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ÉCOLE P R A T I Q U E DES HAUTES ÉTUDES -SORBONNE
VIeSECTION : SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
C E N T R E DE R E C H E R C H E S H I S T O R I Q U E S
Civilisations et Sociétés 10
M O U T O N & CO
P A R I S - LA H A Y E
MCMLXVIII
Communications et débats
du Colloque de Royaumont présentés par
Jacques LE GOFF
Hérésies
et sociétés
dans l'Europe
pré-industrielle
lle-18e siècles
M O U T O N & CO
P A R I S - LA H A Y E
MCMLXVIII
COLLOQUE DE ROYAUMONT, 27-30 MAI 1962
avec la collaboration de
et la participation de
INTRODUCTION ET PROGRAMME
rature, dans l'art les hérétiques sont souvent présents, mais masqués.
Quelques spécialistes, espérons-le, arracheront ou du moins soulèveront
quelques masques devant le colloque. L'hérétique manqué finit souvent
en mystique : comment se présente et s'explique cette mue ?
Puisse le colloque enrichir encore ces interrogations de quelques autres
— et surtout donner un contenu concret à ce questionnaire trop théorique.
PROGRAMME
ORTHODOXIE ET HÉRÉSIE
Ce n'est pas sans quelque confusion que j'inaugure les séances de notre
colloque, non certes par timidité devant votre confiance, mais parce
qu'il m'aurait été agréable — et il eût été plus efficace pour une réflexion
théologique — de bénéficier de vos contributions, plutôt que de les intro-
duire, et de procéder alors à une introduction à partir de vos enquêtes.
II reste cependant que, accueillant avec plaisir votre invitation à ouvrir
la voie (à la lettre), je puis, non certes déterminer des règles d'analyse
sociologique, ni des critères de vérité, mais, comme historien de la théo-
logie, proposer, dans la diversité et la mobilité des usages que vous allez
observer, les points de repère que l'analyse sociologico-religieuse fournit
pour l'élaboration des deux catégories contrastées de la croyance : l'or-
thodoxie et l'hérésie. Je pressens assez d'ailleurs ce que les uns et les autres
vous allez dire, pour m'établir au niveau sociologique et phénoménolo-
gique auquel vous travaillez, dans l'établissement délicat des typologies.
L'étymologie même du mot aîpcaiç nous fournit une définition nomi-
nale, en laquelle sont enregistrés les faits primitifs, etesténoncé déjà le trait
spécifique du très complexe phénomène mental qu'on appelle hérésie.
Certains ne traitent pas sans quelque mépris la définition nominale ; mais,
avec Aristote, maître en l'art de définir, je la crois apte à fournir, en vue de
critères ultérieurs, une base valable de départ. C'est à son niveau modeste
que je me tiendrai, à l'entrée d'analyses plus aiguës, dans l'espoir difficile
d'une définition « réelle», où continuera à jouer, d'ailleurs, jusqu'en sa
vitalité ambiguë, la sève de cette étymologie.
Hérésie-atpratç, c'est choix. L'esprit, devant un donné qui se présente
comme intrinsèquement homogène, décide de disjoindre cette unité
objective pour éliminer, selon son jugement propre, tel ou tel des éléments
en cause. Dès que les théologiens occidentaux réfléchirent, au x n e et au
XIII 8 siècle, sur ce qu'était selon eux la foi, dans les conditions et les va-
leurs de son assentiment, ils recoururent lucidement à ce sens étymologique,
et en firent le pivot des divers éléments psychologiques et sociologiques
observables dans le phénomène de l'hérésie. Opération pénétrante, en
est suprarationnel, mystérieux. Est orthodoxe celui qui donne son consen-
tement à l'ensemble des vérités reçues, selon une franchise totalement
loyale et confiante dans le dialogue avec Dieu. Est hérétique celui qui,
pour des motifs et selon une contestation que nous allons avoir à exa-
miner psychologiquement et sociologiquement, disjoint, par son « choix »,
tel ou tel élément de ce contenu du mystère. Hérésie, c'est donc vérité,
mais vérité partielle, qui, comme telle, devient erreur, en tant qu'elle
se prend pour une vérité totale, bientôt exclusive des vérités primiti-
vement connexes.
Hérésie, orthodoxie relèvent donc, en creux et en plein, des structures
et du dynanisme de la foi. Or la foi, du moins dans son statut normal
et explicite, comporte deux éléments étroitement cohérents, malgré
une tension assez délicate à équilibrer, pratiquement et théoriquement :
une adhésion intérieure de l'esprit à la divinité avec laquelle on se trouve
en communication de son mystère, et cela, secondement, dans une commu-
nauté dont le lien intime est précisément constitué par cette adhésion
de chacun des participants. Donc la foi, strictement personnelle, ne trouve
cependant son assiette, disons déjà, sa régulation, que par et dans une
communauté de croyants. Cas éminent de la dialectique de la personne et
de la communauté.
Certes les variantes seront très notables selon les diverses religions,
depuis celle qui « règle » sa foi par un « magistère » institutionnalisé
(catholicisme) jusqu'à celle qui, sans avoir un organe dogmatique de
la foi, commande les croyances des individus par un consensus de la
communauté (cas de l'Islam).
Quoi qu'il en soit, le conditionnement sociologique n'est pas un accident
secondaire, et plus ou moins extérieur, de la croyance, mais une exigence
interne et structurale de la foi. L'hérésie, qui est une rupture (par « choix »)
dans l'assentiment, implique donc, sociologiquement, une rupture avec
la communauté, qui, sous une forme ou sous une autre, est le lieu de
l'orthodoxie. Nous n'aurons donc pas à l'analyser comme un phénomène
secondaire surajouté à un fait psychologique personnel, mais comme
constitutif de l'acte personnel lui-même. Et voilà qui donne à notre
colloque non seulement l'intérêt d'une curiosité érudite, mais un objet
digne d'une recherche propre pour le sociologue.
L'hérétique, c'est-à-dire le croyant qui « choisit », commet donc :
1° une impertinence vis-à-vis du Dieu dont il prétend écouter la Parole,
et 2° un écart, bientôt une rupture, vis-à-vis de la communauté dont le
consensus est, sinon une règle juridique, du moins la surface portante
de la communication des mystères divins. Le croyant n'a pas le « droit
à l'hérésie ».
Toutes les expériences que vous allez observer, là même où vous noterez
une connexion de fait avec la société religieuse (para-hérésie), tous les
problèmes que vous allez poser, à commencer par le problème socio-
12 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
NOTES
1. Il suffira de citer, parmi les théologiens, saint Thomas d'Aquin, Summa theologica,
II.II, qu. 11, art. 1 ; il s'appuie sur un texte de saint Jérôme, explicite à souhait :
Haeresis grasce ab electione dicitar. Parmi les canonistes, Raymond de Penafort,
s'appuyant sur une définition écourtée de saint Augustin, s'en tient à une définition
vague (Summa, livre I, cap. de haereticis, section 1, éd. Rome, 1603, p. 38), et il
fait entrer le schisme dans la notion d'hérésie. Henri de Suse (Hostiensis) y inscrit
« la désobéissance aux Décrétâtes du Pape » (cf. B A L U Z E , Miscellanea, I I , p. 275).
Plus tard les inquisiteurs y introduiront la magie. E t le pape Martin V, pour com-
battre les usuriers, y ajoutera l'usure (bulle du 9 décembre 1257). Mais déjà Pierre
Damien, au 12 e siècle, s'efforçait de construire des distinctions théoriques, à partir
des pratiques de réconciliations. Cf. G . M I C C O L I , « L a « simoniaca haeresis in Pier
Damiano e in Umberto di Selva Candida », dans Studi Gregoriani, t. V, 1956, p. 77
et suiv. Pour l'Antiquité chrétienne, cf, H. P É T R É , « Haeresis, schisma et leurs syno-
nymes latins », dans Revue des études latines, t. XV, 1937, p. 316-325.
2 . M A T T H I E U P A R I S , Chronica majora, ad annum 1 2 5 3 , In hoc autem quod tu, frater
Joannes, et alii Praedicatores, peccata magnatum audacter non redargutis et facinora
non detunicatis, haereticos cervseo manifestos. Et addidit episcopus (Robertus Lincol-
nensis) : Quid est haeresis ? Da definitionem. Et cum hesitasset frater J., non recolens
auihenticam ipsius rei rationem et definitionem, subfunxit episcopus fideli interpre-
tatione greci idiomatis in latinum : Haeresis est sententia humano sensu electa, scriptu-
rae sacrae contraria, palam edocta, pertinaciter defensa. Haeresis grece, electio latine.
Et consequenter subjunxit reprehendens praelatos, maxime romanos... Grosseteste
2
14 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
(mort en 1253) est appelé ici en témoignage du sens alors reçu, « authentique >,
comme on disait, du mot et de son sens étymologique, en ce temps de réveil de la
lecture des textes grecs. Historiquement, le terme grec avait fort évolué, dès le
4« siècle ap. J.-C. ; et Aristote, pour désigner choix disait itpoatpeoîç. atpeaiç (haeresis,
secta) était employé pour désigner les diverses tendances ou écoles philosophiques,
telles que lès recenseront les doxographes, et non plus « choix » contre une autre
opinion. Grosseteste et ses contemporains réinterpréteront le mot, dans un retour
au sens premier, et sous l'influence du sens chrétien des hérésiologues. Mais c'est
précisément ce sens étymologique qui, chez les théologiens du Moyen Age classique,
soutient la définition nominale et les analyses. Wyclif rapportera un jour et utili-
sera l'épisode narré par Grosseteste (De cioili dominio, I, 43, éd. Poole, p. 392).
Cette évolution a été opportunément rappelée par M. J. Bollack, au Colloque de
Royaumont.
3. A titre de curiosité, risquons le rapprochement avec le texte de Bartole, en un autre
contexte : Si quis dixerit impercdorem non esse dominum et monarcham totius orbis,
forte esset haereticus (In Cod. I, Hostis).
DISCUSSION
L. GOLDMANN. — Vous avez raison quand vous dites que l'hérésie s'est
définie par deux choses : le choix de distanciation par rapport à la commu-
nauté religieuse et le fait de lui appartenir. Vous avez ajouté que l'hérésie
ne se définissait pas tant par le fait psychologique individuel, mais par le
fait qu'un groupe social (qui n'est pas toujours le petit peuple : voyez le cas
des jansénistes) vit cette foi comme une réalité profonde et nouvelle :
l'hérésie, le plus souvent, est un fait sociologique collectif, la réaction à une
nouvelle situation sociale, économique d'ensemble ; de sorte que nous avons
dans le cadre de cette étude deux phénomènes collectifs dans une relation
dialectique, l'Église globale à l'intérieur de laquelle le groupe hérétique
reste et le phénomène social de la naissance de l'hérésie qui élabore préci-
sément la position individuelle.
l'on ne s'en aperçoive ; cacher celles qui sont vraies, à celle fin qu'elles
n'apparaissent mettre en avant les choses qui véritablement ne sont
point, et toutefois les faire paraître... Il a accoutumé aussi de gâter la
phantaisie des hommes par les moqueries de plusieurs fantômes, de trou-
bler ceux qui veillent, d'étonner par songes ceux qui dorment, d'égarer du
droit chemin ceux qui voyagent, se moquer de ceux qui faillent et des
autres aussi; de les épouvanter, de brouiller et mêler plusieurs choses
par les inexplicables labyrinthes d'opinion » (Weyer, p. 40-41).
4° L'intervention du démon est donc bien localisée. Ce qui ne réduit
point sa complexité, ni sa merveilleuse puissance. Car elle ne peut se
faire sans tout un système de complicité et de correspondances. De toutes
les facultés de l'âme, l'imagination est la plus matérielle, ou plutôt c'est
en elle que s'opère à chaque instant le passage du corps à l'âme et de
l'âme au corps. Et s'il est vrai, sans doute, que sous la poussée de toute
une évolution religieuse, les penseurs du 16e siècle spiritualisent de plus
en plus le pouvoir du démon, ils ne lui donnent que des pouvoirs plus
entiers sur machinerie intérieure du corps. Tout ce qui est aux limites
de l'âme, juste en deçà de l'image, du fantasme et du rêve, c'est-à-dire
les sens, les nerfs, les humeurs deviennent par droit de voisinage domaine
privilégié du démon : « ce malin esprit a davantage accoutumé... d'émouvoir
des humeurs d'iceux (les corps), de troubler la source des nerfs qui est
au cerveau » (Weyer, p. 42). Satan sait mobiliser toutes les solidarités
du corps : quand il ébranle les nerfs tout près du cerveau, il lui faut exciter
en même temps les organes des sens pour que le fantasme soit pris pour
la réalité elle-même ; et le corps sera pris dans cette grande duperie, qui
fait apparaître le diable à l'esprit rassoté des sorcières. Mais ce méca-
nisme lui-même compliqué n'est pas encore suffisant. Ce que voit la
sorcière, il faut que les autres à leur tour le voient. Dans l'esprit des
spectateurs les mêmes fantasmes doivent naître. Ainsi, l'opération démo-
niaque, qui s'était étendue de l'imagination aux nerfs et de là aux organes
des sens, se propage, gagne le corps des autres, leurs sens, leur cerveau,
et leur imagination, formant une végétation touffue qui, pour exclure
le monde extérieur, n'en est pas moins réelle. (C'est par cet ensemble
d'artifices coordonnés que « ce malin esprit sait faire sortir cauteleusement
du corps d'une possédée et au regard de tous » des cheveux entremêlés,
du sable, des clous de fer, des os, des étoupes, « ce qu'il fait après avoir
ébloui la vue ».)
5° Ce pouvoir, limité à l'espace de l'imagination, se trouve par là-même,
redoublé en profondeur. Il peut tromper ainsi non seulement ses victimes
ou complices, mais ceux-là même dont la piété devrait résister le mieux
à ses tentations : ceux qui pourchassent les sorciers parce qu'ils ont été
réellement au sabbat, ou qu'ils se sont transformés en loup ; mais ce
n'est que prestige, et, d'un coup, le diable trompe et les esprits faibles
DÉVIATIONS RELIGIEUSES ET SAVOIR MÉDICAL 23
3
P. FRANCASTEL
ART ET HÉRÉSIE
C'est un fait qu'aucune des grandes hérésies n'a laissé un art qui s'identifie
avec elle. Ni les ariens, ni les iconoclastes, ni les cathares, ni les bogomiles,
ni les protestants, ni les jansénistes n'ont laissé un système durable
immédiatement identifiable et reposant sur d'autres bases formelles et
problématiques que celles de l'orthodoxie. On ne constate que des modifi-
cations épisodiques à l'intérieur du système commun. Je ne citerai ici
que le cas, auquel chacun songe, de Philippe de Champaigne. Or Philippe
de Champaigne n'était pas vraiment hérétique. C'était ce qu'on appelait
au Moyen Age un fauteur d'hérésie, ce que l'on appelle aujourd'hui un
sympathisant. Je ne sais pas bien comment on disait au 17e siècle ; mais
il est certain en tout cas qu'il ne suffit pas d'avoir une fille, même mira-
culée, dans l'hérésie pour en tirer les principes d'un art nouveau. En fait,
quand 011 regarde Philippe de Champaigne, on s'aperçoit qu'il exprime
parfois des idées fort précises et très peu orthodoxes dans le langage de
tout le monde. Il a peint de la même manière Richelieu et la mère Agnès
et l'art international n'a pas changé d'un iota à sa suite. Pour exprimer
l'hérésie, une pensée nouvelle, on se sert au 17e siècle comme toujours
des moyens esthétiques qu'on a à sa disposition. C'est le contenu qui
change occasionnellement. Aucune hérésie n'a fourni un cadre figuratif
qui ait ensuite écarté les valeurs de l'orthodoxie.
La puissance d'imagination dont dispose l'humanité n'est pas illimitée ;
dès qu'une pensée apparaît, on se trouve pris dans des chaînes, enveloppé
de résurgences et de traditions, astreint à atteindre un public attaché
à son langage traditionnel. La création d'un véritable système figuratif
est une chose très rare qui se produit tout au plus une fois ou deux par
millénaire. Par conséquent, il est logique que, pendant la période qui nous
34 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
nous sommes devant un système, un langage oublié mais qui en son temps
fut aussi direct que le nôtre. Au siècle précédent un évangile de Rush-
worth, vers 820, offrait une représentation du quatrième évangéliste,
saint Jean, avec son attribut demeuré traditionnel, l'aigle, sous les traits
également d'un homme dont le costume n'a pas été jusqu'ici reconnu.
Il s'agit pourtant de toute évidence du costume rayé des moines irlandais
tel que nous le décrivent des textes de l'époque. L'homme rayé qui par-
court l'Occident en apportant la parole de Dieu, c'est le moine, le moine
irlandais. Mais on se demandera alors si cette miniature-ci ne possède pas
un relent d'hérésie : l'Evangile diffusé au nom de saint Jean suggère de
curieuses affinités avec cette Apocalypse qui restera toujours la source
de l'Evangile éternel jusqu'aux temps de Joachim de Flore et de Savo-
narole. Loin de constituer, comme on l'a toujours dit, un jeu imaginaire
de caprices graphiques la miniature irlandaise a constitué apparemment
un réalisme, réalisme de la chose vue et réalisme des liens imaginaires de
la pensée. Nous ne sommes pas ici devant des imaginations formelles.
Ce langage du premier millénaire qui nous est si mal connu dissimule
aussi bien des croyances officielles que de libres tentatives d'affran-
chissement de l'esprit. La liturgie romaine triomphe déjà dans les formes
de la koinè méditerranéenne, mais il semble bien que, durant cette phase,
le johannisme et l'Apocalypse aient été les ferments de l'hérésie. D'une
manière générale du reste, on peut observer qu'il a existé deux sources
de l'hérésie, dont la première seule a laissé une trace dans les arts. Tantôt
l'hérétique s'est rattaché à des courants antiromains d'origine orientale
et il incarne vraiement une Contre-Eglise — c'est encore le cas du catha-
risme — , tantôt il prétend se rattacher avec plus de pureté à la tradition
judéo-latine de l'évangélisme — c'est le cas de tous les spirituels de l'Occi-
dent. L e succès du premier aurait seul orienté l'art occidental dans une
voie radicalement différente de celui de l'orthodoxie telle qu'elle est.
établies, Les spirituels, une fois de plus, ont exprimé leur pensée dans
l'abstrait.
Je ne donnerai ici que quelques exemples de ces procédés de captation
par l'orthodoxie de certains mouvements inspirés par une trop grande
spiritualité. Le Saint-François d'Assise de Margaritone d'Arezzo nous
offre l'aspect du saint des premiers temps de sa légende : voici le pauvre
et l'inspiré. C'est apparemment l'aspect sous lequel, d'abord, la piété
populaire l'a imaginé et il y aurait toute une étude fort curieuse à faire
sur les franges de l'hérésie et de la dévotion. Une semi-hérésie, intérieure
au dogme de l'Eglise, comme la prédication de la pauvreté, ayant natu-
rellement inspiré beaucoup plus les artistes qu'une hérésie intellectuelle
comme le dualisme des cathares. Le Saint-François de Berlinghieri à
Pescia nous montre déjà l'apparition du conformisme. François n'est
plus le poverello d'Assise, mais un saint particulièrement doué. Le langage
figuratif altère la représentation naïve des scènes, sauf dans un épisode
comme celui des stigmates proprement irréductible à la norme commune.
Ensuite, c'est la série d'Assise et l'alignement de François aux intentions
de l'Eglise universelle.
Il est aussi intéressant, par opposition, de suivre le développement
de la figuration dominicaine au 14e siècle avec la captation de la figure de
saint François et l'affirmation simultanée de la bonne doctrine du gouver-
nement des esprits, mise au goût de l'époque de la doctrine romaine opé-
rant non plus seulement au niveau des agents du pouvoir mais d'une société
plus ouverte. La réconciliation de saint François et de saint Dominique
est un des traits les plus caractéristiques de la première méthode : dans
beaucoup de polyptiques on affirme hautement l'identité de la doctrine
des deux grands saints du siècle précédent, mais toujours dans le commen-
taire au profit des enseignements dominicains. De la pauvreté et de
l'humilité, en particulier, il ne reste que l'imposition de l'habit francis-
cain à des saints qui, parfois, ne se rattachaient guère à l'esprit des spiri-
tuels. Plus logique est l'alliance fréquente de saint Dominique et de
saintPierre. Ce sonteux qui paraissentdansletryptiqued'Orcagna aux pieds
du Christ courroucé et triomphant après l'effondrement de la double peste
grandissante vers le milieu du siècle, la Peste Noire et l'hérésie. A Santa
Maria Novella, les saints dominicains triomphent seuls dans la chapelle
des Espagnols. Le dominicain, sans le concours du franciscain, conduit
ici directement par la main l'homme docile aux enseignements de l'Église
de la terre au paradis. Un siècle plus tôt, Pacino da Bonaguida montrait
au pied de l'arbre de vie non pas le dominicain mais le Christ conduisant
Adam, c'est-à-dire l'âme humaine, à ses fins dernières. A Santa Maria
Novella encore, face au Calvaire et face à l'apologie du rôle sauveur des
dominicains, une dernière composition, la gloire de saint Thomas d'Aquin,
affirme la prévalence de la doctrine sur la charité. Saint Thomas, dans
sa gloire, est sur un trône qui est presque le trône de Dieu. Il semble ne s'être
44 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
4
46 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
donnée par la foi et transmise par la lettre de l'écriture telle que l'inter-
prètent les ministres officiels du culte. La Renaissance va introduire
l'idée d'un univers détaché de la conscience humaine, objectif, susceptible
d'être exploré, inventorié à partir non de la connaissance mais de l'obser-
vation directe guidée par les sens. Elle admet encore, cependant, la concor-
dance exacte de la création et de la pensée. La rupture du cercle ne se
produira définitivement que dans les temps modernes, lorsque l'idée se
fera jour d'un mécanisme de la création ne coïncidant plus exactement
avec les enseignements de l'Eglise, mais rationnel, physique, objectivement
fondé sans que l'on puisse connaître la dernière cause et accessible en
fonction d'une nouvelle dialectique de la pensée et de l'action irréductible
à la lettre comme à l'esprit de toute pensée religieuse. Alors se posera
l'opposition foi — raison exclusive de l'ancienne alternative orthodoxie —
hérésie. Toutefois, il faudra plusieurs siècles pour que cette nouvelle
conception de la nature et de l'art se fasse consciente. C'est après Bacon
la France des philosophes et des encyclopédistes qui se fera la théoricienne
et de la nouvelle pensée et de la nouvelle esthétique encore en voie de
se chercher actuellement. Entre-temps, le développement des arts
suivra une voie de compromis entre les enseignements de l'Eglise ortho-
doxe et les progrès non de la libre pensée mais du nouvel humanisme.
Durant cette période, il ne manquera certes pas d'hérésies, réformes,
jansénisme, illuminisme, mais aucune d'elles n'engendrera une nouvelle
figuration. L'art apparaîtra à ce point à leurs fondateurs comme un langage
assujetti aux pouvoirs établis, qu'ils seront iconoclastes non plus comme
les cathares par refus de la nature mais comme les spirituels par refus
de l'orthodoxie. Lorsque les arts dans les temps modernes se détacheront
suffisamment des contenus imposés pour constituer un nouveau langage,
traduisant directement les valeurs du monde sensible en termes d'intelli-
gence et de perception, les mythes religieux seront suffisamment épuisés
pour que les conflits ne se posent plus en termes d'orthodoxie mais en
termes de structures de la pensée et d'historicisme ou de tradition. Les
rapports qui se dégageront alors d'une confrontation devenue très secon-
daire entre les arts figuratifs et la religion ne se définiront plus par des
phénomènes d'alignement comme ceux dont la miniature irlandaise
nous a donné l'exemple, ni par des phénomènes de syncrétisme entre
traditions orientales et occidentales comme ceux dont le domaine his-
panique nous a gardé le reflet, ni par des phénomène d'assimilation comme
ceux dont l'art roman nous donne l'exemple, ni par des phénomènes
de captation comme ceux dont la querelle des franciscains et des domi-
nicains nous fournit un remarquable modèle, ni par des phénomènes
de refus comme ceux qui engendrent les iconoclasmes, mais par des
phénomènes empreints d'un caractère d'historicisme qui ne leur confèrent
plus cette valeur d'authenticité, d'urgence et de gravité qu'ils possédaient
seulement dans des sociétés dont le code principal de vie était irréduc-
tiblement et primordialement lié à une croyance.
DISCUSSION
L'HÉRITAGE DE LA CHRÉTIENTÉ
plus à l'école, où les mêmes chrétiens s'étaient formés. Et l'une des pre-
mières acquisitions de ces rencontres fut l'inquiétude fondamentale rela-
tive à la rétribution finale et située à un tout autre niveau que celle des
kjjaridjites, chez des gens, aussi, dont le système de représentations était,
de longue date, celui de la vie urbaine, des comptes bien faits et bien
tenus, et pour qui une justice divine, donc parfaite, ne peut, en définitive
sous peine d'ébranler, dès ce monde, les consciences, manquer de distin-
guer entre le musulman pécheur et le musulman impeccable. A l'époque
de tJasan Basrï— qui tenait le pécheur pour un musulman douteux dans
son esprit et dans sa qualification — et à celle de Wâsil b. 'Atâ', l'Islam
est constitué et avance constamment parmi les populations soumises et
progressivement conquises et converties. Pour le lettré et le penseur
qu'était Wâsil, hidjazien d'origine, et bourgeois de Médine avant de
l'être de Baçra, le musulman ne pouvait être qu'un homme responsable
et justiciable d'une juste rétribution. C'était l'essence même de l'escha-
tologie qui eût été remise en question, dans un monde, d'ailleurs, où l'on
n'attendait plus le Jugement Dernier avec la même ferveur ni la même
joyeuse impatience que dans les débuts. 23 On entrait dans un monde
de bourgeois établis, sachant compter, et dont les économies de vertu
devaient servir, sous peine de voir l'équilibre des choses se défaire et se
rompre. L'intensité et la sincérité de cette inquiétude avait déjà retenti,
ailleurs, à Damas, autre milieu bourgeois, où Gbaylân avait accepté
allègrement le dernier supplice sous le khalife Hishâm, en défendant la
doctrine du libre arbitre, qui devait trouver tout de suite place dans la
Mu'tazila, à côté de celle de la juste rétribution.24
Mais, si intenses que fussent les angoisses et les révoltes des Bédouins
sincères et des bourgeois scrupuleux, elles n'atteignaient pas celles de
peuples entiers, riches de traditions nationales, fiers d'un passé millé-
naire, dans les consciences desquels brûlait la flamme d'une religiosité
originale, passionnée, et dont la perpétuelle jeunesse s'était manifestée
au cours de véritables crises de rénovation26, je veux dire les Iraniens.
Condamnés par l'esprit spécifique du Coran à perdre, avec la souve-
raineté, la foi même qui donnait un sens profond et total à leur vie comme
à leur structure sociale, obligés d'adhérer à la religion de leurs vainqueurs,
envahis par les hordes de ces pasteurs, désormais fixés en seigneurs sur
leurs territoires, ils offrirent à l'invasion une résistance spirituelle dont
l'intensité se mesure au fait que, tels les Espagnols, ils finirent par rejeter
la langue des conquérants et par se créer une épopée superbement dédai-
gneuse des envahisseurs.28 II n'en fallut pas moins, sous les Omeyyades
et jusqu'au règne d'al Mutawakkil, où la dislocation de l'Empire musulman
se consomma, adhérer, formellement, à l'Islam. Cette adhésion revêtit,
dans ses aspects extérieurs, les traits les plus spasmodiquement révoltés.27
Contre Damas, l'Iran adhéra au parti d"AIi, il apporta des recrues
aux bandes désespérées des kbariçjjites et il fut l'artisan de la chute des
NATURE ET CAUSE DE L'ANGOISSE ET DU REFUS 65
Si, après une aussi brève esquisse, il est permis de conclure, on apercevra,
dans les trois hérésies dont nous avons parlé, des traits résultant constam-
ment d'états d'esprit analogues : anxiété devant la menace pesant sur
l'élément fondamental qui avait entraîné l'adhésion du groupe à l'Islam,
suivie d'une fuite devant une réalité imposée du dehors et, en conséquence,
d'une rupture suivie d'une reconstruction passionnelle des éléments de
l'espérance.
Chez les kbâridjites, tout juste sortis du système tribal qui avait
constitué le cadre et le schéma de leur existence en collectivité organisée,
l'imam avait pris, dans leurs représentations, la place que le chef de la
tribu, père, juge, protecteur et intercesseur auprès des puissances célestes,
avait traditionnellement occupée. Sortis de ce cadre tribal, ayant mis
leur espérance dans la rétribution eschatologique, sous l'égide d'une
religion dont le caractère salutaire résidait dans la présence même de
l'imam, ils devaient, au premier manquement de celui qui occupait ce
66 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
les tares et les marques, à côté de ceux que leur impatience lance dans les
combats sanglants et la guérilla, la Bàtiniyya connaît la résistance conven-
tionnelle, les adhésions sans lendemain et toutes les formes secondaires,
symboliques, de l'opposition, qui se marquent dans le verbalisme et le
charlatanisme. De là, le recours de la propagande ba^inienne aux sciences
mystérieuses, au djafr, aux apocalypses, au horoufisme.
