans représente une
limitation culturelle et un refus de développer leur curiosité scientifique et
leur ouverture mentale ». Par conséquent, ils demandent « au ministère de
revoir les programmes du collège, et de revenir sur cette élimination
destructrice pour la culture scientifique des générations à venir ». Ce à
quoi Moratti répond que les récits fantastiques et les mythes des origines
favorisent la compréhension de la science par l’enfant. Elle considère
qu’une approche scientifique de nos origines doit donc se faire, entre autres,
à travers le récit biblique de la Création(387). Finalement, la fronde anti-
Moratti a raison du décret et, un an plus tard, en 2005, la théorie de
l’évolution est réintégrée dans le programme de biologie.
Plus récemment, en 2009, le Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR),
institution publique italienne chargée de la promotion des activités de
recherche et de ses applications, a financé à hauteur de 9 000 euros un livre
créationniste intitulé Evoluzionismo : Il Tramonto di una ipotesi(388)
(Évolutionnisme : le déclin d’une hypothèse)(389). Coordonné par Roberto de
Mattei, professeur d’histoire du christianisme et du catholicisme à
l’Université européenne de Rome, conseiller sur les questions
internationales du gouvernement italien de 2002 à 2006 et vice-président du
CNR de 2003 à 2011, cet ouvrage rassemble les contributions de chercheurs
en sédimentologie, physique, chimie et philosophie (voir chapitre 3) lors
d’un colloque organisé en février 2009 pour critiquer le prétendu
dogmatisme de l’évolutionnisme et son absence de justification scientifique
(le CNR a accueilli l’événement). Le livre affirme que les méthodes de
datation sont fausses, que le Déluge permet d’expliquer la répartition
stratigraphique des fossiles et que les dinosaures ont disparu il y a environ
40 000 ans. De nombreux chercheurs ont réagi vivement contre cette
publication labellisée et financée par le CNR. De façon inquiétante, son
président, le physicien Luciano Maiani, a justifié que « la recherche
intellectuelle est une entreprise ouverte » et souligné qu’il s’opposerait à
toute censure de tels ou tels travaux, en accord avec la liberté d’expression
garantie par la Constitution italienne.
En janvier 2012, pour répondre à un courrier de lecteur s’inquiétant de la
situation de l’enseignement de l’évolution en Italie depuis la polémique
Moratti en 2004-2005, le journal italien La Repubblica interroge Telmo
Pievani, épistémologue et spécialiste de Darwin et de la théorie de
l’évolution à l’université de Milan. Il constate qu’après la fronde contre
Moratti, « le mot “évolution” a été remplacé par de vagues périphrases
[…] compatibles avec des points de vue complètement différents. C’est
vraiment déconcertant, mais l’enseignement de l’évolution est devenu dans
notre pays un sujet “éthiquement sensible”, une source d’embarras,
d’omissions, de tabous linguistiques bipartisans. Rien de dramatique
pourrait-on penser puisqu’il s’agit seulement de “recommandations” de
base : les enseignants compléteront comme ils croiront bon de le faire. Mais
là est justement le problème ! Les programmes aménagés de cette manière,
les manuels parleront d’évolution s’ils retiennent l’expression. Les
enseignants l’expliqueront s’ils le veulent. Comme si la descendance
commune, le fait de l’évolution, les ancêtres et cousins de l’espèce humaine
étaient des options »(390).
Essor des mouvements anti-évolutionnistes en Russie, Pologne et
Roumanie
Depuis l’effondrement du régime soviétique au début des années 1990,
les pays de l’ancien bloc communiste font face à une diffusion massive des
idées anti-évolutionnistes. Nous nous sommes intéressés en particulier à la
Russie, la Pologne et la Roumanie. Dans ces pays, les diverses prises de
position contre la théorie de l’évolution s’appuient principalement sur un
rejet de la part des populations des idées d’évolution instrumentalisées sous
les régimes communistes(391), notamment par le lyssenkisme. Avec
l’ouverture des frontières au début des années 1990, toutes les idées
provenant de l’Ouest sont accueillies avec enthousiasme dont les idées
créationnistes. L’arrivée de théories « alternatives », présentées comme
autant de gages d’une « liberté académique » retrouvée, est largement
instrumentalisée par les représentants de toutes les confessions religieuses
ainsi que par les pouvoirs politiques en place. En témoignent les réactions
de parlementaires de pays d’Europe de l’Est rapportées par Guy Lengagne
(voir chapitre 2 notre entretien avec lui), suite au rejet du rapport sur le
créationnisme dont il était responsable : « Nous avons eu affaire à de
violentes oppositions de la part d’un parlementaire russe, soutenu par des
Hongrois ; il assimilait l’évolutionnisme au stalinisme, au nazisme et au
terrorisme ! »
Avec 53 % des personnes interrogées qui souhaitent que les doctrines
créationnistes soient enseignées parallèlement à la théorie de l’évolution, 13
% que seul le créationnisme soit enseigné, et seulement 10 % qui
considèrent que le créationnisme n’a pas sa place dans les cours de
sciences(392), la Russie est un pays dans lequel les idées créationnistes se
sont propagées efficacement durant les deux dernières décennies. Cette
diffusion du créationnisme s’inscrit dans le contexte d’une offensive
généralisée de l’Église orthodoxe russe contre la laïcité — en particulier
dans l’éducation — largement instrumentalisée par le pouvoir russe. Pour
Lev Gudkov, directeur du département d’études sociales et politiques du
centre Yuri Levada à Saint-Petersbourg, cette propagation rapide du
créationnisme s’appuie aussi sur un rejet des Russes de tout ce qui apparaît
lié au régime soviétique. On assiste donc à l’émergence d’un
traditionalisme exagéré faisant référence à la période précédente « comme
une réaction au vide des idées et des croyances qui a suivi la désintégration
de l’idéologie soviétique »(393).
Dès l’effondrement de l’Union soviétique, dans la première moitié des
années 1990, des associations créationnistes de confession protestante(394)
voient le jour et sont très actives(395). Elles organisent des conférences
réunissant des centaines de scientifiques, publient à plusieurs milliers
d’exemplaires des dizaines d’ouvrages rédigés par des créationnistes
scientifiques occidentaux — majoritairement de l’ICR — traduits en russe.
Au milieu des années 1990, plusieurs membres du ministère russe de
l’Éducation, motivés par l’idée de réinstaurer une liberté académique
étouffée durant le régime communiste, sollicitent les conseils des
Américains de l’ICR — notamment Duane Guish — pour produire de
nouveaux supports éducatifs intégrant les doctrines créationnistes(396).
Dans la seconde moitié des années 1990 et dans le courant des années
2000, une littérature créationniste plus spécifique à l’orthodoxie russe
apparaît, mêlant arguments anti-évolutionnistes classiques des
créationnistes scientifiques — absence de fossiles de transition, la Création
comme alternative scientifique à l’évolution, etc. - à un discours
théologique. Pour des spécialistes américains du créationnisme en Russie,
cette intégration par l’orthodoxie russe d’arguments créationnistes
provenant de protestants n’a rien de surprenant « puisque les principaux
arguments créationnistes sont de nature antiscientifique universelle, ils
peuvent facilement être adaptés à n’importe quel contexte culturel ; par
conséquent, ils ont été capables d’influencer les créationnistes orthodoxes
qui y ont vu un instrument utile pour leur offensive doctrinale contre
l’enseignement laïque »(397). En effet, dans les années 2000, l’enseignement
de la théorie de l’évolution est remis en cause par les chrétiens orthodoxes.
Dans un premier temps, ce n’est pas en Russie, mais en Serbie que
l’enseignement de la théorie de l’évolution suscite des réactions politiques.
En septembre 2004, la ministre serbe de l’Éducation, Ljiljana Colic,
chrétienne orthodoxe, souhaite interdire l’enseignement de l’évolution dans
les écoles primaires serbes(398). Professeur associé à la faculté de philologie
de l’université de Belgrade, Colic collabore avec les créationnistes
orthodoxes russes et les créationnistes catholiques américains du Kolbe
Center(399). Elle déclare que concernant les origines de la vie, la théorie
darwinienne de l’évolution est tout aussi dogmatique que l’Ancien
Testament(400). Quelques jours plus tard, suite aux protestations vigoureuses
de dizaines de scientifiques serbes, d’associations non gouvernementales,
d’enseignants et de l’opposition, elle est contrainte de démissionner(401).
Pour revenir à la Russie, en 2005, l’ouvrage créationniste de Sergej
Vertjanov, intitulé Biologie générale : manuel d’enseignement de la
biologie sur les fondements orthodoxes pour les 10-11 ans, est utilisé dans
des écoles publiques et privées de Russie(402), même si le ministère de
l’Éducation ne le recommande pas aux enseignants. Fin 2006, Maria
Schreiber, une lycéenne âgée de 15 ans, intente un procès au ministère russe
de l’Éducation pour permettre l’enseignement de « théories alternatives » à
l’évolution en cours de biologie(403). Elle exige des excuses de la part du
ministère de l’Éducation ainsi que de l’auteur du manuel scolaire de
biologie dans lequel la doctrine de la Création est qualifiée de « mythe ».
Elle considère notamment que sa liberté de croyance est bafouée et suggère
de remplacer le texte incriminé par celui de Vertjanov(404). L’archevêque
Skripkin, appelé comme témoin lors du procès en tant que représentant de
l’Église orthodoxe russe, défend lui aussi l’utilisation du manuel de
Vertjanov en cours de biologie(405). Finalement, le tribunal rejette la plainte
de Schreiber début 2007(406).
L’Église orthodoxe russe, qui a soutenu publiquement l’initiative du
procès Schreiber(407), joue un rôle de premier plan dans cette remise en
cause de l’enseignement de la théorie de l’évolution. Depuis le début des
années 2000, elle est en effet devenue un acteur politique majeur de la
société russe(408) et poursuit l’objectif d’instaurer « un dialogue entre le
gouvernement et la société au sens large afin de mettre fin au monopole de
la vision matérialiste qui a été façonnée durant l’ère soviétique »(409). Dans
cette perspective et grâce aux pouvoirs politiques russes, l’Église orthodoxe
prend progressivement pied dans le système éducatif. Un enseignement
religieux obligatoire est peu à peu mis en place dans toutes les écoles du
pays, sous une dénomination qui évolue au fil des années — fondements de
la culture orthodoxe(410), formation spirituelle et morale(411), fondements de
la culture religieuse et de l’éthique laïque(412) - mais en donnant toujours
« une attention particulière à l’orthodoxie russe »(413). Toute tentative de
critique de cette remise en cause de la séparation entre les Églises et l’État
est systématiquement interprétée par les autorités de l’Église orthodoxe
russe comme une agression contre la religion et contre les chrétiens. Et
l’enseignement de la théorie darwinienne de l’évolution, vue comme un
symbole de l’idéologie imposée par l’ancien régime soviétique, est perçu
comme un élément de ce qui est qualifié de « laïcisme fanatique ». Ainsi en
juin 2010, l’archevêque Hilarion Alfeyev, responsable du département des
relations extérieures du patriarcat de Moscou et considéré comme le
numéro deux de l’Église orthodoxe russe, déclare : « Pour le monopole du
darwinisme et l’idée erronée que la science en général contredit la religion,
l’heure a sonné. Ces idées appartiennent au passé. […] La théorie de
Darwin n’est qu’une théorie. Cela signifie qu’elle doit être enseignée aux
enfants comme une théorie parmi d’autres, mais que les élèves doivent
connaître également les autres théories. »(414)
Précisons que cette stratégie visant à opposer les croyants et les
incroyants et à assimiler toute politique de séparation des Églises et de
l’État à une agression faite à la religion — à travers notamment
l’instrumentalisation du darwinisme — ne se limite pas à l’Église orthodoxe
russe. Dans ce combat, Alfeyev sollicite toutes les religions à travers des
dialogues interreligieux(415) et il est d’ailleurs l’artisan principal du
rapprochement actuel de l’Église orthodoxe russe avec l’Église
catholique(416). Dans un discours prononcé au Vatican en octobre 2012, il
déclare qu’« en Europe et en Amérique, nous constatons une pression
croissante des représentants du laïcisme et de l’athéisme militant qui
tentent d’expulser le christianisme de l’espace public, d’interdire les
symboles chrétiens, de détruire la conception chrétienne traditionnelle de la
famille, du mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme, de la
valeur de la vie humaine de la conception à la mort naturelle »(417).
Le combat contre la théorie de l’évolution au nom de valeurs morales et
religieuses est également à l’origine de remises en cause de son
enseignement en Pologne. Dans ce pays où 95 % de la population se
revendique catholique, avec 58 % de pratiquants réguliers(418), les idées
créationnistes ont été pratiquement inexistantes jusqu’au début des années
1990. Aujourd’hui, le créationnisme scientifique « Terre jeune » et le
dessein intelligent sont portés par des organisations structurées.
Les thèses du dessein intelligent sont abondamment diffusées en
Pologne, notamment via de nombreux ouvrages traduits d’auteurs
américains, tels que Michael Behe ou Philip Johnson, ainsi que des films
produits par le Discovery Institute. De surcroît, certains philosophes
polonais s’expriment en faveur du dessein intelligent en tant que discipline
scientifique dans leurs ouvrages qui bénéficient du soutien financier
d’universités publiques(419).
Le représentant le plus visible du créationnisme scientifique « Terre
jeune » est sans doute Maciej Giertych, professeur émérite de génétique et
membre de l’Académie des sciences de Pologne. Également homme
politique, il est élu au Parlement européen de 2004 à 2009 pour la Ligue des
familles polonaises (LFP, parti d’extrême droite). En octobre 2006, il
parvient à organiser un colloque au parlement européen, intitulé
L’enseignement de la théorie de l’évolution en Europe. Votre enfant est-il
endoctriné en classe ?(420). Ce colloque, destiné aux parlementaires, est
coorganisé avec Dominique Tassot, président de l’association créationniste
française CEP (Centre d’études et de prospective sur la science)(*). Quelques
jours plus tard, le vice-ministre de l’Éducation Miroslaw Orzechowski
remet en cause la théorie darwinienne de l’évolution en la qualifiant de
« mensonge »(421). L’influence de Maciej Giertych sur cette prise de position
est évidente dans la mesure où ils sont alors tous les deux membres de la
LFP et que le ministre de l’Éducation n’est autre que le fils de Maciej,
Roman Giertych. La tenue du colloque ainsi que la prise de position du
vice-ministre suscitent de nombreuses réactions de la part de scientifiques
européens, polonais en particulier(422). Une lettre ouverte, adressée au
Premier ministre de la Pologne et demandant la démission du vice-Premier
ministre, est signée par un millier de scientifiques polonais(423). Cette
initiative est ignorée.
Pour Bartosz Borczyk, zoologiste à l’université de Wroclaw, les causes
de la diffusion des idées créationnistes en Pologne se trouvent en partie
dans l’enseignement. Depuis les années 1990, un cours de « religion » -
dispensé par les autorités de l’Église catholique — est donné à l’école et,
dans de nombreux établissements, une interprétation littérale de la genèse
est enseignée(424). Pour Borczyk, c’est problématique : « De manière
évidente, une telle situation va créer de sérieux problèmes chez les enfants,
à qui on enseigne en cours de sciences que la Terre est très vieille et que le
fait évolutif est bien établi, alors que le cours d’à côté peut proclamer la
création du monde en six jours et la légende du déluge de Noé comme des
vérités. En fait, ce qui est enseigné n’est ni de la “religion”, ni de la
biologie, mais du conformisme. »(425) Enfin, notons que l’évolution est
abordée en fin d’année scolaire et son enseignement est donc souvent
tronqué ; de plus, suite à des réformes scolaires dans le courant des années
2000, les élèves polonais n’abordent plus l’évolution après l’âge de 14
ans(426).
La problématique d’un enseignement laïque se pose également en
Roumanie. Réalisé en 2010, un documentaire belge(427) montre à quel point,
en Europe, les relations entre les Églises et l’État peuvent être différentes
selon les pays. La question de la laïcité au niveau européen est ainsi
abordée au travers de trois exemples, l’Écosse, l’Italie et la Roumanie, avec
une enquête sur la problématique de l’enseignement de l’évolution dans ce
dernier pays. Selon un sondage évoqué dans ce film, 73 % des élèves
roumains de 13 à 18 ans adhèrent au créationnisme. Cette situation
s’explique principalement par l’influence de l’Église orthodoxe sur le
fonctionnement de l’État roumain. En effet, dans ce pays où 90 % de la
population se revendique de confession orthodoxe, l’Église orthodoxe a
imposé que le créationnisme soit enseigné en cours de religion pendant
toute la scolarité, de 7 ans jusqu’à 18 ans. Par ailleurs, après la suppression
— par décret officiel — de la théorie de l’évolution des manuels scolaires
en 2006(428), ce n’est que depuis 2009 que son enseignement a été réintroduit
explicitement pendant quelques heures pour les élèves de 15 ans et ceux de
18 ans. En conséquence de ce déséquilibre, les élèves interrogés affirment,
par exemple, qu’« au commencement, il y avait Adam et Ève. Je ne pense
pas que l’homme vienne du singe ». Dans un manuel de biologie de lycée
autorisé par le ministère de l’Éducation roumain intitulé Chef-d’œuvre et
éclat divin dans la biosphère, les sciences du vivant sont présentées ainsi à
chaque élève : « Les connaissances en biologie vont t’aider à voir, à
entendre, à affirmer que chaque cellule, chaque feuille, chaque insecte ou
tout autre organisme crie à travers le langage de la complexité : Dieu m’a
créé. »(429) Ceux qui osent dénoncer cette subordination de l’État à l’Église
orthodoxe sont peu nombreux. Remus Cernea, ancien candidat écologiste à
l’élection présidentielle roumaine, fondateur de l’association The Solidarity
for Freedom of Conscience et président de la Romanian Humanist
Association, est l’un des critiques les plus actifs(430). Ainsi, en réaction à la
suppression de l’évolution des programmes, il écrit une lettre ouverte au
ministre roumain de l’Éducation, Cristian Adomnitei, dans laquelle il
dénonce un recul dans l’enseignement des sciences, en s’appuyant
notamment sur le travail du Conseil de l’Europe sur les dangers du
créationnisme dans l’éducation(431). Son combat continue(432).
Les multiples enjeux du créationnisme
Cet état des lieux des offensives créationnistes en Europe ne prétend ni à
l’exhaustivité, ni à être une étude sociologique complète sur la réception par
les populations européennes de la théorie darwinienne de l’évolution. Cela
dit, l’analyse de la situation dans ces pays est d’autant plus intéressante que
les contextes politiques, culturels, sociaux et confessionnels sont variés.
Ceux-ci constituent ainsi autant de laboratoires au sein desquels il est
possible d’étudier les conditions d’émergence et de développement des
mouvements créationnistes. À ce stade, il est possible d’en tirer quelques
enseignements essentiels et d’éliminer définitivement certaines idées
reçues.
Alors qu’au début des années 2000, le simple fait de constater
l’existence de mouvements créationnistes européens organisés pouvait
sembler saugrenu, les remises en cause de l’enseignement de la théorie de
l’évolution par plusieurs dirigeants politiques européens depuis 2004 ont
définitivement changé la donne, et fait prendre la mesure de « la
mondialisation » des créationnismes évoquée par Numbers en introduction
de ce chapitre. Les analyses présentant le créationnisme comme une
spécificité américaine et de certaines Églises évangéliques sont bel et bien
dépassées. L’industrie créationniste américaine a certes alimenté
l’émergence et le développement de ces mouvements en Europe dès les
années 1980 et des liens forts existent souvent entre mouvements
américains et européens. Mais l’existence et le développement de
mouvements créationnistes actifs dans de nombreux États européens
prouvent leur capacité d’adaptation et leur autonomie. Les créationnismes
européens sont donc protéiformes, ni organisés autour d’une confession
particulière, ni au sein d’une organisation politique spécifique.
Les prises de position de plusieurs dirigeants politiques européens à
l’encontre de la théorie de l’évolution ne sont que la partie visible de
l’iceberg. Comme nous l’avons vu, elles sont l’aboutissement de lobbying
de structures organisées qui créent des musées, publient de nombreux
ouvrages, organisent des conférences, interviennent dans les médias et
utilisent pleinement la puissance de communication d’Internet. Par ailleurs,
les connexions entre les mouvements créationnistes, qu’elles soient
internationales ou interconfessionnelles, témoignent d’objectifs politiques
partagés — au moins temporairement — et d’une stratégie visant à toucher
le plus de personnes possible. N’oublions pas aussi que pour tous les pays
envisagés, les lacunes observées dans les connaissances de la théorie de
l’évolution en particulier et dans la culture scientifique en général
constituent un terreau favorable sur lequel les mouvements créationnistes
s’appuient pour diffuser leurs idées.
Les objectifs politiques communs aux différentes offensives
créationnistes ne se dévoilent qu’en prenant en compte l’ensemble du
tableau brossé ici. Ce qui est en jeu à chaque fois n’est pas simplement
l’acceptation du fait évolutif ou de l’ancienneté de la Terre car ni les
dirigeants politiques, ni les structures qui s’expriment sur le sujet n’ont les
compétences nécessaires pour en discuter. Non, ce sont les valeurs morales
systématiquement accolées à la théorie darwinienne de l’évolution qui
traduisent les véritables enjeux motivant sa remise en cause. En effet, la
théorie darwinienne est systématiquement perçue et présentée par ses
détracteurs comme le symbole d’un combat contre la spiritualité dans des
contextes où un certain « déclin des valeurs » justifierait un retour de la
religion comme sparadrap moral. Outre le fait que la validité d’une théorie
scientifique soit indépendante de telle ou telle croyance (voir chapitre 1), il
y a donc, dans plusieurs pays européens, une connivence entre pouvoirs
politiques et représentants de confessions religieuses pour attribuer un rôle
politique à la religion.
Ce constat s’appuie aussi sur les nombreux enjeux révélés par l’étude
des offensives créationnistes : la question de la laïcité, la question des
contenus de l’enseignement, mais aussi des réformes libérales visant à
privatiser l’organisation des systèmes éducatifs, la question de l’intégration
de populations immigrées pour lesquelles la religion traduit souvent un
recours identitaire, la question de l’émergence de nouvelles pratiques
religieuses, etc. Insistons donc une nouvelle fois sur le fait que le
créationnisme est un marqueur de nombreuses questions de société et qu’il
est nécessaire de toutes les prendre en compte pour comprendre le
dynamisme actuel des mouvements créationnistes.
Ces questions et ces enjeux sont présents en France comme dans les
autres pays européens. Examinons donc l’idée qui ferait de la France un
pays particulièrement protégé des créationnistes et voyons s’il existe un
créationnisme « à la française ».
Chapitre 3

La diversité des créationnismes en France


L’essor d’un créationnisme musulman ainsi que les offensives
créationnistes actuelles dans de nombreux pays européens sont autant de
preuves que la remise en cause de la théorie darwinienne de l’évolution
n’est pas l’apanage de la société américaine ou du protestantisme
évangélique. Pour autant, y a-t-il des mouvements créationnistes en
France ? La question peut sembler saugrenue car les objectifs politiques de
ces mouvements semblent incompatibles avec la laïcité de la vie publique
en France. Pourtant, comme nous allons le voir dans ce chapitre, il existe
dans notre pays des mouvements créationnistes associés à différents
courants. Nous évoquerons d’abord une association œcuménique très active
— l’Université interdisciplinaire de Paris (UIP) - qui développe une
interprétation spiritualiste de résultats de nombreuses disciplines
scientifiques (physique, cosmologie, neurosciences, etc.) et plus
particulièrement un évolutionnisme compatible avec la foi religieuse. Ainsi,
elle brouille intentionnellement la frontière entre science et religion pour
imposer dans la société une vision spiritualiste du monde, non seulement
dans un cadre hexagonal, mais également au-delà de nos frontières. Cette
position rejoint celle soutenue par le Vatican, dont l’influence politique en
Europe et en France est importante. Dans le giron de l’Église catholique se
trouvent également des associations proches des traditionalistes, défendant
un créationnisme scientifique « Terre jeune ». Le développement récent des
Églises évangéliques en France est aussi le vivier d’une grande variété de
positions sur les relations entre la science et la foi, depuis un créationnisme
scientifique « Terre jeune » jusqu’à des positions plus sophistiquées
acceptant l’évolution. Enfin, nous terminerons par les Témoins de Jéhovah,
mouvement religieux qui promeut un créationnisme scientifique « Terre
ancienne »(433).
Le spiritualisme de l’Université interdisciplinaire de Paris

L’Université interdisciplinaire de Paris occupe une place à part en


France, à la fois par les scientifiques qu’elle rassemble sous sa bannière et
par les moyens qu’elle met en œuvre pour diffuser ses positions
spiritualistes antidarwiniennes. Créée en 1995 par son actuel secrétaire
général, Jean Staune, avec le concours de son actuel président, le
psychophysiologiste Jean-François Lambert, et de son actuel vice-président,
l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, l’UIP est une association loi 1901 dont
l’objectif est de « contribuer à renouer le dialogue rompu par une certaine
modernité entre l’ordre des faits et l’ordre des valeurs afin de mieux
comprendre l’articulation entre les implications de la recherche scientifique
et la quête de sens. Pour ce faire, elle propose à des scientifiques, des
philosophes, des religieux et des acteurs du monde économique de
confronter leurs domaines de connaissance » (uip.edu).
Derrière cette présentation plutôt sobre, l’UIP est une structure
spiritualiste qui tente d’imposer une « nouvelle vision du monde » reposant
sur un prétendu dialogue entre les sciences et les religions. Comme le
souligne le théologien Jacques Arnould, les membres de l’UIP ne souhaitent
pas établir un vrai dialogue, mais ont plutôt « le désir de dialoguer avec le
monde tel qu’ils le veulent : un monde de scientifiques qui prouvent que le
monde a bien un sens »(434). Interrogé par La Vie protestante début 2011(435),
Staune explique que l’idée d’une non-séparation de la science et de la
religion revient sur le devant de la scène. Tout en admettant que les
méthodes mises en œuvre ne sont pas les mêmes, il insiste sur l’existence
de « points de recouvrements ». Selon Staune, il faut chercher l’origine de
ces recouvrements dans « les bouleversements survenus au cours du XXe
siècle. La science classique a été bâtie sur le rejet de l’hypothèse d’une
intervention extérieure au monde physique, celui-ci étant clos sur lui-même.
Or cette idée de clôture du monde physique a volé en éclat au cours du XXe
siècle. […] Toutes les religions (y compris les non-monothéismes) postulent
qu’un autre niveau de réalité existe. L’évolution des sciences donne une
crédibilité nouvelle à cette notion. »(436) Toute l’ambiguïté du « dialogue »
que l’UIP souhaite instaurer est ici posée, entre imposture épistémologique
et conclusions déjà écrites. Par ailleurs, même si Staune est catholique (et le
revendique), on constate ici l’approche multiconfessionnelle qui est l’une
des caractéristiques de l’association(437).
Un bref historique de l’association
Avant de devenir l’Université interdisciplinaire de Paris, l’association est
passée par deux étapes. En 1978, est créée l’Université populaire de Paris
(UPP), qui organise des cycles de conférences sur le but de l’Univers, le
Karma, le New Age, la Bible, la réincarnation, la sophrologie… En 1989,
l’UPP devient l’Université européenne de Paris (UEP) et Staune en est
directeur de programme. Il se charge alors de « rationaliser la quête de
sens », autrement dit de faire du ménage en mettant de côté ceux qui
donnent une tournure trop ésotérique à l’association pour mieux rassembler
des scientifiques désireux de « mieux comprendre l’articulation entre les
implications de la recherche scientifique et la quête de sens »(438). Dans le
Figaro magazine du 26 octobre 1991(439), Staune coordonne une enquête de
dix pages intitulée « L’évolution condamne Darwin »(440), dans laquelle
interviennent des scientifiques qui rejoindront pour la plupart le conseil
scientifique de la future UIP. L’introduction du dossier est éloquente : « La
chute du communisme pourrait bien être suivie par la chute d’une autre
théorie — scientifique celle-là — qui a elle aussi exercé une influence
intellectuelle redoutable sur notre société : le darwinisme. Depuis un siècle,
il prétendait expliquer l’apparition et l’évolution de la vie par le hasard et
la victoire du plus fort… » Les fondements antidarwiniens de l’association
sont posés. Après six ans d’activités, l’UEP disparaît, remplacée, en 1995,
par l’association qui nous intéresse, l’UIP.
Un chef d’orchestre protéiforme et prosélyte
Le développement et l’étendue des activités de l’UIP doivent beaucoup à
son fondateur et secrétaire général, Jean Staune. Ce dernier explique : « Je
tente une démarche globale qui se trouve aux confins de la philosophie, de
la religion, de la science et aussi de l’entreprise et de l’activité économique.
D’ailleurs, c’est pour cela que j’ai été amené à créer une association qui
s’appelle l’Université interdisciplinaire de Paris, pour avoir justement cette
approche globale des changements sociétaux. »(441) Ses activités sont très
diversifiées, même si le cœur de ses compétences se situe dans le domaine
du management(442). En effet, parallèlement à ses activités en lien avec
l’UIP, il propose ses services « pour l’application au management et la
formation en entreprise » (consultant, formateur, organisateur de
séminaires, conférencier, etc.) par le biais de sa société Jean Staune
International(443). En tant que consultant, il explique avoir « contribué à la
réorganisation stratégique de filiales de grandes sociétés françaises, au
lancement de nouveaux produits et conseille un certain nombre de
dirigeants »(444). Il affirme avoir eu de nombreuses entreprises clientes(*), ce
qui lui a permis de développer un réseau conséquent de mécènes pour l’UIP,
en particulier à l’époque où l’association organisait de nombreux colloques
internationaux en France (1995-2002)(445)
Adgency, une agence qui vend des interventions d’experts en entreprise,
propose les services de Staune en section « Économie et finance ». Sa fiche
de présentation(446) illustre l’aspect protéiforme de l’homme, dont la
démarche repose sur l’établissement de liens entre concepts managériaux,
concepts scientifiques et religion afin de contribuer « au “réenchantement”
du monde »(447). Il est présenté ainsi : « Diplômé en mathématiques,
informatique, paléontologie, sciences politiques et management, Jean
Staune a développé ses recherches sur la nature de la science, les
mécanismes de l’évolution et les liens entre les sciences et le management
et entre les sciences et la religion. Fonctions actuelles : chercheur
indépendant, chargé de cours de management dans le MBA(448) du groupe
HEC [École des hautes études commerciales] depuis 1995, secrétaire
général de l’UIP, consultant à l’Association progrès du management depuis
1993. Domaines d’expertise : les mutations de la société, les liens entre
science et management, les liens entre sciences et religion, la physique
quantique et l’astrophysique, la robotique, la génétique, la biologie, la
neurologie. »(449) Bien que les compétences d’une personne ne se jugent pas
uniquement à l’aune de ses diplômes, la multiplicité des étiquettes utilisées
par Staune nécessite que l’on s’y attarde. Il a en effet une nette tendance à
abuser de l’argument d’autorité en gonflant au moins certains de ses titres et
ses qualités. Par exemple, dans un article publié en 2007 dans la revue
Valeurs actuelles et intitulé « Vers un réenchantement du monde », la
signature indique « Jean Staune est paléontologue et mathématicien ». Or,
il a un Deug de mathématiques appliquées aux sciences sociales et une
maîtrise d’informatique appliquée à la gestion de l’entreprise : le
qualificatif de « mathématicien » est donc abusif. Par ailleurs, il a un
diplôme d’études approfondies (DEA, ancien 3e cycle après l’ex-maîtrise)
obtenu en 1994(450) et réalisé à l’Institut de paléontologie humaine sous la
direction d’Henry de Lumley et d’Anne Dambricourt-Malassé (dont nous
reparlerons plus loin). Ce diplôme de 3e cycle n’est pas négligeable mais ne
fait pas de lui un paléontologue professionnel. Notons que depuis 2009, il
se présente majoritairement comme philosophe des sciences ce qui permet
d’englober ses multiples casquettes et ses diverses activités.
La science mise en avant par Staune est une science spiritualisée
élaborée à partir des thèses défendues majoritairement par les scientifiques
qu’il a réunis et qu’il côtoie au travers des activités de l’UIP. Il écrit en
2007 : « Je crois que Dieu a créé les lois de la nature, que ces lois génèrent
en elles-mêmes des choses telles que la table des éléments qui permet de
classer les atomes, la structure des cristaux de neige, ou les archétypes des
diverses formes d’êtres vivants, et que ce sont ces lois et ces archétypes qui
guident l’évolution. Il faut autant que possible se garder de toute vision trop
anthropomorphique de Dieu et de son action. »(451)
Staune exerce une activité éditoriale qui lui a permis de publier les écrits
de nombreux scientifiques dont il partage les idées. De 1990 à 2000, il
dirige la collection « Le temps des sciences » chez Fayard, ce qui permettra
la publication de dix livres dont Le Chaos et l’harmonie de Trinh Xuan
Thuan et L’Évolution a-t-elle un sens ? de Michael Denton, biochimiste et
généticien australien dont les livres et les articles constituent une référence
pour les partisans du dessein intelligent aux États-Unis(452). Depuis le début
des années 2000, il collabore avec les Presses de la Renaissance, maison
d’édition dont la ligne éditoriale propose de répondre aux
« questionnements et à la quête de sens de l’Homme d’aujourd’hui »(453) et
est spécialisé dans la publication d’ouvrages traitant de religion (en grande
majorité catholique), spiritualité et philosophie. Staune y apparaît en tant
que directeur d’ouvrages avec Science et quête de sens(454) (2005) et La
Science, l’homme et le monde. Les nouveaux enjeux(455) (2008), en tant
qu’auteur avec L’Existence a-t-elle un sens ? Une enquête scientifique et
philosophique (2007) et La Science en otage. Comment certains industriels,
écologistes, fondamentalistes et matérialistes nous manipulent (2010), et
aussi en tant que directeur de la collection « Science et quête de sens »(456).
Entre janvier 2009 et janvier 2011, Staune a ainsi édité aux Presses de la
Renaissance cinq ouvrages valorisant la thématique « science et religion ».
Citons Réconcilier l’islam et la science moderne. L’esprit d’Averroès
(2009), de l’astrophysicien Nidhal Guessoum, La Boîte noire de Darwin.
L’Intelligent Design (2009), traduction du best-seller américain du
biochimiste Michael Behe, l’un des principaux acteurs du dessein
intelligent(457) ou De la génétique à Dieu. La confession de foi d’un des plus
grands scientifiques (2010), traduction du best-seller américain du
généticien Francis Collins. Que ce soit en tant qu’auteur ou éditeur, Staune
valorise des scientifiques(*) défendant des positions spiritualistes et
s’inscrivant ainsi dans la gamme de discours produits par l’association :
remise en cause de la théorie darwinienne de l’évolution, rejet du
matérialisme méthodologique en science, valorisation du principe
anthropique fort, etc.
L’UIP présente ainsi la science et la religion comme des domaines
nécessairement complémentaires et prétend que la science se serait re-
spiritualisée par le biais de certaines découvertes. En réponse à une critique
de son livre best-seller Notre existence a-t-elle un sens ?(458), Staune
explique : « Si elle [la science] ne peut pas dire le sens de notre existence ou
affirmer son non-sens, elle peut incliner les hommes d’une époque à
pencher dans une direction plutôt qu’une autre. Tout l’enjeu est là, selon
moi. Il s’agit de montrer que la connaissance rationnelle, sans rien
démontrer, penche dans la direction d’un monde compatible avec les piliers
de la conception monothéiste plus que vers celle d’un monde confirmant les
postulats du matérialisme et c’est ce que mon livre cherche à
démontrer. »(459)
Diversité des membres et des conférences et colloques organisés
L’UIP s’appuie sur les travaux et les réflexions d’un certain nombre de
scientifiques, majoritairement répartis selon trois axes d’exploration des
origines : la cosmogenèse (origine de l’Univers et nature de la matière)
avec, par exemple, Trinh Xuan Thuan, Jean Kovalevsky, Thierry Magnin,
Bernard d’Espagnat, Charles Townes, Nidhal Guessoum ; la biogenèse
(origine et évolution de la vie et de l’espèce humaine) avec, par exemple,
Michael Denton, Jean-Marie Pelt, Rémy Chauvin (décédé), Anne
Dambricourt-Malassé ; la neurogenèse (origine de la conscience) avec, par
exemple, John Carew Eccles (décédé), Dominique Laplane, Jean-François
Lambert. Tous appartiennent ou ont appartenu au conseil scientifique de
l’association(460). Ces scientifiques ont en commun de brouiller —
intentionnellement ou par faiblesses épistémologiques — les frontières
entre science et religion pour tenter de concilier leur foi personnelle avec la
démarche scientifique. Pour cela, ils promeuvent une science spiritualisée
en défendant des interprétations spiritualistes de résultats scientifiques et en
prétendant que la science apporte la preuve de l’existence d’une réalité à
laquelle elle n’aura jamais accès, tel que l’illustre par exemple Trinh Xuan
Thuan : « Le message essentiel de la science, et en particulier de la
mécanique quantique, est qu’il y a une autre réalité plus profonde que celle
perçue par nos sens, un “réel voilé”. C’est là où elle rejoint le
bouddhisme. »(461)
L’association rassemble aussi des personnalités des médias qui
soutiennent ou ont soutenu les activités ou les positions de l’association :
Michel Cazenave, écrivain, producteur sur France Culture, chroniqueur au
Monde des religions, ou encore Patrice de Plunkett, journaliste. Du monde
politique peuvent être nommés René Lenoir, ex-secrétaire d’État à l’Action
sociale du gouvernement de Jacques Chirac de 1974 à 1976 ou Luc Ferry,
ex-ministre de l’Éducation nationale du gouvernement de Jean-Pierre
Raffarin de 2002 à 2004. Ce dernier fait la promotion active des ouvrages
de Staune, comme ce fut le cas lors de certains des débats hebdomadaires
qui l’opposent au journaliste et essayiste Jacques Julliard sur la chaîne
LCI(462) : Notre existence a-t-elle un sens ? dans le débat du 13 juillet 2007(*)
et La Science en otage dans le débat du 7 novembre 2010(463). Notons en
passant que Luc Ferry est aussi un promoteur des livres des frères
Bogdanov, dont nous reparlerons chapitre 5.
Depuis sa création, l’UIP organise chaque année des conférences sur les
thèmes qui lui sont chers, associant science et religions. Le programme de
l’année 2007 illustre les thèmes abordés : « Judaïsme, christianisme et
islam », « Nouvelles approches de l’évolution de la vie, de la conscience et
de la physique » et « Dialogue entre science et religion ». L’association
organise également des colloques au sein d’institutions aussi prestigieuses
que la Sorbonne, l’Unesco ou bien le Sénat. Les intitulés révèlent les
mélanges entre science, spiritualité, religion et métaphysique, ainsi que
l’approche multiconfessionnelle : « Science et sens » (1997), « Science et
judaïsme » (1999), « Science et quête de sens » (2002), « Science et islam »
(2005). En janvier 2006, l’UIP fête ses dix ans avec un colloque au Sénat
intitulé « Sciences, civilisations, cultures » au cours duquel sont présentées
des conférences parmi lesquelles « La lumière : du symbole religieux à la
théorie photonique », « Taoïsme et science » ou encore « Le design et le
principe anthropique dans la tradition islamique ». À l’occasion de l’Année
Darwin (2009), l’UIP a organisé, en collaboration avec la division
« Analyse des politiques scientifiques et opérations »(464) de l’Unesco, le
colloque « 150 ans après Darwin : de nouvelles pistes pour comprendre
l’évolution » avec huit intervenants, dont Michael Denton et Henry de
Lumley, directeur de l’Institut de paléontologie humaine et président de la
Fondation Teilhard de Chardin. L’objectif est de prétendre que la théorie
darwinienne de l’évolution est dépassée et que la science « moderne » est
spiritualiste. En novembre 2012, un colloque international intitulé « Les
racines des cultures et la mondialisation » est organisé par l’UIP en
collaboration avec l’université Paris 5, la Fondation Concorde et
l’association Traditions d’avenir. Il s’agit de proposer une « grande
rencontre interculturelle et interreligieuse à laquelle participeront des
philosophes, et des spécialistes des sciences et des médecines
traditionnelles » avec, parmi la quinzaine d’intervenants, Michel
Maffesoli(465) (sociologue Français connu notamment pour avoir encadré la
thèse contreversée d’Elisabeth Teissier sur l’astrologie), Luc Ferry et Jean
Staune(466). Des événements sont aussi organisés en province comme, en
juillet 2012, le colloque « Science & spiritualités en dialogue » en
partenariat avec le Centre Sainte-Croix(467) en Dordogne. Pendant trois jours
Thuan, Staune et Jean-François Lambert ont proposé des interventions et
des débats sur l’astrophysique, la physique quantique, la neurologie, les
mathématiques, la biologie, etc.
Sur son site(468), l’UIP indique avoir « organisé à Paris plus de 16 grands
colloques internationaux (dont 7 en collaboration avec l’Unesco) ayant
rassemblé plus de 10 000 personnes et plus de 150 intervenants, dont 20
prix Nobel ». À chaque fois, le schéma est identique : le choix orienté des
intervenants et la mise en avant de scientifiques aux étiquettes prestigieuses
(comme les prix Nobel(*)) donnent l’illusion aux auditeurs que la
« nouvelle » science est spiritualiste (Staune parle de « nouveau
paradigme ») ou que le rapprochement entre science et religions est logique
et nécessaire. Par exemple, le texte de présentation du colloque « Science et
religion : une discipline émergente » (2000) explique ainsi que « nous
vivons une période particulièrement enthousiasmante où semble pouvoir
être renoué le fil, coupé depuis plusieurs siècles, qui reliait foi et raison,
pour trouver une nouvelle façon de connecter ce qui a été séparé. C’est la
tâche passionnante et difficile qui attend, au cours des années à venir, les
participants de cette rencontre et tous ceux qui travaillent dans ce domaine.
Encore très fragile, mais porteuse de grandes potentialités comme une
jeune entreprise située sur un nouveau marché, la discipline “Science et
Religion” semble pouvoir être, en ce début de XXIe siècle, une “start-up” de
l’Esprit Humain ! »(469)
Enfin, pour terminer provisoirement sur l’organisation de colloques par
l’UIP, évoquons une initiative illustrative de la stratégie de l’association : se
présenter auprès des croyants de toute confession comme rempart contre les
anti-évolutionnistes, assimilés alors à l’ensemble des créationnistes. Ainsi,
en collaboration avec oumma.com(470) et l’Association sciences de la nature
qui représente Harun Yahya en France (voir chapitre 2), l’UIP organise le
28 octobre 2012 à la maison de la Chimie (Paris) un « débat entre
évolutionnistes et anti-évolutionnistes avec des chrétiens et des musulmans
de chaque côté »(471). L’UIP justifie la coorganisation de cet événement par
le fait que cela s’inscrit dans « sa démarche visant à diffuser la
connaissance scientifique et à dénoncer toutes les manipulations de la
science qu’elles soient le fait de lobbies matérialistes ou religieux ». Devant
plus de 200 personnes, le débat, animé par le directeur de oumma. com,
Saïd Branine, met aux prises « des musulmans et chrétiens défenseurs de
l’évolution — Nidhal Guessoum (astrophysicien) et Jean Staune
(philosophe des sciences) - et des adversaires de l’évolution — Oktar
Babuna(*) (neurochirurgien) et Dominique Tassot (ingénieur des Mines de
Paris) »(472). Notons aussi la présence de deux invités : le paléontologue
évolutionniste Marc Godinot(**) et le neurologue anti-évolutionniste Pierre
Rabischong. Au final, les échanges avec le public ainsi que les
commentaires laissés sur les sites diffusant la conférence laissent penser que
chacun est reparti avec sa conviction initiale…
Une science spiritualisée
Nous avons déjà évoqué certaines des positions défendues par l’UIP
dans les paragraphes précédents, mais il paraît intéressant de revenir plus en
détail sur les principales approches que cette association promeut en
cosmologie et en biologie, au travers de quelques scientifiques parmi les
fers de lance de la science « uipienne ».
Ainsi, la paléoanthropologue Anne Dambricourt-Malassé (chargée de
recherche au CNRS) a été membre du conseil scientifique de l’association
depuis sa création en 1995 jusqu’en janvier 2006. Ses recherches sur
l’évolution des hominidés sont d’autant plus essentielles pour l’UIP que
c’est sous sa direction que Staune a réalisé un mémoire de paléontologie sur
des crânes d’hominidés en 1994(473). En 2005, les travaux de cette
paléontologue ont fait l’objet d’un documentaire intitulé Homo sapiens, une
nouvelle histoire de l’homme, diffusé le 29 octobre 2005 sur Arte. Ce
documentaire a suscité une polémique dont la presse s’est fait l’écho(474). Le
Monde daté du 29 octobre 2005 titre ainsi l’un de ses articles : « Un film
soupçonné de néocréationnisme fait débat ».
La présentation officielle du film précise le contenu des travaux de
Dambricourt-Malassé : « Il existerait une pression interne qui pousse
l’homme à évoluer toujours dans le même sens, depuis des millions
d’années ». Pascal Tassy, paléontologue au Muséum national d’Histoire
naturelle de Paris, souligne que « [la] vision de l’évolution [de
Dambricourt-Malassé] est profondément teilhardienné(475) ». Comme nous
l’avons déjà évoqué (voir chapitre 1), le teilhardisme est une doctrine
spiritualiste conçue par Pierre Teilhard de Chardin. Les thèses de
Dambricourt-Malassé ne sont qu’une tentative de « modernisation » de
cette approche(476). D’ailleurs, dans un article publié sur son site(477), Staune
se qualifie lui-même, de même que Dambricourt-Malassé, de
« néoteilhardien ». Rappelons ici que, bien qu’elles s’inscrivent dans une
optique évolutionniste (mais non-darwinienne), les interprétations de
Teilhard de Chardin et de Dambricourt-Malassé sont des interprétations
spiritualistes n’ayant plus grand-chose à voir avec la démarche scientifique
et qui ont des parentés évidentes avec la théologie naturelle. Comme
l’explique Tassy, « le chercheur spiritualiste cherche à voir dans son objet
d’étude ce qu’il a déjà en tête et ce que la science ne montre pas »(478).
Pour Dambricourt-Malassé comme pour l’UIP, c’est la théorie
darwinienne de l’évolution qu’il faut combattre. Dans la lignée des
créationnistes les plus radicaux, la paléoanthropologue va ainsi jusqu’à
rendre la théorie darwinienne de l’évolution responsable du nazisme(479).
Elle a aussi rédigé la postface de l’édition française de l’ouvrage fondateur
du mouvement du dessein intelligent écrit par le juriste américain
antidarwinien Phillip Johnson, Le Darwinisme en question : science ou
métaphysique ?(480). Dambricourt-Malassé y explique que « Phillip Johnson
démontre donc que le néo-darwinisme n’est pas une théorie scientifique,
mais une métaphysique d’une pauvreté conceptuelle qui se passe de
commentaire. C’est une théorie de la causalité dont le but implicite […] est
de prouver l’inexistence de Dieu ». Ainsi, pour conclure sur la biologie, les
positions de l’UIP, si elles ont des proximités indiscutables avec celles des
artisans du dessein intelligent outre-Atlantique, apparaissent plus
particulièrement en phase avec un teilhardisme « modernisé ».
Du côté de la physique et de la cosmologie, l’UIP tente une
démonstration tout aussi finaliste qu’en biologie, comme l’illustre Staune
lorsqu’il explique qu’aujourd’hui la cosmologie prouve « que si l’on
modifie un tant soit peu les réglages de notre univers, il devient stérile. Il
faut alors soit postuler une infinité d’univers possédant tous des réglages
différents (par chance, on serait dans le seul ayant le bon réglage) soit, si
nous acceptons l’idée qu’il n’y a qu’un seul univers, comme le dit Trinh
Xuan Thuan, “postuler l’existence d’une cause première qui a réglé
d’emblée les lois de la physique et les conditions initiales” »(481). L’UIP
défend en effet le principe anthropique fort au travers des réflexions de
plusieurs astrophysiciens, en premier lieu Thuan, promoteur de cette idée
dans les médias où il intervient régulièrement en tant qu’astrophysicien.
Dans une interview(482), à la question « Tout de même, quand vous parlez
de l’inventivité et de la créativité de l’Univers, on n’est pas très loin du
dessein intelligent des créationnistes… », Thuan répond : « Sauf que, pour
moi, il s’agit d’un principe créateur, pas d’un dieu barbu. Je m’appuie sur
le principe anthropique énoncé en 1975 par le Britannique Brandon Carter.
Il signifie que l’Univers a été réglé de façon très précise pour que les
étoiles naissent, fabriquent les éléments lourds nécessaires à la complexité,
donc que la vie apparaisse. […] Là-dessus, tous les scientifiques sont
d’accord(*). C’est sur les implications philosophiques et métaphysiques qu’il
y a des divergences. » Thuan précise ensuite qu’il préfère la version forte du
principe anthropique, « selon laquelle l’Univers tend vers l’homme ou
plutôt vers une forme de vie et de conscience ».
La diffusion du principe anthropique fort par l’association ainsi que les
positions néoteilhardiennes illustrent parfaitement ce qui se cache derrière
un prétendu « dialogue » entre science et métaphysique : la volonté finaliste
et anthropocentrique de l’UIP s’affiche, que ce soit pour tenter d’expliquer
l’origine de l’Univers, de la vie ou de l’homme.
Des sources de financement diverses
Sur le site de l’UIP(483), il est indiqué que « le financement de
l’association et de ses activités est assuré par la cotisation des membres
(1 250), par des recettes diverses incluant des subventions de fondations
internationales cherchant à promouvoir ce même dialogue entre science et
tradition et par la contribution de partenaires du monde économique
soucieux de comprendre et intégrer les mutations en cours ». Ainsi, de
nombreuses entreprises avec lesquelles Staune collabore ou a collaboré se
sont retrouvées partenaires de l’association, comme en témoignent les
dépliants de présentation des colloques et séminaires organisés entre 1995
et 2002 (voir chapitre 3).
D’après la citation précédente, il semble que l’UIP bénéficie encore à
l’heure actuelle de « partenaires du monde économique », mais, si c’est
réellement le cas, ils ne sont plus cités sur les supports de communication
de l’association. De fait, le principal soutien financier actuel de l’UIP vient
manifestement d’un partenaire américain d’une envergure internationale : la
John Templeton Foundation (JTF). En 1997, cette fondation donne une
subvention de 10 000 dollars à l’UIP pour soutenir la mise en place d’un
cours sur le thème « science et religion »(484). Les liens entre les deux
structures vont ensuite devenir de plus en plus étroits et, à partir de 2000, le
partenariat avec la fondation américaine est clairement affiché sur les
plaquettes de l’UIP. En 2010, Le Point indique, dans un article intitulé « Le
monde selon Staune », que « la bonne fée qui finance l’association à 80 %
[…] s’appelle la fondation Templeton, du nom de ce milliardaire américain
qui a fait don de sa fortune pour encourager les scientifiques à touiller les
questions métaphysiques »(485). D’après un site américain indépendant qui
recense les moyens de financements de nombreuses organisations
américaines, la JTF a versé plus de 6,2 millions de dollars à l’UIP pour
financer ses activités entre fin 2000 et janvier 2008 (programmes
internationaux, colloques, relations publiques, etc.)(486).
Des activités qui dépassent nos frontières
L’UIP a su se constituer un solide réseau qui l’amène à s’impliquer dans
divers programmes internationaux mélangeant sciences et religions. Ainsi,
de 1996 à 2003, l’UIP participe activement à un vaste programme intitulé
« La science et la quête spirituelle » (Science and the Spiritual Quest, SSQ)
mis en place par le Center for Theology and the Natural Sciences de
Berkeley, en Californie, financé en partie par la JTF. L’objectif de ce
programme est de « promouvoir un dialogue parmi les scientifiques de haut
niveau sur les connexions entre leurs découvertes scientifiques et leur
identité spirituelle et religieuse »(487). Ce programme donnera à l’UIP
l’opportunité de réaliser l’ouvrage Science et quête de sens(488) largement
distribué en librairie. L’UIP voit ensuite ses responsabilités à l’échelle
internationale augmenter. Elle est chargée de sélectionner les meilleurs
candidats pour l’obtention de bourses dans le cadre du programme
« Perspectives globales sur la science et la spiritualité » (Global
Perspectives on Science and Spirituality, GPSS), toujours financé par la
JTF. Ces deux programmes, SSQ et GPSS, ont permis à l’UIP de travailler
avec des représentants de l’islam, de l’hindouisme, du taoïsme, du
bouddhisme et ainsi d’être fidèle à sa volonté de rassemblement
interconfessionnel.
Entre 2004 et 2009, la JTF octroie plus de deux millions de dollars à
l’UIP et au Centre international de recherches et d’études transdisciplinaires
(Ciret) pour faire de la Roumanie(489) un « laboratoire pour un dialogue
entre science et religion » grâce au programme « Science et
orthodoxie »(490). L’UIP participe activement à l’organisation de congrès et
plusieurs de ses membres actifs y interviennent. Par exemple, lors du
colloque « Science et orthodoxie, un dialogue nécessaire »(491) (du 22 au 25
octobre 2005, Bucarest), Radu Constinescu présente « Déterminisme, chaos
et Providence divine » ou encore Jean Kovalevsky, « Un croyant face à
l’évolution dans l’univers ». D’autres membres de l’UIP interviennent
comme Magnin, Staune, Thuan et Cazenave. Notons aussi Charles L.
Harper, président exécutif de la JTF ou le philosophe Gennaro Auletta,
directeur scientifique du projet STOQ entre 2003 et 2010 (voir chapitre 3).
Le programme roumain se divise en plusieurs phases, une première de 2004
à 2006, « Science et religion en Roumanie » ; une seconde en 2006,
« Science et religion en Roumanie : un projet de transition » ; et enfin, une
autre encore plus ambitieuse de 2007 à 2009, « Science et orthodoxie,
recherche et éducation »(492). Cette étape vise à « établir définitivement le
domaine science et religion dans le milieu académique et le paysage
médiatique en Roumanie de manière à provoquer un effet catalyseur dans
les pays orthodoxes voisins ». Ce vaste programme témoigne des objectifs
sociétaux que partagent des structures comme l’UIP ou la JTF et leurs
membres : « Le programme contribuera à une promotion des valeurs
spirituelles et culturelles de la religion orthodoxe dans la société roumaine.
Cela aidera à résoudre certaines situations conflictuelles et des crises
diverses au niveau social. Après tout, c’est une période où les gens sont à la
recherche de nouvelles identités et d’un nouvel ensemble de valeurs »
(adstr.ro). Ces préoccupations sont plus politiques que les simples
« discussions sur les implications métaphysiques et philosophiques des
découvertes scientifiques contemporaines » qui définissent, selon l’UIP, ses
activités.
D’autres programmes visant la société sont pilotés par l’UIP, et
notamment en direction des populations de confession musulmane. Ainsi, la
JTF attribue fin 2011 un financement de près de 650 000 euros (sur trois
ans) à l’UIP pour le programme « Science et islam : une approche
éducative »(493), dirigé par Jean Staune et l’astrophysicien Nidhal
Guessoum(*). En prétextant toujours la volonté de promouvoir une
« alternative séduisante au discours fondamentaliste », le programme a
l’objectif « d’instruire les futurs intellectuels musulmans, les enseignants,
les leaders d’opinion, les personnalités religieuses et plus largement, le
public en général, sur les façons raisonnables et cohérentes de relier
l’islam et la Science, en prenant pleinement en compte et en valorisant
l’ensemble des connaissances scientifiques modernes ». La dernière partie
de cet objectif ne manque pas de sel quand on connaît les approches
scientifiques spiritualistes développées par l’UIP. Toujours est-il que des
ateliers de travail sont organisés avec des institutions et des personnalités de
confession musulmane provenant de nombreux pays tels que la Jordanie, les
Émirats arabes unis, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, la Malaisie, le
Royaume-Uni et la France(494). Dans le cadre de ce programme, l’appel à
participants de l’atelier « Science et islam : une approche raisonnée »
organisé au Royaume-Uni en janvier 2013(495) est révélateur de l’orientation
biaisée donnée au dialogue puisqu’il est mentionné la mise en garde
suivante : « Les participants potentiels doivent essayer d’être cohérents
avec “l’approche raisonnée” de cet atelier et du projet portant sur le thème
“islam et science”. Dans leurs travaux, les participants potentiels doivent
éviter de porter une attention excessive aux approches “séparationnistes”
qui relèguent la religion à la vie privée des individus et la science au monde
matériel, ou aux approches “concordistes” qui “découvrent” des résultats
scientifiques spécifiques dans les Écritures et finissent par banaliser la
culture islamique et ses liens avec la science. »
L’association va aussi collaborer directement avec le Vatican au travers
du programme « Science, théologie et la quête ontologique » (Science,
Theology and the Ontological Quest, STOQ(496)). Ce projet est né à
l’occasion du Jubilée des scientifiques à Rome en mai 2000, sous le haut
patronage du conseil pontifical pour la culture(497) présidé par le cardinal
Paul Poupard jusqu’en 2007 (il a été remplacé depuis par le cardinal
Gianfranco Ravasi). STOQ se donne pour objectif de « contribuer au
progrès de la science et au renforcement des liens entre la science, la
philosophie et la théologie ». Concrètement, Poupard définit STOQ comme
un projet qui « veut offrir au monde scientifique des partenaires compétents
avec qui dialoguer avec respect sur les nombreux problèmes de
développement des sciences, surtout les sciences naturelles ». Les moyens
financiers sont encore fournis par la JTF et l’UIP se charge de gérer les
ressources humaines nécessaires au projet, c’est-à-dire réunir des
intervenants scientifiques pour aborder les questions posées. Depuis 2006,
l’UIP n’est plus directement impliquée dans les nouvelles étapes du
programme STOQ(498) (toujours financées par la JTF), mais cela n’empêche
pas les protagonistes de continuer à se soutenir mutuellement. Ainsi, le
cardinal Poupard, à propos du livre de Jean Staune Notre existence a-t-elle
un sens ? écrit : « Vous avez brillamment su illustrer l’enseignement de
l’Église sur la compatibilité entre la foi et la raison, et la justesse de votre
argumentation apporte des clarifications essentielles sur des controverses
actuelles. »(499) Cet éclairage de l’UIP consiste à proposer une voie médiane
impliquant un dialogue entre science et religion. En fait, les interprétations
de certains résultats scientifiques sont convoquées à grand renfort
d’arguments d’autorité pour légitimer une conception spiritualiste du monde
initiée par un créateur, que ce soit en sciences de la vie avec un finalisme
néoteilhardien, ou en cosmologie avec le principe anthropique fort.
Finalement, bien que les membres de l’association et ses intervenants
acceptent l’évolution, l’UIP soutient bien des positions créationnistes dans
le sens où nous avons défini le créationnisme en introduction de ce livre.