Les batiniens demeureront toujours loin de la position mu'tazilite, et
plus proches des kbSridjites, dont, avec le temps, ils acquerront le fana-
tisme et l'intransigeance. Ils seront marqués par la violence passionnelle
révélée par le recours à l'absurde, par l'usage d'une argumentation
s'adressant à des masses animées seulement du désir de changement, de
révolution pour la révolution, et qui demeureront, malgré les victoires,
sans lendemain efficace. Il n'en sortira aucune philosophie dialectique,
mais seulement une doctrine intuitive et illuminative permettant, à côté
d'elle, les progrès d'une science descriptive, mais qui sera condamnée à
quitter la « doctrine » aussitôt qu'elle se constituera et à qui elle n'emprun-
tera que la notion des perpétuels retours et des cycles. Et cette science
éloignera ses adhérents des masses, supports de toutes les religions. Ces
masses, alors, se réfugieront dans un fanatisme eschatologique et partisan,
pour s'émietter ensuite et ne conserver, lorsque la classe des marchands
se sera formée dans l'Ismâ'fliyya, que la discipline traditionnelle de
l'organisation secrète et de la solidarité, à l'instar, mutatis mutandis, des
Mozabites, ces autres marchands descendants, eux, des révoltés
kbâridjites.
NOTES
1. n est remarquable qu'une religion qui, comme l'Islam n'a ni clergé, ni conciles, ni
pape, et dont par conséquent, les canons n'ont jamais été fixés, puisse avoir des
hérésies. En fait, et la chose est remarquable pour son caractère de spontanéité :
la « voie droite » (hid&yat) s'est établie progressivement au cours des luttes partisanes
menées soit à l'intérieur des villes par les fractions populaires suivant des hommes
incarnant telle ou telle tendance, plus souvent envisagée sous son aspect opposi-
tionnel que sous son aspect salvateur ; soit en rase campagne par les factions armées,
oppositionnelles, elles aussi, nées généralement de l'allure opressive et spoliatrice
que, jusqu'à la domination ottomane, tous les gouvernements musulmans, en
général issus des intrigues d'une minorité agissante ou des coups de main de bandes
armées, pouvaient être accusés de revêtir, aux yeux de larges couches de la popu-
lation. L'oppression universelle et décisive menée par les Ottomans, le caractère
byzantin de leur administration mit fin, une fois pour toutes, à la période créatrice
en matière d'hérésies.
68 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
18. A la différence des kbâridjites, Arabes étroits et limités dans leurs vues et leur
formation, les mu'tazilites avaient, de par leur statut social même, eu l'occasion
de contacts avec les chrétiens de la Basse Vallée, avec les juifs, avec les manichéens
(voir à ce sujet le chapitre V du livre de Pellat, et les nombreuses références des
historiens de l'hérésie, sur les rapports d'al Nag^âm notamment, avec les divers
milieux religieux du temps, et les influences que ces milieux avaient eues sur lui).
Wâ$il, notamment, mêlait deux cultures : la tradition rapidement enrichie au temps
des conquêtes, des villes saintes, et celle de la tumultueuse Ba$ra des origines.
La tendance apocalyptique multiforme qui se rencontrait en Mésopotamie favorisa
vraisemblablement autant l'esprit œcuménique, que ne d u t le faire le progrès
foudroyant de la conquête, dont les échos se rencontrent dans les fradltb relatifs
au Djihâd et aux annonces attribuées au Prophète même (cf. notre article : « Un
liadltb sur la prise de Rome • dans Arabica, janvier 1958).
19. Cf. travaux du Centre d'études supérieures spécialisé d'histoire des religions de
Strasbourg : L'Elaboration de l'Islam (1961-1962), P.U.F., p. 61-85 où l'on trouve
l'exposé de ces échanges d'idées et la bibliographie qui s'y rapporte.
2 0 . La livre, ancien déjà, de S T E I N E R , Die Mu'taziliten, oder die Freidenker im Islam
(Leipzig 1 8 6 3 ) , est avec celui de D U G A T , Histoire des philosophes et des théologiens
musulmans (Paris, 1 8 7 8 ) , le témoignage de cette naïve tendance analogique qui
nous porte à retrouver nos façons de voir et de sentir dans un passé qui nous retient
et nous intéresse.
21. Toute la polémique islamo-chrétienne des deux premiers siècles en est le témoi-
gnage (cf. l'article cité note 19) et la méthode des Mukkallimuna, si studieusement
étudiée par Max H O R T E N : Die philosophische Problemen der spekulativen Theologen
im Islam, n'est constituée que par cet effort pour atteindre la vérité des choses
en dehors du commentaire formel ou traditionnel des textes révélés.
2 2 . C f . C H . P E L L A T , op. cit.
analysés et mis en valeur dans le grand article de NÖLDEKE, Das Iranische Nationa-
lepos, 2« éd., Berlin-Leipzig, 1920, 107 p. Sur la préparation de cet esprit et sa mani-
festation sporadique, on dépistera, déjà, sous al Amin, des tendances iraniennes
chez le poète Abti Nuwwäs (cf. GABRIELI, « Abu Nuwwäs, poeta abbasside », dans
O.M., t. X X X I I I , p. 283 et suiv.).
27. Le terme « révolte » prend ici t o u t son sens. C'est, avec la charge que la conquête
imposa aux vaincus, avec la contrainte spirituelle qu'elle introduisit dans leurs
habitudes de sujets, une volte-face soudaine et un effort pour échapper à un sort
indigne, dont les révélations et les promesses apocalyptiques qui sont le fond opti-
miste même de la pensée iranienne, permettent d'esquiver l'accomplissement.
L'angoisse était, ici, dans l'attente. Même prometteuse, l'attente n'est faite que
d'incertitudes. La lointaine royauté des souverains de Damas, voire de Bagdad,
n'apportait à ces populations, brusquement islamisées et auxquelles l'Islam n'avait
apporté ni espoir ni consolation, aucune de ces certitudes que l'édifice historique
rigoureux de la vieille pensée religieuse iranienne apportait, quelle qu'en fût la
forme. L'effort inconscient pour atteindre cette certitude, puisqu'il ne pouvait
porter d'abord sur les faits, se tourna vers l'élaboration d'une doctrine : pour ceux
qui ne s'étaient jamais soumis, ce fut la croyance à la promesse de retour du roi
sassanide, recélé aux confins du monde, dans une ville d'airain (cf. K. CZEGLEDY,
< Die spätsassanidischen und schiitischen Mahdi-Erwartungen >, dans X. Inter-
nationaler Kongress für Religionsgeschichte, Marburg, 1961, p. 147). Pour ceux qui
avaient accepté l'Islam, en gardant intactes leurs traditions et leurs pensées, ce f u t
la doctrine de l'Imam, qui leur rendit la certitude, non dans l'extériorisme fanto-
matique de la baTya mais dans le caractère assuré du najç, transmettant à l'imam
du temps, sous une forme mystique, la somme entière des connaissances et de la
prescience, directement émanée de l'intelligence divine (cf. I. GOLDZIHER, Streit-
chrifi des Gazäli gegen die Bâtiniyya Sekte, Leyden, 1 9 1 6 , Introduction, 'p. 1 0 - 1 2 ) .
28. Cf. dans Encyclopédie de l'Islam l'article fort précis, à ce sujet, de Van ARENDONCK,
s.v. « Kaisanïya >. Cette secte qui faisait de Muhammad b. al Hanafiyya leur imam,
au temps du « Prophète du Mawâll » al Mukhtär (Kufa, environ 694), lui conférait
déjà cette science absolue sur tous les êtres de la création, ainsi que sur le plus intime
des âmes. Abd al Qahir al Bagbdâdl, éd. Mh. Badr, p. 31-38, a complaisamment
décrit l'atmosphère de réaction ethnique où se déroula la première aventure de
Muhammad b. al Hanafiyya.
29. Voir Encyclopédie de l'Islam, 2 e éd., S.D. « Bahîra » et la bibliographie à ce sujet.
Sous al Ma'mûn, notamment, on rappellera que des partisans suscitèrent la venue
d'un homme qui se fit passer pour Muhammad b. al Hanafiyya.
30. Nous différons, sur Abu Muslim, du point de vue de S. Moscati dans Encyclopédie
de l'Islam, s.v. Il parait beaucoup plus proche de la vérité historique de voir, dans
cet homme qui sut un instant rassembler tant de tendances diverses, l'auteur d'une
doctrine syncrétique au sein de laquelle chacun se retrouvait. Cf. BROCKELMANN,
Geschichte der islamischen Völker und Länder, c. V.
31. Cf. Atti dell'VIII Congresso internazionale di Storia delle Religioni, Rome, 17-23 avril
1 9 5 5 , p. 1 2 1 - 1 2 4 : G . W I D E N G R E N , « The Sacral Kinship in Iran » et PAGLIARO, « La
concezione iranica délia regalita », dans ibid., p. 2 0 5 - 2 0 6 .
3 2 . K . CZEGLEDY, loc. cil.
33. Ce sont les doctrines du Ketmân et de la taklya qui fleurirent chez les peuples
opprimés de l'Islam dès les kbâridjites (cf. Encyclopédie de l'Islam, s.v.).
34. Cf. Encyclopédie de l'Islam, 2' éd., l'article de T. FAHD sur le djafr.
DISCUSSION
On sait que le bogomilisme est l'une des doctrines hérétiques et l'un des
mouvements les plus importants de la Bulgarie médiévale. Il est né au
milieu du 10e siècle sous le régne du roi Pierre (927-969) et s'est étendu
dans les terres bulgares jusque vers la fin du 14e siècle, soit jusqu'à la
chute de la Bulgarie sous la domination ottomane. Cette doctrine repose
sur le dualisme, en d'autres mots sur l'idée que dans la nature et dans
l'homme deux forces s'affrontent — le bien et le mal. En partant de cette
conception du monde, les bogomiles menaient une campagne soutenue
de prêches contre les rites religieux et contre les représentants du pouvoir
temporel. Les adeptes de ce mouvement étaient divisés en trois caté-
gories : les parfaits, les croyants et les auditeurs. L'analyse du bogomilisme,
de son essence et l'histoire de cette importante doctrine hérétique, très
répandue dans la Bulgarie du Moyen Age permettront, nous l'espérons,
de mettre en lumière un certain nombre de problèmes essentiels qui doivent
être éclaircis à cette conférence. Je voudrais en premier lieu attirer l'atten-
tion sur le fait que le bogomilisme ne saurait en aucune façon être considéré
comme une manifestation isolée sans liens avec la réalité sociale. Tout
au contraire, il était intimement lié à cette réalité et aux conditions qui
existaient en Bulgarie. Les sources historiques et les données précises
dont nous disposons permettent d'affirmer que des rapports féodaux
étaient établis à cette époque en Bulgarie. Des antagonismes très prononcés
existaient entre la population paysanne qui formait la grande masse des
habitants du pays, l'aristocratie féodale et le roi. Ce sont précisément
ces antagonismes qui provoquèrent l'apparition de cette hérésie religieuse.
Le meilleur témoignage en est le discours de Cosmas le Prêtre (ouvrage
du 10e siècle contre les bogomiles). De ce discours on peut constater que
l'idéologie hérétique servait principalement à la paysannerie qui pouvait,
grâce à elle, exprimer son mécontentement contre les lourdes prestations
imposées par la classe féodale et lutter contre l'oppression des boyards.
Mais l'apparition du bogomilisme n'est pas due seulement aux rapports
féodaux qui prédominaient au 10e siècle et aux contradictions entre les
classes sociales. On sait qu'au 10e siècle une Eglise très puissante s'était
établie en Bulgarie — conséquence de la conversion des Bulgares au
christianisme en 865. Une idéologie religieuse chrétienne, appuyée par
76 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
LE PROBLÊME
DE LA SOUVERAINETÉ DE L'HOMME
DANS LES CONCEPTIONS
DES HÉRÉTIQUES RUSSES A LA FIN DU 15e
ET AU DÉBUT DU 16e SIÈCLE
Dieu qui étend sa miséricorde à tout l'univers nous a racheté par son
sang de la servitude du diable. Mais nous acquérons pour la réduire en
servitude une créature divine, un homme tout semblable [à nous], et
les inscrivons [les gens] à titre de propriété, et ils deviennent esclaves
par le besoin ou l'oppression, et séduits par de bons vêtements. Or tous
deux, celui qui prend [un autre], comme celui qui se livre [en esclavage]
se perdent éternellement corps et âme, devant Dieu, car Dieu créa l'homme
souverain et lui ordonna d'être son propre maître, et non pas esclave ».
Le phénomène social soumis à la critique dans ce texte est l'institution
du servage, évidemment envisagée dans le sens large du terme, c'est-à-dire
toute forme de dépendance servile. Mais quelle que soit la signification
sociale concrète de cette critique, la formule : « Dieu créa l'homme sou-
verain et lui ordonna d'être son propre maître et non pas esclave », était,
pour son temps, une philosophie de la liberté. Sa portée est assez vaste
pour qu'on pût l'utiliser pour condamner toute forme de dépendance
personnelle de l'homme. La longue évolution de l'idée de souveraineté,
dont les étapes furent l'affirmation de la souveraineté de l'âme humaine,
puis l'affirmation de la souveraineté de son esprit, trouva son couronnement
dans la définition de la personne humaine comme souveraine.
Si, pour l'Eglise, l'homme était libre, en ce sens qu'il possédait la faculté
négative d'éviter le « mal », tel que l'interprétait l'Eglise, les doctrines
hérétiques élargissaient la notion de la souveraineté de l'homme jusqu'à
entendre qu'il possède la faculté positive de manifester son individualité
et qu'il ne doit pas exister de limitations spirituelles ni sociales, faisant
obstacle au développement de l'individualité de l'homme.
L'idée de la souveraineté de l'homme n'atteignit-elle la plénitude de
son développement qu'avec l'apparition, au début du 17e siècle, de
l'Histoire du voiévode Piotr Volosski ?.
Nous supposons que ce fut antérieurement.
Déjà l'auteur du Traité des Lettres s'approchait du principe de la raison
souveraine, conçue comme ayant sa source dans la nature même de l'homme.
Il écrivait : «Les lettres furent inventées, car Dieu créa et bénit
l'homme vivant, fécond, doué de la parole et de la raison, possédant
l'esprit et la connaissance aux vertus agréables, mortel, juste, exempt
de péché. Puis il lui donna la souveraineté de l'esprit... ».
Cette définition tendait à la reconnaissance de la substantialité de
l'homme. Elle était hérétique non seulement par sa tendance, mais par ce
qu'elle impliquait directement la révision du dogme de la création de
l'homme immortel et non destiné à la multiplication sexuelle. Référons-
nous à l'écrit de Maxime le Grec : Contre ceux qui affirment que le genre
humain se multiplierait par la conjonction et l'enfantement charnels, même
si nos ancêtres n'avaient pas péché. Ceux qui considéraient l'union sexuelle
comme la loi fondamentale de la multiplication du genre humain, Maxime
le Grec les accusait de considérer que l'homme était mortel dès l'origine.
7
94 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
A . Abel. — C'est dans une région bien caractérisée par l'évolution his-
torique, dans une région en crise qu'est née la série des hérésies des pauvres ;
et on voit apparaître une nouvelle conception de la pauvreté dans l'Eglise :
de la pauvreté individuelle au sein de la richesse collective, on passe au
dépouillement de soi, à l'imitation du Seigneur dans le renoncement aux
liens de ce monde. M. Manteuffel n'a-t-il pas une explication à nous proposer
dans le fait social ou dans toute autre tendance de l'époque ? Car je ne crois
pas que l'hérétique soit un homme qui rompe avec le cadre établi pour le
plaisir de rompre, par entêtement et fantaisie.
TRADITION ET RÉSURGENCE
DANS L'HÉRÉSIE MÉDIÉVALE*
Considérations
L'hérétique.
* Sont exclues de cet exposé les hérésies de caractère scol astique, provoquées par
Bérenger de Tours (mort en 1088) ; Roscelin (mort en 1123-1125) ; Abélard ; Gilbert
de la Porrée (mort en 1154), etc.
106 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
que ce nom lui soit donné de par sa fonction, tels les « tisserands en Gaule »
(environ 1143-1145). »
L'hérétique et son groupe se séparent très souvent de leur milieu social
primitif pour en former un autre, reconstitué en ses éléments essentiels.
C'est un nouveau cadre hétérogène au premier, sans être pour cela un
produit de classe. D'ailleurs, les modalités de conception qui sont à
l'origine même de la scission avec la masse orthodoxe se manifestent
en des sectes diverses, parfois étrangères les unes aux autres ou bien
sympathisantes entre elles.
L'originalité du groupe hérétique en tant que facteur social consiste
surtout en l'orientation nouvelle de vie de ses membres, forme qui tranche
sur l'état persistant de la collectivité dont il est issu. En général, une
Eglise hérétique représente une famille d'esprits adhérents à une même
croyance et qui, au fur et à mesure de son évolution, s'organise en hiérar-
chie et constitue ses cadres.
La nouveauté hérétique est donc rupture par rapport, à la fois, aux
doctrines d'ordre métaphysique ou aux règles sociales unanimement
reconnues en Europe médiévale. Elle est aussi tradition et résurgence
d'oppositions anciennes et vivaces, qui ont filtré à travers les siècles et
réapparaissent à la faveur de certaines conditions. Mais elle est, en plus,
adaptation aux nouvelles exigences de la vie, apport nouveau dans le
facteur temps de l'humanité en marche, soit cassure d'une forme reli-
gieuse ou sociale dans le présent ; soit résurgence de certains legs du
passé ; soit espoir d'une réharmonisation des facteurs religieux et sociaux
dans le devenir. L'hérétique a conscience d'être orthodoxe et garde
l'espoir de vaincre au nom de la vérité évangélique.
Voilà pour l'aspect général.
Perspectives historiques
Résurgence
Nous sommes au cœur du sujet proposé par le colloque. Sans que le
dualisme même mitigé, soit expressément formulé, il y a suffisamment
de concepts d'ordre christologique ; le docétisme, ou éthique : mépris
des sacrements, de la hiérarchie ecclésiastique, de la croix ; condamnation
du mariage, de la viande, etc., pour que les contemporains aient pu consi-
dérer ces motifs comme des reflets des anciennes hérésies : résurgences
d'un passé condamné. Ce qui renforce cette hypothèse c'est que, sans adhé-
rer à une doctrine ouvertement dualiste, les hérétiques d'Orléans (1022) et
de Châlons (1048) « reçoivent le Saint-Esprit par imposition des mains ».20
En admettant que « ce rite d'un emploi général ne saurait autoriser, dans
sa mention, une allusion à l'acte liturgique du baptême spirituel des
Bogomiles » il se trouve que les tormenta, auxquels s'exposent volon-
tairement les adeptes de Monteforte (1028) « avant de mourir, afin d'éviter
les tourments éternels » c o r r e s p o n d e n t bien au « martyre » de la secte,
mort rituelle des cathares, dit-on 28 , mais non à l'endura.
Dès lors, l'apparition au 11e siècle des hétérodoxes latins répond à deux
impératifs :
8
110 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
Le foyer grec, florissant, d'où vont et viennent les grands courants com-
merciaux du bassin méditerranéen reste, avec le berceau bulgare, le siège
d'où partent tous les fils conducteurs des hérésies dualistes. Dans la se-
conde moitié du 12e siècle, Hugues Ethérien qui, à Constantinople, rédige
en latin son Advertus Patherenos contre les hérétiques de l'Empire grec
témoigne de leur parenté étroite avec les cathares d'Occident. 35
En Italie
Entre partisans dualistes des pays latins, les rapports sont très fréquents.
De France, des groupes cathares essaiment en Lombardie, Milanais, Pié-
mont, Naples, tous pratiquant l'ordre bulgare ou dualisme mitigé, jusqu'au
jour où le pope Niketas, évêque des hérétiques de l'ordre dragouvite vient
de Constantinople en Italie, puis en Languedoc à Saint-Félix du Caraman
(1167-1172), pour gagner les fidèles à sa profession dualiste absolue. A
cet effet, il confère le consolamentum aux chefs des diocèses réorganisés. s °
Même si quelque doute est soulevé au sujet de cette assemblée de Saint-
Félix, 87 le dualisme absolu est nettement accusé, en fin du siècle, dans les
régions languedociennes, où il se maintiendra. En Italie, au contraire,
des scissions se produisent au dépens du nouvel ordre instauré et, à la suite
de désaccords religieux entre les hérésiarques, surgit une hiérarchie com-
posite correspondant aux six factions cathares. 88
Patronage
Dès lors, on ne peut plus parler de résurgence, ni de tradition mais de pa-
tronages divers. Au fur et à mesure de leurs divisions intestines, spéciale-
ment en Italie et de leur adhésion à une tendance différente, les membres
de la secte repartent ultra mare en Bulgarie ou en Drugonthie (Thrace,
le long de la Dragovitsa) pour recevoir, avec le consolamentum, la consé-
cration nouvelle de l'ordre choisi, et qui leur est conférée en fonction de
l'apparat spécifiquement doctrinal.
Mouvements traditionnels
L'installation de ces Eglises dualistes, fortement constituées, et bien dé-
crites par les documents, n'entrave point, dans la deuxième moitié du
12e siècle, les mouvements d'opposition formelle à l'Eglise, entraînant le
refus des sacrements, tels ceux des arnaldistes, disciples d'Arnaud de Bres-
cia (mort en 1155), agitateur violent contre le Saint-Siège (1146) auquel il
refusait le droit de propriété, des spéronistes avec leur chef Spéron, légiste
de Bologne (environ 1185) 39, tandis que les passagiens nient l'unité de
substance la trinitaire et veulent observer rigoureusement la loi mosaïque.
Les prédicants réapparaissent aussi en France dans le dernier quart
du 12e siècle sous le nom de « pauvres de Lyon » pour essaimer en Lom-
TRADITION ET RÉSURGENCE DANS L'HÉRÉSIE MÉDIÉVALE 113
bardie où, vers 1205, se détachera le rameau des pauvres Lombards dirigés
par Jean de Ronco. C'est en fait un mouvement évangéliste, de vie aposto-
lique et prématurément accusé d'hérésie. 41 Si 1'« évangélisme est l'expres-
sion d'une crise de la société » il demeure la manifestation d'un blâme
envers les carences ecclésiastiques. Celui du fondateur Valdès traduit une
insatisfaction des esprits, toujours soucieux d'une vie plus parfaite, dans
le détachement des biens terrestres. A travers l'espace et le temps, c'est
à la fois, dans un éternel recommencement, tradition et résurgence spon-
tanée du christianisme primitif.
CONCLUSION
NOTES
Haec licet Christiana abhorreat religio, et cum Arrianae hereseos dampnet sacrilegio.
Cf. R . M A N S E L L I , « Una designazione dell' eresia catara : 'Arriana Heresis' », dans
Bulletino dell' Istituto storico italiano per il Medio Evo e Archivio Muratoriano, 68,
1956, p. 237. — Y. M.-J. C O N G A R D , art. cité, p. 449, note 3.
1 7 . H U G U E S D E R O U E N , Contrahœreticos, Prefatio ( M I G N E , P.L., t. CXCII, col. 1256 C).
Y. M.-J. C O N G A R , art. cité, p. 454 et note 26.
18.A ces considérations, ajouter celles de Bernard de Fontcaude, Joachim de Flore ;
voir notre article cité supra, note 14 : « La profession trinitaire », p. 280-281 et notes.
19.Voir les remarques de R . M A N S E L L I , « Per la storia dell' eresia nel secolo X I I » ,
dans Ballettino dell' Istituto storico..., 6 7 , 1 9 5 5 , p. 2 2 1 et notes ; d'A. B O R S T , Deuts-
ches Archiv für Erforschung des Mittelalters, t. X I , 1 9 5 4 - 1 9 5 5 , p. 6 1 8 ; H . G R U N D -
M A N N , Religiöse Bewegungen im Mittelalter, 2 E éd., Darmstadt, 1 9 6 1 , p. 2 6 , note 2 3 .
22.Cité par A. D O N D A I N E , art. cité, p. 60 : Nemo nostrum sine tormentis vitam finit,
ut eterna tormenta evadere possimus.
2 3 . R . M A N S E L L I , « Per la storia dell' eresia nel secolo X I I », art. cité, p. 225-229,
analyse les positions des divers historiens et critique notamment celle d'A. B O R S T ,
op. cit., p. 78, note 19.
24. I L A R I N O DA M I L A N O , « Le eresie popolari del secolo X I nell' Europa occidentale »,
art. cité, (supra, n. 10, p. 88. »
2 5 . H . - C H . P U E C H et A. V A I L L A N T , Le traité contre les bogomiles de Cosmas le Prêtre
(Institut d'Etudes slaves, XXI), Paris, 1945, p. 24-37, 147. — D. O B O L E N S K Y ,
The Bogomils, Cambridge, 1948, p. 74-78, 96-110. — H. Ch. P U E C H , Catharisme
médiéval (art. cité supra, n. 12), p. 76 et note 1.
26.R. M A N S E L L I , Sludi sulle eresie del secolo XII (Istituto storico italiono per il Medio
Evo, Studi storici, 5), Rome, 1953, p. 25-67 ; « Il monaco Enrico e la sua eresia »,
dans Ballettino dell' Istituto storico italiano..., 65, 1953, p. 1-35.
2 7 . A . A M A N N , art. « Tanchelm » ; F . V E R N E T , art. « Eon de l'Etoile », dans Diction-
naire de Théologie catholique, t. XV et V, Paris, 1 9 4 6 et 1 9 1 3 , p. 3 8 - 4 0 ; p. 1 3 4 - 1 3 7 .
Voir A . B O R S T , Die Kalharer, p. 8 4 - 8 5 , 8 7 - 8 8 ; H . Maisonneuve, Etudes sur les origines
de l'Inquisition, Paris, 1 9 4 2 , p. 1 0 0 - 1 0 1 , 1 0 6 - 1 0 8 ; H . Grundmann, Religiöse Bewe-
gungen im Mittelalter, p. 4 9 5 - 5 0 2 .
28.Voir notre article « Hérésie et croisade » (supra, note 3), p. 858 et notes.
29.R. M A N S E L L I , * Una designazione dell'eresia catara : 'Arriana Heresis' », art. cité,
supra, n. 16), p. 238. — Y. M.-J. C O N J A R , art. cité (supra, n. 15), p. 456.
30.Voir « Hérésie et croisade », p. 858, note 5.
3 1 . A N S E L M E D ' A L E X A N D R I E , Tractalus de hereticis, éd. A . D O N D A I N E (Archivum Fra-
trum Praedicatorum, t. XX, 1950, p. 308, 4-16). Voir «Hérésie et croisade », p. 857
et note 1 et p. 861-862.
3 2 . A . B O R S T , op. cit., p. 2 3 4 . — « Hérésie et croisade », p. 8 6 6 et note 1 .
Les problèmes de l'hérésie médiévale, née au. début du 11e siècle et qui se
développa jusqu'à la seconde moitié du 14e, ne sont pas de nouveaux
problèmes pour les historiens modernes. Ils ont été traités dans des œuvres
remarquables qui ont paru entre le milieu du siècle dernier et les premières
années du nôtre : mais ils sont devenus maintenant des problèmes
particulièrement importants de l'historiographie médiévale, dans ces
vingt dernières années. Un groupe considérable d'œuvres concernant
les hérésies médiévales a été publié entre 1945 et 1948, par les savants
des principaux pays de l'Europe Leurs auteurs se sont presque toujours
ignorés les uns les autres, à cause de l'interruption des relations entre
les différents pays, pendant la dernière guerre mondiale. Il est néanmoins
intéressant de voir comment l'intérêt pour le problème de l'hérésie a,
presque par une maturation spontanée de la pensée, jailli chez les his-
toriens qui, sans suggestions réciproques, ont compris quelle a été l'impor-
tance de l'hérésie dans les derniers siècles du Moyen Age, et comme
il est maintenant indispensable d'approfondir les recherches sur ses
caractères particuliers, sur l'extension qu'elle a atteint, sur les influences
qu'elle a subies ou exercées.
Les pères Dondaine et Ilarino de Milan, et plus récemment MM. Puech
et Vaillant ont publié d'importants textes nouveaux regardant l'hérésie
médiévale, ou nous ont donné des éditions critiques de textes déjà connus.
M. Guiraud a réuni dans une œuvre d'ensemble tout ce que nous savons
sur l'histoire de l'Inquisition médiévale, particulièrement en France.
Mais c'est surtout la question de l'origine de l'hérésie de ceux qu'on
appelle les néo-manichéens, qui a constitué le thème des œuvres de M. Run-
cimann, de M. Obolensky, de M. Sôderberg et de M. Borst.
Dans ces œuvres, même avec des limitations et des réserves critiques,
dues à un examen plus attentif des textes, la thèse de l'origine orientale
des hérésies dualistes parues en Occident dans le premier quart du 11e siè-
cle est encore soutenue. La théorie de la dérivation directe de ces hérésies
du manichéisme a cédé le pas à celle de la dérivation indirecte, due au
bogomilisme. Même le père Dondaine, qui dans ses plus anciens ouvrages
l'avait repoussée, s'est rangé à cette idée, à cause surtout des analogies
qu'il a trouvées entre les croyances des dualistes occidentaux du 11 e siècle
122 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
liées avec les conditions des temps dans lesquels l'hérésie médiévale
naquit et se développa.
Les hérésies du Moyen Age, même dans la variété de leurs propositions,
ont un point de départ et d'arrivée commun : l'attitude de polémique,
et de lutte que toutes prirent envers l'Eglise romaine et la hiérarchie,
soit en désirant un retour antihistorique à l'Eglise apostolique des premiers
siècles, soit en souhaitant la création d'une nouvelle Eglise qui, croyait-on,
serait plus fidèle aux enseignements de l'Evangile que l'Eglise romaine.
Le problème ecclésiologique l'emporte donc dans l'hérésie du Moyen Age
sur le problème purement théologique et justifie entièrement la démarche
qui nous amène à rechercher les origines de l'hérésie médiévale dans le
grand mouvement de la réforme de l'Eglise qui se dessina dès le 10e siècle
et se développa ensuite avec une rigueur particulière au 11e siècle, plutôt
qu'en une tardive renaissance d'anciennes doctrines et d'anciennes
religions des premiers siècles de l'ère chrétienne.
D'un autre côté, pour ce qui concerne l'origine manichéenne de l'hérésie
cathare, le père Dondaine qui a consacré au catharisme des études fort
précises avait déjà admis qu'« une filiation ininterrompue de Mani
jusqu'aux Cathares latins est loin d'être établie et qu'il ne suffit pas de
retrouver une similitude des doctrines et des pratiques morales, entre
deux systèmes, pour en garantir la relation historique » 6 . De même,
il n'est pas possible d'admettre une tradition ininterrompue d'une doc-
trine à l'autre, car « des lacunes de plusieurs siècles ne peuvent se
combler » 7 dans une semblable tradition. Et de même, il n'est pas
possible d'admettre une filiation quelconque avec les pauliciens « pour
permettre de simplifier, comme on l'a fait, l'histoire du dualisme du
3 e au 13e siècle ». Il retenait pourtant que ce n'avait pas été « le dualisme
qui aurait installé l'erreur dans le champ de l'Eglise romaine au cours
du 11e siècle, mais au contraire, c'est le catharisme qui aurait bénéficié
de la désagrégation provoquée par des formes d'erreur moins antichré-
tiennes pour s'installer, presque sans résistance, parmi les populations
déjà détachées de la hiérarchie catholique ». En conséquence, « l'aventure
cathare ne commencerait plus aux environs de l'an 1000, mais seulement
vers le milieu du 12e siècle »
Le père Dondaine est revenu ensuite sur le problème des origines de
l'hérésie dualiste occidentale, et a changé partiellement son point de
vue originel, sous l'influence de la publication de la lettre du prêtre
Cosmas par MM. Puech et Vaillant ». Pour le père Dondaine, il semblait
évident que les analogies que l'on pouvait remarquer entre les doctrines
bogomiles, attestées par la lettre du prêtre Cosmas au 10e siècle, portaient
nécessairement à une conclusion unique : c'est que le catharisme latin
tire son origine du bogomilisme bulgare. Pour appuyer davantage cette
thèse, il mettait surtout en évidence le rite de l'initiation cathare par
l'imposition des mains et de l'évangile de saint Jean sur la tête du
L'ORIGINE DE L'HÉRÉSIE AU MOYEN AGE 125
néophyte, tel qu'il est attesté pour les cathares du 13e siècle, et qui
aurait été le rite caractéristique de l'initiation bogomile, au moins dés le
11e siècle 10. Mais, quoique l'on doive penser de la question posée par
le père Dondaine — et moi-même, je me suis permis d'avancer des ré-
serves à ce sujet 11 — il est certain que l'œuvre de MM. Puech et Vaillant,
concernant le traité contre les bogomiles du prêtre Cosmas, a fait pro-
gresser le problème des origines du dualisme occidental, mais pas dans
le sens des théories du père Dondaine.
Le Discours contre la récente hérésie des bogomiles, de Cosmas, prêtre
indigne est, bien plus que l'exposition précise de la pensée des bogomiles,
la condamnation de leur rigorisme moral et de leur rébellion contre l'auto-
rité sacerdotale. Le prêtre Cosmas s'étend longuement sur les passages
de l'Ecriture qui peuvent être invoqués à l'appui des positions tradition-
nelles de l'orthodoxie, mais au contraire, il est extraordinairement concis
quand il parle des idées des bogomiles, qu'il combat avec une abondance
extraordinaire d'arguments. Les points les plus importants de l'hérésie
bogomile, comme de l'hérésie occidentale du 11e siècle, paraissent fondés
surtout sur le Nouveau Testament, interprété avec bon sens et souvent
en contraste avec l'enseignement de l'Eglise, afin d'en tirer les règles de
vie dr vrai chrétien : rigorisme moral, détachement des biens de la terre,
renonciation à tout ce qui ne trouve pas une justification précise et
directe dans les Evangiles". Ils refusaient en effet les miracles qu'ils
croyaient œuvres du diable, en tant qu'ils faisaient partie des supers-
titions relatives au culte des saints et des reliques ; ils n'adoraient pas
la croix, parce qu'elle avait été l'instrument de la torture et de la mort
du Rédempteur ; ils ne croyaient pas que Dieu le Père fût le créateur du
monde invsible, dans lequel bien des manifestations du mal sont si claires.
En relation avec une interprétation littérale des textes évangéliques,
ils soutenaient que la communion, les messes et la liturgie de l'Eglise
n'avaient pas été instituées par le Christ et les apôtres ; ils accusaient
les prêtres de pharisaïsme et repoussaient l'Ancien Testament, dont l'esprit
apparaissait bien des fois en opposition avec celui de l'Evangile ; ils
« n'honoraient pas la Sainte Vierge », c'est-à-dire, ils ne lui prêtaient
pas le culte que l'Eglise lui avait institué ; ils condamnaient le culte des
images; ils identifiaient le diable avec l'évangélique princeps huius
seculi, le « prince de ce monde », et suivant l'interprétation littérale d'un
passage bien connu de l'Evangile même, ils lui attribuaient la création
du monde visible ; ils repoussaient le baptême des enfants, parce que les
enfants ne peuvent pas avoir conscience des engagements qu'il faut
prendre pour se professer chrétiens ; ils avaient comme prière fondamen-
tale le Pater Noster. Est-il nécessaire, pour affirmer tout cela, de recourir
au manichéisme, au docétisme et à toutes les autres formes anciennes
d'hétérodoxie théologique ? La simple lecture de l'Evangile, faite avec
une absolue simplicité de cœur ne pouvait-elle pas suffire à susciter ces
9
126 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
simoniaque, fut porté sur les autels, comme martyr. Mais dès la seconde
moitié du 11e siècle, l'alliance du mouvement populaire patarin avec le
parti de la réforme de l'Eglise avait été plus d'une fois ébranlée.
L e mouvement populaire tendait à se soustraire au contrôle de la hiérar-
chie ecclésiastique et avec le rejet de la messe et des sacrements adminis-
trés par des prêtres indignes, il penchait déjà vers l'hérésie. A Milan,
Erlembaldo en arriva à fouler aux pieds l'huile sainte consacrée selon
le rite ambrosien, démontrant ainsi à quelle absence de respect envers
l'autorité ecclésiastique pouvait atteindre la passion religieuse pour le
renouvellement de l'Eglise. A Florence s'était produit un mouvement
populaire, tout à fait semblable à celui de Milan, autour des moines dis-
ciples de saint Jean Gualbert, et contre l'évêque Pierre accusé de simonie.
Les révoltés, suivant ce que nous en dit Pierre Damien, ne reconnaissaient
plus ni roi, ni pape, et plusieurs milliers de fidèles étaient morts sans sacre-
ments parce que la plus grande partie du clergé était réputée indigne
de les administrer.
La Pataria prend donc, dès le 11e siècle, un caractère spécifique de
révolte populaire contre la hiérarchie ecclésiastique, au nom de l'Evangile
et des exigences morales. Sur cette base, le mouvement se développera
ensuite considérablement, en étroite liaison avec la formation des classes
citadines communales, bientôt décidées à combattre énergiquement la
richesse et les propriétés ecclésiastiques.
Quels sont les rapports de la Pataria avec les hérésies de la première
moitié du 11e siècle ? Selon Landolphe, Arialdo aurait eu des rapports
avec les hérétiques de Monforte : mais cette affirmation ne repose que sur
la faveur commune que les uns et les autres donnaient aux pratiques de
l'ascétisme le plus rigide. Aussi l'absence d'un contenu précis, doctrinal
et théologique, la diffusion des deux mouvements, dualiste et patarin
dans les classes les plus humbles d'artisans, de paysans et d'ignorants,
la prédominance des exigences morales chez les uns et les autres, l'attitude
de révolte contre la hiérarchie ecclésiastique ou, tout au moins, contre
une partie de cette hiérarchie, tout cela contribue à élargir sensiblement
notre vision sur l'origine de l'hérésie médiévale au 11e siècle, et nous
amène nécessairement à ne pas l'attribuer à la transmission, improuvable
et improbable, d'anciennes doctrines au milieu d'une foule d'ignorants
et d'illettrés, mais aux conditions sociales et spirituelles propres au grand
mouvement de réforme de l'Eglise au 11e siècle.
Si l'on porte sur ce plan le problème de l'origine des hérésies médié-
vales, il prend alors son caractère concret de problème historique. Les
hérésies médiévales ont été complètement différentes des hérésies anciennes
parce qu'elles furent surtout inspirées par des motifs moraux et se répan-
dirent spécialement parmi le bas-peuple formé d'hommes humbles et non
cultivés, tandis que les anciennes hérésies avaient surtout des préoccu-
L'ORIGINE DE L'HÉRÉSIE AU MOYEN AGE 131
NOTES
12.Sur la dérivation directe de l'évangile des auctoritates des hérétiques, cf. les nom-
breuses citations des textes évangéliques, Medioevo cristiano, œuvre citée, p. 256-267.
13.H.-Ch. P U E C H et A. V A I L L A N T , œuvre citée, p. 147.
14.Pour ce qui concerne les idées de E. W E R N E R , Pauperes Christi. Studien zu sozial-
religiösen Bewegungen im Zeitalter des Reformpapsttums, Leipzig 1956, cf. Medioevo
christiano, œuvre citée, p. 216, note 23.
15.C. V I O L A N T E , La società milanese del secolo XI, Bari 1953, et La potoria milanese
e la riforma ecclesiastica Rome, 1955.
16.Sur la dénomination de patarinus, cf. A. F R U S O N I , < Due schede : 'Pannosus' e
'Patarinus' », dans Bulleitino dell'Istituto storico italiano per il Medio Evo e Archivio
Muratoriani, 65, 1953, p. 129.
17.D s'agit d'une hypothèse du père Dondaine, acceptée par E. WERNER, « itaTapevoi
134 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
Patarini », dans Vom Mittelalter zur Neuzeit, H. Kretzschmar, Berlin 1956, p. 404-
419, mais rejetée par le pére Dondaine lui-méme.
18.Voir R . MOROHEN, « Ottone I I I e l'ideale della 'Renovatio Ecclesise' », dans Medioevo
cristiano, op. cit., 3« éd., 1962, p. 84 et suiv.
19.R. MANSELLI, Studi sulle eresie del secolo XII, Rome 1953, p. 1-23, 45-67.
20.Pour le lien entre joachimisme et tradition eschatologique, cf. R . M A N S E L L I , La
« Lectura super Apocalipsim » di Pietro di Giovanni Olivi, Rome 1955.
DISCUSSION
mouvements populaires qu'à celui des idées manipulées par les sectes. A v e c
l'hérésie nous avons le contexte d'un mouvement total, ce que M. Le Goff
a appelé la « prise de conscience ».
créé toutes les choses mauvaises ? » ne relève pas d'une exposition doctri-
nale mais du simple bon sens. Le dualisme que nous trouvons dans nos
sources n ' a pas d'attaches théologiques : les idées des hérésiarques se sont
déformées, sont devenues u n esprit commun qui donne le ton à une époque.
On ne parle plus que de faits moraux, c'est un dualisme purement anthro-
pologique qui reprend les oppositions de l'Evangile entre Mammón et
Dieu, les œuvres du monde et les œuvres spirituelles. Nous retrouvons chez
les hérétiques médiévaux le villicus iniquitatis. Or, aucune expérience
religieuse n'est possible sans ce dualisme moral, même mitigé : un inquisi-
teur aurait brûlé comme manichéen Sous le soleil de Satan de Bernanos.
On a parlé de la haine de la famille : or, les hérétiques ne condamnent
que l'acte charnel du mariage ; cette condamnation a des origines dans
l'Evangile, qui conseille la continence. Tout l'ascétisme médiéval est polémi-
que contre la femme et cet acte charnel. Souvenez-vous d'Odon de Cluny.
Toute l'expérience chrétienne connaît l'horreur de l'acte charnel, comme
péché.
Il f a u t distinguer hérésies théologiques, hérésies populaires, c'est-à-dire
des doctrines, et d'autre p a r t les états d'esprit qui refleurissent dans l'ornière
d'une tradition antique.
Enfin, à propos de ce q u ' a dit le professeur Mandrou, il f a u t prendre garde
aux véhicules de ces attitudes morales et eschatologiques ; à l'origine est
la prédication itinérante, conçue par les hérétiques comme un absolu devoir
du chrétien selon Vite et predícate omnibus gentibus Evangelium. E t même
la prédication sacerdotale, les homélies de la messe ont pu transmettre
cette tradition évangélique.
L'iconographie, l'étude des mentalités collectives, selon l'exemple de
notre cher collègue D u p r o n t , particulièrement sensibles dans le cas des
mentalités religieuses, sont pour moi les nouveaux chemins que l'historien
des hérésies médiévales devra emprunter pour atteindre cette « prise de
conscience historique » que nous appelons de tous nos vœux.
DOM J. BECQUET
NOTES
un rapport très net. La conduite de ces moines ressemble à bien des points
de vue dans la description de Cosmas à celle des bogomiles ; ils vont dans
les maisons, ils vont en pèlerinage, ils s'agitent, ils prétendent — ce qui,
selon Cosmas est hérétique — qu'on ne peut se sauver dans le monde avec
femmes et enfants. Bref est-ce par hasard si la Macédoine, le plus grand
centre de l'érémitisme au 10e siècle dans les Balkans a été aussi le centre
originel du bogomilisme ? Les pèlerinages à Jérusalem et surtout à Rome
de ces ermites qui avaient subi la contagion du dualisme n'ont-ils pas été
des éléments de la transmission des doctrines dualistes en Occident au
10e et 11e siècle ?
DÉVOTION POPULAIRE
ET HÉRÉSIE AU MOYEN AGE
Pénitence et cléricalisme
Il est pourtant une dévotion populaire constante en ces cinq siècles et qui
va nous éclairer sur le problème que nous essayons de cerner; c'est la
dévotion au « pardon », si l'on peut employer cette expression faute d'une
autre. Le fait est que les foules du 11e au 15e siècle furent pleines de
confiance en la bénédiction du prêtre pour la rémission des péchés, soit
qu'il s'agisse d'absolution au sens sacramentel du terme, soit qu'il s'agisse
de l'absoute donnée aux défunts, des indulgences accordées sous certaines
conditions et qui remettent la peine, des pèlerinages entrepris pour obtenir
les « grandes indulgences », des jubilés romains, des confessionnalia accor-
dant à certains fidèles des faveurs spirituelles dans l'usage de la confession.
Or cette dévotion, bien ancrée depuis au moins le temps des premières
croisades, fut concurrencée en 1349 par une autre. Cette date est celle
des grandes processions de flagellants. Dans le Nord de la France notam-
ment, elles eurent le caractère bien marqué de dévotion populaire, mais
cette dévotion dès le début parut suspecte, Elle fut accusée de compro-
mettre la doctrine. Les flagellants en effet, disait-on, substituaient une
expiation volontaire à la « satisfaction » que l'Eglise hiérarchique seule
avait le droit d'imposer au pécheur, qui se dispensait ainsi du sacrement
de pénitence et mettait sa seule confiance pour le salut en des observances
extérieures sans aucune conversion. Une hérésie est donc là en formation,
que les circonstances seules empêchèrent de s'épanouir : si Gerson rappelle
les événements de 1349 pour s'inquiéter des pénitences qui se pratiquent
autour de saint Vincent Ferrier, les Bianchi ne donnèrent lieu à aucun
soupçon. Les flagellants de 1349 ont donc eu, du moins dans certains
groupes, l'attitude de protestataires plus ou moins conscients et qui
s'organisent en société, contre une Eglise essentiellement cléricale.
Nous touchons ici à un point décisif. Le christianisme s'est fait au
Moyen Age de plus en plus un « cléricalisme ». La réhabilitation du sacer-
doce par la Réforme grégorienne et la crue du pouvoir pontifical, justifiée
par les nécessités de la lutte contre les abus, de la guerre contre les puis-
sances féodales et politiques, de l'organisation de la chrétienté, de la
promotion d'une nouvelle civilisation chrétienne, ont abouti à présenter
le prêtre comme indispensable au salut et la hiérarchie comme investie
non seulement du pouvoir de gouvernement pour le bien commun de la
société chrétienne, mais du pouvoir de sanctification. Le pape apparaît
de plus en plus comme pontife universel, de même qu'il est devenu « l'ordi-
naire universel » et exerce dans tous les domaines son droit de « réserve ».
Dans la pyramide des ordines, le moine, qui jadis venait en tête, le cède
désormais au prêtre, pourvu du moins que celui-ci soit dûment mandaté,
ait reçu mission et autorité. L'Eglise est de plus en plus le lieu des
sacrements.
DÉVOTION POPULAIRE ET HÉRÉSIE AU MOYEN AGE 153
Hérésie et anticléricalisme
Or les hérésies de cette époque ont toutes un caractère anticlérical, qu'il
s'agisse des premières hérésies du 11e siècle, du catharisme, dubégardisme,
de Wyclif ou de Huss. Encore faut-il analyser cet anticléricalisme. Nous
sommes dans le monde populaire, non dans celui des clercs ; il ne saurait
donc être question d'une critique de caractère intellectuel et théologique,
mais plutôt affective et passionnelle, définie par une attitude de revendi-
cation, d'agressivité, de « ressentiment ».
Pareille mentalité anticléricale n'avait pas d'ailleurs toujours l'aspect
décidé d'une rupture de la foi. L'anticléricalisme est souvent resté au
Moyen Age sur un plan de simple malveillance, sans devenir nécessai-
rement remise en question de l'édifice doctrinal traditionnel : que de
réhabilitations depuis vingt ou trente ans de gens tenus longtemps comme
des suspects, et dont on s'aperçoit qu'ils furent de bons chrétiens, quoi-
qu'en difficulté avec leurs prêtres : Abélard, Siger de Brabant, Pétrarque,
Occam, Eckhart, Tauler, Valla, sans descendre jusqu'à Erasme et peut-être
Rabelais.
C'est que le non-conformisme et le refus de la prérogative cléricale
peuvent se manifester autrement que par le choix (« hérésie ») d'une
doctrine autre que celle officiellement enseignée. Il peut y avoir refus
de la morale chrétienne, par exemple chez un Henri dit de Lausanne
remettant en question la morale traditionnelle du mariage ; il peut y avoir
mauvaise volonté à participer à la liturgie de la communauté : c'est le
problème des pascalisants. Il peut y avoir refus de l'idéal ascétique
jusqu'alors reçu, comme chez Valla dépréciant la vie monastique... et
faisant le panégyrique de saint Thomas d'Aquin. Sans parler de la brimade
du clerc par le laïc, comme le baron languedocien, qui n'est pas toujours
pour autant passé à l'albigéisme.
Lors même que dans le peuple cet anticléricalisme eut des incidences
de caractère doctrinal, il y est question moins d'un choix commandé par
une réflexion théologique ou la lecture de l'Ecriture, ainsi qu'il en est chez
l'hérésiarque le plus souvent, que d'un refus du dogme des prêtres. L'hérésie
est d'abord schisme, c'est-à-dire rejet d'une société ; elle est dégagement
plutôt qu'engagement.
Même ici il ne faut pas toujours parler d'hérésie au sens strict du terme.
Accuser l'Eglise d'être inférieure à sa tâche n'était pas nécessairement le
fait de contrevenants à la véritable foi. Tous les réformateurs par hypo-
thèse dénonçaient, fût-ce en termes moins violents, une incapacité et une
infidélité. Ils y étaient d'autant plus portés qu'une philosophie de l'his-
toire, couramment professée alors, mettait l'âge d'or dans le passé ; l'Eglise
ne peut plus dès lors que se dégrader, même si cette détérioration progres-
sive est arrêtée parfois ou ralentie par des retours à la vita apostolica. Il
suffit de relire Nicolas de Clamanges pour voir où entraîne ce postulat,
154 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
les hérésies de t y p e dualiste. Des hérésies du Fils, celles qui portent atteinte
à ses qualités, et je pense en particulier à toute la vague des messianismes
qui se sont succédés au cours des siècles. Quant aux hérésies de la troisième
Personne, je pense à t o u t ce qui concerne le troisième règne, l'avènement de
l'Esprit, le joachimisme.
11
A. GIEYSZTOR
MOUVEMENTS PARA-HÉRÉTIQUES
EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE
DU 9 e AU l i e SIÈCLE : APOSTASIES
leur paganisme dans le domaine des institutions : on y vit des essais pour
promouvoir dans chacun d'eux un dieu principal, pour y créer une liturgie
et un service sacré dont les prêtres, comme par exemple à Riigen, ten-
tèrent parfois de réaliser un programme théocratique. 17 L'expérience
religieuse, peu structurée et diffuse de l'époque proto-slave, dut se définir
en fonction des nécessités sociales et politiques comme une communauté
cultuelle organisée — est-il besoin de le dire — à l'exemple de la religion
chrétienne abandonnée. Après sa victoire, l'apostasie cesse ici d'être une
protestation à l'intérieur d'une société différenciée en classes et en groupes,
et nous sommes trop loin des phénomènes comparables à ceux d'hérésie
pour que nous devions continuer leur analyse. 18
II
un grand intérêt. En voici l'un des fragments les plus curieux : « Et les
sorciers dirent [au haut fonctionnaire du prince] : Nous savons comment
l'homme fut créé. — Comment ? Ils répondirent : Dieu se baignait dans
le bain, il sua, se frotta d'un lien de paille, et le jeta sur la terre. E t Satan
disputait avec Dieu qui d'entre eux deux créerait l'homme. Et le diable
créa l'homme, et Dieu mit l'âme en lui. Aussi bien lorsque l'homme meurt,
le corps retourne en terre, et l'âme à Dieu ».27
Dans cette superposition de motifs mythologiques et théologiques trans-
paraît une conception dualiste du monde, assez fruste — il faut le dire —
qui, étrangère aux croyances proto-slaves, entra dans le patrimoine de
la mentalité et de la pensée populaire en Russie, à la suite du christia-
nisme, et comme son corollaire hétérodoxe inéluctable.
III
NOTES
1. Un ouvrage d'ensemble sur les apostasies nous manque ; on trouvera des indications
utiles pour l'Antiquité chez G. B A R D Y , La conversion au christianisme durant les
premiers siècles, Paris, 1949, p. 294 et suiv. ; R. B. S W E N S S E N , Social Processes in
the Rise of Early Christian Heresies, Chicago, 1937, p. 267 et suiv.
166 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
que, l'évolution sociale et les rapports entre ville et campagne dans l'Ita-
lie du Nord et du Centre pendant le 11e, le 12e, et le 13e siècle.a
de tous, ou presque tous les lieux où ils avaient déjà de vastes possessions ;
souvent ils réussissent, par des achats, des échanges, des prêts sur gage
immobilier, à réunir dans leurs mains la propriété de toutes les quotes-parts
en lesquelles les châteaux avaient été divisés. Selon le principe de la ter-
ritorialité de la juridiction, « la jurisdictio et la districtio sur tout le terri-
toire relevant du château étaient de cette manière aux mains du seigneur.
Sauf ceux qui avaient fui à la ville ou qui avaient réussi d'une manière
quelconque à proclamer leur indépendance complète et leurs droits de
propriété sur la terre qui appartenait jadis à l'église, les rustici ou villani
allaient constituer une classe sociale unique sous la dépendance des
seigneurs.
La condition de ces rustici, qui ont la jouissance de leur tenure pendant
trois générations ou perpétuellement, n'est pas très mauvaise : ils ont
désormais le droit de ne pas être éloignés de leur terre, ils doivent un
cens en produit au montant déterminé, ils ont envers le seigneur des
obligations personnelles de caractère public. Les rustici peuvent trans-
mettre leur tenure à d'autres paysans pourvu qu'ils soient soumis à la
juridiction du même seigneur ; ils peuvent même avoir de petites propriétés
foncières à eux. Il n'est pas rare de voir que, par l'enrichissement ou
l'élévation culturelle jusqu'à la profession du notariat, quelques-uns de
ces rustici aient pu se déplacer à la ville, y devenir citoyens et se délivrer
de leur ancienne soumission au seigneur.
C'est une période de relative tranquillité dans les campagnes. Les struc-
tures de l'organisation ecclésiastique locale sont en train de se réorganiser.
Les petites chapelles sont rattachées à la plebs (pieue), où l'on organise
la vie commune canoniale de tous les prêtres et clercs de la circonscrip-
tion. 7 La cura animarum est bien accomplie par les chanoines. Mais, la
montée démographique avançant, les chapelles sont rebâties et plusieurs
d'entre elles deviennent paroisses. On reconstruit parfois les chapelles en
ruine sur des emplacements nouveaux; mais on consacre aussi des cha-
pelles nouvelles. Dans cette période (de la fin du 11e jusqu'à la fin du
12e siècle) les migrations de population s'effectuent encore dans la direction
de la campagne à la ville, mais aussi entre les différents lieux du contado
même.
On peut constater maintenant le développement démographique et
politique des anciens centres ruraux, grands et petits, et la formation
aussi de nouveaux villages : propriétaires (nobiles, curtisii), résidant à la
fois à la campagne et à la ville dont ils sont citoyens, et paysans (rustici,
villani) s'organisent en des communautés politiques (en italien comuni
ruralï) plus ou moins indépendantes du seigneur. Les nobles et les sei-
gneurs sont bien souvent en lutte contre l'évêque et ses fidèles qui l'aident
à dominer la ville.
Au commencement du 13e siècle, on organise le défrichement de terres
nouvelles, car la montée démographique continue et maintenant les
12
174 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
tenures sont trop peuplées. A cause de ces tendances, les seigneurs com-
mencent à stipuler avec les paysans des contrats à moyenne durée, des
contrats de métayage avec des redevances partielles qui en général
correspondent à la moitié du produit (mezzadria).
Un tel pacte agraire à moyen terme et avec redevance partielle était,
par rapport à l'emphytéose, plus prenant et pénible pour le cultivateur.
Mais, en ce qui concerne la production, la mezzadria pouvait offrir des
avantages, lorsque ce contrat était adopté dans les entreprises de bonifi-
cation ou de mise en culture de nouvelles terres — et cela advint dans
des cas relativement fréquents.
De telles initiatives demandaient, des propriétaires, non seulement un
plus large emploi de capitaux et de capacités techniques, mais aussi un
intérêt plus direct à la culture des terres. Cependant, au cours du 13e siècle,
les conditions des travailleurs ne s'améliorèrent pas; ceux-ci, en raison
de la poussée démographique et de la multiplication des groupes fami-
liaux, se trouvèrent dans l'obligation de cultiver et d'exploiter des terrains
bien trop peuplés. C'est pourquoi les fréquents et nombreux affranchis-
sements des rustici ne furent pas toujours imposés par la commune
urbaine aux gros propriétaires et aux feudataires, mais voulus par eux-
mêmes pour réduire le nombre des cultivateurs, accroissant ainsi la
productivité des terres.