Les ambiguïtés de l’Église catholique

En France, 64 % de la population se revendiquent catholiques, mais


seulement 15 % des Français se déclarent catholiques pratiquants et 4,5 %
(500)
disent assister à la messe dominicale, attestant ainsi un important recul
de la pratique(*). Ceci dit, l’influence directe ou indirecte que le Vatican(501)
peut exercer sur l’opinion publique française et sur la vie politique nécessite
que l’on s’attarde sur les positions de l’Église catholique romaine vis-à-vis
de l’évolution et, plus généralement, de la science. Bien entendu, au sein
d’une structure aussi vaste que l’Église catholique, les courants sont
nombreux, allant des plus libéraux aux plus radicaux, que l’on peut qualifier
d’intégristes (lesquels se disent traditionalistes). Nous présentons ici une
analyse des positions défendues ces vingt dernières années par certains
représentants du catholicisme — en premier lieu le pape — et un éclairage
sur les relations « sensibles » entre le Vatican et la théorie darwinienne de
l’évolution. Comme le souligne le théologien François Euvé, « c’est peu
dire que de reconnaître le caractère conflictuel et laborieux de la réception
de la théorie darwinienne de l’évolution dans le monde chrétien. Comme le
montrent des publications récentes, cette réception est loin d’être achevée, y
compris dans les Églises “historiques”, habituellement plus tolérantes que
les courants fondamentalistes »(502). C’est pourquoi il nous est apparu
nécessaire de prolonger cette présentation des positions officielles vaticanes
par l’évocation de certaines branches traditionalistes qui dénoncent la
théorie darwinienne de l’évolution et autour desquelles gravitent des
associations créationnistes françaises qui se veulent scientifiques.
Avant d’en arriver aux positions des autorités vaticanes, commençons
par présenter quelques théologiens français qui s’intéressent
particulièrement à ces questions et contribuent aux réflexions de l’Église
catholique à propos de la théorie darwinienne de l’évolution. Jean-Michel
Maldamé, dominicain et docteur en théologie, est spécialiste de l’étude des
relations entre culture scientifique et culture théologique. Il est l’auteur,
entre autres, de Création et providence. Bible, science et philosophie(503).
François Euvé, jésuite, agrégé de physique et docteur en théologie, est
spécialiste d’« une expression de la théologie de la Création en rapport
avec les sciences modernes ». Il est, entre autres, l’auteur de Darwin et le
christianisme : vrais et faux débats(504). Titulaire de la chaire Teilhard de
Chardin du Centre Sèvres(505), il analyse aussi l’« évolutionnisme chrétien »
développé par Teilhard de Chardin. Enfin, Jacques Arnould(506), dominicain,
ingénieur agronome, docteur en théologie et en histoire des sciences, est
chargé de mission « sur la dimension éthique, sociale et culturelle des
activités spatiales » au Centre national d’études spatiales (CNES).
Également spécialiste de l’histoire et de l’analyse des créationnismes, il a
écrit, entre autres, Les Créationnistes(507) et Dieu versus Darwin. Les
créationnismes vont-ils triompher de la science ?(508). Il est aussi spécialiste
de Teilhard de Chardin, sur lequel il a écrit Quelques pas dans l’univers de
Pierre Teilhard de Chardin(509) et une biographie(510).
Ces trois théologiens, que l’on peut qualifier de « modernistes » ou de
« libéraux », sont critiques vis-à-vis du créationnisme littéraliste, du
créationnisme scientifique et du dessein intelligent. Sur de nombreux
points, nous les rejoignons dans leurs analyses, mais nous avons pu
constater à plusieurs reprises des ambiguïtés dans leurs prises de position
publiques sur les questions qui nous concernent dans ce livre. Cette
difficulté de positionnement sur des points tels que la réception officielle du
darwinisme par les autorités vaticanes vient probablement du fait qu’en
dépit de leur modernisme, ils sont dépendants de la hiérarchie catholique.
Par ailleurs, ces théologiens, même s’ils participent activement au débat
public, ne sont pas représentatifs des positions défendues par l’Église
catholique.
Nous allons désormais nous intéresser à des points du discours des
autorités vaticanes qui permettent de comprendre les subtilités rhétoriques
visant, plus ou moins explicitement, à se distinguer d’un créationnisme « à
l’américaine » porteur d’une image souvent négative en Europe, tout en
tenant des discours ambigus sur les relations entre science et religion.
Prise de position contre un rapport du Conseil de l’Europe
La prise de position du Saint-Siège contre le vote du rapport du Conseil
de l’Europe sur les dangers du créationnisme dans l’éducation (voir
l’entretien avec Guy Langagne, chapitre 2) est une illustration de l’enjeu
politique que revêt la question du créationnisme aux yeux des autorités du
Vatican. Un courrier a été envoyé le 7 septembre 2007 à des parlementaires
européens par le Premier secrétaire à la mission permanente du Saint-Siège
auprès du Conseil de l’Europe, expliquant qu’« un tel document ne serait
pas opportun ». La lettre justifie cette demande en prétextant que le rapport
« incline à une certaine confusion épistémologique ». Quelques paragraphes
du rapport sont plus particulièrement pointés du doigt, tel l’article n° 15 :
« Les thèses créationnistes, comme toute approche théologique, peuvent
éventuellement, dans le respect de la liberté d’expression et des croyances
de chacun, être exposées dans le cadre d’un apprentissage renforcé du fait
culturel et religieux, mais ne peuvent prétendre à la scientificité. » La
proposition paraît satisfaisante pour l’enseignement scientifique et ouverte
vis-à-vis des religions, mais le Saint-Siège est gêné par « l’approche a-
scientifique de l’exposition du créationnisme ». Cela laisse d’autant plus
dubitatif que dans le point suivant du courrier, les autorités vaticanes —
contradictoires - s’inquiètent de l’absence de distinction « entre le
créationnisme qui tente d’attribuer une valeur scientifique à la doctrine de
la Création et la vision religieuse et philosophique de la Création comme
source radicale de sens et de dignité, sans confusion épistémologique ». On
y perd son latin surtout lorsque l’on se rappelle le discours de Benoît XVI à
l’occasion de l’homélie de Pâques, le 15 avril 2006. Empruntant le
vocabulaire évolutionniste, il annonce que la résurrection du Christ est « la
plus grande “mutation”, le saut absolument le plus décisif dans une
dimension totalement nouvelle qui soit jamais advenue dans la longue
histoire de la vie et de ses développements ». Une position qui témoigne
d’un mélange des genres, épistémologiquement non satisfaisant car tentant
de justifier des dogmes catholiques en les teintant d’un vernis scientifique.
Revenons plus en détail sur les positions défendues par le Vatican depuis
un important discours de Jean-Paul II en 1996 jusqu’à des interventions de
Benoît XVI et de personnalités qui lui sont proches.
Un discours de référence de Jean-Paul II
Le 22 octobre 1996, Jean-Paul II fait, devant l’Académie pontificale des
sciences(511), une intervention intitulée « L’Église devant les recherches sur
les origines de la vie et son évolution »(512). Depuis, ce discours est sans
cesse cité en référence par les médias comme la preuve d’une Église
ouverte et moderne, mais aussi par les autorités vaticanes comme
représentant la position de l’Église catholique. Le pape y affirme que « de
nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de
l’évolution plus qu’une hypothèse ». Il s’agit d’une première dans l’histoire
des relations entre le Vatican et la science, puisque cette phrase affirme que
la théorie de l’évolution doit être prise en considération par l’Église
catholique et les théologiens, en lui attribuant une certaine légitimité.
Cela dit — quel que soit le recul du dogme — le pape ne parle jamais de
Darwin, ni de théorie darwinienne et préfère évoquer « des théories » (sous-
entendu darwiniennes, non darwiniennes…). De surcroît, la phrase est
assujettie à des réserves fondamentales, trop souvent omises par ceux qui la
citent pour témoigner d’une acceptation de la théorie de l’évolution : « Les
théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent,
considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou
comme un simple épiphénomène de cette matière, sont incompatibles avec
la vérité de l’être humain. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la
dignité de la personne. » Cette position est finalement très proche de celle
de Pie XII qui affirmait, en 1950, dans son encyclique Humani generis(513)
que « si le corps humain tient son origine de la matière vivante qui lui
préexiste, l’âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu ».
La science n’aurait pas la liberté de s’interroger sur l’émergence de la
conscience au cours du processus évolutif. Benoît XVI confirme cette
position dès la messe d’inauguration de son pontificat, le 24 avril 2005, en
affirmant que « nous ne sommes pas le produit accidentel et dépourvu de
sens de l’évolution. Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu.
Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire »(514). Ces
positions posent le problème général de l’autonomie de la démarche
scientifique et de la liberté de recherche des scientifiques, un problème qui
ressurgit dans de nombreux discours papaux. Ainsi, le 25 mai 2000, Jean-
Paul II s’adresse à la communauté scientifique du monde entier en affirmant
que « le riche panorama de la culture contemporaine, à l’aube du troisième
millénaire, ouvre des perspectives inédites et prometteuses au dialogue
entre la science et la foi, comme entre la philosophie et la théologie.
Participez, avec toute votre énergie, à l’élaboration d’une culture et d’un
projet scientifique qui laissent toujours transparaître la présence et
l’intervention providentielle de Dieu »(515).
Ballons d’essai vis-à-vis du mouvement du dessein intelligent
Le 7 juillet 2005, alors que la question de l’enseignement de la théorie
du dessein intelligent en cours de biologie est soulevée dans plusieurs États
des États-Unis, le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne,
ancien étudiant du cardinal Joseph Ratzinger devenu Benoît XVI quelques
semaines auparavant, publie un article dans le New York Times intitulé
« Reconnaître un dessein dans la nature »(516). Il affirme que « tout système
de pensée qui nie ou cherche à réfuter la preuve écrasante qu’il y a un
“design” en biologie est de l’idéologie, pas de la science ». Cette prise de
position suscite des réactions critiques chez certains théologiens comme
George Coyne(517). Les propos de Schönborn sont un ballon d’essai de
Benoît XVI pour tester les théologiens catholiques quant à l’approche du
dessein intelligent. À la fin de cette même année, la perte du procès de
Dover par les partisans du dessein intelligent (voir le chapitre 2) va
conduire le Vatican à se démarquer, du moins en annonce, du mouvement
américain.
Benoît XVI s’intéresse aux problématiques Création-évolution et
science-religion depuis de nombreuses années(518). L’actualité du sujet et la
polémique dans le prolongement des prises de position du cardinal
Schönborn en faveur du dessein intelligent l’incitent à organiser un
séminaire à huis clos sur le thème « Évolution et Création » (1er au 3
septembre 2006) avec plusieurs intervenants spécialistes du sujet dont…
Schönborn. Les conclusions sont rendues publiques en avril 2007 dans un
ouvrage en italien et en allemand, Shöpfung und Evolution(519), écrit par
Benoît XVI et préfacé par Schönborn. Le livre est publié en français en
2009(520). Le pape tente de se positionner en affirmant qu’« il ne s’agit pas
de choisir entre un créationnisme qui exclut catégoriquement la science et
l’évolution qui dissimule ses propres brèches sur les questions qui se posent
au-delà des possibilités méthodologiques de la science naturelle ». Il ajoute
que la théorie darwinienne de l’évolution « n’est pas totalement
démontrable en laboratoire, parce que des mutations sur des centaines de
milliers d’années ne peuvent pas être reproduites ». Il juge également
probable que l’évolution procède par saut, doutant de la continuité
gradualiste de l’évolution. Cette opinion sur les modalités de l’évolution
supporte l’idée que l’évolution est « acceptable » si l’on conserve le saut
ontologique ayant permis l’émergence de l’espèce humaine et de son âme
qui la différencie des animaux. Le pape porte ainsi un jugement théologique
sur une théorie scientifique et pose des limites dictées par la religion à la
démarche scientifique. Dit autrement par le pape, « celui qui met Dieu de
côté ne rend pas l’être humain plus grand, mais lui ôte sa dignité. L’être
humain devient alors un produit mal réussi de l’évolution »(521).
La mobilisation des académies pontificales
À l’approche de l’Année Darwin, l’Académie pontificale des sciences
organise une session plénière du 31 octobre au 4 novembre 2008, intitulée
« Compréhension scientifique sur l’évolution de l’Univers et de la vie »(522).
Le pape y fait un discours dans lequel il définit étymologiquement le mot
« évoluer » pour mieux imposer sa vision religieuse au cœur de la science :
« “Évoluer” signifie littéralement “dérouler un rouleau de parchemin”,
c’est-à-dire lire un livre. L’image de la nature comme un livre trouve ses
racines dans le christianisme et elle est restée chère à un grand nombre de
scientifiques. Galilée voyait la nature comme un livre dont l’auteur est Dieu
de la même manière que l’Écriture a Dieu pour auteur. C’est un livre dont
nous lisons l’histoire, l’évolution, “l’écriture” et le sens selon les
différentes approches des sciences, tout en présupposant toujours la
présence fondatrice de l’auteur qui a souhaité se révéler en lui. »
Benoît XVI affirme que « la distinction entre un simple être vivant et un
être spirituel qui est capax Dei indique l’existence d’une âme intellective
d’un sujet transcendant libre. En effet, le magistère de l’Église a
constamment affirmé que chaque âme spirituelle est immédiatement créée
par Dieu — elle n’est pas “produite” par les parents - [et] qu’elle est
immortelle. Cela indique le caractère distinctif de l’anthropologie, et invite
à l’exploration de celle-ci par la pensée moderne ». Ainsi, soucieux de
conserver à l’être humain une place spécifique dans la Création, le pape
veut redéfinir l’anthropologie, lui imposer l’idée de l’âme créée par Dieu et
donc l’exclure du champ scientifique. Le discours se termine par une
citation de Jean-Paul II du 10 novembre 2003(523) qui replace la science en
tant que simple outil au service du catholicisme et de la foi : « La vérité
scientifique, qui est elle-même une participation à la Vérité divine, peut
aider la philosophie et la théologie à comprendre toujours plus pleinement
la personne humaine et la Révélation divine sur l’homme, une Révélation
qui est complétée et perfectionnée en Jésus Christ. »
Quelques jours après le bicentenaire de la naissance de Darwin,
l’Université pontificale grégorienne(524) organise, du 3 au 7 mars 2009, une
conférence internationale « Données et théories, approche critique 150 ans
après l’ouvrage de Darwin »(525), en collaboration avec l’université
(américaine) Notre-Dame, sous le parrainage du conseil pontifical pour la
culture dans le cadre du projet STOQ(526). Les organisateurs invitent des
théologiens, des scientifiques et des philosophes. L’événement fait l’objet
d’un important plan de communication avec des annonces en 2008, une
conférence de presse (10 février 2009) fortement relayée dans les médias,
suivie d’articles et d’interviews(527). Le président de la conférence de presse,
qui est aussi président du conseil pontifical pour la culture, le cardinal
Ravasi, justifie le colloque par la nécessité « de rétablir le dialogue entre
science et foi de manière à ce qu’aucune des deux ne reste seule à traiter du
mystère de l’être humain et de l’Univers »(528).
Il ressort de ces points que, en dépit des positions doctrinales mouvantes
des autorités vaticanes, la tendance minimale que nous pouvons attribuer est
celle d’un « créationnisme évolutionniste ». Comme le résume Charles
Susanne, professeur émérite de biologie en Belgique, dans un article
d’analyse sur les liens entre religions et enseignement de l’évolution, pour
l’Église catholique « l’être humain n’est pas sur Terre par hasard, même
s’il est le produit de l’évolution et, de plus, l’esprit humain est de création
divine, non sujette à des changements évolutifs »(529). Une synthèse
confortée par Benoît XVI lui-même lorsqu’il affirme, dans son homélie du
23 avril 2011, qu’« il n’est pas exact que dans l’univers en expansion, à la
fin, dans un petit coin quelconque du cosmos se forma aussi, par hasard,
une certaine espèce d’être vivant, capable de raisonner et de tenter de
trouver dans la Création une raison ou de l’avoir en elle. Si l’être humain
était seulement un tel produit accidentel de l’évolution en quelque lieu à la
marge de l’Univers, alors sa vie serait privée de sens ou même un trouble
de la nature. Non, au contraire : la raison est au commencement, la Raison
créatrice, divine ».
Des associations créationnistes françaises proches des traditionalistes
En dehors du créationnisme évolutionniste soutenu par le Vatican,
existent également des courants intégristes anti-évolutionnistes. C’est le cas
de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), une société de prêtres
catholiques romains fondée en Suisse en 1970 par Marcel Lefebvre. En
1988, ces prêtres sont excommuniés, provoquant un schisme au sein de
l’Église catholique. Cependant, en janvier 2009, les négociations en vue de
la réintégration(530) de la fraternité conduisent le Vatican à lever
l’excommunication. Encouragée par Benoît XVI(531), cette réintégration ne
manque pas de susciter des questions sur la manière dont le Vatican va se
positionner par rapport aux positions créationnistes radicales des
traditionalistes.
En effet, la FSSPX promeut des positions anti-évolutionnistes, comme
l’illustre par exemple une conférence intitulée « Évolutionnisme, poison
universel » qui s’est déroulée en l’église Saint-Nicolas du Chardonnet
(Paris), le 14 novembre 2007 à l’initiative du Groupe d’étude sur les
origines (GéO) basé à Grenoble. Ce groupe s’est doté de mai 2007 à
décembre 2010 (42 numéros) d’un bulletin « apologétique sur la
controverse Création/Évolution », nommé 1πR3.15, disponible sur le site
officiel du district de France de la FSSPX (laportelatine.org). Cette
publication défend un créationnisme scientifique « Terre jeune » et repose
sur la volonté de « montrer l’harmonie entre science et la parole de Dieu,
contenue dans la tradition et l’Écriture sainte. Défendre l’historicité des 11
premiers chapitres de la genèse, pour favoriser la connaissance de nos
origines ». Les activités d’associations créationnistes catholiques françaises,
comme le Centre d’études et de prospective sur la science (CEP) ou le
Cercle d’études scientifique et historique (CESHE) et leurs membres les
plus actifs, y sont largement valorisées.
Créé initialement en Belgique en 1971 avant une extension française en
1978 (et la réunion des deux cercles en 2002)(532), le CESHE a pour objectif
de faire connaître et d’étudier l’œuvre de Fernand Combrette (1880-1970),
auteur d’une théorie dite scientifique du Déluge. L’œuvre de cet autodidacte
vise « à réconcilier la Science et la Foi et professer, dans le plus grand
respect de la doctrine de l’Église, l’inerrance(*) scientifique et historique de
la Bible ». Les positions mises en avant sont ouvertement créationnistes
avec une approche qui est présentée comme scientifique : « Certains
membres ou sympathisants du CESHE sont d’éminents scientifiques,
reconnus sur le plan international. Dans l’esprit de Combrette, ils ont
réalisé des travaux originaux en radiodatation, biologie, géologie,
remettant en cause certaines hypothèses fondamentales de ces disciplines. »
L’association, qui annonce 600 membres, estime que « la séparation de la
science et de la foi, aujourd’hui à son terme, a entraîné l’athéisme moderne
et cette laïcisation progressive de la société, dont les terribles conséquences
morales sont visibles par tous »(533). À la recherche d’une « vision biblique
et christocentrique de l’univers qui permettra seule de rétablir la vérité des
sciences et de l’histoire », le CESHE organise des colloques, des séminaires
et « propose des conférences aux associations, écoles et universités qui le
demandent ». Elle édite également depuis 1986 la revue trimestrielle
Science et foi.
Parmi les acteurs de cette association, Guy Berthault, un homme
d’affaires qui se présente comme polytechnicien et sédimentologue, fait
parler de lui depuis les années 1980 en tant que géologue amateur. Il est, en
effet, parvenu à faire publier deux notes dans les Comptes rendus de
l’Académie des sciences sur des expérimentations de sédimentologie qui
apporteraient la preuve que toutes les couches sédimentaires sur notre
planète se sont déposées à la suite d’une inondation à l’échelle terrestre,
c’est-à-dire le Déluge(534). Forts de cette prétendue caution de l’Académie
des sciences, les travaux en sédimentologie de Berthault continuent d’être
mis en avant sur de nombreux sites créationnistes du monde entier, plus de
vingt ans après la parution de la première note(535). On le retrouve d’ailleurs
avec quatre autres scientifiques dans un documentaire remettant en cause la
théorie darwinienne de l’évolution, intitulé Évolution : science ou croyance
?(536) (disponible en anglais, français, italien, espagnol, allemand et
polonais). Le CESHE s’inscrit résolument dans un créationnisme
scientifique « Terre jeune », comme en témoigne également le colloque
« Mythes et sciences » organisé le 11 novembre 2009(537) à l’occasion de
l’Année Darwin avec, entre autres, les interventions de Berthault et de Jean-
François Moreel (voir chapitre 4), un biologiste moléculaire, directeur
scientifique dans un laboratoire privé et auteur de Le Darwinisme, envers
d’une théorie(538).
Le CEP, association créée en 1997 annonçant 700 membres, se propose
de « coordonner les différentes sciences, considérées sans œillères
idéologiques réductrices, mais de le faire à la lumière des vérités révélées,
afin de rétablir ainsi un pont nécessaire entre la science et la foi »(539). Son
président, Dominique Tassot, diplômé de l’école des Mines de Paris, a
présidé le CESHE en 1985, plusieurs années avant de créer le CEP. Auteur
de La Bible au risque de la science(540) et plus récemment de L’Évolution,
une difficulté pour la science, un danger pour la foi(541), il est aussi
rédacteur en chef de la revue trimestrielle de l’association, Le Cep. Tassot
rejette l’étiquette de créationniste pour préférer celle d’anti-
évolutionniste(542). Cela dit, le CEP défend bel et bien un créationnisme
scientifique(543) comme l’illustre le texte de présentation du dernier livre de
Tassot(544) : « La théorie de l’évolution s’est imposée dans le milieu
scientifique, économique, politique et, un peu plus tard, dans la pensée
chrétienne. Aujourd’hui pourtant, nombre de scientifiques reconnaissent
que l’évolution n’est “ni prouvée ni prouvable”. À leur suite, Dominique
Tassot, ingénieur des Mines de Paris, montre de façon claire et rigoureuse
que les prétendues ““preuves” de l’évolution sont toutes fallacieuses, et ce
pour des raisons strictement scientifiques... » Dans un article intitulé
« Pourquoi l’Évolution n’a-t-elle jamais été démontrée ? »(545) que « certains
reconnaissent l’absence de mécanisme expliquant vraiment la possibilité du
transformisme ; ils laissent alors entendre que l’Évolution est un fait, sans
aller plus loin. Mais que vaut un “fait” qui ne se constate nulle part(*) ?
D’autres admettent que le “fait de l’Évolution” n’est pas établi, mais ils
posent aussitôt qu’il ne se trouve pas d’explication à l’origine de la vie, en
dehors de l’hypothèse transformiste. Tel est le cercle vicieux de
l’évolutionnisme : devant l’impossibilité de démontrer on affirme que c’est
un fait ; et de l’impossibilité d’observer le fait, on déduit qu’il faut admettre
les démonstrations ! ». Enfin, le résumé d’un autre de ses articles intitulé
« L’âge de la Terre : quelle importance ? »(546) permet de préciser que le
CEP défend bien un créationnisme scientifique « Terre jeune » :
« L’adoption d’un âge de la Terre en millions d’années, à partir du dix-
neuvième siècle, résulte d’une volonté délibérée, chez certains géologues,
d’exclure le Déluge biblique de leurs “systèmes de la Terre”. Toutes les
sciences s’étant alignées sur la géologie, il en résulte une vision du monde
dans laquelle la Genèse perd toute valeur historique et l’homme sa place
unique et centrale dans la Création : si la Terre a été faite pour l’homme,
pourquoi Dieu, créateur du temps comme de l’espace, aurait-il attendu des
millions d’années pour l’y introduire ? »
Berthault, acteur important du CESHE déjà évoqué, est aussi le vice-
président du CEP. L’association organise régulièrement des colloques
autour de la thématique science et foi. Citons, à titre d’exemple, « Les
savants devant la foi » en février 2009, « Se libérer du darwinisme » en
octobre 2009 et « Les limites de la science », en septembre 2010. Parmi les
intervenants de ces deux derniers colloques, notons la présence de Berthault
et de Moreel. Une autre personnalité proche du CEP est Pierre Rabischong,
professeur émérite et doyen honoraire de la faculté de médecine de
Montpellier, et vice-président de l’Académie mondiale des technologies
biomédicales à l’Unesco. Il est à l’origine de l’idée de « programmisme »
qu’il développe dans l’ouvrage Le Programme homme(547). En mars 2011, à
l’occasion d’une conférence intitulée « Le programmisme, une alternative à
l’évolutionnisme »(548), il annonce dans son texte de présentation : « La
nouvelle théorie que nous proposons est le programmisme qui consiste à
accepter l’existence d’une programmation intelligente visant à la mise en
place progressive (succession historique sans filiation) de toutes les espèces
qui restent des communautés reproductives exclusives empêchant le chaos
dans la nature. L’homme est donc un programme original avec des
capacités mentales qui font sa grande différence d’avec les animaux. »(549) Il
y explique que l’une des « faillites scientifiques du darwinisme » est
« l’absence de démonstration de la filiation interspécifique »(550), ce qui doit
être compris — en dépit de la formulation alambiquée — comme un refus
de la macroévolution (voir l’entretien avec Philippe Janvier, chapitre 4)et de
l’idée d’ascendance commune des êtres vivants. Dans sa conclusion, il
affirme qu’« il faut dénoncer l’erreur de la théorie darwinienne de
l’évolution qui prétend expliquer le monde vivant par une succession de
mécanismes hasardeux sans arguments scientifiques pertinents » et qu’« il
convient d’admettre une programmation de la vie par un constructeur
invisible et muet ayant mis en place toutes les espèces ex nihilo sans
laboratoire, ce qui témoigne de sa puissance technique ». Notons également
que Rabischong est l’un des « anti-évolutionnistes » invités au débat sur
l’évolution organisée en octobre 2012 par oumma.com, l’UIP et
l’Association sciences de la nature liée à Harun Yahya(*).
Un autre intervenant du CEP, Maciej Giertych, est contributeur du livre
italien anti-évolutionniste Evoluzionismo : Il Tramonto di una ipotesi(551)
(Évolutionnisme : le déclin d’une hypothèse) et intervenant de la vidéo
Évolution : science ou croyance ?. Homme politique polonais, professeur
émérite de génétique et membre de l’Académie des sciences de Pologne,
Giertych fut parlementaire européen entre 2004 et 2009 pour la Ligue des
familles polonaise (LFP, parti d’extrême droite) et candidat à l’élection
présidentielle polonaise en 2005. À plusieurs reprises, il s’est illustré au
Parlement européen par des prises de position anti-avortement(552),
antisémites(553) et créationnistes. Il est le fils d’un des idéologues de
l’extrême droite polonaise et le père de Roman Giertych, l’un des
fondateurs de la LFP. Ce dernier fut ministre de l’Éducation en Pologne de
mai 2006 à août 2007(554) (voir chapitre 2). Rappelons que c’est son vice-
ministre de l’Éducation, Miroslaw Orzechowski, qui a violemment attaqué
la théorie darwinienne de l’évolution en octobre 2006(555). Fin 2007, en
réaction au rapport du Conseil de l’Europe sur les dangers du créationnisme
dans l’éducation, Maciej Giertych a diffusé auprès de parlementaires et mis
en ligne sur son blogue un rapport promouvant le créationnisme intitulé
Teaching on evolution in European Schools (et intégralement traduit en
français sous le titre Enseigner l’évolution dans les écoles européennes(556)).
Dans une note de bas de page, il évoque L’Atlas de la Création de Harun
Yahya dans ces termes : « Cet atlas est une documentation magnifiquement
illustrée sur la stase. On y trouve des photographies de fossiles provenant
de différentes strates géologiques, ainsi que d’animaux vivants avec leurs
squelettes, ces animaux étant exactement semblables aux fossiles.
Malheureusement, cette excellente documentation n’est pas tant utilisée
comme une contribution à la science, que comme un argument pour faire
accepter l’islam et l’enseignement du Coran. » Un point de vue qui
confirme les convergences d’opinion entre les créationnistes scientifiques
musulmans et catholiques, mais aussi leurs divergences religieuses.
En tant que catholiques, les intellectuels du CEP réclament d’être invités
comme intervenants aux conférences organisées par les académies
pontificales concernant la théorie de l’évolution ou les relations évolution-
Création, mais n’y sont parvenus, ni en 2008, ni en 2009(557). Notre
interprétation est qu’un lien direct serait bien trop polémique pour le
Vatican et les universités pontificales. Il faut tout de même noter que Maciej
Giertych a obtenu une invitation informelle des organisateurs en tant
qu’« observateur, mais sans droit à la parole »(558) pour suivre la cession de
l’Académie pontificale des sciences « Compréhension scientifique sur
l’évolution de l’Univers et de la vie », du 31 octobre au 4 novembre 2008.
Faute de pouvoir intervenir dans les manifestations des académies
pontificales, les catholiques créationnistes « Terre jeune » dont les
intellectuels du CEP organisent ou participent à l’organisation
d’événements parallèlement à ceux qui sont officiels, par exemple, une série
de conférences(559) le 3 novembre 2008 à l’université La Sapienza de Rome,
qui s’est tenue parallèlement à la séance plénière de l’Académie pontificale
des sciences. Le communiqué de presse de l’organisation du colloque
annonce : « Alors que l’Académie pontificale traite les données en faveur
de l’évolution, les scientifiques de La Sapienza présenteront les faits contre
la théorie. Les participants assurent représenter des milliers de savants
qualifiés qui ne sont pas d’accord avec la présentation habituelle de
l’évolution, mais dont les voix sont étouffées par la majorité évolutionniste.
[…] Il faut souligner que ces savants ne sont pas “créationnistes” et qu’ils
se sentiraient offensés d’être tenus pour tels. »(560) Dans le prolongement, un
autre séminaire sur l’évolutionnisme est organisé à Rome le 23 février
2009(561), en contrepoint du médiatique congrès « Données et théories,
approche critique 150 ans après l’ouvrage de Darwin » à l’Université
grégorienne, début mars 2009. Les chercheurs et intellectuels catholiques
qui sont à la base de ces mouvances — bien que marginalisés — ne peuvent
pas être totalement ignorés par le Vatican, comme en témoigne la présence à
cette conférence « parallèle » de Mgr Tomasz Trafny, le vice-coordinateur du
projet STOQ, envoyé du conseil pontifical pour la culture. Cette
manifestation a conduit à l’édition italienne du livre polémique déjà cité
Évolutionnisme : le déclin d’une hypothèse réunissant onze auteurs (dont
Berthault, Maciej Giertych, Rabischong et Tassot) sous la direction de
Roberto Mattei, vice-président du Centre national de recherche italien (voir
chapitre 2). Quelques mois plus tard, en novembre 2009, une autre
conférence, « L’impossibilité scientifique de l’évolution »(562), est organisée
à l’université Pie V de Rome « en réponse à la demande du pape Benoît
XVI pour que les deux faces de la controverse évolutionniste soient
entendues »(563) et réunit, entre autres, Berthault et Maciej Giertych(564).
Déjà, fin 2008, à l’annonce des deux manifestations, celle de l’Académie
pontificale des sciences du 31 octobre au 4 novembre 2008 et celle de
l’Académie pontificale pour la culture, du 3 au 7 mars 2009, Tassot
dénonçait « cette vaste opération de relations publiques ». Il affirme ainsi :
« La méthode expérimentale appliquée par Guy Berthault aux phénomènes
de sédimentation continue de progresser parmi les géologues russes, et il
n’est plus besoin d’être devin pour dire que les chronologies longues de la
Terre sont en crise, et, avec elles, par ricochet, la théorie évolutionniste qui
les présuppose. C’est pourtant le moment que choisit l’Église catholique
pour manger son chapeau, renier les quelques critiques de l’évolutionnisme
que le cardinal Schönborn avait commises dans le New York Times le 7
juillet 2005 […]. »(565)
Ces associations françaises défendent donc un créationnisme scientifique
« Terre jeune ». Leur influence reste limitée par l’extrémisme de leurs
positions qui rend l’adhésion plus difficile et réduit l’étendue de leur public
et de leurs réseaux. Cependant, la France est un fief de traditionalistes et ces
associations s’appuient largement sur les organisations intégristes
catholiques favorables à leurs idées comme la FSSPX. Elles parviennent
aussi à présenter leurs positions au-delà de la France (États-Unis, Italie,
Russie, etc.) jusqu’au Parlement européen. Aujourd’hui, leurs membres
militent pour remettre « dans le droit chemin » l’Église catholique et son
créationnisme évolutionniste jugé contraire au dogme, comme en témoigne
une lettre de Dominique Tassot adressée à Benoît XVI le 25 novembre
2005 : « En qualité de Président d’un cercle voué à l’étude des sciences
dans une perspective chrétienne, je voudrais ici me permettre d’encourager
Votre Sainteté à libérer la théologie (et tout enseignement de l’Église) d’un
évolutionnisme qui, sur le strict plan scientifique, s’avère aujourd’hui de
plus en plus contestable et contesté. »(566) Car il est indiscutable que les
positions officielles des autorités vaticanes sont, aujourd’hui, plus ouvertes
que celles des traditionalistes vis-à-vis de la science et de la théorie de
l’évolution. Mais cette acceptation des résultats scientifiques contemporains
laissant entrevoir une certaine modernité n’est qu’une apparence. Les
positions du Vatican sous les deux derniers papes, Jean-Paul II et Benoît
XVI, restent contraignantes vis-à-vis de certains domaines scientifiques
(anthropologie, neurosciences, biologie…) en leur fixant des limites
indispensables à leurs yeux pour la préservation du statut spécial de l’être
humain.

La nébuleuse des Églises protestantes évangéliques

Les mouvements créationnistes anti-évolutionnistes ont émergé aux


États-Unis au sein d’Églises évangéliques, comme nous l’avons vu dans le
chapitre 2. L’association chrétienne évangélique française « Au
commencement » témoigne de l’existence de créationnistes évangéliques
également actifs dans notre pays(567). Fondée par son actuel président, le
généticien André Eggen, elle souhaite « faire connaître le point de vue
créationniste basé sur le texte de la Genèse ainsi que sur les observations
scientifiques ». Ce créationnisme scientifique « Terre jeune » est-il
représentatif des positions des évangéliques français ?
Rien n’est moins sûr, car même si l’importance centrale accordée à la
Bible est bien une caractéristique définissant l’identité évangélique, comme
le relève le sociologue des religions Sébastien Fath, celle-ci se traduit
également par une multiplication d’Églises locales illustrant autant de
positions différentes sur de nombreux sujets. L’identité évangélique ne se
définit donc pas par une unité, ni sur le plan théologique, ni sur le plan
institutionnel. C’est ainsi qu’à côté de l’association anti-évolutionniste « Au
commencement », certaines associations de scientifiques évangéliques
cherchent à montrer que science et foi ne s’opposent pas. Si, à première
vue, leur acceptation de la science contemporaine paraît étendue, leur
volonté de concilier leur foi et les développements de la science les conduit
néanmoins à tenir des discours ambigus.
Un décryptage paraît d’autant plus nécessaire que le protestantisme
évangélique, à l’image de son dynamisme à l’échelle mondiale, est en plein
essor en France(568). Avec un nombre de fidèles estimé aujourd’hui à
600 000(569), le protestantisme évangélique français se classe au quatrième
rang des religions pratiquées dans notre pays, derrière respectivement le
catholicisme, l’islam et le protestantisme dit historique (luthéro-réformé). Il
illustre un renouveau chrétien qui se traduit notamment par une forte
activité dans les nouveaux médias, en particulier Internet.
Les évangéliques en France : une diversité de positions vis-à-vis de
l’évolution
Les protestants, toutes tendances confondues, représentent entre 2,5 et
2,8 % de la population en France métropolitaine. En incluant les territoires
d’outre-mer, 1,7 million de personnes sont ainsi concernées(570). Comme le
souligne Fath, « à l’inverse d’une culture religieuse comme le catholicisme
où il existe un magistère, le protestantisme ne se structure pas autour d’une
vérité institutionnelle, défendue par une autorité centrale reconnue par
tous. Fondé sur une “désacralisation” de l’Église et de ses autorités, il
repose sur la relation entretenue entre chaque fidèle et la Bible, encadrée
par des institutions à simple caractère fonctionnel. Cette configuration
sociale nourrit, de fait, une très grande diversité d’options,
particulièrement en terrain évangélique, qui interdisent l’image parfois
véhiculée par les médias d’un mouvement homogène au service d’objectifs
culturels et idéologiques concertés »(571).
Un sondage réalisé en 2010(572) permet de rendre compte de la diversité
protestante française : les tendances protestantes dites luthéro-réformées
sont encore majoritaires (56 % des sondés), mais le protestantisme
évangélique, historiquement plus récent, est devenu une composante
importante avec 30 % des personnes interrogées (cela inclut ceux de
sensibilité évangélique au sens strict 23 %, pentecôtiste 5 % et
charismatique 2 %)(573). Par ailleurs, l’étude montre que 22 % des sondés se
disant protestants ne l’étaient pas auparavant (11 % des luthéro-réformés
contre 48 % des évangéliques), mais le sont devenus (néoprotestants), ce
qui témoigne d’une forte dynamique de renouvellement chez les
évangéliques.
Une question posée sur « le sens donné au récit biblique de la
Création » indique que seulement 20 % des évangéliques considèrent qu’il
s’agit d’un « récit historique »(574). Même si les réponses à cette question
doivent être interprétées avec précaution, Fath souligne un décalage
important avec les évangéliques américains (voir l’entretien chapitre 3). En
dépit des différences entre les États-Unis et la France, la compatibilité de la
science et de la théorie darwinienne de l’évolution avec la foi chrétienne
n’en constitue pas moins un sujet de réflexion important chez certains
évangéliques. Même si la diversité des approches et leur complexité rendent
difficile une étude exhaustive, quelques tendances principales se dégagent.
Dans un ouvrage paru en 2011 à l’initiative du Réseau des scientifiques
évangéliques et intitulé De la Genèse aux génomes, Fath s’intéresse aux
créationnismes évangéliques en France. Il souligne en conclusion de son
article(575) que « s’il fallait retenir une ligne directrice qui relie le XIXe siècle
au XXIe siècle, c’est celle d’une modération protestante évangélique
française au sujet du créationnisme ». Il précise qu’« à l’inverse de
l’autorité de la Bible, de la centralité de la croix, de la nécessité de la
conversion et de l’engagement, le rejet de l’évolution ne fait pas partie des
invariants identitaires qui peuvent justifier un conflit ouvert ». Dans le
détail, Fath identifie tout de même quatre sensibilités observables
aujourd’hui qu’il regroupe par deux : d’une part, l’approche cloisonnée et le
concordisme(*) souple, d’autre part, le concordisme strict et le créationnisme
antiscientifique.
L’« approche cloisonnée » consisterait à accepter en semaine
l’enseignement évolutionniste et le dimanche le créationnisme. Fath associe
cet axe (tout en le distinguant) avec ce qu’il nomme un « concordisme
souple » pour lequel « la logique propre de la science, fondée sur la
recherche et l’expérience, est reconnue et acceptée, mais sans remettre en
cause, au moins en tant que postulat métaphysique, le canevas créationnel
biblique qui affirme sans ambiguïté le rôle clé de l’acte créateur de Dieu
[…]. Dans tous les cas, le seul postulat rejeté est celui d’un processus
évolutionniste purement matérialiste et hasardeux, au nom d’un lien
organique entre question des origines et question du sens ». Ces deux
premières approches — majoritaires selon Fath — concernent le site
Science et foi, et le Réseau des scientifiques évangéliques sur lequel nous
allons revenir. Dans l’autre groupe, Fath définit le concordisme strict ainsi :
« La science n’est pas comprise dans sa logique propre, mais conçue
comme un réservoir d’arguments dans lequel on ne puise qu’au cas où cela
serve la démonstration préétablie. Cette position tend à rejeter la notion
d’évolution des espèces au nom des prérogatives du Créateur. » Elle semble
difficile à distinguer de la dernière nuance évoquée par Fath : le
créationnisme antiscientifique(*). C’est d’ailleurs à « la charnière des deux
nuances » que Fath situe l’association « Au commencement » déjà évoquée.
En définitive, ce que nous retiendrons de la présentation de ces nuances,
c’est l’existence de deux courants principaux à l’intérieur desquels existent
des variantes suivant les personnes ou les structures auxquelles on
s’intéresse chez les évangéliques : d’un côté, des approches acceptant plus
ou moins largement le discours de la science moderne (y compris
l’évolution) tout en prônant la complémentarité entre science et religion ; de
l’autre côté, des approches fondamentalement anti-évolutionnistes.
Revenons sur les principaux représentants de ces deux types de positions.
LES ÉVANGÉLIQUES EN FRANCE
Entretien avec Sébastien Fath(**)

- Comment définir l’identité évangélique en France ? À combien évalue-t-on


aujourd’hui les fidèles évangéliques dans l’Hexagone ?
– L’identité évangélique en France se définit sous la forme d’un christianisme de
conversion, en terreau protestant, marqué par un accent sur l’engagement militant,
des convictions bibliques fortes, une éthique conservatrice et une forme associative
solidaire. On estime aujourd’hui à environ 600 000 les évangéliques en France,
répartis entre pratiquants réguliers (460 000) et pratiquants occasionnels (140 000).

- Les mouvements évangéliques français avancent-ils des positions


comparables à celles des mouvements évangéliques américains vis-à-vis de la
science et, en particulier, de la théorie darwinienne de l’évolution ?
– Les mouvements évangéliques français sont beaucoup moins polarisés que les
évangéliques américains sur les questions bioéthiques. Cela ne signifie pas pour
autant qu’ils s’alignent sur le reste de la population. Ils manifestent clairement des
positions conservatrices dans ces domaines, proches de celles du magistère romain
(Benoît XVI). Mais l’antidarwinisme primaire, très répandu chez les évangéliques
américains, ne l’est pas en France. Dans le sondage IFOP de novembre 2010 [voir
chapitre 3], on découvre ainsi que seul un évangélique français sur cinq considère le
récit de la Création comme un récit historique. Ce n’est certes pas négligeable, c’est
même énorme par rapport à la population française dans son ensemble(576), mais on
est quand même très loin des fantasmes qui identifient tous les évangéliques à des
créationnistes « Terre jeune » (création du monde en 6 jours, il y a entre 6 000 et
10 000 ans). Aux États-Unis, face à la même question, on aurait obtenu la réponse
créationniste stricte non pas d’un évangélique sur cinq, mais de quatre évangéliques
sur cinq. C’est un décalage considérable, qui s’explique par des trajectoires
historiques différentes, et des influences culturelles divergentes.

L’ambiguïté des approches conciliatrices


Science et foi (scienceetfoi.com) se présente comme « un site
évangélique de réflexion » qui a vocation « d’intégrer les découvertes de la
science avec la théologie biblique et de communiquer ces réflexions à
l’Église et à la communauté scientifique »(577). Son fondateur, Benoît
Hébert, est professeur agrégé de physique en classes préparatoires et pasteur
de jeunesse dans une église évangélique. Il motive la création de ce site par
un « rêve, celui de mettre en évidence la cohérence et la complémentarité
entre deux sphères que l’on oppose trop souvent : celles de la foi et de la
connaissance scientifique »(578). Pascal Touzet et David Meyre, tous deux
docteurs en génétique, chercheurs et évangéliques, en sont les cofondateurs.
Ce site et le blogue qui lui est associé, « Création et évolution »
(cvablog.com/creationetevolution), sont très dynamiques. En tant
qu’« espace de dialogue entre chrétiens à propos du rôle de l’évolution
dans la création divine, et des implications d’un tel processus pour la foi »,
le blogue propose de nombreux articles sur les relations entre science et
foi(579), allant de contributions originales à des traductions d’articles
d’auteurs anglophones (les contributeurs sont majoritairement des
théologiens ou des scientifiques chrétiens).
Pour expliciter cette approche, évoquons la collaboration(*) mise en place
avec la fondation BioLogos pour un même objectif, celui de « réconcilier le
monde évangélique et la science […] et offrir une alternative au
créationnisme [scientifique] et au mouvement de l’Intelligent Design »(580)
qu’ils dénoncent et dont ils se démarquent(581). Biologos (biologos.org) est
une fondation chrétienne américaine fondée par le physicien et généticien
Francis Collins, évangélique et actuel directeur du National Institutes of
Health (NIH)(582). Elle a vu le jour en 2007 avec l’appui financier de la John
Templeton Foundation (JTF)(583). Le terme « BioLogos » fait référence à un
évolutionnisme théiste défini par « la conviction que l’évolution est la façon
dont Dieu a créé la vie : parce que le terme évolution est parfois associé à
l’athéisme, Francis Collins a proposé une nouvelle expression pour la
croyance en un Dieu créateur du monde par un mécanisme évolutif :
BioLogos »(584). Cette volonté de proposer un terme englobant l’idée d’un
Dieu créateur et un corpus de connaissances scientifiques, sous prétexte que
certains associeraient abusivement évolution et athéisme, est problématique
d’un point de vue épistémologique. La foi chrétienne revendiquée par la
fondation Biologos — et par conséquent par le site Science & foi —
implique une vision du monde théiste qui ne peut en aucun cas être remise
en cause et constitue la prémisse avec laquelle la science est contrainte, que
ce soit dans sa démarche ou dans ses résultats et leurs limites provisoires.
La conciliation entre science et foi n’est pas envisagée comme une
possibilité mais comme une nécessité à laquelle la science doit se plier
puisque « une étude honnête de l’une comme de l’autre doit nécessairement
mettre en évidence cette harmonie »(585). Dans cette perspective, la mise en
garde concernant « cette harmonie » nécessaire - « pourvu que l’on ne
demande pas à la Bible et à la science de répondre à des questions qui ne
sont pas de leur ressort respectif »(586) - n’est qu’un dédouanement de façade
et la frontière entre science et foi, volontairement brouillée, devient
poreuse. L’instrumentalisation du discours scientifique au profit du discours
théologique se produit à deux niveaux. D’une part, le site Science et foi met
à disposition des questions de la fondation Biologos qui montrent ce
mélange des discours, par exemple : « Si l’évolution est la méthode de
création, croyez-vous encore aux miracles ? » ou « Qu’est-ce que le
“réglage fin” de l’univers et comment ce réglage peut-il nous servir de
“pointeur vers Dieu” ? ». D’autre part, cette approche conciliatrice tombe
dans la même ornière que celle des autorités catholiques vaticanes en
présentant la religion comme complémentaire de la science. Ils prétendent
alors que la science ouvre des questions, auxquelles la religion apporte des
réponses(*) et des interprétations spiritualistes sont présentées comme des
résultats scientifiques qui mèneraient logiquement vers des réponses
d’ordre théologique. C’est ce qu’illustre Collins, lorsqu’il s’exprime sur la
cosmologie et l’ajustement fin des constantes physiques(**) : « Le Dieu de la
Bible est aussi le Dieu du génome. Il n’y a rien de conflictuel entre l’idée
d’un Dieu créateur et les révélations de la science. En fait, l’hypothèse
Dieu résout quelques questions troublantes sur ce qui est arrivé avant le big
bang et pourquoi l’Univers semble être ajusté de manière aussi
délicate. »(587)
Qu’en est-il en France du Réseau des scientifiques évangéliques
(rescev.free.fr) ? Créé en 2008 et équivalent français de Christians in
Science (Grande-Bretagne) et de l’American Scientific Affiliation : A
Fellowship of Christians in Science (États-Unis), ce réseau s’inscrit
également dans une perspective conciliatrice de la science et de la foi.
Comme pour le site Science & foi, les connaissances scientifiques
contemporaines y sont largement acceptées. Le réseau est coordonné par
Rachel Vaughan, évangélique et ancienne chercheuse en biologie cellulaire
et est « ouvert à tout chrétien évangélique à formation scientifique ou en
cours d’études des sciences, ainsi qu’à des personnes qui ont un intérêt
professionnel particulier dans ce domaine, en particulier aux théologiens ».
Comme le souligne Fath (voir l’encadré ci-contre), le Réseau des
scientifiques évangéliques s’inscrit au premier abord dans une logique
pédagogique et conciliatrice à l’attention de croyants — chrétiens en
général et évangéliques en particulier — afin qu’ensemble, ils puissent
« débattre des questions qui se posent à l’interface entre science et foi »(588)
et « mieux articuler leur pratique scientifique et leur engagement
religieux »(589).
Cependant, le réseau se donne également des objectifs plus prosélytes,
par exemple le fait de « s’encourager à être témoins du Christ dans leur
milieu professionnel »(590). C’est également un des objectifs affichés dans le
cadre de la conférence annuelle(591) organisée en janvier 2013 et intitulée
« Le chrétien dans la science » qui « permettra aux participants de
s’encourager mutuellement à être « sel et lumière »(*) dans les différents
milieux scientifiques »(592). À l’instar du site Science & foi, les tentatives de
conciliation entre science et religion dénotent plutôt une volonté d’englober
la science dans une perspective religieuse. Ainsi, dans un des textes du
Faraday Institute for Science and Religion mis en ligne sur le site internet
du réseau, le géophysicien anglais Robert White explique que « les
témoignages bibliques d’un univers créé intentionnellement, associé aux
preuves scientifiques en faveur de son évolution sur des milliards d’années
pour devenir un endroit propre au développement de la vie humaine,
renforcent le message que l’humanité n’est pas le produit accidentel d’un
univers dénué de sens »(593). Comme nous le verrons en détail dans le
chapitre suivant avec la JTF, ce type d’approche s’inscrit dans une logique
d’instrumentalisation de la science pour promouvoir la religion. Au-delà de
cette approche commune des deux structures, signalons aussi l’implication
dans le Faraday Institute for Science and Religion, financé par la JTF, de
deux des sept membres du comité pilotant le réseau des scientifiques
évangéliques : Lydia Jaeger, directrice des études à l’Institut biblique de
Nogent-sur-Marne, et Peter G. H. Clark, biologiste cellulaire à la retraite.
Le Réseau des scientifiques évangéliques selon Sébastien Fath
Le Réseau des scientifiques évangéliques ne se positionne pas dans une
perspective créationniste stricte. Il s’inscrit en revanche dans une stratégie
d’interpellation et de débat où le créationnisme strict, bien que contesté, peut trouver
voix au chapitre en tant qu’opinion défendue par certains évangéliques. Le récent
livre De la Genèse au génome illustre bien cette approche. On n’est nullement dans
une apologie du créationnisme (l’article de fond le plus fouillé est d’ailleurs signé par
un ardent partisan et praticien de la biologie évolutionniste, le chercheur Pascal
Touzet(594)). En revanche, on entre en discussion avec les perspectives
créationnistes ; il semble que ce réseau, encore jeune, entende jouer un peu le rôle
d’éducateur à une approche moins pseudo-littérale et moins simpliste des textes
bibliques. Sa vocation est davantage ad intra (éduquer les foules évangéliques et les
sensibiliser à l’épistémologie scientifique) qu’ad extra (entrisme intellectuel et lobby
conservateur à la mode américaine).

Des positions anti-évolutionnistes


L’association « Au commencement » (aucommencement.net) illustre les
approches évangéliques fondamentalement anti-évolutionnistes rencontrées
en France. Créée en 1998 et présidée depuis sa création par André Eggen,
généticien (voir l’encadré ci-dessous), cette structure présente ses activités
ainsi : « Nous vous proposons des sujets de réflexion qui remettent en
question le point de vue conventionnel de l’origine de l’univers, de la vie et
de l’homme. Dans la plupart des établissements scolaires, des magazines
scientifiques et des films documentaires, c’est uniquement la théorie de
l’évolution qui est présentée. Notre but est de faire connaître le point de vue
créationniste, qui est basé sur le texte de la Genèse et sur les observations
scientifiques. »(595) Eggen milite pour un créationnisme scientifique « Terre
jeune » selon lequel, rappelons-le, la théorie de l’évolution est un mensonge
institutionnalisé, l’âge de la Terre est de l’ordre de 6 000 ans et les espèces
ont été créées par Dieu telles qu’elles sont observables aujourd’hui. Il
utilise sa légitimité de chercheur pour mystifier un public « en quête de
sens », notamment en mélangeant sans vergogne science et croyances
personnelles, comme l’illustre l’interview donnée à la puissante structure
créationniste américaine Answers in Genesis(596) : « En tant que
créationniste, je trouve fascinant d’étudier ce que Dieu a réalisé en six
jours, particulièrement dans ma thématique, la génétique. Je trouve
merveilleux de découvrir comment Dieu a utilisé le code génétique pour
coder la vie. » À la manière d’un pasteur (mais avec l’étiquette de
généticien), il invite le public à lire la Bible avec lui, comme ce fut le cas
lors d’une série de conférences données à Nice le 18 octobre 2008(597).
Notons que les thèses de Berthault sont largement exploitées par les
membres de l’association dans leurs « démonstrations » en faveur de la
Création et du Déluge.
André Eggen et l'association « Au commencement » selon Sébastien Fath
La position d'André Eggen est celle d'un petit « marché de niche ». À l'intérieur de la
mouvance évangélique française, il s'adresse à une clientèle créationniste stricte très
minoritaire, mais soudée. Sa position n'est pas représentative, car extrême. Aux
États-Unis, elle serait davantage mainstream chez les évangéliques, mais ce n'est
pas le cas en France. Néanmoins, elle suscite une adhésion réelle de la part de
certains cercles biblicistes conservateurs français ; au-delà de ce noyau, elle peut
aussi susciter une certaine sympathie plus large, d'autant qu’elle a pour elle un
simplisme de bon aloi pour des chrétiens souvent tentés par l’anti-intellectualisme.
Cependant, elle ne rallie nullement la majorité des évangéliques français, qui s’en
méfient et ne se reconnaissent pas dans cette approche.