En effet, au cours du 13e siècle, la commune urbaine développe systé-
matiquement sa politique de conquête dans le contado ; mais pour atteindre
son but, elle n'impose pas toujours de véritables actes de soumission à
des seigneurs féodaux dépossédés ; la plupart du temps, au contraire,
c'est ce même seigneur féodal qui, après s'être laissé dépouiller progres-
sivement d'une partie de plus en plus grande de sa seigneurie, finit par
se soumettre à la commune; ou bien le seigneur rural traitant avec la
commune d'égal à égal stipule avec celle-ci un contrat selon lequel il lui
cède — moyennant une compensation — une partie seulement de ses
biens, de ses droits, de ses pouvoirs. Dans tous les cas, ces seigneurs ruraux
se transfèrent, bon gré mal gré, à la ville, y achètent des terres, y cons-
truisent des maisons, deviennent des citoyens de la commune, augmentant
les forces de la noblesse qui en constitue la classe dirigeante ; les rustici,
venus à la ville après leur affranchissement, et les petits propriétaires vont,
eux, accroître les nouvelles classes de marchands, d'artisans, de notaires, de
petits propriétaires qui s'organisent peu à peu dans le « parti » du peuple qui
désormais s'opposera au « parti » de la noblesse. En cette occasion les sei-
gneurs ruraux devenus citadins, et plus particulièrement ceux qui ont
conservé encore leurs biens et leurs seigneuries dans le contado, acquièrent
souvent une position de premier plan dans cette même commune urbaine,
atteignant aux plus importantes magistratures, non seulement dans le
cadre des traditionnelles institutions de la commune nobiliaire, mais aussi
HÉRÉSIES URBAINES ET RURALES EN ITALIE DU 11» AU 13« S. 175
II
Por Santa Maria, de Borgo Sant'Apostoli, devenait peu sûr, les cathares
se réfugiaient à la campagne, non loin de la ville, et dans les habitations
des mêmes coreligionnaires citadins, sur le Mugnone près de San Gaggio,
devant l'actuelle Porta Romana, à Careggi, à Settimo, à Piano di Ripoli.
Dans la ville d'Orvieto as , l'hérésie cathare fut introduite tout d'abord,
immédiatement après le milieu du 12e siècle, par Ormannino de Parme,
mais ne s'implanta profondément que quelques années plus tard à la
suite de la prédication des hérétiques (hommes et femmes) provenant de
Florence. A la fin du siècle, les cathares orviétans contraignirent leur
évêque à fuir et la ville résista ensuite fièrement aux fureurs de l'inter-
diction lancée par le pape Innocent III.
Bien plus, à cette même époque, le cathare Pierre Lombard, appelé
par un contemporain doctor manicheorum, se transporta d'Orvieto à
Viterbe, prêcha publiquement l'hérésie dans la ville et, là, réunit en
assemblée d'autres pravi doctores. Alors (février 1199) les fidèles catho-
liques orviétans, pour combattre les cathares, mais aussi pour entraver
les projets des nobles citadins parmi lesquels l'hérésie avait trouvé adhé-
rents et alliés, demandèrent au peuple romain de désigner un recteur, qui
fut Pierre Parenzo. Ce dernier tenta de freiner la prédication cathare
et la puissance des nobles, mais tomba victime d'une conjuration orga-
nisée par les hérétiques avec l'appui des préfets de Vico. La réaction
populaire, ravivée par une série de miracles attribués au martyr, contrai-
gnit les cathares à se limiter pendant quelques temps à des activités
exclusivement religieuses.
Mais le noyau hérétique resta toujours puissant à Orvieto, favorisé
par l'irritation que suscitait dans les milieux citadins l'intervention de
l'organisation inquisitoriale dans la vie communale. En 1239, profitant
de la rupture qui s'était établie entre Frédéric II et Grégoire IX, les ci-
toyens d'Orvieto, poussés et guidés par des cathares locaux, assaillirent
et incendièrent le couvent des dominicains : cette année-là le camer-
lingue de la commune était ce Provenzano Lupicini qui fut ensuite, dans
les procès de 1286, déclaré hérétique.
A Viterbe 24 , les hérétiques furent nombreux et souvent puissants,
et eurent d'étroites relations, comme nous avons vu, avec les cathares
d'Orvieto. En mars 1200, Innocent III menaça de priver la ville du siège
épiscopal si elle continuait à favoriser l'hérésie; en septembre 1207,
le pontife s'y rendit en personne et fit détruire les maisons et confisquer
les biens des hérétiques ; il obligea les officiers de la commune à jurer
la persécution de l'hérésie, mais les « parfaits » et les « croyants », qui
s'étaient réfugiés chez quelques seigneurs du territoire du patrimonium
sancii Pétri, retournèrent bien vite en ville. Et l'on arriva au point que
les hérétiques réussirent à obtenir également les plus hautes magistratures
communales de Viterbe : en 1205 deux cathares furent élus consuls, en
1220 Jean Tignoso fut élu camerlingue et en 1230 consul — il appartenait
184 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
quatre ans auparavant, une réunion d'apostolici avait été tenue avec la
participation de Fra Dolcino, dans la boutique d'un marchand de draps
(in statione pannorum), et qu'y avaient aussi participé un certain Faciolo,
qui par la suite se fit frère de la pénitence, le prêtre Thomas, recteur
de l'hôpital de Santo Stefano, le cordonnier Jean Ribaldini, qui habi-
tait une maison qui lui appartenait à Borgo San Felice, entre la première
et la seconde enceinte, deux autres toujours de Borgo San Felice ainsi
que le docteur Pierre de Uzola : toutes personnes d'un bon niveau social et
aussi de bonne culture. La présence du futur frère de la pénitence Faciolo
parmi elles et dans d'autres réunions de Bologne, comme la présence de
prêtres et d'autres personnes qui ne devaient pas être engagées à fond dans
l'hérésie des apostolici confirme l'impression que le caractère vague et libre
des doctrines de cette secte permettait l'adhésion provisoire de personnes
poussées par des exigences spirituelles de renouvellement religieux et d'at-
tente eschatologique qui étaient un peu dans l'air à la fin du 13e et au
début du 14e siècle.
Comme les adhérents à la secte des apostolici étaient éparpillés dans
toute l'Italie (au nombre, vraisemblablement exagéré, de quatre mille
environ, selon la lettre de Dolcino de décembre 1304), la ferveur des mani-
festations de cette hérésie dans la vallée tridentine, suscitées par sœur
Margherita et par le même hérésiarque, doit être considérée seulement
comme un épisode particulier, favorisé par les circonstances, c'est-à-dire
par l'unité géographique et administrative de la vallée et par la tradi-
tion d'importants établissements d'hérétiques de différents types.
Un autre épisode, plus ample et dramatique cependant, doit être consi-
déré : c'est la violente résistance armée de Fra Dolcino et de ses partisans
en Valsesia contre la croisade suscitée par Clément V et dirigée contre
eux par les évêques de Verceil et de Novare et le marquis de Monferrat,
avec l'aide de nobles mineurs et de citoyens. Même si les conditions géo-
graphiques et sociales de la Valsesia, non loin d'Ossola, patrie de Fra
Dolcino, eurent une grande importance, constituant une base favorable
pour la résistance, ce dernier et violent épisode ne peut pas être considéré
comme un fait exclusivement local, c'est-à-dire comme la transposition,
sur le plan de l'insurrection religieuse, d'une révolte sociale et politique
des plèbes paysannes de la vallée. Maintenant, M. Mor a démontré claire-
ment que dans la Valsesia il n'existait aucune situation particulière de
tension économique et sociale qui puisse expliquer comment une aussi
violente insurrection a pu se produire précisément dans cette zone et rien
que là. Bien au contraire, depuis le début du 13e siècle, des vicinix s'étaient
organisées dans chaque localité et, en 1300, la vallée entière était érigée en
commune pleinement autonome, ne dépendant ni de Verceil ni de Novare.
Il est vrai, en revanche, que les vallées du Piémont étaient, depuis
plus d'un siècle, l'asile d'hérétiques de toutes sectes ; et il est certain que
Dolcino conduisit dans la Valsesia ses partisans échappés à la persécu-
194 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
III
les villes sont toujours davantage les centres moteurs dans le domaine
économique, social, politique, culturel, religieux. Et il faut rappeler aussi
que, dans les siècles considérés, les villes, tout en se différenciant toujours
davantage des campagnes environnantes, ne s'en détachent pas et ne s'en
isolent pas non plus, mais — au contraire — que les rapports entre le milieu
rural et le milieu urbain s'intensifient en même temps que s'affirme la
distinction entre le noyau urbain et le contado. Ainsi, les hérétiques éta-
blis en ville trouvent, au moment du danger, un refuge dans les maisons
de campagne et dans les châteaux de leurs coreligionnaires ou protec-
teurs urbains ; l'échange de nouvelles et de rapports en tous genres entre
les noyaux d'hérétiques citadins et les foyers ruraux ou les lieux de ren-
contres du contado (tavernes, moulins, ateliers de maréchaux-ferrants)
sont également fréquents.
Les hérésies trouvent la condition favorable à leur diffusion dans la
nouvelle et exceptionnelle mobilité des hommes du 11e au 13e siècle, et
non seulement à cause des possibilités pratiques qu'une telle mobilité
offre pour des rencontres et pour des échanges d'idées, mais aussi et sur-
tout en raison des attitudes mentales particulières qu'adoptent désormais,
face aux structures ecclésiastiques rigides, des hommes habitués à se
déplacer fréquemment, ouverts à de plus larges horizons. Le dynamisme
social, typique de la société urbaine au cœur de notre Moyen Age, favorise
en effet la formation d'attitudes d'opposition vis-à-vis de l'indéniable
raidissement et du formalisme croissant de la mentalité, toujours plus
juridique, qui domine dans les milieux curiaux et dans une partie de la
hiérarchie ecclésiastique. Rien qu'à ce point de vue, les observations que
nous avons faites sur les conditions sociales dans lesquelles se développent
les hérésies du Moyen A g e peuvent se justifier.
Je suis en effet de moins en moins persuadé que les mouvements héréti-
ques soient simplement la transposition de revendications économiques,
sociales et politiques sur le plan de la lutte religieuse. Les raisons profondes
de l'essor et de la réussite des mouvements hérétiques doivent toujours
être cherchées dans une considération générale de l'histoire religieuse de
l'époque
NOTES
11.A. FRUGONI, Arnaldo da Brescia nelle fonti del secolo XII, Rome, 1954 ; A. F R U -
GONI « 'Filii Arnaldi' (Per l'interpretazione di un passo di Ottone Morena) », dans
Bullettino dell' Istituto storico italiano..., 70, 1958, p. 521-524.
1 2 . G . V O L P E , Movimenti religiosi e sette ereticali nella sociétà medievale italiana (se-
coli XI-XIV), réédition, Florence, 1 9 6 1 , p. 7 1 - 7 8 ; A . D E S T E F A N O , Riformatori
ed eretici del Medioevo, Palerme, 1 9 3 8 , p. 2 7 3 - 2 9 7 ; G . G O N N E T , Il valdismo medicevale.
Prolegomeni, Torre Pellice-Turin, 1 9 4 2 ; A . F R U G O N I , Arnaldo da Brescia, op. cit.,
p. 132-133.
1 8 J b i d . , p. 281-282, 324-326.
19.C. SCHMIDT, op. cit., t . I, p . 63-64, 146.
2 0 . C . SCHMIDT, op. cit., t . 1, p . 1 4 7 ; R . MA.NSELLI, op. cit., p. 284-286.
21.C. SCHMIDT, op. cit., t. I, p. 64, 146-150. Pour Bologne, voir A. DUPHÉ THESEIDER,
« L'eresia a Bologna nei tempi di Dante », dans Studi storici in onore di Gioacchino
Volpe, t . I, Florence, 1958, p. 381-44.
22.R. DAVIDSOHN, Storia di Firenze, trad. italienne, t. II, Florence, 1900, p. 413 et
s u i v . ; R . MANSELLI, op. cit., p. 217-218, 286-287.
2 3 . R . MANSELLI, op. cit, p . 2 8 9 - 2 9 0 e t l a b i b l i o g r a p h i e .
24.Ibid., p. 290-292 et la bibliographie
25. A. BORST, Die Katharer, Stuttgart, 1953 (Schriften der M.G.H., 12), p. 124 et suiv.
e t p . 2 2 8 ; E . D U P R É T H E S E I D E R , op. cit., p . 4 0 0 e t s u i v . ; R . MANSELLI, op. cit.,
p. 293-295. Les seuls travaux consacrés exclusivement aux problèmes des rapports
entre les hérésies (en général) et la société, sont : A. P.EVANS, « Social Aspects of
Medieval Heresy », dans Persécution and Liberti/, Essays in Honor of G L. Burr,
New York, 1931, p. 93-116 ; A. MENS, « Innerlijke drijfveeren en herkomst der
kettersche bewegingen in de Middeleeuwen. Religieus oiwel sodala oogmerk ? »,
dans Mélanges d'histoire offets à Léon van derEssen, Bruxelles-Paris, 1947, p. 298-313.
Toujours riches en suggestions sont les pages de G. Volpe, dans son ouvrage classique
(op. cit).
2 6 . R .MANSELLI, op. cit., p. 293.
27.op., cit. p. 401 et suiv.
28.L. A. MURATORI, Antiqaitates Italiese Medii Aevi, V, 86-87 ; cf. C. SCHMIDT, op. cit.,
t. I, p. 64.
29.0p. cit., p. 405 e t suiv. — L. A. MURATORI, ibid., V, 118, 121, 129, 131.
30. Voir E . SESTAN, « Le origini delle Signorie cittadine : un problema storico esaurito »,
dans Bullettino dell' Istituto storico italiano..., 43, 1961, p. 41-69.
31 .Cf. Villes et campagnes. Civilisation urbaine et civilisation rurale en France. Deu-
xième semaine sociologique organisée par le Centre d'Etudes sociologiques, Paris, 1953,
p. 3-39. — Il metodo delle scienze storico-sociali. Rapporti fra città e campagna. Atti
del primo congresso dell' Associazione italiana di sociologia, Bologne, 1960.
32.A. LABRIOLA, Discorrendo di socialismo e di filosofia, 6 E éd. a cura di B. Croce, Bari,
1953, p. 118-146; du même, La concezione materialistica della storia (del materia-
lismo storico), Bari, 1953, p. 185 et suiv.
3 3 . G . V O L P E , op. cit., p . 1 1 5 - 1 2 5 , passim.
34.0p. cit., sur le mouvement des apostolici, voir maintenant surtout L. SPATLING,
De Apostolicis, Pseudoapostolicis, Apostolinis, Munich, 1947, p. 113-140.
35.SALIMBENE DE ADAM, Cronica, éd. F. Bernini, t . I, Bari, 1942, p. 372 (voir tout le
passage consacré aux apostolici, p. 367 et suiv.). [Voir maintenant la nouvelle édition
p a r G. S CALIA, Bari, 1966, p. 369 et suiv].
36.Compte rendu du livre de Skaskin, Bollettino storico-bibliografico subalpino, t. L I V ,
1956, p. 354-362.
37.A. FRUGONI, « Il movimento dei Flagellanti nell'anno gioachimitico 1260 », dans
Bullettino dell' Istituto storico italiano..., 75, 1963.
38,Op. cit., p. 430 et suiv.
39.Cette communication avait été envoyée à l'impression, quand j'ai reçu le tirage-à-
p a r t d ' u n essai très suggestif, que malheureusement je n'ai pas pu utiliser : E . DUPRÉ
THESEIDER, « Gli eretici nel mondo communale italiano » dans Bolletino della Società
di Studi Valdesi, décembre 1963, n. 114.
DISCUSSION
Les faits que nous venons de retracer très brièvement nous permettent,
à notre avis, d'avancer qu'il y eut un lien très étroit entre l'hérésie cathare
et le grand parti politique des gibelins qui soutenaient l'empereur dans
sa lutte contre le pape. 18
Tandis que le mouvement cathare approchait de sa fin et que la résis-
tance à l'influence papale s'affaiblissait dans les circonstances que nous
avons évoquées, les villes italiennes commençaient à connaître un autre
type d'hérésie, qui se relie aux exigences de pauvreté et aux attentes
eschatologiques. C'est le cas de Parme, où se répand l'hérésie de Gherardo
Segarelli, appelée plus tard des apostoliques ; ces derniers vont se diffuser
dans l'Italie du Centre et du Nord. Nous tenons à souligner, à ce propos,
qu'entre cathares et apostoliques italiens, il y a une profonde différence
du point de vue social. Les groupes cathares se rassemblent de préférence
par consorterie, c'est-à-dire par clientèles familiales comprenant des
membres qui appartiennent à toutes les couches sociales de la ville. Les
apostoliques, par contre, seront de préférence recrutés parmi les membres
des classes sociales inférieures. Cela entraînera une nette différence de
poids politique entre eux et les cathares à l'intérieur des villes italiennes.
Ces derniers ont joué un grand rôle politique grâce à leur structuration
sociale, tandis que les premiers n'auront presque pas d'influence sur la
vie citadine et pas plus, en général, sur la vie italienne. "
HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
NOTES
1. G. VOLPE, Movimenti religiosi e sette ereticali nella società medievale italiana (secoli
XI-XIV), Florence, 1922, réédité à Florence en 1961.
2. Pour les ouvrages récents sur les hérésies médiévales, se reporter à mon travail :
R. M A N S E L L I , L'eresia del male, Naples, 1961, p. 101-117, et à l'important ouvrage
d'A. B O R S T , Die Katharer, Stuttgart, 1952, p. 42-58.
3. Ce point de vue a été particulièrement défendu par R. M O R G H E N , « L'Eresia nel
Medioevo », dans Medioevo cristiano, Bari, 1962, 3 e éd., p. 204-281.
4. Pour l'hérésie à Florence, voir F. Tocco, Dante e l'eresia o quel che non c'i nella
Divina Commedia, Florence, 1895, où sont publiés les documents auxquels je me
réfère ; G. B. R I S T O R I , « I patarini in Firenze nella prima metà del secolo XIII »,
dans Rivista storico-critica delle scienze teologiche, t. I, 1 9 0 5 , p. 1 0 - 2 3 , 3 2 8 - 3 4 1 , 7 5 4 -
7 6 0 ; R . D A V I D S O H N , Geschichte von Florenz, t. I, Berlin, 1 8 9 6 , p. 7 2 1 - 7 3 0 .
5. Ce document, qui présente également de l'importance pour nous renseigner sur
la composition sociale de la secte des cathares florentins, est publié dans : R. MAN-
SELLI, « Per la storia dell'eresia nella Firenze del tempo di Dante. H processo contro
Saraceno Paganelli », dans Bulleltino dell'Istituto storico italiano per il Medio Evo
e Archivio Muratoriano, 62, 1950, p. 123-138.
6. Cf. N . O T T A K A R , « La condanna postuma di Farinata degli Uberti », dans Studi
comunali e fiorentini, Florence, 1948, p. 115-123.
7. Les documents ont été recueillis par L. F U M I , Codice diplomatico della città d'Orvieto,
Florence, 1884. Voir aussi W. C H E R U B I N I , « Movimenti patarinici in Orvieto »,
dans Bollettino dell'Istituto storico artistico orvietano, t. XV, 1959, p. 3-42.
8 . Sur S. Pietro Parenzo et son assassinat, voir V. N A T A L I N I , S. Pietro Parenzo. La
leggenda scritta dal maestro Giovanni canonico di Orvieto, Rome, 1936,
9. Pour Viterbe, je me permets de renvoyer à mon volume, cité plus haut, L'eresia del
male, p. 290-292.
10.CY. I. VON D Ö L L I N G E R , Beiträge zur Sektengeschichte des Mittelalters, t. II, Munich,
1890, p. 34-35 ; R. M A N S E L L I , op. cit., p. 282.
11.Cf. R . M A N S E L L I , op. cit., p. 2 8 4 - 2 8 5 .
12.Ibid., p. 2 2 1 . Mais voir aussi : A . B O R S T , op. cit., p. 2 3 3 , note 1 7 .
13.Le problème des rapports entre gibellinisme et hérésie est déjà étudié dans R. MAN-
SELLI, op. cit., p. 282-285 ; 292-293.
14.Sur les apostoliques et sur leur importance en Italie, particulièrement après les
premières années du 13e siècle où ils eurent Fra Dolcino pour chef énergique et
audacieux, voir E . D U P R É T H E S E I D E R , < Gli Apostolici e Fra Dolcino », dans Bollettino
di studi valdesi, 108, 1957.
PH. WOLFF
VILLES ET CAMPAGNES
DANS L'HÉRÉSIE CATHARE
R. MANSELLI. — Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas un seul cathare à
Venise ; il y en avait dans toute l'Italie, sans qu'on puisse toujours apprécier
leur importance. Quant à la transformation de l'art, dans la seconde moitié
du 13e et au 14e siècle, ce n'est pas un fait vénitien : l'art de l'Italie et de
l'Europe entière se transforme sous l'effet des discussions religieuses. De
plus, Venise s'éloigne de Byzance dès le 11e siècle, sur le plan des rapports
spirituels, non pas économiques. C'est un fait qui concerne surtout Venise,
mais pas exclusivement.
H. GRUNDMANN
n'a pas la tête pour apprendre, ils répondent : « Apprends un mot tous
les jours, et au bout de l'année tu sauras trois cents mots, et ainsi tu
feras des progrès » (et sic proficies). Erubescat negligentia fidelium doctorum,
dit l'Anonymus aux clercs catholiques, qui ne connaissent pas autant
de textes bibliques que ces hérétiques perfides. Néanmoins, ces hérétiques
ne sont pas devenus des savants. Jamais les vaudois n'ont développé
ni eu l'ambition de développer une théologie savante et spéculative,
comme tant d'autres sectes hérétiques depuis les cathares jusqu'aux
hussites. Sous ce rapport, les vaudois représentent la secte non savante,
laïque et populaire par excellence, bien que je ne croie pas que les motifs
originaux et l'intention primaire de cette hérésie soient de caractère
populaire ou social : ils sont religieux, chrétiens, bibliques. Toujours
est-il qu'on peut étudier la structure sociale et l'impact social de cette
secte qui s'est séparée de l'Eglise presque contre son gré, s'étant persuadée
qu'elle avait trouvé dans la Bible la vraie leçon à laquelle doit obéir la vie
du chrétien en quête de salut. Cette secte s'est séparée également de la
société de son temps, sans être cependant devenue révolutionnaire,
agressive ou subversive. Au contraire, elle avait attiré en général de
petites gens paisibles et pacifiques, dans les villes comme à la campagne,
hospitaliers et dociles, visités par leurs prédicateurs ambulants qu'ils
écoutent et à qui ils se confessent. Ce sont die Stillen im Lande, prototype
d'une secte chrétienne, la seule secte médiévale qui ait survécu jusqu'à
nos jours malgré toutes les persécutions de l'Inquisition.
Il en est tout autrement des cathares, auxquels les vaudois primitifs
se sont opposés, sans se mêler jamais à eux. Personne ne saurait dire quel
est le fondateur de la secte cathare. Si les cathares étaient des manichéens,
leur hérésiarque éponyme Mani était un homme très savant et spéculatif.
S'ils étaient des bogomiles, leur hérésiarque pourrait être alors un prêtre
bulgare. Les cathares eux-mêmes ne savent rien ni de l'un ni de l'autre.
E n Occident, ce sont des prédicateurs ambulants qui ont importé de
l'Orient le catharisme avec son nom grec. Ils prêchent d'abord un genre
de vie apostolique et évangélique tout en donnant eux-mêmes l'exemple ;
c'est pourquoi ils sont bien accueillis. Mais bientôt ils révéleront leur
doctrine dualiste, qui n'est certainement pas d'origine populaire ni pure-
ment biblique. C'est une cosmologie et une mythologie orientales, sans
doute dérivées du manichéisme et qui sont absolument incompatibles
avec la doctrine et la morale de l'Eglise. Peut-être, est-ce ce contraste
qui a procuré aux cathares plus de sectateurs aussi parmi les riches et les
nobles du Languedoc et de la Lombardie que la doctrine dualiste elle-
même et le culte cathare. Je croirais volontiers que les cathares ont exercé
un attrait véritable sur certaines couches de la société du 12e siècle,
beaucoup plus à cause de leur opposition acharnée contre la hiérarchie
ecclésiastique et la doctrine catholique que par leur étrange doctrine
HÉRÉSIES SAVANTES ET POPULAIRES AV MOYEN AGE 213
ont leur origine dans les idées savantes. Le problème me parait être celui de la
« dégradation » des hérésies savantes dans les milieux populaires.
son origine, comme nous l'avons déjà dit, dans les doctrines de la réforme
religieuse du 1 I e siècle, et depuis cette époque, elle persista, sous une forme
ou sous une autre, orthodoxe ou hérérodoxe, savante ou populaire, comme
le signe principal de toute réforme. La doctrine de la pauvreté du Christ
représentait la conjonction des différentes tendances hérérodoxes au
bas Moyen Age.
Le seconde grande manifestation d'hérésie au cours du bas Moyen Age
f u t une forme dégradée de mysticisme mettant l'accent sur l'expérience
directe de Dieu qui rendait inutiles les voies normales de la médiation
ecclésiastique : l'homme pouvait avoir directement l'expérience de Dieu
et s'unir à lui. Or la fréquence de cette attitude dans le peuple est un des
aspects les plus obscurs du problème de l'hérésie.
Dans sa forme spéculative pure, ce mysticisme prend naissance dans
Jean Scot (Erigène) et dans les œuvres des néo-platoniciens, et aboutit,
à la fin du 13e siècle, à la grande fraternité des mystiques allemands,
pour gagner finalement la plus grande partie de la chrétienté, au sud comme
au nord des Alpes. Malgré la condamnation en 1329 d'une partie de l'ensei-
gnement de maître Eckhart, ni lui ni ses disciples ne peuvent être consi-
dérés comme des hérétiques. Quelles que soient leurs aberrations, ils
mirent au centre de leurs préoccupations la quête de Dieu dans l'âme, dans
le style néo-platonicien tel qu'il était généralement accepté. Mais dans sa
forme populaire, le mysticisme fut, dès l'origine, lié à un panthéisme
sans réserve et, du même coup, à ce qu'on ne peut qu'appeler une doctrine
de l'amoralité. Dans la version qu'en donnent les 120 articles d'Albert
le Grand et les huit propositions condamnées par Clément V en 1311,
et dans celle d'Urbain V, de Grégoire X I et de Jean Gerson, et dans les
positions des homines intelligentise, ce mysticisme absolvait ceux qui
étaient unis à Dieu de toute retenue morale ; de plus, il affirmait que l'on
pouvait parvenir à cette union avec Dieu par des moyens naturels. 13
Cette attitude f u t partagée par la plupart des sectes irrégulières et non
reconnues du 15e siècle. Bien qu'on l'attribuât à la confrérie du Libre
Esprit, il est clair que l'association avec ce groupe n'était pas exclusive
et qu'un mode de vie extra-ecclésiastique y trouvait une idéologie. Si
l'on voit les choses ainsi, il semble qu'il serait stérile, et peut-être impossi-
ble de tenter de trouver l'origine de cette attitude dans une source unique
au lieu d'y voir ce qui se rapproche le plus d'une contre-doctrine de la
non-orthodoxie.
Il existe enfin une corrélation encore plus directe entre les concepts
savants utilisés par Wyclif ou par Huss et les conceptions populaires dans
les attaques et les critiques contre l'Eglise. En particulier, le développement
par Wyclif des idées de Gilles de Rome et de Richard Fitz Ralph sur le
pouvoir temporel et la grâce le conduisit à déclarer expressément que
seuls les hommes qui n'étaient pas en état de péché mortel pouvaient
posséder des biens ou exercer une autorité quelconque, et que l'état
HÉRÉSIES SAVANTES, POPULAIRES DANS LE BAS MOYEN AGE 223
Cette même attaque contre les privilège de l'Eglise, si répandue dans tous
les secteurs de la société médiévale tardive, se retrouve dans d'autres
exagérations caractéristiques de la doctrine savante, comme l'autorité
exclusive de l'Ecriture, que Wyclif en vint à opposer à toute juridiction
ecclésiastique. Sur ce point, il était en conjonction avec une des doctrines
les plus fondamentales parmi les sectes hérétiques : l'affirmation de l'auto«
rité suprême en dernière analyse de l'Ecriture; la nouveauté consistait
à dissocier cette affirmation de la tradition ecclésiastique. 11 en va de même
de son enseignement eucharistique. Après l'avoir originellement tiré
d'une position réaliste extrême qui considérait tout être comme indes-
tructible, Wyclif en arriva, au bout d'un certain temps, à en faire une
attaque contre les sacrements tels que les pratiquait l'Eglise. Là non plus,
ce n'était pas la première fois ; cette notion existait chez les hérétiques
depuis le 12e siècle. Nous pouvons donc conclure qu'il y a convergence
entre les doctrines savantes et populaires à la fin du Moyen Age et que
c'est cette combinaison qui mit en cause les valeurs sociales acceptées.
Bien que, sous leur forme la plus extrême, ces idées populaires aient re-
présenté un défi direct à la société, elles prenaient en grande partie leur
source dans une doctrine savante qui n'était pas en elle-même hérétique.
Pourtant les conséquences finales de la croyance dans l'expérience
directe de Dieu, dans la sainteté de la pauvreté, dans la nocivité des
privilèges, dans l'inviolabilité de la parole de Dieu et la prédication se
font sentir dans les groupes irréguliers les plus extrêmes, dans la doctrine
du Libre Esprit, dans les révoltes paysannes, et dans les doutes croissants
sur le rôle de l'Eglise et l'efficacité de sa vie sacramentaire.
Dans ce sens, on peut dire que l'hérésie, à la fin du Moyen Age, est
l'expression la plus extrême d'une prise de conscience plus généralisée
224 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
NOTES
1. En 1277 par Etienne Tempier à Paris et Robert Kilwardby à Oxford. Voir P. MAR-
e
D O N N E T , Siger de Brabant et l'averrolsme latin au 13 siècle, Louvain, 1908 ; E. G I L -
S O N , La philosophie au Moyen Age, Paris, 1944, p. 559 et suiv. ; Gordon L E F F ,
Medieval Thought from St. Augustine to Ockham, Londres, 1958, p. 229 et suiv.
2. En 1333 pour sa doctrine de la vision de Dieu. Voir J. K O C H , Durandus de S. Por-
ciano, Münster-en-W., 1927.
3. 51 articles pris dans son commentaire sur les sentences furent censurés par une
commission ecclésiastique à Avignon en 1326. Voir A. P E L Z E R , « Les 51 articles
de Guillaume Occam censurés en Avignon, en 1326 », dans Revue d'Histoire ecclé-
siastique, t. XVIII, 1922, p. 240-270.
4. En 1329, 27 propositions furent condamnnées à Paris. Voir F. P E I . S T E R , « Ein
Gutachten aus dem Eckehart Prozess in Avignon, » dans Aus der Geisteswelt
des Mittelalters, Festgabe M. Grabmann, Münster-en-W., 1935.
5. L'exemple le plus évident est celui de la doctrine de la pauvreté apostolique,
qui domina les mouvements de la réforme monastique à partir du 11e siècle et,
en même temps, devint l'idée-maîtresse des sectes populaires jusqu'à la fin du Moyen
Age.
6 . Pour l'histoire des béguins, voir surtout H . G R U N D M A N N , Religiöse Bewegungen
im Mittelalter, Hildesheim, 1961 et E. W. Mc D O N N E L L , Beguines and Beghards
in Medieval Culture, Rutgers, 1954.
7 . H . G R Ü N D M A N N , op. cit., p. 135-157.
8. Voir les œuvres citées supra, note I et aussi Chartutarium Universitatis Parisiensis,
éd. par H. Denifle et E. Chatelain, 4 vol., Paris 1889-1891, t. I, p. 543-558.
9 . Voir Gordon L E F F , Gregory of Rimini : Tradition and Innovation in Fourteenth
Century Thought, Manchester, 1961.
1 0 . Pour une bibliographie voir J . M . C L A R K , The Great German Mystics, Eckhart,
Tauler and Suso, Oxford, 1949.
1 1 . Sur le développement de la théorie conciliaire, voir en particulier B . T I E R N E Y ,
The Foundations of Conciliar Theory, Cambridge, 1955.
12. Pour l'histoire de cette controverse, voir les articles de F . E R L E dans Archiv ßr
Literatur und Kirchengeschichte, t. I, 1885, p. 506-695 ; t. II, 1886, p. 108-164 ;
t. III, 1887, p. 553-623 ; t. IV, 1888, p. 1-190. Aussi D . L. D O U I E , The Nature and
the Effects of the Heresy of the Fraticelli, Manchester, 1932.
13. Voir E . G I L S O N , op. cit. ; J. M . C L A R K , op. cit.
14. Reproduits dans W. P R E G E R , Geschichte der deutschen Mystik im Mittelalter, t. I,
Leipzig, 1874, p. 469-471. Pour les corrections à apporter à Preger, voir H . H A U P T ,
« Beiträge zur Geschichte von freien Geiste und das Beghardentums », dans Zeit-
schrift für Kirchengeschichte, t. VII, 1885, p. 503-576, en particulier, art. 41 : quod
homo unitus deo non debet confiteri etiam peccatum mortale, art. 43 : quod homo
unitus deo licite possit tollere rem alterius mendacium.
15. Ad nostrum, dans Corpus Iuris canonici, Leipzig, 1881, t. II, col. 1169.
1 6 . Dans J. L. M O S H E I M , De Beghardis et Beguinabus commentarius, Leipzig, 1 7 9 0 ,
p. 4 1 2 .
17. Dans C . B A R O N I U S et O . R A Y N A L D U S , Annales ecclesiastici una cum critica historico-
chronologica, Lucques, 1738-1759, t. XXVI, p. 240-241.
18. Par exemple De examinatione doctrinarum dans Opera omnia, Anvers, 1706, t. I :
HÉRÉSIES SAVANTES, POPULAIRES DANS LE BAS MOYEN AGE 225
fléchis ; l'arrière-plan est composé de quatre églises peintes sur des rochers.
Les historiens de l'art ont retrouvé le type iconographique, modèle du
miniaturiste; ils ont pourtant constaté que cette illustration est plus
expressive (les robes déchirées, les plaies saignantes, la flagellation) que
la représentation de trois flagellants sur la fresque plus ancienne de la
Chiesa dell'Incoronata à Naples. Notre artiste devait donc avoir entendu
décrire les flagellants hongrois de 1349. Les textes des chroniques ne par-
lent pas du mouvement : les chroniqueurs hongrois tournaient leur at-
tention vers la campagne que la dynastie angevine engageait contre Naples ;
mais les sources étrangères bien nombreuses ne permettent aucun doute
sur l'existence du mouvement en Hongrie. s
L'épopée L'amour de Toldi (1879), un des chefs-d'œuvre du grand poète
Janos Arany, nous donne un magnifique tableau (chants 8 et 9) décrivant
le cortège d'un groupe de flagellants en Hongrie : des paysans, des arti-
sans, des moines, des soldats, des femmes. Cette description reflète l'opi-
nion des historiens contemporains du poète. Le poète dépeint les flagel-
lants d'après Palacky, qui parlait des flagellants en affirmant qu'ils se
fouettaient jusqu'au sang, se confessaient l'un à l'autre et finissaient par
se dépraver. Pal Gyulai, le célèbre critique, constatait la réalité du ta-
bleau peint par le poète, et l'appréciait comme la peinture complète et
vraie de l'époque : « On y voit l'Eglise puissante avec la grâce divine et
l'anathème foudroyant, avec la pénitence silencieuse de ses cloîtres, le
fanatisme et les débauches de ses pèlerins ». Le chanoine Antal Por, bio-
graphe de Louis le Grand, roi de Hongrie, refuse déjà en 1892 la supposi-
tion que le peuple hongrois « zélé, religieux et rationnel » ait pris part aux
« extravagances » flagellantes. Le mouvement devait se limiter selon lui
aux territoires voisins de la frontière carinthienne et styrienne et n'était
rien de plus que la procession vers Hambourg, dont les participants étaient
des Allemands habitant en Hongrie. A l'étranger on parlait des flagellants
hongrois (d'après J.F.C. Hecker, H.Ch. Lea) et on faisait même provenir
le mouvement de Hongrie, mais on n'en parlait plus dans notre pays.
Les historiens plus récents reconnaissent l'existence du mouvement en
Hongrie, mais acceptent avec une certaine méfiance les affirmations sur
son origine hongroise : les causes qui provoquaient le mouvement des
flagellants sont à chercher dans les circonstances particulières à chaque
pays. 4
Voyons maintenant la diffusion du mouvement dans d'autres pays
d'Europe. Tout d'abord, il faut mettre l'accent sur le fait, que les dénomi-
nations des flagellants : Flagellatores, seda Flagellantium, li penant (en fran-
çais), Geissler, Pesserer, Flegler (en allemand), Mrskac (en tchèque) dans
une note marginale : Pickharti, Biczownik (en polonais) rappellent la fla-
gellation d'une part, et d'autre part, qu'ils étaient considérés comme des
hérétiques. Bien nombreuses sont les sources qui parlent de la diffusion
du mouvement en Autriche, en Bohême, en Silésie, en Pologne, en Aile-
232 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
NOTES
Age de 1945 à 1954 », dans Relazioni, t. VI, Florence, 1955, p. 96-97,102 ; M. MOLLAT,
P . JOHANSEN, M. POSTAN, A . SAPORI, C. VERLINDEN, « L ' é c o n o m i e européenne
aux deux derniers siècles du Moyen Age », dans Relazioni, t. VI, Florence, 1955,
p. 951-953 ; H. LEY, Studie zur Geschichte des Materialismus im Mittelalter, Berlin,
1957, p. 239 ; I. TALASI, « A termelés és a nyelv kapcsolata aratömüveleteinkben »,
dans Ethnographia, 1957, Budapest, p. 217 ; J . PERÉNYI, Lengyelorszâg tOrténete,
Budapest, 1962, p. 50, 52.
2. Düringische Chronik des Johann Rothe, Iéna, 1859, p. 591-592 ; S. SUGENHEIM,
Geschichte des deutschen Volkes und seiner Kultur von den ersten Anfängen histo-
rischer Kunde bis zur Gegenwart, t. III, Leipzig, 1867, p. 278 ; J . BALOGH, « Flagellâ-
nsok Magyarorszâgon », dans Ethnographia Népéiet, 1927, Budapest, p. 199 ; B . Ho-
BENSTEINER, Bayerische Geschichte. Staat und Volk, Kunst und Kultur, 2 e éd.,
Munich, 1952, p. 122 ; H. LEY, op. cit., p. 239.
3. J . BALOGH, art. cité, p. 199 ; I. BERKOVITS, « A magyar feudâlis târsadalom tükrö-
zodése a Képes Krônikâban », dans Szâzadok, 1953, Budapest, p. 92 ; Chronica
Principum Poloniœ, dans Scriptores Rerum Silesiacarum (éd. G. A. Stenzel), Breslau,
1835, p. 166 ; Michœlis de Leone canonici Herbipolensis annotata historica, dans
Geschichtsquellen Deutschlands (éd. J . F. Boehmer), t. I, Stuttgart, 1843, p. 476-477 ;
Annales Mechovienses (éd. Pertz), dans M. G.H. S S., 19, Hanovre, 1866, p. 670;
Annales Wratislavienses Maiores (éd. Pertz), dans M. G.H. SS., 19, p. 532.
4. J . ARANY, « Toldi szerelme », dans Arang Jânos összes kolteményei, Budapest, 1941,
p. 216, 219-220 ; G. VOINOVICH, Arany Jânos éleirajza, t. III, 1860-1882, Budapest,
1938, p. 293, 309; A. P6R, Nagy Lajos 1326-1382, Budapest, 1892, p. 180-182;
H. C. LEA, A History of the Inquisition of the Middle Ages, t. II, Londres, 1888
p. 381 ; J . F. C. HECKER, Der schwarze Tod im vierzehnten Jahrhundert, Berlin,
1 8 3 2 , p. 4 4 , 4 6 ; J . BALOGH, a r t . c i t é , p. 1 9 9 ; E . MOLNAR, op. cit., p. 2 9 1 ; G . SZÉKELY,
Tanulmânyok a parasztsâg tôrténetéhez Magyarorszâgon a 14. szâzadban, Budapest,
1 9 5 3 , p. 3 6 6 - 3 6 8 ; I. BERKOVITS, a r t . c i t é , p. 9 2 .
5. Chroniques abrégées, dans œuvres de Froissart, t. X V I I , Bruxelles, 1872, p. 274;
Compilatio brevis chronologica Anonymi (éd. G. Dobner), dans Monumenta Historica
Boemiœ, t. VI, Prague, 1785, p. 485 ; Epitome Chronicœ Neplachonis (éd. G. Dobner),
dans ibid., t. IV, p. 122; Continuatores Pulkavœ, II : Cronica (éd. G. Dobner), dans
ibid., t. IV, p. 132 ; Chronicon Benessii Krabice de Waitmile (éd. G. Dobner), dans
ibid., p. 34 ; Francisci canonici Pragensis partis secundœ chronicœ Pragensis Liber III
(éd. G. Dobner), dans ibid., t. VI, p. 315-316 ; Annales Wratislavienses Maiores,
op. cit., p. 532 ; Chronica principum Poloniee, op. cit., p. 166-167 ; M. Samuel Bogumil
LINDE, Slownik jezyka polskiego, t. I, Lvov, 1854, réédition, Varsovie, 1951, p. 100 ;
S . SUGENHEIM, op. cit., t . I I I , p. 2 7 8 .
6. Chroniques abrégées, op. cit., p. 274 ; Francisci canonici Pragensis... chronicœ, op.
cit., p. 3 1 5 - 3 1 6 ; J . F . C. HECKEH, op. cit., p. 4 2 , 4 6 , 5 1 - 5 2 ; B . BRETHOLZ, op. cit.,
p. 9 8 ; Philo-Lexikon, Handbuch des jüdischen Wissens, Berlin, 1935, col. 44, 69,
1 5 8 , 2 0 0 , 4 9 8 , 5 5 4 , 7 8 5 ; A . PÖR, op. cit., p. 1 7 8 ; H . C. L E A , op. cit., p. 3 7 9 ; S . S U -
GENHEIM, op. cit., t . I I I , p. 279-285 ; I. NAGY, Anjoukori Okmânytâr, t . V, B u d a -
pest, 1887, n° 158 ; L. BARTFAI, Pestmegye okleveles emlékei, Budapest, 1938, n° 309 ;
S. SCHEIBER, « A kôzépkori soproni zsinagôga feltârâsa », dans Uj Élet, Budapest,
1958, III, 15 ; G. SZÉKELY, op. cit., p. 370 ; H. SÉE, Französische Wirtschaftsges-
chichte, t. I, Iéna, 1930; A. COVILLE, L'Europe occidentale de 1270 à 1380, Paris,
1 9 4 1 ; H . PIRENNE, G . COHEN e t H . FOCILLON, op. cit. ; B . HUBENSTEINER, op. cit.,
p. 1 2 1 ; H . L E Y , op. cit., p. 3 4 1 ; H . CONRAD, op. cit., t . I, p . 4 0 6 ; P . VILAR, Histoire
de l'Espagne, Paris, 1947 ; Annales Wratislavienses Maiores, op. cit., p. 532 ; W. DLU-
GOBORSKI, J . GIEROWSKI et K. MALECZYNSKI, Dzieje Wroclawia do rokw 1807,
Varsovie, 1958, p. 142, 149-154, 902 ; H. MARKGRAF, Die Strassen Breslaus nach
16
238 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
ihrer Geschichte und ihren Namen, Breslau, 1896, p. 55, 97, 225-226 ; H. MARKGRAF,
« Der älteste Judenkirchhof in Breslau », dans Mitteilungen aus dem Stadtarchiv
und der Stadtbibliothek zu Breslau, cahier XII, Breslau, 1915, p. 182-183 ; H. MARK-
GRAF, « Die St. Georgenkirche in Breslau », dans Mitteilungen aus dem Stadtarchiv...
zu Breslau, X I I , p. 192-193; Codex Diplomatien Silesiœ, t. III, Breslau, 1860,
p. 73, 100 ; G. KORN, Breslauer Urkundenbuch, t. I, Breslau, 1870, n° 183, 189, 200 ;
Sächsische Weltchronik, Vierte Bairische Fortsetzung, dans M.G.H., Deutsche Chroni-
ken, t. II, Hanovre, 1877, p. 356 ; S. DUBNOV, A zsidôsâg tôrténete az ôkortàl nap-
jainkig, Budapest, p. 201, 212-213, 223-224, 228.
7. E. KALASZ, A szentgotthârdi apâtsâg birtokviszonyai és a ciszterci gazdâlkodâs a
kOzépkorban, Budapest, 1932, p. 39-40, 43, 150-155 ; I. NAGY, D. VÉGHELYI, GY.
NAGY, Zala vûrmegye tôrténete. Oklevéltâr, t. I, Budapest, 1886, n° 366 ; A. THEINER,
Vetera Monumenta Poloniœ ei Lithuaniœ, t. I, n° 694 ; Düringische Chronik des
Johann Rothe, Iéna, 1859, p. 594-595 ; F. GRAUS, art. cité, p. 88.
8 . J . F . C. H E C K E R , op. cit., p. 5 1 - 5 2 , 8 8 ; S. SUGENHEIM, op. cit., p. 278-280 ; Addi-
tamenta ad Chronicon Zwetlense Recentius (éd. H. Pez), dans Script. Rer. Austr.
t. I, col. 541 ; Michaelis de Leone... annoiata historica, op. cit., p. 476-477 ; Chronicon
Benessii Krabice de Waitmile, op. cit., p. 34 ; Francisci canonici Pragensis... chronicse,
op. cit., p. 315-316 ; Annales Wratislavienses Maiores, op. cit., p. 532 ; Annales
Mechovienses, op. cit., p. 670 ; J . BALOGH, art. cité, p. 199.
9. A. THEINER, op. cit., n° 694 ; Chroniques abrégées, op. cit., p. 274 ; Annales Mecho-
vienses, op. cit., p. 670; Chronicon Benessii Krabice de Waitmile, op. cit., p. 3 4 ;
Francisci canonici Pragensis... chronicse, op. cit., p. 315-316 ; Chronica principum
Poloniœ, op. cit., p. 166-167 ; J . F. C. HECKER, op. cit., p. 92, 94 ; Chronicon Claustro-
Neoburgense (éd. H. Pez), dans Script. Rer. Austr., t. I, col. 490-491 ; Chronicon
S. Pétri vvlgo Sampetrinvm Erfvrtense (éd. I. B. Mencken), dans Scriptores Rerum
Germanicarum, t. III, Lipsise, 1730, col. 341 ; Adami Vrsini Molybergensis Chro-
nicon Thvringiœ (éd. I. B. Mencken), dans ibid., t. III, col. 1318 ; Christophori
Lehmanni Chronica der freien Reichs Stadt Speier, 4e éd., Francfort-sur-le-Main,
1711, p. 704 ; G. WENZEL, Magyar Diplomaciai Emlékek az Anjou-korbol, Budapest,
t. II, n° 286, 288, 290; Anjoukori Okmanytar, t. V, n» 156 et diplôme Dl. 4166
dans les Archives nationales à Budapest ; S. SUGENHEIM, op. cit., t. I I I , p. 277-280 ;
A. PÔR, op. cit., p. 181-182; J . BALOGH, art. cité, p. 199; H. LEY, op. cit., p. 460.
DISCUSSION
par les gibelins, parce qu'ils ont probablement assumé le caractère d'une
opposition guelfe au gibellinisme, triomphant après Montaperti.
pour la messe, pour les sacrements, etc. Les bourgeois adhérèrent pour
cette raison à la lutte de Huss pour l'Evangile pur du Christ, pour l'Eglise
du Christ, pour la renaissance de la vie spirituelle, et Huss se servait de
cet appui en tout respect. 11
Les attaques de Huss contre les prélats eurent aussi la sympathie
chaleureuse des miséreux citadins, artisans appauvris, salariés, valets,
servantes, gueux. 14 A Prague, ces indigents représentaient environ 40 %
de toute la population. Leur situation sociale s'aggravait par la dévaluation
de la petite monnaie dans laquelle étaient payés les salaires et par la
hausse constante du prix des objets de première nécessité, ce qu'il est
loisible de prouver à Prague dès le début du 15e siècle.18 Les miséreux
de Prague étaient l'élément le plus révolutionnaire, qui ne demandait pas
seulement d'éliminer les prélats pécheurs, mais cherchait aussi à échapper
à l'emprise économique des maîtres des corps de métiers. C'est pourquoi
les indigents suivaient ceux parmi les disciples de Huss qui poussaient
au durcissement de la doctrine de leur maître et y apportaient les idées
chiliastiques et mystiques. Sous la conduite de Nicolas de D r e s d e " et
Jean de Zeliv™ une fraction révolutionnaire hussite se constitua ainsi
à Prague.
Contre ces radicaux, le centre hussite, dans la ville, était représenté
après 1415 par les partisans de l'ami et disciple de Huss Jakoubek de
St ribro " et, plus tard, de Jean Rokycana « qui commencèrent à s'appeler
calixtins d'après le symbole du mouvement hussite, le calice. Après 1419
et, en particulier, après les premières années de combats, un groupe des
maîtres de l'Université se sépara de ce centre avec, en tête, Jean Pribram
et Krissan de Prachatice 18 qui se rapprochaient graduellement de l'Eglise
catholique et réintégrèrent aussi son sein (surtout après 1432). Tandis
que les artisans des corps de métiers se réclamaient de Jakoubek et
Rokycana, Pribram et Krisâan entraînèrent avant tout l'adhésion de la
partie de la noblesse attachée au hussitisme et du nouveau patriciat
tchèque.
Après 1419, et en particulier après la victoire remportée sur la première
expédition des croisés en 142019, un grand nombre de patriciens quittèrent
Prague et les villes tchèques. Rien que de Prague, par exemple, 1 400 patri-
ciens et bourgeois parmi les plus riches prirent la fuite. Tous leurs biens
considérables (maisons, terres) furent confisqués par la commune révolu-
tionnaire et donnés à ceux qui s'étaient acquis les plus grands mérites
de la victoire « de la parole de Dieu », pour la plupart des artisans des
corporations.»0 Avec ceux-ci, un nouveau patriciat tchèque commença
à se former, qui perdait progressivement de son radicalisme et se rappro-
chait encore de la noblesse. Ses revendications sociales, comme d'ailleurs
celles de toute la bourgeoisie furent satisfaites par le fait que les biens de
l'Eglise tombèrent pour la plus grande partie entre leurs mains, que les
taxes perpétuelles furent abolies en 1421 et que les bourgeois commen-
246 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
NOTES
3. Au début du 15e siècle par exemple, aux environs de Prague et de Kutná Hora
le patriciat était maître de 115 villages serfs ! J . L I P P E R T , « Bürgerlicher Landbesitz
im 14. Jahrhundert zur Ständefrage jener Zeit », dans MVGDB, t. XL, p. 1 et suiv.
4. Dès 1309, le patriciat de Prague croisa l'épée avec la noblesse et s'évertua d'obtenir
les privilèges économiques et politiques. Sous le règne de Charles IV (1346-1378),
le patriciat jouissait de l'appui du gouvernement royal.
V
5. Les vues critiques de Jan Huss et du grand penseur tchèque Thomas de Stltné
(mort en 1401) sur les pratiques usuraires des praticiens ont été citées dans l'ouvrage
de J. M A C E K , Tâbor v husitském revolucnlm hnutíl (Tábor et le mouvement révolu-
tionnaire hussite), t. I, Prague, 1956, 2 e éd., p. 90.
6. Un traitement d'ensemble quant à la question des nationalités à l'époque hussite
a été donné par J. MACEK, « Národnostni otázka v husitském revolucnlm hnutl »
(• La questionnes nationalités dans le mouvement révolutionnaire hussite »), dans
Ceskoslovensky casopis historicky (par la suite CSCH), t. III, 1, Prague, 1955, p. 4-30.
7. Un résumé synthétique général de l'histoire du hussitisme et, en particulier, l'analyse
de la structure sociale de ce mouvement ont été donnés par J . MACEK, Husitské
revolucni hnuti (Le mouvement révolutionnaire hussite), Prague, 1952. L'alliance
abominable du patriciat marchand usurier avec la noblesse et surtout avec les
prélats a été soumise à une critique sévère aussi par le célèbre penseur tchèque et
père des idées de l'Unité des Frères, Petr Chelcicky (1390-1460), en particulier
dans le traité O trojim lidu (Des trois groupes sociaux), éd. à Prague, 1940.
8. Les émeutes des corporations contre le patriciat qui ont eu lieu par exemple à
Brno en 1378 et à Jihlava en 1391 en portent le témoignage.
V / V V V
9. B. M E N D L , Z hospodárskych dejin steedoveké Prahy (En marge de l'histoire économique
de la Prague médiévale), Prague, 1925, p. 165.
10. Les vues critiques de Jean Huss sur l'Eglise et avant tout sur ses richesses ont été
recueilies et appréciées dans le livre sommaire de J. M A C E K , Jan Hus, Prague, 1961.
Voir aussi J. MACEK, Jean Huss et son époque (Histórica X I I I Prague 1966, p. 51-80).
11. Le fait que Jean Huss entretenait des relations amicales avec la bourgeoisie tchèque
est attesté non seulement par son activité de prédicateur dans la Chapelle de Bethléem
(destinée à la prédication de la parole de Dieu aux bourgeois tchèc^ues), par sa corres-
pondance (par exemple les lettres adressées aux bourgeois de Plzen, Louny et surtout
Prague mais aussi le fait que, dans la doctrine des trois groüpes sociaux, Jean Huss
rangeait les artisans bourgeois dans le second groupe à côté des nobles.
V V V
12. C'est la monographie de F. GRAUS, Mestská chudina v dobe predhusitské (Les indi-
gents des villes à l'époque préhussite), Prague, 1949, qui représente l'ouvrage de base
sur les miséreux d'origine citadine.
1 3 . F . G R A U S , ibid., en a donné les preuves sûres dans un excursus spécial, p. 1 8 9 ,
note.
14. Nicolas de Dresde avec son frère Pierre de Dresde avaient fondé une école à Prague
à l'usage des enfants de la bourgeoisie. Nicolas devint fameux par la manière dont
il excitait les simples gens à la résistance contre l'Eglise, en faisant porter à travers
la ville des images malmenant l'Eglise contemporaine. En outre, il fut connu par
ses attaques violentes contre la noblesse, le patriciat et les échevins de Prague.
A son nom est liée aussi la première communion avec l'emploi du calice (en 1414).
Nicolas de Dresde fut expulsé par les prélats de Prague et brûlé vif à Meissen comme
hérétique avant 1419. Jean de Zeliv le citait toujours à côté de Jan Huss comme
son maître. Cf. J. M A C E K , Tábor v husitském revolucnlm hnuti, op. cit., t. I, p. 166-
170. Une étude spéciale révélatrice a été consacrée à Nicolas de Dresde par J , SED-
LÄK, « Mikulás z Dràzdïan » (« Nicolas de Dresde »), dans Hlidka, t. XXXI, 1914.
Au nom de Jean de Zeliv, prédicateur à l'église Notre-Dame-des-Neiges est lié
VILLES ET CAMPAGNES DANS LE HUISS1TISME 251
défense du pays natal. A partir de 1420 on observe au contraire une tendance bien
claire de gagner la population allemande à la lutte pour le calice.
23.Comme il n'y avait pas depuis 1419 de gouvernement royal dans le pays les éche-
vins de Prague prirent la place des magistrats royaux et édifièrent une organisation
solide de la fédération urbaine. Néanmoins, six villes dans le Sud et le Sud-Ouest
de la Bohême se séparèrent de Prague en 1421 et se lièrent par des accords d'amitié
avec Tâbor. Il y avait ainsi 7 villes tâborites contre 23 membres de la fédération
praguoise. Progressivement, la fédération urbaine tâborite gagna du terrain et,
en 1427 groupa sous sa conduite 33 villes tchèques au total, alors que la fédération
de Prague ne comptait que 4 villes. Pour ce développement voir J. M A C E K , Husitské
revolucnl hnutl, op. cit., p. 104, 120, où l'on trouve aussi des cartes.
25.Les Quatre Articles de Prague demandaient :
1° que la parole de Dieu soit prêchée librement et sans entrave d'aucune sorte;
2° que le corps et le sang du Christ soient reçus sous la double espèce du pain
et du vin ;
3° que la domination séculière du clergé cesse ;
4» que les péchés capitaux soient sanctionnés par des personnes désignées à cet
effet.
Le programme des Quatre Articles se dévelopa à partir des pèlerinages sur les
montagnes en 1419 et fut formulé en 1420 à Prague en tant que programme commun
de tous les partis hussites. Les hussites ne sont toutefois jamais parvenus à un accord
quant à la teneur exacte des Articles et surtout quant à leur interprétation. Pour
les Tâborites et Jean de Zeliv, les Quatre Articles représentaient le programme
minimum, pour les Calixtins ce fut pourtant le maximum. Pour l'origine des Quatre
Articles et de leur importance, voir J. M A C E K , Tâbor v husitském revolucnlm hnutl,
op. cit., t. II, Prague, 1955, p. 219 et suiv.
26.A partir de 1420, les hussites firent des efforts systématiques en vue d'informer
l'étranger de leurs buts. Les manifestes hussites de Prague circulaient à Cracovie,
Rome, Barcelone, Bâle, Paris, Erfurt, Leipzig, Cologne-sur-Rhin et Cambridge.