La diffusion des idées évangéliques en France


Les divers courants observés au sein des évangéliques français sont
valorisés notamment sur le site Top Chrétien (topchretien. jesus.net), créé à
la fin des années 1990. Celui-ci s’appuie sur l’association Top Mission(598) et
serait « le portail chrétien le plus visité en francophonie, avec près de 1,2
million de visites et plus de 6 millions de pages vues chaque mois, les
visiteurs provenant de 180 pays différents »(599). De nombreuses ressources
(textes, enregistrements audio, vidéos, etc.) sont proposées et ce qui
concerne les relations science et foi apparaît plus particulièrement sous la
plume du journaliste Paul Ohlott, administrateur du site et de la newsletter,
et présentateur d’un flash info hebdomadaire pour un collectif d’une
trentaine de radios(600). Ohlott est également le fondateur et le rédacteur en
chef du site Actuchrétienne.net « qui attire plus de 100 000 visites par
mois »(601) et il coanime l’émission télévisée « ZeMag » diffusée sur
plusieurs chaînes, en France et dans des pays africains(602). Bien qu’Ohlott
valorise l’actualité de toutes les tendances créationnistes (acceptant ou non
l’évolution), sa ligne rédactionnelle est résolument antidarwinienne, voire
anti-évolutionniste(603). Régulièrement, il dénonce l’« autoritarisme de
l’évolutionnisme », et prend pour cible les médias (par exemple, Le Nouvel
Observateur, Marianne, France 5(604), etc.) accusés de « lavage de cerveau »
en imposant la théorie de l’évolution et en rejetant les points de vue
créationnistes(605). Toujours à propos des médias, Ohlott considère que
« l’éradication du créationnisme, sous toutes ses formes, est un devoir
auquel ils [les médias] se soumettent religieusement »(606).
Par ailleurs, Ohlott s’est engagé politiquement au sein du Parti
républicain chrétien (PRC, prc-france.org) dont il est conseiller national et
directeur de la communication. Ce parti, créé en 2005 et présidé par Patrick
Giovannoni, est une petite formation politique proche des communautés
évangéliques qui choisit « ouvertement de défendre les valeurs judéo-
chrétiennes, en affirmant que l’Évangile est le recueil le plus achevé des
droits et des devoirs de l’Homme ». Ce mélange entre ce qui relève du
champ politique et de la croyance ouvre immédiatement des portes à des
prises de position contraires à la laïcité, notamment en ce qui concerne
l’enseignement. À l’instar des détracteurs d’un enseignement laïque, le PRC
reprend à son compte l’argument de la liberté d’enseignement et défend
ainsi la doctrine du dessein intelligent en tant qu’alternative à la théorie de
l’évolution dans l’enseignement : « Il n’est pas ici question de démontrer la
supériorité d’une théorie sur une autre, mais de proposer que les deux
soient explorées à égalité, et sans préjugé, par les scientifiques. Dans le
même esprit, le PRC, particulièrement attaché à combattre la pensée
unique, source de cloisonnement des esprits, souhaite que les deux
approches soient enseignées, en dehors de toute connotation religieuse,
dans les écoles ou les collèges, au nom de la liberté d’enseignement. »(607)
Au terme de ce panorama des positions évangéliques françaises vis-à-vis
de l’évolution, il apparaît que la situation est bien différente de celle des
États-Unis, puisque les positions anti-évolutionnistes sont minoritaires, bien
qu’elles soient représentées et diffusées sur des sites du réseau évangélique
francophone. Quant aux efforts entrepris par les mouvances comme le
portail Science et foi ou le Réseau des scientifiques évangéliques pour lutter
contre des positions strictement antiévolutionnistes (véhiculées, par
exemple, par l’association « Au commencement »), ils pourraient être
considérés comme salutaires. Pourtant, comme nous l’avons déjà évoqué et
comme nous le verrons plus longuement dans le chapitre 4, ces initiatives
inspirées par la John Templeton Foundation ou par d’autres structures liées
à cette fondation, s’inscrivent dans une démarche de type spiritualisme
englobant qui cherche à brouiller la frontière entre science et croyance pour
promouvoir la religion.

Les Témoins de Jéhovah

Une association cultuelle prosélyte


Les Témoins de Jéhovah bénéficient, en France, du statut d’association
cultuelle(608). Dans Les Religions(609), l’encyclopédiste Michel Malherbe
présente ainsi leur mouvement : « Chrétien par sa référence à Jésus-Christ
et son enracinement dans la Bible, le mouvement des Témoins de Jéhovah
présente tant de particularités qu’il est généralement considéré comme une
religion à part, que certains accusent de pratiques sectaires ou de
manipulations mentales. »(610) Né d’une scission avec le courant adventiste
du protestantisme, ce mouvement apparaît en 1879. Son poids en France est
non négligeable, aussi bien par le nombre de membres annoncés que par le
prosélytisme dont ces derniers font preuve.
De par son organisation qui fait remonter les informations depuis les
congrégations locales jusqu’au quartier général du mouvement aux États-
Unis(611), ce mouvement a la particularité de proposer un décompte précis de
ses membres dans le monde entier : 115 000 membres actifs en 1942, 2,5
millions en 1983, 5,2 millions en 1995, 6,9 millions en 2007 et 7,5 millions
en 2011. Ce développement apparemment important s’explique en
particulier par le prosélytisme intensif de ses membres(612). Qui n’a jamais
reçu la visite à son domicile de Témoins de Jéhovah (toujours à deux) venus
exposer leur croyance en Jéhovah (Dieu) ? Chaque visite est également
l’occasion de diffuser une riche documentation. Le mouvement édite en
effet de nombreux documents dont deux revues mensuelles : La Tour de
garde et Réveillez-vous, toutes deux publiées dans des dizaines de langues
et diffusées à des millions d’exemplaires. En France, environ 200 000
fidèles se réuniraient régulièrement dans un millier de lieux de culte,
répartis en métropole et en outre-mer(613).
Des livres et revues créationnistes largement diffusés
Les Témoins de Jéhovah prennent pour cible la théorie darwinienne de
l’évolution dans plusieurs publications comme le livre La Vie : comment
est-elle apparue ? Évolution ou Création ? Sa première édition date de
1985, mais il est régulièrement réédité. Dans le numéro d’août 2007 de
Réveillez-vous, la quatrième de couverture invite à le commander
gratuitement, en mettant en avant son utilité pédagogique, via le discours
qu’aurait tenu une directrice d’école en Estonie : « J’ai été impressionnée
par la clarté des arguments scientifiques en faveur de la Création. Ce
manuel est objectif et contient des illustrations magnifiques. Nous sommes
impatients de l’utiliser en classe. » Le livre tente de répondre aux questions
« Que dit la Genèse ? », « La vie est-elle apparue par hasard ? » et
« Pourquoi tant de gens croient-ils à l’évolution ? ».
En 2010, les Témoins de Jéhovah éditent deux brochures de 32 pages
chacune : La Vie a-t-elle été créée ? et Cinq questions à se poser sur
l’origine de la vie. Cette dernière « expose quelques-unes des raisons qui
ont incité beaucoup de personnes à croire que la vie a été créée ». Les cinq
questions sont : « Comment la vie a-t-elle commencé ? », « Existe-t-il
vraiment une forme de vie simple ? », « D’où sont venues les
instructions ? », « Toutes les formes de vie ont-elles un ancêtre commun ? »
et « Est-il bien raisonnable de croire en la Bible ? » Dans l’introduction,
intitulée « Dilemme pour un élève », l’enseignement est encore en ligne de
mire et la rhétorique « classique » du « traitement équilibré » est utilisée :
« Ne pensez-vous pas qu’ils [les élèves] doivent absolument se forger leur
propre opinion ? Il leur faut examiner les arguments en faveur de
l’évolution et ceux en faveur de la Création, puis décider par eux-mêmes
lesquels ils acceptent. »
À grand renfort de citations scientifiques tronquées ou hors de leur
contexte, de propos de chercheurs spiritualistes et de citations de la Bible,
tous les documents produits par les Témoins de Jéhovah prétendent que la
Bible est scientifiquement et historiquement exacte. Bien qu’ils insistent sur
l’absence de contradiction entre la science et la Bible, les Témoins de
Jéhovah admettent tout de même une contradiction entre « la science et les
croyances des chrétiens fondamentalistes »(614) car ils veulent se démarquer
du créationnisme scientifique « Terre jeune » avec lequel ils se disent « en
désaccord » : « À la différence des allégations de certains fondamentalistes
religieux, la Genèse n’enseigne pas que l’Univers, y compris la Terre et tout
ce qui y vit, a été créé sur une courte période et dans un passé relativement
proche. Au contraire, des aspects de ce qu’elle dit sur la création de
l’Univers et l’apparition de la vie sur la Terre s’accordent avec bon nombre
de découvertes scientifiques récentes. »(615) Ils n’en sont pas moins
fondamentalistes puisqu’ils embrassent un créationnisme scientifique
« Terre ancienne » opposé à l’évolution : « Par Création, nous entendons
que l’apparition des formes de vie ne peut s’expliquer que par l’existence
d’un Dieu tout puissant qui a conçu et formé l’univers ainsi que toutes les
grandes espèces vivantes sur terre. »(616) Les Témoins de Jéhovah sont très
friands des arguments émanant du dessein intelligent — de l’irréductible
complexité à la perfection apparente des phénomènes physiques, des
organismes, des organes, des cellules, etc. - et ils citent donc abondamment
les principaux IDers, tel le biochimiste Michael Behe, pour prouver que le
monde a bien été créé par Dieu. Cela ne les empêche pas de critiquer le
mouvement du dessein intelligent, en particulier pour son refus de nommer
explicitement Jéhovah. Chaque mois dans la revue Réveillez-vous, une page
présente un exemple biologique de système « complexe » pour répondre à
la question « Hasard ou conception ? » et conclure à la nécessité d’un
concepteur (Jéhovah) pour expliquer la complexité et la perfection du
monde vivant. Par exemple, dans le numéro de mars 2011, c’est la « tarière
de la guêpe perce-bois » qui est présentée avec l’interrogation suivante :
« Est-elle apparue par hasard ? Ou a-t-elle été conçue ? ».
Chapitre 4

Convergences et stratégies de communication des


mouvements créationnistes
Quelles que soient les positions qu’ils défendent, les mouvements
créationnistes utilisent les mêmes stratégies de communication pour faire
entendre leur discours. Celles-ci s’appuient sur des impostures
intellectuelles rhétoriques et épistémologiques destinées à abuser leur
public. En effet, les créationnistes feignent de se placer sur le terrain
scientifique afin de légitimer leurs positions, tout en critiquant les théories
scientifiques qui ne leur conviennent pas, à l’aide d’arguments
épistémologiquement invalides ou relevant de sophismes. Les médias,
volontairement ou non, diffusent largement leurs positions. Dans ce
chapitre, nous illustrerons tout d’abord les stratégies les plus classiques
communes à tous les créationnismes. Puis, à l’extrémité du spectre des
créationnismes, nous analyserons plus particulièrement les objectifs réels
visés par les structures qui en appellent à un dialogue entre science et
religion, ainsi que les stratégies sophistiquées qu’elles mettent en œuvre.
Insistons d’ores et déjà sur le fait que, sur le volet consacré au dialogue,
notre propos concerne les initiatives qui, sous couvert de ce dialogue,
détournent volontairement la démarche scientifique pour que la science
réponde à des questions qui sont hors de son champ de compétence. Les
initiatives individuelles de dialogue — c’est-à-dire entre personnes et non
entre domaines de compétences — relèvent quant à elles de la liberté de
chacun et il n’est absolument pas question de remettre en cause cette liberté.

Des stratégies rhétoriques et médiatiques

À l’automne 2009, la revue Nexus(617) publie un dossier intitulé


« Darwin : le dogme prend l’eau »(618). Dans une interview, le biochimiste et
généticien Jean-François Moreel (intervenant dans des événements du CEP
et du CESHE, voir chapitre 3) dénonce une mainmise idéologique du
darwinisme : « En contrôlant tout à la fois le financement des recherches et
la communication scientifique, les institutions darwiniennes exercent une
double censure inquisitrice. En amont, elles empêchent l’exploitation des
données mettant en évidence les mécanismes réellement responsables des
équilibres entre populations et ressources […]. En aval, […], elles ne
diffusent que leur vision de la prédation et les dernières “avancées” d’une
science entièrement vouée à l’illustration de la sélection des plus aptes et
servant la propagande de cette culture de mort que nous proposent ses
partisans. » S’appuyant sur le manque de culture scientifique des lecteurs
— depuis la compréhension de la façon dont la science se fabrique jusqu’au
contenu des théories scientifiques -, Moreel pratique le « jeu de la victime »
et caricature la théorie darwinienne de l’évolution. Ce type de propos fait
appel à l’émotion du lecteur pour mieux le manipuler et endormir son esprit
critique.
Cet exemple n’est qu’un aperçu des nombreuses impostures rhétoriques
et épistémologiques utilisées par les créationnistes pour diffuser leurs
positions, comme nous allons le voir.
Sophismes en tous genres
Les sophismes sont des raisonnements qui ne sont logiques qu’en
apparence. Lorsque ce type de raisonnement est proposé de manière non
intentionnelle, on parle plutôt de paralogisme. Dans les deux cas, le résultat
est le même : induire en erreur le lecteur ou l’auditeur. Sophismes et
paralogismes sont très nombreux dans les discours des créationnistes. À
travers quelques exemples, l’objectif ici est de décrypter des techniques de
langage destinées à manipuler autrui lorsqu’il est question des rapports
entre science et religion(619).
Le « faux dilemme » consiste par exemple à proposer une alternative
non équilibrée. L’ensemble du spectre des autres possibilités est
volontairement omis afin d’orienter le choix. Ainsi Jean Staune oppose,
dans l’introduction de son livre Au-delà de Darwin(620), la vision de Jacques
Monod et celle de Teilhard de Chardin concernant l’origine de l’espèce
humaine. La pensée de Monod est présentée ainsi : nous serions « de
“glorieux accidents”, le résultat incroyablement chanceux d’un processus
aveugle et aléatoire qui, sur la troisième planète d’un système solaire, a,
par une incroyable série d’heureuses coïncidences, pu mener jusqu’à des
êtres suffisamment évolués pour être pourvus de conscience et réfléchir sur
le sens de leur existence ? » Compte tenu de la caricature qui est faite de la
notion de « hasard » et de la théorie darwinienne de l’évolution, il est
difficile de ne pas préférer l’option finaliste de Teilhard de Chardin selon
laquelle « une croissance continue de la complexité vers des formes de vie
de plus en plus élaborées » serait un processus inéluctable inscrit dans les
« lois de l’Univers » (concernant la pensée de Teilhard de Chardin, voir
chapitre 1). Voilà un bel exemple de « faux dilemme ».
Avec la « pétition de principe », ce qui peut ressembler à une
démonstration comprend en son cœur l’acceptation de la conclusion ou n’a
de sens qu’en acceptant déjà cette conclusion. Ainsi, Trinh Xuan Thuan
affirme dans Le Point(621) : « On ne peut que s’étonner de voir que l’Univers
a été parfaitement réglé dès son début en fonction d’une quinzaine de
nombres dits “constantes physiques” comme la gravitation. » L’affirmation
d’un « réglage initial de l’univers » implique que quelqu’un ou quelque
chose est intervenu et impose au lecteur un point de vue spiritualiste, tout
en feignant de s’en étonner.
Lorsqu’une discussion s’engage sur un sujet donné, un stratagème
rhétorique consiste à orienter le débat dans une autre direction ou sur
d’autres problèmes et questions de façon à détourner le débat de la
discussion initiale. On parle de stratégie du « hareng fumé »(622). Elle s’avère
particulièrement efficace à l’oral, comme nous avons pu le constater à
l’occasion d’une conférence-débat(623) sur les offensives créationnistes en
tant que problème de société. Pendant cet échange, deux personnes(*) ont
monopolisé le débat en posant systématiquement des questions (floues,
ambiguës, extrêmement vastes, car sans définition des termes…) portant sur
le contenu de la théorie darwinienne de l’évolution elle-même : « On n’a
jamais pu prouver la macroévolution », « On n’a jamais trouvé les chaînons
manquants censés prouver l’évolution », etc. Au final, l’objet initial du
débat n’a pratiquement pas été développé et l’intervenant a passé son temps
à déconstruire les pseudo-arguments avancés. Forts de cette expérience,
nous avons demandé au paléontologue Philippe Janvier quelques éclairages
sur des arguments fréquemment avancés par les créationnistes scientifiques
à l’encontre de la théorie darwinienne de l’évolution (voir l’entretien ci-
dessous).
RÉPONSES À QUELQUES AFFIRMATIONS ANTI-ÉVOLUTIONNISTES
Entretien avec Philippe Janvier(**)

- Les créationnistes dits scientifiques opposent des critiques récurrentes à


l’encontre de la théorie de l’évolution. Que répondez-vous aux trois
affirmations anti-évolutionnistes suivantes ?
• 1re affirmation : « La théorie de l’évolution n’est pas scientifique, car, faute de
machine à remonter le temps, nous ne pouvons pas la vérifier. »
– Nous n’avons pas de machine à remonter le temps. En revanche, nous avons trois
sources de mémoire de l’histoire du vivant dans le temps qui se fondent, en partie,
sur des lois physiques connues. Les deux premières sont les datations absolues et
les fossiles. Les datations absolues(624) sont corrélées avec une échelle relative(625)
fondée sur la succession des fossiles, progressivement affinée depuis près de deux
siècles. La troisième source de données est fournie par le rythme des mutations au
sein du génome (horloge moléculaire(626)) et elle fournit des données empiriquement
assez cohérentes avec les deux autres sources de mesure de la chronologie de
l’histoire du vivant déjà citées.
• 2e affirmation : « On peut observer la microévolution (changements qui s’opèrent au
sein d’une même espèce), mais les évolutionnistes n’ont jamais démontré la
macroévolution (formation d’espèces nouvelles et apparition de nouveaux types
structuraux). »
– Je pense que la distinction entre macro- et microévolution est relativement
arbitraire. Ce qui différencie ces deux termes est la prise en compte d’échelles de
temps différentes. En définitive, il y a l’évolution tout court, telle que Darwin en a
proposé un cadre théorique qui ne cesse de s’étoffer, s’affiner, se compléter au gré
des recherches et des débats scientifiques qui occupent les chercheurs depuis plus
de cent cinquante ans.
• 3e affirmation : « On n’a jamais découvert de chaînons manquants qui témoignent
de l’évolution. »
– Les fameux « chaînons manquants » - qu’il faut mieux nommer « intermédiaires
structuraux »(*) - sont condamnés à rester des organismes théoriques, définis
comme une mosaïque de caractères anatomiques et/ou génétiques, sur la base du
principe de parcimonie. Certains fossiles peuvent éventuellement approcher de très
près ces ancêtres hypothétiques, si l’on fait abstraction des caractères uniques que
présentent ces fossiles. L'Archaeopteryx, dont les premiers fossiles(627) ont été
découverts du temps de Darwin, a illustré pendant de nombreuses décennies ces
débats. Oiseau pour certains, dinosaure pour d’autres, il est désormais considéré
comme un « chaînon manquant » entre les dinosaures et les oiseaux, car il présente
une mosaïque ou un assemblage de caractères de chacun de ces deux groupes.
Pourtant, l’Archaeopteryx n’est pas l’ancêtre direct des oiseaux modernes : il est le
représentant d’une branche parallèle qui illustre un intermédiaire structural (ou forme
de transition) entre les dinosaures théropodes(628) et les oiseaux actuels. En
définitive, les découvertes de fossiles en paléontologie depuis deux siècles ont
permis d’identifier de nombreux intermédiaires structuraux qui participent à la
compréhension de l’évolution du monde vivant.

Impostures épistémologiques
Aux impostures rhétoriques sont souvent couplées des impostures
épistémologiques. Mimer la science et la travestir est un jeu ambivalent
auquel se livrent les créationnistes lorsqu’ils tentent de décrédibiliser ou
relativiser la science et ses méthodes, tout en se plaçant sur le terrain
scientifique pour mieux imposer leurs croyances. Par exemple, ils remettent
en cause les théories scientifiques en invoquant le scepticisme scientifique
(voir la préface de Guillaume Lecointre) et donc le doute, qu’ils
transforment en appel à la tolérance ou à la liberté d’expression. Leur
discours consiste alors à faire comme si les connaissances scientifiques
étaient assimilables à des dogmes, tout en omettant de préciser que leurs
propres propositions ne relèvent pas de la méthodologie scientifique.
Parallèlement, ils profitent du manque de culture scientifique du public,
que ce soit en le noyant sous un vocabulaire scientifique spécialisé, pour
impressionner et gagner en crédibilité, ou bien en utilisant des termes dont
les connotations marquées dans le langage courant permettent de les
caricaturer dans le contexte scientifique. C’est le cas par exemple avec les
notions de théorie, de hasard ou de matérialisme. Les créationnistes
pratiquent largement la caricature de théorie, aussi appelée « stratégie de
l’épouvantail » ou de « mise à feu d’un homme de paille »(629). Cette
manipulation consiste à « travestir d’abord la position de son interlocuteur
de façon volontairement erronée et facile à réfuter puis détruire cet
épouvantail en prétendant ensuite avoir réfuté la position de
l’interlocuteur »(630). Ainsi dans l’introduction du dossier « Darwin : le
dogme prend l’eau » de la revue Nexus(631), on lit que « ce qui est formidable
avec la sélection par le hasard au profit du plus apte, c’est qu’on ne cesse
d’en percevoir les manifestations, au quotidien, dans ce système politique et
économique où compétition et prédation font rage ». Après une telle
présentation inepte, les préjugés négatifs entourant la théorie conditionnent
largement son rejet par le lecteur. Dans le même registre, Jean-François
Moreel, interviewé dans ce dossier(632), affirme à propos de l’évolution que
la génétique des populations amène à constater « une amélioration des
espèces par élimination et remplacement des héréditairement inadaptés ». Il
ajoute : « Dans cette optique, si le bourgeois s’enrichit, c’est parce que ses
gènes le lui permettent et il est bon pour l’espèce qu’il les transmette.
Comment s’en étonner puisque les évolutionnistes ont presque tous eu, au
moins jusqu’au milieu du XXe siècle, des idées proches de l’eugénisme et des
“solutions finales” ? »(*)
L’appel à l’autorité permet de s’affranchir du respect de la démarche
scientifique (corroboration des résultats, matérialisme méthodologique, etc.)
pour asséner des opinions hors du champ de la science en tentant de les
faire passer pour scientifiques. Certains arguments d’autorité reposent sur
des publications dans des revues d’instituts qui sont ou qui peuvent sembler
prestigieuses aux yeux d’un public non averti. Les créationnistes tentent de
faire croire qu’ils ont une théorie scientifique alternative à proposer. Tassot
évoque ainsi les travaux de Guy Berthault en sédimentologie : « Guy
Berthault a signé un contrat de recherche avec l’Institut d’hydrologie de
Saint-Pétersbourg [en 2006]. Là, les choses ont basculé. C’est très
important pour nous parce que même s’il est de bon ton de dire que ce qui
compte dans les sciences, c’est la cohérence du raisonnement, la conformité
aux faits, pour beaucoup de gens, ce qui compte, c’est de savoir si ça a été
approuvé par les gens du métier. »(633) Rappelons que les deux publications
de ce sédimentologue amateur dans les Comptes rendus de l’Académie des
sciences (CRAS) en 1986 et 1988 ont déjà été largement utilisées par les
créationnistes scientifiques du monde entier pour donner une caution
« scientifique » au Déluge (voir chapitre 3). Les problèmes posés sont
multiples. Il est nécessaire de s’interroger sur le contenu réel des
publications citées. De surcroît, même une revue reconnue n’est pas à l’abri
de publier des résultats erronés, orientés ou falsifiés. Le principe de
corroboration des résultats est là encore essentiel pour juger de la pertinence
des positions mises en avant.
Dans le même registre de l’argument d’autorité, la validité d’un discours
est mesurée à l’aune des titres des intervenants. Par exemple, lors des
colloques qu’elle organise, l’Université interdisciplinaire de Paris (UIP)
exhibe fièrement des chercheurs nobelisés. Parmi ces derniers, comme chez
d’autres scientifiques invités, certains s’expriment en dehors de leurs
domaines de recherche et d’autres confondent leur quête métaphysique ou
leur croyance personnelle avec leur activité de recherche et la démarche
scientifique. Toujours est-il que les intervenants et le contenu des
interventions de ces colloques sont ensuite repris comme références par les
créationnistes de tous les horizons. Ainsi, Mohammed Keskas, professeur
agrégé de biologie-géologie, met en avant un colloque de l’UIP qui s’est
tenu en mai 1997 à Paris dans son ouvrage La Théorie de Darwin. Le
hasard impossible, la théorie de l’évolution des êtres vivants analysée par
un croyant(634). Il précise que de nombreux prix Nobel de médecine, de
physique et de biologie y participaient et que « la plupart reconnaissaient la
présence de Dieu et son intervention dans le commandement de l’Univers.
Au cours de cette journée, madame Dambricourt [voir chapitre 3], chargée
de recherche au CNRS, a fait un exposé à donner froid dans le dos aux
évolutionnistes ! […] Preuves à l’appui, elle a montré que l’évolution de
l’homme est quelque chose de guidé, de préparé et de parfaitement calculé.
Selon elle, la théorie de Darwin sera avalée, comme la physique
newtonienne a été avalée par la relativité d’Einstein. » Ce ne sont pas les
arguments scientifiques qui comptent, mais bien le fait que les invités soient
chercheurs dans un organisme de recherche renommé comme le CNRS,
soient des prix Nobel, des académiciens des sciences…
Sur le terrain de l’idéologie et des valeurs
Depuis cent cinquante ans, les créationnistes n’ont de cesse d’assimiler
la théorie darwinienne de l’évolution à une idéologie et de déplacer la
discussion de cette théorie depuis le cadre scientifique vers le terrain des
valeurs. Ces amalgames sont susceptibles de se retrouver dans les propos de
tous les créationnistes, depuis les littéralistes jusqu’aux partisans
spiritualistes d’une évolution non darwinienne.
Patrice de Plunkett(635), journaliste qui se revendique catholique(636) et
promeut des positions antidarwiniennes de l’UIP(637), écrit ceci pour justifier
les prises de position du cardinal Schönborn (voir chapitre 3), partisan du
dessein intelligent : « Ce qu’il conteste, c’est un a priori : ce qu’on appelle
aujourd’hui le “darwinisme”, qui plaque une certaine idéologie sur le fait
de l’évolution. Cette idéologie prétend tout expliquer par le hasard et la
sélection naturelle. Elle prétend notamment expliquer ainsi le phénomène
humain. Or ce que l’humain a en propre (l’éthique, l’individualité,
l’aptitude à contester les normes du groupe social, la capacité aux pires
cruautés et aux générosités surprenantes, etc.) ne peut pas être le produit de
nos origines animales. Une fois cela compris, la mise en cause du
“darwinisme” actuel (en tant qu’idéologie) devient concevable, sinon
légitime. »(638) Les créationnistes évoquent ainsi des considérations morales
et sociales pour discuter de la validité d’une théorie scientifique.
Ce qui les dérange particulièrement est la place attribuée à l’espèce
humaine qui, d’un point de vue biologique, n’a pas de position particulière
dans le règne animal. Selon eux, nier le statut « spécial » de l’humain créé à
l’image de Dieu revient à lui enlever toute morale, comme l’illustre
parfaitement Keskas : « Dans des revues non spécialisées ou dans des
documentaires télévisés, vous entendez encore les commentateurs parler de
“nos cousins les singes”. Effectivement, beaucoup se complaisent à
reconnaître que l’homme n’est qu’un singe modifié, un animal comme un
autre ; de là, il est légitime de vivre selon son instinct, ses impulsions et ses
envies, sans aucune contrainte morale ni religieuse. »(639) La confusion des
discours à deux niveaux est nette. Tout d’abord, il assimile un résultat
scientifique — ici le fait que l’espèce humaine et les singes ont un ancêtre
commun — à des valeurs qui régissent notre manière de vivre en société.
Puis il compare son interprétation à ce que lui dicte sa foi personnelle.
Les créationnistes n’hésitent pas, intentionnellement ou par ignorance, à
faire passer la théorie darwinienne de l’évolution pour une idéologie
matérialiste et à la rendre responsable de la perte de valeurs, du racisme, du
nazisme, du communisme. Il s’agit d’une stratégie dite de « déshonneur par
association » qui est particulièrement efficace face à un public non averti, et
qui s’appuie sur des raisonnements simplistes. Toutes ces positions reposent
sur l’assimilation abusive de la théorie scientifique issue des travaux de
Darwin à certaines idéologies qui l’ont récupérée pour justifier de manière
prétendument scientifique des idées politiques, économiques et sociales,
notamment le spencérisme et l’eugénisme (voir chapitre 1).
Ainsi, Anne Dambricourt-Malassé (présentée dans le chapitre 3) remet
en cause la validité d’une théorie scientifique sur la foi de considérations
morales et politiques lorsqu’elle affirme que les membres de l’UIP
« s’expriment pour ne pas oublier qu’un être humain existe au-delà de la
blouse, au-delà des numéros tatoués sur la matière humaine, la peau des
enfants et des femmes dans les camps de la mort. Ils parlent pour dénoncer
l’idéal matérialiste prométhéen, matérialiste néodarwinien qui réduit l’être
humain à sa condition physiologique, sans conscience réflexive ». Elle
explique qu’il est nécessaire de dénoncer ce qu’elle qualifie « d’imposture
intellectuelle du matérialisme » et de communiquer autour des différences
entre « scientisme et science » et entre « néodarwinisme et évolution ». Elle
parle ensuite de libérer les consciences « livrées à elles-mêmes depuis trop
longtemps, abandonnées à une solitude par une idéologie qui ne se justifie
que par le combat, un nouveau Mein Kampf, à bien y regarder »(640). Cette
citation choquante se passe de commentaire.
Autre exemple : la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (voir chapitre 3)
organise le 15 novembre 2007, à l’église Saint-Nicolas du Chardonnet, une
conférence intitulée « L’évolutionnisme, poison universel ». Sur l’affiche de
présentation, on voit Darwin placé à côté d’un autre personnage considéré
comme responsable de la « désacralisation de l’homme », Freud, mais aussi
le « mal incarné », représenté par Lénine, Staline, Hitler et le chanteur
Marilyn Manson. Cette diabolisation de la théorie darwinienne de
l’évolution n’a pas de frontière confessionnelle puisqu’un forum catholique
intégriste (foicatholique.cultureforum.net) sur lequel la conférence ci-
dessus était annoncée renvoie également vers un site de Harun Yahya
(mensonge-delevolution.com) déclarant, entre autres, qu’« aujourd’hui, on
compte plusieurs organisations terroristes agissant aux quatre coins du
monde. Elles se composent en majorité de militants, ayant reçu une
éducation darwiniste-matérialiste. Loin de toute morale religieuse,
transformés en criminels sanglants, ils supposent qu’ils ne rendront jamais
compte de leurs actes ou ne seront jamais punis. C’est la raison pour
laquelle le darwinisme constitue une grande menace pour l’humanité ».
La recherche d’une caution médiatique
Les créationnistes, plutôt que de respecter les règles en vigueur pour
l’obtention et la validation des résultats scientifiques, usent de tous les
moyens médiatiques disponibles pour diffuser leurs idées auprès d’un large
public. Dans le même temps, de nombreux médias présentent,
volontairement ou naïvement, des points de vue créationnistes et des
résultats scientifiques comme s’ils se valaient et pouvaient prétendre à la
même légitimité.
Des ouvrages rédigés par des scientifiques propagent l’idée d’un
concepteur intelligent. C’est le cas du livre Le Programme homme de Pierre
Rabischong(641), doyen honoraire de la faculté de médecine de Montpellier,
qui vise à « montrer que l’apparition spontanée de la vie, son maintien et
son développement en une multitude de formes variées, ne peut se
concevoir sans l’intervention extérieure d’un “constructeur intelligent et
compétent” sur le plan de la technologie du vivant ». Cette position est hors
du champ scientifique, mais les créationnistes ne manquent pas ensuite de
la promouvoir, forts de l’autorité conférée par les titres et les diplômes de
l’auteur. De son côté, l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan valorise le
principe anthropique fort avec son étiquette de chercheur, dans les
nombreux médias qui l’invitent(642), laissant penser qu’il s’agit d’un résultat
scientifique. Autre exemple : celui d’Anne Dambricourt-Malassé, dont les
travaux ont fait l’objet d’un film documentaire intitulé Homo sapiens, une
nouvelle histoire de l’homme, diffusé en prime time le 29 octobre 2005 sur
Arte et qui a été vu par environ 1,3 million de téléspectateurs. Peu après la
diffusion, le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), qui
dépend du ministère de l’Éducation nationale, a conseillé aux enseignants
d’étudier la théorie proposée dans le film alors même que les interprétations
de Dambricourt-Malassé ne sont pas reconnues par la communauté
scientifique et relèvent du finalisme. La vigilance de certains chercheurs et
enseignants a permis la suppression de cette mise en avant sur le site du
CNDP.
La promotion de positions spiritualistes en science est aussi facilitée par
le pilotage de collections scientifiques chez des éditeurs bien diffusés,
comme l’illustre Jean Staune qui fut directeur de la collection « Le temps
des sciences » chez Fayard(643) et qui collabore désormais avec les Presses
de la Renaissance (voir chapitre 3). Relevons, entre autres, la publication
d’ouvrages de Trinh Xuan Thuan(644), Bernard d’Espagnat(645), Michael
Denton(646) ou Michael Behe(647). Tous les ouvrages publiés trouvent d’autant
plus facilement leur place chez de nombreux libraires que le public est
friand de lectures spiritualistes. Mais bien que ces derniers thèmes disposent
fréquemment de rayons dédiés, les ouvrages évoqués sont le plus souvent
vendus au rayon « sciences ». L’UIP parle d’ailleurs de la « preuve par la
FNAC »(648) comme si les livres vendus en librairie étaient représentatifs des
développements et des controverses de la science actuelle. L’image de la
science ainsi véhiculée auprès du grand public est bien celle d’une science
spiritualisée très éloignée de la démarche scientifique ! Exemple au titre
évocateur, l’ouvrage Le Monde s’est-il créé tout seul ?(649) est une
compilation d’entretiens réalisés par Patrice van Eersel, journaliste
spécialiste de l’ésotérisme, promoteur actif des idées diffusées par les
membres de l’UIP(650). On y retrouve Trinh Xuan Thuan, Jean-Marie Pelt ou
encore feu le prix Nobel Ilya Prigogine.
Avec Internet, la diffusion des idées créationnistes a pris un autre essor.
Les sites sont élaborés et peuvent attirer tous les publics, y compris les plus
jeunes. Il n’y a plus de frontière de langue et les sites créationnistes
étrangers en langue française sont nombreux : c’est le cas des dizaines de
sites de Harun Yahya (comme nous l’avons illustré au chapitre 2),
d’associations créationnistes américaines qui possèdent des moyens
considérables, comme Answers in Genesis (answersingenesis.org/fr pour la
version française), ou encore d’associations créationnistes francophones
créées à l’étranger, telles que l’Association pour la science créationniste au
Québec (creationnisme.ca). Les forums de discussions, qui se sont
multipliés ces dernières années, sont aussi l’occasion de toucher un large
public et d’asséner des « vérités » sur la science. Les sites de vidéos en
partage tels que DailyMotion(651) permettent également de mettre à
disposition de tous des vidéos ou des extraits d’émissions télévisuelles qui
circulent ainsi longtemps après leur diffusion, assurant une promotion
renouvelable à l’envi.

Le spiritualisme englobant : l’offensive de la John Templeton


Foundation

Comme nous l’avons vu chapitre 3, que ce soit les autorités catholiques,


l’UIP, le site évangélique Science et foi ou encore le Réseau des
scientifiques évangéliques, tous appellent à un dialogue entre science et
religion. La John Templeton Foundation (JTF) n’est jamais très loin, que ce
soit par son soutien financier ou par son influence en termes de contenu.
L’analyse des objectifs de cette fondation américaine est nécessaire pour
comprendre les réelles motivations qui se cachent derrière cette volonté de
dialogue. Il s’agit aussi de décrypter des stratégies sophistiquées qui
prétendent lutter contre les créationnismes fondamentalistes, mais qui
brouillent intentionnellement la frontière entre science et spiritualité pour
imposer dans la société des positions morales et religieuses.
Le prix Templeton : du « progrès de la religion » à la « découverte des
réalités spirituelles »
Le public français est peu familier des activités de la John Templeton
Foundation (JTF) et du prix Templeton qu’elle attribue depuis 1972.
Conformément au souhait de son instigateur, Sir John Templeton, ce prix
délivré tous les ans se veut un complément des prix Nobel, dans la mesure
où ces derniers ne concernent pas « les avancées dans le domaine
spirituel »(652). Attribué à « une personne vivante qui a réalisé une
contribution exceptionnelle confirmant la dimension spirituelle de la vie »,
le prix Templeton célèbre « la quête pour le progrès dans les efforts de
l’humanité à appréhender les multiples et diverses manifestations du
Divin ». Il s’agit de la récompense pécuniaire la plus élevée attribuée à un
individu par une organisation philanthropique : 1,32 million d’euros en
2012(653). Au regard de l’objectif du prix, il peut paraître étonnant que dix
scientifiques aient été récompensés durant les treize dernières années. À
chaque cérémonie de remise du prix, ces lauréats ponctuent leur discours
sur des avancées scientifiques récentes en physique ou en biologie de
références relatives à leurs positions métaphysiques personnelles, à la
religion, à la Bible, à un dialogue nécessaire entre science et religion, et à la
complémentarité de ces domaines(654). L’impact de cette confusion entre les
connaissances acquises par la démarche scientifique et des croyances
personnelles inquiète certains chercheurs comme Sean Carroll, physicien au
California Institute of Technology, qui constate que ce prix « donne aux
personnes de l’extérieur [au milieu de la recherche] l’idée que science et
religion se rassemblent et se rejoignent dans une réalité spirituelle
commune »(655).
Toute l’ambiguïté des activités de la JTF se trouve dans ces quelques
mots qui caractérisent un prix considéré par la fondation elle-même comme
la pierre angulaire de ses multiples programmes. Cette notion de « réalité
spirituelle » est révélatrice de la confusion entre science et spiritualité. Il
s’agirait d’une réalité située au-delà du monde physique dont la science
montre l’existence, mais à laquelle elle ne pourra jamais accéder, justifiant
ainsi une complémentarité nécessaire avec la religion(656). Cela correspond
aux objectifs de Templeton, pour qui « la nature entière révèle quelque
chose du Créateur. Et Dieu est lui-même de plus en plus révélé par
l’investigation humaine, pas seulement à travers les visions prophétiques ou
les Écritures, mais aussi à travers la recherche incroyablement productive
des scientifiques modernes »(657). Essayons de décrypter une stratégie
complexe qui consiste, selon le philosophe Anthony Grayling, à « tenter
d’emprunter la respectabilité, l’éclat, le sérieux, la crédibilité de la vraie
science pour son programme de défense de la religion »(658).
Avec un capital d’au moins 1,2 milliard d’euros(659), la JTF distribue
annuellement jusqu’à 51 millions d’euros(660) pour financer des prix, des
programmes de recherches, des bourses, des colloques et des publications,
avec un objectif qu’elle définit en 2012 de la manière suivante : « La
Fondation John Templeton est un catalyseur philanthropique pour les
découvertes liées aux grandes questions de la finalité humaine et de la
réalité ultime. Nous soutenons les recherches couvrant une variété de
sujets, depuis la complexité, l’évolution et l’infini, jusqu’à la créativité, le
pardon, l’amour et le libre arbitre. […] Notre vision provient de
l’optimisme de feu Sir John Templeton sur la possibilité d’acquérir “une
nouvelle information spirituelle” et de son engagement fort dans une
recherche scientifique rigoureuse et les bourses d’études associées. »(661)
La spécificité de la pensée de Templeton, qui va guider une partie de la
philosophie de son activité philanthropique ainsi que les controverses que
cela suscite aujourd’hui, réside dans la place qu’il accorde à la science pour
conforter sa théologie. La confusion entre démarche scientifique et
croyance est produite à plusieurs niveaux. C’est d’abord la capacité de la
science à progresser que Templeton prend pour modèle en espérant que « la
religion pourrait progresser au même titre que la médecine ou
d’astronomie »(662). Ensuite, il considère que « les découvertes scientifiques
peuvent être une mine d’or pour revitaliser la religion au XXIe siècle ».
Enfin, à travers ses activités philanthropiques(663), l’objectif principal de
Templeton est de « persuader les gens qu’avec une recherche scientifique
appropriée, il est finalement possible de faire des découvertes sur les
réalités spirituelles de telle manière que, d’ici un siècle, les humains en
connaîtront une centaine de fois plus sur la divinité et les principes
spirituels qu’aucun humain n’en a jamais su jusqu’à présent »(664). La
démarche scientifique est donc instrumentalisée pour lui faire répondre à
des questions théologiques afin de faire « progresser » la religion.
L’histoire du prix Templeton témoigne d’une stratégie visant à investir
peu à peu la communauté scientifique et à donner l’illusion au grand public
que « plus nous faisons de découvertes scientifiques, plus nous en
apprenons sur la spiritualité ». Tout d’abord attribué à des personnes dont
l’activité principale est d’ordre religieux (mère Teresa en 1973, frère Roger
en 1974, Billy Graham en 1982, Alexandre Soljenitsyne en 1983), le prix
Templeton récompense le cosmologiste Paul Davies en 1995 puis une
longue succession de physiciens prestigieux, de 2000 à 2011 (Freeman
Dyson en 2000, Georges Ellis en 2004, Charles Townes en 2005, Bernard
d’Espagnat en 2009)(*). Dans le même temps, le prix Templeton pour le
progrès en religion se transforme en 2004 en « prix Templeton pour le
progrès de la recherche ou des découvertes concernant les réalités
spirituelles » avant de finalement devenir, en 2009, simplement le prix
Templeton.
Cette nouvelle orientation de la vitrine de la JTF fait écho à la
reconfiguration des activités de la fondation initiée par l’astrophysicien
américain Charles L. Harper, diplômé de planétologie et de théologie, qui
devient le directeur exécutif de la JTF en 1996 et le reste jusqu’en 2009(665).
Au cours de cette période, les termes « religion », « Dieu », « réalités
spirituelles », ainsi que les citations trop explicites de Templeton sont soit
effacés, soit passés au second plan(666). L’évolution de la dénomination du
programme général impliquant les sciences naturelles, d’abord intitulé
« Information spirituelle à travers la science », puis « Science et religion »
pour devenir aujourd’hui « La science et les grandes questions », témoigne
de cette stratégie. Pour autant, cette communication destinée à séduire les
scientifiques ne modifie pas les objectifs initiaux du créateur de la JTF,
qu’Harper ne renie en rien : « Dans certains domaines, une recherche
scientifique de pointe et rigoureuse peut être soutenue et menée comme une
forme d’aventure de la recherche, importante d’un point de vue
théologique. »(667)
Si, depuis sa création en 1987, les activités de la JTF se limitaient
principalement à l’administration du prix Templeton, au financement de
cours de science et religion et d’ouvrages publiés aux éditions Templeton
Press, c’est sous l’administration de Harper que les activités se diversifient
fortement et que des programmes plus ambitieux sont entrepris. Des
dizaines de millions d’euros sont investies dans des activités revendiquant
le fait de s’interroger au moyen de la méthode scientifique sur les grandes
questions que se poserait l’espèce humaine, mais qui reposent surtout sur
des notions à large connotation religieuse, à la fois ambiguës et hors du
champ scientifique : amour, pardon, réalités spirituelles, finalité, sens, etc.
La frontière entre science et croyance est sans cesse brouillée, comme
l’illustre Harper lui-même, lorsqu’il évoque la recherche d’une théorie
unificatrice en physique également appelée « théorie du tout » : « Une
“théorie du tout” vraiment substantielle devrait aussi poser les “vraies
grandes questions”, que toute personne intelligente se pose à différents
niveaux, et qui relevaient traditionnellement du domaine de la religion et de
la philosophie. Est-ce que j’ai un but ? Est-ce que la mort est la fin ? Y a-t-
il une réalité ultime ? Y a-t-il un Dieu ? Qu’est-ce que l’amour ? »(668)
La mystification d’une nouvelle discipline « science et religion »
Que ce soit dans les sciences humaines ou en sciences naturelles,
beaucoup de programmes financés par la JTF sont largement teintés de
spiritualité et plus particulièrement de christianisme. C’est par exemple le
cas de l’Institut pour la recherche sur l’amour illimité, financé à hauteur de
6 millions d’euros en 2001, qui explique que « l’Amour Illimité est souvent
considéré comme une présence créatrice intégrale et sous-jacente à toute
réalité : la participation à l’amour illimité constitue l’expérience la plus
complète de la spiritualité » (unlimitedloveinstitute.org). Pour le prix Nobel
de chimie Harry Kroto, c’est « beaucoup d’argent gaspillé pour des idées
qui n’ont aucun sens »(669).
De même en sciences naturelles, où les résultats scientifiques actuels
ainsi que les thématiques de recherche sont utilisés pour justifier la
nécessité d’envisager la religion (généralement chrétienne, mais pas
seulement) comme une réponse complémentaire aux « grandes questions ».
Citons le programme Stars (Recherches approfondies sur la science et la
transcendance)(670) qui, pour plus de 2,2 millions d’euros (entre 2005 et
2009), propose très sobrement de financer « des recherches de petites
équipes interdisciplinaires de scientifiques, philosophes et de théologiens.
Cette recherche s’intéresse particulièrement aux questions concernant la
nature, l’individu et la signification de la réalité ultime ». Dans une
conférence d’apparence scientifique organisée dans le cadre de ce
programme et intitulée « Cosmologie, physique et la possibilité de la vie »,
les participants, physiciens, philosophes et théologiens combinent leurs
travaux scientifiques avec leurs croyances personnelles. Trinh Xuan
Thuan(*), également membre du conseil d’administration du programme(671),
engage une « discussion sur la manière dont les découvertes modernes en
physique et en astrophysique ont modifié notre vision de la réalité ultime »
en s’appuyant sur « les développements récents en cosmologie
astrophysique », avant de conclure que « bien que la science et le
bouddhisme aient des manières différentes d’appréhender la nature de la
réalité, ils se complètent plutôt qu’ils ne s’opposent ». Comme d’autres, ce
programme est révélateur du jeu d’équilibriste permanent auquel se livre la
JTF : financer des programmes dont les sujets suscitent de véritables
questionnements scientifiques et orienter le domaine de questionnement
vers des aspects théologiques présentés comme complémentaires.
Il est effectivement indéniable que, depuis la fin des années 1990, les
financements proposés par la JTF ont largement contribué à propager l’idée
que « la Fondation Templeton n’est pas un ennemi de la science »(672). Les
défenseurs de la JTF mettent en avant le fait qu’aucune pression n’est
exercée sur les chercheurs pour promouvoir la religion et qu’ils peuvent
mener leur recherche de manière complètement indépendante. Anthony
Aguirre, astrophysicien à l’université de Californie, dirige le deuxième
programme le mieux doté de la JTF sur les questions fondamentales de
l’origine de l’Univers, programme qu’il met en œuvre à l’Institut pour les
questions fondamentales (FQXi, fqxi.org). Il déclare que « les financements
que nous avons reçus n’ont jamais été liés à la religion en aucune façon, et
ils [la JTF] semblent parfaitement satisfaits de cela »(673). Cela relance la
question de savoir s’il y a une réelle évolution des programmes et des
objectifs de la JTF ou bien si le financement de ce type de programme sert
en fait de caution afin de crédibiliser ses autres activités qui sont, elles,
clairement liées à la religion.
Dans le même temps et toujours « sans pression », la JTF finance de fait
des programmes plus explicites. De 1996 à 2003, le programme « Science
et la quête spirituelle », auquel contribua l’UIP(674) et organisé par le Center
for Theology and the Natural Sciences soutenu financièrement par la
JTF(675), organise de nombreuses conférences dans des universités
prestigieuses et se donne pour mission d’« inviter des scientifiques réputés
à un dialogue, à travers des ateliers privés, sur les liens entre leurs
recherches scientifiques et leurs pratiques spirituelles »(676). Convié à des
conférences du programme, le physicien Steven Weinberg se montre
critique à l’encontre des organisateurs qui « souhaitent avoir une sorte de
réunion amicale d’intellectuels scientifiques et religieux, afin de redonner à
la religion un plus haut degré de respectabilité intellectuelle qu’elle n’en a
parmi la plupart des scientifiques »(677). Le programme « Science et religion
dans l’islam », financé à hauteur de 1,2 million d’euros et porté par Jean
Staune et Bruno Guiderdoni de 2004 à 2007(678), et dans son prolongement
le programme « Science et islam : une approche éducative » de 2011 à 2014
(voir chapitre 3), montrent par ailleurs que l’influence de la JTF ne se limite
pas aux seuls pays anglo-saxons et au seul christianisme.
Au-delà de la mise en exergue d’un dialogue entre science et religion, il
s’agit aussi d’amener à penser que les deux domaines formeraient un
nouveau champ d’étude interdisciplinaire. La revendication d’une discipline
académique qui s’appellerait « science et religion » trouve même sa place
de temps à autre dans des échanges d’opinions au sein de revues
scientifiques prestigieuses comme Science et Nature, mais sans jamais
expliquer en quoi une telle discipline pourrait être considérée comme
scientifique. C’est ce qu’illustre notamment Denis Alexander, directeur du
Faraday Institute for Science and Religion (St Edmund’s College à
Cambridge) financé par la JTF : « Une raison pragmatique pour soutenir
une bonne recherche académique science-religion est que la plupart des
contribuables du monde qui financent la science possèdent des croyances
religieuses. Opposer science et religion dans ce contexte n’est pas une
manœuvre judicieuse pour l’avenir de la science. »(679) S’il est avéré que des
oppositions à la science contemporaine peuvent se développer au sein de
certaines communautés religieuses, il est difficile de comprendre en quoi les
activités menées par cet institut(*) diffèrent de la théologie et en quoi cette
discipline constituerait un moyen d’assurer « l’avenir de la science ».
Cet institut, qui dispense des cours et des conférences de « science et
religion », effectue également des « recherches académiques » dont les
thématiques évoquent plus une réflexion interne à la religion chrétienne
face aux résultats scientifiques contemporains que l’émergence d’une
nouvelle discipline légitime. Le projet « Qu’est-ce que l’humain ? La place
de l’humanité dans les traditions bibliques » a pour objet d’examiner « la
compréhension biblique de la nature ordonnée de manière divine, le statut
et le rôle des êtres humains comme part de la création de Dieu. […] Nos
conclusions théologiques seront remises dans le contexte scientifique actuel
de ce que signifie être un humain sur la base de preuves paléontologiques,
anthropologiques, sociologiques et neurologiques. Notre objectif est
d’établir une compréhension chrétienne de la nature de l’humanité dans le
contexte plus large de la création de Dieu, et à partir de ces implications,
d’élaborer la manière avec laquelle les chrétiens doivent vivre dans le
monde et interagir avec lui »(680). Cette « discipline académique », qui
émergerait d’un dialogue entre science et religion, n’est donc rien d’autre
que de la théologie prenant en compte les découvertes scientifiques
récentes. Cette théologie modernisée va dans le sens d’un « progrès de la
religion » soutenu par Templeton.
C’est sans doute en voyant dans cette démarche particulière un moyen
de lutter contre les formes « dures » de créationnisme que l’une des plus
importantes sociétés savantes du monde, l’American Association for the
Advancement of Science (AAAS), éditrice de la revue scientifique
américaine Science, mène depuis 1995 le programme DoSER (Dialogue sur
la science, l’éthique et la religion(681)) financé à hauteur de 3,9 millions
d’euros par la JTF (1996-2014). Cette caution scientifique apportée à la JTF
par l’AAAS a suscité de vives réactions de la part de membres de cette
dernière qui se sont déclarés « mal à l’aise avec la mise en place au sein de
l’AAAS d’un programme ayant des liens étroits avec une organisation
religieuse »(682). Concernant la proposition d’« améliorer le niveau
scientifique dans les communautés religieuses »(683), on peut s’interroger sur
cette volonté de diffuser la culture scientifique spécifiquement en direction
des communautés religieuses. Quel type de vision de la science les
instigateurs de ce programme veulent-ils donc diffuser ? La réponse est en
partie donnée par un autre objectif de DoSER : « promouvoir la
compréhension auprès du public d’un dialogue entre science, religion et
éthique »(684), notamment via des conférences entre scientifiques et
théologiens, exactement du même type que ce que la JTF peut financer par
ailleurs(685). Et aujourd’hui, comme le craignaient des membres de l’AAAS,
la JTF utilise DoSER comme prétendu argument pour affirmer qu’elle ne
soutient pas des objectifs religieux. D’une part, l’AAAS est utilisée comme
caution scientifique. D’autre part, la partie du programme DoSER
consacrée à la lutte contre le créationnisme apporterait la preuve que la JTF
ne soutient pas ou n’a jamais soutenu de positions créationnistes(*). Mais
encore une fois, il s’agit bien d’un tour de passe-passe.
Flirt avec le dessein intelligent
Tout en prétendant lutter contre le créationnisme aux côtés de l’AAAS,
la JTF — bien qu’elle affirme le contraire(686) - a soutenu financièrement des
recherches, des cours, des conférences ainsi que des ouvrages réalisés par
des partisans du dessein intelligent. À commencer par un des leaders du
mouvement, William Dembski, mathématicien, philosophe et théologien,
membre du Discovery Institute, qui reçoit en 1999 une bourse de 75 000
euros de la JTF(687) pour la rédaction d’un ouvrage proposant une réflexion
scientifique et théologique sur la théorie de l’information et sur le fait qu’un
dessein serait sous-jacent au monde naturel(688). Le même Dembski obtient
un cofinancement du Discovery Institute et de la JTF(689) pour l’organisation
de la conférence « The Nature of Nature » en 2000 à la Baylor University (à
Houston aux États-Unis), durant laquelle de nombreux scientifiques ont
discuté du dessein intelligent(690). En 2004, l’astrophysicien Guillermo
Gonzalez publie The Privileged Planet, un ouvrage favorable au dessein
intelligent(691), financé par une subvention de la JTF de 42 000 euros en
1999(692). Et entre 1994 et 2002, la JTF finance également des cours
promouvant le dessein intelligent(693).
Cependant, à partir du procès de Dover qui, en 2005, identifie le
mouvement du dessein intelligent comme créationniste, de nombreuses
déclarations publiques de la part des officiels de la JTF(694) illustrent la
volonté de se démarquer d’un mouvement identifié comme politique et
religieux. Ainsi, depuis 2006, le discours officiel revendique le soutien à
des programmes menés par l’AAAS contre le créationnisme, l’absence de
soutien à des programmes de recherche qui nient les connaissances
scientifiques et le fait que la fondation serait une structure apolitique(695).
Nous reviendrons plus loin sur ce dernier point. Pour le reste, les
financements accordés à des promoteurs du dessein intelligent s’inscrivent
dans la perspective des objectifs spiritualistes de la JTF. Les projets soumis
par les partisans du dessein intelligent ont été acceptés par la JTF(*) et les
contenus sont bien ceux qui ont alimenté le corpus du dessein intelligent(696).
Cette position d’équilibriste consistant à nier toute implication dans le
mouvement politique du dessein intelligent mais à encourager
financièrement les réflexions menées par tous les intellectuels croyants — y
compris les IDers - sur les questions où se mêlent étroitement science,
philosophie et théologie, se poursuit dans les années 2010. En 2012, la JTF
attribue une bourse de 2,4 millions d’euros à l’université Biola pour la
création d’un Centre pour la pensée chrétienne(697) (cct.biola.edu) dont
l’objectif est de « rassembler les intellectuels chrétiens de renommée
mondiale pour chercher, collaborer et écrire sur les questions importantes
auxquelles fait face le christianisme au XXIe siècle » telles que « comment
les neurosciences contribuent à notre compréhension de l’âme », ou
« comment la psychologie contemporaine est liée à l’épanouissement
spirituel »(698). Or le récipiendaire du financement, l’université Biola, est
une université évangélique, située en Californie, qui se définit elle-même —
en 2010 — comme « une plateforme institutionnelle de premier plan pour
les travaux du mouvement du dessein intelligent »(699). Cette université est
en effet étroitement liée au mouvement du dessein intelligent(700) : elle
héberge de nombreux leaders académiques du mouvement (par exemple le
professeur de philosophie William L. Craig(701)), des conférences
universitaires ou grand public promouvant les idées des IDers y sont
régulièrement organisées(702) et un cours sur le dessein intelligent y est
dispensé aux étudiants du master science et religion(703). La création d’un
centre dans un tel environnement idéologique(704) laisse donc penser que les
discours liés au dessein intelligent y auront leur place. Et dès le printemps
2012, l’un des philosophes invités pour le semestre inaugural du centre est
l’Américain Alvin Plantinga(705). Cet ancien défenseur du mouvement du
dessein intelligent(706) a par ailleurs déjà bénéficié du soutien financier de la
JTF à l’occasion de la célébration de son départ à la retraite en 2010(707).
Tous ces éléments montrent une nouvelle fois qu’au-delà de la
communication de la JTF, les activités de la fondation et celles de
créationnismes identifiés comme telles par la justice américaine sont
régulièrement convergentes.
L’illusion du débat
La JTF a largement contribué au fait qu’un « débat » philosophique,
épistémologique, métaphysique s’instaure pour savoir si science et religion
sont complémentaires. Ce « débat » est-il légitime ? Est-il pertinent de dire
que, puisque des personnes croyantes acceptent l’évolution, ou que parce
qu’au cours de leurs travaux, des scientifiques spécialistes de l’évolution
ont eu leur foi renforcée, science et religion ne sont pas antagonistes ?(708)
Pour le biologiste Jerry Coyne, « il est vrai qu’il y a des scientifiques
religieux et des croyants pratiquants darwiniens. Mais cela ne signifie pas
que foi et science sont compatibles, sauf dans le sens trivial où les deux
attitudes peuvent se trouver dans un seul et même esprit humain (c’est
comme dire que le mariage et l’adultère sont compatibles parce qu’il existe
des personnes mariées qui sont adultères). […] La vraie question est de
savoir s’il existe une incompatibilité “philosophique” entre la religion et la
science. Est-ce que la nature empirique de la science contredit la nature
révélée de la foi ? »(709). À cette question, Coyne répond que « la religion est
fondée sur le dogme et sur la croyance, alors que la science est fondée sur
le doute et le questionnement »(710). Puis il souligne le fait que la religion a
bien un discours sur le monde naturel et que par conséquent, « la religion
affirme constamment des vérités qui rentrent directement en conflit avec les
connaissances scientifiques. Cela inclut les affirmations à propos de
l’existence de l’âme qui est séparée de notre corps, les naissances
virginales, la résurrection de messies morts, l’ascension d’humains
directement au Paradis, et l’efficacité de la prière »(711).
Si, comme l’affirme Coyne, science et religion sont « irréductiblement
antagonistes »(712), comment expliquer alors que l’idée de leur
complémentarité soit discutée, y compris dans une revue scientifique de
référence comme Nature(713) ou une institution académique telle que la
National Academy of Sciences américaine(714) ? Tout d’abord, il faut noter
que la notoriété et le prestige des intervenants en faveur d’une telle
complémentarité — citons par exemple Bernard d’Espagnat, Charles
Townes, George Ellis, Francis Collins — respectés pour leurs travaux dans
leur discipline, contribuent à rendre légitime, y compris au sein de la
communauté scientifique, un discours où se retrouvent pêle-mêle des
croyances individuelles et des connaissances scientifiques. À cela s’ajoute
le fait que ce discours s’autoalimente par un procédé que la journaliste
Sunny Bains a identifié lors de son analyse systématique des activités de la
JTF et qu’elle appelle le « copinage »(715) : les récompenses et les prix de la
JTF sont essentiellement attribués aux personnes qui orientent les activités
de la fondation et qui promeuvent ce rapprochement entre science et
religion. Par exemple, sur les quinze personnes récompensées du prix
Templeton de 1998 à 2012, huit d’entre elles ont été conseillers (board of
advisors) de la JTF et les autres étaient impliquées dans des programmes
menés par la fondation(716). Georges Ellis, cosmologiste aujourd’hui émérite
et considéré comme l’un des plus grands théoriciens de la discipline,
l’explique lui-même lors de la remise de son prix Templeton en 2004, alors
qu’il est en même temps conseiller de la fondation(717) : « La manière avec
laquelle science et religion se complètent en grande partie devient de plus
en plus claire, tout comme l’est la nature des différents points de tension
entre elles, et les résolutions possibles de ces tensions. […] Je souhaiterais
ici rendre hommage au rôle qu’a joué la JTF dans la résurgence de ce
débat. […] Elle a permis le développement de cours de science et religion,
de sociétés savantes, de conférences et d’autres initiatives qui ont
profondément soutenu à la fois l’élargissement et l’approfondissement du
débat. »(718)
Outre l’autopromotion, Ellis met ici en avant un autre aspect qui
explique l’émergence d’un « débat » sur le rapprochement entre science et
religion. Il s’agit des sommes considérables investies par la JTF dans des
activités qui alimentent ce « débat » et que le journaliste John Horgan
appelle l’« effet Templeton » : « À travers la distribution d’argent et des
initiatives plus subtiles, la Templeton Foundation amplifie le dialogue
science-religion et l’oriente doucement dans une direction particulière qui
favorise la religion en général et le christianisme en particulier. C’est l’effet
Templeton. »(719)
Bas les masques : les enjeux de société
Comme le souligne le philosophe Antony Grayling, « la Fondation
Templeton est en fait une organisation de propagande en faveur d’une
vision religieuse du monde : en toute honnêteté, elle devrait le dire
clairement, comme elle devrait également consacrer son argent pour
soutenir les vieilles superstitions qu’elle favorise, et ne pas prétendre que
les questions religieuses sont du même ordre et au même niveau que les
questions scientifiques »(720). Les initiatives menées par la JTF dans les
médias, l’enseignement et la santé illustrent sa volonté de promouvoir un
programme religieux dans l’ensemble de la société.
En 2005, Horgan participe à un programme majeur de la fondation
s’adressant à des journalistes de médias américains de référence(721), intitulé
« Bourses Templeton-Cambridge et séminaires de journalisme en science et
religion »(722). Ce programme de séminaires destinés « aux journalistes, aux
écrivains et aux éditeurs intéressés par des thématiques à l’intersection de
la science et la religion » a pour « objectif de promouvoir une
compréhension plus profonde et un débat public mieux informé sur cette
thématique de recherche complexe et évoluant rapidement ». Durant la
session de 2005 de ce programme, la JTF incite les journalistes à publier
des articles sur le domaine science et religion. Un officiel explique alors à
Horgan qu’il n’aurait pas dû être invité à participer puisqu’il n’envisage pas
de réconciliation entre science et religion(723). C’est une illustration de
l’orientation du dialogue. Inciter des journalistes à relayer positivement vers
le grand public les activités de la JTF constitue un des moyens pour
convaincre l’ensemble de la société « que le progrès de l’information
spirituelle est possible, souhaitable, qu’il peut être réalisé et qu’il sera
réalisé »(724).
Initiée en 2007, une vaste campagne de publicité est menée par la JTF
dans des grands journaux américains autour des « grandes questions »(725) et
témoigne encore de la volonté de diffuser auprès d’un large public l’idée
qu’il n’y a pas de frontière entre science et religion. Une douzaine de
réponses de théologiens, philosophes et scientifiques sont proposées à toute
une série de questions telles que « L’Univers a-t-il un but ? », « La science
rend-elle la croyance en Dieu obsolète ? » ou « L’évolution explique-t-elle
la nature humaine ? ». Outre l’équilibre fictif assuré entre les « oui », les
« non » et les « peut-être », la surreprésentation de personnes ayant reçu des
financements de la JTF ou bien ayant fait partie de ses conseillers(726) est
caractéristique de la façon dont la JTF oriente la réflexion. Au point de vue
de la connaissance, cela pose également un problème que soulève,
notamment Ophelia Benson, auteur d’ouvrages sur les menaces pesant sur
la pensée rationnelle (pseudosciences, etc.), dans The Philosophers’
Magazine : « La philosophie, la science et la théologie sont-elles des
branches différentes d’un même type de questionnement sur la vie et
l’existence, qui peuvent être facilement et volontiers unifiées ? Ou bien
sont-elles des types de démarches fondamentalement différentes, avec des
méthodes substantiellement différentes de questionner et d’évaluer les
résultats du questionnement ? » La JTF choisit la première option.
L’école est aussi en ligne de mire, en particulier en Grande-Bretagne où
l’essor d’un enseignement présentant une vision prétendument équilibrée du
débat entre science et religion s’appuie sur un contexte favorable :
l’existence de structures actives promouvant la légitimité d’une
reconnaissance académique de la discipline science et religion, telles que
l’International Society for Science and Religion (ISSR)(727) ou le Faraday
Institute for Science and Religion ; le contexte de réformes du système
éducatif britannique dans lequel s’engouffrent les créationnistes
scientifiques et les IDers (voir chapitre 2) et contre lesquelles les partisans
d’un dialogue entre science et religion se présentent en rempart ; et enfin,
l’existence d’un cours obligatoire d’éducation religieuse pour tous les
établissements. Ainsi dès 2002, la JTF soutient le projet « Science et
religion à l’école »(728) initié notamment par des membres de l’ISSR et qui
s’adresse aux élèves de Grande-Bretagne de 7 à 19 ans. En distribuant du
matériel pédagogique aux élèves ainsi qu’aux enseignants d’éducation
religieuse et de science sous forme d’ouvrages, de fiches synthétiques ou de
supports multimédias, ce projet permet de diffuser auprès des plus jeunes la
complémentarité entre science et religion telle que l’envisage la JTF.
L’objectif principal du projet consistant à avoir « un impact majeur sur
l’enseignement des questions concernant science et religion dans les écoles
de Grande-Bretagne » semble atteint en 2012. Tout d’abord, le document
officiel concernant le cours obligatoire d’éducation religieuse et s’adressant
au monde éducatif britannique comporte une recommandation explicite
encourageant le fait d’aborder la discipline science et religion(729). Ensuite,
d’autres projets pédagogiques, portés principalement par le Faraday
Institute For Science and Religion et promouvant les discours des
principaux leaders de programmes financés par la JTF, voient le jour en
Grande-Bretagne. Que ce soit « Test de la foi » initié en 2007
(testoffaith.com) ou LASAR (« Apprendre à propos de science et religion »)
initié en 2010(730), ces projets bénéficient tous du soutien financier de la
JTF(731). « Test de la foi » entend répondre à la question de savoir si la
science menace la croyance en Dieu grâce aux contributions de personnes
persuadées que la science alimente la croyance en Dieu comme Francis
Collins, Simon Conway-Morris, Jennifer Wisemann, John Polkinghorne,
Denis Alexander, etc(732). Les multiples ressources sont mises à disposition
d’un large public, mais une attention particulière est prêtée aux enseignants,
aux élèves ainsi qu’à l’enseignement à domicile(733). De plus, ces ressources
ne s’adressent pas uniquement aux Britanniques mais également aux
Américains, aux Australiens et aux Néo-Zélandais. Car tous ces projets
s’intègrent dans une initiative plus large initiée en 2010 et visant à
distribuer les ressources à une échelle internationale : l’International
Association for Science and Religion in Schools (Association internationale
pour la science et la religion à l’école)(734). En dehors des pays anglophones,
des Allemands se sont également montrés intéressés par cette initiative(735).
La JTF affiche aussi des objectifs ambitieux concernant la place de la
religion dans le domaine de la santé : « La fondation cherche à promouvoir
une compréhension plus profonde de l’influence que peuvent avoir la
spiritualité, les croyances et les valeurs sur la santé humaine. En
promouvant la collaboration et la recherche clinique dans les relations
entre spiritualité et santé, et en documentant les aspects médicaux positifs
de la pratique spirituelle, la fondation espère contribuer à la réintégration
de la foi dans la vie moderne. »(736) La JTF fournit ainsi des financements de
plusieurs millions d’euros à des centres effectuant des recherches sur
l’impact de la religion sur la santé, par exemple le National Institute of
Healthcare Research(*) ou le Georges Washington Institute for Spirituality
and Health (gwish.org). Les résultats censés montrer l’impact positif de la
pratique religieuse sur la santé, même lorsqu’ils sont publiés dans des
revues de référence, présentent souvent des failles dans les protocoles
expérimentaux, comme l’explique Richard P. Sloan, professeur de médecine
comportementale : « La plupart des recherches qui affirment montrer
comment l’implication religieuse est associée à une meilleure santé
échouent à exclure d’autres facteurs qui pourraient être pris en compte
pour expliquer cette relation. […] Les pratiques religieuses sont plutôt des
marqueurs d’autres facteurs — comme par exemple, le soutien social de la
famille, des amis ou de la communauté, ou, peut-être, l’absence de facteurs
de risques comportementaux — qui peuvent faire diminuer le risque de
maladie. »(737) Par ailleurs, des financements importants de la JTF sont
dédiés à la promotion de cours de « santé et spiritualité » dans les écoles de
médecine américaines, notamment au travers des instituts précédemment
cités(738). Ainsi aux États-Unis, une vingtaine d’écoles de médecine
accréditées dispensaient ce type de cours en 1994. Elles sont une centaine
sur 150 en 2008(739).
Pour conclure provisoirement sur la JTF, revenons sur sa revendication
d’être une structure apolitique, dans le sens où elle ne soutiendrait aucun
parti politique. En finançant des programmes promouvant la liberté
d’entreprise et le libéralisme économique(740), la JTF soutient un système
économique caractérisé et promeut ainsi une vision politique libérale proche
du camp conservateur. De plus, la fondation soutient activement des
structures conservatrices comme le Cato Institute, l’Heritage Foundation,
l’Atlas Economic Research Foundation, cette dernière militant également
farouchement pour la remise en cause de l’idée qu’un changement
climatique puisse être lié aux activités humaines(741). En dehors de ce
soutien avéré à des structures conservatrices, peut-on considérer le fait
d’instrumentaliser la science pour développer « la foi dans la vie moderne »
comme une action apolitique ? Il s’agit d’un projet de société dans lequel la
religion tient un rôle social prépondérant, comme l’illustre encore le
Science for Ministry Program (Programme science pour les pasteurs)
financé à hauteur de 1,5 million d’euros en 2009 par la JTF(742), et dont « la
conviction est qu’au cours de leurs prêches, de leurs enseignements, de
leurs écrits […], les pasteurs(743) sont des catalyseurs clés pour développer
une intégration plus fructueuse de la science et de la foi parmi leurs
paroissiens »(744). On est en droit de s’interroger sur la légitimité du pasteur
à parler de science, d’autant plus lorsqu’on garde en mémoire l’orientation
spiritualiste que la JTF veut donner à la science. Tout comme le soutien à la
science de la JTF se résume à un slogan (« Soutenir la science. Investir
dans les grandes questions »), la revendication apolitique est bien une
illusion.
L’imposture du dialogue entre science et religion en France
Science et religion : 10 questions essentielles (Keith Ward, Presses de la
Renaissance, 2011), De la génétique à Dieu (Francis S. Collins, Presses de
la Renaissance, 2010), « Dieu existe-t-il ? Ce que les scientifiques en
disent » (Le Point, 5 août 2010), « Dieu et la science » (Le Figaro
Magazine, 19 février 2011), Scienceetfoi.com, etc. : que ce soit des
ouvrages, des dossiers, des articles, des interviews, des émissions radio, des
sites internet ou bien des réseaux de réflexion, la volonté de faire dialoguer
science et religion est depuis plusieurs années largement diffusée vers le
grand public français. Dans de nombreux cas, la JTF n’est pas très loin. Soit
les personnes ou les structures qui promeuvent ce dialogue (tels l’UIP et ses
membres actifs, voir ci-après) organisent ou participent à des programmes
directement financés par la fondation, soit ces structures s’inspirent
directement de programmes financés par la JTF, comme c’est le cas pour le
site Science et foi qui propose de très nombreux articles traduits de
Biologos et du Faraday Institute for Science and Religion. Tous rejettent
« le » créationnisme qu’ils présentent comme les versions strictement anti-
évolutionnistes portés par des intégristes chrétiens ou musulmans.
Parallèlement, ils acceptent plus ou moins largement les résultats
scientifiques actuels mais la démarche scientifique est, quant à elle, souvent
incomprise ou remise en cause, ce qui explique pourquoi certains résultats
sont mal interprétés. Leur dénominateur commun est de marteler que
science et religion ne s’opposent pas. Ils se rejoignent dans ce qui constitue
les fondements de la JTF : utiliser la science pour promouvoir la religion en
brouillant leurs limites respectives. Loin de la démarche scientifique, on se
retrouve face à ce que l’on pourrait appeler une théologie conciliatrice.
Depuis le début des années 2000, l’UIP a établi des liens étroits avec la
JTF(745). Elle illustre comment — à force de financements importants et de
réseaux adéquats — un petit nombre de personnes médiatisées peuvent
donner l’illusion qu’un dialogue entre science et religion est — ou sera —
réellement au cœur de la science. Si de nombreux médias généralistes
donnent régulièrement la parole aux membres de l’UIP à l’occasion de la
parution de leurs ouvrages(*), Le Monde des religions(746) leur ouvre
volontiers la porte pour de longs articles délivrant les messages de l’UIP(747).
Le dossier de trente pages intitulé « Dieu et la science » publié début 2010
par cette revue et consacré à « ces scientifiques qui prônent un nouveau
dialogue entre science et spiritualité » est emblématique du caractère biaisé
de ce dialogue(748). Sur les huit physiciens et biologistes impliqués dans le
dossier, sept ont été récompensés par la JTF et/ou ont participé à des
activités de la fondation : Charles Townes (UIP) et Bernard d’Espagnat
(UIP) ont reçu le prix Templeton, respectivement en 2005 et 2009 ; Simon
Conway-Morris et Trinh Xuan Thuan (UIP) ont fait parti des conseillers
(board of advisors) de la JTF ; Mario Beauregard, Thierry Magnin (UIP) et
William Phillips ont participé à des programmes financés par la JTF. De
plus, tous interviennent ou sont intervenus dans des activités de l’UIP et
quatre appartiennent ou ont appartenu au conseil scientifique de
l’association, comme nous l’avons précisé entre parenthèses. Jean Staune
lui-même participe à ce dossier. Or à aucun moment les liens avec l’UIP ou
la JTF, et donc les objectifs et intérêts communs de ces scientifiques ne sont
évoqués. Évidemment, cela éclaire sous un jour différent l’éditorial de
Frédéric Lenoir, le rédacteur en chef du magazine, qui annonce que « le
dossier de ce numéro donne la parole à des scientifiques de renommée
internationale qui appellent à un tel dialogue. Ce ne sont en effet pas tant
des religieux que des hommes de science qui sont de plus en plus nombreux
à prôner un nouveau dialogue entre science et spiritualité »(749). Dans son
éditorial, Lenoir déroule un argumentaire « uipien » : entre créationnisme
fondamentaliste et scientisme, science et religion ne s’opposent pas, car
elles concernent des registres différents ; un dialogue fécond et respectueux
est pourtant possible ; ce sont « les scientifiques » qui en appellent à un tel
dialogue ou annoncent que science et religion convergent, et ce au travers
de découvertes récentes montrant la possibilité d’un « principe créateur » et
l’existence d’une « autre réalité ».
Dans ce dossier, se trouvent exposées quelques interprétations
scientifiques mises en avant par l’UIP depuis plus de quinze ans : le
« sens » de l’évolution de l’Univers avec le principe anthropique fort en
cosmologie, « un autre niveau de réalité » avec la physique quantique, la
spécificité de l’être humain avec les travaux de Dambricourt-Malassé ou de
Conway-Morris en biologie, l’existence d’un « esprit » indépendant du
corps en neurologie. Le dossier peut ainsi donner l’illusion que la
communauté scientifique dans son ensemble souhaite instaurer un dialogue
entre science et religion (ici essentiellement le christianisme, même si le
bouddhisme est aussi représenté par Thuan(750)). L’objectif de la découverte
des « réalités spirituelles » par la science telle que l’envisage la JTF est
atteint lorsque Staune explique que « nous vivons une révolution
conceptuelle qui, à mon avis, rend plus facile à penser (sans la prouver bien
sûr) une vision religieuse du monde et plus difficile à concevoir une vision
matérialiste du monde. Cela est un événement dans l’histoire de la pensée »
ou encore qu’« il y a donc une plus grande compatibilité entre la science et
une vision spiritualiste du monde »(751).
Comme nous l’avons vu, c’est ultimement cette recherche de
compatibilité entre science et religion qui anime le site Science et foi, le
Réseau des scientifiques évangéliques, le programme STOQ du Vatican,
l’UIP, la JTF et tant d’autres structures parfois très différentes en surface.
Nous souscrivons donc à l’analyse du biologiste Antoine Vekris (alias
Oldcola dans la blogosphère) qui propose un mot-valise pour décrire les
hybrides entre science et religion : les scienligions (scien[ce|re]ligions). Il
explique : « Sur le plan marketing, l’approche hybride est fort intéressante ;
elle s’approprie les éléments de respectabilité de chacune des voisines,
exploitant le scepticisme naturel du public pour le camp dont il émane : des
scientifiques qui doutent que la science pourrait apporter toutes les
réponses, des croyants qui considèrent l’action divine comme intelligible.
Assembler ainsi des minorités et présenter cette démarche comme
innovante, sous-entendant qu’elle est également rationnelle, est
particulièrement porteur dans un contexte social qui se caractérise par sa
fragmentation et par un certain respect de l'irrationnel. […] Le dogmatisme
des positions est soigneusement camouflé ; en évoquant en alternance
science et religion, opposé au fondamentalisme religieux ou au
matérialisme scientifique, suivant le sujet et les interlocuteurs. Positions qui
ne sont pas moins dogmatiques que celles des extrémistes pour autant,
construites autour d’assertions qui ne sont étayées par aucune preuve, et
qui demandent d’être acceptées inconditionnellement, tant que leurs
opposants ne les ont pas réfutées. Ce qui est rendu impossible par
construction, les assertions en question étant choisies pour ne pas être
testables. »(752)
Encore une fois, l’objectif qui anime ces groupes n’est pas de remettre
en cause les connaissances scientifiques, mais de les subordonner à un
projet théologico-politique et ce, sans le dire : « Avec un engagement dans
un dialogue animé et courtois et une confiance dans l’harmonie entre
science et foi, [la fondation Biologos a] l’intention d’aider l’Église à
développer une vision du monde qui couvre ces deux systèmes de croyances
complexes, mais complémentaires » (biologos.org). Cette définition des
objectifs de la fondation américaine Biologos ressemble bien à une volonté
de modernisation de la théologie. D’ailleurs, les questions soulevées pour
répondre aux interrogations des croyants sur la science, fournies par
Biologos et traduites sur le site de Science et foi, sont majoritairement
d’ordre théologique(753), comme l’indique l’objectif du site français :
« Développer et faire la promotion d’une vision biblique et chrétienne
concernant la nature de la science, son champ d’action et ses limitations. »
Mais l’accord trouvé entre science et foi, illustré notamment par des textes
du Faraday Institute for Science and Religion, est illusoire et ne concerne
bien que la compatibilité trouvée chez certains scientifiques entre leur
pratique de la science et leur croyance. Pour reprendre une idée de Pascal
Charbonnat (voir notre entretien chapitre 1), l’abstinence métaphysique ne
concerne pas l’esprit des individus, mais bien la démarche scientifique.
Cette confusion permanente entre l’individuel (cohabitation chez un même
individu de la foi et de la pratique scientifique) et la démarche collective
(relation entre la méthode scientifique et la religion) alimente l’idée que
« cette foi peut fournir un cadre propice au développement du progrès
scientifique »(754). La complémentarité de la science et de la religion se
traduit par la volonté d’englober la première au sein de la seconde,
notamment en ce qui concerne les questions éthiques : « Avec les progrès
constants de la technologie et de la médecine, de nouvelles questions en
matière d’éthique ne cessent d’être posées. La méthode scientifique ne
fournit pas à elle seule la façon de répondre à ces questions éthiques, mais
ne peut que nous aider à envisager les différentes possibilités. De telles
questions éthiques ne peuvent que se résoudre à l’aide de critères moraux
qui trouvent leurs fondements et leur autorité dans la foi en un Être
supérieur. »(755)
Nous l’avons déjà dit, la motivation profonde de ces démarches réside
dans la volonté de promouvoir la religion. C’est dans ce contexte qu’il faut
comprendre les glissements des discours qui présentent la lutte contre les
créationnismes ou, plus généralement, contre les intrusions spiritualistes en
science, comme un débat opposant la croyance à l’incroyance. Il s’agit bien
encore une fois d’une confusion entre une position individuelle et la
démarche collective de la science, et aussi entre matérialisme
méthodologique et matérialisme philosophique. Ainsi Henry Blocher,
théologien évangélique, écrit : « Oui, l’évolution favorise chez un grand
nombre l’athéisme (de la même façon que le big bang le défavorise, ce qui
s’est manifesté par les résistances têtues de plusieurs scientifiques athées).
Je crois sentir une âpreté, une agressivité, dans la dénonciation du
“créationnisme” et du dessein intelligent que je ne m’explique pas
autrement : la critique du darwinisme menace l’engagement existentiel
profond — la foi athée, le refus du Dieu biblique. »(756) Il est clair que
l’accumulation de connaissances scientifiques favorise le développement de
l’esprit critique vis-à-vis de certaines croyances. En revanche, la
« dénonciation agressive » du créationnisme qu’évoque Blocher vise bien à
protéger l’efficacité de la démarche scientifique en la préservant de toute
intrusion spiritualiste, et à dénoncer de réels objectifs politiques des
créationnistes, objectifs qui concernent l’ensemble de la société. Elle n’est
donc pas agressive, mais bel et bien protectrice.
En définitive, tous ces discours apparaissent comme conditionnés par la
notion nébuleuse de « dialogue » défendue par ceux dont l’objectif minimal
est de rendre leur foi compatible avec les connaissances scientifiques
actuelles. Tant qu’il s’agit d’une démarche individuelle, cela relève bien
entendu de la liberté de chacun. C’est sur ce que les instigateurs du dialogue
appellent les zones de convergence que surviennent les problèmes. Car sous
couvert de dialogue, la démarche scientifique est volontairement détournée
pour que la science réponde à des questions qui sont hors de son champ de
compétence. Ainsi, Staune déclare que « c’est la science elle-même et non
la théologie qui pose la question de l’existence d’un créateur »(757).
Pourtant, il ne s’agit pas ici de « la science », mais bien de quelques
scientifiques, souvent reconnus dans leur domaine de compétence, qui
expriment une opinion personnelle. Et toujours, les limites de la science
(qu’elles soient seulement dues à l’état actuel des connaissances, ou bien au
cadre délimité de la méthode scientifique rappelé au chapitre 1) sont
immédiatement comblées par la religion, considérée comme
complémentaire voire nécessaire, ainsi que l’illustre Trinh Xuan Thuan :
« Je suis convaincu qu’on ne peut se satisfaire de la seule science pour
décrire le réel. Ce serait trop arrogant. La spiritualité est une approche
complémentaire de la science. Parce qu’ils sont deux systèmes logiques de
pensée, bouddhisme et cosmologie scientifique convergent. »(758)
À travers cette prétendue complémentarité, ce n’est pas seulement la
science elle-même qui est visée, comme l’illustre le cardinal Ravasi,
président du conseil pontifical pour la culture, également fervent partisan du
dialogue : « Je vois deux domaines où les scientifiques, même athées, se
retrouvent immédiatement confrontés à la transcendance : la médecine et la
bioéthique. Et même un troisième : l’économie. Sans oublier les
neurosciences. Les chercheurs dans ce domaine sont demandeurs du
discours de l’Église sur l’âme humaine. »(759) Le système de valeurs morales
supportées par les religions trouve donc une caution dans la
complémentarité, et l’éthique est considérée comme uniquement religieuse.
Avec cet hypothétique dialogue, les religions cherchent donc à s’immiscer
directement dans des questions politiques d’ordre public. Le problème de la
laïcité est sous-jacent. D’ailleurs, les instigateurs de ce dialogue en sont
parfaitement conscients, tel Thuan : « Il existe également un courant
minoritaire de scientifiques qui essaie d’instaurer une sorte de dialogue
entre la science et la spiritualité, surtout dans les pays anglo-saxons. En
France, à cause de votre tradition de laïcisme (sic)(760) dans l’enseignement,
il est beaucoup plus ardu d’instaurer un tel dialogue »(761).
Le biologiste Jerry Coyne souligne à juste titre que ce qui est en jeu avec
toutes ces initiatives de dialogue, de rapprochement, de brouillage de la
frontière entre science et religion concerne bien la société dans son
ensemble : « Le conflit le plus important […] n’est pas celui entre la
religion et la science. C’est celui entre la religion et la raison laïque(*). La
raison laïque inclut la science, mais comporte également la philosophie
politique et morale, les mathématiques, la logique, l’histoire, le
journalisme, les sciences sociales — tous les domaines qui requièrent de
nous d’avoir de bonnes raisons de croire ce que nous croyons. Je n’affirme
pas ici que toute foi est incompatible avec la science et la raison laïque —
uniquement les cultes dont les assertions sur la nature de l’univers
contredisent catégoriquement les observations scientifiques. »(762)
CARACTÉRISATION DES TYPES DE CRÉATIONNISME DEPUIS LES PLUS RADICAUX
(EN HAUT) JUSQU’AUX PLUS SOPHISTIQUÉS (EN BAS).

Tableau synthétique des créationnismes

Au terme de ce chapitre, nous proposons une caractérisation


schématique des grands types de créationnismes et des principales
structures présentées dans ce livre (voir pages précédentes) . Les
regroupements effectués ne rendent pas compte des spécificités des
organisations au sein d’un même groupe que nous avons développées tout
au long de l’ouvrage. Au premier abord, les différences — aux deux
extrémités du spectre — peuvent paraître incommensurables entre
créationnisme littéraliste et spiritualisme englobant. Pourtant, comme nous
l’avons vu, nous sommes bel et bien face à un continuum de positions qui
se rejoignent au travers de la caractérisation commune de tous les
créationnismes, déjà évoquée en introduction (p. 22).
Ainsi, toute tentative d’explication du monde naturel visant à prouver de
manière active qu’une force surnaturelle et décisionnelle élabore le monde
est, au sens large, un créationnisme. Toutes les doctrines créationnistes —
qui émanent de conceptions religieuses — reposent sur quatre présupposés
qui supportent une conception du monde et un projet de société :
intelligence surnaturelle et visionnaire à l’origine du monde, spiritualisme,
anthropocentrisme et finalisme. En conséquence, les créationnismes se
caractérisent par deux types d’actions ayant un impact sur la société dans
son ensemble : d’une part, lorsqu’elles ne rejettent pas simplement les
résultats scientifiques en contradiction avec leur croyance, les doctrines
créationnistes redéfinissent la démarche scientifique pour légitimer
objectivement leur vision du monde ; d’autre part, l’enseignement, et plus
particulièrement l’enseignement des sciences, constitue une cible
privilégiée des créationnistes dans le but d’imposer durablement leurs
conceptions à l’ensemble de la société.
Chapitre 5

Créationnismes, science, médias et société en


France
Au-delà de la question de l’adhésion d’une partie de la population
française à telle ou telle religion et aux dogmes qui lui sont associés, le
créationnisme se révèle être un marqueur de nombreuses problématiques
liées plus globalement aux relations entre science et société : réceptivité de
la population aux pseudosciences en général (astrologie, graphologie,
ufologie, etc.), persistance de présupposés idéologiques en décalage avec
les connaissances scientifiques, rôle des médias dans la diffusion de la
culture scientifique, contenus de l’enseignement en sciences et enjeux
politiques associés, respect de la laïcité, etc. L’identification des terreaux
favorables au développement des créationnismes est un préalable
indispensable pour discuter des moyens de lutter contre leur influence.
Avant d’envisager l’image de la science diffusée dans la société puis le
contexte politique comme facteurs propices à la diffusion des
créationnismes, penchons-nous sur la manière avec laquelle les Français
acceptent la théorie darwinienne de l’évolution.

Le terreau sur lequel se développent les créationnismes

La réception de la théorie darwinienne de l’évolution par les Français


Publiée en 2006 dans la revue Science, une analyse portant sur
l’acceptation de la théorie de l’évolution par le public offre une
comparaison des résultats obtenus dans trente-quatre pays(763). Il en ressort
que la France serait dans le peloton de tête des pays dont la population
accepte le plus largement la théorie de l’évolution pour expliquer
l’apparition de l’espèce humaine, puisque 78 % des sondés estiment
« vraie » ou « probablement vraie » la proposition « Les êtres humains tels
que nous les connaissons se sont développés à partir d’espèces d’animaux
antérieures », contre seulement 12 % « probablement faux » ou « faux »(764).
On pourrait se réjouir de cette apparente adhésion à une théorie scientifique
qui s’élabore depuis cent cinquante ans. Cependant, un autre sondage publié
en avril 2011 par Ipsos pour Reuters(765), réalisé dans vingt-trois pays, dont
la France, et portant sur les croyances en un être suprême et sur la vie après
la mort, comporte également une question qui vise à distinguer les
créationnistes des évolutionnistes. Seuls 9 % des personnes interrogées
« croient que l’être humain a effectivement été créé par une force spirituelle
telle que Dieu » et rejettent « une origine de l’être humain issu d’un
processus évolutif à partir d’autres espèces tels que les grands singes ».
Parallèlement, une majorité de 55 % pense que « l’être humain est issu de
processus évolutifs sur de longues périodes de temps ». Mais le plus
surprenant est que 36 % affirment « ne pas savoir quoi croire [entre les
deux options précédentes] et sont parfois en accord ou en désaccord avec
les théories et les idées soutenues par les créationnistes ou par les
évolutionnistes » ! Cela laisse une proportion importante de la population
susceptible d’être réceptive aux positions défendues par des créationnistes.
À ces hésitations d’une partie importante de la population s’ajoute le
constat fait par le sociologue des sciences Dominique Guillo : « L’adhésion
largement affichée à l’idée d’évolution dans le grand public en France ne
doit pas être considérée comme le signe d’une diffusion réelle du
darwinisme et de ce que dit la science de l’évolution » (voir l’entretien ci-
dessous). Il a en effet publié, en 2009, une enquête(766) montrant que la
majorité de ceux qui prétendent adhérer à la théorie darwinienne de
l’évolution affiche des schèmes cognitifs vis-à-vis desquels Darwin lui-
même avait rompu et autour desquels s’articulent les discours créationnistes
et dont nous avons déjà parlé : le finalisme, l’anthropocentrisme, l’échelle
des êtres et l’essentialisme. Guillo souligne que « très majoritairement,
l’évolution est conçue comme un processus linéaire de complexification
croissante des organismes et de leurs aptitudes mentales, le point
d’aboutissement de ce processus étant l’espèce humaine ».
SCIENCE, CRÉATIONNISME ET CONCEPTIONS DU DARWINISME PAR LE
PUBLIC
Entretien avec Dominique Guillo(*)

- En quoi a consisté l’enquête que vous avez publiée dans Ni Dieu ni Darwin ?
– Cette enquête a porté sur quatre terrains en France : des manuels d’école primaire
et de collège, des ouvrages de synthèse d’histoire de la biologie, un problème de
biologie évolutive posé à une centaine d’étudiants d’une grande école scientifique et
le courrier des lecteurs d’un numéro de Science & Vie. Il ressort de cette enquête
que personne, ou presque, ne se présente comme créationniste. Il y a donc une
ferme et très large adhésion à l’idée d’une évolution du vivant dans le public étudié.
Mais il ne faut pas s’arrêter aux apparences : que recouvre le mot « évolution » dans
l’esprit de ces personnes ? Très majoritairement, l’évolution est conçue comme un
processus linéaire de complexification croissante des organismes et de leurs
aptitudes mentales, le point d’aboutissement de ce processus étant l’espèce
humaine. Or cette représentation de l’évolution repose sur quatre idées avec
lesquelles le darwinisme rompt en profondeur. Ces idées sont les suivantes :
l’évolution a une direction prédéterminée (finalisme), l’espèce humaine est
l’aboutissement du processus d’évolution (anthropocentrisme), l’évolution dessine au
fil de son déroulement une échelle des espèces graduée selon le degré de
complexité de l’organisme (échelle des êtres), les espèces sont des types abstraits
ou des essences qui se transforment continûment en se complexifiant
(essentialisme). Par conséquent, l’adhésion largement affichée à l’idée d’évolution
dans le grand public en France ne doit pas être considérée comme le signe d’une
diffusion réelle du darwinisme et de ce que dit la science de l’évolution.

- L’une des conclusions de votre enquête est qu’« il n’existe pas de tension
nécessaire dans l’esprit des individus, entre l’adhésion à l’idée d’évolution,
d’une part, et la téléologie, voire les convictions religieuses, d’autre part ».
Comment l’expliquez-vous ?
– Pour expliquer cela, il faut revenir sur le sens que l’on doit accorder au mot
« créationnisme ». Le créationnisme, fondamentalement, est le parti-pris qui consiste
à considérer que des forces occultes, extramondaines, sont intervenues d’une
manière ou d’une autre dans la formation des êtres vivants et leur devenir. Si l’on
accepte cette définition, elle implique que le fixisme, comme celui que l’on trouve
chez les créationnistes américains, n’est qu’une forme de créationnisme parmi
d’autres. Les conceptions du vivant finalistes, anthropocentriques, scalaires (échelle
des êtres) ou essentialistes sont également créationnistes, même lorsqu’elles ne
sont pas fixistes. Car ces conceptions recèlent nécessairement une forme de
mystère résiduel qui doit être expliqué par autre chose que la science, par des forces
occultes. Par conséquent — et c’est là le point essentiel — on peut fort bien être
transformiste et créationniste : c’est le cas de la grande majorité des personnes
étudiées dans cette enquête. Voilà pourquoi l’idée d’évolution peut cohabiter dans les
esprits sans difficulté avec la conviction religieuse. Lorsque l’évolution est conçue,
par exemple, en termes finalistes, elle ouvre sur une question : « Pourquoi l’évolution
a-t-elle un sens ? » La religion est alors fréquemment perçue par les individus
comme fournissant la réponse à de telles questions, comme si la science elle-même
les ouvrait, sans leur fournir de réponse. Chez ces individus, évolutionnisme et
finalisme, et souvent même évolutionnisme et religion, sont alors considérés comme
complémentaires.