L'essence de ces manifestes était l'interprétation et la justification détaillée des
Quatre Articles de Prague. Cf. F. M. B A R T O S , Husitstvl a cizina (L' hussitisme à
l'étranger), Prague, 1931.
V
27.F. M. B A R T O S , « Manifesty mësta Prahy z doby husitské » (« Manifestes de la ville
de Prague de l'époque hussite »). dans Sbornlk prlspevkùke dejinâm blavnlho mesta
Prahy, t. VII, Prague, 1932.
28.En 1429, le roi Sigismond invita le chef des hussites, Procope le Grand, aux négo-
ciations à Bratislava. On ne parvint pourtant à aucun arrangement, car à cette épo-
que Sigismond insistait encore sur la capitalution des armées hussites.
29.La convention de Cheb f u t l'accord préliminaire entre les représentants du Concile
de Bâle et les hussites, conclu à Cheb, le 18 mal 1432. Dans cet acte, on assurait aux
hussites le droit de discuter librement au concile, on leur reconnaissait la qualité
de partenaires de plein droit dans le litige, on leur garantissait la possibilité de se
préparer aux discussions et on stipulait que l'arbitre dans la controverse entre l'Eglise
et les hussites devait être l'Evangile, la pratique du Christ et l'Eglise des apôtres.
Ce fut un succès magnifique des hussites, conséquence de la brillante victoire rem-
portée sur la cinquième croisade près de Domazlice en août 1431. Pour la première
fois dans l'histoire de l'Eglise catholique, ses représentants s'engagèrent dans un
traité à discuter les questions litigieuses avec les hérétiques.
30.Aux termes du traité dit de saint Venceslas conclu en 1515, la bourgeoisie conser-
va ses droits politiques (participation à la diète, mais perdit ses privilèges écono-
miques au profit de la noblesse).
VILLES ET CAMPAGNES DANS LE HUISSITISME 253
hauteurs auxquelles ils donnaient des noms bibliques (Tàbor, Oreb, Berânek). Sur
les montagnes, les serfs constituaient leur unité, communiaient sub utraque specie,
écoutaient les sermons et s'organisaient pour les prochains combats. Si nous projetons
sur la carte les cinq « villes élues » et « les collines », nous verrons comment ces deux
formes de concentration et d'organisation du peuple hussite se complètent. Ces pèle-
rinages sur les montagnes n'avaient pas lieu dans les régions où les villes étaient
entre les mains des hussites. Les hussites s'assemblaient sur les montagnes uniquement
dans les contrées où les ennemis du calice tenaient les villes. (Voir les cartes dans le
livre de J . MACEK, Tàbor..., t. I, p. 2 2 3 ) .
38.Aussi dans cette ville et dans ses environs qui appartenaient à une famille noble,
nous pouvons suivre dès le 14e siècle les traces de l'hérésie populaire (les soi-disant
vaudois).
39.Tabor adopta pour règle l'élection des fonctionnaires spéciaux désignés à gérer
les caisses communes. Le peuple élut aussi quatre commandants (helmans) de quatre
armées à partir desquelles une armée permanente se développa. En 1420, le comman-
dant en chef f u t Nicolas de Hus, organisateur des pèlerinages sur les montagnes en
1419 (J. MACEK, Tâbor..., t. II, p. 43-135 où l'on donne aussi une analyse détaillée
du chiliasme taborite).
40.La carte des villages dont les sujets s'en allèrent à Tâbor et soutenaient les Tâborites
ainsi que la carte des villages disparus en connexion avec la naissance de Tàbor ont
é t é fournies p a r J . MACEK, Tâbor..., t . I, p. 278, 320.
41.Nous apprenons que, dès 1420, des valets allemands et des domestiques de Budë-
jovice se réfugièrent à Tâbor, qu'il y avait là aussi des sujets autrichiens, des misé-
reux de Pologne et des prédicateurs slovaques (en particulier Lucas de Nové Mesto
sur Vâh), cf. (J. MACEK, Nârodnostnl otâzka... (La question des nationalités...), p. 27-28.
E n 1421, les sujets en Moravie se soulevèrent et fondèrent un nouveau Tâbor près
de Nedakonice (près de Uherské Hradiste). Avant de pouvoir recevoir le secours du
Tâbor tchèque, ce nouveau Tâbor f u t toutefois attaqué et détruit par le roi Sigis-
mond, les seigneurs et les prélats.
42.Tandis que par exemple, la jacquerie française s'efforçait en vain d'opérer cette
jonction et que le soulèvement de W a t Taylor marque seulement une union brève et
incomplète de la ville et des campagnes, dans la Prague hussite de 1420. en effet,
tout le pays s'unit et se concentra.
43.Les calixtins ouvrirent l'attaque sur le Tâbor des gueux conjointement avec les
seigneurs catholiques au printemps de 1420. Des centaines de Tâborites furent massa-
crés et brûlés vifs sur les bûchers (les calixtins hérétiques brûlent vifs les hérétiques
picards et adamites I) et même dans les rencontres militaires, les Tâborites furent
vaincus. En octobre 1421, le Tâbor chiliastique était liquidé et commençait à se
développer en ville médiévale normale.
44.En examinant la structure sociale de Tâbor telle qu'elle ressort des inscriptions
dans les registres de bailli des années 1 4 3 2 - 1 4 5 0 , nous constatons qu'elle est ana-
logue à celle des villes de Znojmo, Louny ou de la Vieille Ville de Prague. Cf. tableau
n» I I I , J . MACEK, Tàbor..., t . I, p. 298.
V
45. Jean de Zeliv instaura à Prague en 1421, avec l'appui des miséreux et des petits
artisans, une dictature révolutionnaire. La bourgeoisie aisée, soutenue par la no-
blesse et les maîtres calixtins de l'Université, s'acharnaient toutefois à mater son
pouvoir. Ils l'attirèrent avec ses compagnons dans un guet-apens dressé à la mairie
de la Vieille Ville, le firent arrêter et exécuter sans jugement le 9 mars 1422. Par la
mort de Jean de Zeliv et de ses compagnons, Prague f u t complètement soumise à
la domination des bourgeois. CfJ. MACEK, Husiiskérevolucnihnuti, op. cit., p. 106-107.
VILLES ET CAMPAGNES DANS LE HUISSITISME 255
Petr Keltschitski, injustement méconnu parce qu'il n'a écrit qu'en tchèque.
Pouvons-nous enfin continuer à parler d'hérésie en présence d'une hérésie
victorieuse ? Une hérésie ne s'affirme qu'au sein d'une Église. Je pense qu'il
faudrait apporter des nuances, pour l'étude du mouvement hérétique au
Moyen Age, aux contours que nous dessinons, et qui sont d'autant plus
tranchés que notre connaissance s'appuie sur les sources de l'Inquisition.
J e me refuse pour ma part à considérer le protestantisme comme une
hérésie.
C. VASOLI
On retrouve les mêmes thèmes, mais repris avec un accent encore plus
polémique, dans le Compendio di contemplatione.13 C'est peut être l'ou-
vrage de Bernardino le plus chargé d'intentions « doctrinales » et où il
est probablement plus facile d'entrevoir l'influence personnelle du plus
grand protecteur de la « secte », le savonarolien Jean-François Pico lié
pourtant à des courants bien différents de la spiritualité religieuse contem-
poraine. Dans ces pages, Bernardino trace un véritable programme de
264 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
Pareille insistance sur l'humilité et sur la libre foi des « vrais chrétiens »,
ainsi que la revendication du don prophétique qui témoigne de la vérité
et de la pureté des doctrines, n'est certainement pas un motif nouveau.
C'est un trait caractéristique et courant dans l'histoire des conventicole
ou sectes populaires qui foisonnent si souvent aux marges ou en dehors
UNE SECTE HÉRÉTIQUE FLORENTINE : LES « OINTS « 265
laient ou faisaient n'importe quel geste, ils indiquaient par là que les
Français viendraient en Italie, ou bien les Allemands ou les Turcs, ou
que l'Eglise était proche de la ruine, et d'autres fantaisies semblables ».
NOTES
18. P. PARENTI, dans SCHNITZER, Savonarola nach den Aufzeichnungen des Florentiners
Piero Parenti, Leipzig, 1910 (Quellen und Forschungen zur Geschichte Savonarolas,
IV), p. 302.
19. Incipit : Petrus Bernardus inutilis servulus Jesu Christi atque omnium puerorum
bone voluntatis, venerabili viro egregio decretorum doctori domino Jacobo Caniceo
parmensi... reverendissimi domini Archiepiscopi fiorentini in spiritualibus et tem-
poralibus vicario generali salutem sempiternam dicit et optai. Explicit : Sub die
XXX mensis septembris, anno graiie MCCCCC, in monte Olympa (Bibliothèque
nationale de Florence, ms. Magliabechiano, X X X V , 116, f° 73-75. Dans le même
manuscrit, aux f 0 69 v-72 v, on trouve une autre Epistola ai Fanciulli de Bernardino,
encore inédite).
20. Operecta dell'illustrissimo Signor Johanfrancesco Pico delle Murandola in defensione
della opera di Pietro Bernardo da Firenze, servo di Jesu Christo. A.M. Domenicho
Benjujeni fiorentino, amicho suo, mandata addi [lacune] settembre 1501, ibid.,
f» 104-116. L'Operecta a été éditée par P. Cherubelli dans une publication à l'occa-
sion d'un mariage (Florence, 1943).
21. Sur la mort de Bernardino voir ce qu'en dit le dominicain savonarolien Luca
Bettini, un autre réfugié de la Mirandole : cf. A. GIORGETTI, « Fra Luca Bettini »,
dans Archivio Storico Italiano, t. L X X V I I , 1919, cahiers 3-4, p. 222 : Item dicitur
quod quidem Petrus Bernardus de hisdem criminibus damnatus est. Quod etiam falsum
esse apparet ex processu et confessione et etiam sententia ejusdem, quibus non de
hœresis et scismatis sed de sodgomiœ crimine damnatus probatur. Habentur autem
scriplurœ hujus Mirandulse apud comiiem ubi combustus fuit propter taie crimen.
Il est à remarquer que Bettini entend écarter le moindre soupçon d'hérésie de
la tradition savonarolienne. D'autres renseignements encore dans les études du
savant mirandolien. F. CERETTI, dans Memorie storiche della citta e ducato della
Mirandola, 1872-1877. Un témoignage précis sur le lieu de la mort de Bernardino
se trouve dans Francesco VETTORI, Viaggio in Allemagna, Paris, 1837, p. 16.
Pendant sa détention à la Mirandole, Bernardino composa un Commento al Salmo
XVIII : Psalmo esposto per Pietro Bernardo di Firenze, servo imprigionato di
Christo alla Mirandola, mentre ere in prigione (Florence, Antonio, Tubini, 1502 ?
mais certainement pas 1500, comme l'affirme le Gesamtkatalog der Wiegendrucke
au n° 3892). L'exemplaire que nous avons consulté se trouve à la Bibliothèque
nationale de Florence, fonds Landau-Finaly, n° 45.
A. BORST
LA TRANSMISSION DE L'HÉRÉSIE
AU MOYEN AGE
cadre de ces hérésies, le Moyen Age en soi, était moins stable dans sa vie
religieuse et sociale qu'il n'apparaît depuis la Réforme luthérienne et le
concile tridentin ; quant aux hérésies du Moyen Age il reste au moins que
leur transmission était rapide, mais éphémère, que leur vie était courte,
mais intense. A mon avis, cette intensité brutale et radicale, cette tenta-
tive de réaliser une idée religieuse sans le secours initial d'institutions
sociales, a contribué à la nécessité de redéfinir toujours de nouveau l'inter-
dépendance de la pensée et de la réalité, du Moyen Age à nos jours.
NOTES
X. Innocent III, épftres I, 94 ; I, 162 ; I, 509 ; II, 1 de 1198 et 1199 (MIGNE, P.L.,
t. CCXIV, col. 82, 143, 472, 537). La même comparaison d'après Juges XV, 4-5,
se trouve chez Etienne de Bourbon : A. LECOY DE LA MARCHE, Anecdotes historiques,
légendes et apologues tirés da recueil inédit d'Etienne de Bourbon, dominicain du
13 e siècle, Paris, 1877, p. 278.
3. C. DOUAIS, Documents pour servir à l'histoire de l'Inquisition dans le Languedoc
t . II, Paris, 1900, p. 102, 109. Parmi les sœurs du comte Raymond-Roger de Foix
l'une, Esclarmonde, était cathare, l'autre, Cécile, vaudoise.
3. Summa contra Calharos (Codex Vaticanus latinus, 4255, f° 66 v).
4. Raoul GLABER, Les cinq livres de ses histoires, éd. M. Prou (Collection de textes),
Paris, 1886, livre II, chap. X I , p. 49.
5. GUIBERT DE NOGENT, Histoire de sa vie, éd. G. Bourgin (Collection de textes),
Paris, 1907, livre III, chap. X V I I , p. 213. Cf. A. BORST, Die Katharer, Stuttgart,
1953, p. 251-252.
6. ANSELME D'ALEXANDRIE, Tractatus de hereticis, éd. A. Dondaine (< La hiérarchie
cathare en Italie », dans Archivum Fratrum Prœdicatorum, t. X X , 1950, p. 308-
324, ici p. 308).
7 . E V E R V I N DE S T E I N F E L D , Epistola 4 7 2 ad Bernardum ( M I G N E , P.L., t. C L X X X I I ,
col. 679).
8. ANSELME D ALEXANDRIE ( c f . n o t e 6), p . 3 0 8 .
9 . B E R N A R D DE CLAIRVAUX, Sermones i n Cantica 6 5 et 6 6 ( M I G N E , P.L., t. C L X X X I I I ,
c o l . 1 0 9 2 , 1 1 0 1 - 1 1 0 2 ) . C f . H E R I B E R T U S MONACHUS, Epistola de hœreticis Petragoricis
( M I G N E , P.L., t . C L X X X I , col. 1722).
1 0 . E C K B E R T DE SCHÖNAU, Sermones contra Catharos, X I , 1 ( M I G N E , P.L., t. CXCV,
c o l . 8 4 ) . C f . A . BORST, Die Katharer, p. 107.
11. MATTHÄUS PARISIENSIS, Chronica majora, a d annum 1243 (Rerum Britannicarum
Medii Mm scriptores, t. LVII, 4, p. 271).
1 2 . C . D O U A I S , op. cit., p. 259.
13. M. BELHOMME, « Documents inédits sur l'hérésie des Albigeois », dans Mémoires
de la Société archéologique du Midi de la France, t. VI, 1852, p. 101-146, ici p. 144-145.
14. PH. VAN LIMBORCH, H istoria Inquisitionis, Amsterdam, 1692, p. 190, 230.
C f . A . B O R S T , Die Katharer, p. 217.
DISCUSSION
B. GEREMEK. — Je n'ai pas évoqué ici l'origine des idées, mais leur diffu-
sion. E t pour la diffusion, je crois que les routes sont d'une importance
très grande.
ainsi les idées qui sont en mouvement à l'époque. Or, si nous prenons les
exemples qui nous ont été donnés tout à l'heure, que ce soit le meunier,
que ce soit le forgeron ou le tisserand, nous avons toujours à faire à des
métiers qui, par définition, impliquent des déplacements, une circulation
physique des hommes, plus favorable que tout autre à la circulation des
idées. Il y a dans l'ensemble de la société médiévale des milieux qui sont
plus mobiles que d'autres et je crois que ce sont ces milieux-là que nous
allons retrouver chaque fois que nous parlerons de la transmission des
hérésies.
R. MANDROU
LA TRANSMISSION DE L'HÉRÉSIE
A L'ÉPOQUE MODERNE*
Trois types d'imprimés ont été utilisés simultanément par les hérétiques
(et leurs adversaires) : d'abord l'ouvrage, que nous pouvons appeler savant :
traductions du Nouveau et de l'Ancien Testament en langue vulgaire, com-
mentaires des Pères de l'Eglise, réfutations théologiques, c'est l'énorme
masse des écrits doctrinaux, que rassemblent aujourd'hui encore les mains
pieuses des héritiers spirituels : pensons aux cent volumes des œuvres
de Luther dans l'édition d'Erlangen, aux cinquante-huit tomes de Calvin
dans l'édition de Brunswick ; pesants in-folio ou in-quarto, ces instruments
de la discussion théologique ont constitué pendant des siècles la partie
la plus connue (au moins par ses titres) de la « propagande » hérétique.
Controverse d'ailleurs entrée pour ainsi dire dans les habitudes des dis-
puteurs, puisqu'elle s'est maintenue longtemps après l'apparition des
hérésies du 16e siècle : faut-il rappeler sur ce point, dans la seconde moi-
tié du 17e siècle, maintes histoires du papisme, ou encore le célèbre ou-
vrage de Claude contre Nicole, défense des réformés en réponse aux at-
taques d'un bouillant janséniste? 2
Beaucoup moins connu est le libelle qui nous paraît l'instrument par
excellence de la diffusion populaire des « idées nouvelles ». Alors que l'ou-
vrage de théologie est un livre relié, lourd et cher, et qui ne peut être acheté
que par des gens riches, le petit livret de quelques pages, liées ensemble
par un simple cordon, mal imprimé sur un méchant papier, est destiné
à une autre clientèle : moins exigeante peut-être sur le plan de la doctrine,
LA TRANSMISSION DE L'HÉRÉSIE A L'ÉPOQUE MODERNE 283
mais ce ce n'est pas sûr ; en tout cas capable de se contenter d'une démons-
tration et d'affirmations rapides.
Ce que fournit habituellement ce petit livre bon marché : il est tantôt
un exposé sommaire d'un point de doctrine, d'un article de catéchisme ;
le 28 juillet 1534 est arrêté à Rouen un imprimeur Jehan de Bourges, cou-
pable d'avoir mis en vente un libelle de quelques pages intitulé La doc-
trine nouvelle, exposé succint du luthéranisme.
Tantôt, le libelle traite d'un problème d'actualité politico-religieuse :
c'est évidemment le cas principalement pendant nos guerres de religion,
et surtout entre 1584 et 1610. Le Journal de l'Estoile est ici bon témoin :
voici notre bourgeois parisien qui achète le 27 juin 1607 un « méchant
petit livret », intitulé Taxes des parties casuelles de la boutique du Pape,
imprimé à Lyon en 1564 ; il ajoute : « il y avait longtemps que j'en cher-
chais un pour remettre en la place de celui que je brûlai à la Saint-Bar-
thélémy, craignant qu'il me brûlât ». Deux jours plus tôt, il a noté dans
son livre, qu'il possède au total 53 libelles traitant de l'interdit de Venise,
dont 19 sont en italien et en double. 3
Enfin, le libelle peut être aussi, très souvent, un recueil de chants :
« psaumes de David translatés par Clément Marot », chansons polémiques
écrites dans le feu des combats à l'heure de la Ligue. 4
Petit psautier, pamphlet, ou recueil doctrinal, le libelle est tout autant
que l'ouvrage savant entré dans la tradition des hérésiologues. La vigi-
lance des autorités, judiciaires ou ecclésiastiques, s'exerce encore long-
temps à l'égard des « fauteurs de libelles ». Un seul exemple : en 1705, le
parlement de Paris prononce un arrêt ordonnant «la suppression du li-
belle intitulé De la Correction fraternelle ou de l'obligation d'empêcher le
mal d'autruy quand on le peut, et défenses à tous imprimeurs et libraires
de l'imprimer, vendre et débiter ». 5
A l'heure actuelle, il n'existe pas, à notre connaissance, d'enquête sys-
tématique entreprise pour recenser cette littérature anonyme, souvent
difficile d'accès dans les bibliothèques, et surtout pour en étudier les thèmes,
les mots d'ordre : tâche essentielle pour prendre la juste mesure de la
diffusion des doctrines hérétiques.
Troisième forme enfin d'imprimé hérétique : le placard, bien connu au
moins pour quelques moments décisifs (Wittemberg, Amboise) ; en fait,
l'affiche apposée de nuit en bonne place (carrefour, porche d'une église,
maison de ville) a été d'emploi constant pendant toute l'époque moderne,
sans désemparer. Les archives judiciaires sont partout riches de pour-
suites contre ces insolents placardeurs qui offrent en pâture aux badauds
les formules provocantes d'une vérité nouvelle.
Les exemples en pulluleraient pour la seconde moitié du 16 e siècle. Mais
voici, dans le premier quart du 17e, deux cas fort typiques : en 1623, le
parlement de Dijon s'émeut fort : « le premier président met sous les yeux
des chambres assemblées u n maudit et détestable placard trouvé au coin
284 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
Tels sont les moyens, nouveaux essentiellement par leur masse, que
l'imprimé met à la disposition de l'hérésie moderne : ils n'excluent évidem-
ment pas (au contraire ils appuient) la transmission de bouche à oreille,
la diffusion obscure, presque souterraine des idées hérétiques par les
« obscurs prédicateurs itinérants, prédicants secrets », qui constituent la
piétaille du prosélytisme hérétique. Ils n'excluent pas plus, nous venons
de le voir, les formes savantes de discussions orales, dont les érudits et les
honnêtes hommes de l'époque moderne restent friands. Du moins cette
rapide présentation nous autorise-t-elle maintenant à dégager brièvement
quels traits nouveaux présente la transmission de l'hérésie moderne.
souvent été noté par les historiens de l'hérésie à propos des grands textes,
les traductions de la Bible en langue vulgaire, ou encore des manifestes
comme L'Institution chrétienne. Mais il conviendrait de tenir compte de
cette permanence à l'endroit de toute cette abondante littérature de
libelles polémiques ou doctrinaux évoqué plus haut.
N'est-ce point aussi cette permanence d'ailleurs qui a aidé les hérésies
triomphantes dans leur système d'enseignement : partout les académies
protestantes, à Genève, à Sedan, sont d'abord des écoles de lecture, de
même que les pasteurs qui en sortent sont des maîtres de lecture : le livre,
arme du combat hérétique, nous retrouvons là une de ces évidences bien
connues...
NOTES
qui est sans doute pire — à réussir selon les critères les plus étrangers à
son génie, ceux de la quantité.
Seules les hérésies qui, par rapport aux réflexes de défense de la société
de l'époque, paraissent menacer l'existence de ce milieu de coexistence,
doivent être annihilées. Ainsi l'anabaptisme, irrationnel, eschatologique
et dangereusement épidémique; ainsi peut-être l'acharnement de la
monarchie absolue jusqu'à tirer de la terre de leur repos les restes corporels
des religieuses de Port-Royal, si le jansénisme a été l'exemplarité orgueil-
leuse de l'autre société, un érémitisme laïque blasphémant le siècle, à
tout le moins le dessin d'une image de perfection irréductible à la double
création sociale, encore confondue, de l'aristocratie et de la bourgeoisie.
D'autre part, le commerce de fait avec l'hérétique notoire ou habituel,
constitué en groupes, en Eglises ou en sectes, ou bien l'hérétique en tant
qu'individu — il n'est point question alors de parler de personnes —,
va poser dans la vie sociale la constante d'un état de tension, paroxystique
quand il sourd mais bien vite cristallisé en passivités habituelles. L'hérésie
étant, selon que disent les théologiens, erreur dogmatique et persévérance
volontaire dans cette erreur, et l'hérétique s'analysant à son tour comme
professant l'hérésie et comme personne physique, deux grands complexes
psycho-sociologiques vont se mettre en place dans la société de l'hérétique
présent.
L'un est celui de la controverse. Autrement dit le jeu public de la
démonstration de la vérité, où il s'agit, au mieux, de triompher de l'héré-
tique et de convertir l'homme. Postulats communs à ce grand jeu : la
démonstrabilité des vérités doctrinales ou de foi soit par raison soit par
preuves d'un autre ordre, toutes plus ou moins non violentes, et dont la
pacifique violence sera nourrie essentiellement par un recours aux cons-
tantes de l'expérience humaine dans l'espace et dans le temps, à ce consen-
sus, qui est le principe même de ce que nous appellerions aujourd'hui
l'anthropologie générale ; l'ouverture présumée, attendue, du vaincu à la
vérité, c'est-à-dire la transposition grandissante d'un monde de la grâce,
surnaturel ou du moins à deux niveaux, divin et humain, en un monde
de la lumière, articulé lui aussi dans la hiérarchie ou l'opposition des
ténèbres et de la lumière. Il serait aisé de rendre manifeste combien ce
monde de la controverse se crée à lui-même sa propre société fictive, société
d'argumentation humaine indépendante dissociée du divin mais aussi
de la vie. Sa seule justice humaine est sans doute ce qui lasse à bon droit
le courage des historiens, la puissance d'user par la redite, l'argumentation
indéfiniment reprise — ce que seulement pouvait permettre l'usage, bon
ou mauvais, de l'imprimerie —-, et dans ce combat inlassé, quasi à lon-
gueur des siècles modernes, la lente exploration, au-delà des hommes et
comme malgré eux, de domaines neufs de l'immanence humaine et la
découverte, par fulgurances d'abord, puis lentement, très lentement
294 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
tion de l'hérésie. « Celle-ci, tâche de l'être social qui demain fera de l'im-
pur un hérétique.
A la hauteur du Bossuet de l'Histoire des Variations, l'hérésie est va-
riation : elle est aussi, par rapport à un fonds commun, choix, c'est-à-
dire opinion particulière. Dans cette dernière acception, qui est celle de la
fidélité étymologique, il est certain que l'existence des hérésies modernes,
leur vie proliférante, persévérante et tourmentée expriment un procès
possiblement dialectique entre le particulier et le commun, l'homme et
Dieu, la conscience individuelle et le corps de la révélation. En procè-
dent naturellement, à tous les états de manifestation d'une conscience
d'abord collective puis monadiquement individuelle, l'individualisme mo-
derne, plus ou moins inconscience de société, et cette découverte d'un
ordre humain immanent, de soi créateur, qui est peut-être le don le plus
généreux de la société occidentale moderne à notre méditation d'hommes
d'aujourd hui.
Mais c'est davantage les rapports de l'hérésie et du temps que je vou-
drais quelque peu éclaircir. De par sa nature, ou de par son événement,
l'hérésie est accident historique. Sous la plume de Calvin, dans l'Ins-
titution chrétienne, revient sans cesse le pluriel : dans la vie de la religion,
c'est un mal endémique et contingent. Si bien que toute hérésie qui dure
doit tendre à dépasser sa propre temporalité. Il ne saurait y avoir de tra-
ditions hérétiques — ce sont celles du mal-être religieux. Dès lors l'élec-
tion d'éternel se fera, dans l'hérésie moderne, à travers l'exigence d'un
retour à la pureté originelle, celle de l'Ecriture, celle de la primitive Eglise,
celle des temps apostoliques. Fiction d'exemplarité qui transcende l'his-
toire ou en nie du moins la continuité créatrice. Elle transmue de l'his-
torique en éternel, mythique de l'éternel retour, qui a, pour la vie dans
le présent, ce double avantage de retarder les échéances de toute explosion
d'angoisse individuelle et surtout de laisser pour la vie temporelle immé-
diate les mains libres.
Ici s'insèrent, me semble-t-il, les grandes thèses sur l'éthique calviniste,
ou la religion des quakers et le capitalisme. Peut-être s'agit-il d'ailleurs
moins d'une éthique, que d'une insertion entière en la vie du présent.
L'hérétique est maître de son présent. Ce que ne peut pas être l'orthodoxe.
Face aux hérésies, phénomène historique normal, la religion est mono-
lithique. Parfaite dès ses commencements, dira Bossuet — c'est la cons-
cience moderne, paradisiaque, anhistorique de toute révélation —, ses
deux modalités d'exister ne peuvent être que l'éternel et l'universel :
partout et toujours, la perfection de ce qui était au commencement. « La
vérité catholique venue de Dieu a d'abord sa perfection », enseignera
Bossuet, jusqu'à prononcer cette mise en condition du Saint-Esprit, dans
une lumière toute rationnelle de Pentecôte : « La foi parle simplement ;
le Saint-Esprit répand des lumières pures, et la vérité qu'il enseigne a un
langage toujours uniforme ». " Cette fiction de l'éternel par l'uniforme
RÉFLEXION SUR L'HÉRÉSIE MODERNE 297
NOTES
1. « Eglises de la nouvelle Réforme », dans Histoire des Variations des Eglises pro-
testantes, préface. « La nouvelle Réforme fit en Allemagne deux corps visiblement
séparés par des Confessions de foi différentes > (ibid., livre III, § 3). Ces corps sont
des < corps d'Eglise > (ibid., préface, § 8), « c'est-à-dire des corps composés de pasteurs
et de peuples » (ibid., § 24). Expressions qui saisissent la réalité confessante, insti-
tutionnelle et publique.