L’image de la science dans la société


Comme nous l’avons vu tout au long de cet ouvrage, les créationnistes,
quels que soient les courants dans lesquels ils s’inscrivent, tiennent — à un
moment ou à un autre de leur argumentation — des discours
pseudoscientifiques pour promouvoir leurs idées. Avant de proposer
quelques réflexions sur la façon dont ce type de discours est relayé par les
médias, commençons par un état des lieux ponctuel effectué au rayon
sciences/techniques(767) d’un kiosque à journaux concernant la presse écrite
de vulgarisation scientifique. Cela donne une idée de l’image de la science
véhiculée auprès des citoyens. Sur vingt-six titres répertoriés(768), nous
avons relevé douze titres scientifiques généralistes(769), cinq titres
scientifiques spécialisés(770) et neuf titres relevant des pseudosciences
(paranormal, ufologie, ésotérisme, etc.)(771). Ce recensement témoigne de la
surreprésentation des journaux pseudoscientifiques, qui comptent pour plus
du tiers des titres du rayon sciences. Leur succès est significatif de la
confusion entre sciences et pseudosciences.
De manière générale, les moyens utilisés pour diffuser la science (sa
démarche, ses résultats, ses enjeux) sont nombreux et variés : musées,
expositions, conférences, débats, livres, documentaires, reportages
audiovisuels ou écrits, émissions radiophoniques, sites internet, blogues,
etc. À ces multiples supports de la diffusion de la culture scientifique
s’ajoute la diversité des acteurs impliqués dans cette diffusion :
scientifiques, médiateurs scientifiques associatifs ou institutionnels,
professionnels de la communication scientifique des universités et des
organismes de recherche, journalistes spécialisés ou généralistes, etc. Dans
ces conditions, une analyse de la manière avec laquelle l’image de la
science est diffusée dans la société est particulièrement complexe.
Cependant, nous proposons quelques pistes de réflexion en lien avec notre
sujet, autour de la place qu’occupent les médias (édition, presse généraliste
et spécialisée, télévision, radio, Internet) à de multiples niveaux de la
diffusion de la culture scientifique (promotion d’ouvrages et d’événements
de culture scientifique, traitement de résultats scientifiques, sollicitation
d’expertises sur des sujets d’actualité, etc.). En effet, les médias jouent un
rôle crucial dans l’image que les citoyens ont de la science, par la place
qu’ils lui accordent, la manière dont ils la présentent et les personnalités
qu’ils invitent pour en parler. Cette diffusion de la science et la perception
qu’en ont les citoyens s’alimentent mutuellement dans un jeu complexe
d’interactions : contraintes de rentabilité financière, contraintes de format et
modalités de traitement de l’information des médias généralistes,
relativisme imprégnant notre société, défiance/attirance vis-à-vis des
sciences, méconnaissance de la démarche scientifique, manque d’esprit
critique, etc.
À l’occasion d’une étude européenne réalisée en 2007 sur « la recherche
scientifique dans les médias »(772), 71 % des Français affirment que la
télévision constitue un moyen régulier ou occasionnel pour accéder à
l’information scientifique, 59 % déclarent accéder à cette information par la
lecture d’articles de journaux et de magazines généralistes, puis, loin
derrière, viennent Internet (33 %), la radio (26 %) et la presse spécialisée
(24 %). Au vu de ces chiffres, il nous semble légitime de nous interroger sur
la façon dont la science est traitée dans les médias traditionnels et en
particulier dans la presse généraliste, à la télévision et à la radio (l’étude ne
donne pas de précisions sur les pratiques d’utilisation d’Internet, mais on
peut penser que la consultation des sites internet des médias traditionnels
est dominante(773)).
La place accordée à l’information scientifique et technique dans ces
médias est très faible. À titre d’exemple, selon une étude réalisée par l’INA
en 2010, les sujets consacrés aux sciences et techniques dans les journaux
télévisés des principales chaînes de télévision — TF1, France 2, France 3,
Canal+, Arte, M6 — en 2009(774) ne représentent que 2,2 % du nombre
total(775), à la dernière place de toutes les thématiques, à égalité avec
l’éducation, et derrière les faits divers (5,6 %), les catastrophes (6,5 %), les
sports (7,4 %) et les sujets de société (17,4 %). Comme le constate la
journaliste scientifique Cécile Michaut, « la place de la science dans les
médias reste faible et le petit nombre de journalistes spécialisés en sciences
reflète probablement ce manque d’intérêt »(776). Effectivement, selon
Dominique Wolton, directeur de l’Institut des sciences de la communication
du CNRS, sur les 50 000 cartes de presse délivrées aux journalistes, environ
350 concernent des journalistes scientifiques(777). Ainsi, malgré la qualité du
travail qu’ils peuvent fournir, le faible nombre voire l’absence de
journalistes scientifiques dans les rédactions généralistes (quotidiens et
magazines nationaux, presse quotidienne régionale, télévisions et radios
locales et nationales) a pour conséquence la difficulté, voire l’incapacité, de
ces médias à accorder une place spécifique à une information scientifique
rigoureuse : traitement assuré par des journalistes qui n’ont aucune
compétence en sciences, espace accordé tellement faible qu’il est alors
impossible de la traiter avec rigueur et de la distinguer d’une tribune
d’opinion, etc. Dans tous ces cas, l’image de la science ainsi véhiculée est
trompeuse, voire erronée (voir les multiples exemples cités dans les
chapitres 3 et 4 d’articles, de dossiers et d’émissions présentant une science
« spiritualiste »). Pour Sylvestre Huet, journaliste scientifique à Libération,
cette situation est en partie due au fait que « la plupart des directions de
médias, pour leur majorité formatée à l’économie ou à la politique, refusent
d’accorder à la connaissance scientifique un statut différent de celui des
“opinions”, qui toutes se valent, comme si la mesure des températures ou
de la validité d’une équation dans un modèle relevait d’une simple
opinion »(778).
Ce traitement médiatique problématique peut prendre plusieurs formes.
Par exemple, l’assimilation fréquente dans les médias de la science — en
tant que démarche de construction de connaissances objectives — à la
technoscience offre un boulevard aux discours pseudoscientifiques en
général et créationnistes en particulier. Ces discours s’appuient ainsi sur la
confusion entretenue entre les deux registres différents de signification du
mot « science ». Le jugement moral émis à rencontre d’une théorie
scientifique est alors perçu comme étant aussi légitime que celui concernant
certaines applications techniques issues de la science. Pourtant, alors que
dans le second cas il s’agit bien d’une discussion d’ordre politique, la
formulation de considérations morales pour remettre en cause la validité
d’une théorie scientifique ne rentre pas, elle, dans le cadre de la démarche
scientifique (voir chapitre 1).
Toujours à propos de la manière avec laquelle les rédactions de médias
généralistes traitent l’information scientifique, Sophie Bécherel, journaliste
scientifique à France Inter et ancienne présidente de l’Association des
journalistes scientifiques de la presse d’information (2010-2012) explique :
« Vous savez, les scientifiques ont leur impact factor, et nous, dans
l’audiovisuel, nous avons notre audimat factor. C’est-à-dire que sur des
questions qui font débat, où c’est assez fin, où l’argumentaire nécessiterait
du temps, ce que [les responsables de rédaction] demandent en général aux
journalistes, c’est de trouver un “pour” et un “contre”, et de leur donner
chacun une minute. C’est dramatique puisque certaines vérités scientifiques
ne peuvent pas être traitées comme ça […]. Mais en proposant des points
de vue aussi contradictoires, les messages sont très clairs, très carrés, et ça
marche très bien. Vous ne faites absolument pas progresser, ni le débat, ni
l’intelligence, mais chaque camp y trouve son compte. C’est ce que l’on
demande aux journalistes scientifiques. »(779)
L’image de la science auprès du grand public se construit aussi au
travers des intervenants qui sont invités en tant qu’experts à s’exprimer sur
des sujets scientifiques faisant l’actualité. Ainsi, selon l’étude de l’INA
évoquée précédemment, ces experts — chercheurs et praticiens (médecins,
ingénieurs, spécialistes) - représentent 73 % des intervenants sollicités pour
traiter l’information scientifique dans les journaux télévisés. Or certaines
personnalités concentrent les invitations médiatiques(780), car elles sont
considérées comme de « bons clients » pour parler de science en général, et
ce, sans qu’il y ait toujours un lien explicite avec leur domaine d’expertise.
Il s’agit bien souvent d’intervenants qui sont sollicités dans le cadre de
programmes généralistes et non pas de programmes spécifiquement dédiés
à la science. Pour illustrer cette tendance, intéressons-nous à trois
personnalités — aux profils très différents — qui sont révélatrices de la
manière avec laquelle des médias généralistes peuvent traiter l’information
scientifique et ainsi véhiculer une certaine image de la science auprès d’un
large public : les frères Bogdanov, animateurs de télévision et essayistes,
régulièrement invités dans les médias généralistes pour assurer la promotion
de leurs ouvrages de vulgarisation scientifique et pour parler de science ;
Jean-Marie Pelt, botaniste très actif en tant que vulgarisateur scientifique ;
et enfin, Claude Allègre, personnalité scientifique et politique très présente
dans les médias généralistes pour exprimer son opinion sur divers sujets
scientifiques et leurs implications pour la société.
Igor et Grishka Bogdanov sont producteurs-animateurs d’émissions
scientifiques à la télévision et essayistes. Titulaires de thèses de doctorat
controversées dans le milieu scientifique(781) - en physique théorique (1999,
Grichka) et en mathématiques (2002, Igor) -, ils sont invités par de
nombreux médias, essentiellement généralistes, en tant qu’essayistes, à la
fois chercheurs controversés et brillants vulgarisateurs scientifiques(782),
auteurs d’une prétendue théorie révolutionnaire en cosmologie. Les frères
Bogdanov sont aussi sollicités pour s’exprimer sur des résultats
scientifiques dans des émissions de divertissement(783). Dans le livre Le
Visage de Dieu(784), publié en 2010 et devenu un best-seller, ils présentent
une histoire de la cosmologie moderne et expliquent que l’Univers est réglé
pour que les humains y apparaissent(785). Ils défendent ce principe
anthropique fort (sans le nommer) dans les nombreux médias qui les
invitent(786). Par exemple dans Le Matin, quotidien suisse, Igor explique :
« Oui, Dieu existe de manière très évidente. […]. Les lois [de l’Univers]
remontent à plus de 13 milliards d’années ; elles correspondent à un
scénario qui forme le code cosmologique […] de l’Univers. Celui-ci obéit à
des combinaisons de nombres qui ne sont pas là fortuitement. Ils sont le
produit d’un réglage si fin, d’une conception et d’une précision si
inimaginables qu’ils ne peuvent pas être le fruit du hasard. » Grishka
complète : « Nous pensons que l’on peut aller vers Dieu à travers
l’astrophysique théorique et la cosmologie. […]. Une cause — que nous
acceptons d’appeler Dieu — a réglé les vingt premiers paramètres
cosmologiques qui sont à l’origine de la création de l’Univers. »(787) Une
telle position conforte tous ceux qui sont prompts à interpréter ce « réglage
fin » des constantes fondamentales de la physique comme une preuve
scientifique de l’existence d’un créateur surnaturel. C’est ce qu’illustre, par
exemple, un reportage « scientifique » du journal télévisé de France 2 du 11
juin 2010(788) dans lequel les jumeaux affirment : « Pour nous, l’Univers
n’est absolument pas né par hasard. » Le journaliste en conclut que « les
frères Bogdanov y voient donc la main d’un créateur — pourquoi pas Dieu
— une thèse audacieuse réfutée par une partie de la communauté
scientifique », donnant abusivement l’impression au téléspectateur que cette
« thèse audacieuse » relève de la démarche scientifique. Dans la continuité,
ils publient en 2012 La Pensée de Dieu(789), leur nouveau best-seller qui
bénéficie encore d’une couverture médiatique considérable et dans lequel
ils prétendent prolonger la pensée d’Einstein et d’autres illustres physiciens
en affirmant que leurs travaux montrent qu’« il y a eu quelque chose avant
le big bang, alors que l’Univers n’était qu’un nuage d’informations.
Comme Einstein, nous estimons qu’à l’instant du big bang, il n’y avait pas
de place pour le hasard. Il a bien fallu un principe organisateur. Alors, qui
a créé ces règles infiniment précises qui régissent l’Univers ? Pour les
scientifiques, c’est aussi difficile à admettre que le passage de la Terre plate
à la Terre ronde »(790). Avec une présence médiatique qui étonne
singulièrement vu les polémiques concernant leurs réelles compétences
scientifiques(791), les frères Bogdanov diffusent donc, sous une apparence
scientifique, le même principe anthropique fort que les partisans d’un
dessein intelligent ou les promoteurs d’un spiritualisme englobant. Pourtant,
toujours soucieux d’entretenir leur image scientifique auprès du grand
public, ils n’hésitent pas à affirmer : « On aura beau chercher page à page,
pousser la lecture aux limites, l’on ne trouvera jamais dans nos écrits ce
qui, de près ou de loin, pourrait ressembler au créationnisme »(792).
Le deuxième cas concerne Jean-Marie Pelt, pharmacien et botaniste(793),
ancien animateur d’émissions télévisées (TF1, France 3, Arte, etc.), homme
de radio (France Inter, RFI, RTL, etc.)(794) et auteur de nombreux livres(795),
largement diffusés, sur la botanique et l’écologie (et la spiritualité(796)). À ce
titre, il fait partie des vulgarisateurs scientifiques invités à propager leur
vision de la science auprès d’un large public. Or Pelt met en avant des
considérations morales et religieuses dans ses interventions et écrits
scientifiques sans que le lecteur ou l’auditeur puisse toujours faire la
différence entre ce qui relève de ses opinions personnelles et de
connaissances scientifiques avérées, entretenant ainsi la confusion entre
science et spiritualité. Par exemple, dans son livre La Raison du plus
faible(797), il explique : « De la vision darwinienne à la vision humaniste et
spiritualiste, on passe de “Mangez-vous les uns les autres” (la prédation) à
“Aidez-vous les uns les autres” (la solidarité), enfin à “Aimez-vous les uns
les autres” (la compassion). L’humanité, s’arrachant à la barbarie des
origines, irait donc vers l’altruisme. » De plus, ses connaissances
botaniques et sa capacité à les vulgariser ne l’empêchent pas de faire
preuve, selon nous, d’une réelle inconsistance épistémologique et de
faiblesses scientifiques lorsqu’il se situe hors de son champ de compétence,
en particulier sur des thèmes qui entrent en contradiction avec ses croyances
(matérialisme méthodologique, hasard, sélection naturelle, etc.). À ce titre,
sa présentation de la théorie darwinienne de l’évolution relève bien souvent
de la caricature(*) ou est erronée, comme lorsqu’il s’exprime sur le hasard :
« Comment expliquer, en outre, par la seule sélection naturelle, le
mécanisme de miniaturisation des fleurs qui les regroupe en société de
fleurs, comme c’est le cas de la marguerite ou de l’edelweiss ? Apparaît
alors l’idée qu’il y a un sens dans l’évolution. Mais il s’agit là d’une
perception philosophique tirée de l’observation. Laquelle va à l’encontre de
cette idée dominante qui fait du hasard, l’unique moteur de l’évolution(*). Il
y a, certes, le hasard, mais pas seulement. Voilà pourquoi je suis résolument
évolutionniste et raisonnablement darwinien. »(798) Ses positions peuvent
ainsi se rapprocher de celles de l’UIP dont il suit et soutient les activités
depuis de nombreuses années(**). Pour les dix ans de l’association en 2005,
il leur a ainsi adressé un message de soutien suivant : « Je suis heureux de
m’associer à la célébration du 10e anniversaire de l’UIP. […] L’UIP est un
lieu d’échange et de dialogue tel qu’il en existe fort peu dans un monde où
la pensée unique et le politiquement correct, de surcroît imprégnés de
scientisme, restreint peu à peu le libre débat. […] Je souhaiterais que son
action soit mieux connue et médiatisée, car le monde scientifique gagnerait
beaucoup à mieux connaître l’UIP. »(799)
D’autres scientifiques reconnus et fortement médiatisés peuvent diffuser
des positions qui font le jeu des créationnistes. C’est le cas par exemple du
géochimiste et académicien des sciences Claude Allègre, qui est aussi une
personnalité politique puisqu’il a été député européen de 1999 à 2004 et
ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie du
gouvernement de Lionel Jospin entre 1997 et 2000. Attention, il ne s’agit
pas ici de laisser penser qu’Allègre adhère aux formes radicales du
créationnisme — il est d’ailleurs l’un des signataires d’un manifeste de la
Société géologique de France contre le créationnisme scientifique(800) - mais
de souligner que, quelles qu’en soient les raisons (parti-pris idéologique,
faiblesses épistémologiques, maladresse, provocation…)(801), le manque de
rigueur dans la vulgarisation de la science conduit certains scientifiques
médiatisés à véhiculer des positions qui contribuent à l’inculture
scientifique et qui font le jeu des créationnismes ainsi que des
pseudosciences en général en leur apportant des arguments d’autorité pour
appuyer leurs positions. Ainsi, dans Introduction à une histoire naturelle :
du big bang à la disparition de l’Hommé(802), Allègre écrit qu’« en l’état
actuel de nos connaissances, il n’est pas scientifiquement absurde
d’admettre qu’entre l’inanimé et le vivant, il y a une “distance” si grande
qu’elle n’a pu être comblée que par l’intervention de Dieu. Rien, dans nos
connaissances scientifiques actuelles, n’interdit de le penser. Cette attitude
n’a donc à mes yeux, rien de choquant ». Certes, « rien n’interdit de le
penser », mais cette position est une nouvelle illustration de la confusion
des discours : il fait d’une interprétation théologique — à laquelle il semble
souscrire, tant son propos est ambigu — une question scientifique. Cette
affirmation est ensuite reprise par des créationnistes tels que Mohammed
Keskas(*), qui invoque les propos d’Allègre et en fait une précieuse caution
scientifique et politique.
Un contexte politique favorable(**)
Qu’il s’agisse des créationnistes « scientifiques » ou des IDers
américains, des créationnistes passés à l’offensive dans plusieurs États
européens, des structures et mouvements turcs de Harun Yahya ou de
Fethullah Gülen, du Vatican, des structures créationnistes liées aux
catholiques traditionalistes, des promoteurs d’un dialogue entre science et
religion soutenus par la JTF, tous ont en commun de promouvoir — à des
degrés divers — une vision du monde où la religion constitue la source des
valeurs morales qui devrait régir la société. C’est au nom de cette prétendue
autorité morale que les institutions religieuses tentent d’intervenir sur les
contenus des programmes dispensés dans l’enseignement, ou qu’elles sont
reconnues comme des interlocuteurs légitimes sur des questions d’éthiques
touchant à la santé publique ou à l’orientation de la recherche par des
institutions politiques nationale — tel que le Comité consultatif national
d’éthique(803) - et européenne — tel que le Groupe européen d’éthique, des
sciences et des nouvelles technologies(804). Par exemple, concernant
l’opposition de l’Église catholique aux recherches menées sur les cellules
souches embryonnaires, Xavier Bertrand, ministre de la Santé en poste en
2011, estime que l’institution de l’Église catholique « est une voix qui doit
se faire entendre, au même titre que toutes les autres. Cela fait partie de
l’idée que j’ai de la démocratie et du vivre ensemble […] Ces sujets de
bioéthique touchent à l’intime, aux convictions et aux croyances, et ne sont
pas réservés à la sphère politique ou scientifique »(805).
Il s’agit donc bien ici de la question de l’autonomie de la puissance
publique par rapport aux croyances, autrement dit de la laïcité. Catherine
Kintzler, philosophe spécialiste de la question, rappelle que « la laïcité
concerne l’autorité publique, ce qui relève de l’État et de ses institutions,
du droit et de sa production. Elle n’est pas une doctrine, c’est un principe
minimaliste qui dit que la loi, la puissance publique et les affaires
politiques sont disjointes de toute croyance et de toute incroyance et que, en
conséquence, la puissance publique s’oblige à un devoir d’abstention. C’est
précisément en vertu de cette abstention de la puissance publique en la
matière que, partout ailleurs dans la société civile, les opinions, les
croyances et incroyances sont libres — bien entendu, dans le cadre de la
liberté d’expression définie par la loi »(806).
En France, les mouvements créationnistes peuvent s’appuyer sur la
confusion qui règne actuellement chez un certain nombre de dirigeants
politiques quant à la laïcité, entre « laïcité adjectivée (ouverte, positive,
plurielle, raisonnable) » et « ultra-laïcisme », comme le constate Kintzler :
« Mais l’opération vient de plus loin, préparée par des années d’égarement
politique — tant à droite qu’à gauche — enraciné dans une affligeante
ignorance qui oscille en réaffirmant toujours la même double erreur :
diluer la laïcité dans des accommodements déraisonnables (exemple : “Et
si on finançait les lieux de culte ?”) ou la durcir vers l’ultralaïcisme
(exemple : “Et si on interdisait l’affichage religieux aux usagers des
services publics ?”). »(807)
Différentes prises de position et certaines mesures mises en place sous la
présidence de Nicolas Sarkozy violent justement la laïcité « à la française »
définie par la loi de 1905, depuis ses discours du Latran et de Riyad (voir
ci-dessous), jusqu’aux positions contre le port des signes religieux dans des
lieux publics soutenues, entre autres, par Claude Guéant(808). Au travers des
propos justifiant ces remises en cause de la laïcité, la confusion des discours
rappelle celle qui est entretenue par les partisans d’un dialogue entre
science et religion. Ces propos utilisent les mêmes ressorts rhétoriques en
ignorant l’abstention dont doit faire preuve l’État — tout comme la
méthode scientifique — en matière de croyance. Le pas décisif est franchi
en légitimant les institutions religieuses comme des interlocuteurs de la
puissance publique : il est affirmé que l’ouverture « d’un dialogue entre
l’État et les religions »(809) permettrait de dépasser un conflit démodé entre
laïcisme et cléricalisme. L’objectif de Sarkozy est alors bien de (re)donner
un pouvoir social aux religions(810). Pour cela, il rompt avec son devoir
d’abstention de représentant des institutions républicaines en s’exprimant
sur la croyance. Il affirme notamment au Latran (2007) et à Ryad (2008)
qu’il y a une « tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une
transcendance »(811), qu’« un homme qui croit, c’est un homme qui espère.
Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de
femmes qui espèrent »(812) et il assigne aux religions le rôle de « combattre
ensemble contre le recul des valeurs morales et spirituelles, contre
le matérialisme, contre les excès de l’individualisme »(813). Ce discours,
qui rejoint selon nous celui des créationnistes (et correspond très
précisément à celui du Vatican, voir chapitre 3), confère finalement aux
institutions religieuses l’autorité morale qu’elles revendiquent lorsqu’il
affirme que « la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion
morale inspirée de convictions religieuses […] parce qu’une morale
dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux
contingences historiques et finalement à la facilité »(814).
Les implications d’une telle vision politique concernent de nombreux
secteurs de la société française, notamment l’enseignement. Dans un
contexte de privatisation et de démantèlement de l’enseignement public
français(815), les institutions religieuses sont sollicitées par le pouvoir
politique de l’époque pour contribuer à la mission d’éducation normalement
assurée par l’État. Cela concerne les religions dans leur ensemble, mais
compte tenu du contexte national, les institutions catholiques sont plus
particulièrement sollicitées. Les établissements catholiques représentent en
effet la très grande majorité(816) des établissements privés sous contrat avec
l’État(*). Cette sollicitation politique des religions dans l’éducation initie un
processus gagnant-gagnant sachant que de leur côté, les institutions
catholiques considèrent l’enseignement comme un enjeu majeur, comme le
rappelle le secrétaire de la congrégation pour l’éducation catholique au
Vatican Jean-Louis Bruguès : « L’école catholique deviendra le premier et
peut-être le seul lieu de contact avec le christianisme », avant de conclure
que « l’école est un point crucial pour notre mission »(817). Précisons que
certaines organisations chrétiennes dénoncent la participation de l’Église
catholique au démantèlement de l’enseignement public, comme par
exemple l’association Chrétiens pour une Église dégagée de l’école
confessionnelle.
Sous la présidence de Sarkozy, le gouvernement a multiplié les réformes
et les mesures favorisant l’enseignement privé en lui attribuant des
financements publics directement (plan Espoir banlieue en 2008(818) ; sur
l’ensemble des postes supprimés entre 2003 et 2009, 5 % concernent le
privé sous contrat contre 95 % l’enseignement public(819) ; loi Carle en
2009(820), etc.) ou indirectement (comme l’illustre par exemple la
reconnaissance d’utilité publique(821) en des temps record de structures telles
que la Fondation pour l’école en 2008(822) ou la Fondation Saint-Matthieu en
2010(823)). L’enseignement supérieur est aussi la cible d’offensives, avec le
décret de 2009 publiant l’accord dit « Vatican-Kouchner »(824) portant sur la
reconnaissance des grades et diplômes de l’enseignement supérieur et qui a
pour objet, selon le quai d’Orsay, « de reconnaître la valeur des grades et
des diplômes canoniques (théologie, philosophie, droit canonique) ou
profanes délivrés par les établissements d’enseignement supérieur
catholiques reconnus par le Saint-Siège et de faciliter les différents cursus
universitaires »(825). Pour finir, la création d’un groupe d’études sur
« l’enseignement privé sous contrat et hors contrat » à l’Assemblée
nationale en janvier 2011 symbolise le lobbying actif réalisé actuellement
par des représentants de l’enseignement catholique pour faire « avaliser ses
doléances »(826) : ce groupe est constitué de 85 parlementaires (dont 73 de
l’UMP et certains marqués très à droite, comme Christian Vanneste, Claude
Goasguen ou Lionnel Luca).
Cette convergence entre actions politiques et lobbying de représentants
de l’enseignement catholique(*) est-elle susceptible d’influencer ou de faire
pression sur les contenus des programmes ? La polémique suscitée à la
rentrée scolaire 2011(827) par l’introduction des études de genres au
programme de sciences de la vie et de la Terre(*) (SVT) en classe de
première section littéraire (L) et économique et social (ES) est à cet égard
illustrative. Intéressons-nous ici non pas aux contenus présentés dans les
manuels scolaires et à ce que sont les études de genre(828), mais aux
différents groupes de pression qui ont suscité la polémique en s’exprimant
sur un contenu scientifique non conforme à leurs conceptions morales.
Dénommés à tort par leurs opposants « théorie du genre », ces contenus
suscitent une véritable levée de boucliers d’une part importante de la
majorité parlementaire d’alors (deux pétitions ont été envoyées
successivement, en août et septembre 2011, au ministre de l’Éducation
nationale de l’époque, Luc Châtel, par 80 députés UMP à l’initiative de
Richard Maillé, de la Droite populaire, puis par 113 sénateurs dont 98 UMP,
12 centristes et 3 non-inscrits(829)). Ils exigent tous « le retrait des manuels
des lycées qui présentent cette théorie »(830) considérée comme
« fumeuse »(831) et en s’appuyant paradoxalement sur le fait « que
l’éducation nationale doit s’affranchir d’une part des polémiques
sociologiques, d’autre part de toute intrusion dans la libre conscience des
élèves »(832). L’arsenal rhétorique rappelle les discours créationnistes :
« idéologie », « théorie » (dans un sens commun), « morale »…
Aux sources de cette polémique se trouvent des institutions catholiques,
et en particulier celles liées à l’enseignement. Dès 2010, le Secrétariat
général de l’enseignement catholique publie le guide, Éducation affective,
relationnelle et sexuelle dans les établissements catholiques
d’enseignement(833), qui est envoyé à tous les cadres des établissements
concernés et qui met en garde contre l’enseignement de « la théorie du
genre »(834) et pose ainsi les termes du « débat » : « La gender theory
privilégie le “genre”, considéré comme une pure construction sociale, et
diversifié selon les orientations sexuelles, aux dépens du “sexe”. Elle
manifeste un déni de la différence corporelle et psychologique qui préexiste
aux rôles culturels. Ce constructivisme s’applique ensuite à la culture et
aux règles sociales pour les modifier. […] Le but de la gender theory est
donc de “libérer” l’individu de tout cadre normatif donné par la nature, la
société, la tradition, la religion et de permettre à chacun de choisir
librement son identité, son orientation sexuelle et sa forme de famille. »(835)
Fin mai 2011, un courrier formulant cette mise en garde est adressé aux
directeurs diocésains — qui la transmettent ensuite aux cadres
d’établissements — par l’adjoint du secrétaire général de l’enseignement
catholique, Claude Berruer(836). Simultanément, la Confédération nationale
des associations familiales catholiques lance une pétition et interpelle
Châtel pour lui indiquer que « les enseignants doivent, eux, pouvoir remplir
leur rôle en toute liberté et notamment la liberté de pouvoir présenter les
débats que suscite telle ou telle “théorie”, les différents points de vue qui
existent sur ces sujets et leurs statuts respectifs »(837). Sous des dehors
policés, il s’agirait donc tout bonnement de remettre en cause
l’enseignement d’une partie du programme des sciences de la vie et de la
Terre (SVT) qui va à rencontre de la position des institutions de l’Église
catholique — depuis le pape Benoît XVI(838) jusqu’à la Conférence des
évêques de France(839) - qui rejettent « la théorie du genre » car il s’agit
« d’une idéologie qui contredit la conviction chrétienne »(840).
Quelques jours plus tard, ce combat est relayé successivement par
Christine Boutin(841), présidente du Parti chrétien-démocrate et alors
ministre du Logement, et Christian Vanneste, président du Rassemblement
pour la France et alors député(842). Ce dernier envoie d’ailleurs une lettre au
ministre de l’Éducation pour vilipender « la théorie du gender »(843) dont
l’introduction dans les manuels de SVT est jugée « scandaleuse », car « à
l’encontre non seulement des connaissances scientifiques les plus
élémentaires, mais aussi de la conception que se fait l’immense majorité
des parents de l’éducation de leurs enfants ». Par ailleurs, il invoque « le
caractère propre » des établissements privés confessionnels comme si le
caractère confessionnel traçait une frontière justifiant de ne pas enseigner
une partie du programme dans un établissement privé sous contrat avec
l’État.
Finalement, cette polémique révèle que des institutions catholiques, et en
particulier celles en charge de l’enseignement, ont les appuis politiques
nécessaires pour que leurs opinions soient relayées au niveau des
institutions républicaines par certains élus(844). Et leurs appuis ne se limitent
pas à un petit noyau isolé d’élus ultraconservateurs, comme en témoignent
les près de deux cents parlementaires signataires des deux pétitions d’août
et septembre 2011. De surcroît, Jean-François Copé, alors secrétaire général
de l’UMP, apporte son soutien à cette fronde des élus UMP. Il s’autorise au
passage un jugement sur ce qu’il qualifie de « théorie scientifique » (nous
avons rappelé plus haut qu’il n’y a, en fait, pas de « théorie du genre » mais
des études scientifiques sur le genre) : « Ce qui est profondément choquant
dans cette affaire, c’est que la théorie du genre […] soit présentée comme
une vérité scientifique alors que ça ne l’est pas. […] Cela justifie que des
députés s’en émeuvent et je pense qu’ils ont raison et il serait absolument
inacceptable que l’on fasse des procès d’intention d’homophobie ou autres,
ce qui n’est absolument pas le cas, à des parlementaires qui
s’interrogent. »(845) Des propos étonnants quand on sait, par exemple, que
Vanneste a déjà été condamné pour ses prises de position homophobes(846).
Quant à Lionnel Luca, l’un des chefs de file de la Droite populaire, il
affirme dans un journal de M6 que « remettre en cause la notion même de
l’homme et de la femme, reviendrait à dénier à Adam et Ève de s’être
reproduits. On a eu de la chance qu’ils n’aient pas connu cette idéologie
sinon on ne serait pas là pour en parler »(847). Puis il poursuit sa critique :
« Ce qui est grave, c’est que cette théorie, sous couvert de reconnaître
différentes identités sexuelles, veut légitimer à terme la pédophilie, voire la
zoophilie puisque, ceux qui le revendiquent aux États-Unis, défendent
l’amour pour les jeunes enfants. »(848) Cette remise en cause du caractère
scientifique des études sur le genre (remise en cause qui s’accompagne
d’une lecture grossièrement erronée : en aucun cas, les études de genre ne
font l’apologie de la pédophilie ou de la zoophilie) et de leur présentation
dans les programmes scolaires au nom de conceptions morales et
religieuses n’est pas sans rappeler les positions de certains créationnistes à
l’encontre, par exemple, de l’homosexualité ou de l’avortement, décrites à
plusieurs reprises dans ce livre (voir par exemple chapitre 2). Dans les deux
cas, la science n’est qu’un instrument utilisé pour appuyer l’existence d’un
ordre naturel qui ne pourrait pas être remis en cause. La méthode
scientifique est dévoyée pour donner des conclusions établies a priori avec
pour objectif de justifier un ordre établi conforme à un système de valeurs
morales et religieuses.
Comme le note le sociologue Éric Fassin, « ce discours sur l'altérité
sexuelle renvoie bien sûr à une volonté de préserver l’hétérosexualité en
tant qu’institution sociale, au fondement des normes sexuelles. Ce qui gêne
les conservateurs, c’est par exemple quand on lit, dans [un] manuel
scolaire, que l’hétérosexualité n’est que “la situation la plus fréquente”, en
précisant que l'orientation sexuelle ne renvoie pas à une identité de genre :
une femme très féminine peut être attirée par les femmes. Autrement dit, pas
possible de renvoyer l'orientation sexuelle du côté de l’anomalie »(849). Ce
sont donc bien des considérations morales et politiques inspirées par des
conceptions religieuses qui poussent ces parlementaires à vouloir
directement intervenir sur le contenu des manuels et à juger de ce qui serait
scientifique ou non : les pétitions des sénateurs et députés, ainsi que la
réponse de l’Élysée à la Confédération nationale des associations familiales
catholiques(850) en témoignent. Notons que les catholiques n’ont pas le
monopole de cette polémique. Avec le même type d’arguments, le Parti
républicain chrétien, évangélique, revendique également le retrait des
études de genre des manuels scolaires(851).
Les membres de l’Institut Émilie du Châtelet, centre de recherches sur
les femmes, le sexe et le genre, posent clairement le problème dans une
pétition : « Il n’appartient nullement aux politiques de juger de la
scientificité des objets, des méthodes ou des théories. Seule la communauté
savante peut évaluer les travaux de ses pairs : le champ scientifique, par
ses contrôles, en garantit la rigueur. Si nous restons silencieux aujourd’hui,
nous dira-t-on demain que l’évolution n’est qu’une idéologie ? À quand les
pressions pour imposer l’enseignement du créationnisme, au nom de la
liberté de conscience ? »(852)
Effectivement, la polémique révèle un contexte politique
particulièrement favorable à la remise en cause d’une partie des
programmes, car telle ou telle « théorie » serait jugée par certains comme
« une idéologie ». C’est d’ailleurs le point sur lequel rebondit Paul Ohlott,
journaliste chrétien évangélique (voir chapitre 3), pour justifier sa
revendication d’introduire le créationnisme dans l’enseignement. Ainsi, il
écrit sur le site actuchretienne.net « Par ailleurs, comment faut-il
interpréter le fait que d’une part, l’Éducation nationale ne veut pas
entendre parler de créationnisme dans les lycées et collèges, au prétexte
qu’il s’agirait d’un courant de pensée et non d’une véritable théorie
scientifique, mais que d’autre part, elle n’ait aucun scrupule à faire la
promotion de la théorie du genre dans les cours de SVT alors que celle-ci
ne s’appuie sur aucune démonstration et qu’elle n’est rien d’autre qu’un
courant de pensée issu des mouvances féministes et LGBT [lesbiennes,
gays, bisexuels et transgenres] ? De qui se moque-t-on ? »(853)
En guise de conclusion, évoquons le prolongement de cette opposition
idéologique à l’enseignement des études de genre(854) suite à l’élection de
François Hollande à la tête de l’État : l’opposition au projet de loi autorisant
le mariage homosexuel et l’adoption pour les couples homosexuels(855). Il ne
s’agit bien sûr pas de trancher ici une question sociétale d’ordre politique ni
de réduire les arguments des opposants au mariage homosexuel uniquement
à des revendications d’ordre religieux. Mais à de nombreux égards, le
contenu du débat est révélateur des aspects et des enjeux développés tout au
long de cet ouvrage, en particulier l’instrumentalisation de la science pour
promouvoir des positions politiques fondées sur des dogmes religieux. En
effet, si les institutions représentatives des principales confessions
s’expriment unanimement et publiquement contre l’adoption de ce projet de
loi au nom de leur foi, elles se placent toutes sur le terrain scientifique, en
particulier de l’anthropologie et de la biologie(856). Ainsi, la Conférence des
évêques de France, l’institution représentative de l’Église catholique en
France, affirme qu’« il ne s’agit pas pour les catholiques d’imposer un
point de vue religieux, mais d’apporter leur contribution à ce débat en tant
que citoyens en se basant sur des arguments anthropologiques et
juridiques »(857). Cette stratégie rhétorique vise à effacer les motivations
d’ordre religieux derrière une façade qui se veut scientifique et dont
l’objectivité et l’universalité devraient susciter un consensus. Pour Gilles
Bernheim, grand rabbin de France, « ce n’est pas la sexualité des individus
qui a jamais fondé le mariage ni la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-
dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes »(858) ; pour la
Conférence des évêques de France, le projet de loi va « porter atteinte aux
fondements anthropologiques de la société »(859) ; pour l’Union des
organisations islamiques de France (UOIF), cela risque d’« effacer, petit à
petit, tous nos repères naturels et de déstabiliser ce sur quoi l’humanité
s’est toujours fondée et a toujours continué à se préserver »(860) ; selon
Mohammed Moussaoui, président du Conseil français de culte musulman
(CFCM), « le fait que deux personnes de même sexe puissent déployer tous
les moyens pour donner à un enfant de l’amour et de l'affection ne peut être
un argument pour relativiser une donnée anthropologique et psychologique
fondamentale qu’est le besoin d’un enfant d’avoir une filiation réelle issue
d’une mère et d’un père »(861) ; la Fédération protestante de France estime
que « l’actuel projet de “mariage pour tous” apporte de la confusion dans
la symbolique sociale et ne favorise pas la structuration de la famille. Il
n’est pas question ici de morale, mais d’anthropologie et de symboles »(862) ;
et le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) met en garde car
« si une telle réforme voyait le jour, elle permettrait l'émergence d’une
société déconnectée, symboliquement et pratiquement, des réalités
anthropologiques et biologiques naturelles »(863).
Les discours pseudoscientifiques sur lesquels se fondent ces oppositions
peuvent être très « élaborés », comme l’illustre par exemple l’UOIF pour
revendiquer l’universalité de l’hétérosexualité : « Peut-on concevoir
l’organisation de la matière sans cette notion de couple qui la fonde ? Le
noyau d’atome sans les particules, différentes, positives et neutres qui la
composent ? De la même manière, la vie humaine sera fortement perturbée
en l’absence d’une relation complémentaire entre l’homme et la femme. Le
couple, constitué d’un homme et d’une femme, est l’unité de base de
l’organisation et de la vie humaine »(864). Dans tous les cas, la science —
certains de ses résultats, son vocabulaire — est instrumentalisée pour
justifier un ordre naturel établi en accord avec les religions monothéistes,
comme l’explique Louis-Georges Tin, militant engagé contre l’homophobie
et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet : « Dans les débats sur
l’homosexualité, on invoque sans cesse l’ordre psychanalytique, l’ordre
anthropologique, l’ordre moral ou l’ordre naturel, qui ne sont jamais que
des reformulations contextuelles de “l’ordre divin”, tel que le conçoivent
les religions du Livre. Mais dans une république laïque, invoquer l’ordre
divin serait contreproductif. On recourt donc à des euphémismes. »(865) En
effet, dans les discours des représentants des confessions religieuses, le
dogme constitue le cadre à l’intérieur duquel la science est évoquée pour le
corroborer dans un mélange complet entre science et théologie. Ainsi Gilles
Bernheim, grand rabbin de France, explique que « “Dieu créa l’homme à
son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme”
(Genèse 1, 27). Le récit biblique fonde la différence sexuelle dans l’acte
créateur. La polarité masculin-féminin traverse tout ce qui existe, depuis la
glaise jusqu’à Dieu. Elle fait partie du donné primordial qui oriente la
vocation respective — l’être et l’agir — de l’homme et de la femme. La
dualité des sexes appartient à la constitution anthropologique de
l’humanité »(866). Autre illustration : l’UOIF déclare que « concernant toutes
les créatures, le Coran rappelle une loi universelle selon laquelle tout a été
créé en couple. […] C’est à la lumière de cette vérité générale de la vie que
le Coran invite les hommes à la réflexion pour constater la nécessité de
sauvegarder cette loi dans la vie humaine. Car si cette règle est constante
dans le monde matériel, végétal et animal, elle doit l’être aussi dans la vie
humaine et cela, par la volonté de l’Homme, responsable de ses actes. La
continuité de la vie et sa stabilité est liée au respect de cette règle
universelle »(867).
Au-delà de l’instrumentalisation de la science pour promouvoir des
valeurs portées par les religions, ce débat est aussi révélateur d’autres
réflexions menées dans cet ouvrage. À commencer par la convergence entre
toutes les religions monothéistes dès qu’un de leur socle commun est remis
en cause. Alors que la polémique sur l’enseignement des études de genre a
mobilisé majoritairement les institutions catholiques fortement impliquées
dans l’enseignement privé en France, une question de société comme le
mariage homosexuel mobilise l’ensemble des religions(868). Ensuite, force
est de constater le poids politique des institutions religieuses en France, et
particulièrement de l’Église catholique de France(869), puisque les
représentants de culte sont auditionnés par l’Assemblée nationale en
novembre 2012(870), après que certains d’entre eux ont été reçus par le chef
de l’État, le Premier ministre ou la Garde des sceaux(871). Ce lobbying
s’appuie aussi sur une opinion publique sensible à certains arguments
avancés par les représentants religieux, non pas nécessairement en raison de
leurs croyances religieuses, mais plutôt d’idées reçues. Soulignons tout de
même que sur cette question du mariage, de nombreux croyants
revendiquent publiquement leur désaccord avec les institutions des
confessions auxquelles ils adhèrent(872).
Enfin, insistons une nouvelle fois sur le fait que nous ne remettons en
cause ni la liberté de croyance, ni la liberté d’expression, mais bien le rôle
politique joué par des institutions religieuses qui prétendent s’appuyer sur
des arguments scientifiques pour promouvoir des positions religieuses au
niveau politique.
épilogue

Quelques pistes pour lutter contre les


créationnismes
En définitive, que peut-on faire face au développement et au
prosélytisme des mouvements créationnistes ? Nous proposons ici quelques
pistes de réflexion, particulièrement du côté de l’enseignement et de la
formation de manière générale. Une culture scientifique commune à tous les
citoyens apparaît d’autant plus nécessaire que les débats publics portant sur
la science et ses applications sont aujourd’hui au cœur de l’exercice
démocratique (nanotechnologies, biotechnologies, nucléaire, questions
environnementales, etc.). Cette problématique se pose à tous les niveaux où
la culture scientifique est transmise : enseignement scientifique généraliste
dans le primaire et le secondaire, enseignement scientifique spécialisé dans
le supérieur, formation des enseignants(873), formation des scientifiques, et
pour boucler la boucle, diffusion de la science contemporaine aux citoyens.
Se pose donc la question de la formation scientifique dispensée au cours
de la scolarité des élèves, qu’ils se destinent à la science ou non. Comme le
souligne le sociologue des sciences Dominique Guillo, le socle commun
scientifique devrait porter « tout autant sur l’esprit de la science et sa
méthode que sur ses conclusions » (voir l’encadré ci-dessous) pour
contribuer à la formation de citoyens responsables et éclairés. Les
chercheurs ont un rôle important à y jouer, car ils constituent le lien entre la
science contemporaine et la société ; ils ont donc le devoir de s’impliquer
dans la diffusion des connaissances, non seulement sur les résultats actuels
de leurs disciplines, mais aussi sur les caractéristiques et les spécificités de
la démarche scientifique.
Ce que propose de dire la science, ce n'est pas la Vérité absolue par
Dominique Guillo

L'un des pièges tendus par le créationnisme consiste à pousser ses adversaires à
présenter leur discours comme une Vérité. Car dès lors, le créationnisme peut
décrire son débat avec la science comme l'opposition d'une Vérité contre une autre,
c'est-à-dire comme une affaire de foi. Or ce que propose de dire la science,
justement, ce n'est pas la Vérité absolue. C'est même en un sens précisément le
contraire : c'est la rupture avec les vérités éternelles et définitives, que l'on n'a pas le
droit de questionner. Telle est la différence la plus fondamentale avec le
créationnisme : la science s'appuie en principe sur l'autorité des faits, lesquels
peuvent imposer à tout moment de modifier la conviction que l'on avait jusqu'ici ; le
créationnisme invoque l'autorité d'une entité sacrée, ou de ses interprètes humains,
qui ne doit en aucun cas être contestée, parce que cela remettrait en cause tout
l'édifice religieux. Le plus grave danger du créationnisme n'est donc sans doute pas
— ou pas seulement — de défendre une représentation erronée de la nature
vivante : il est beaucoup plus profond et insidieux. Ce danger consiste à saper l'esprit
même de la science — établir la connaissance rationnellement, douter — et l'éthique
de la connaissance, du libre exercice de la pensée, qu'elle véhicule. Le combat
contre le créationnisme doit assurément en tenir compte et insister tout autant sur
l'esprit de la science et sa méthode que sur ses conclusions.

Parallèlement à l’effort qui doit être fait en faveur d’une initiation


commune à la démarche scientifique, il serait utile de disposer de données
précises sur l’ampleur réelle des remises en cause de l’enseignement
scientifique par des élèves ou des parents d’élèves, ainsi que des difficultés
rencontrées par les enseignants. Il s’agit en effet de dépasser les constats et
retours d’expériences ponctuels(874) qui évoquent, depuis quelques années,
une recrudescence des prises de position pseudoscientifiques en général et
créationnistes en particulier. Un véritable état des lieux pourrait passer par
un observatoire du créationnisme — et, plus globalement, des remises en
cause de la science — à l’attention des enseignants du primaire, du
secondaire et de l’enseignement supérieur. Cet observatoire permettrait de
centraliser le recueil d’informations et de proposer des contenus
documentaires avec des éléments de réflexions sur les problèmes
rencontrés.
Par ailleurs, le développement des nouveaux médias constitue un enjeu
central pour la diffusion de la culture scientifique. Dans les écoles et à
l’extérieur, Internet remplace souvent les livres et encyclopédies
sélectionnés dans les bibliothèques pour les recherches documentaires faites
par les élèves. Or cet outil est privilégié pour une large diffusion des
positions créationnistes et pseudoscientifiques. Il apparaît donc nécessaire
de mettre en place des enseignements précoces et obligatoires dédiés à la
recherche documentaire sur Internet (utilisation des moteurs de recherche,
évaluation des sources, croisement des informations, identification de sites
de référence, etc.). Cette nécessité rejoint plus largement la question de la
formation à l’esprit critique (voir page suivante notre entretien avec
Normand Baillargeon)(875) et de la place qui pourrait lui être accordée dans
l’enseignement.
Au terme de ce livre, rappelons que le créationnisme est protéiforme,
qu’il relève d’une problématique sociopolitique, que des structures existent
en France, qu’elles sont actives, qu’elles sont multiconfessionnelles et
qu’elles bénéficient d’appuis médiatiques, politiques et financiers.
Nous espérons que notre ouvrage concourra à éveiller l’esprit critique
des lecteurs dès lors que la science est convoquée pour conforter un
discours politique.
L’ESPRIT CRITIQUE AU CŒUR DE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE, DE
L’ENSEIGNEMENT ET DU FONCTIONNEMENT DÉMOCRATIQUE.
Entretien avec Normand Baillargeon(*)

- Comment définissez-vous l’esprit critique ?


– Je dirais, pour aller très vite, que c’est un ensemble d’habiletés, de savoirs,
d’aptitudes, et, disons, de vertus, qui font que l’on réagit comme il convient à des
bons arguments et que l’on tire des inférences(876) valides de faits avérés ou
raisonnablement admis. Le penseur critique s’efforce de viser à satisfaire ces hautes
exigences avant de donner son assentiment à une proposition ou de demander celui
d’autrui. Un élément crucial que nous enseignent les sciences cognitives est que le
déploiement de ces habiletés et aptitudes dépend étroitement des savoirs que l’on
possède dans un domaine donné et est considérablement limité à et par eux.
Inspirés par la philosophie empiriste, par l’idée non relativiste du caractère faillible de
nos connaissances, par les succès de certaines sciences empiriques, par les travaux
de pionnier de Martin Gardner(877) et de quelques autres, les mouvements
contemporains qui promeuvent la pensée critique se proposent notamment
d’examiner toutes sortes d’assertions au statut épistémologique contesté, toutes
sortes de croyances — par exemple se donnant pour scientifiques ou paranormales
— et de déployer les ressources de la pensée scientifique et rationnelle pour en
juger le plus objectivement possible.

- Comment s’articulent pensée critique et démarche scientifique ?


– La démarche scientifique incarne une part importante de la pensée critique et la
science empirique et expérimentale est, en droit sinon toujours dans les faits, une
poursuite particulièrement obstinée de l’idéal de la pensée critique. Mais je pense
aussi que la pensée critique possède une extension plus large. Cela explique, par
exemple, que des scientifiques éminents puissent se faire berner par des charlatans
prétendant posséder divers « pouvoirs ». Les scientifiques sont de bons penseurs
critiques dans leurs domaines, mais pas nécessairement hors de lui. Enfin, il est tout
à fait clair qu’il existe bien des domaines et des champs d’intérêt humains où il est
possible et souhaitable de penser de manière critique (philosophie, éthique, politique,
etc.) et où la science et ses résultats ne peuvent jouer qu’un rôle limité.
- Faudrait-il enseigner l’esprit critique à l’école ?
– Il existe en effet en éducation un mouvement appelé critical thinking, nourri
d’inquiétudes devant le peu d’aptitudes à la pensée critique qu’induisent les études,
même parfois longues. Il est cependant depuis toujours traversé par de vifs débats.
Pour certains, il convient de donner des cours de pensée critique ; pour d’autres,
d’incorporer des éléments de pensée critique aux divers champs disciplinaires. Le
danger de la première option est un certain formalisme un peu vide, qui néglige le fait
que la pensée critique est toujours pensée critique de quelque chose. Le danger de
la seconde est qu’un enseignement disciplinaire fasse de la pensée critique un
parent pauvre. Le premier argument me paraît très solide et appuyé par les résultats
des sciences cognitives évoqués plus haut. Je pense qu’on devrait très tôt
accompagner tout enseignement d’un apprentissage de la pensée critique du
domaine concerné, laquelle n’est rien d’autre que la forme même qu’y prend la juste
et bonne pensée. Ensuite, plus tard, on pourrait, en classe de philosophie, consacrer
un enseignement plus général à la pensée critique. La philosophie pour enfants,
développée aux États-Unis par Matthew Lipman(878), représente une autre tendance
au sein de cette mouvance : elle prône l’introduction de la pensée critique dès le
début du cursus scolaire.

- Le développement de l’esprit critique, et donc son enseignement, sont-ils


nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie ?
– La démocratie, en droit, est ce que je décrirais comme un mode de vie associative
par lequel les gens ne sont pas de simples spectateurs de ce qui se passe, mais
bien des participants pouvant prendre une part active et éclairée à la conversation
qui se déroule sur les enjeux collectifs et aussi influer sur les décisions qui sont
prises. Cette haute exigence de faire de chacun un gouvernant en puissance
demande donc que soient acquises par chacun de nombreuses connaissances, mais
aussi des habiletés (par exemple à la discussion et à la délibération) ainsi que des
vertus : l’écoute bienveillante des positions adverses, la prise en compte de la
possibilité de se tromper, le respect de la vérité et ainsi de suite. Du point de vue de
la vie citoyenne, la pensée critique mobilise et contribue à l’acquisition de certaines
connaissances que requiert une démocratie (éléments de rhétorique, de statistiques,
de psychologie, d’épistémologie, etc.) ; elle contribue aussi au développement de
ces habiletés et vertus dont j’ai parlé.
Aux éditions Belin-Pour la Science

J.-F. SALLUZO, La saga des vaccins, 2011.


A. MEINESZ, Comment la vie a commencé, 2011.
S. ALLEMAND, Pourquoi le développement durable ?, 2010.
A. ANDREOLI, L’histoire controversée du test ADN, 2010.
G. CHAPOUTIER, Kant et le chimpanzé, 2010.
D. COUVET et A. TEYSSEDRE, Écologie et biodiversité, 2010.
C. ALLÈGRE et R. DARS, La géologie, 2009.
P. FEILLET, OGM, le nouveau Graal ?, 2009.
M. GARGAUD, H. MARTIN, P. LOPEZ-GARCIA, T. MONTMERLE et R. PASCAL, Le
Soleil, la Terre, la vie, 2009.
V. TARDIEU, L’étrange silence des abeilles, 2009.
G. LECOINTRE (dir.), Guide critique de l’évolution, 2009.
S. STEYER, La Terre avant les dinosaures, 2009.
A. BENUZZI-MOUNAIX, La fusion nucléaire, 2008.
F. CHESNEAU et P. BRIARD (dir.), Guide de la France savante, 2008.
C. SABOURAUD (dir.), Guide de la géologie en France, 2008.
R. DELMAS, S. CHAUZY, J.-M. VERSTRAETE et H. FERRÉ, Atmosphère, océan et
climat, 2007.
A. NICOLAS, Futur empoisonné, 2007.
P. PAPON, L’énergie à l’heure des choix, 2007.
V. TARDIEU et L. BARNÉOUD, Santo. Les explorateurs de l’île planète, 2007.
C. VINCENT et B. FRANCOU, Les glaciers à l’épreuve du climat, 2007.
C. GUITTON et C. COMBES, Le naufrage de l’arche de Noé, 2006.
R. RIZZO, Sauver le monde sans être Superman, 2006.
J. TESTARD, Le vélo, le mur et le citoyen, 2006.
F. MICHEL, Roches et paysages, 2005.
A. NICOLAS, 2050 Rendez-vous à risques, 2004.
R. TROMPETTE, La Terre, 2003.
A. PROST, La Terre, 50 énigmes pour décourvir notre planète, 1999.
Retrouvez l’ensemble de nos titres sur le site des éditions Belin :
http://www.editions-belin.com
NOTES
Note 1

Collectif, « Pour une science consciente de ses limites », Le Monde, 4


avril 2006.

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Note 2

Nous continuons d’effectuer ce travail d’analyse et d’enquête


indépendamment de nos emplois respectifs dans le domaine de la
communication scientifique.

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Note 3

Cette position est transversale à tout cet ouvrage et nous l’explicitons


dans le chapitre 5.

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Note 4

Lire par exemple, Catherine Kintzler, « La laïcité face au


communautarisme et à l’ultra-laïcisme », mezetulle.net, 14 octobre
2007 ; « Comment la laïcité a été offerte en cadeau au Front national »,
mezetulle.net, 27 mars 2011.

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Note 5

Lire par exemple, Henri Peña-Ruiz, « Laïcité et égalité, leviers de


l’émancipation », Le Monde diplomatique, février 2004 ; « La religion
service public ? Cinq questions à Nicolas Sarkozy », Respublica, 3
novembre 2006 ; « Henri Peña-Ruiz : « la laïcité ne peut se dissocier
de la justice sociale » », l’Humanité, 11 mai 2009.

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Note 6

Voir nos interventions sur le site tazius.fr/les-creationnismes/

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Note 7

Pour plus d’informations sur les sondages, voir par exemple :


Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Lux
éditeur, 2005 ; observatoire-des-sondages.org ; cortecs.org.

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Note *

Guillaume Lecointre est systématicien, professeur au Muséum national


d’Histoire naturelle, directeur du département Systématique et
évolution. il a dirigé l’ouvrage Guide critique de l'évolution (Belin,
2009). Entretien en janvier 2012.

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Note *

Il faut prendre ici le mot « expérience » au sens large, incluant le


produit des enquêtes. Cette règle du jeu ne concerne pas uniquement le
biologiste : l’historien, le sociologue, le psychologue clinicien, le
géologue, le physicien, le chimiste, etc., peuvent s’y référer.

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Note 8

Pascal Charbonnat, Quand les sciences dialoguent avec la


métaphysique, Vuibert, 2011 ; Jacques Roger, Les Sciences de la vie
dans la pensée française au XVIII siècle, Albin Michel, 1993.

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Note 9

Random House, 1980, traduction des auteurs. Carl Sagan (1934-1996)


est un astrophysicien américain connu notamment pour sa série
télévisée de vulgarisation scientifique Cosmos.

— Retour au texte —
Note 10

Au sens usuel actuel, ensembles de récits mythiques dénués de toute


scientificité cherchant à expliquer l’origine et l’évolution de l’Univers.

— Retour au texte —
Note 11

« Ensemble de principes, d’énoncés, érigés ou non en système,


traduisant une certaine conception de l’Univers, de l’existence
humaine, de la société, etc., et s’accompagnant volontiers, pour le
domaine envisagé, de la formulation de modèles de pensée, de règles
de conduite » (cnrtl.fr).

— Retour au texte —
Note 12

Rappelons que la Bible a fait l’objet de nombreuses traductions au


cours des siècles. Par conséquent, une revendication littéraliste ne peut
être disjointe de la version en question, ce qui relativise ses prétentions
à la vérité absolue.

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Note 13

« Ce terme est utilisé dans l’intention de montrer que ces doctrines


sont à la fois plus élaborées que le créationnisme bibliste et qu’elles
s’abandonnent, à des fins de persuasion et de dissimulation de ses
visées dogmatiques intrinsèques, à des arguties relevant tout à fait du
sophisme… » (Olivier Brosseau et Marc Silberstein,
« Évolutionnisme(s) et créationnisme(s) », in Les Mondes darwiniens,
sous la direction de T. Heams, P. Huneman, G. Lecointre, M.
Silberstein, Éditions Matériologiques, 2011, nouvelle édition revue et
augmentée).

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Note 14

Stéphane Foucart et Christiane Galus, « Un film soupçonné de


néocréationnisme fait débat », Le Monde, 29 octobre 2005 ; Pauline
Gravel, « Néocréationnisme : le “monstre de spaghetti volant” contre
le dessein intelligent », Agence Science-Presse, 7 septembre 2005.

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Note 15

Olivier Brosseau et Marc Silberstein, op. cit.

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Note 16

« Proposition théorique établie comme vérité indiscutable par


l’autorité qui régit une certaine communauté » (cnrtl.fr).

— Retour au texte —
Note *

Ce finalisme veut expliquer un processus par son résultat final. Cela


sous-tend l’idée d’un projet qui aurait été établi a priori, autrement dit
un dessein.

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Note 17

Guillaume Lecointre, Les Sciences face aux créationnismes.


Remobiliser le contrat méthodologique des chercheurs, Éditions Quae,
2011.

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Note 18

Nous ne pouvons ici donner un cours détaillé d’initiation à


l’épistémologie, ce n’est pas l’objet du livre. Il ne sera donc question
que de jalons minimaux et nécessaires pour comprendre notre propos
au sujet de la non-scientificité des créationnismes.

— Retour au texte —
Note 19

Jean Staune, La Science en otage. Comment certains industriels,


écologistes, fondamentalistes et matérialistes nous manipulent, Presses
de la Renaissance, 2010.

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Note 20

Depuis les sciences formelles (mathématiques, logique, etc.) jusqu’aux


sciences humaines et sociales (géographie, histoire, sociologie, etc.) en
passant par les sciences de la nature (biologie, chimie, physique,
sciences de la Terre).

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Note 21

Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Odile Jacob,


1997.

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Note 22

André Langaney, « Darwin n’est pas le nouveau Mahomet ! », hors-


série Le Nouvel Observateur, déc. 2005-janv. 2006.

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Note *

Parcimonie : principe qui consiste à utiliser le minimum d’hypothèses


pour expliquer un phénomène ; également dénommé « rasoir
d’Occam ».

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Note 23

« Proposition théorique établie comme vérité indiscutable par


l’autorité qui régit une certaine communauté » (cnrtl.fr).

— Retour au texte —
Note 24

Guillaume Lecointre, La Science face aux créationnismes. Ré-


expliciter le contrat méthodologique des chercheurs, Éditions Quae,
2012.

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Note 25

Guillaume Lecointre, Corinne Fortin, Marie-Laure Le Louarn-Bonnet


et Gérard Guillot, Guide critique de l’évolution, Belin, 2009.

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Note 26

Ces journaux sont à différencier de la presse dite de vulgarisation


scientifique comme Science & Vie, Sciences & Avenir, La Recherche,
Pour la science, etc.

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Note 27

Ces deux termes anglais signifient juges, arbitres. Ils sont utilisés tels
quels au sein de la communauté scientifique française.

— Retour au texte —
Note 28

Jean Bricmont, « Science & religion : l’irréductible antagonisme »,


Agone, 23, 2000.

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Note 29

Isaac Newton était un croyant fervent et son importante production


scientifique (en mécanique, en optique et en mathématiques
notamment) ont fait de lui une référence classique des adeptes des
rapprochements entre science et foi, qui confondent sa foi et ses
interprétations personnelles avec ses développements scientifiques.

— Retour au texte —
Note 30

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle,


traduction de la Marquise du Chastellet, Desaint & Saillant, Lambert,
1756.

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Note 31

Selon le théologien Jacques Arnould : « Aujourd’hui, l’idée de


théologie naturelle recouvre la signification suivante : nous pouvons
parvenir à comprendre la nature et à affirmer l’existence de Dieu sans
avoir recours à une mystique ou à une révélation, mais seulement à la
sphère du sens commun et de la raison naturelle (celle de la logique,
des mathématiques et des sciences). Le monde tel qu’il leur [aux
partisans de la théologie naturelle] apparait ne peut être le produit des
seuls processus naturels, mais [est] celui d’une intelligence
supérieure. » Dieu versus Darwin, Albin Michel, 2007.

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Note 32

Il en sera question plus loin car l’actuel mouvement du dessein


intelligent n’est qu’une remise au goût du jour de cette doctrine.

— Retour au texte —
Note 33

Communication personnelle, avril 2011. Ajoutons que Newton ne fait


jamais intervenir ses considérations métaphysiques dans le cœur de ses
raisonnements mais de manière annexe à sa production scientifique.

— Retour au texte —
Note 34

Par exemple, Jacques Arnould, Quelques pas dans l’univers de Pierre


Teilhard de Chardin, Aubin, 2002 ; Pierre Teilhard de Chardin, Perrin,
2004.

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Note 35

Selon une logique interne qu’il appelle « orthogenèse de fond ».

— Retour au texte —
Note 36

Voir, par exemple, Jean-Pierre Bernardini, Le Darwinisme social en


France (1859-1918). Fascination et rejet d’une idéologie, CNRS
Histoire, 1997.

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Note 37

Le darwinisme social correspond stricto sensu au spencérisme. Nous


avons décidé d’y inclure l’eugénisme qui développe une version
interventionniste de la doctrine de Spencer. Jean-Pierre Bernardini
(ibid., p. 32) propose une définition extensive du darwinisme social
pour « intégrer les multiples lectures et interprétations des textes
darwiniens (lectures darwinienne, lamarckienne, coopératiste,
eugéniste, racialiste, etc.) ». Il le définit ainsi : « Toute idéologie et
programme déclarés d’actions politiques et sociales, toute philosophie
de l’histoire et toute sociologie exploitant des thèmes sociobiologistes
ou socionaturalistes puisés explicitement aux textes darwiniens, à
seule fin de légitimer ou de transformer un ordre inégalitaire, qu’il soit
racial, culturel, économique, politique ou social. »

— Retour au texte —
Note 38

Abrogation des lois de stérilisation eugénique dans les pays


scandinaves dans les années 1970.

— Retour au texte —
Note 39

Voir Patrick Tort, Darwin et le darwinisme, PUF, 2005.

— Retour au texte —
Note *

Richard Monvoisin est docteur en zététique (l’étude rationnelle des


phénomènes paranormaux, des pseudosciences et des thérapies
étranges), chargé de cours d’éducation à la pensée critique à
l’université Joseph Fourier de Grenoble. Entretien en janvier 2008.

— Retour au texte —
Note 40

Alan Sokal définit le relativisme cognitif comme « tout système


philosophique qui postule que la vérité ou la fausseté d’une
affirmation est relative à un individu ou un groupe social »
(Pseudoscience & postmodernisme, Odile Jacob, 2005).

— Retour au texte —
Note *

Jean Bricmont est physicien à l’université catholique de Louvain et


essayiste. Ses essais portent notamment sur la défense de la rationalité
et la critique du postmodernisme. il a coécrit avec le physicien Alain
Sokal, Impostures intellectuelles, Odile Jacob, 1997. Entretien en juin
2011.

— Retour au texte —
Note *

Jean Gayon est philosophe des sciences, professeur à l’université Paris


1-Panthéon Sorbonne, directeur de l’Institut d’histoire et de
philosophie des sciences et des techniques (IHPST). Entretien en juin
2011.

— Retour au texte —
Note **

Pascal Charbonnat est docteur en épistémologie et cofondateur des


Éditions Matériologiques (materiologiques.com). Entretien en juin
2011.

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Note 41

Pascal Charbonnat, Quand les sciences dialoguent avec la


métaphysique, Vuibert, 2011.

— Retour au texte —
Note *

Jesús Mosterín, logicien et philosophe des sciences, est directeur de


recherche à l’Institut de philosophie du Consejo Superior de
investigaciones Científicos (l’équivalent espagnol du CNRS français).
Entretien en juin 2011.

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Note 42

Brandon Carter, « Large Number Coincidences and the Anthropic


Principle in Cosmology », in Confrontation of cosmological theories
with observational data, Proceedings of the Symposium, Reidel
Publishing Co., 1974.

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Note 43

Si A implique B, alors non-B implique non-A. Ici, A est « notre


présence en tant qu’observateurs » et B « les paramètres de l’Univers
sont tels que notre existence est possible » ; donc la version faible du
principe anthropique consiste à dire que si « les paramètres de
l’Univers n’étaient pas tels que notre existence fut possible » (non-B),
alors « nous ne serions pas là pour l’observer » (non-A).

— Retour au texte —
Note 44

Dans le sens logique, A implique A.

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Note 45

« Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », célèbre question


formulée par le philosophe et mathématicien Gottfried Wilhelm
Leibniz (1646-1716) dans ses Principes de la nature et de la grâce
fondée en raison (1714). Il en concluait que Dieu avait pourvu à ce que
quelque chose advienne au lieu du néant. (Note de CB et OB.)

— Retour au texte —
Note 46

Brandon Carter, op. cit.

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Note *

La téléologie est une doctrine philosophique selon laquelle le monde


obéit à une finalité.

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Note *

Les recherches actuelles en paléoanthropologie datent l’apparition de


notre espèce, Homo sapiens, à environ 200 000 ans, et les hominidés
les plus anciens que l’on ait identifiés à environ 7 millions d’années.

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Note 47

Voir l’enquête de Stéphane Foucart, Le Populisme climatique : Claude


Allègre et Cie. Enquête sur les ennemis de la science, Denoël, 2010.

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Note 48

« Foi et science, un dialogue nécessaire », Zenit, 6 octobre 2009.

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Note 49

Et Dieu dit : « Que Darwin soit ! », Seuil, 2000.

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Note 50

Olivier Perru, La Création sans le créationnisme ?, Kimé, 2010.

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Note 51

D’ailleurs, S. J. Gould (« Nonoverlapping magisteria », Natural


History, 106, 1997) indique qu’il se situe sur des positions
équivalentes à celles formulées par Pie XII dans l’encyclique Humani
Generis ou par Jean-Paul II dans son discours de 1996. Voir chapitre 3.

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Note 52

Cité par Étienne Klein, « Un discours sur l’origine est-il possible ? »,


in Aurélien Barrau et Daniel Parrochia (dir.), Forme et origine de
l’univers, Dunod, 2010.

— Retour au texte —
Note *

De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la


préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie.

— Retour au texte —
Note 53

Pour être précis, « évolutionnisme » désigne initialement la doctrine de


Spencer : c’est par extension que le mot est employé pour la théorie de
l’évolution de Darwin.

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Note 54

L’hérédité des caractères acquis faisait aussi partie des processus pris
en considération par Darwin.

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Note 55

Pour un exposé récent de la consistance et de la pertinence de la


théorie darwinienne de l’évolution, voir Guillaume Lecointre et al.
(dir.), Guide critique de l’évolution, Belin, 2009.

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Note *

La filiation de l’homme ou la sélection liée au sexe.

— Retour au texte —
Note 56

Selon Darwin, « aussi complexe qu’ait été la manière dont ce


sentiment [la sympathie] a pris naissance, comme celui-ci est d’une
haute importance pour tous les animaux qui s’aident et se défendent
mutuellement, il aura été accru par sélection naturelle ; car les
communautés qui comprenaient le plus grand nombre de membres
richement doués de sympathie ont dû prospérer mieux et élever la plus
nombreuse descendance » (op. cit., 1881, p. 193-194).

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Note 57

Voir, par exemple, Guillaume Lecointre, op. cit., p. 43.

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Note 58

L’histoire du darwinisme après Darwin est longue et serait difficile à


résumer dans ces lignes. Il faut tout de même savoir que des termes
sont apparus à la fin du XIXe siècle, puis au cours du XXe, pour qualifier
les prolongements et modifications du darwinisme initial, notamment :
néodarwinisme, puis théorie synthétique de l’évolution, et aussi théorie
néodarwinienne de l’évolution. L’historiographie précise de ces termes
nous interdit de les utiliser comme s’ils étaient interchangeables. C’est
pourquoi il est plus pratique, et en un sens plus exact, de parler dans ce
livre de façon générique d’une « théorie darwinienne de l’évolution »,
terme qui a l’avantage de référer aux diverses variantes historiquement
attestées depuis 1859, aussi bien qu’à celles qui se font jour au
moment même où s’écrit ce livre — car il est indéniable que la théorie
darwinienne de l’évolution, certes imperturbable en son noyau
théorique de base, ne cesse de se développer et de se modifier en
fonction des avancées de la biologie et des autres disciplines
concernées. Pour un panorama substantiel de ses développements les
plus récents, voir Thomas Heams et al. (dir.), Les Mondes darwiniens.
L’évolution de l’évolution [2009], Éditions Matériologiques, 2011.

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Note 59

Guillaume Lecointre, op. cit.

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Note 60

Selon Jean Gayon, la théorie de l’évolution met en jeu trois niveaux


d’intervention du hasard : « la chance » (le hasard des mutations non
dirigées d’un individu), « l’aléatoire » (la probabilité à l’échelle des
populations) et « la contingence » (des événements imprévisibles à
l’échelle de la macroévolution). Voir Jean Gayon, « Hasard et
évolution », in Hervé Le Guyader (dir.), L’Évolution, Belin/Pour la
Science, 1998.

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Note *

Heuristique : qui sert à la connaissance, qui indique des directions de


recherches.

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Note 61

Stephen Jay Gould, « Is a New and General Theory of Evolution


Emerging ? », Paleobiology, 6 (1), 1980.

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Note 62

S. J. Gould, La stucture de la théorie de l’évolution, Gallimard, 2007.

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Note 63

Ces quatre interactions sont la gravitation, l’interaction nucléaire forte,


l’interaction nucléaire faible et l’interaction électromagnétique. Pour
en savoir plus, voir par exemple « De quoi est fait l’univers ? »,
Dossier Pour la Science, janvier-mars 2009.

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Note 64

Cette séparation entre monde microscopique et monde macroscopique


est souvent adoptée dans un but pédagogique. Cependant, cette
représentation a des limites ; le domaine de validité de la théorie
quantique ne se définit pas en considérant des échelles de taille mais
des domaines d’énergie.

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Note 65

« Mais la physique quantique a ouvert une brèche […] en mettant en


évidence un certain nombre de phénomènes […] qui échappent
clairement au temps et à l’espace, et qui ne reposent ni sur l’énergie ni
sur la matière. Cela contribue à rendre crédible l’intuition majeure de
toutes les grandes religions, monothéistes ou non, pour lesquelles le
monde ne se limite pas à ce que nous pouvons voir, mesurer, toucher et
sentir, et constitue le troisième apport de la physique quantique au
domaine de la conscience » (Jean Staune, « Les nouvelles frontières de
la conscience », Le Monde des religions, janv.-fév. 2012). Selon le
vocabulaire de la John Templeton Foundation, cet espace inaccessible
constitue les « réalités spirituelles » ; voir chapitre 4.

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Note 66

On retrouve en astrophysique la même diversité d’approches


créationnistes qu’en biologie, depuis une vision géocentriste (la Terre
serait immobile et au centre de l’Univers), jusqu’à des versions plus
élaborées décrétant l’apparition programmée et inéluctable de l’être
humain au cours de l’histoire de l’Univers. Pour une description des
différentes formes de créationnisme en astrophysique, voir Alexandre
Moatti, « Le créationnisme, en astronomie aussi… », Pour la Science,
n° 399, janvier 2011.

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Note 67

Nous ne rentrerons pas ici dans le détail de ce qu’est la théorie


quantique. Cependant, il nous a semblé important de fournir un
éclairage sur la prétendue remise en cause de la démarche scientifique
que susciterait la théorie quantique, en particulier l’affirmation selon
laquelle elle remettrait en cause la construction de connaissances
objectives.

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Note 68

Étienne Klein, « Un discours sur l’origine est-il possible ? », in


Aurélien Barrau et Daniel Parrochia (dir.), op. cit.

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Note 69

En sciences, un modèle est une description d’un système complexe


dans des conditions particulières. Les hypothèses volontairement
simplificatrices émises à cette occasion permettent de formuler des
solutions à des problèmes trop complexes pour être résolus dans un cas
général. Un modèle est peu à peu complété ou reformulé pour rendre
compte des expériences ou des observations, en s’appuyant sur des
théories admises. S’il est vraiment efficace, il est capable de prédire
des résultats qui pourront être vérifiés. Avec le développement du
calcul numérique, la modélisation prend une place de plus en plus
importante dans de nombreuses disciplines scientifiques : climatologie,
météorologie, cosmologie, etc.

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Note 70

Communication personnelle, avril 2011.

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Note 71

Idem.

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Note 72

Cette hypothèse est appelée principe copernicien. Il généralise à


l’Univers dans son ensemble le « décentrage » de la Terre du centre du
monde réalisé par Copernic à l’échelle du système solaire.

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Note 73

La certitude que des galaxies existent en dehors de la nôtre est


définitivement acquise en 1925 grâce notamment aux travaux de
l’astronome américain Edwin Hubble (1889-1953) et auparavant de
son compatriote Vesto Slipher (1875-1969).

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Note 74

Jean-Pierre Luminet, L’Invention du Big Bang, Seuil, 2004.

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Note 75

Appellation donnée par Lemaître à son modèle car il y décrit


l’expansion de l’Univers depuis l’instant où tout l’espace-temps serait
contenu dans un « atome ».

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Note 76

Cité in Dominique Lambert, Un atome d’Univers. La vie et l’œuvre de


Georges Lemaître, Lessius, 2000.

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Note 77

Un multivers est un ensemble d’univers parallèles parmi lesquels se


trouverait le nôtre. Selon les modèles considérés, les lois physiques
ainsi que les constantes fondamentales peuvent être différentes d’un
univers à l’autre. Il n’existe pas de description unique des multivers,
comme le précise le physicien Aurélien Barrau : « Beaucoup de nos
modèles actuels, admis (comme la relativité générale) ou spéculatifs
(comme la théorie des cordes), conduisent naturellement à des
multivers. Ces univers multiples ne sont pas des théories mais des
conséquences de théories élaborées pour répondre à des questions
claires de physique des particules ou de gravitation. […] Reste que
cette proposition révolutionnaire n’est pas exempte de dangers
conceptuels et impose une profonde réflexion épistémologique »
(« Physics in the multiverse », CERN Courier, 20 novembre 2007).

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Note 78

Étienne Klein, Discours sur l’origine de l’univers, Flammarion, 2010.

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Note *

Michel Paty, physicien et philosophe des sciences, est directeur de


recherche émérite au CNRS en philosophie, épistémologie et histoire
des sciences. Entretien en juin 2011.

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Note *

Marc Lachièze-Rey, astrophysicien, est directeur de recherches au


CNRS au laboratoire APC (Astroparticule et cosmologie), à Paris.
Entretien en juin 2011.

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Note 79

C’est en résolvant les équations de la relativité générale qu’est née une


véritable cosmologie scientifique, soit l’étude de l’histoire, de
l’évolution et du contenu de l’Univers. C’est donc dans le cadre de la
relativité générale qu’est étudié l’objet « Univers » ; c’est pour cette
raison que l’on parle de « cosmologie relativiste ».

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Note 80

Prix Nobel de physique attribué à John C. Matter et à George F. Smoot


pour « leur découverte de la nature du corps noir et de l’anisotropie
du rayonnement de fond cosmique micro-onde »
(nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/2006/).

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Note 81

Voir Marc Lachièze-Rey, Au-delà de l’espace et du temps, Le


Pommier, 2008.

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Note 82

Ronald L. Numbers, The Creationists : from scientific creationism to


intelligent design, Harvard University Press, 2006.

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Note 83

Pour une analyse du contexte idéologique et du déroulement du procès,


voir Gordon Golding, Le Procès du singe. La Bible contre Darwin,
éditions Complexe, 2006 (réédition). Voir aussi le film Le Procès du
singe (Inherit the wind) de Stanley Kramer (1960) qui retrace ce
procès.

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Note 84

C’est le journaliste du Baltimore Evening Sun Henry Louis Mencken


qui aurait surnommé le procès de Scopes « le procès du singe », en
raison de l’impossibilité pour l’être humain, selon les créationnistes, de
« descendre d’un ordre inférieur d’animaux » ; Douglas Linder, « The
Scopes Trial : An Introduction », law2.umkc.edu, 2008.

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Note 85

Gordon Golding, op. cit.

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Note 86

Dominique Lecourt, L’Amérique entre la Bible et Darwin, 3e éd., PUF,


2007.

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Note 87

Henry Morris, The Remarkable Birth of Planet Earth, Dimension


Books, 1972.

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Note 88

Dans son ouvrage Annales veteris testamenti, a prima mundi origine


deducti (1650), James Ussher (1581-1656), évêque anglican, établit
une chronologie biblique selon laquelle Dieu a créé le monde le 23
octobre 4004 avant Jésus-Christ, à 21 heures. Ce résultat est devenu
une référence pour beaucoup de créationnistes « Terre jeune » qui
affirment en conséquence que Dieu a créé l’Univers il y a environ
6 000 ans.

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Note 89

Voir, par exemple, Paul Clavier, Qu’est-ce que le créationnisme ?,


Vrin, 2012, p. 16-21 ; Ronald L. Numbers, op. cit., 2006.

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Note 90

Dossier « Dieu contre Darwin », L’Histoire, février 2008.

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Note 91

Fondée en 1932 sous le nom Evolution Protest Movement, il s’agit de


la plus ancienne organisation créationniste dans le monde. Elle devient
Creation Science Movement en 1980. Sous sa première appellation,
elle débute en dénonçant l’évolution, puis dans les années 1960-1970,
elle défend un créationnisme scientifique « Terre ancienne » avant de
se positionner, depuis le milieu des années 1980, en faveur d’un
créationnisme scientifique « Terre jeune ».

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Note 92

Jean-Louis Hiblot, « L’évolution du créationnisme à travers le


protestantisme anglo-saxon. Repères chronologiques », in Patrick Tort
(dir.), Pour Darwin, PUF, 1997.

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Note 93

Ibid.

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Note 94

Ian Plimer, « Science contre créationnisme en Australie », in Jean


Dubessy et Guillaume Lecointre (dir.), Intrusions spiritualistes et
impostures intellectuelles en sciences, Syllepse, 2001.

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Note 95

Ibid.

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Note 96

Ken Ham travaille pour l’Institute for Creation Research de 1987 à


1994, tout en étant directeur des bureaux australiens de la Creation
Science Foundation en Australie.

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Note 97

Ian Plimer, op. cit.

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Note 98

Ken Ham, « The History of AiG through July 2012 »,


answersingenesis.org ; « What we are », creation.com [pages
consultées le 23 septembre 2012].

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Note 99

« Special Nielsen Poll : Faith in Australia 2009 », 16 décembre 2009.

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Note 100

InterVarsity Press, 1991.

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Note *

Armand de Ricqlès est professeur au Collège de France, titulaire de la


chaire de biologie historique et évolutionnisme. Entretien en juin 2011.

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Note 101

Coachwhip Publications, 2005.

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Note 102

« 8th Annual Insiders Briefing on Intelligent Design, August 10, 2012


— August 11, 2012, Annual Event for CSC Discovery Society
Members, discovery.org [consulté le 14 octobre 2012] ; l’intervention
de Michael Denton est intitulée « The fitness of nature for human
biology ».

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Note 103

« Le Wedge Document », Le Nouvel Observateur, hors série, déc.


2005-jan. 2006.

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Note 104

En 2005, Time Magazine fait figurer Howard et Roberta Ahmanson


parmi les 25 évangéliques les plus influents des États-Unis ; « The 25
most influential evangelicals in America », Time Magazine, 7 février
2005.

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Note 105

Jodi Wilgoren, « Politicized scholars put evolution on the defensive »,


The New York Times, 21 août 2005.

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Note 106

Peter Baker et Peter Slevin, « Bush boost alternative evolution


theory », The Washington Post, 3 août 2005.

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Note 107

Peter Slevin, « Battle on teaching evolution sharpens », The


Washington Post, 14 mars 2005.

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Note 108

« Revers des créationnistes américains », AFP, 21 décembre 2005.

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Note 109

Scott Ketter et Juliana Horowitz, « On Darwin’s 200th birthday,


America still divided about evolution », pewresearch.org, 5 février
2009.

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Note 110

Frank Newport, « In U.S., 46% hold creationnism view on human


origins », gallup.com, 1er juin 2012.

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Note 111

Tara Gadomski, « Faith fuels home education boom », news.bbc.co.uk,


23 mars 2007.

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Note 112

« L’arche de Noé devient une attraction », sate.fr, 2 décembre 2010.

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Note 113

Le Tea Party est un mouvement politique ultraconservateur et


populiste qui a émergé peu après l’élection de Barack Obama à la
présidence des États-Unis en 2008.

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Note 114

Lorraine de Foucher, « Sarah Palin, les dinosaures et le


créationnisme », Le Monde, 30 septembre 2008.

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Note 115

Barack Obama, The audacity of hope, Vintage Books, 2006.

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Note 116

Cité in « Quand un futur président parle de science », Agence Science-


Presse, 5 novembre 2008.

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Note 117

Michael Stone, « Bachmann doubts evolution, wants intelligent design


in schools », examiner.com, 18 juin 2011.

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Note 118

Peter Hamby, « Bachmann : schools should teach intelligent design »,


political-ticker.blogs.cnn.com, 17 juin 2011 ; cette position rejoint un
objectif plus général de remise en cause de l’école publique et de
libéralisation de l’enseignement. Nous renvoyons à l’analyse de
Michael C. Behrent, « Michele Bachmann ou le “cœur” du Tea
Party », alternatives-economiques.fr, 8 juillet 2011.

— Retour au texte —
Note 119

Heather Scoville, « 2012 DOP Presidential Candidates on Evolution »,


about.com [page consultée le 7 octobre 2012].

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Note 120

Ronald Bailey, « Where do the Republican candidates stand on


science ? », reason.com, 18 janvier 2012.

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Note 121

Tom Roud, « La science bafouée par la campagne républicaine aux


États-Unis », votonsscience.blog.lemonde.fr, 17 septembre 2012.

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Note 122

Lauri Lebo, « The Scopes strategy : creationnists try new tactics to


promote anti-evolutionnary teaching in public schools », Scientific
American, 28 février 2011 ; Leslie Kaufmann, « Polémique : les
créationnistes entrent dans la danse », Courrier International, 18 mars
2010.

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Note 123

Depuis 2009, la polémique médiatique sur l’origine anthropique du


changement climatique a largement été utilisée pour défendre ces
nouvelles positions antiscientifiques.

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Note 124

Nick Wing, « Tennesse evolution bill becomes law after governor Bill
Haslam declines to act », huffingtonpost.com, 10 avril 2012 (mis à jour
le 23 juillet 2012).

— Retour au texte —
Note 125

Lauri Lebo, op. cit.

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Note 126

Michael B. Berkman et Eric Plutzer, « Defeating creationnism in the


courtroom, but not in the classroom », Science, 28 janvier 2011.

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Note *

Le National Research Council est un organisme national qui contribue


au développement de la recherche et de l’expertise scientifique.

— Retour au texte —
Note 127

Ibid.

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Note 128

Présentée comme « une encyclopédie éducative gratuite qui est écrite


selon le point de vue créationniste » (creationwiki.org).

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Note 129

Jerry Bergman, « Paley : still relevant », Journal of Creation, 20(1),


mars 2006.

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Note 130

Par exemple : Guillaume Perrier, « Les thèses créationnistes gagnent


du terrain en Turquie », Le Monde, 9 février 2007 ; Martin Enserink,
« In Europes’s mailbag : A glossy attack on evolution », Science, 16
février 2007 ; Cornelia Dean, « Islamic creationist and a book sent
round the World », The New York Times, 17 juillet 2007.

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Note 131

Salman Hameed, « Bracing for Islamic Creationism », Science, 12


décembre 2008.

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Note 132

Riaz Hassan, « On Being Religious : Patters of Religious Commitment


in Muslim Societies », The Muslim World, juillet 2007.

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Note 133

Salman Hameed, op. cit.

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Note 134

Taner Edis, « Modern science and conservative Islam : an uneasy


relationship », Science & Education, 18, 2008.

— Retour au texte —
Note 135

Ibid.

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Note 136

Le mouvement des Jeunes Turcs ainsi qu’Atatürk ont été


particulièrement influencés par le matérialisme du biologiste allemand
Ludwig Büchner selon lequel la nature est purement physique et n’a ni
but ni loi imposée par une entité surnaturelle. Il est notamment
l’auteur, en 1868, de Conférences sur la théorie darwinienne de la
transmutation des espèces et de l’apparition du monde organique.
Application de cette théorie à l’homme. Ses rapports avec la doctrine
du progrès et avec la philosophie matérialiste du passé et du présent.

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Note 137

Jean-Marc Balhan, « Le créationnisme américain en Turquie », Études,


avril 2009.

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Note *

Une précision importante ici. Comme l’écriventJean-Paul Burdy et


Jean Marcou, « à la différence de la laïcité française, la laïcité turque
vise non à séparer l’État de la religion de la quasitotalité de la
population, mais à établir un contrôle de l’État sur un islam national »
(« Laïcité / Laiklik : introduction », Cahiers d’études sur la
Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 19, janvier-juin
1995).

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Note 138

Se prononce « Nourdjou » et signifie « disciples de la lumière divine ».

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Note 139

Martin Riexinger, « Propagating Islamic Creationism on the Internet »,


Masaryk University Journal of Law and Technology, 2(2), 2008.

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Note *

Le panturquisme est une idéologie nationaliste qui milite pour un État


turc homogène allant de l’Adriatique à la mer de Chine et réunissant
tous les États turcophones.

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Note 140

Jean-Marc Balhan, op. cit.

— Retour au texte —
Note 141

Ibid.

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Note 142

Zeyno Baran, Torn country, Turkey, between secularism & islamism,


Hoover Institution Press, 2010.

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Note 143

Ümit Sayin et Aykut Kence, « Islamic scientific creationism : A new


challenge in Turkey », Reports of the National Center for Science
Education 19, 1999.

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Note 144

Joakim Parslow, « Turkish political parties and the European Union »,


ARENA, 2007.

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Note 145

Taner Edis, « Islamic creationism in Turkey », Creation/Evolution, 34,


1994.

— Retour au texte —
Note 146

Ibid..

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Note 147

Ümit Sayin et Aykut Kence, op. cit.

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Note 148

Préface à l’ouvrage d’Adem Tatli, Evrim, iflas Eden Teori, 1990


(L’Évolution, une théorie en déroute), citée in Taner Edis, op. cit.,
1994.

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Note 149

Les relations entre les États-Unis et la Turquie sont étroites depuis la


guerre froide, notamment par le fait que cette dernière est membre de
l’OTAN depuis 1952 et qu’elle abrite de nombreuses bases
américaines, utilisées par exemple par les Américains lors de la
première guerre du Golfe en 1990-1991. De plus, dans le cadre de
l’OTAN, la présence en Turquie, comme dans le reste de l’Europe
occidentale, d’un réseau « Stay Behind » financé par la CIA dans les
années 1970-1980 pour lutter contre le communisme a largement
contribué à une stratégie de la tension, provoquant des milliers de
morts en Turquie durant cette période. Cette stratégie de la tension fut
également appliquée en Italie durant « les années de plomb ». À ce
sujet, lire Daniele Ganser, Les Armées secrètes de l’OTAN, Éditions
Demi-Lune, 2007.

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Note 150

Zeyno Baran, op. cit.

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Note 151

Taner Edis, op. cit. 1994.

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Note 152

« Historic creation conference in Turkey », Acts & Facts, décembre


1992. Cette référence est citée par Ronald L. Numbers, op. cit., 2006.
Les propos sont cités par Taner Edis, op. cit. 1994.

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Note 153

Ümit Sayin et Aykut Kence, op. cit.

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Note 154

Ibid.

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Note 155

Robert Koenig, « Creationism takes root where Europe, Asia meet »,


Science, 18 mai 2001.

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Note 156

Cet épisode est raconté par Kence lui-même in Ümit Sayin & Aykut
Kence, op.cit.

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Note 157

Dorian Jones, « Turkey : Creationists want to airbrush Darwin out of


evolutionary picture », eurasianet.org, 7 juin 2012.

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Note 158

Elif Cavuslu, « Clash of discusses : the discussions on evolution and


creationism in Turkey », Conférence à la Venice Summer School on
Science and Religion, 2009.

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Note 159

Dorian Jones, « Turkey’s survival of the fittest », eurasianet.org, 12


mars 2008.

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Note 160

Propos prononcés sur CNN Türk, Nicholas Birch, « Turkey scientists


face off to creationists », eurasianet.org, 23 mai 2007.

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Note 161

Dorian Jones, op. cit.

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Note 162

Ibid.

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Note 163

« Darwin “talk” at Turkish school goes to court, sparks new debate »,


Hürriyet Daily news, 24 janvier 2011.

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Note 164

« Turkey censors evolution », Nature, 19 mars 2009 ; « Evolution stirs


in Turkish teapot », APS News, mai 2009.

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Note 165

« Turkey’s science council under fire for censoring Darwin », AFP, 11


mars 2009.

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Note 166

Marc Kaufman, « In Turkey, fertile ground for creationism », The


Washington Post, 8 novembre 2009.

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Note 167

Dorian Jones, op. cit.

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Note 168

« Hundreds protest anti-evolution meet in Turkey », Hürriyet Daily


News, 17 mai 2012.

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Note 169

« Symposium on creationism stirs debate in academia », Hürriyet


Daily News, 10 mai 2012.

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Note 170

« Le filtrage du Net du BTK : une politique de censure masquée »,


Reporters sans frontières, 1er décembre 2011.

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Note 171

Richard Dawkins est un célèbre biologiste, éthologiste et théoricien de


l’évolution. Professeur à l’université d’Oxford, il est connu comme
l’un des principaux critiques anglophones du dessein intelligent, du
créationnisme, des pseudosciences et des religions. Revendiquant son
athéisme, il tente d’analyser l’« hypothèse Dieu » avec les outils
rationnels de la démarche scientifique dans son ouvrage Pour en finir
avec Dieu (Robert Laffont, 2008). Les positions qu’il développe font
de lui une cible privilégiée pour tous les créationnismes.

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Note 172

« Darwin sites banned — Survival of the fittest ? », bianet.org, 9


décembre 2012.

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Note 173

Ce nom est tiré de deux prophètes juifs de l’islam : Aaron (Harun) est
le frère de Moïse, et Jean le Baptiste (Yahya) a baptisé Jésus. Harun
Yahya précise lui-même que « Harun a aidé le prophète Moïse. Yahya
a aussi aidé Jésus-Christ. Lorsque Jésus reviendra dans ce monde,
nous désirerons aussi l’aider. […] On peut donc dire que ce nom est
une prière pour y parvenir » (interview de Tom Heneghan, « Harun
Yahya preaches Islam, slams Darwin and awaits Jesus », Reuters, 19
juin 2008).

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Note 174

Il est connu en Turquie sous le nom d’Adnan Hodja ou « maître


Adnan ».

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Note 175

Martin Riexinger, op.cit.

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Note *

Mahdi désigne le Sauveur de l’islam devant apparaître à la fin des


temps.

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Note 176

Martin Riexinger, op. cit.

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Note 177

Halil Arda, « Sex, flies and videotape : the secret lives of Harun
Yahya », New Humanist, sept.-oct. 2009.

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Note 178

Taner Edis, op. cit., 2008.

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Note 179

« About the SRF [Science Research Foundation] », srf-tr.org [consulté


le 2 novembre].

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Note 180

members.fortunecity.com/vural/bks/HOLOCAUST.HTML

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Note 181

Sevim Songün, « Turkey evolves as creationist center », Hürriyet


Daily News, 28 février 2009, et Guillaume Perrier, op. cit.

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Note 182

Martin Riexinger, « The Islamic creationism of Harun Yahya », ISIM


Newsletter, novembre 2002.

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Note 183

Ibid.

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Note 184

Elif Cavuslu, op. cit.

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Note 185

Halil Harda, op. cit.

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Note 186

Ibid. ; Steve Paulson, « Meet Harun Yahya », slate.fr, 21 octobre 2009.

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Note 187

Voir par exemple Halil Arda, op. cit. et la référence dans la note
suivant.

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Note 188

Hakan Aslaneli, « The force behind the Adnan Hoca operation : Agar’s
revenge », Turkish Daily News, 21 novembre 1999.

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Note 189

Thomas Grove, « Turkish islamic author given 3-year jail sentence »,


Reuters, 9 mai 2008.

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Note 190

Guillaume Perrier, « Le leader d’un mouvement créationniste


condamné à trois ans de prison ferme », Le Monde, 14 mai 2008.

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Note 191

Büsra Erdal, « Yargitay, Adnan Oktar hakkindaki mahkûmiyet kararini


bozdu », zaman.com, 5 février 2010.

— Retour au texte —
Note 192

« AKP puts greater emphasis on religion as elections near », Turkish


Daily News, 13 mars 2006.

— Retour au texte —
Note 193

Laure Marchand, « Une réforme de l’éducation divise la Turquie », Le


Figaro, 29 mars 2012 ; Sonja Galler, « Scool reform in Turkey : Islam
set to gain prominence », qantara.de, 16 juillet 2012.

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Note 194

Riazat Butt, « Missing link : creationist campaigner has Richard


Dawkins’ official website banned in Turkey », The Guardian, 19
septembre 2008.

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Note 195

« Court blocks access to popular website following defamation


complaint », BIANET/IFEX, 23 avril 2007.

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Note 196

Halil Arda, op. cit.

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Note 197

Ibid. ; Marie Lemonnier, « La filière turque », Le nouvel observateur,


22 — 28 janvier 2009 ; Tom Heneghan, « Muslim creationist preaches
Islam and awaits Christ », Reuters, 19 juin 2008 ; Steve Paulson, op.
cit.

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Note *

Lorsqu’il est interrogé sur l’origine des fonds de son organisation,


Oktar se montre toujours très évasif. Il déclare que ses « amis sont
généralement des personnes riches » (Andrew Higgins, « An Islamic
creationist stirs a new kind of darwinian struggle », The Wall Street
journal, 17 mars 2009), ou bien que le commerce de ses nombreux
ouvrages génère d’importants profits (Tom Heneghan, « Harun Yahya
preaches Islam, slams Darwin and awaits Jesus », Reuters, 19 juin
2008).

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Note 198

Tom Heneghan, op. cit., 2008.

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Note 199

Halil Arda, op. cit.

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Note 200

Drake Bennett, « Islam’s Darwin problem », Boston Globe, 25 octobre


2009.

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Note *

L’islam se divise en deux branches ou courants principaux, le


sunnisme (80-85 % des musulmans dans le monde) et le chiisme (5 à
10 % des musulmans), auxquels s’ajoutent de nombreux courants
minoritaires (soufisme, mouridisme, etc.).

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Note 201

Martin Riexinger, op. cit., 2008. Selon Riexinger, les archives internet
des sites « harunyahya.XXX » ont été bloquées en octobre 2007, ce
qui rend difficile un historique précis de leur évolution.

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Note 202

Comptage effectué le 10 septembre 2012.

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Note 203

Pat Shipman, « Turkish creationist movement tours American college


campuses », Reports of the National Center for Science Education 26,
sept.-oct. 2007.

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Note 204

Tom Heneghan, « Harun Yahya’s muslim creationists tour France


denouncing Darwin », Reuters, 16 mai 2011.

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Note 205

Mario Togni, « Pour rire ou non, la foule vient en masse pour écouter
Harun Yahya », Le Courrier, 27 mai 2010.

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Note 206

Stéphanie Lebars, « L’offensive créationniste du Turc Yahya dans les


mosquées », Le Monde, 28 mai 2011 et Tom Heneghan, op. cit., 2011.
Au contraire de ce que dit le titre de l’article du Monde, les
conférences ne se déroulent pas uniquement dans les mosquées : par
exemple, des conférences ont eu lieu au théâtre du Gymnase Marie
Bell dans le Xe arrondissement de Paris.

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Note 207

« Nos objectifs », asn-france.fr [consulté le 27 oct. 2012].

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Note 208

www.facebook.com/ASN.FRANCE/info [consulté le 31 octobre


2012].

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Note 209

Émir Pousse est titulaire d’un doctorat en génie chimique (obtenu en


2009) de l’École nationale supérieure des industries chimiques de
Nancy.

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Note 210

Par exemple, les 15-16 septembre 2012, au 1er Salon musulman du Val
d’Oise ; « Les œuvres de Harun Yahya au Salon Musulman du Val
d’Oise en France — 15 septembre 2012 », harunyahya.fr, 8 octobre
2012.

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Note 211

Par exemple, le 30 septembre 2012 à l’Espace des Congrès des


Esselières à Paris ; « La conférence internationale sur la Création, la
science et la paix à Paris », harunyahya.fr, 14 octobre 2012.

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Note 212

Adam Rutherford, « Should I interview Adnan Oktar ? »,


guardian.co.uk, 10 février 2009.

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Note 213

Même le Skeptic Magazine l’a interviewé…

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Note 214

« An interview with Mr. Adnan Oktar », Al Jazeera TV, Istanbul, août


2007
(harunyahya.com/new_releases/news/070806_interview_aljazeera.php
).

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Note 215

Pour une analyse plus détaillée, voir Martin Riexinger, op.cit., 2008.

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Note 216

De tradition sunnite, l’idéologie déobandie est née en Inde à la fin du


XIXe siècle pour prêcher un islam rigoriste fidèle aux origines, purifié
des influences culturelles indiennes.

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Note 217

Drake Bennett, op. cit.

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Note 218

Voir par exemple le documentaire en ligne A call for unity.

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Note 219

Harun Yahya, L’Islam dénonce le terrorisme, éditions Essalam, 2004,


p. 87.

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Note 220

Ibid.

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Note 221

Dans la mesure où il s’agit d’un réseau et qu’il n’y a pas de cartes de


membres, le nombre de fidèles est difficile à évaluer précisément. La
publication en ligne Intelligence Online parle d’au moins 4 millions de
fidèles à travers le monde : « Pourquoi Gülen est l’imam favori de la
CIA ? », Intelligence Online, 6 janvier 2011 ; Ehsan Massod, « A
modern Ottoman », Prospect, 26 juillet 2008.

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Note 222

« Le mouvement Gülen : esquisse de définition, enjeux et défis »,


clubdumillénaire.fr, 2011.

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Note 223

« What is the reason for the persistence of Darwinism in the general


culture of the masses, though many of Darwin’s hypotheses have been
challenged and even disproved ? » in Fethullah Gülen, Questions and
answers about Islam, vol. 2, The Light Inc., 2005.

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Note 224

« The Gülen movement : a modern expression of Turkish Islam —


Interview with Hakan Yavuz », Religioscope, 21 juillet 2004.

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Note 225

Matthias Daum, « An interview with Helen Rose Ebaugh on the Gûlen


movement : An alternative to fundamentalism », Neue Züricher
Zeitung/quantara.de, 23 août 2010 ; Marie-Elisabeth Maigre, « The
influence of the Gülen movement in the emergence of a turkish
cultural third way », in Ihsan Yilmaz et al. (eds.), Muslim World in
Transition : Contributions of the Gülen Movement, Leeds Metropolitan
University Press, 2007.

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Note 226

Rachel Sharon-Krespin, « Fethullah Gülen’s grand ambition », The


Middle East Quarterly, hiver 2009.

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Note 227

Guillaume Perrier, « Turquie : Fethullah Gülen, la confrérie de


l’ombre », Le Monde, 8 juin 2011.

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Note 228

Chiffre variable en fonction des sources du fait du caractère nébuleux


de ce mouvement.

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Note 229

Fethullah Gülen v. Michael Chertoff et al., Case 2:07-cv-02148-SD,


Document 32, 18 juin 2008.

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Note 230

Nerdun Hacioğlu, « Russia bans Nurcu movement », Hürriyet, 12 avril


2008 ; voir également les révélations de Sibel Edmonds, ex-traductrice
du FBI, sur les activités de Gülen en Asie centrale
(boilingfrogspost.com).

— Retour au texte —
Note 231

Pieter Lesaffer, « Gülen the ghost — Tiptoeing through the tulips », De


Standaard, 7 novembre 2009.

— Retour au texte —
Note 232

Ibid.

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Note 233

« Why is atheism so widespread ? », in Fethullah Gülen, op. cit.

— Retour au texte —
Note 234

Ibid.

— Retour au texte —
Note 235

John D. Morris, « Creationist evangelism in Turkey », Acts & Facts


27, 1998, cité in Taner Edis, « Cloning creationism in Turkey »,
Reports of the National Center for Science Education, nov.-déc. 1999.
Au contraire du BAV, l’ICR semble désormais vouloir cacher ses liens
avec Harun Yahya car cet article n’est plus disponible sur leur site
internet. À ce sujet, voir l’excellente synthèse : « Creationists gone
wild ! Sex slavery and cocaine cult leads fight against Darwin ! »,
lampofdiogenes.wordpress.com, 21 avril 2010.

— Retour au texte —
Note 236

Interview de Harun Yahya, « All terrorists are Darwinists », Spiegel


online, 23 septembre 2008, et propos de John D. Morris in Martin
Kaufman, op. cit.

— Retour au texte —
Note 237

Halil Arda, op. cit.

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Note 238

« A scientific blow to Darwinism — Irreducible complexity »,


harunyahya.fr, 28 août 2008.

— Retour au texte —
Note 239

« The “Intelligent Design” distraction », harunyahya.com, 27 avril


2007.

— Retour au texte —
Note 240

Par exemple, « La théorie du “Dessein intelligent” (Intelligent


design) », harunyahya.fr, 2 déc. 2007.

— Retour au texte —
Note 241

Bruce Chapman, « Little green footballs fumbles the ball by making


false claims about Discovery Institute, Islam, and Intelligent Design »,
evolution-news.org, 23 juin 2008.

— Retour au texte —
Note 242

Denyse O’Leary, « Interview with Turkish Darwin doubter Adnan


Oktar », post-darwinist.blogspot.com, 14 mai 2009.

— Retour au texte —
Note 243

Tony Ortega, « Your official program to the Scopes II Kansas Monkey


Trial », The Pitch, 5 mai 2005.

— Retour au texte —
Note 244

« Evolution and religion, In the Beginning », The Economist, 19 avril


2007.

— Retour au texte —
Note 245

Organisation à but non lucratif basée au Kansas qui « cherche une


objectivité institutionnelle dans les sciences des origines » et qui
« promeut la preuve scientifique du dessein intelligent […] nécessaire
pour non seulement atteindre l’objectivité scientifique mais aussi la
neutralité constitutionnelle ». Pour cela, l’IDnet organise des
conférences, procure des ressources pédagogiques et développe des
réseaux de soutien au mouvement du dessein intelligent
(intelligentdesignnetwork.org).

— Retour au texte —
Note 246

« IDnet adds Muslim Journalist to its Board of Directors »,


intelligentdesignnetwork.org, 15 octobre 2005.

— Retour au texte —
Note 247

Le site de IDnet propose un lien vers un site de Harun Yahya présenté


comme « un site islamique sur l’Intelligent Design ».

— Retour au texte —
Note 248

Tony Ortega, op. cit.

— Retour au texte —
Note 249

Robert Koenig, op. cit.

— Retour au texte —
Note 250

Nicholas Birch, « Turkish scientists confront creationists’ theory »,


The Independent, 14 juillet 2007.

— Retour au texte —
Note 251

Mustafa Akyol, « Turkey’s first ID Conference — Accomplished »,


thewhitepath.com, 1er mars 2007.

— Retour au texte —
Note 252

Un journal du mouvement Gülen, le magazine anglophone The


Fountain, disponible gratuitement en ligne et diffusé largement à
travers le monde (Grande-Bretagne, Égypte, Australie, États-Unis,
Malaisie, fountainmagazine.net) a publié de nombreuses tribunes
contre le darwinisme. Écrites par Gülen lui-même, mais également par
un de ses fervents admirateurs, Mustapha Akyol, ancien membre du
BAV de Yahya et membre de l’organisation güleniste Foundation of
Journalists and Writers, qui a publié en 2005 un article, « Darwin’s
black box », encensant le porte-parole du dessein intelligent Michael
Behe (Darwin’s black box est un célèbre livre de Behe).

— Retour au texte —
Note 253

Taner Edis, op. cit., 2008.

— Retour au texte —
Note 254

Taner Edis, « Harun Yahya’s legal troubles », Reports of the National


Center for Science Education, mai-juin 2008.

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Note 255

Le journal Zaman, porte-parole du mouvement Gülen, a distribué


gratuitement des ouvrages d’Harun Yahya. En dehors de cet élément et
du personnage d’Akyol, nous n’avons pas établi de liens directs entre
les deux individus ou leurs structures.

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Note 256

Notre analyse ne se limite pas à l’Europe communautaire. Nous


parlons ici de l’Europe au sens large que lui donne le Conseil de
l’Europe (cf. note suivante).

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Note 257

Le Conseil de l’Europe compte 47 États membres et 5 États


permanents — dont le Saint-Siège. Cette institution est constituée de
deux entités : le Comité des ministres qui se compose des 47 ministres
des Affaires étrangères et qui est l’organe de décision, et l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) constituée, elle, de 636
membres choisis par les cinq groupes politiques au sein des parlements
de chacun des États membres.

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Note 258

Document 11375, 17 septembre 2007.

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Note 259

Communiqué de presse de Guy Lengagne, juin 2007.

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Note *

Guy Lengagne est mathématicien, ancien professeur des universités.


Membre du Parti socialiste, il a annoncé son retrait de la vie politique
en avril 2008 après trente-sept ans de mandats divers à l’échelon
national (député, secrétaire d’État, etc.) et européen (parlementaire au
Conseil de l’Europe de 1997 à 2007). Entretien en janvier 2008.

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Note 260

David J. Tyler, « Swedish museum opens », Creation Matters, 1(6),


nov.-déc. 1996.

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Note 261

« Grand reportage — Le créationnisme » (réalisé par Pascal


Pascariello), émission La tête au carré, France Inter, 30 mars 2012.

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Note 262

Le site n’indique aucune date. Nous avons consulté la


waybackmachine de la fondation Internet archive où le premier
moissonnage du site est daté de décembre 2007.

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Note 263

« Un projet de parc d’attractions chrétien en Europe », slate.fr, 13


septembre 2010 ; Anne-Claire Genthialon, « Et Dieu créa un grand 8 à
son image », liberation.fr, 14 septembre 2010.

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Note 264

Au 1er octobre 2012, nous n’avons pas d’informations sur une


potentielle concrétisation du projet.

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Note 265

Sabine Cessou, « C’est tous les jours Noé », Libération, 9 avril 2007.

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Note 266

Frans Gunnink, « One man and a vision », Creation magazine,


septembre 2008.

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Note 267

arcofnoah.org

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Note 268

Robert Nisbet, « Modern-day Noah opens doors of Ark Creation »,


news.sky.com, 29 juillet 2012.

— Retour au texte —
Note 269

Riazat Butt, « All aboard Johan’s ark », The Guardian, 30 mars 2006.

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Note *

Le Royaume-Uni comprend la Grande-Bretagne (Angleterre, Écosse et


Pays de Galles) et l’Irlande du Nord.

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Note 270

« Darwin survey shows international consensus on acceptance of


evolution », ipsos-mori.com, 3 juillet 2009.

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Note **

Un sondage de janvier 2006 réalisé pour la BBC donne un résultat


sensiblement différent dans la répartition des positions. En réponse à
une question sur la meilleure explication de l’origine et du
développement de la vie, 48 % des Britanniques interviewés
choisissent la théorie de l’évolution, 17 % le dessein intelligent et 22
% le créationnisme « scientifique ». Les 13 % restants ne savent pas
(« Britons unconvinced on evolution », news.bbc.co.uk, 26 janvier
2006).

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Note 271

« Results of british council global education Darwin survey »,


ncse.com, octobre 2009.

— Retour au texte —
Note 272

« Teachers dismiss calls for creationism to be taught in school science


lessons », ipsos-mori.com, 23 décembre 2008.

— Retour au texte —
Note 273

« Who’s who in the UK creationnist movements », bcseweb.org.uk, 17


janvier 2007 (mise à jour du 22 décembre 2010) [consulté le 10 oct.
2012].

— Retour au texte —
Note 274

Roger Stanyard, « Creationnism in church in the UK »,


bcseweb.org.uk, 17 janvier 2007 (mise à jour du 27 novembre 2007)
[consulté le 10 oct. 2012].

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Note 275

Sarah Cassidy, « Creationist descends on Britain to take debate on


evolution into the classrooms », The Independant, 21 avril 2006.

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Note 276

Duncan Campbell, « Academics fight rise of creationism at


universities », The Guardian, 21 février 2006.

— Retour au texte —
Note 277

Ibid.

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Note 278

Ce DVD a également été traduit en français et est distribué en France


par les éditions Clé.

— Retour au texte —
Note 279

James Randerson, « Revealed : rise of creationism in UK schools »,


The Guardian, 27 novembre 2006.

— Retour au texte —
Note 280

Ibid.

— Retour au texte —
Note 281

Jeremy Webb, « Tony Blair interview », New Scientist, 1er novembre


2006.

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Note 282

« A call to ban creationism in British schools », ncse.com, 19


septembre 2011.

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Note 283

Les réformes évoquées concernent plus particulièrement l’Angleterre


et non l’intégralité du Royaume-Uni.

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Note 284

Department for Education, « Faith schools », education.gov.uk, 26


avril 2012.

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Note 285

En 2010, la majorité des établissements dépendent de l’Église


d’Angleterre (4598) et de l’Église catholique romaine (2010), les
autres confessions (juive, musulmane, sikh, hindu, orthodoxe, etc.)
rassemblant moins de 200 établissements.

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Note 286

Aurélie Godet, « Résurgences créationnistes en Europe : le cas de la


Grande-Bretagne », in L’héritage de Charles Darwin dans les cultures
européennes, L’Harmattan, 2011.

— Retour au texte —
Note 287

Ibid. ; « BHA calls for inquiry as documentary reveals creationism in


‘faith’ schools », humanism.org.uk, 19 août 2010.

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Note 288

Richard Hatcher, « L’école britannique livrée au patronat », Le Monde


diplomatique, avril 2005.

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Note 289

Concernant la gouvernance, « qu’elles soient academies ou sous


contrôle LEA, confessionnelles ou laïques, les écoles sont gérées par
leurs governors. Ce sont les governors qui déterminent l’allocation du
budget de fonctionnement, déterminent les grandes lignes de la
politique de l’école, et choisissent les enseignants et le principal. Dans
le cas d’écoles sous contrôle d’une LEA, le conseil des governors est
piloté par l’autorité locale ; mais le conseil inclut également des
représentants des parents, des enseignants et des intérêts locaux. Dans
les cas d’écoles confessionnelles [faith schools], le conseil comprend
des représentants de la confession, plus les autres catégories. Les LEA
peuvent continuer à nommer des governors aux conseils d’academies,
mais n’ont plus de voix déterminantes. Le Department of Education
(ministère) peut dissoudre le conseil de gouvernance d’une école, s’il
estime que l’école ne remplit pas sa mission de service public. » ; tiré
de l’article en ligne « Le système scolaire et d’éducation en Angleterre
et aperçu historique », angleterre.org.uk, 2009-2012 [consulté le 21
oct. 2012].

— Retour au texte —
Note 290

Richard Hatcher, op. cit.

— Retour au texte —
Note 291

Ibid. ; « Les écoles anglaises s’émancipent », Le Monde, 16 mars


2006.

— Retour au texte —
Note 292

« The national curriculum », gov.uk, 16 octobre 2012 [consulté le 21


oct. 2012].

— Retour au texte —
Note 293

« Types of school, part 5, Academies », gov.uk, 18 octobre 2012


[consulté le 21 oct. 2012].

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Note 294

« Q&A : Academies and free schools », bbc.co.uk, 22 juillet 2010.

— Retour au texte —
Note 295

À l’époque, Sir Vardy répond à un appel du gouvernement pour que


des hommes d’affaires investissent dans des projets éducatifs appelés
city technology college. L’Emmanuel Schools Foundation assure, en
2012, le financement d’un city technology college (fondé en 1990) et
de trois academies (fondées en 2003, 2005 et 2009) ; « Emmanuel
School Foundation », en.wikipedia.org [consulté le 9 oct. 2012].

— Retour au texte —
Note 296

John Harris, « What a creation… », guardian.co.uk, 15 janvier 2005.

— Retour au texte —
Note 297

« Creationism school opens its doors », news.bbc.co.uk, 8 septembre


2003.

— Retour au texte —
Note 298

« Fears over teaching creationism », news.bbc.co.uk, 21 mars 2006.

— Retour au texte —
Note 299

« Free schools will not teach creationism, says Departement


Education », guardian.co.uk, 21 mars 2011.

— Retour au texte —
Note 300

« Free school (England) », en.wikipedia.org [consulté le 16 octobre


2012].

— Retour au texte —
Note 301

« Free Schools : What are Free Schools ? », education.gov.uk, 12


décembre 2011 [consulté le 16 oct. 2012].

— Retour au texte —
Note 302

Ibid.

— Retour au texte —
Note 303

« Open Free Schools », education.gov.uk, 3 septembre 2012 [consulté


le 21 oct. 2012].

— Retour au texte —
Note 304

« Open academies and academy projects in development »,


education.gov.uk, 11 février 2013 [consulté le 15 février 2013].

— Retour au texte —
Note 305

« A call to ban creationism in British schools », ncse.com, 19


septembre 2011.

— Retour au texte —
Note 306

Ibid.

— Retour au texte —
Note 307

« BHA welcome plans to add evolution to primary curriculum »,


humanism.org.uk, 11 juin 2012.

— Retour au texte —
Note 308

« Evolution coming early to England », ncse.com, 11 juin 2012.

— Retour au texte —
Note 309

Jeevan Vasagar, « Creationnist groups win Michael Gove’s approval to


open free schools », guardian.co.uk, 17 juillet 2012.

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Note 310

Ibid.

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Note 311

« The Centre for Intelligent Design — Britain’s latest creationist


organisation », bcseweb.org.uk, 27 novembre 2010.

— Retour au texte —
Note 312

« UK Centre for Intelligent Design claims it will focus on science, not


religion », guardian.co.uk, 1er octobre 2010.

— Retour au texte —
Note 313

Ibid.

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Note 314

« Darwin or design », c4id.org.uk, 28-29 septembre 2012.

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Note 315

John Lennox participe régulièrement à des conférences organisées par


le Discovery Institute depuis le début des années 2000. Il a reçu en juin
2012 le prix Philip E. Johnson pour la Liberté et la Vérité distribué par
l’Université du Bible Institute of Los Angeles (BIOLA), un institut
universitaire évangélique qui collabore étroitement avec le Discovery
Institute. Ce prix récompense un universitaire « qui défie le biais
matérialiste du monde académique moderne et promeut une position
qui encourage une approche intégrée de la science et de la religion »
(now.biola.edu).

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Note 316

Alastair Noble, « Intelligent design should not be excluded from the


study of origins », The Guardian, 1er décembre 2009.

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Note 317

« Dr Alastair Noble (Director, Centre for Intelligent Design) »,


bcseweb.org.uk, 27 novembre 2010.

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Note 318

Chris Watt, « Would you Adam and Eve it ? Top scientists tell Scottish
pupils : the Bible is true », Sunday Herald, 10 octobre 2010.

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Note 319

Sondage effectué auprès de 1520 personnes par le groupe de


recherches sur la vision du monde en Allemagne Fowid
(Forschungsgruppe Weltanschauungen in Deutschland ; fowid.de). Cet
institut est composé d’universitaires et poursuit l’objectif de mettre à la
disposition des citoyens toutes les données concernant la vision du
monde des citoyens allemands (art, religion, etc.). Cette structure est
une partie d’un projet plus général de la Fondation Giordano Bruno,
Humanisticher Pressedienst, un service de presse laïque et humaniste
sur internet.

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Note 320

60,9 % penchent pour une évolution des espèces par voie de sélection
naturelle et choisissent l’option selon laquelle « la vie sur Terre a
évolué par des processus naturels sans aucune intervention divine » et
1,4 % sont sans opinion.

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Note 321

Cité dans Ulrich Kutschera, « Creationism in Germany and its possible


cause », Evolution : Education and Outreach, 2008.

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Note 322

Ronald L. Numbers, op. cit.

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Note 323

En chimie organique, chimiothérapie et pharmacologie.

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Note 324

Thomas Schirrmacher, « The German creationist movement »,


supplément Impact de Acts & Facts, juillet 1985.

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Note 325

Ronald L. Numbers, op. cit.

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Note 326

Ulrich Kutschera, « Darwinism and ID : the new anti-evolutionnists


spreads in Europe », Reports of the National Center for Science
Education, 23, sept.-déc. 2003.

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Note 327

Chiffre datant de 2004 publié dans Ronald L. Numbers, op. cit.

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Note 328

Reinhard Junker et Siegfried Scherer, « Evolution, ein kritisches


Lehrbuch », Weyel, 2006 (6e edition). Reinhard Junker est théologien et
ancien enseignant en biologie, il est membre actif de Wort und Wissen.

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Note 329

Fritz Poppenberg, « Hat die Bibel doch Recht ? - Der


Evolutionstheorie fhlen die Beweise », Drei Linden Film, 1998 ; Fritz
Poppenberg, « Was Darwin nicht wissen konnte », Drei Linden Film,
2003.

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Note 330

Ulrich Kutschera, « The German anti-Darwin industry », Reports of


the National Center for Science Education, 28, jan.-fev. 2008.

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Note 331

Barbara C. Forrest et Paul R. Gross, « Biochemistry by design »,


Trends in biochemical sciences, 32, Juil. 2007.

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Note 332

Ulrich Kutschera, « Designer scientific literature », Nature, 8 mai


2003.

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Note 333

Ulrich Kutschera, op. cit., sept.-déc. 2003.

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Note 334

Ulrich Kutschera, « The basic types of lifes », Reports of the National


Center for Science Education, 26, juillet-août 2006.

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Note 335

Ibid. Dans cet article, Kutschera détaille ce concept et explique


comment il a fait son apparition dans la littérature scientifique,
notamment dans une publication de biologie moléculaire cosignée par
Lönnig, évoqué précédemment. Suite au décryptage de Kutschera,
Lönnig reçoit le soutien de Michael Behe, l’un des principaux
dirigeants du mouvement américain du dessein intelligent
(www.weloennig.de/Questions.html).

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Note 336

Voir par exemple Gerhard Schönknecht et Siegfried Scherer, « Too


much coal for a young Earth ? », Journal of Creation, 11, Dec. 1997.

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Note 337

Sabrina Casagrande, « Intelligent design debate arrives in Germany »,


dw.de, 21 décembre 2005.

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Note 338

schulbuchpreis.de

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Note 339

De 2003 à 2009, Dieter Althaus est le chef du gouvernement du Land


de Thuringe. Avant la fin brutale de sa carrière politique en 2009 suite
à son décès lors d’un accident de ski, il est très proche d’Angela
Merkel.

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Note 340

Son discours est disponible en allemand sur le site schulbuchpreis.de.

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Note 341

Soirée Thema « Dieu contre Darwin », Arte, 19 septembre 2006.

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Note 342

Stefan Steinberg, « Hessian culture minister calls for creationism to be


discussed in german schools », wsws.org, 17 juillet 2007.

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Note 343

« Schülministerin lässt keine Schule überprüfen », Idea Spektrum, 300,


5 octobre 2006.

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Note 344

Ibid.

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Note 345

Ralf Euler, « Wolff will Schopfungslehre im Biologie unterricht », Die


Franfurter Allgemeine Zeitung, 28 juin 2007.

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Note 346

« SPD und Grüne : Wolff als Kultusministerin untragbar », Die


Franfurter Allgemeine Zeitung, 5 juilllet 2007.

— Retour au texte —
Note 347

« Nobelpreisträger gegen Schöpfungslehre im Bio-Unterricht », Die


Franfurter Allgemeine Zeitung, 2 juillet 2007.

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Note 348

« CSU — Politiker unterstüzt Wolffs Bio-Schöpfungslehre », Die Welt,


7 juillet 2007.

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Note 349

« Schöpfung im Unterricht : Ministerin im Kreuzfeuer », pro-


medienmagazin. de, 5 juillet 2007.

— Retour au texte —
Note 350

« Bischof Mixa fûr die Bibel-Kunde im Bio-Unterricht », Spiegel


Online, 12 juillet 2007.

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Note *

Il s’agit ici d’une Église protestante luthérienne et non d’un courant


évangélique au sens moderne (et restreint) du terme « évangélique »
(comme, par exemple, les baptistes, les pentecôtistes, les adventistes,
etc.).

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Note 351

Tom Heneghan, « Evangelical church in Germany knocks creationism,


ID in school », Reuters, 2 avril 2008.

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Note 352

Disponible en ligne sur ekd.de.

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Note 353

Selon la loi fondamentale allemande (article 7.3) : « L’instruction


religieuse dans les écoles publiques est une discipline obligatoire ».
Pour plus de précisions sur la mise en place de cet enseignement dans
les seize Länder allemands, lire par exemple Jean-Paul Willaime,
« L’enseignement des faits religieux : perspectives européennes »,
eduscol.gouv.fr [consulté le 8 novembre 2012] et Peter Schreiner, « La
religion à l’école en Allemagne », Revue internationale d’éducation de
Sèvres, septembre 2004.

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Note 354

Matthias Kamann, « Gott, die evangelische Kirche und die


Dinosaurier », Die Welt, 1er avril 2008.

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Note 355

« Evangelische Privatschulen wachsen weiter », idea.de, 10 octobre


2012.

— Retour au texte —
Note 356

David Wroe, « Creationists taking on evolution in Germany »,


local.de, 26 mars 2009.

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Note 357

Roland Detsch, « To hell with Darwin ? Creationism in Germany »,


Goethe — Institut e. V., Online — Redaktion, mai 2009.

— Retour au texte —
Note 358

« Kreationismus in der Schule : Bibletreuer Lehrplan », Süddeutsche


Zeitung, 10 février 2009.

— Retour au texte —
Note 359

Katja Irle, « Künftige Bio-Lehrer lehnen Darwin ab », Fransfurter


Rundschau, 2 février 2009.

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Note 360

Ibid.

— Retour au texte —
Note 361

Martin Enserink, « Is Holland becoming the Kansas of Europe ? »,


Science, 3 juin 2005.

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Note 362

Cité dans Stefaan Blancke, « Creationism in the Netherlands »,


Zygon : journal of religion & science, décembre 2010.

— Retour au texte —
Note 363

Ben van Raaij, « Minister wil debat over evoltie en schepping », de


Volkskrant, 21 mai 2005.

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Note 364

Martin Enserink, op. cit. ; Coen Brummer, « Darwin year in the


Netherlands, a time to reflect », Reports of the National Center for
Science Education 29, juillet-août 2009.

— Retour au texte —
Note 365

Stefaan Blancke, op. cit.

— Retour au texte —
Note 366

Ibid.

— Retour au texte —
Note 367

Notamment Ronald Meester, professeur de mathématiques, et le


philosophe René van Woudenberg, tous deux à l’Université
d’Amsterdam. Avec Dekker, ils organisent entre 2002 et 2005 des
discussions mensuelles avec des scientifiques chrétiens autour de la
problématique science et religion. Une compilation de ces réflexions
est publiée dans un ouvrage pro ID intitulé « Un accident brillant ou
les traces d’un dessein ? Sur le hasard et le sens en évolution »
(Dekker, C., Meester, R., & Van Woudenberg, R. (Dir.), « Schitterend
ongeluk of sporen van ontwerp ? Over toeval en doelgerichtheid in de
evolutie », Baarn : Ten Have, 2005) et salué publiquement par Maria
van der Hoeven lors de sa sortie (voir Stefaan Blancke, op. cit.).

— Retour au texte —
Note 368

Cité dans Stefaan Blancke, op. cit.

— Retour au texte —
Note *

Les deux autres intervenants européens sont le Britannique John


Lennox (voir chapitre 2) et le Slovaque Dalibor Krupka

— Retour au texte —
Note 369

« First European conference on Intelligent Design will feature


scientists presenting evidence for Design », prnewswire.com, 19
octobre 2005.

— Retour au texte —
Note 370

William Dembski, « Not just an american phenomenon — The recent


Prague ID conference », uncommondescent.com, 26 octobre 2005.

— Retour au texte —
Note 371

Dans son ouvrage intitulé « Éduqué et religieux », Cees Dekker définit


ainsi sa position : « L’évolution théiste contient l’idée que nous
cherchons à comprendre la nature grâce à la science, l’activité
humaine avec laquelle nous utilisons notre conscience, qui nous est
fournie par notre Créateur pour comprendre Sa création.
Simultanément, cela inclut la foi forte que Dieu est l’auteur de ces lois
naturelles, qu’il est véritablement créateur. Dieu est souverain et tout
puissant et peut créer de n’importe quelle manière qu’il choisit, mais il
semble qu’il a choisi de créer principalement par des causes
secondaires, les processus que nous décrivons grâce aux lois
naturelles » (citation extraite de Stefaan Blancke, op. cit.).

— Retour au texte —
Note **

Cf templeton.org. Nous reviendrons en détail dans le chapitre 4 sur


l’histoire de la John Templeton Foundation et sur l’évolution de sa
stratégie, qui vise à promouvoir une vision théiste du monde en
prônant un dialogue entre science et religion.

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Note 372

Géologie créationniste censée démontrer scientifiquement l’épisode du


Déluge raconté dans la Genèse et ainsi remettre en cause les datations
admises par les scientifiques. Cette idée est développée tout d’abord
par l’Américain Georges Mc Ready Price dans les années 1920 et est
remise au goût du jour par John Whitcomb et Henry Morris dans les
années 1960.

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Note 373

Ronald L. Numbers, op. cit.

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Note 374

Abraham C. Flipse, « The origins of creationism in the Netherlands :


the evolution debate among twentieth-century Dutch neo-calvinists »,
Church history. Studies in Christianity and culture, mars 2012.

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Note 375

Ronald L. Numbers, op. cit.

— Retour au texte —
Note 376

Stefaan Blancke, op. cit.