Bossuet précise bien qu'au chapitre des Variations il ne s'occupera que des Églises,
c'est-à-dire des luthériens, des calvinistes, voire des zwingliens, mais non des
< sectes », poussière infinie. Si, dans la préface, il garde un moment un autre voca-
bulaire, parlant du « parti des Protestants », toute l'œuvre, dans son progrès d'his-
toire et de controverse, accepte les Eglises.
Une analyse serrée du vocabulaire de l'Histoire des Variations montrerait, sem-
ble-t-il, que l'établissement social de l'hérésie, autrement dit son succès de masse
et historique, transmue ses origines impures. Le passage de l'individuel au social
ou du choix singulier à une communauté d'acceptation libère l'hérésie de son
histoire. Cela est pressenti en clair, dans cette définition, aux dernières lignes de la
préface : « Le propre de l'hérétique, c'est-à-dire, de celui qui a une opinion par-
ticulière est de s'attacher à ses propres pensées ; et le propre du catholique, c'est-à-
dire de l'universel, est de préférer à ses sentiments le sentiment commun de toute
l'Eglise : c'est la grâce qu'on demandera pour les errants ».
2. Louis R É A U , Iconographie de l'Art chrétien, t. I, 1 9 5 5 , p. 4 6 0 , note que le vieux
thème médiéval de l'Altercation de l'Eglise et de la Synagogue est remplacé au
Gesù par la Lutte de la Foi terrassant l'Hérésie. Affirmation à tout le moins trop
RÉFLEXION SUR L'HÉRÉSIE MODERNE 299
Maria Virgo, qua eunctas hœreses sola interemisti. Le terme de ee triomphe sur
l'hérésie, c'est évidemment l'Immacolata. Sur la Vierge et l'expulsion du paradis,
cf. de même E. MALE, ibid., p. 43. Indications qu'il faudrait confirmer par un in-
ventaire méthodique, conduit pays par pays, des différents thèmes de la Vierge
triomphante. Données statistiques, compte tenu si possible des destructions ou
disparitions, et épanouissements thématiques peuvent donner une lecture d'àme
collective, jusqu'ici à peine ébauchée et irremplaçable.
DISCUSSION
Rendre l'hérésie inutile ou impossible, c'est après tout l'une des vertus de la
société occidentale moderne. Ou, comme il vient d'être dit excellemment,
transférer l'hérésie du plan de la religion à celui de l'idéologie. Est-ce moins
dangereux pour l'hérétique ? Je laisserai à chacun de nous, dans le temps
d'aujourd'hui, le soin de l'apprécier. Mais l'analyse du procès par quoi la so-
ciété moderne a transformé ia fonction de l'hérésie doit être une voie profonde
pour saisir l'être vif de cette société moderne, par trop d'aspects pour nous
encore repliée sur son secret d'exister.
A. TENENTI
LIBERTINISME ET HÉRÉSIE
MILIEU DU 16e SIÈCLE,
DÉBUT DU 17e SIÈCLE*
Même les travaux les plus récents sur le libertinisme sont loin d'avoir
dégagé sa physionomie claire et surtout entière entre le 16e et le 17e siècle.
Des attitudes habituelles amènent les historiens à le considérer soit comme
un aspect du vaste mouvement que l'on appelle, tour à tour, rationalisme
et libre pensée, et à le noyer ainsi dans une vaste perspective, alors qu'il
faudrait le situer avec précision, soit à le saisir de près, cette fois, à travers
plusieurs « conjonctures » libertines différentes, quitte à l'identifier abusi-
vement avec tel ou tel courant de pensée, telle ou telle tendance morale.
Bref, nous ne nous trouvons jamais en face, aujourd'hui, d'une définition
globale du libertinisme, au 16e et au 17e siècle, qui soit valable à la fois
pour toute cette longue période et qui, suffisamment documentée, em-
brasse tous ses aspects divers. Il faut donc, dès le départ, prendre acte de ces
carences et souligner, en même temps, que jusqu'alors la continuité de
l'attitude libertine, entre le 16e et le 17e siècle, n'a cependant jamais été
mise en doute et que, sans avoir été prouvée, elle constitue néanmoins
la toile de fond de toutes les interprétations. Cette sorte d'impasse latente,
fondamentale, nous semble justifier, en partie au moins, les remarques
qui vont suivre.
En effet, en nous attachant aux rapports entre libertinisme et hérésie,
de 1550 à 1610 environ, nous aurons à éclairer les contours de deux atti-
tudes mentales, avec tous les prolongements qu'elles impliquent dans la
vie morale et sociale (nous devrions dire deux structures) et, au-delà,
dans l'explication historique.
POSER LE PROBLÊME
II
Ainsi, entre 1530 et la fin du siècle, nous voilà en présence de deux liber-
tinismes. Le premier, un mouvement de repli moral après la défaite de
l'anabaptisme. Si le royaume de l'esprit ne peut s'instaurer dans ce siècle,
autant déclarer que toutes les formes de religiosité extérieure sont égales
en valeur et donc, en elles-mêmes, indifférentes. Le libertin, et souvent
le nicodémite, n'ont qu'à les accepter, tout en se réservant de cultiver
dans leur cœur, leur famille, voire dans de petits groupes, leur foi dans
le règne de l'Esprit : ce règne qui justement se réalise déjà grâce à leur
adhésion et dont l'accomplissement est proche. Le second libertinisme se
dessine comme une forme de religiosité réservée à une élite : Bodin parle
souvent de philosophes, entendant par là des hommes cultivés, des
esprits critiques et affranchis. Ceux-ci ne constituent pas une secte au
sens traditionnel; ils savent qu'ils ne peuvent exprimer publiquement
leurs idées, mais qu'ils possèdent une forme de croyance commune. Ils
se comprendront entre eux, se soutiendront les uns les autres. D'autre
part, si le mysticisme des libertins spirituels se manifeste surtout sur un
plan de sensibilité, celui des seconds se situe sur un plan rationnel ; mais
LIBERTINISME ET HÉRÉSIE 313
la foi des uns et des autres est exclusivement intérieure, dégagée des rites
et des cérémonies.
Spirituels et philosophes considèrent dès lors comme épuisé — pour
eux — le rôle de la Révélation, de l'Évangile, de l'Église; les premiers
les appellent lois extérieures, les seconds les définissent comme des formes
grossières et impures de religion. En principe les uns et les autres s'op-
posent aux religions existantes, mais en pratique ils les acceptent, comme
inévitables et provisoires. Les unes et les autres refusent de considérer
leurs croyances comme un fait social dans le sens ecclésiastique, où les
autres hommes pourraient interférer. Le souffle de l'esprit ou la loi natu-
relle sont des réalités, individuelles au départ — même si Dieu ne les
refuse à personne —, une tension mystique ou une sévère loi morale
que chacun doit vivre sans intermédiaire et en communication person-
nelle avec le divin.
Telles sont, pensons-nous, les analogies entre le libertinisme de la
génération autour de 1550 et celui de la génération suivante. Analogies
réelles, mais que nous ne prétendons pas avoir dégagées avec suffisam-
ment de vigueur. Il fallait les souligner parce qu'elles ne sont pas exclu-
sivement formelles. Sans aucun doute, ces deux types de libertinisme
ont constitué de bonnes structures d'accueil pour l'incroyance ou l'indiffé-
rence religieuse à venir ; le second libertinisme surtout a préparé les
bases de l'antichristianisme et du déisme des siècles suivants. Le liber-
tinisme spirituel nous renvoie, pour ainsi dire, au Moyen Age, aux hérésies
spiritualistes et eschatologiques, tandis que celui de Bodin est orienté
vers l'avenir, vers la conscience laïque de la religion comme fait haute-
ment moral et personnel à la fois, dégagé par nature des cultes extérieurs
et surtout à ne pas confondre avec eux. Il nous a paru intéressant d'ana-
lyser ensemble ces deux formes de religiosité, proches dans le temps et
l'espace, issues du même climat, du même drame, celui de la Réforme.
En effet, tandis que l'une conserve tous les caractères de l'hérésie, l'autre
les a complètement perdus. La différence des milieux et des cultures dans
lesquels s'enracine chacune de ces formes spirituelles explique leur diver-
gence fondamentale, alors que les conditions extérieures contre lesquelles
elles s'élèvent expliquent leurs analogies.
Entre ces deux formes du libertinisme du 16e siècle, imaginons toute
une gamme de nuances, d'attitudes mentales et de pratiques intermé-
diaires. Les contemporains, catholiques ou protestants, n'hésiteront pas
à les relier les unes aux autres et à les accabler toutes sous une même
condamnation. Il est évident que ni leur point de vue, ni le nôtre ne sont
entièrement valables. La vérité historique ne peut être que multiple et
articulée à des paliers différents si elle veut saisir la complexité du passé
vécu. A posteriori reconnaissons aussi que ces deux libertinismes n'avaient
pas d'avenir immédiat dans les sociétés d'Europe occidentale. Or, en
France, et c'est l'important, une autre forme parvint à se frayer un chemin
314 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
III
UN TROISIÈME LIBERTINISME
Pierre Charron
faut proclamer les prérogatives des premiers, aiguiser leurs armes, mais
fixer aussi leurs limites. C'est même de ces dernières que part l'auteur,
selon un mouvement tout à fait propre au libertinisme.
Charron qualifie indifféremment son sage de « spirituel » ou d'« es-
prit fort ». Tandis que la seconde expression lui vient du langage commun
des milieux cultivés de son temps, il emprunte le premier mot directement
à l'apôtre Paul — la médiation d'Erasme étant d'ailleurs bien probable.
Devant s'élever au-dessus du niveau, commun et populaire, des esprits
faibles, l'homme accompli doit avoir un esprit fort ; sa liberté d'esprit
doit être « pleine, entière, généreuse et seigneuriale ».10 Charron exalte
ce « vray privilège » qui fait de chacun « le scindic, le surintendant, le
le contreroolleur de nature, du monde, des œuvres de Dieu », et ajoute
aussitôt : « le vouloir priver de ce droit c'est vouloir qu'il ne soit plushomme
mais beste ».11 La liberté humaine consiste essentiellement à juger de
tout ; Charron ne peut pas écrire en toutes lettres : même de la religion ;
toutefois c'est bien ce qu'il fait et ce qu'il apprend à faire. Cette préroga-
tive restera intérieure, elle ne deviendra pas la base de l'action, mais cons-
tituera la règle de la pensée et de la croyance individuelles. D'où l'exhor-
tation à demeurer toujours indéterminé, indifférent et universel, « ouvert
et prest à tout ».12 Ainsi que les libertins spirituels, Charron admet :
« il adviendra souvent que le jugement et la main, l'esprit et le corps se
contrediront et qu'il fera au dehors d'une façon et jugera autrement au
dedans, jouera un roole devant le monde et un autre en son esprit : il le
doit faire ainsi pour garder Justice partout ».18
Le fondement du droit de chacun à juger de tout, unique dans son es-
sence, est triple dans son appellation : raison, nature, Dieu. En effet,
l'homme ne pourrait tirer de lui-même l'assurance morale nécessaire pour
« voguer... au delà les opinions communes » et pour « avoir veu, cognoissance
et maîtrise sur toutes choses ».14 En butte à d'innombrables dangers
venant à la fois de la conformation physique, de l'éducation, de la société,
de la partialité inévitable de notre expérience," Charron montre assez
à combien d'embûches sont exposées les facultés individuelles. De plus,
comme Bodin, il est persuadé que l'homme de son temps s'est beaucoup
éloigné de son état originel ; tandis que les ignorants et les simples se mon-
trent plus proches de la perfection que les savants et les habiles, que mêmes
les animaux sont capables de suggérer à ceux-ci les images et les voies
de la droiture naturelle. 16 La Sagesse prêche donc le retour à la nature,
exige qu'on réveille sa lumière « presque éteinte et languissante », demande
que revivent « ses semences presque étouffées », attaque même le libre
arbitre, « le seul déréglé et ennemy de nature ». 17
L'assurance que chaque individu tire de cet abandon aux lois fonda-
mentales de son être est justifiée par leur caractère universel et divin :
celui qui les suit « ne peut jamais faillir ». La raison — « première et uni-
verselle loy et lumière inspirée de Dieu, et qui esclaire en nous » — est
316 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
NOTES
État ? Peut-on par exemple parler d'hérésie après 1500, époque où les héré-
tiques sont chassés ou brûlés ? Le problème de la diversité religieuse se
pose alors avec acuité, tout comme auparavant celui de la multiplicité des
États. Il importe par conséquent davantage d'étudier le rapport Église-
Êtat mieux établi et beaucoup plus constitué que le rapport religion-so-
ciété. Je voudrais enfin rappeler qu'au 14e et au 15e siècle, il arrive d'enten-
dre des hérétiques affirmer que celui qui possède la liberté d'esprit parvient
à la vraie connaissance et à la félicité, qu'il soit juif, païen ou musulman.
Une telle mentalité trouvera plus tard une formulation dans le domaine de
la science, dont elle constitue en quelque sorte une condition nécessaire.
Je ne crois pas aux coupures brutales en matière d'évolution de l'Esprit.
La multiplicité des États et la diversité religieuses m'apparaissent ainsi
comme une des conditions d'apparition de ce libertinisme du 16e siècle.
L'HÉRÉSIE MARRANE
DANS L'EUROPE CATHOLIQUE
DU 15* AU 18e SIÈCLE1
dition. Les conditions ont naturellement varié selon les siècles et selon
les pays.
De 1391 à 1492, les Marranes espagnols pouvaient s'informer auprès
des membres des communautés juives.
De 1497 à 1536, les Marranes portugais, tout en faisant l'apprentissage
de la dissimulation, pouvaient se transmettre sans trop de risque l'essentiel
de la tradition juive.
Les marranes installés en France et dans les Pays-Bas du Sud reçurent
bien vite de leurs frères juifs les livres nécessaires à leur instruction dans
le judaïsme (traductions de la Bible et du Rituel, ouvrages religieux)
ainsi que des réponses manuscrites précises à leurs difficultés spirituelles
et des exhortations ardentes à revenir à l'Alliance d'Abraham. Des émis-
saires de la Diaspora juive complétaient ces divers enseignements.
Les conditions étaient toutes différentes en Espagne et au Portugal
après l'instauration de l'organisme inquisitorial. L'efficace répression du
Saint-Office entravait la transmission de la tradition et rendait prati-
quement impossible l'observance de certains préceptes. Certes, on doit
compter avec les hasards de la clandestinité et les périodes de relâchement
relatif de la persécution. Des « nouveaux chrétiens » quittaient la pénin-
sule Ibérique, entraient dans les groupements marranes fortement reju-
daïsés de France ou des Pays-Bas du Sud (ou dans les communautés
judéo-hispaniques d'Italie, Turquie, Hollande ou Allemagne), puis reve-
naient au pays natal. Il leur était alors possible de réinstruire dans la
tradition juive les quelques Marranes qui gravitaient autour d'eux, en
utilisant parfois des livres qu'ils avaient clandestinement rapportés. Dans
l'Espagne du 17e siècle, où les Marranes portugais étaient nombreux,
la persécution inquisitoriale, quoique toujours très active, surtout contre
les biens des judaïsants, se fit plus modérée et moins cruelle contre les
personnes. De nombreux Marranes faisaient l'aller et retour entre la France
du Sud-Ouest et l'Espagne. Ces deux données font qu'à certains moments,
le contenu juif du marranisme de divers judaïsants d'Espagne a été plus
riche que celui de leurs confrères du Portugal.
C'est dans ce dernier pays que l'on est le mieux à même de suivre le
développement, en quelque sorte normal, de l'hérésie marrane. Pendant
plus de deux siècles, la persécution inquisitoriale y fut d'une constante
sévérité. Elle a provoqué d'incessantes émigrations; c'est à elle qu'est
due, outre la constitution d'importantes communautés juives d'origine
marrane, la formation des groupements crypto-juifs en France et dans les
Pays-Bas du Sud, et la recrudescence du marranisme en Espagne, pays
où l'effroyable répression de la fin du 15e et du début du 16e siècle sem-
blait avoir résolu définitivement le problème du crypto-judaïsme.
Les documents inquisitoriaux (monitoires, édits de la foi, confessions
des prisonniers) permettent de mesurer l'appauvrissement de la tradition
juive dans le marranisme.
330 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
22
334 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
marranes devaient penser qu'il avait été préservé par leurs persécuteurs
en vertu d'un décret divin spécial, de même qu'ils pensaient que l'Inqui-
sition jouait son rôle, abominable mais nécessaire, dans le plan divin
concernant le peuple juif.
NOTES
trine théologique rappelle qu'on n'avait pas le droit de convertir les juifs,
parce que la foi doit être absolument libre, mais, puisqu'ils sont convertis, ils
font partie de la société catholique et sont dès lors soumis à toutes les ob-
servances d'un catholique. Il est trop tard pour retiouver la liberté de la
foi. On voit ainsi deux exigences contradictoires : celle de la théologie et
celle du droit canonique.
par exemple dans celui des gens non baptisés. Cette procédure se comprend :
une officialité condamne un coupable après l'administration de preuves
juridiques, l'Inquisition, créée lors des progrès dévorants de l'hérésie, comme
moyen préventif, applique à la lettre la formule évangélique des « loups
couverts de peaux de brebis ». Pour elle l'hérétique est un hypocrite, aux
approches subtiles et prudentes. Dans le cas des jansénistes l'Inquisition
voyait ces approches dans la défense du livre de Jansénius. C'est ce qui
explique l'acharnement des jésuites, et d'autres aussi, à réclamer la signa-
ture sur le fait — ce qui est difficilement défendable du point de vue théo-
logique et qui a été à peu près abandonné lors de la paix de l'Eglise.
E t je rappellerai que lorsqu'on a imposé la signature du formulaire,
Lemaistre et un certain nombre d'évêques ont dénoncé l'introduction de
l'Inquisition en France.
23
HÉRÉSIES ÈT SOCIÉTÉS
ecclésiastique. Les voix plus humbles qui s'élèvent sont aussi plus mys-
tiques : ainsi R. Williams, fondateur de la tolérance en la colonie amé-
ricaine de Rhode Island et pourchassé par d'autres émigrants calvi-
nistes, et qui tranquillement dénonce le « sanglant principe persécuteur »
exigeant pour la croyance ce royaume de la Grâce où le magistrat et
son glaive ne pénètrent pas. Mais déjà surgissent les futurs niveleurs :
Walwyn, marchand autodidacte, lecteur de Lucien, Montaigne, P. Char-
ron, qui confessera ses doutes sur la totale véracité biblique, et dénoncera
dans le style des Provinciales la tartuferie impitoyable du clergé en place ;
il en appelle déjà à la conscience et rédige un pseudo-sermon de la secte
de la Family of Love : fraternité, liberté, sous une lumière johannique.
II restera, lui, indemne d'un certain antinomisme populaire, qui traduisait
chez d'autres un refus du code moral et social de la classe dirigeante et
de ses rites ecclésiastiques protecteurs. Mais Walwyn est relayé par le
stupéfiant Overton qui ouvre le feu avec un message pour ainsi dire
matérialiste, au titre explicite : Man's mortality. Puis il dirige contre les
presbytériens son extraordinaire allégorie sardónique d'un procès factice,
La Mise en accusation de Messire le Persécuteur. Enfin, continuant sur
le même ton il « s'attaque à la caisse », c'est-à-dire aux dîmes ecclésias-
tiques qui paraissaient alors aux puritains un double symbole d'injustice
fiscale et de privilège abusif, auquel était associée l'idée d'un droit extorqué
aux consciences. Les pasteurs officiels « indépendants » sont à peine plus
prudents ; l'un d'eux, Goodwin, en son Theomachia, dénonce le risque
qu'il y aurait pour un persécuteur à lutter sans le savoir contre Dieu,
en faisant obstacle à une vérité neuve ou encore à venir. Les presbytériens
alors se déchaînent : Pagitt en son Heresiography, Edwards en sa Gan-
grena (février, mai, décembre 1646) cataloguent les hérésies par centaines,
et de plus en plus en les définissant sur le plan politique : libre arbitre,
croyance en l'âge d'or, universalisme du salut, tolérance, droit à la résis-
tance. Leurs formules sont brutales, injurieuses, souvent injustes ou calom-
nieuses. Walwyn entre autres, qui fut certainement un des plus attaqués,
répondit sur le mode voltairien (« Un mot au creux de l'oreille de Maître
Edwards », etc.).
Mais dès 1645 ces chasseurs de sorcières s'inquiétaient surtout de cette
« armée nouvelle » réorganisée par Cromwell, qui, refusant tout autre
critère que la volonté de combattre le roi, déclarait préférer l'enrôlement
d'un anabaptiste ardent à celui d'un orthodoxe incapable. En effet, le
New Model avait ses aumôniers, éminemment suspects (le doux mystique
révolutionnaire Saltmarsh ; l'homme à poigne, le politique H. Peters), et
surtout ses soldats qui, bible en main, prêchaient aux feux des camps,
s'affirmaient habités et habilités par l'Esprit au nom du sacerdoce uni-
versel, priaient d'abondance pour la chute du gouvernement royal assimilé
à la bête persécutrice et néronienne, appelaient « Sion » de leurs vœux,
évoquaient l'égalité initiale au temps d'Adam bêchant et d'Eve filant,
RATIONALISME ET MILLÉNARISME EN ANGLETERRE 351
chaos dans le cosmos ; et, sur le plan humain, il est le refus de Caïn dans
la communauté humaine : communauté qui est à la fois communion,
Commonwealth et même communisme (qui traduit community, comme
« christianisme » traduit christianity). Ainsi, violences, risques d'anarchie,
retour à l'état primitif de nature ne servent plus de prétexte ou de justi-
fication à une oppression, se qualifiant ordre : nos hérétiques prennent
donc ici le contre-pied des thèses de Hobbes ; ou plutôt ce sera ce dernier
qui voudra neutraliser l'hérésie novatrice : car on y croit aux programmes,
et au progrès (qui n'est pas ce douloureux pilgrim's progress mystique
du dissenter vaincu d'après la Restauration de 1660). L'on s'explique dès
lors l'attaque menée par les théologiens, surtout presbytériens, contre toute
théorie de salut universel, d'enfer humanisé et spiritualisé, et leur effort,
pour nous stupéfiant, de rétablir les dogmes loup-garrou de la prédesti-
nation ou de la damnation : opposant des garde-fous à nos fous de Dieu...
Chez ceux-ci les moyens préconisés varient : allant de l'évolution (chez
les humanistes ou certains niveleurs) à l'Apocalypse (chez les millénaires,
généralement d'origine baptiste), en passant par les mutations brusques
mais au sein d'un plan divin progressif (ainsi le rôle providentiel que doit
jouer la New Model Army, en fonction des signes des temps...). Mais la
fin recherchée est une et certaine : le créateur ou la création ont voulu
l'unité fraternelle des choses et des corps, que ce soit platform politique
ou vision de béatitude. La nature se substitue à la fois à la divinité et à
l'individu isolé, comme étant simultanément le modèle, l'agent et fina-
lement la bénéficiaire du salut général : telle est la loi nouvelle, celle de la
Family of Love, et the glory of Sion.
Bibliographie
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RATIONALISME ET MILLÉNARISME EN ANGLETERRE 365
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24
366 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
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catholique), avril 1957.
DISCUSSION
les origines jusqu'à la période que vous considérez, d'un mouvement qui
veut donner une forme à une Eglise encore si mal définie qu'on peut se
demander si les éléments de cette aile gauche étaient forcés de la quitter.
Il faut considérer jusqu'à quel point on peut les appeler hérétiques : nous
pouvons les rattacher à ces mouvements variés dont nous avons déjà parlé,
dont certains aspects sont hors de l'Eglise. C'est vrai aussi, je crois, de
certains éléments de l'aile gauche, comme le mouvement des prophètes
sous Elisabeth.
Si nous voulons les définir comme des hérétiques, il nous faut définir
dans quelle mesure ils ont été exclus de l'Eglise, dans quelle mesure c'est
leur propre structure hérétique qui les en a exclus.
bablement, au moins dès 1644, de la Royal Society qui animera, après 1660,
le mouvement des sciences.
Sur la question de la dialectique, je crois aussi qu'il y a correspondance per-
manente ; j'ai cru d'abord à l'autonomie du phénomène religieux, je dois
maintenant dire que la superposition est évidente et qu'on utilise par
exemple le mot presbytérien, pour dire grands bourgeois de la Cité, indépen-
dants pour dire centre-gauche politique, etc. On ne peut parler au fond
d'autonomie religieuse qu'à notre époque. Au 17e siècle, on ne peut parler
de théologie pure. Les gens affirment suivre la Bible, mais s'ils la citent
(par exemple le pèlerin de Bunyan), leurs idées sont déjà toutes prêtes.
Mme Aston nous a rappelé que ces mouvements pouvaient remonter
très haut, notamment à l'Eglise anglicane sous les Tudor.
M. Hutin a essayé de définir ces groupes, levellers, ranters, seekers ; mais
les catégories ne sont pas tranchées. D'ailleurs ces gens-là ne sont pas adver-
saires seulement de l'Eglise anglicane, mais aussi du système presbytérien
calviniste qu'on veut importer d'Ecosse ; leur opposition visait une classe
sociale et religieuse qui voulait « quadriller » le pays : pour les paroisses,
comme pour les communes on choisissait les « anciens » uniquement chez les
gens riches. Et si on étudie l'ordonnance sur les Blasphèmes de 1648, votée
par le Parlement avant l'expulsion des presbytériens par Cromwell, on y
voit un « amalgame » entre gens hostiles à la Trinité, favorables au libre
arbitre, ou défenseurs de l'égalité à l'époque d'Adam et Eve.
Le problème n'est pas le même à l'époque Tudor, où le gouvernement
ne recule pas et où les mouvements militent pour la réforme de l'Eglise,
et à l'époque Stuart, où règne la gabegie et où la lutte est passée au plan
politique. Un seul point fait la soudure entre les deux moments : l'anticlé-
ricalisme. Les différences sont dues au développement économique ; vers
1662 on interdira aux dissenters de se réunir dans les villes et par groupes
de plus de deux ou trois. C'est une mesure policière de défense de l'ordre
social.
Sur ce qu'a dit M. Séguy, je peux apporter une confirmation, avec le cas
de Comenius : celui-ci a été appelé à un colloque par le Parlement qui vou-
lait modifier le système d'enseignement. Il s'est entretenu avec Milton
et nous voyons que les formules peuvent servir aussi bien pour la recherche
scientifique que pour la piété. Quant à l'influence de la Hollande, elle est
certaine, mais faute d'un travail sérieux, elle est insuffisamment contrôlée.
L'identification entre Saint-Esprit et raison a en partie sa source dans Calvin
et le protestantisme n'a jamais défini clairement ses limites. L'autorité
biblique s'accommode d'une sélection inconsciente.
J e crois donc que la naissance du rationalisme en Angleterre se fait vers
1650.
L KOLAKOWSKI
L'HÉRÉSIE MYSTIQUE
ET L'HÉRÉSIE RATIONALISTE
DANS LE CALVINISME NÉERLANDAIS
DE LA FIN DU 17e SIECLE
Invasion rationaliste
Moins coccéjen, dans le sens courant du terme, que ses disciples, Coccéjus
ne leur a légué ni une sympathie pour le cartésianisme, ni un système
théologique qui aurait pu éveiller celle-ci par son contenu positif. S'il
les a disposés à former un milieu ouvert aux influences rationalistes, et
destinés à intégrer le cartésianisme dans la théologie, ses silences y contri-
buent davantage que ses dires. Par le fait même de ne pas se prononcer
sur l'hypothèse héliocentrique, la circulation du sang ou l'interprétation
des comètes, il attirait à son école les esprits curieux des nouveautés,
Voetius condamnant explicitement les inventions de Copernic et deHarvey,
expliquant les comètes comme des signes prophétiques et tenant l'Ecri-
ture pour le trésor complet de tout savoir médical, astronomique, phy-
sique, juridique, économique et autre. Sans se faire une idée exagérée
sur les valeurs de métaphysique ou de théologie naturelle, Coccéjus se
distinguait nettement de l'agressivité antiphilosophique du parti adverse ;
ses remarques ambiguës et parfois contradictoires sur la foi ou, comme
il répétait, sur Xoyo«) Xarpéia, le culte rationnel, se laissaient comprendre
comme affirmation de la philosophie et de la théologie naturelles. L a
L'HÉRÉSIE DANS LE CALVINISME NÉERLANDAIS 377
L'échec du coccéjanisme
les efforts humains. C'est précisément cette Eglise des élus que Labadie
a tenté de former dans sa secte, en y appliquant les rigueurs strictes
de la sainteté absolue ; une Eglise qui, dans la séparation totale du monde
et dans l'espoir de la parousie imminente, devait, repliée sur elle-même,
cultiver à l'intérieur les dons du Saint-Esprit. Cette attitude de sectarisme
fanatique, accompagnée d'ailleurs de tous les phénomènes typiques d'une
secte fermée sur elle-même, rigide hiérarchie interne, autorité intangible
du chef, c'était de toute évidence le renoncement à toute oeuvre de
conversion; conception inadmissible pour une Eglise quelconque bien
établie dans la vie nationale et aspirant au pouvoir. La contradiction
latente du programme voétien, l'idée de l'Eglise des saints liée à des
aspirations théocratiques, éclata au grand jour dans l'affaire labadiste,
et immobilisa pratiquement le mouvement des réformes (l'histoire du
piétisme néerlandais de Goeters présente la description convaincante de
cette crise). C'était, en source, l'idée de la foi vivante, opposée aux forces
salvatrices des formes rituelles, donc l'idée assimilée du spiritualisme
antiprotestant (et authentiquement protestant dans ses intentions) qui
manifesta ses conséquences sectaires, incompatibles, aussitôt qu'on les
applique de façon cohérente, avec la notion même de l'Eglise militante.