— Retour au texte —
Note 377

David Attenborough, « The life of mammals », BBC, 2002.

— Retour au texte —
Note 378

Coen Brummer, op. cit.

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Note 379

Roger Highfield, « Creationists rewrite natural history », The


Telegraph, 2 octobre 2007.

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Note 380

Coen Brummer, op. cit.

— Retour au texte —
Note 381

Cité dans Stefaan Blancke, 2010, op. cit.

— Retour au texte —
Note 382

Stefaan Blancke, « Exporting creationism : Dutch creationist leaflet


now to be distributed in Belgium », Reports of the National Center for
Science Education 29, sept.-oct. 2009.

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Note 383

L’intervention télévisée de Johan Huibers, très connu aux Pays-Bas


suite à la construction d’une réplique de l’arche de Noé, permet en
novembre 2008 de faire la promotion pour cette campagne ; à cette
occasion, il prône notamment l’enseignement du créationnisme dans
les écoles publiques. Cf. Stefaan Blancke, 2010, op. cit.

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Note 384

Ibid.

— Retour au texte —
Note 385

Stefaan Blancke, Towards an integrated understanding of creationism


in Europe, Thèse de doctorat (université de Gent), 2011.

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Note 386

« L’appello “Un danno per la cultura delle nuove generazioni” », La


Repubblica, 23 avril 2004.

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Note 387

Gli Scienziati, « Non cancellate Darwin dalla scuola », La Repubblica,


23 avril 2004.

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Note 388

Éditions Cantagalli, 2009.

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Note 389

Laura Margottini, « Italy science agency publishes creationnism


book », Science Insider, 9 décembre 2009.

— Retour au texte —
Note 390

Citation extraite de Corrado Augias, « Darwin è scomparso dalla


scuola italiana », ricerca.repubblica.it, 1er février 2012.

— Retour au texte —
Note 391

Bartosz Borczyk, « Creationism and the teaching of evolution in


Poland », Evolution : education and outreach, 23 octobre 2010.

— Retour au texte —
Note 392

« Results of british council global education Darwin survey »,


ncse.com, octobre 2009.

— Retour au texte —
Note 393

Claire Bigg, « Russia : creationism finds support among young »,


Radio Free Europe / Radio Liberty, 10 mars 2006.

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Note 394

Selon un sondage réalisé en avril 2012, 68 % des Russes interrogés se


considèrent comme des chrétiens orthodoxes, 20 % disent qu’ils sont
athées, 6 % adhèrent à l’islam, et 1 % se revendiquent d’une autre
confession chrétienne (dont les protestants et les catholiques). Cf
« Most russians trust Church and the Patriarch — Poll », Interfax, 10
mai 2012.

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Note 395

Ronald L. Numbers op. cit.

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Note 396

Extrait d’un courrier cité dans Ronald L. Numbers, op. cit.

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Note 397

Inga Levit, Uwe Hoßfeld, Lennart Olsson, « Creationism in the


Russian educational landscape », Reports of the National Center for
Science Education 27, sept.-déc. 2007.

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Note 398

« Serb schools told to drop Darwin », news.bbc.co.uk, 7 septembre


2004 ; Ronald L. Numbers, op. cit.

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Note 399

Hugh Owen, « Creationism gains strength in Russian Orthodox »,


catholicforum.fisheaters.com, 23 février 2005 (newsletter envoyé par
le Kolbe Center).

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Note 400

« Serbia reverses Darwin suspension », news.bbc.co.uk, 9 septembre


2004.

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Note 401

Vesna Peric Zimonjic, « Darwin survives after all », IPS, 14 septembre


2004 ; « Serbia reverses Darwin suspension », news.bbc.co.uk, 9
septembre 2004.

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Note 402

Inga Levit et al., op. cit.

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Note 403

« Une élève russe en désaccord avec la théorie de Darwin poursuit le


ministère de l’Éducation », AFP, 2 mars 2006.

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Note 404

Inga Levit et al., op. cit.

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Note 405

Ibid.

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Note 406

Ibid.

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Note 407

« Russian orthodox patriarch blasts teaching Darwin in schools », Ria


Novosty, 30 janvier 2007.

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Note 408

Nicolai N. Petro, « The role of the Orthodox Church in a changing


Russia », ISPI Analysis, juin 2012.

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Note 409

Propos exprimés lors d’un conseil réunissant les autorités de l’Église


orthodoxe russe en mars 2007 et cités dans une lettre ouverte de dix
scientifiques russes de l’Académie russe des sciences adressée au
président de la fédération russe Vladimir Poutine. Dans cette lettre
publiée en juillet 2007, les scientifiques s’inquiètent de l’influence
croissante de l’Église orthodoxe russe sur la société, en particulier dans
l’éducation et l’enseignement des sciences, et y voient une grave
menace contre la démocratie. Une traduction anglaise de cette lettre est
disponible sur scepsis.ru/eng

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Note 410

Inga Levit et al., op. cit.

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Note 411

« Religion is back in Russian schools, but under the aegis of the


Kremlin », AsiaNews, 20 août 2009.

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Note 412

« Russian math and science teachers may be soon be teaching


religion », sras.org, 10 mars 2012.

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Note 413

Propos tenus par Andrei Fursenko, ministre russe de l’Éducation de


2004 à 2012, dans AsiaNews, op. cit.

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Note 414

Conor Humphries, « Russia church wants end to Darwin school


“monopoly” », Reuters, 10 juin 2010.

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Note 415

« Creationism in Russia ? », Reports of the National Center for


Science Education, juin 2010.

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Note 416

Marie-Lucile Kubacki, « Le numéro deux de l’église russe demande


aux catholiques des “pas concrets” vers le dialogue », lavie.fr, 22
février 2012. En introduction de cet entretien avec Alfeyev, ce dernier
est présenté comme « un homme brillant, diplomate ».

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Note 417

Robert Moynihan, « Letter #30 : Hilarion in Rome »,


moynihanreport.itvworking.com, 18 octobre 2012.

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Note 418

Données citées dans Bartosz Borczyk, op. cit.

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Note 419

Ibid.

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Note 420

Ulrich Kutschera, « Devolution and dinosaurs : the anti-evolution


seminar in the European parliament », Reports of the National Center
for Science Education 26, sept.-oct. 2006.

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Note *

Les activités du CEP sont présentées plus en détail dans le chapitre 3.

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Note 421

« Pologne : le ministère de l’Éducation conteste Darwin », Le Monde,


20 juin 2006.

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Note 422

Par exemple, Almut Graebsch, « Polish scientists fight creationism »,


Nature, 26 octobre 2006.

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Note 423

Ibid.

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Note 424

Bartosz Borczyk, op. cit.

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Note 425

Ibid.

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Note 426

Ibid.

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Note 427

Laïcité, état d’alerte, réalisé par Quentin van de Helde, documentaire


produit par le Centre laïque de l’audiovisuel (CLAV) et le Centre
d’action laïque.

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Note 428

« Romania removes theory of evolution from school curriculum », The


Diplomat (Bucharest), décembre 2007.

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Note 429

Scufita Rosie, « Le créationnisme dans les écoles publiques de


Roumanie », scufitarosie00.blogspot.fr, 22 mars 2009.

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Note 430

Entretien avec Remus Cernea : « Dans les écoles, la pression de la


religion est très forte », lepetitjournal.com, 17 octobre 2007.

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Note 431

Remus Cernea, « Open letter to the romanian ministry of education »,


secularhumanism.ro, 25 février 2008.

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Note 432

Communication personnelle, juin 2011.

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Note 433

Pour compléter ce tableau des structures créationnistes françaises


inspirées et soutenues par les religions monothéistes, précisons que
nous n’aborderons pas dans cet ouvrage la question d’un créationnisme
lié au judaïsme. En effet, au cours de nos recherches, nous n’avons pas
identifié de structures françaises de confession juive promouvant des
positions créationnistes. Cela peut s’expliquer par le caractère non
prosélyte de cette confession. Cependant, au même titre que pour les
autres religions, divers courants de pensées tentant de concilier les
connaissances scientifiques sur les origines avec le dogme coexistent
au sein du judaïsme, depuis un créationnisme strict jusqu’à des formes
plus sophistiquées. Voir par exemple : Baruch Sterman, « Judaism and
darwinian evolution », Tradition, vol. 29, 1994 ; James D. Davis,
« Orthodox Jews in S. Florida join debate on evolution vs. Intelligent
design », South Florida Sun Sentinal, 12 décembre 2005 ; Ronald L.
Numbers, op. cit., 2006.

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Note 434

Interview de Jacques Arnould par Cyrille Baudouin et Olivier


Brosseau, janvier 2006 (non publié).

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Note 435

Entretien avec Michael-Andreas Esfeld et Jean Staune, « La science


peut-elle percer le mystère de nos origines ? », La Vie protestante,
février 2011.

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Note 436

Notons que Staune est le préfacier d’un livre de Lucien Daly, ancien
directeur de recherche en géosciences au CNRS (et membre du conseil
scientifique de l’UIP), intitulé Dieu, les miracles et la science. Le
secret du bonheur (Tatamis, 2012).

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Note 437

Le vice-président de l’UIP, Thuan, revendique par exemple être


bouddhiste.

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Note 438

uip.edu/presentation [consulté le 29 novembre 2012].

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Note 439

Il faut noter que le directeur de la rédaction du Figaro magazine de


1990 à 1997 est Patrice de Plunkett, journaliste que nous allons
retrouver plus loin parmi les soutiens de l’association.

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Note 440

L’inconsistance scientifique de ce dossier a été analysée par Guillaume


Lecointre dans « L’Université interdisciplinaire de Paris », Sciences et
pseudosciences, octobre 2000.

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Note 441

Émission « Plein Sud », RFI, 1er août 2006.

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Note 442

staune.fr/-Management-.html [consulté le 25 novembre 2012]. Depuis


2009, il se présente majoritairement comme philosophe des sciences.

— Retour au texte —
Note 443

staune.fr/Jean-Staune-International.html [consulté le 25 novembre


2012].

— Retour au texte —
Note 444

staune.fr/-Seminaires-et-formations-organises-.html [consulté le 25
novembre 2012].

— Retour au texte —
Note *

Sur son site Internet, Staune indique que ses principaux clients sont ou
furent L’Oréal, Auchan, Thomson, EDF, Dexia, Alcatel, PSA,
Schneider, Spie-Trindel, Leroy-Merlin, Arthur Andersen, Cortal,
Nature et Découvertes, Assystem (staune.fr/References.html [consulté
le 27 novembre 2012]).

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Note 445

Staune en témoigne dans le « Grand reportage — Le créationnisme »,


émission La tête au carré, France Inter, 30 mars 2012. Notons que la
plupart des entreprises citées figurent effectivement sur les supports de
communication des colloques organisés durant cette période.

— Retour au texte —
Note 446

adgency-experts.com/nos-experts/jean-staune [consulté le 25
novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 447

staune.fr/-Presentation-.html [consulté le 25 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 448

Master of Business Administration, diplôme international d’études


supérieures dans le domaine de la conduite globale des affaires.

— Retour au texte —
Note 449

Pour illustrer les interventions de Staune, citons celle du 18 mars 2011


devant le Centre d’échanges et de réflexion pour l’avenir (Cera) qui
réunit des dirigeants, cadres d’entreprises, élus, etc. (le-cera.com). En
lien avec son livre La Science en otage (Presses de la Renaissance,
2010), la conférence était intitulée « Darwin, climat, nucléaire,
OGM… la science en otage de l’obscurantisme et de la
désinformation » ; compte-rendu disponible sur le-
cera.com/data/pdf_1303140070.pdf [consulté le 25 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 450

staune.fr/Curriculum-vitae-de-Jean-Staune.html [consulté le 25
décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 451

Jean Staune, L’Existence a-t-elle un sens ? Une enquête scientifique et


philosophique, Presses de la Renaissance, 2007.

— Retour au texte —
Note 452

« Peer-Reviewed & Peer-Edited Scientific Publications Supporting the


Theory of Intelligent Design », discovery.org, 26 août 2010.

— Retour au texte —
Note 453

presses-renaissance.fr/maison.php [consulté le 24 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 454

« Publié grâce au soutien de l’Université interdisciplininaire de Paris


et de la Fondation John Templeton » (page 6), ce livre rassemble
quinze personnalités scientifiques, dont quatre prix Nobel. On y
retrouve, entre autres, Bernard d’Espagnat, Charles Townes, Jean
Kovalevsky, Thierry Magnin, Bruno Guiderdoni et Trinh Xuan Thuan.

— Retour au texte —
Note 455

Ce livre rassemble vingt personnalités majoritairement scientifiques,


dont sept prix Nobel. On y retrouve de nombreux membres actifsou
personnalités proches de l’UIP, entre autres : René Lenoir, Bruno
Guiderdoni, Jean-Marie Pelt, Ilya Prigogine, Pierre Perrier, Gabriel
Wackermann et Jean-François Lambert.

— Retour au texte —
Note 456

Sur le site des Presses de la Renaissance, la collection s’intitule


désormais « Science et religion » (presses-renaissance.fr). Les
couvertures de certains livres indiquent « Science et quête de sens »,
d’autres « Science et religion ».

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Note 457

Staune a fait publier parallèlement À la recherche du Dieu de Darwin


(2009) de Kenneth R. Miller (biologiste chrétien) pour « informer le
public de façon équilibrée », car le livre se veut une critique du dessein
intelligent dont le livre de Behe est l’une des références essentielles.
Mais c’est une critique très orientée en faveur de la religion puisque
Miller « montre que le darwinisme a été “pris en otage” par des
biologistes et philosophes adeptes d’un matérialisme voulant laisser le
minimum de place à la religion dans la société et dans l’esprit des
hommes » et « explique comment on peut concevoir l’évolution comme
étant la voie utilisée par Dieu pour créer l’homme ». Pourtant, il est
affirmé que ces deux livres donnent « tous les éléments des grands
débats de notre époque, portant sur nos conceptions de la vie »
(presses-renaissance.fr).

— Retour au texte —
Note *

Beaucoup sont (ou furent) membres du conseil scientifique de l’UIP,


d’autres — comme Collins — sont liés par certaines de leurs activités
à la John Templeton Foundation dont nous allons parler plus loin et
dans le chapitre 4 (p. 206).

— Retour au texte —
Note 458

Ce livre est un réel succès commercial puisqu’il s’est vendu à plus de


30 000 exemplaires.

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Note 459

Jean Staune, « Notre existence a-t-elle un sens ? (réponse à la


présentation de son ouvrage) », Connaître, 30, janvier 2009.

— Retour au texte —
Note 460

Le site de l’association indique que « l’UIP dispose d’un conseil


scientifique (quatre prix Nobel et huit membres de l’Académie des
sciences en sont ou en ont été membres, cf. le conseil scientifique) qui
contribue à la préservation de la qualité de ses programmes et à
l’orientation générale des programmes de l’association »
(uip.edu/presentation [consulté le 24 novembre 2012]).

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Note 461

« Science et bouddhisme avec Trinh Xuan Thuan », inrees.com, 10


juin 2011 ; l’INREES est l’Institut de recherche sur les expériences
extraordinaires qui « offre aux soignants, à la communauté
scientifique, ainsi qu’au grand public la possibilité de porter avec
rigueur, méthode et ouverture un regard neuf sur les expériences
humaines d’apparence inexplicables, parfois qualifié de
« surnaturelles » ou de « paranormales ».

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Note 462

Intitulée « Ferry-Julliard, les références des livres ».

— Retour au texte —
Note *

Ferry présente ce livre comme « un magnifique livre d’introduction à


toutes les sciences contemporaines, physique comme biologie en
particulier. […] C’est un livre qui montre qu’il n’y a pas du tout
incompatibilité entre Dieu et la science, mais plutôt une espèce de
convergence, à ses yeux en tout cas [car] Jean Staune est un
intellectuel qui ne sacrifie pas les exigences scientifiques à ses
convictions religieuses ».

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Note 463

Dans cette émission comme dans un article publié dans Le Figaro


(« Pour y voir plus clair dans la querelle du climat », 11 novembre
2010), Ferry valorise uniquement la partie consacrée à la polémique
sur le changement climatique : « De tous les livres dont je vous ai
parlés cette année, c’est celui que je vous recommande le plus si vous
voulez comprendre la querelle sur le climat. » Or, il n’est pas question
que de climatologie dans ce livre mais également du nucléaire, de
génétique, des OGM, des vaccins et surtout de la théorie darwinienne
de l’évolution (150 pages sur 360). Staune ne se prive pas ensuite de
présenter tout à son avantage cet avis, en page d’accueil de son site
(staune.fr) : « Lors du débat hebdomadaire entre Luc Ferry et Jacques
Julliard sur LCI, Luc Ferry a fortement recommandé la lecture de
l’ouvrage de Jean Staune La Science en otage en insistant sur
l’objectivité et sur l’honnêteté de l’auteur dans la présentation d’un
certain nombre de grandes controverses impliquant la science à
commencer par celle sur le climat. »

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Note 464

teilhard.org/panier/P/site/ACTIVITES/UIP.pdf [consulté le 2 décembre


2012].

— Retour au texte —
Note 465

Pour en savoir plus sur la sociologie de Maffesoli, on peut se référer à


la recension par le sociologue Laurent Mucchielli de son ouvrage
Sarkologies. Pourquoi tant de haine(s) ? (Albin Michel, 2011) (« La
sarko-astro-pseudo-sociologie de Michel Maffesoli »,
lectures.revues.org, 21 mai 2011).

— Retour au texte —
Note 466

uip.edu/colloques/colloque-international-les-racines-des-cultures-et-la-
mondialisation [consulté le 25 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 467

Le Centre Sainte-Croix est un « centre d’étude et de prière »


dépendant de l’archevêché de l’Église orthodoxe roumaine pour
l’Europe occidentale (centresaintecroix.net [consulté le 25 novembre
2011]).

— Retour au texte —
Note 468

uip.edu/presentation [consulté le 25 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note *

Comme d’autres scientifiques, un prix Nobel peut confondre croyances


et activités scientifiques ou s’exprimer en dehors de son domaine de
compétences…

— Retour au texte —
Note 469

Science et Religion : une discipline émergente (UNESCO : 12 avril


2000), uip.edu [consulté le 27 novembre 2012].

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Note 470

Il s’agit d’un site web créé en septembre 1999 destiné à la


communauté musulmane francophone.

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Note 471

« Le grand débat sur la théorie de l’évolution », uip.edu [consulté le 26


novembre 2012].

— Retour au texte —
Note *

Depuis la fin des années 1990, Oktar Babuna est un important


représentant de Harun Yahya et il a donné des centaines de conférences
à travers le monde.

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Note 472

« Le Coran, La Bible et la théorie de l’évolution », oumma.com, 18


octobre 2012.

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Note **

Marc Godinot est vice-président de l’Association des scientifiques


chrétiens. Invité par les évolutionnistes, il semblait relativement isolé
entre les anti-évolutionnistes (Tassot, Babuna et Rabischong) et les
deux représentants antidarwiniens de l’évolutionnisme (Staune et
Guessoum).

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Note 473

Présentation du DEA de Jean Staune au Muséum national d’histoire


naturelle, staune.fr [consulté le 27 novembre 2012].

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Note 474

Voir Olivier Brosseau, « Le spiritualisme de l’UIP : analyse de la


polémique autour du film documentaire Homo sapiens, une nouvelle
histoire de l’homme », L’Idée libre, 279, décembre 2007.

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Note 475

Pascal Tassy, « Le mythe du point Oméga », hors série Le Nouvel


Observateur, déc. 2005-janv. 2006.

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Note 476

Dambricourt-Malassé est d’ailleurs secrétaire générale de la Fondation


Teilhard de Chardin, sise au Muséum national d’histoire naturelle. En
juin 2007, une polémique a agité le Muséum, après que la direction a
décidé d’accorder 85 m2 de nouveaux locaux à la fondation (privée) au
détriment de la médiathèque de l’établissement. Les réactions du
personnel ont été vives face à cette atteinte au principe de laïcité dans
un établissement public de recherche. En effet, la Fondation et
l’Association des amis de Pierre Teilhard de Chardin dans son
prolongement affichent clairement des activités à caractère religieux
parallèlement à la valorisation des travaux scientifiques de Teilhard.
Voir « Le Muséum va revoir ses relations avec la Fondation Teilhard
de Chardin », AFP, 14 juin 2007. La mobilisation n’a pas empêché
l’attribution de cet espace à la fondation.

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Note 477

Jean Staune, « Théorie et pratique de l’obscurantisme scientifique »


(staune.fr/Theorie-et-pratique-de-l.html [consulté le 25 novembre
2012]).

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Note 478

Pascal Tassy, op. cit.

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Note 479

La Légende maudite du vingtième siècle. L’erreur darwinienne, Nuée


Bleue, 2000. Voir la critique de cet ouvrage par Marc Silberstein,
« Téléologie, théologie, harmonie : le silence des angelots », in Jean
Dubessy et Guillaume Lecointre (dir.), Intrusions spiritualistes et
impostures intellectuelles en sciences, Syllepse, 2001.

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Note 480

Traduction de Laurent Guyénot, Exergue, 1997. Titre original : Darwin


on trial.

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Note 481

Jean Staune, « Vers un réenchantement du monde », Valeurs actuelles,


14 septembre 2007.

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Note 482

Interview de Trinh Xuan Thuan, « Connecté cosmique », Le Point, 1er


octobre 2009.

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Note *

Sur le fine tuning et le principe anthropique, voir nos entretiens avec


Jesús Mosterín et Marc Lachièze-Rey dans le chapitre 1.

— Retour au texte —
Note 483

uip.edu/presentation [consulté le 25 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 484

« Le diplôme interdisciplinaire, année 1997-1998 », Convergences, 7.


Convergences est une revue semestrielle éditée par l’UIP dans les
premières années de son existence.

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Note 485

Dossier « Dieu existe-t-il ? », Le Point, 5 août 2010.

— Retour au texte —
Note 486

freeridemccain.org/transparency/organization/John_Templeton_Found
ation/grants [consulté le 23 octobre 2011] ; il n’y a pas de données
postérieures à 2008 sur ce site mais d’autres financements ont été
obtenus depuis comme l’illustre le programme « Science and Islam :
an educational approach » dont nous allons parler plus loin. Staune
confirme le chiffre de 6,2 millions de dollars à Pascal Pascariello dans
le « Grand reportage — Le créationnisme », émission La tête au carré,
France Inter, 30 mars 2012.

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Note 487

ctns.org/about_programs.html [consulté le 28 novembre 2012].

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Note 488

Jean Staune (dir.), Presses de la Renaissance, 2005. C’est d’ailleurs la


première collaboration de Staune avec cette maison d’édition.

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Note 489

Depuis la chute du Rideau de fer en 1989, la Russie et les pays de


l’Europe de l’Est constituent des partenaires privilégiés pour les
approches créationnistes. Voir chapitre 2.

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Note 490

Science and Orthodoxy ; templeton.org/what-we-fund/grants/science-


and-orthodoxy [consulté le 28 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 491

basarab.nicolescu.perso.sfr.fr/ciret/GALERIE/Galerie_Bucarest.html
[consulté le 28 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 492

capabilities.templeton.org/2008/GP/agpg_sorer.html [consulté le 28
décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 493

Science and Islam : an educational approach ; templeton.org/what-we-


fund/grants/science-and-islam-an-educational-approach [consulté le 28
novembre 2012].

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Note *

Guessoum est professeur de physique à l’université américaine de


Sharjah aux Émirats arabes unis. Il faisait partie, en 2012, des
conseillers de la JTF (board of advisors) et il est également l’un des
douze membres de son conseil d’administration (board of trustees) en
2012 et 2013.

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Note 494

Rania Moussly, « Sharjah professor aims to bridge gap between


science and religion », gulfnews.com, 11 mars 2012.

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Note 495

« Islam & science workshop 2013 », quilliamfoundation.org, 26


novembre 2012.

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Note 496

En juin 2011, le site de STOQ indique que six universités pontificales,


l’université américaine John J. Reilly et le conseil pontifical pour la
culture collaborent dans le cadre de ce programme
(stoqinternational.org).

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Note 497

Les conseils pontificaux sont les ministères de l’Église catholique. Le


conseil pontifical pour la culture a été créé par Jean-Paul II en 1982.

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Note 498

L’UIP, identifiée comme structure créationniste, a probablement été


écartée pour éviter de ternir l’image du programme STOQ. Voir
« STOQ. késako ? », La Vie, 11 novembre 2004.

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Note 499

presses-renaissance.fr/livre.php ?ean13=9782856169698 [consulté le


29/11/2012].

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Note 500

« Analyse : le catholicisme en France en 2009 », IFOP, novembre


2009 ; 28 % se déclarent sans religion, 3 % protestants et 5 % d’autres
religions (majoritairement musulmane mais aussi juive, bouddhiste,
etc.).

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Note *

Nous sommes conscients du caractère ambigu d’un tel sondage dans la


mesure où la définition de ce que signifie « être catholique » n’y est
pas précisée. Cependant, il nous a semblé utile de l’évoquer afin de
montrer que les valeurs portées par les institutions catholiques sont
susceptibles de trouver un écho favorable dans la société française.

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Note 501

Le Vatican est à la fois un État au sens du droit international et le


territoire où se trouve le Saint-Siège, c’est-à-dire l’incarnation du
pouvoir spirituel de l’Église catholique (représenté par le pape et la
Curie romaine).

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Note 502

« L’hérésie du Dieu programmateur », hors série Le Nouvel


Observateur, déc. 2005-jan. 2006.

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Note 503

Cerf, 2006.

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Note 504

Buchet-Chastel, 2009.

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Note 505

Le Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris est un établissement privé


catholique d’enseignement supérieur (centresevres.com).

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Note 506

Les positions de Jacques Arnould ont fait l’objet d’une analyse de


Pierre Deleporte et Jean-Sébastien Pierre sous un titre évocateur :
« Jacques Arnould ou le recul élastique du dogme », in Jean Dubessy,
Guillaume Lecointre et Marc Silberstein (dir.), Les Matérialistes (et
leurs détracteurs), Syllepse, 2004.

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Note 507

Cerf, 1996.

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Note 508

Albin Michel, 2007.

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Note 509

Aubin, 2002.

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Note 510

Pierre Teilhard de Chardin, Perrin, 2004.

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Note 511

Créée en 1603, elle fut la première académie des sciences au monde.


Après avoir été reconstituée par Pie XI en 1936, elle a aujourd’hui un
statut autonome et peut choisir ses sujets de recherche en sciences, en
épistémologie et sur les questions d’éthique. Le pape en nomme le
président parmi les 80 académiciens, également nommés par le
souverain pontife après avoir été cooptés par leurs pairs. Les membres
sont tous des scientifiques reconnus dans leur domaine et ils sont de
nationalités et de religions diverses. Pour la première fois de son
histoire, un non-catholique a été nommé en janvier 2011 à la tête de
l’Académie : il s’agit du biologiste moléculaire protestant Werner
Arber.

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Note 512

Message de Jean-Paul II aux membres de l’assemblée plénière de


l’Académie pontificale des sciences, 22 octobre 1996.

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Note 513

Pie XII, Humanis generis, 12 août 1950.

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Note 514

Cité dans « Benoît XVI réfléchit au débat sur l’évolution des


espèces », La Croix, 4 septembre 2006.

— Retour au texte —
Note 515

jubile.cef.fr/evenements/scientifiquejourneejeudecadre.htm. [consulté
le 27 novembre 2012].

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Note 516

Christoph Schönborn, « Finding Design in Nature », The New York


Times, 7 juillet 2005.

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Note 517

George Coyne, « God’s chance creation », The Tablet, 6 août 2005.

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Note 518

Vincent Aucante, « Création et évolution. La pensée de Benoît XVI »,


La Documentation catholique, 2417, 1er février 2009.

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Note 519

Schöpfung und Evolution. Eine Tagung mit Papst Benedikt XVI in


Castel Gandolfo, préface du cardinal Christoph Schönborn, Sankt
Ulrich Verlag, 2007.

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Note 520

Création et évolution. Une journée de réflexion avec Benoît XVI,


Parole et silence, 2009.

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Note 521

Benoît XVI, « Soyez les “anges gardiens” des Églises qui vous sont
confiées », homélie du 27 septembre 2007.

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Note 522

Discours de Benoît XVI aux participants à la plénière de l’Académie


pontificale des sciences, 31 octobre 2008.

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Note 523

Discours de Jean-Paul II aux membres de l’Académie pontificale des


sciences, 10 novembre 2003.

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Note 524

L’Université pontificale grégorienne est une université romaine dirigée


par les jésuites et dépendant du Saint-Siège.

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Note 525

youtube.com/watch ?v=sM7UkcYKj4s [consulté le 27 novembre


2012].

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Note 526

STOQ est à la fin de sa quatrième phase en 2012 (STOQ IV).

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Note 527

Par exemple : « Le darwinisme est une théorie scientifique, pas une


idéologie », entretien avec le professeur Marc Leclerc, Zenit, 24 février
2009.

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Note 528

« Vatican : conférence sur l’évolution, synthèse de la conférence de


presse », eucharistiemisericor.free.fr, 10 février 2009.

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Note 529

Charles Susanne, « L’enseignement de la biologie et de l’évolution


(humaine) en péril », Antropo, 8, 2004.

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Note 530

La réintégration — qualifiée de « réconciliation » par les autorités


pontificales — est toujours en discussion en octobre 2012 ; « Rome
maintient la porte ouverte aux lefebvristes », la-croix.com, 30
novembre 2012.

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Note 531

Caroline Fourest et Fiammetta Venner, Les nouveaux soldats du


Vatican, Le Livre de Poche, 2011.

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Note 532

« In memoriam : Alain Fournier », Science et foi, 92, juillet 2009.

— Retour au texte —
Note *

Inerrance : doctrine selon laquelle la Bible ne comporte aucune erreur,


aussi bien en matière de foi que pour des détails scientifiques,
historiques et géographiques.

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Note 533

ceshe.fr/sc_foi/sc_foi.htm [consulté le 29 novembre 2012].

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Note 534

Pour en savoir plus sur l’affaire : Jean-Pierre Garcia, « Tentatives


d’intrusions créationnistes en sciences de la Terre » in Jean Dubessy et
Guillaume Lecointre (dir.), Intrusions spiritualistes et impostures
intellectuelles en sciences, Syllepse, 2001. Concernant les deux notes
publiées dans les Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, Valérie
Lécuyer a analysé la manière dont elles ont été publiées et leur contenu
réel dans « Le créationnisme sous la coupole : Autopsie d’une
imposture », in Jean Dubessy et Guillaume Lecointre (dir.), op. cit. ;
article disponible sur charlatans.info/berthault.shtml [consulté le 20
novembre 2012].

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Note 535

Comptes rendus de l’Académie des sciences (Paris), t. 303, série II, 17,
1986.

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Note 536

noevolution.org ; initialement diffusé au début des années 1990 en


vidéocassettes.

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Note 537

lesamisdejesus.forumactif.net/t1012-science-et-foi-le-11-novembre-
prochain

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Note 538

Éditions François-Xavier de Guibert, 2007.

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Note 539

Le Cep, 40, 3e trimestre 2007.

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Note 540

Éditions François-Xavier de Guibert, 1998.

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Note 541

Éditions Pierre Tequi, 2009.

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Note 542

Interview de Tassot par John L. Allen Jr., National Catholic Reporter,


22 août 2006.

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Note 543

Dominique Tassot est d’ailleurs critique vis-à-vis de l’évolutionnisme


théiste : « L’évolutionnisme théiste pèche par ses deux faces : il ne
résout pas les difficultés liées à l’impossibilité d’établir le “fait
biologique” de l’évolution (l’apparition d’organes nouveaux). En
mélangeant la Cause première avec les causes secondes, il ôte à la
démarche scientifique sa légitime autonomie et les scientifiques athées
ne manquent pas de le dénoncer à ce titre » (« Pourquoi l’Évolution
n’a-t-elle jamais été démontrée ? », Le Cep, n° 4, 3e trimestre 1998).

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Note 544

L’Évolution, une difficulté pour la science, un danger pour la foi, op.


cit.

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Note 545

Le Cep, 4, 3e trimestre 1998.

— Retour au texte —
Note *

Les réponses à cette objection anti-évalutionniste classique (le


caractère prétendument non démontré de l’évolution) sont abordées
dans le chapitre 4 (entretien avec Philippe Janvier) et dans le Guide
critique de l'évolution (sous la direction de Guillaume Lecointre,
Belin, 2009), pages 108 et 179-189.

— Retour au texte —
Note 546

Le Cep, 28, 3e trimestre 2004.

— Retour au texte —
Note 547

PUF, 2003.

— Retour au texte —
Note 548

Cycle de conférence de l’association lyonnaise Teilhard de Chardin, 7


mars 2011.

— Retour au texte —
Note 549

« Actualités », associationlyonnaise-teilhard.com, 2 mars 2011.

— Retour au texte —
Note 550

« Conférences », associationlyonnaise-teilhard.com, 18 mars 2011.

— Retour au texte —
Note *

Voir le chapitre 2 et ce chapitre pour les acteurs musulmans.

— Retour au texte —
Note 551

Éditions Cantagalli, 2009. Voir chapitre 2.

— Retour au texte —
Note 552

« La Ligue des familles polonaises crée un incident sur l’avortement


au Parlement européen », Le Monde, 18 novembre 2005.

— Retour au texte —
Note 553

« Un pamphlet antisémite publié par l’eurodéputé polonais Maciej


Giertych », Le Monde, 16 février 2007.

— Retour au texte —
Note 554

Il a été limogé après que Lech Kaczynski, le président polonais, a mis


fin à la coalition gouvernementale avec les partis politiques
« ultracatholiques et populistes » ; « Lech Kaczynski met fin à la
coalition gouvernementale », nouvelobs.com, 13 août 2007.

— Retour au texte —
Note 555

Celia Chauffour, « Pologne : le ministère de l’Éducation conteste


Darwin », Le Monde, 20 octobre 2006.

— Retour au texte —
Note 556

giertych.pl/?sr=!czytaj&dz=9&id=167 [consulté le 29 novembre


2012].

— Retour au texte —
Note 557

Maciej Giertych, « L’évolution vue de Rome », Le Cep, 46, janvier


2009.

— Retour au texte —
Note 558

Ibid.

— Retour au texte —
Note 559

« La théorie de l’évolution : bilan critique et réponse à Darwin »,


1πR3.15, 35, 1er septembre 2009.

— Retour au texte —
Note 560

« Une critique scientifique de l’évolution », 1πR3.15, 32-33, 3 août


2008.

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Note 561

Dominique Tassot, « Évolutionnisme : la science en péril »,


correspondanceeuropeenne.eu.

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Note 562

« Scholars Aim to Disprove Darwin », Zenit, 26 octobre 2009.

— Retour au texte —
Note 563

Dans les documents de présentation de la conférence ou les articles la


concernant, il n’y a aucune information sur le texte ou le discours de
Benoît XVI auquel les organisateurs se référent.

— Retour au texte —
Note 564

sites.google.com/site/scientificcritiqueofevolution/ [consulté le
30/11/2012].

— Retour au texte —
Note 565

Dominique Tassot, « Évolution : l’Église entre diplomatie et


théologie », Le Cep, 44, 3e trimestre 2008.

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Note 566

La réponse du Saint-Siège (datée du 2 mars 2006) indique que la lettre


de Tassot est parvenue par l’intermédiaire de Monseigneur Henri
Brincard, évêque du Puy-en-Velay. Elle indique aussi que « […] le
Saint-Père vous invite à approfondir votre démarche et à poursuivre le
dialogue avec le monde scientifique ».

— Retour au texte —
Note 567

Olivier Brosseau et Cyrille Baudouin, « L’arbre qui cache la forêt ? Un


créationniste français à l’honneur », Science2 (blogue de Sylvestre
Huet, journaliste à Libération), 29 avril 2009.

— Retour au texte —
Note 568

Dossier « Les soldats de Dieu. Géopolitique des évangéliques »,


Diplomatie, 48, janv.-fév. 2011.

— Retour au texte —
Note 569

Ibid.

— Retour au texte —
Note 570

« Les protestants français d’aujourd’hui ? », IFOP, 2010.

— Retour au texte —
Note 571

Sébastien Fath, « Typologie des créationnismes en milieu protestant


aux États-Unis », blogdesebastienfath.hautefort.com, texte prononcé le
15 mai 2009 lors du colloque EPHE/IESR « Théorie de l’évolution et
religions de 1859 à nos jours ».

— Retour au texte —
Note 572

Sondage IFOP pour Réforme, la Fédération protestante de France, La


Croix, l’Institut européen des religions, réalisé auprès des protestants
(échantillon de 702 personnes) et des pasteurs (échantillon de 750
personnes) en France.

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Note 573

Les 14 % restants ne se prononcent pas sur leur sensibilité dans le


monde protestant.

— Retour au texte —
Note 574

Les trois autres réponses possibles étaient : « un texte exprimant le


sens de la création du monde », « un mythe signifiant la condition de
l’homme » et « ne se prononce pas ».

— Retour au texte —
Note 575

Sébastien Fath, « Créationnisme s évangéliques : une palette de


nuances au regard du cas français », in Lydia Jaeger (dir.), De la
Genèse au génome, Éditions Excelsior, Éditions de l’Institut biblique,
Groupes bibliques universitaires, 2011.

— Retour au texte —
Note *

Concordisme : interprétation religieuse visant à faire concorder les


textes des livres sacrés des monothéismes et les connaissances
scientifiques.

— Retour au texte —
Note *

Cette dénomination (« créationnisme antiscientifique ») nous semble


confuse dans la mesure où elle est justement censée décrire ce qui est
communément appelé « créationnisme scientifique » en référence à la
creation science développée initialement dans les années 1970-1980
aux États-Unis (voir chapitre 2). Par cette appellation, Fath entend
souligner que la démarche entreprise par ces mouvements est
méthodologiquement antiscientifique.

— Retour au texte —
Note **

Sébastien Fath est historien et sociologue, spécialisé dans l’étude du


protestantisme, chercheur dans le Groupe sociétés, religions, laïcités
(GSRL) du CNRS (entretien en juillet 2011).

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Note 576

Précisons que nous ne disposons pas d’un tel chiffre concernant


l’ensemble de la population française. Cependant, à titre d’indication,
un sondage publié en avril 2011 par Ipsos pour Reuters indique que 9
% des personnes interrogées en France croient que l’être humain a été
créé par une force spirituelle telle que Dieu et rejettent une évolution
de l’homme à partir d’autres espèces ; « Ipsos Global @dvisory :
supreme being(s), the afterlife and evolution », Ipsos-na.com, 25 avril
2011.

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Note 577

scienceetfoi.com/component/content/article/27-edito/48-site-
evangelique-de-reflexion-science-a-foi.html [consulté le 2 décembre
2012].

— Retour au texte —
Note 578

scienceetfoi.com/a-propos/benoit-hebert.html [consulté le 2 décembre


2012].

— Retour au texte —
Note 579

Depuis l’ouverture du blogue en janvier 2010, entre 5 et 41 articles ont


été mis en ligne chaque mois pour un total de plus de 670 (décompte
arrêté en novembre 2012).

— Retour au texte —
Note *

Le 1er janvier 2013, sur le blogue « Création et évolution », Benoît


Hébert annonce un renforcement de leurs activités et de la
collaboration avec Biologos : « […] nous allons pouvoir communiquer
plus efficacement à propos de l’harmonie entre la science et la foi,
grâce à la création d’une association Loi 1901 intitulée “Science
& Foi Chrétienne”. […] Cette association fixera également le cadre
juridique indispensable à l’usage d’une généreuse subvention
accordée par la Fondation BioLogos […] qui nous permettra de mener
à bien notre projet et de l’étendre à l’ensemble de la francophonie. »

— Retour au texte —
Note 580

cvablog.com/creationetevolution/2010/01/29/une-collaboration-
accrue-avec-le-site-www-biologos-org [consulté le 2 décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 581

cvablog.com/creationetevolution/2011/01/15/le-creationnisme-titanic-
ou-colosse-aux-pieds-d%E2 %80 %99argile [consulté le 2 décembre
2012].

— Retour au texte —
Note 582

Équivalent américain de l’Inserm français (Institut national de la santé


et de la recherche médicale). À noter que Collins a quitté la tête de la
fondation Biologos à l’occasion de sa nomination à la tête du NIH (en
août 2009).

— Retour au texte —
Note 583

Le financement pour la création du site et l’organisation d’événement


sur « la compatibilité du théisme avec la science évolutionnaire »
s’élève à plus de 2 millions de dollars pour une période de 4 ans,
jusqu’en février 2012. Nous reviendrons sur les questions que soulève
ce type d’approche dans le chapitre 4.

— Retour au texte —
Note 584

scienceetfoi.com/images/fichier/questions/Question%20_1.pdf
[consulté le 2 décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 585

scienceetfoi.com [consulté le 5 décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 586

Ibid.

— Retour au texte —
Note *

Comme nous l’avons déjà vu dans le chapitre 1, ces questions résultent


soit d’une limitation momentanée due aux avancées scientifiques
actuelles, soit d’une limitation épistémologique. Mais, dans les deux
cas, les réponses fournies par les religions ne se situent pas sur le
même plan que les connaissances scientifiques.

— Retour au texte —
Note **

Voir chapitre 1, ainsi que nos entretiens avec Jesús Mosterín et Marc
Lachièze-Rey).

— Retour au texte —
Note 587

Francis S. Collins, De la génétique à Dieu, Presses de la Renaissance,


2010.

— Retour au texte —
Note 588

rescev.free.fr/index.php ?page=objectifs [consulté le 4 décembre


2012].

— Retour au texte —
Note 589

Ibid.

— Retour au texte —
Note 590

Ibid.

— Retour au texte —
Note 591

Chaque année, le Réseau des scientifiques évangéliques organise une


journée d’étude sur un thème : « La science peut-elle être neutre ? » en
2009, « Perspectives bibliques et scientifiques sur l’évolution » en
2010, « Perspectives cosmologiques, écologiques et bibliques sur
l’avenir » en 2011 et « Les limites de la science » en 2012.

— Retour au texte —
Note *

Ces deux mots soulignent la vocation missionnaire des chrétiens.

— Retour au texte —
Note 592

rescev.free.fr/index.php ?page=activites [consulté le 4 décembre


2012].

— Retour au texte —
Note 593

Robert S. White, « L’âge de la Terre », The Faraday Institute for


Science and Religion, avril 2007.

— Retour au texte —
Note 594

Pascal Touzet, « Les preuves et les questions ouvertes de la théorie de


l’évolution », in De la Genèse au génome, op. cit.

— Retour au texte —
Note 595

aucommencement.net [consulté le 15 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 596

Ken Ham, « Interview with French Scientist Dr Andre Eggen »,


answersingenesis.org, 1er septembre 1998.

— Retour au texte —
Note 597

ccnice.blogspot.com/2008/10/3-confrences-dandr-eggen-
18102008.html [consulté le 1er décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 598

Association « reconnue d’intérêt général qui a pour but d’annoncer


l’Évangile par le moyen des nouvelles technologies, dont Internet ».

— Retour au texte —
Note 599

topchretien.jesus.net/letop/view/vision [consulté le 2 décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 600

enseignemoi.com/auteur/paul-ohlott.html [consulté le 2 décembre


2012].

— Retour au texte —
Note 601

actualitechretienne.wordpress.com/a-propos/presentation [consulté le 2
décembre 2012].

— Retour au texte —
Note 602

Ibid.

— Retour au texte —
Note 603

Paul Ohlott, « L’évolution, une théorie de plus en plus contestée ! »,


topchrétien.com, 26 novembre 2008.

— Retour au texte —
Note 604

Paul Ohlott, « France 5 diffusera un “faux” débat sur les


créationnismes », topchrétien.com, 1er décembre 2009.

— Retour au texte —
Note 605

Paul Ohlott, « Mauvaise foi des journalistes darwinistes », actu-


chretienne.net, 17 novembre 2009.

— Retour au texte —
Note 606

Ibid.

— Retour au texte —
Note 607

Emmanuelle Giovannoni, « Darwin l’avait prévu… », prc-france.org,


27 mars 2011.

— Retour au texte —
Note 608

Ce type d’associations est prévu par la loi de 1905 « pour subvenir aux
frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ».

— Retour au texte —
Note 609

Nathan, 2006.

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Note 610

Des dérives sectaires — potentielles ou observées — sont


régulièrement citées dans le rapport annuel de la Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
(Miviludes). Dans le rapport 2006, plus particulièrement consacré à la
question des mineurs exposés aux risques de dérives sectaires, les
Témoins de Jéhovah sont évoqués en ce qui concerne le
conditionnement et la culpabilisation des enfants, l’évangélisation
indirecte à l’école, les troubles psychologiques qu’engendreraient « la
séparation d’avec le monde », les difficultés psychologiques de la
sortie du mouvement, le problème des transfusions sanguines…

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Note 611

« La Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania est une


organisation à but non lucratif dont le siège est […] aux États-Unis.
Elle est la principale entité juridique utilisée dans le monde entier par
les Témoins de Jéhovah afin de diriger, d’administrer et de développer
des doctrines de la religion » (tj-encyclopedie.org/Watchtower).

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Note 612

Cette activité dite de prédication est la principale activité des Témoins


de Jéhovah, même si tous ceux qui fréquentent les lieux de culte
jéhovistes ne la pratiquent pas nécessairement. Elle revêt différentes
formes : porte-à-porte, téléphone, stands sur les marchés… Selon le
rapport mondial officiel des Témoins de Jéhovah de 2010, la France
métropolitaine compte 123 444 prédicateurs, la Guadeloupe 8 497, la
Martinique 4 659, La Réunion 2 850, la Guyane 2 096, la Nouvelle-
Calédonie 1 944, Mayotte 70 et Wallis-et-Futuna 67.

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Note 613

« La France compte 200 000 Témoins de Jéhovah », Le Parisien, 4


février 2008.

— Retour au texte —
Note 614

La vie a-t-elle été créée ?, Watchtower, 2010.

— Retour au texte —
Note 615

Ibid.

— Retour au texte —
Note 616

La vie : comment est-elle apparue ? Évolution et Création ?,


Watchtower, 1985.

— Retour au texte —
Note 617

Magazine bimestriel, disponible en kiosque et sur abonnement (tirage


à 42 000 exemplaires), publiant « une information scientifique
alternative » sur notamment la santé, la physique, l’histoire,
« l’exopolitique [ufologie] ». Par ailleurs, Nexus présente « une
information qui tient compte de la mécanique quantique moderne,
frange la plus avancée de la physique, qui réconcilie matière et esprit
par une approche phénoménologique d’un Univers fonctionnant plus
comme une gigantesque pensée que comme une simple machine
inerte » (nexus.fr).

— Retour au texte —
Note 618

Nexus, 64, sept.-oct. 2009.

— Retour au texte —
Note 619

Nous nous limiterons ici à notre sujet, mais ces techniques de


manipulation sont utilisées dans tous les domaines. Pour en savoir
plus, on se référera avec intérêt au premier chapitre du Petit cours
d’autodéfense intellectuelle de Normand Baillargeon (Lux éditeur,
2005) et au site du réseau CorteX, esprit critique et science
(cortecs.org).

— Retour au texte —
Note 620

Éditions Jacqueline Chambon, 2009.

— Retour au texte —
Note 621

« Interview de Trinh Xuan Thuan », Le Point, 5 août 2010.

— Retour au texte —
Note 622

Il semble que l’expression « hareng fumé » provienne du sud des


États-Unis : les prisonniers en fuite laissaient des harengs fumés
derrière eux pour détourner de leur piste les chiens qui les
poursuivaient. Voir Normand Baillargeon, op. cit.

— Retour au texte —
Note 623

Café des connaissances intitulé « Les créationnismes contemporains,


une menace pour la société ? », organisé par l’université de Reims et le
Service universitaire d’action culturelle à la Villa Douce (Reims).
Intervenant : Olivier Brosseau, 30 avril 2010.

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Note *

L’un d’eux était Dominique Tassot, président du CEP. (voir chapitre 3).

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Note **

Philippe Janvier est directeur de recherche (CNRS) et paléontologue


au Muséum national d’histoire naturelle. Entretien en juin 2011.

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Note 624

Datations absolues : méthodes de datation qui visent à établir l’âge


exact d’une roche par rapport au présent en mesurant, dans certaines
conditions, la décroissance radioactive de certains isotopes.

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Note 625

Datations relatives : méthodes de chronologie qui permettent


d’ordonner les uns par rapport aux autres des structures (strates, plis,
failles, fossiles) et des événements géologiques variés.

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Note 626

Horloge moléculaire : théorie selon laquelle la vitesse d’évolution


d’une séquence génétique donnée est globalement constante au cours
du temps. En conséquence, la distance qui sépare deux séquences
permet de dater l’époque de divergence des êtres vivants auxquels elles
appartiennent.

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Note *

L’usage de l’expression « chaînon manquant » dans la vulgarisation


scientifique n’est pas anodin puisque cela sous-tend l’idée d’une
chaîne, donc d’une évolution linéaire, ce qui est en contradiction avec
les représentations modernes de l’évolution du monde vivant. Les
notions de « forme de transition » ou d’« intermédiaire structural »
devraient être privilégiées.

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Note 627

Fossiles datés du Jurassique supérieur (-150 millions d’années).

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Note 628

Les dinosaures théropodes sont des dinosaures bipèdes carnivores


parmi lesquels on retrouve les célèbres Tyrannosaurus et Vélociraptor.

— Retour au texte —
Note 629

Christine Clavien, « Comment répondre au discours créationniste », in


Claire Clivaz et Pierre Bonnet (dir.), Évolution et croyances, Labor et
Fides, 2011.

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Note 630

cortecs.org/outillage/215-sophisme-epouvantail

— Retour au texte —
Note 631

Nexus, op. cit.

— Retour au texte —
Note 632

Ibid.

— Retour au texte —
Note *

Dans ce cas précis, se superpose une stratégie de « déshonneur par


association » développée dans ce chapitre.

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Note 633

Émission « Le libre journal de Serge de Beketch », Radio Courtoisie,


31 janvier 2007.

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Note 634

Le Figuier, 2002. Cet ouvrage à très bas prix (moins de 2 euros) est
vendu sur de nombreux sites internet musulmans français et dans des
librairies musulmanes.

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Note 635

Patrice de Plunkett a été journaliste à Valeurs actuelles et a contribué à


la naissance du Figaro magazine dont il a été directeur de la rédaction
de 1990 à 1997.

— Retour au texte —
Note 636

La recherche de son blog avec le moteur Google indique en sous-titre


du résultat de la recherche : « Un journaliste catholique réagit
quotidiennement à l’ensemble de l’actualité ». Sur le blog lui-même, le
sous-titre est : « Un bloc-notes de journaliste chrétien » ;
plunkett.hautetfort.com [consulté le 12 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 637

Par exemple, Patrice de Plunkett, « Faut-il brûler Anne


Dambricourt ? », plunkett.hautetfort.com, 6 novembre 2011.

— Retour au texte —
Note 638

Patrice de Plunkett, « Le darwinisme est-il une religion officielle ? »,


plunkett.hautetfort.com, 10 février 2007.

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Note 639

Mohammed Keskas, op. cit.

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Note 640

La Légende maudite du vingtième siècle. L’erreur darwinienne,


Éditions Nuée Bleue, 2000.

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Note 641

PUF, 2003. Rabischong intervient régulièrement dans les


manifestations organisées par le CEP. Voir chapitre 3.

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Note 642

Par exemple, en 2011, avec la promotion de son autobiographie Le


Cosmos et le lotus (Albin Michel). Thuan recense et met à disposition
— au moins en partie — ses interventions, interviews et articles sur
son site (trinhxuanthuan.com).

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Note 643

« Livres publiés en tant que directeur de la collection “Le Temps des


Sciences” chez Fayard », staune.fr [consulté le 19 novembre 2012].

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Note 644

Le chaos et l’harmonie, Fayard, 1988.

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Note 645

Le réel voilé, Fayard, 1994.

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Note 646

L’évolution a-t-elle un sens ?, Fayard, 1997.

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Note 647

La boîte noire de Darwin, Presses de la Renaissance, 2009.

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Note 648

Jean Staune, « Voyage au cœur de l’obscurantisme scientifique »,


staune.fr [consulté le 13 novembre 2012].

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Note 649

Albin Michel, 2008. Le succès de ce livre a été suffisamment


important pour qu’il paraisse au format poche en 2010 (Le Livre de
poche, 2010).

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Note 650

Il est par exemple l’auteur de l’ouvrage Du pithécanthrope au karatéka


(Grasset, 2010) dans lequel Anne Dambricourt-Malassé et Jean-Marie
Pelt présentent leur vision spiritualiste de l’évolution humaine. Par
ailleurs, van Eersel est rédacteur en chef de la revue Nouvelles Clés qui
affiche depuis 1988 son contenu ésotérique et spiritualiste. La société
dont dépend la revue (distribuée à plus 40 000 exemplaires en kiosque
et par abonnement) présente son site internet comme « le site de
l’aventure intérieure, du développement personnel et de l’écologie
spirituelle ».

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Note 651

Voir, par exemple, la page Dailymotion du CEP


(dailymotion.com/user/Le-CEP/1).

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Note 652

« Sir John Templeton, 1912-2008 », templetonprize.org [consulté le 13


novembre 2012].

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Note 653

En 2011, le montant du prix Nobel s’élève à 8 millions de couronnes


suédoises, soit environ 921 000 euros ; celui du prix Templeton est de
1,1 million de livres sterling, soit environ 1,32 million d’euros.

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Note 654

Les discours de 2002 à 2012 sont disponibles sur templetonprize.org.


Voir également Tom Bartlett, « How to win the Templeton Prize »,
chronicle.com, 7 avril 2011.

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Note 655

Cité in Daniel Cressey, « Martin Rees takes Templeton Prize », Nature


News Online, 6 avril 2011.

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Note 656

Patrick Perry, « Sir John Templeton, the eternal optimist », Saturday


Evening Post, 1er mars 2003.

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Note 657

Sir John Templeton, Possibilities for over one hundredfold more


spiritual information : the humble approach in theology and science,
Templeton Press, 2000.

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Note 658

Cité in Ophelia Benson, « Faith in funding », The Philosopher’s


Magazine, 26 mars 2010. Nous avons traduit ici « apologetical
agenda » par « programme de défense de la religion ».

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Note 659

Voir la liste des 100 fondations américaines les plus richement dotées
en 2009 sur foundationcenter.org.

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Note 660

Cette somme a été distribuée en 2008 et constitue le double de celle


allouée en 1998. Il faut noter quelques années plus « creuses » de 1999
à 2003 et la distribution d’un montant annuel de moins de 20 millions
d’euros (freeridemccain.org).

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Note 661

templeton.org/who-we-are/about-the-foundation/mission [consulté le
13 novembre 2012].

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Note 662

« Bridging two worlds : an interview with Sir John Templeton »,


Second Opinion, 1er juillet 1993.

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Note 663

Considéré comme un des pionniers de l’investissement global, John


Templeton a fait fortune dans les fonds d’investissement. Il crée le
Templeton Growth Fund en 1954 qu’il revend en 1992 à Franklin
Group qui devient alors Franklin Templeton Investments. Dès les
années 1960, il s’exile à Nassau, aux Bahamas, un paradis fiscal, et il
abandonne la nationalité américaine en 1968 pour devenir Britannique.
Le milliardaire est anobli par Elizabeth II en 1987 pour ses activités
philanthropiques et financières, lui qui déclarait : « La vraie richesse
n’est pas dans l’argent, mais dans le développement spirituel. » Sur les
activités financières de Templeton, voir Carole Gould, « Mutual
funds ; John Templeton’s faith and patience », The New York Times, 18
novembre 1990 ; Joe Holley, « John Templeton, 95 ; Billionaire
invested in science, religion », The Washington Post, 9 juillet 2008.

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Note 664

Patrick Perry, op. cit.

— Retour au texte —
Note *

Notons que Dyson, d’Espagnat et Townes sont membres du conseil


scientifique de l’UIP.

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Note 665

linkedin.com/pub/charles-l-harper-jr/2b/b74/207 [consulté le 19
novembre 2012].

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Note 666

Sunny Bains, « Questioning the integrity of the John Templeton


Foundation », Evolutionary Psychology, 9(1), 2011.

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Note 667

Nathan Schneider, « God, science and philanthropy », The Nation, 3


juin 2010.

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Note 668

Charles L. Harper, « Why science and religion need to talk », Nature,


17 mai 2001.

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Note 669

Cité in M. Mitchell Waldrop, « Faith in science », Nature, 17 février


2011.

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Note 670

Science and transcendence advanced research series.

— Retour au texte —
Note *

Vice-président de l’UIP depuis 1995, il a par ailleurs été conseiller de


la JTF de 2002 à 2004 et de 2008 à 2010
(trinhxuanthuan.com/articles/vitathuan1.pdf).

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Note 671

web.archive.org/web/20110725212147/http://www.ctnsstars.org/
[consulté le 28 novembre 2012] ; cette page montre qu’en dehors du
conseil d’administration qui réunit seize personnalités (dont six
titulaires du prix Templeton), le programme fait également appel à
cinq consultants, parmi lesquels on retrouve Jean Staune.

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Note 672

Dan Jones, « The Templeton Foundation is not an enemy of science »,


guardian.co.uk, 8 avril 2011.

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Note 673

Cité in M. Mitchell Waldrop, op. cit.

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Note 674

Ce programme a d’ailleurs donné lieu à la publication française de


Science et quête de sens, sous la direction de Jean Staune (Presses de
la Renaissance, 2005) et à sa traduction en anglais (Science and the
search for meaning, Templeton Press, 2006).

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Note 675

Entre 1998 et 2008, le CTNS a reçu près de 20 millions d’euros de la


JTF
(freeridemccain.org/transparency/organization/John_Templeton_Found
ation/grants |consulté le 23 octobre 2011]).

— Retour au texte —
Note 676

ctns.org/ssq/program.html [consulté le 13 novembre 2012].

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Note 677

Constance Holden, « Searching for answers to cosmic questions »,


Science, 21 mai 1999.

— Retour au texte —
Note 678

templeton.org/what-we-fund/grants/science-and-religion-in-islam
[consulté le 13 novembre 2012].

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Note 679

Denis R. Alexander, « Religion and science : a guide for the


“perplexed” », Nature, 2 octobre 2008.

— Retour au texte —
Note *

À noter que parmi les personnes associées à l’institut figure Lydia


Jaeger. Voir chapitre 3.

— Retour au texte —
Note 680

st-edmunds.cam.ac.uk/faraday/Research.php [consulté le 25/11/2012].

— Retour au texte —
Note 681

Dialogue on science, ethics and religion (templeton.org/what-we-


fund/grants/aaas-dialogue-on-science-ethics-and-religion-promoting-a-
public-conversation [consulté le 13 novembre 2012]).

— Retour au texte —
Note 682

« Physicists wary of science-religion dialogue », Science, 3 mars 2000.

— Retour au texte —
Note 683

aaas.org/cspsp/dser/about/ [consulté le 25 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 684

Ibid.

— Retour au texte —
Note 685

Constance Holden, op. cit.

— Retour au texte —
Note *

Il est nécessaire de se demander de quel créationnisme il est question


lorsqu’un individu ou une structure affirme ne pas être créationniste,
compte tenu de la diversité des approches identifiées tout au long de ce
livre.

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Note 686

Par exemple, en réaction à une critique de livre évoquant la JTF sur le


site français nonfiction.fr, Gary Rosen (directeur des affaires
extérieures de la JTF de 2008 à 2010) affirme, dans les commentaires,
que « la Fondation Templeton n’a jamais soutenu les travaux du
mouvement politique se faisant appeler Intelligent Design. Notre
système d’attribution de bourses en biologie évolutive et dans d’autres
domaines de recherche s’appuie sur une rigoureuse évaluation
scientifique par des chercheurs » (nonfiction.fr/article-2165-
a_force_de_pretendre_faire_rimer_science_et_conscience.htm).

— Retour au texte —
Note 687

William Grassie, « The case of the missing book : setting the record
straight on William Dembski, the Templeton Foundation, and
Intelligent Design », metanexus.net, 6 juin 2007.

— Retour au texte —
Note 688

« Proposal to the John Templeton Foundation : exploring the


Constructive Interaction of Science and Religion, Proposal ID# 266 —
William A. Dembski », uncommondescent.com [consulté le 13
novembre 2011] ; l’ouvrage en question s’intitule Being as
Communion : The Metaphysics of Information, Ashgate Publishing
Limited, 2009.

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Note 689

William A. Dembski, « The Rise and Fall of Baylor University’s


Michael Polanyi Center Religion », designinference.com [consulté le
13 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 690

William Dembski, « The original Nature of nature conference —


Baylor, April 12-15, 2000 », uncommondescent.com, 8 mars 2011.

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Note 691

Joseph C. Campana, « Media misreports intelligent design research


and the John Templeton Foundation », researchintelligentdesign.org,
27 février 2007.

— Retour au texte —
Note 692

Daniel Golden, « Darwinian struggle », The Wall Street Journal, 14


novembre 2005.

— Retour au texte —
Note 693

Ibid.

— Retour au texte —
Note 694

Voir par exemple la tribune de la vice-présidente de la JTF, Pamela


Thompson, « Stance is misconstrued on intelligent design », Los
Angeles Times, 4 février 2007.

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Note 695

« Does the Foundation support “intelligent design” ? », templeton.org


[consulté le 13 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note *

Une des lignes de défense de la JTF consiste à dire que les partisans de
l’ID ayant reçu des financements de la fondation n’étaient pas
membres du Discovery Institute à ce moment-là et qu’ils le sont
devenus ensuite. C’est exact pour Dembski et Gonzalez. Mais le
contenu de leur demande relève bel et bien du corpus du dessein
intelligent.

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Note 696

Une des revues soutenues par la JTF, Science & Spirit, illustre la
convergence entre les idées favorisées par la JTF et le dessein
intelligent. Dans un numéro de février 1999, un article de Jean Staune
(qui coordonne aussi le numéro) est introduit de la façon suivante :
« Les résultats d’expériences récentes en physique quantique n’ont pas
uniquement révolutionné la science de manière fondamentale ; elles
ont aussi ouvert la voie pour une reconsidération rationnelle et
crédible de l’existence d’un dessein intelligent dans l’univers » (« On
The Edge of Physics », Science & Spirit, février 1999).

— Retour au texte —
Note 697

templeton.org/what-we-fund/grants/biola-universitys-center-for-
christian-thought [consulté le 13 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 698

Jason Newell, « John Templeton Foundation awards $3 million to


Biola University », now.biola.edu, 21 décembre 2011.

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Note 699

« Intelligent Design event features Stephen Meyer and critics »,


biola.edu, 26 mai 2010.

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Note 700

Nicholas J. Matzke, « The evolution of creationist movements »,


Evolution : education & outreach, mai 2010.

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Note 701

« Intelligent Design event features Stephen Meyer and critics »,


biola.edu, 26 mai 2010.

— Retour au texte —
Note 702

Ibid.

— Retour au texte —
Note 703

biola.edu/academics/sas/scienceandreligion/courses/ [consulté le
8/11/2012].

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Note 704

Fondé en 1908, Biola est à l’origine l’acronyme pour Institut biblique


de Los Angeles. Dès sa fondation, cet institut est proche des
fondamentalistes protestants américains puisque c’est en son sein que
sont publiés entre 1910 et 1915 les ouvrages fondateurs du
mouvement, The Fundamentals (Nicholas J. Matzke, op. cit.). En
2012, Biola revendique toujours l’inerrance biblique comme l’indique
sa déclaration doctrinale (biola.edu/about/doc-trinal-statement/) : « La
Bible, comprenant tous les livres de l’Ancien et du Nouveau
Testaments, constitue la Parole de Dieu, une révélation surnaturelle
donnée par Dieu Lui-même. […] Les Écritures de l’Ancien et du
Nouveau Testaments sont sans aucune erreur ni inexactitude dans leur
enseignement moral et spirituel ainsi que dans le récit de faits
historiques. Ils sont sans erreur ni défaut d’aucune sorte. »

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Note 705

Né en 1932, Alvin Plantinga défend une philosophie théiste (pour lui,


l’organisation du monde et l’apparition de créatures intelligentes
douées de rationalité sont l’œuvre d’un dieu tout puissant) plus
compatible selon lui avec la science que peut l’être le naturalisme (rien
n’existe en dehors de la nature).

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Note 706

Barbara Forrest, « The Wedge at Work : How Intelligent Design


Creationism Is Wedging Its Way into the Cultural and Academic
Mainstream », infidels.org [consulté le 19 novembre 2012].

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Note 707

Le soutien de la JTF à cet événement est notamment affiché sur le site


d’un des établissements organisateurs, l’University of Notre Dame
(al.nd.edu/events/2010/05/20/2802-conference-alvin-plantinga-
retirement-celebration/ [consulté le 25 novembre 2012]). Michael Rea,
un des organisateurs, ainsi que son établissement, l’University of Notre
Dame, ont reçu en 2010 un financement de la JTF de 1,24 million
d’euros pour le programme « Le problème du mal dans la pensée
moderne et contemporaine ».

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Note 708

On retrouve ces arguments dans un texte de la National Academy of


Sciences and Institute of Medicine intitulé « Compatibility of science
and religion », nationalacademies.org, 2008.

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Note 709

Jerry A. Coyne, « Seeing and believing », The New Republic, 4 février


2009.

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Note 710

Cité in M. Mitchell Waldrop, op. cit.

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Note 711

Jerry A. Coyne, « Martin Rees and the Templeton travesty »,


guardian.co.uk, 6 avril 2011.

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Note 712

Nous reprenons ici les termes de Jean Bricmont, qu’il développe dans
« Science & religion : l’irréductible antagonisme », Agone, 23, 2000.

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Note 713

Denis R. Alexander, op. cit., 2 octobre 2008.

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Note 714

« Compatibility of science and religion », nationalacademies.org,


2008.

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Note 715

Sunny Bains, op. cit.

— Retour au texte —
Note 716

Ibid.

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Note 717

web.archive.org/web/20040405105536/http://www.templeton.org/abou
t_the_foundation/advisors.asp [consulté le 19 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 718

templetonprize.org/pdfs/Templeton_Prize_Chronicle_2004.pdf
[consulté le 19 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 719

John Horgan, « The Templeton effect », stevens.edu, 11 juin 2006.

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Note 720

Cité dans Ophelia Benson, op. cit.

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Note 721

John Horgan, « The Templeton Foundation : a skeptic’s take »,


edge.org, 5 avril 2006.

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Note 722

Templeton-Cambridge Journalism Fellowships and Seminars in


Science and Religion ; il s’agit d’un programme mené par l’université
britannique de Cambridge, doté de 4,6 millions d’euros de 2004 à
2010 ; templeton.org//what-we-fund//grants//templeton-cambridge-
journalism-fellowships-and-seminars-in-science-and-religion [consulté
le 19 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 723

John Horgan, op. cit., 5 avril 2006.

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Note 724

Mémo de John Templeton cité in Nathan Schneider, op.cit.

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Note 725

Des annonces de publicité ont ainsi été publiées en pleine page ou en


double page dans des journaux généralistes et dans des journaux
scientifiques. Sunny Bains donne la liste suivante : Scientific
American, American Scientist, Nature, The new scientist, The Atlentic
Monthly, Commentary, The Chronicle of Higher Education, The
Economist, The Financial Times, The New Republic, Propspekt, the
Sunday edition of the New York times, Skeptic magazine (Sunny Bains,
op. cit.).

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Note 726

Sunny Bains, op. cit.

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Note 727

L’ISSR, soutenue à hauteur de 4,3 millions d’euros par la JTF de 1998


à 2008 et basée à l’université britannique de Cambridge, a pour
objectif principal de faciliter « le dialogue entre les deux disciplines
académiques science et religion, un des plus importants domaines de
débat actuel en terme de compréhension de la nature de l’humanité »
(issr.org.uk/about-us.asp). L’ISSR est fondée en 2002 par John
Polkinghorne, récompensé du prix Templeton la même année, et on
retrouve parmi ses membres des promoteurs actifs du dialogue entre
science et religion en France comme Bruno Guiderdoni, Nidhal
Guessoum, Lydia Jaeger, Basarab Nicolescu ou Trinh Xuan Thuan.

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Note 728

faradayschools.com/teacherspages/srsp-home [consulté le 2 décembre


2012].

— Retour au texte —
Note 729

Religious education in English schools : Non-statutory guidance 2010


(disponible sur le site du ministère britannique de l’Éducation,
education.gov.uk).

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Note 730

Learning about Science and Religion ;


sites.google.com/site/lasarproject/ [consulté le 19 novembre 2012].

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Note 731

testoffaith.com/about/ [consulté le 19 novembre 2012]

— Retour au texte —
Note 732

testoffaith.com/resources/subCategories.aspx ?sub=true&id=13
[consulté le 19 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 733

testoffaith.com/homeschool/ [consulté le 19 novembre 2012].

— Retour au texte —
Note 734

Message d’information envoyé par Michael Reiss sur une plateforme


internet d’échanges rassemblant les acteurs britanniques et irlandais
autour des questions de l’enseignement des sciences ;
uk.groups.yahoo.com/group/learning-science-concepts/message/932
[consulté le 3 décembre 2012].

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Note 735

Astrid Dinter, Peter Schreiner, « Science and religion in schools : a


German and worldwide perspective », metanexus.net, 6 mars 2008.

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Note 736

web.archive.org/web/19970418081416/http://www.templeton.org/broc
hure.htm#4 [consulté le 19 novembre 2012].

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Note *

Institut national de recherche sur la santé ; cet institut privé mimant le


nom de l’agence de la santé américaine (National Institute of Health) a
reçu plus de 6 millions d’euros de la JTF entre 1998 et 2002.

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Note 737

Richard P. Sloan, « Doctors aren’t chaplains », Los Angeles Times, 2


décembre 2006.

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Note 738

templeton.org/what-we-fund/grants/spirituality-in-medicine-curricular-
awards [consulté le 19 novembre 2012].

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Note 739

Bonnie Booth, « More schools teaching spirituality in medicine »,


amednews.com, 10 mars 2008.

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Note 740

Par exemple, pour un montant de 150 000 dollars, le programme


« Expliquer la crise des marchés financiers, faire ressortir des
politiques pour une croissance future » a pour objectif d’analyser la
crise actuelle des marchés financiers afin de « promouvoir des
politiques qui encourageront la prospérité des marchés financiers
américains dans le futur » (templeton.org/what-we-
fund/grants/explaining-the-financial-markets-crisis-outlining-policies-
for-future-growth).

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Note 741

Nathan Schneider, op. cit.

— Retour au texte —
Note 742

templeton.org/templeton_report/20091007 et
ptsem.edu/scienceforministry [consultés le 19 novembre 2012].

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Note 743

Ce programme s’adresse aux leaders chrétiens en général


(scientifiques et clergé) et plus spécifiquement aux protestants.

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Note 744

Cité par Sunny Bains, op. cit.

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Note 745

Une personne a même été affectée à l’UIP par la JTF. Ainsi, de 2001 à
2007, Tom Mackenzie, collaborateur de la JTF, travaille à l’UIP en tant
que directeur de programme pour l’élaboration d’initiatives de
recherche, l’organisation de plusieurs conférences universitaires et la
préparation de deux programmes internationaux (il précise sur son CV
avoir géré dans le cadre de ses attributions à l’UIP un budget total
d’environ 4 millions de dollars) (fr.linkedin.com/in/tommackenzie
[consulté le 25 novembre 2012]).

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Note *

Citons L’Express, Le Point, Le Figaro, Valeurs actuelles, Radio France


Internationale, France Inter, France Info, Europe 1, etc. Des exemples
précis sont donnés dans le chapitre 3 et dans ce chapitre.

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Note 746

En 2010, ce magazine a été diffusé en moyenne à plus de 56 000


exemplaires. Pour le sociologue des religions Jean-Paul Willaime, le
succès de cette publication est le signe d’un regain d’intérêt du public
français pour le religieux et la spiritualité malgré la baisse apparente
du nombre de croyants pratiquants (« Religion, science et société dans
l’ultramodernité contemporaine », in Philippe Portier, Michel Veuille
et Jean-Paul Willaime (dir.), Théorie de l’évolution et religions,
Riveneuve, 2011).

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Note 747

Par exemple, Jean-Paul Guetny, « Nécessaire dialogue », Le Monde


des religions, juil.-août 2004 ; Jocelyn Morrison, « L’Univers a-t-il un
sens ? », Le Monde des religions, sept.-oct. 2006.

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Note 748

Le Monde des religions, jan.-fév. 2010.

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Note 749

Frédéric Lenoir, « Science et spiritualité : un nouveau dialogue ? », Le


Monde des religions, jan.-fév. 2010.

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Note 750

Précisons que l’islam n’est pas représenté ici bien que certains
scientifiques proches de l’UIP se revendiquent de cette religion,
comme les physiciens Nidhal Guessoum et Bruno Guiderdoni.

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Note 751

« Une révolution philosophique ? Un débat entre André Comte-


Sponville et Jean Staune », Le Monde des religions, jan.-fév. 2010.

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Note 752

Antoine Oldcola Vekris, « Scienligion : l’hybride entre science et


religion », coffeandsci.wordpress.com, 4 décembre 2012.

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Note 753

Par exemple, « Quels facteurs devrions-nous considérer pour


déterminer comment aborder un passage des Écritures ? » ou « Le mal
et la souffrance sont-ils compatibles avec un Dieu d’amour ? ».

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Note 754

« Quelle est la relation appropriée entre la science et la foi ? »


(scienceetfoi.com/questions.html, traduction de contenus de Biologos).

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Note 755

Ibid.

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Note 756

Henry Blocher, « L’évolution favorise-t-elle l’athéisme ? », in Lydia


Jaeger (dir.), De la Genèse au génome, Éditions Excelsior, Éditions de
l’Institut biblique, Groupes bibliques universitaires, 2011.

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Note 757

Christophe Doré, « Jean Staune : “L’hypothèse d’un créateur est


scientifique” », Le Figaro Magazine, 21 février 2011.

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Note 758

Richard De Vendeuil, « Trinh Xuan Thuan : “Les étoiles sont nos


ancêtres” », L’Express, 5 août 2011.

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Note 759

Jean Mercier, « Cardinal Ravasi : “Ouvrons-nous aux non-croyants” »,


La Vie, 24 février 2011.

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Note 760

Deux jours plus tard, le 17 septembre 2009, il affirme sur France Inter
dans l’émission scientifique La Tête au carré : « En France, à cause
de la laïcité, le dialogue entre science et religion est mal accepté. »

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Note 761

« Interview de Trinh Xuan Thuan », Lexnews, 15 septembre 2009.

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Note *

Le terme utilisé par Coyne est « secular reason ». Avec cette idée, il
élargit l’abstinence métaphysique de la démarche scientifique (voir p
39) à tous les types de discours s’exprimant sur le monde réel. Il ne
s’agit donc pas ici d’imposer une vision scientiste — il n’est pas
question d’appliquer la démarche scientifique à tous les problèmes de
la société — ni un matérialisme philosophique, mais bien d’une
volonté d’émanciper les discours sur le monde réel des assertions
providentialistes invérifiables.

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Note 762

Jerry A. Coyne, op. cit., 2009.

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Note 763

Les trente pays de l’Union européenne, la Suisse, les États-Unis, le


Japon et la Turquie. À cette affirmation : « Les êtres humains tels que
nous les connaissons se sont développés à partir d’espèces d’animaux
antérieures », il était demandé de répondre par un de ces items : vrai,
probablement vrai, probablement faux, faux, pas sûr, ne sait pas ; Jon
D. Miller, Eugenie C. Scott, Shinji Okamoto, « Public acceptance of
evolution », Science, 313, 2006.

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Note 764

En France, 39 % répondent « vrai », 39 % « probablement vrai », 10 %


ne savent pas, 5 % « probablement faux » et 7 % « faux ».

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Note 765

« Ipsos Global @dvisory : supreme being(s), the afterlife and


evolution », ipsos-na.com, 25 avril 2011.

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Note 766

Dominique Guillo, Ni Dieu ni Darwin. Les Français et la théorie de


l’évolution, Ellipses, 2009.

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Note *

Dominique Guillo est directeur de recherche au CNRS et travaille au


sein du Gemass (Groupe d’études des méthodes de l’analyse
sociologique de la Sorbonne). Entretien en juin 2011.

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Note 767

Cela n’inclut ni l’informatique, ni, du côté des sciences humaines,


l’histoire et la géographie qui sont rangées à part.

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Note 768

Ce recensement a été réalisé dans un kiosque à La Défense (92) le 1er


septembre 2011. Les titres « techniques » regroupés en un point dans
le rayon et concernant essentiellement les nouveautés technologiques
(téléphonie, hi-fi, accessoires, etc.) ont été volontairement laissés de
côté. Pour les autres titres considérés comme « scientifiques », nous
proposons trois catégories (titres généralistes, spécialisés et
pseudoscientifiques).

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Note 769

Pour la science, Science & Avenir, La Recherche, Science & Vie,


Science et connaissance, Science magazine, L'Essentiel de la science,
Science revue, Sciences et pseudo-sciences, EfferveSciences, Comment
ça marche ?, National Geographic Sciences.

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Note 770

Ciel & espace, Astronomie magazine, Espace et exploration, Cerveau


et psycho, Sciences humaines.

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Note 771

Nexus, Sacrée planète, Science de la conscience, Science et inexpliqué,


Aux frontières de la science, Top secret, Le monde de l’inconnu,
Mondes étranges, Aliens.

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Note 772

« La recherche scientifique dans les médias », Eurobaromètre spécial


282, décembre 2007 (disponible sur ec.europa.eu).

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Note 773

L’étude mentionnée ici datant de 2007, la proportion de personnes


mettant en avant Internet pourrait être supérieure désormais. Cela dit,
il serait surtout utile de savoir comment ceux qui répondent
« Internet » utilisent réellement cet outil : recherche d’informations par
un moteur de recherche, consultation de sites d’institutions
scientifiques, de sites spécialisés dans l’information scientifique, de
sites de médias généralistes (presse écrite, télévision, radio), de
blogues d’opinion, etc.

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Note 774

« La science dans les JT », INA STAT, n° 20, décembre 2010.

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Note 775

Dans l’étude menée par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), la


rubrique Sciences et techniques comprend : botanique et zoologie,
espace, nouvelles technologies, nucléaire, recherche, saisons et
mesures du temps, sciences de la terre et divers. Cela représente 1,8 %
des sujets. Nous y avons ajouté les sujets concernant la recherche
médicale (génétique, transplantation d’organes, maladies infectieuses,
cancer et neurologie) qui sont classés dans la rubrique santé et qui
représentent 0,4 % des sujets.

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Note 776

Cécile Michaut, « Les journalistes scientifiques sous le microscope »,


scienceactualité.fr, 12 juillet 2007.

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Note 777

Cité in Marion Sabourdy, « La science dans les quotidiens »,


anthropoblog.fr, 3 février 2009.

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Note 778

Sylvestre Huet, « Médias, un combat de rue ? », Courrier de la


planète, n° 93, janvier 2011.

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Note 779

« Les médias et la science : enjeu démocratique, enjeu de puissance »,


colloque de l’Institut des hautes études pour la science et la
technologie, 30 novembre 2011, disponible sur webcast.in2p3.fr.

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Note 780

Il s’agit ici de science mais de manière plus générale, cette remarque


concerne tous les domaines que traitent les médias (experts en
économie, politique, arts, histoire, etc.).

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Note 781

David Fossé, « La mystification des Bogdanov », Ciel & espace,


octobre 2004 ; Hervé Morin, « La réputation scientifique contestée des
frères Bogdanov », Le Monde, 19 décembre 2002. Dans l’article « Les
chercheurs et la menace Bogdanov » (lemonde.fr, 20 avril 2012), le
journaliste scientifique Stéphane Foucart explique comment les
Bogdanov font pression sur les scientifiques qui critiquent leurs
travaux.

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Note 782

Par exemple, un article sur le site du journal Le Point mentionne


qu’« ils vulgarisent si bien la science que chacun se sent davantage
savant après les avoir écoutés », puis plus loin, « mais s’ils sont
d’excellents vulgarisateurs de la science, leurs recherches font moins
l’unanimité au sein de la communauté scientifique ». Un semblant de
critique qui s’évanouit dès le paragraphe suivant lorsque les Bogdanov
sont interrogés : « Nous faisons partie d’une famille de scientifiques
plus avant-gardistes que la communauté traditionnelle, qui a pour
mission de défricher des terrains qui n’ont pas encore été conquis par
la science. Sans aucune forme d’orgueil, nous faisons partie de la
même famille qu’Einstein : lui aussi a été très discuté à son époque,
parce qu’il avançait des idées nouvelles, à contre-courant » (« Les
Bogdanov : “Nous faisons partie de la même famille scientifique
qu’Einstein” », lepoint.fr, 25 juin 2012).

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Note 783

Par exemple, sur Europe 1 le 7 juillet 2012 ; « Comprendre le boson de


Higgs avec les frères Bogdanov » », émission Ça va se passer ce week-
end, europe1.fr.

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Note 784

Grasset, 2010. Paru en poche en 2011 (J’ai lu).

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Note 785

Voir en particulier le chapitre « Pourquoi l’Univers est-il si bien


réglé ? ».

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Note 786

Par exemple, dans : « Zéro Info », BFM TV, 27 mai 2010 ; « On n’est
pas couché », France 2, 12 juin 2010 et 17 juin 2012 ; « Morandini ! »,
Direct 8, 17 mai 2011 ; « On va tous y passer », France Inter, 13
septembre 2012.

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Note 787

Anne-Catherine Renaud, « Les frères Bogdanov : “Dieu est une


radiation fossile” », lematin.ch, 6 mai 2010.

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Note 788

Ce reportage qui commence comme une présentation de travaux


scientifiques récents sur le big bang ressemble à une promotion (mal)
déguisée du livre des Bogdanov et de leurs thèses spiritualistes.

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Note 789

Grasset, 2012.

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Note 790

« Les énigmes Bogdanov », nordeclair.fr, 8 juillet 2012.

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Note 791

Jean-Pierre Messager, « Les frères Bogdanov, la science et les


médias », acrimed.org, 29 novembre 2004.

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Note 792

Igor et Grichka Bogdanov, « Les Bogdanov ne sont pas


créationnistes », blog Le Monde « Avant le Big-Bang », 20 octobre
2010. Pour une autre analyse, voir Olivier Brosseau, « Les Bogdanov
sont-ils créationnistes ? », Rue 89, 12 septembre 2010.

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Note 793

Jean-Marie Pelt a été professeur de botanique à la faculté de pharmacie


de Nancy jusqu’en 1972, période où il fonde l’Institut européen
d’écologie (IEE, systématiquement mis en avant dans les médias
puisqu’il en est le président), une association de droit local basée à
Metz qui « a pour mission de constituer un lien éthique entre science
et conscience, pensée et action, recherche et vulgarisation, qui devrait
être l’essence même de la science ». Pour remplir cette mission plutôt
floue, les activités principales de l’IEE consistent à « promouvoir et
développer toute initiative visant à l’amélioration de la qualité de vie,
de l’environnement et des rapports entre les hommes, les groupes et la
nature ». L’IEE organise des conférences de scientifiques pour le
grand public, où parmi les invités on retrouve Trinh Xuan Thuan ainsi
qu’une conférence de Pelt autour « du sens de l’Univers », mais aussi
des colloques universitaires en partenariat avec la faculté de théologie
de Metz ; par exemple « La création chez les pères » en octobre 2008,
où Pelt est intervenu sur « La pensée de la création hier et
aujourd’hui ». Par ailleurs, Pelt se consacre également à ses activités
de vulgarisation dans les médias et à l’écriture, tout en continuant
d’enseigner à l’université de Metz (où il est professeur émérite).

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Note 794

Pelt est — dans la grille de programmes 2012-2013 — intervenant


hebdomadaire sur France Inter dans « CO2 mon amour », « magazine
nature et environnement », présenté par Denis Cheissoux.

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Note 795

Pelt a publié une cinquantaine d’ouvrages de vulgarisation scientifique


depuis le début des années 1970.

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Note 796

Par exemple, Nature et spiritualité, Fayard, 2008 (écrit avec la


collaboration de Franck Steffan).

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Note 797

Fayard, 2009 (écrit avec la collaboration de Franck Steffan).

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Note *

Par exemple, dans son livre L’Évolution vue par un botaniste (Fayard,
2011) : « […] la théorie darwinienne nous est aujourd’hui offerte toute
ficelée, et comme définitive. Le dogme jette la suspicion sur toute
recherche qui s’éloignerait tant soit peu de la “pensée unique”, au
moins aussi prégnante en sciences qu’ailleurs. Malheur au jeune
scientifique qui s’aventurerait dans d’autres directions, loin de
l’autoroute savamment balisée par le néodarwinisme ! Il encourrait le
risque d’être accusé de flirter avec le néocréationnisme ! » Or, il n’y a
pas de dogme en sciences de l’évolution, pas plus que dans n’importe
quel autre domaine scientifique. Le cadre conceptuel dont Darwin a
jeté les bases reste, par sa puissance explicative, un paradigme, mais ce
dernier n’est pas figé : il évolue au gré des nombreuses découvertes et
débats qui animent les sciences de l’évolution. Par ailleurs, aucun
paradigme n’est éternel.

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Note *

Voir chapitre 1 (p. 53) sur cette question du hasard. Celui-ci n’est en
aucun cas « le moteur de l'évolution ».

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Note 798

Xavier Brouet, « Le plaidoyer évolutionniste de Jean-Marie-Pelt »,


republicain-lorrain.com, 12 janvier 2011.

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Note **

Bien entendu, il rejette tout lien avec le créationnisme (assimilé alors


au créationnisme scientifique et au dessein intelligent) : « Quand au
créationnisme, je ne m’y suis jamais attardé un seul instant, tant il me
paraît absurde de vouloir faire des premiers livres de la Bible une
lecture scientifique. La Bible est porteuse de sens, non de sciences »
(op. cit., 2011).

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Note 799

Citation issue de documents distribués aux auditeurs du colloque


Sciences, civilisations, cultures pour les dix ans de l’association (7
janvier 2006).

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Note 800

« La Société géologique de France prend position contre le


créationnisme dit “scientifique” », mars 2009.

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Note 801

Notons qu’Allègre s’est également illustré par ses prises de position


provocatrices dans d’autres domaines. Par exemple, à partir de 2009,
concernant son rôle moteur dans la montée en France du climato-
scepticisme, il a notamment été accusé d’impostures ; voir, par
exemple Stéphane Foucart, Le Populisme climatique : Claude Allègre
et Cie. Enquête sur les ennemis de la science, Denoël, 2010 ; Sylvestre
Huet, L’imposteur, c’est lui, Stock, 2010.

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Note 802

Fayard, 1992. Réédité en livre de poche en 2004.

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Note *

Keskas s’appuie sur les propos et le statut d’Allègre pour valoriser


l’idée d’un dessein intelligent qu’il a déjà développée dans son
ouvrage : « Cet ouvrage [de Claude Allègre] n'a pas pour but de
réfuter la théorie de l’évolution. Pas du tout ! Car sachez qu’il existe
un conflit dans le monde scientifique entre les évolutionnistes et les
créationnistes [anti-évolutionnistes]. Ces derniers réfutent la théorie
de l’évolution et sont convaincus que c’est Dieu, le Créateur qui est à
l’origine de cette diversité d’êtres vivants sans qu’il n’y ait eu
d’évolution. Or l’étude de la biologie donne à la fois raison aux
évolutionnistes et aux créationnistes. Je m’explique : Dieu a créé des
êtres vivants au cours de l’histoire de la Terre et il se charge de les
modifier et de les adapter à un environnement en perpétuel
changement » (Mohammed Keskas, La Théorie de Darwin. Le hasard
impossible, Le Figuier, 2002, p. 59).

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Note **

Précisons que cette section a été en partie rédigée avant les élections
présidentielles et législatives du printemps 2012, qui ont mené
François Hollande à la Présidence de la République et donné la
majorité au Parti socialiste à l’Assemblée nationale. Cependant, cette
alternance politique ne remet pas en cause le fond de notre propos et
les éléments présentés ici. Tout d’abord parce que les structures
évoquées capables d’exercer un lobbying auprès des institutions
républicaines sont toujours présentes et actives. Ensuite, parce que
certaines dispositions législatives engagées par le précédent
gouvernement ne seront pas nécessairement remises en cause. Enfin,
parmi les personnalités politiques évoquées, la plupart disposent
toujours de responsabilités à divers niveaux, et les autres peuvent
revenir sur le devant de la scène politique.

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Note 803

Fondé en 1983, le Comité consultatif national d’éthique est constitué


d’un président et de 39 membres nommés pour quatre ans parmi
lesquels « cinq personnalités appartenant aux “principales familles
philosophiques et spirituelles” (courants philosophiques et religions
catholique, protestante, juive et musulmane) ». Ce comité « a pour
mission de donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions
de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les
domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ». Il peut être
saisi par le président de la République, les présidents des assemblées
parlementaires, les membres du gouvernement, etc. (ccne-ethique.fr).

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Note 804

Le Groupe européen d’éthique, des sciences et des nouvelles


technologies est une « instance pluraliste, indépendante et
pluridisciplinaire qui a pour mission d’examiner les questions éthiques
liées aux sciences et aux nouvelles technologies et sur base de son
travail, de soumettre des avis à la Commission européenne dans le
cadre de l’élaboration de législations ou de la mise en place de
politiques communautaires » (ec.europa.eu/bepa/european-group-
ethics/welcome/index_fr.htm). En juin 2011, le député Jean Glavany
adresse une question au ministère des Affaires européennes pour faire
part de « sa grande inquiétude à la connaissance de la composition de
ce groupe présenté comme une instance “pluraliste, indépendante et
pluridisciplinaire” et “neutre”. En effet, sur les quinze membres, sept
membres sont liés à la religion catholique ou protestante (quatre
professeurs de théologie et trois professeurs dans des universités
catholiques). On ne retrouve dans ce groupe que deux seuls
représentants des sciences avec un chercheur en génétique et un
professeur de médecine. Les “nouvelles technologies” n’ont par
ailleurs aucun représentant dans ce groupe » (questions.assemblee-
nationale.fr/q13/13-110646QE.htm).

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Note 805

Claire Legros, « Xavier Bertrand, l’interview vérité », La Vie, 3 février


2011.

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Note 806

Encadré « Propos blessants » dans « Le fou de Dieu », Marianne,


n° 13, 19-25 janvier 2008.

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Note 807

Catherine Kintzler, « Comment la laïcité a été offerte en cadeau au


Front national », Mezetulle.net, 27 mars 2011. En France, « le régime
de laïcité dissocie le domaine de constitution du droit et des libertés
(domaine de la puissance et de l’autorité publiques rendant les droits
possibles — il inclut notamment l’école publique) d’avec celui de leur
exercice (domaine civil ouvert au public et domaine privé de
l’intimité) » rappelle Kintzler, puis elle précise que « le premier
domaine est assujetti au principe d’abstention (dit encore principe de
laïcité), le second jouit des libertés au sens le plus large. Autrement
dit, le régime de laïcité articule le principe de laïcité (valide dans le
domaine participant de la puissance publique) et le principe de libre
affichage des opinions notamment religieuses (valide partout
ailleurs) ».

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Note 808

« Pour Guéant, les usagers de service publics ne doivent pas afficher


de signes religieux », Libération, 24 mars 2011.

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Note 809

Voir les vingt-six propositions de l’UMP pour la laïcité : « Laïcité pour


mieux vivre ensemble », projet-ump.fr, avril 2011.

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Note 810

Comme Nicolas Sarkozy l’a développé quelques années avant son


élection à la présidence dans son ouvrage coécrit avec Thibaud Collin
et Philippe Verdin, La République, les religions, l’espérance, Le Cerf,
2004. Il y affirme par exemple que « l’espérance dans un au-delà
meilleur est un facteur d’apaisement et de consolation pour la vie
d’aujourd’hui » (p. 35) ou encore que « partout en France, et dans les
banlieues plus encore qui concentrent toutes les désespérances, il est
bien préférable que des jeunes puissent espérer spirituellement plutôt
que d’avoir dans la tête, comme seule “religion”, celle de la violence,
de la drogue ou de l’argent » (p. 18).

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Note 811

Discours de Nicolas Sarkozy au Palais du Latran, 20 décembre 2007.

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Note 812

Ibid.

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Note 813

Discours de Nicolas Sarkozy à Riyad, 14 janvier 2008.

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Note 814

Discours de Nicolas Sarkozy au Palais du Latran, 20 décembre 2007.

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Note 815

Voir Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi, Main basse sur l’école publique,
Démopolis, 2008.

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Note 816

Précisons que nous ne sommes pas parvenus à obtenir de chiffres


précis sur le nombre total d’établissements privés sous contrat,
catholiques ou non. À la rentrée 2010, le nombre d’élèves scolarisés
dans des établissements privés sous contrat (premier degré et second
degré) représente 16,5 % du total (Repères et références statistiques
sur les enseignements, la formation et la recherche, ministère de
l’éducation nationale, édition 2011). En 2010-2011, 96,6 % des élèves
dans le privé (premier degré et second degré) seraient scolarisés dans
des établissements catholiques sous contrat et hors contrat (Dossier
« Les chiffres clefs de l’enseignement catholique », Enseignement
catholique actualités, 341, février-mars 2011).

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Note *

Les établissements privés sont soit sous contrat avec l’État, soit hors
contrat. Dans le premier cas, selon la loi Debré de 1959, ils conservent
leur « caractère propre » mais sont soumis au contrôle de l’État et
contraints « d’assurer une mission de service public ». Leur coût de
fonctionnement est pris en charge (tout ou partie) par l’État. Dans le
second cas, les établissements hors contrat ne sont soumis qu’à des
contraintes minimales et ne perçoivent aucun financement public. 2,7
% de l’ensemble des élèves du privé (premier et second degrés) sont
scolarisés dans des établissements hors contrat et 97,3 % dans des
établissements sous contrat (Repères et références statistiques sur les
enseignements, la formation et la recherche, ministère de l’Éducation
nationale, édition 2011).

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Note 817

« École catholique : un point crucial pour la mission de l’Église »,


Zenit, 18 janvier 2009.

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Note 818

À la rentrée scolaire de septembre 2008, dans le cadre du volet


« éducation » du plan Espoir banlieue, l’ouverture de 50 classes dans
des établissements privés catholiques est intégralement financée par
des fonds publics. Cette initiative viole trois règles : tout d’abord, la
répartition traditionnelle « 80-20 » attribuant 80 % des financements
publics à l’enseignement public et 20 % à l’enseignement privé ;
ensuite, l’obtention de financements publics par un établissement privé
est conditionnée par un contrat d’association passé avec l’État après
cinq ans d’existence (ce qui n’est pas le cas ici puisque les
financements sont attribués immédiatement) ; et enfin, les négociations
de ces financements ont été menées directement par le Comité national
de l’enseignement catholique alors que selon la loi Debré de 1959,
l’État ne peut négocier qu’avec chaque établissement. Caroline Fourest
et Fiammetta Venner, « Le gouvernement encourage les écoles privées
catholiques à s’implanter en banlieue », Charlie Hebdo, 16 avril 2008 ;
Mathilde Mathieu, « L’État va aider l’école privée en banlieue »,
mediapart.fr, 21 mars 2008 ; Louise Fessard, « L’enseignement
catholique s’exporte en banlieue grâce à l’État », mediapart.fr, 6
novembre 2008.

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Note 819

Selon la chercheuse spécialisée dans les questions éducatives Nathalie


Mons (« Privé vs public », Le Monde de l’éducation, 16 juin 2010).

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Note 820

Adoptée par les députés en septembre 2009, cette loi prévoit « la


parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et
privées sous contrat lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors
de leur commune de résidence ». Autrement dit, une commune peut
être contrainte de financer des écoles privées localisées en dehors de
son territoire (quand ces écoles accueillent des élèves domiciliés dans
la commune concernée), au détriment de ses propres écoles publiques.
Cette instauration d’un « chèque éducation » pour les écoles privées
constitue un coût de 400 à 500 millions d’euros pour la collectivité.
Muriel Fitoussi, Eddy Khaldi, « Loi Carle : Nanterre paiera pour
Neuilly », backchich.info, 28 septembre 2009 ; Christian Terras, « Loi
Carle : 500 millions d’euros des maires à l’école privée », rue89.com,
24 octobre 2009.

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Note 821

La reconnaissance d’utilité publique de ces fondations permet aux


donateurs de bénéficier de 60 à 75 % de déduction fiscale sur les dons
versés. Pour la Fondation Saint-Matthieu, dont l’objectif est de récolter
1 milliard d’euros en dix ans, cela représente de 600 à 750 millions
d’euros de déductions fiscales (Eddy Khaldi, « Deux niches fiscales »,
Prochoix, 53, octobre 2010).

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Note 822

Créée en 2007, la fondation pour l’école « a pour objet de susciter un


renouveau éducatif en France en concourant à l’essor
d’établissements scolaires libres »
(fondationpourlecole.org/fr/mission.html), donc de promouvoir
l’enseignement privé hors contrat. Notons que cette fondation a de
nombreux soutiens politiques comme le montre par exemple
l’organisation du colloque « École : comment innover ? » au Sénat le 2
juin 2010, introduit par Jean-Claude Gaudin, alors vice-président du
Sénat. Par ailleurs, Anne Coffinier, présidente de l’association, est
proche des traditionalistes catholiques de la mouvance tridentine (elle
est signataire de la tribune « Un manifeste en faveur de la messe
tridentine » publiée dans Le Figaro le 16 décembre 2006).

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Note 823

« La Fondation a pour mission de concourir aux besoins


d'investissement de nature immobilière (rénovation, mise aux normes,
extension et acquisitions de locaux) et à l’entraide au sein des
établissements de l’Enseignement catholique » (fondation-
stmatthieu.org/fondationsm/index.html). Il s’agit ici de l’enseignement
privé sous contrat.

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Note 824

Ce décret a fait l’objet de douze recours de la part de syndicats,


d’associations et de parlementaires auprès du Conseil d’État ; tous ont
été rejetés. Voir le communiqué de l’Unsa Éducation, « Accord
Kouchner/Vatican : une décision alambiquée », 12 juillet 2010 ;
Charles Conte, « Accord Vatican-Kouchner : une analyse de la
décision du Conseil d’État », mediapart.fr, 23 juillet 2010.

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Note 825

Cité dans Rachel Mulot, « Accord France-Vatican sur les diplômes :


une brèche pour les créationnistes ? », nouvelobs.com, 6 juillet 2009.
En guise de réponse à la question posée par la journaliste, notons que
le décret en question a provoqué l’enthousiasme de Jean Staune sur un
forum : il y voit un moyen « d’atténuer les effets de l’absurde laïcité à
la française », allant même jusqu’à envisager qu’un « master de
science et religion à l’Université interdisciplinaire de Paris [soit] tout
à fait possible à l’avenir ! » (deonto-ethics.org).

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Note 826

Eddy Khaldi, « Assemblée nationale : un groupe d’études pour avaliser


les doléances de l’enseignement privé ? » (fal44.org).

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Note *

L’enseignement catholique est géré par un ensemble complexe de


structures (directeurs diocésains, associations de parents d’élèves,
syndicats, etc.), toutes représentées au sein du Comité national de
l’enseignement catholique. Celui-ci est présidé par le secrétaire général
de l’enseignement catholique (depuis 2007, Éric de Labarre) nommé
par l’Assemblée des évêques. Pour une description détaillée des
structures, voir « Le maquis des structures », in Eddy Khaldi et Muriel
Fitoussi, Main basse sur l’école publique, Démopolis, 2008.

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Note 827

François-Damien Bourgery, « En France, la “théorie du genre” s’invite


dans la rentrée scolaire », rfi.fr, 1er septembre 2011.

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Note *

Le Bulletin officiel spécial n° 9 (30 septembre 2010) du ministère de


l’Éducation nationale stipule : « Différencier, à partir de la
confrontation de données biologiques et de représentations sociales ce
qui relève : de l’identité sexuelle, des rôles en tant qu’individus sexués
et de leurs stéréotypes dans la société, qui relèvent de l’espace social ;
de l’orientation sexuelle qui relève de l’intimité des personnes. »

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Note 828

Selon le sociologue Éric Fassin, « en sciences sociales, ce champ


d’études s’est développé, dans les années 1970, à partir de la
distinction entre sexe (biologique) et genre (social), dans le sillage de
Simone de Beauvoir : “On ne naît pas femme, on le devient.” C’est
une question de socialisation (par la famille, l’école, etc.), donc de
normes sociales. Mais l’État joue aussi un rôle essentiel, puisqu’il
contrôle le changement de sexe. Les critères varient d’un pays à
l’autre : en France, aujourd’hui, pour changer d’état civil, il faut être
opéré — et même stérilisé. Or, ce n’est pas le cas, par exemple, en
Espagne. Bref, non seulement le genre est une construction sociale,
mais le sexe aussi est une catégorie d’État » (Valérie Sipahimalani et
Romain Gény, « Entretien avec René Habert et Éric Fassin : devenir
femme ou homme », US Magazine, 713, 1er octobre 2011) ; voir aussi
Rachel Mulot, « Masculin, féminin, des rôles fabriqués », Science
& Avenir, février 2012.

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Note 829

« 113 sénateurs contre la théorie du genre », Libération (source AFP),


12 septembre 2011.

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Note 830

Lettre de Richard Mallié à Luc Châtel, ministre de l’Éducation


nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, signée par 80
députés, 30 août 2011.

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Note 831

Ibid.

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Note 832

Lettre de Marie-Thérèse Hermange à Luc Châtel, ministre de


l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, signée
par 113 sénateurs, 12 septembre 2011.

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Note 833

Enseignement catholique actualités (eca.enseignement-catholique.fr),


hors-série mai 2010.

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Note 834

Clothilde Hamon, « Éducation affective et sexuelle à l’école :


l’enseignement catholique publie un guide de référence »,
famillechrétienne.fr, 29 mars 2010.

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Note 835

Clothilde Hamon, « Extraits du document “Éducation affective


relationnelle et sexuelle dans les établissements catholiques
d’enseignement” », famillechrétienne.fr, 29 mars 2010.

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Note 836

Marie-Estelle Pech, « Les catholiques mobilisés contre les manuels de


biologie », Le Figaro, 1er juin 2011.

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Note 837

« Défendons la liberté de conscience », afc-France.org, 30 mai 2011.

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Note 838

Benoît XVI s’est exprimé à plusieurs reprises pour mettre en garde


contre « la théorie du genre ». Ainsi, en 2008, il déclare : « Il est
nécessaire qu’il existe quelque chose comme une écologie de l’homme,
comprise de manière juste. Il ne s’agit pas d’une métaphysique
dépassée, si l’Église parle de la nature de l’être humain comme
homme et femme et demande que cet ordre de la création soit respecté.
Ici, il s’agit de fait de la foi dans le Créateur et de l’écoute du langage
de la création, dont le mépris serait une autodestruction de l’homme et
donc une destruction de l’œuvre de Dieu lui-même. Ce qu’on exprime
souvent et ce qu’on entend par le terme “gender”, se résout en
définitive dans l’auto-émancipation de l’homme par rapport à la
création et au Créateur. L’homme veut se construire tout seul et
décider toujours et exclusivement seul de ce qui le concerne. Mais de
cette manière, il vit contre la vérité, il vit contre l’Esprit créateur »
(« Discours de Benoît XVI à la curie romaine », 22 décembre 2008).

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Note 839

Selon le porte-parole des évêques de France, Mgr Bernard Poidvin,


« nous redisons avec Benoît XVI que le masculin et le féminin se
révèlent comme faisant ontologiquement partie de la création » (« La
théorie du genre s’invite au lycée », eglise.catholique.fr, 9 juin 2011).

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Note 840

Ibid.

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Note 841

« Pas de théorie du genre au lycée », europe1.fr, 2 juin 2011.

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Note 842

Vanneste n’a pas été réélu lors des élections législatives françaises de
2012 mais bénéficie du statut de député honoraire.

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Note 843

Lettre signée par Xavier Breton, Marc Le Fur (vice-président de


l’Assemblée nationale), Jean-Marc Nesme, Christian Vanneste, 8 juin
2011.

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Note 844

Sept questions au ministre ont été adressées par des députés, dont
Boutin, Vanneste et Boyer, ces deux derniers étant membres de la
Droite populaire et du Groupe d’études parlementaire sur
l’enseignement privé…

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Note 845

« Identité sexuelle : Copé soutient les 80 députés UMP », Libération,


31 août 2011.

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Note 846

En janvier 2005, Vanneste a déclaré que « l’homosexualité est


moralement inférieure à l’hétérosexualité » - propos qu’il a maintenu
et réitéré — ce qui lui a valu d’être condamné, en janvier 2007, à 3 000
euros d’amende pour « injures envers les homosexuels » ; Geoffroy
Deffrennes, « Le bretteur du Nord », Le Monde, 7 février 2008.

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Note 847

M6 Actu, 30 août 2011 ; le 31 août 2011, Lionnel Luca renouvelle ses


propos dans le journal de 13 heures de France Inter.

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Note 848

Ibid.

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Note 849

Marie Kirschen, « Eric Fassin : “Les députés confondent genre et


sexualité” », Têtu, 1er septembre 2011.

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Note 850

En réponse à la Confédération nationale des associations familiales


catholiques sur les nouveaux manuels de SVT présentant les études de
genre, l’Élysée répond en juillet 2011 : « Cela ne signifie en aucun cas
que le gouvernement adhère à ces orientations, et encore moins que les
élèves et leurs familles doivent être contraints de souscrire à de telles
conceptions de l’Homme et de la société. Le gouvernement sera
extrêmement attentif à ce que la liberté de conscience des uns et des
autres sur ce sujet ne soit jamais inquiétée d’aucune manière »
(« Manuels de SVT : réponse de l’Élysée au courrier des associations
familiales catholiques », afc-france.org, 21 juillet 2011).

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Note 851

Paulette Garin, « La théorie du genre, un danger pour nos enfants ? »,


prc-france.org, 24 juin 2011.

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Note 852

Florence Rochefort, « Enseigner le genre : contre une censure


archaïque », Le Monde, 16 juin 2011.

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Note 853

Paul Ohlott, « Comment peut-on refuser le créationnisme au nom de la


science… et accepter la théorie du genre ? », actu-chrétienne.net, 27
juin 2011.

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Note 854

La position des représentants religieux sur les études de genre alimente


leur opposition au projet de loi sur le mariage homosexuel et
l’adoption par les couples de même sexe. À titre d’exemple, citons
Gilles Bernheim, le grand rabbin de France : « Que les droits en termes
d’homoparentalité et d’adoption soient étendus ou limités, il ressort
également que les militants LGBT utiliseront le mariage homosexuel
comme un cheval de Troie dans leur entreprise, bien plus large, de nier
la sexuation, d’effacer les différences sexuelles et de leur substituer
des orientations permettant à la fois de sortir du “carcan naturel” et
de mieux dynamiter les fondements hétérosexuels de notre société »
(Gilles Bernheim, « Mariage homosexuel, homoparentalité et
adoption : ce que l’on oublie souvent de dire », grandrabbinde-
france.com, 2012).

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Note 855

« Adoption en Conseil des ministres du projet de loi ouvrant le


mariage aux couples de personnes de même sexe », gouvernement.fr, 7
novembre 2012 [consulté le 13 décembre 2012].

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Note 856

Dans son article « Tous les mariages sont dans la nature »


(mediapart.fr, 10 décembre 2012), le journaliste scientifique Michel de
Pracontal analyse la pertinence scientifique de certains arguments
avancés par les opposants au mariage pour tous qui accusent l’union
homosexuelle d’être « contre nature ».

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Note 857

« Élargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !,


note du conseil Famille et Société », eglise.catholique.fr, 28 septembre
2012.

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Note 858

Gilles Bernheim, op. cit.

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Note 859

« Élargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !,


note du conseil Famille et Société », op. cit.

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Note 860

« Sur le mariage entre personnes de même sexe et l’homoparentalité »,


uoif-online.com, 13 novembre 2012 [consulté le 13 décembre 2012].

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Note 861

Mohammed Moussaoui, « À propos du projet de loi “mariage pour


tous” », lecfcm.fr [consulté le 13 décembre 2012].

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Note 862

« Déclaration du Conseil de la Fédération protestante de France à


propos du “mariage pour tous” », protestants.org, 13 octobre 2012.

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Note 863

« Projet de loi sur le mariage et l’adoption : le CNEF interpelle les


parlementaires », lecnef.org, 11 octobre 2012.

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Note 864

« Sur le mariage entre personnes de même sexe et l’homoparentalité »,


op. cit.

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Note 865

« Comment l’opposition au mariage homosexuel se structure-t-elle ? »,


atlantico.fr, 5 novembre 2012.

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Note 866

Gilles Bernheim, op. cit.

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Note 867

« Sur le mariage entre personnes de même sexe et l’homoparentalité »,


op. cit.

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Note 868

Aux institutions représentatives des catholiques, des protestants, des


évangéliques, des musulmans et des juifs, il faut également ajouter
l’opposition de l’institution représentative de l’Église orthodoxe
(Assemblée des évêques orthodoxes de France, communiqué,
egliserusse.eu, 2 octobre 2012).

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Note 869

Tugdual Denis, « Contre le mariage homosexuel, le lobby catholique


s’organise », lexpress.fr, 3 novembre 2012.

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Note 870

« Mariage pour tous : résumé de l’audition des représentants de


culte », lcp.fr, 29 novembre 2012.

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Note 871

Par exemple, « Le cardinal André Vingt-Trois reçu par Jean-Marc


Ayrault », la-croix.com, 18 octobre 2012.

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Note 872

Par exemple Marina Zuccon et al., « Comme chrétiens, nous


manifesterons le 16 décembre pour le mariage pour tous », Libération,
13 décembre 2012 ; Nicolas Johan Leport Letexier, « Église et
homosexualité : la tentation théocratique », Témoignage chrétien,
n° 3506, 11 septembre 2012 ; Christian Terras, « Mariage gay : les
amalgames scandaleux du cardinal de Lyon Philippe Barbarin »,
golias-news.fr, 15 septembre 2012.

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Note 873

Une enquête conduite par Pierre Clément et Marie-Pierre Quessada


auprès de 7 050 enseignants dans dix-neuf pays, entre 2004 et 2008,
révèle que plus un enseignant est diplômé, quelle que soit la matière,
plus il est évolutionniste et inversement ; « Les convictions
créationnistes et/ou évolutionnistes d’enseignants de biologie : une
étude comparative dans dix-neuf pays », Natures Sciences Société, 16,
2008.

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Note 874

Voir par exemple Alain Prévost, « Y a-t-il un problème d’intrusion du


religieux dans l’enseignement scientifique ? », Raison présente, 168, 4e
trimestre 2008.

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Note 875

On consultera avec intérêt le site de CorteX (cortecs.org), un collectif


d’enseignement et de recherche en esprit critique et sciences.

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Note *

Normand Baillargeon est professeur en sciences de l’éducation à


l’université du Québec à Montréal (UQAM), essayiste, sceptique (au
sens de skeptical) et militant libertaire. Entretien en juin 2011.

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Note 876

« Opération qui consiste à admettre une proposition en raison de son


lien avec une proposition préalable tenue pour vraie » (cnrtl.fr).

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Note 877

L’Américain Martin Gardner (1914-2010) fut un spécialiste des


mathématiques récréatives et l’un des fondateurs du scepticisme
scientifique aux États-Unis.

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Note 878

Matthew Lipman (1922-2010), philosophe américain, logicien et


chercheur en sciences de l’éducation.

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