Dans l'histoire du voétianisme nous observons, en fait, le même schéma
de la Contre-Réforme ratée que sa logique propre conduit à l'autodes-
truction, ou bien, une logique étrangère qu'elle a voulu faire sienne. Les
épisodes mentionnés peuvent non seulement démontrer les dangers d'une
logique exagérée dans la vie religieuse (il s'agit, en fait, d'une logique des
processus sociaux plutôt que d'une logique de la pensée individuelle) ; ils
inclinent aussi à supposer qu'à la longue le rationalisme et le mysticisme
étaient également inassimilables pour la religiosité protestante et, appa-
remment apprivoisés, ne tardaient pas à tourner en hérésies incontes-
tables. Il semble, en effet, que toute tendance rationaliste et toute ten-
dance mystique garde toujours, ne fût-ce qu'à l'état latent, ce visage
anti-ecclésiastique que le cours des événements révèle tôt ou tard.
G. SCHOLEM
LA MÉTAMORPHOSE
DU MESSIANISME HÉRÉTIQUE DES SABBATIENS
EN NIHILISME RELIGIEUX AU 18e SIÈCLE
de la vraie vie. Trouver l'accès à la vie, voilà ce qui importe. Cette concep-
tion de la « Vie », voilà le mot-clé pour Frank. La vie représente pour lui
non point l'ordonnance harmonieuse de la nature et sa douce loi, elle
représente bien plus l'affranchissement de tout lien et de toute loi. La vie
anarchique est l'objet et le contenu de son utopie, dans laquelle s'annonce
une tendance primitive vers une conception anarchique de la liberté et
de la promiscuité de toutes choses. Cette vie s'étend devant le « Grand
Frère » et présente ici toute la gamme des nuances qui reflètent d'ordinaire
cette conception dans la tradition religieuse, même si elles revêtent un
tout autre sens.
Dans la tradition juive, Jacob personnifie l'homo religiosus qui cherche
la voie vers Dieu ou l'a déjà trouvée. Esaii ou Edom est par contre le
représentant de la vie d'ici-bas, de la violence et de la jouissance. Edom
représentait en effet dans le judaïsme rabbinique un nom d'emprunt pour
la chrétienté catholique, qui ne pouvait être connue par le judaïsme du
Moyen Age que comme une puissance hostile et négative. Dans la transva-
luation de toutes les valeurs juives que prône le nihilisme des frankistes,
l'expérience historique du Juif polonais s'allie maintenant à une nostalgie
indomptable d'un monde qui lui est refusé. La Bible (Genèse X X X , 14)
raconte que Jacob avait promis à son frère Esaii de lui rendre visite dans
sa maison à Séïr, mais nulle part elle ne nous dit qu'il y soit vraiment allé.
Ce « chemin vers Esaii » (ou Edom) est justement ce qui représente chez
Frank la pièce essentielle dans la délivrance, un chemin que lui-même
comme le véritable Jacob indique à ses croyants. Il est possible que, de
l'extérieur, ce chemin puisse être compris comme une conversion au
catholicisme, comme une voie vers le baptême, mais en réalité, ce n'est
qu'un voile qui recouvre la véritable signification. Car le « chemin vers
Esaii » c'est le chemin vers la vie réelle, anarchique, dans laquelle toutes
les lois et toutes les religions sont dépassées et disparaissent. L'abolition
de toutes les lois et normes constitue la vision de la délivrance nihiliste.
Toute religion positive n'est qu'une tunique dont se vêt le croyant, dont
il doit même se vêtir, que ce soit lé judaïsme, l'Islam ou le christianisme
ou, au meilleur des cas, comme dans la vie même de Frank, tous les trois
réunis. La véritable croyance reste constamment pour les membres de
cette secte quelque chose d'essentiellement mystérieux, quelque chose qui
ne peut s'extérioriser en institutions et dont le seul moyen d'expression
qu'il puisse trouver est constitué par un rituel qui symbolise la force
de la négation et de la destruction. La sombre fascination que cette idée
exerça sur les frankistes, l'idée du pouvoir libérateur de la destruction, se
retrouve constamment dans leurs enseignements. En parodiant une épi-
gramme talmudique 7 , Frank déclare : «Partout où passait Adam, le
premier homme, une ville devait être construite. Mais là où moi je vais,
tout sera détruit. J e dois détruire et annihiler — mais ce que je construirai
LA MÉTAMORPHOSE DU MESSIANISME HÉRÉTIQUE 387
NOTES
1. J'ai étudié ce mouvement dans tous ses détails dans mon livre hébreu : Sabbatal
Cevi et le mouvement sabbataïste durant sa Die, Tel Aviv, 1957. Une traduction
anglaise est en préparation.
2. Revue de l'histoire des religions, t. CXLIII, 1953, p. 30-90, 209-232 ; t. CXLIV,
1953-1954, p. 42-77.
3. Cf. Aleksander KRAUSHAR, Frank i Frankiéci polscy, Cracovie, 1895, et la dernière
partie de mon étude dans la Revue de l'histoire des religions.
4. D e u x manuscrits (à vrai-dire, incomplets) de ce chef-d'œuvre frankiste ont survécu
à la destruction des bibliothèques polonaises par les Allemands et sont conservés
dans la Biblioteka Jagiellonska à Cracovie.
LA MÉTAMORPHOSE DU MESSIANISME HÉRÉTIQUE 393
CONCLUSION
Tirer les conclusions d'une rencontre aussi féconde devient une opération
singulièrement difficile lorsque l'on veut, comme je crois devoir le faire,
contenir cette conclusion dans les termes les plus brefs. Il me faut en
effet choisir et, parce que je ne suis pas du tout historien des religions
ni de l'hérésie, parce que j'ai étudié surtout certains aspects de la société
médiévale, ce choix s'orientera de la manière suivante.
J e ne retiendrai rien, ou à peu près, de ce qui concerne le contenu
doctrinal des hérésies, et c'est un très lourd sacrifice parce que beaucoup
de précisions, fort importantes et fort précieuses, ont été apportées dans
le cours de ces débats. J e m'efforcerai plutôt de revenir au cadre qui avait
été fixé à ces journées d'études et qui fut défini par le titre qu'on leur
donna : « Hérésies et Sociétés ». J e me référerai, en particulier, au ques-
tionnaire préliminaire, très stimulant, très pertinent, qui posait comme
l'une des questions centrales : « Le rôle de l'hérétique, sa fonction dans
la société ». Ceci dans un domaine très nettement délimité : la chrétienté
latine entre le 11e et le 18e siècle. Je n'ai nul besoin d'insister sur le prix
des apports qui ont touché les domaines extérieurs à ce cadre, qu'il
s'agisse des marges slaves en voie de christianisation et où l'apostasie est
apparue comme une manifestation de refus, qu'il s'agisse du monde
byzantin, qu'il s'agisse de l'Islam, qu'il s'agisse du judaïsme rabbinique.
Au seuil de ces réflexions, qui seront toutes d'ordre méthodologique,
je placerai quelques remarques de caractère général.
I o La première de mes impressions, c'est d'avoir pris une conscience
plus claire d'un fait très important dans l'histoire de la civilisation euro-
péenne : la permanence, l'ubiquité de l'hérésie, toujours décapitée, toujours
renaissante et sous de multiples faces. L'hérésie se manifeste comme une
hydre ; encore apparaît-il que cette hydre n'a pas toujours été également
virulente. Première tâche, et des plus nécessaires : il importe donc de
situer le plus exactement possible dans le temps les poussées de vitalité,
et inversement les phases de relâchement, d'assoupissement. Il s'agit bien
en effet — je reprends les termes du questionnaire — d'observer l'héré-
tique « dans le processus historique ». Autrement dit, nécessité d'une
chronologie. Le travail est prêt, en très grande partie. Il suffit, par consé-
quent, d'affiner, de confronter, et déjà nous voyons s'isoler très nettement
des périodes où les témoignages sur l'hérésie se multiplient, et d'autres,
26
398 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
au contraire, qui sont des creux, qui sont des vides. Ainsi a-t-on parlé,
plusieurs fois, au cours de ces journées des sept ou huit décennies de bonace
entre la fermentation de la première moitié du 11e siècle et les remous très
profonds du 11e. Toutefois, si l'on considère cette chronologie dans son
ensemble, on est tout de suite frappé par une opposition que je crois
fondamentale.
D'une part, le temps médiéval, que j'appellerais volontiers le temps des
hérésies vaincues, ou plutôt des hérésies étouffées. L'hérésie alors est là,
permanente, foisonnante; elle est endémique, ajoutons nécessaire, sans
doute vitale, organique, mais elle est toujours terrassée. Il faut décom-
poser cette première période en deux phases successives : d'abord phase
d'hérésies courtes (on l'a dit, pour le 12e siècle : « leur vie est courte, mais
intense, peu d'hérésies survivaient à une deuxième génération»), suivie
par une phase où les hérésies deviennent beaucoup plus tenaces, et de
plus en plus résistantes. Après cette première époque des hérésies étouf-
fées, domestiquées et peu à peu réduites, on voit ensuite, au début du
16e siècle, avec la cassure luthérienne, avec cette blessure qui ne s'est
pas fermée et qui a contribué à faire éclater un univers jusqu'alors uni-
taire, s'ouvrir le temps de la coexistence et de la partition territoriale,
partition qui fut supportée avant d'être acceptée, puis acceptée avec de
plus en plus d'indifférence. Dès lors, la fonction même de l'hérésie, désor-
mais établie en « société externe », et la situation même de l'hérétique par
rapport à lui-même et par rapport aux autres, se trouvèrent radicalement
transformées. Ce qui fait que l'historien des temps modernes ne peut
pas étudier l'hérésie de la même manière que le médiéviste, non seulement
parce que les documents changent alors tout à fait de nature, non seule-
ment parce qu'avec le progrès des techniques d'expression, les « armes »
de l'hérésie ne sont plus les mêmes, mais parce que le climat d'ensemble
a subi une mutation décisive. On peut donc reconnaître deux versants
qui sont tout à fait séparés. Nous nous en sommes en fait bien rendu
compte, et la seule défaillance de ce colloque, c'est même qu'en dépit de
quelques interventions et de provocations parfois très méritoires, on ne
peut dire qu'il ait donné véritablement lieu à de sérieuses confrontations
de méthodes entre les médiévistes et les modernistes.
2° Je pense aussi avoir pris conscience plus claire de la difficulté à
définir ce qu'est un hérétique, donc, et c'est ce qui nous importe, à nous
historiens, à le discerner à travers les documents. Nous sommes partis
d'une définition, proposée par un historien-théologien : l'hérétique est
celui qui a choisi, qui a isolé de la vérité globale une vérité partielle et qui,
ensuite, s'est obstiné dans son choix. Mais nous nous apercevons vite
que notre tâche propre, à nous qui scrutons le passé, est bien de distinguer
ceux qui, à tel moment, ont été désignés par leurs contemporains — par
certains de leurs contemporains — comme étant des hérétiques. Or, au
CONCLUSION 399
tions. L'étude de l'hérésie, nous l'avons tous senti, débouche sur l'étude
de la tolérance et de ses diverses motivations.
c) Enfin, la part immédiate et fondamentale que l'orthodoxie prend,
dans l'apparition et la sécrétion de l'hérésie, affecte aussi le contenu même
des doctrines hétérodoxes. C'est en effet la sentence de condamnation
prononcée par des « clercs » qui isole un corps de croyance et qui le nomme.
En le nommant, il l'assimile (souvent à tort d'ailleurs, par méconnaissance
ou par mépris) à des ensembles dogmatiques déjà connus, inventoriés.
Par là même n'amène-t-il pas la doctrine condamnée à se nourrir aux
dépens de ces hérésies anciennes ? E n tout cas, n'infléchit-il pas l'évolution
même de la croyance hérétique ?
les plus actifs du corps clérical aux besoins spirituels du peuple (il faut
ici méditer sur l'échec de saint Bernard face aux cathares). Mais l'Eglise
f u t aussi répulsive à certains parce que ceux-ci la jugeaient indigne ; at-
titude moins passive d'hommes que poussaient alors des exigences mora-
les à l'égard des prêtres qu'ils auraient voulus plus purs ou plus pauvres.
Enfin des Eglises furent rejetées parce qu'elles apparaissaient étrangères
à la Nation, ou bien trop visiblement alliées à des pouvoirs politiques ou
économiques détestés. La nécessité apparaît donc évidente de procéder
alors, comme on l'a fait admirablement devant nous, notamment à
propos du hussitisme, à une analyse économique et sociale du milieu
hérétique.
Contre cette Eglise devenue répugnante, telle doctrine propagée paraît
satisfaisante à un groupe d'hommes qui l'adopte, plus ou moins complète-
ment, plus ou moins ouvertement. Ce groupe de sectateurs est, on l'a vu,
fort difficile à atteindre. La plupart du temps l'histoire ne peut connaître
que l'hérésie dépistée ; lui échappent les hérésies cachées, et celles encore
qui se montrèrent capables d'un tel mimétisme — songeons aux vaudois
dans l'Italie du 13e siècle — qu'elles se confondirent avec l'orthodoxie.
Du moins importe-t-il de situer très exactement, et d'abord dans l'espace,
celles des sectes qui se révèlent assez nettement dans les documents.
J e proposerai donc, comme l'une des tâches les plus urgentes, de travail-
ler à établir une géographie, une cartographie de l'hérésie, à repérer les
lieux réceptifs en ville ou dans les campagnes, les points d'où la doctrine
a rayonné, les chemins qu'elle a suivis, enfin les asiles où les hérétiques
pourchassés ont trouvé refuge, comme ces vallées des Alpes qui jouèrent
si longtemps un rôle de conservatoire. Cette recherche préalable prépa-
rerait utilement la voie aux essais d'interprétation sociale, aux efforts
pour placer les groupes d'adeptes par rapport aux divers niveaux so-
ciaux (riches ou pauvres) et par rapport aux diverses formes de groupe-
ments (s'agit-il d'une hérésie qui s'insinue dans le cadre des familles, dans
celui des métiers, des confréries ou d'autres associations comme les consor-
terie ?). La recherche, je l'ai dit, devient alors des plus malaisées. Nous
nous sommes rendu compte, à propos du 12e siècle, de la difficulté à re-
connaître la situation de l'hérétique dans l'organisation sociale de son
temps, et nous avons également senti, à propos du jansénisme, la néces-
sité d'une analyse sûre et précise des zones sociales où telle doctrine hé-
rétique a pu trouver ses lieux de propagation. J e suis même porté à croire
que la recherche bute ici souvent contre des impossibilités radicales. Com-
ment saisir en particulier les contours des milieux hérétique' ruraux,
alors qu'il est toujours si difficile à l'historien de connaître dans leurs pro-
fondeurs les sociétés paysannes ?
Enfin, les débats ont montré à plusieurs reprises que les doctrines elles-
mêmes, en se transmettant, en se diffusant, subirent une dégradation
et un renouvellement. Mais il est apparu aussi que les documents qui per-
CONCLUSION 403
lèvent. Nous ne les posons plus exactement comme elles l'étaient avant
que nous ne commencions. C'est dire que ce colloque est réussi. Il ne se
termine pas par un bilan, mais par un nouveau questionnaire, et je crois
être votre interprète à tous en disant que ces actes, et l'annexe bibliogra-
phique qui va leur être adjointe, ne manqueront pas de constituer un
tremplin singulièrement efficace pour relancer notre recherche vers de
nouveaux et de très amples progrès.
BIBLIOGRAPHIE
DES ÉTUDES RÉCENTES (APRÈS 1900)
SUR LES HÉRÉSIES MÉDIÉVALES
par H. GRUNDMANN
AVANT-PROPOS
Cette bibliographie avec suppléments, table d'auteurs et table onomastique a été publiée
à part dans les « Sussidi eruditi », 20, des < Edizioni di Storia e Letteratura », Rome
1967, intitulée « Bibliographie zur Ketzergeschichte des Mittelalters (1900-1966) ».
Herbert GRUNDMANN,
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27
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Machovcová (Markéta), 619. Niel (Fernand), 236, 719.
Machovec (Milan), 619, 622. Nigg (Walter), 8.
Madâule (Jacques), 247. Nikoloff (Nickolas), 135.
Maier (Anneliese), 452, 732. Noiroux (Jeanne-Marie), 57.
Maillet (Henri), 366. Novotny (J.), 566.
Maisonneuve (Henri), 358. Novotny (Vàclav), 578, 588, 589, 595.
Maleczynska (Ewa), 632. Nyberg (Henrik Samuel), 107.
Mandicv(0. Dominik), O.F.M., 182, 907.
Mandonnet (Pierre), O.P., 425. O
Manselli (Raoul), 28, 75, 76, 88, 103, 115, Obolensky (Dmitri), 132, 157, 695.
206, 207, 449, 457, 469, 471, 655, 712, Odlozillk (Otakar), 564, 565.
728. Öhmann (Emil), 50.
Manteuffel (Tadeusz), 37, 688, 729. Ogle (Arthur), 558.
Mariano da Alatri, O.F.M. Cap., 649, 657, Okif (T.), 179, 710.
661, 754. Oldenbourg (Zoe, 246.
Marthaler (Berard), O.F.M. Conv., 299. Öliger (Livarius), O.F.M., 408, 453, 454,
Martin-Chabot (Eugène), 392. 658, 660.
Martini (Magda), 300. Oliver (Antonio), C.R., 372.
Martinu (Johann), 595. Opitz (Gottfried), 411.
Matrod (H.), 475. Otto (Heinrich), 525.
Matthew (F.D.), 554.
Maurer (Armand A.), C.S.B., 428. P
May (Karl Hermann), 374. Pantin (W. A.), 540.
May (William Harold), 470. Pàsztor (Edith), 450.
Maycock (Alian Lawson), 230, 353. Pataki (József), 635.
Menéndez Pelayo (Marcelino), 683. Pelster (Franz), S.J., 482.
Mens (Alcantara), O.F.M. Cap., 39, 479, Peschke (Erhard), 563, 626.
480. Pétrement (Simone), 109, 110.
Mercati (Giovanni), 344. Philippen (L. J. M.), 79, 477, 478.
Miccoli (Giovanni), 65, 69, 466. Phillips (Dayton), 507 a.
Mierlo (Joseph van), 476, 489, 490, 491, Pierrefeu (Nita de), 213.
492, 493, 494. Pierron (Johann Baptist), 341.
Miletic (Maja), 178. Pirenne (Henri), 78.
Minissi (Nullo), 140. Pirri (P.), 755.
Mohr (Walter), 80, 307. PoliSensky (Josef), 576, 743.
Molinier (Charles), 232, 378, 386, 387. Pou y Marti (José Maria), O.F.M., 472.
Mollat (Guillaume), 262, 406. Pouzet (Philippe), 302.
Molnár (Amedeo), 304, 319, 585, 593, 596, Preger (Wilhelm), 287, 403, 594.
597, 624, 627, 723, 744. Presutti (Giuseppe;, 648.
Montégut (O. de), 716. Primov (Borislav), 160,161,162,163,164,
Morghen (Raifaello), 21, 22, 26, 54, 55. 165, 166, 183, 706, 706 ».
Motte (A.-R.), O.P., 97. Puech (Henri-Charles), 106, 144, 186.
Müller (J. T.), 325.
R
MOnch (Walter), 541.
Mundroch (V.), 734. Rachel (Max), 348.
Mundy (John Hine), 254. Rahn (Otto), 271.
NOMS DES AUTEURS 473
Rajdov (Nikolaj), 141. Sidak (Jaroslav), 147, 170, 171, 172, 176,
Ramírez (Luis Carlos), 73. 177, 180, 181.
Reagan (J. C.), 86. Sidorova (Nina Alexandrovna), 666.
Reeves (Marjorie E.), 441, 446. Silvestre (Hubert), 59.
Reid (Eleanor J . B.), 555. Skaskin (Sergej Danilovic), 465.
Reinach (Salomon), 282, 348. Smalley (Beryl), 538, 735.
Rioan (Rudolf), 627. Smet (Jozef-M de), 82.
Richardson (H. G.), 377, 553. Söderberg (Hans), 115, 116.
Ries (Julien), 108. Soggin (J. A.), 310.
Riol (Jean-Laurent), 720. Solar! (Gioele), 224.
Rlstori (Giovanni Battista), 653. Solovjev (Aleksandr Vasilevic), 133, 138,
Ritter (Gerhard), 505, 509. 152, 154, 155, 156, 175, 218.
Rivoire (Pierre), 639. Sommariva (Luciano), 23.
Rizzini (Arrigo), 91. Sorgia (G.), 664.
Robson (John Adam), 535. Spätling (Luchesius), O.F.M., 456.
Roché (Déodat), 220, 274, 276, 719. Spinka (M.), 580.
Roman (G.), 520. Spitzer (Leo), 508.
Runciman (Steven), 115. Sproemberg (Heinrich), 204.
Russell (Jeffrey Burton), 35, 58, 59, 668, Stacey (J.), 733.
693. Steenberghen (Fernand van), 426, 427.
Stefano (Antonio De), 18, 20, 89, 105,
Russo (Francesco), M.S.C., 432, 435.
335, 343, 501.
Stegmüller (Friedrich), 225, 690.
S Stökl (Günther), 130.
Sabarthés (A.), 260. Struck (Wolf-Heino), 507.
Sacchetti-Sassetti (Angelo), O.F.M., 756. Strunz (Frank), 578.
Sadnik (Linda), 131. Suraci (Antonio), 93.
Sairo (C. F.), 29. Székely (György), 633, 634.
Sallay (Géza), 530.
Salvatorelli (Luigi), 26. T
Savini (Savino), 214.
Theloe (Hermann), 367.
Schaff (D. S.), 578.
Théry (Gabrief), O.P., 419, 481.
Scheidweiler (Felix), 119.
Thomov (Thomas S.), 189.
Schiff (Otto), 509.
Thompson (James Westphal), 268.
Schlauch (Margaret), 562.
Thomson (John A.F.), 739.
Schmaus (Alois), 117.
Thomson (Samuel Harrison), 591, 741.
Schmidt (Aloys), 504.
Thouzellier (Christine), 104, 226, 227,243,
Schmidt (Charles (Karl), 191, 192.
Schmidt (Martin), 536. 312, 315, 316, 383, 714.
Schönbach (Anton Emil), 404. Tiraboschi (Hieronymus), 340.
Schoenstedt (Friedrich), 19. Töpfer (Bernhard), 33, 468, 622.
Schhlz (Richard), 407, 517. Triller née. Birch-Hirschfeld (Anneliese),
681.
Schornbaum (Karl), 682.
Sedläk (Jan), 578, 606. Tron (Emile), 87, 334.
Seemann (E. F.), 510. Truhlaz (J.), 332.
Segarizzi (Arnaldo), 462, 463. Turberville (Arthur Stanley), 13, 14.
Seibt (Ferdinand), 577, 587, 745, 746. Turdeanu (Emile), 139.
Seifert (Joseph Leo), 34.
U
Serena (Augusto), 645.
Shannon (Albert Clement), O.S.A., 371, Ulanowski (Bolosaw), 499.
376. Underhill (Evelyn). 487.
Sheedy (Charles E.), 74. Unterkircher (Franz), 402.
474 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
186, 189, 191-215, 217-223, 228, 232, Fleming, Richard, évèque de Lincoln, 734.
234, 236-238, 241, 242, 248, 249, 261, Florence, 531, 653-656,754.
262, 266-268, 274-276, 278-282, 312, Fournier, Jacques (Benoit X I I ) , 727.
314, 356, 386, 387, 395, 396, 401, 655, France, 129, 350, 356, 665, 666.
667, 712-721, 759, 760. France du Nord, 667, 670, 673.
Cerdagne, 757. France du Sud, 192, 229, 265, 267, 274,
Charité-sur-Loire, 673. 388,389,713 ; cf. Languedoc, Provence.
Chelclcky, Peter, 752. Franciscains, 26, 299, 440, 443, 647, 658,
Chieri, 663. 661.
Chichele, Henri, 556. François d'Assise, 26, 215, 216.
Chiliasme, 30, 33, 608-010, 612 ; cf. Mil- Franconie, 629, 682.
lénarisme. Fraticelles, 453-455, 472.
Ciompi (Florence), 593. Frédéric II, Empereur, 375, 385.
Clareno (Angelo da), 453. Frioul, 651.
Colchester, 555.
Cologne, 483, 507 a. O
Conrad von Marburg, 374.
Constantinople, 751 ; cf. Byzance. Garnier de Rochefort, 415.
Corse, 262. Geraldus Odonis, O.F.M., 732.
Cosmas le Prêtre, 144, 145, 701. Gérard de Morée, 149-151.
Coventry, 560. Gerhoch de Reichersberg, 694.
Cremone, 346, 644 ; cf. Prévostin. Gerson, Jean, 496.
Croisade, 104 ; croisade contre les Albi- Giacomo Capelle O.F.M. 398.
geois, 237, 240, 244, 250, 274, 715. Gibelins, 523.
D Giovanni di Lugio, 224.
Gniezno (Gnesen), sermons de, 414.
Dalmatie, 569. Gnostiques, 44, 47, 109, 110, 116.
Dante, 429. 445, 652, 655. Néo-gnostiques, 197.
David de Dinant, 419-422. Goslar, 61, 680.
David von Augsburg O.F.M., 403. Gottfried von Arnsberg, 726.
Dinkelsbilhl, 323. Graal, 270-273.
Dolcino (fra), 462, 463, 465-468. Grégoire IX, 424, 676.
Dominicains, 256, 524. Grégoire, I'évêque de Fano O.P., 397.
Douai, 674. Gulielma, 461 ; cf. Guillelmites.
Dualisme, 109, 111, 112, 115, 160, 161, Guillaume de Puylaurens, 393.
695; Guillaume de Saint-Amour, 448.
cf. Manichéens, GuilMem Peire, évêque, 235.
Durand de Huesca, 226, 227, 313-316. Guillelmites, 461.
H
Ecbert de Schônau, 712.
Echard le boulanger (Reims), 672. Hadewych, 489-493.
Eckhart (Maître) O.P., 481-483. Henri de Lausanne, moine, 88.
Ermengaud de Béziers, 316. Herzégovine, 182.
Ermland, 631. Hongrie, 633-637.
Espagne, 273, 356, 683. Huguccio, 725.
Este (Procès), 522. Humbert de Silva Candida, 69.
Evangile éternel, 442. Humiliâtes, 340-346.
Exeter, 556. Hunnes, Richard, 558.
F Hus, Jean, 34, 539, 566, 575, 580, 583,
584, 597, 737, 744.
Femme (problème de la), 40, 266, 311. Hussites, 574, 576, 577, 585, 587, 626.
Flagellants, 458-460, 527-529. 743-751.
NOMS DES HÉRÉTIQUES 477
W Y
N O T E LIMINAIRE 1
M O U V E M E N T S P A R A - H É R É T I Q U E S EN E U R O P E C E N T R A L E ET ORIENTALE
D U 9 e A U 1 1 e SIÈCLE : A P O S T A S I E S , p a r A . G i e y s z t o r 159
H É R É S I E S U R B A I N E S ET HÉRÉSIES R U R A L E S E N I T A L I E D U 1 1 E A U 1 3 E S I È -
CLE, par C. Violante 171
Discussion, par B. Geremek, C. Violante et R. Manselli 198
H É R É S I E S A V A N T E ET H É R É S I E P O P U L A I R E D A N S L E BAS M O Y E N ÂGE,
par G. Leff 219
Discussion, par J. Séguy, E. Delaruelle, R. Manselli, Mme M. Aston,
E. Poulat, et G. Leff 226
E N T R E R A T I O N A L I S M E ET M I L L É N A R I S M E A U COURS D E L A R É V O L U T I O N
D'ANGLETERRE, par O. L u t a u d 343
Discussion, par I. S. Revah, R . Mandrou, Mme M. Aston, J. Séguy
et O. Lutaud 367
Avant-propos 408
I. Généralités 411
I I . Les hérétiques en Occident au 11e siècle 415
484 HÉRÉSIES ET SOCIÉTÉS
Supplément 461