Vous êtes sur la page 1sur 6

Lisapo ya Kama

"Le Nègre ignore que ses ancêtres, qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil,
sont les plus anciens guides de l'humanité dans la voie de la civilisation" Cheikh Anta Diop

Les Egyptiens étaient Noirs

La perception de la richesse dans la pensée africaine

«  Il est glorieux d’être riche  ». Ces mots ont été dits par Deng Xiaoping et symbolisent le
basculement idéologique de la Chine. Au 19e siècle la Chine était un empire prestigieux,
certains disent la première puissance économique mondiale. L’empire fut détruit par les colons
européens et le pays fut par la suite humilié par la sanglante occupation japonaise.

A la fin de la 2e guerre mondiale, le communisme d’inspiration soviétique – avec son rejet des


riches et de ceux qui possèdent des biens – pris le control de la Chine, avec Mao Zedong à sa
tête. La Chine était alors un des pays les plus pauvres au monde avec des millions de
personnes qui moururent de famine.

Le père de la Chine moderne

Deng pris le pouvoir suite à Mao et décida dans les années 70 d’une révolution des mentalités,
en valorisant les personnes qui s’enrichissaient. Il n’était plus mal d’être riche et une classe
d’entrepreneurs chinois commença à émerger, à s’enrichir et à enrichir le pays.

Les peuples dans le monde qui valorisent le fait d’être riche, finissent presque toujours par le
devenir. L’exemple le plus révélateur est celui des Juifs. En Afrique être riche est une valeur
chez les Bamilékés du Cameroun par exemple, qui économiquement s’en sortent mieux que
d’autres. Au moment où l’Afrique entière doit aspirer à retrouver sa prospérité d’avant la traite
négrière européenne, nous allons voir comment il est possible – tout en restant dans nos
traditions – d’opérer un virage philosophique tel que celui de la Chine pour retrouver le bonheur
matériel que nous avons perdu.  

Le présent article vient en complément de nos premiers écrits sur l’économie socialiste
africaine, et sur le système non-esclavagiste de l’Afrique ancienne.
« Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux » Mathieu 5.3. Ce passage
biblique très connu et manifestement mal compris, a installé dans l’esprit de beaucoup de
Noirs chrétiens qu’être pauvre est une bonne chose. Hors de ce cadre religieux, posséder des
biens matériels suscite beaucoup de jalousie, voir même des accusations systématiques de
malfaisance, de sorcellerie etc…

En Afrique on envie les riches, mais leur opulence n’est pas ouvertement vue comme quelque
chose de positif. Il y a une hypocrisie sur le sujet. Au vu de cette perception ambiguë qui
n’encourage pas tellement à se battre pour le confort matériel, que dit la philosophie africaine
sur le sujet ?

L’Afrique ancienne et la richesse

Dans son étude approfondie de l’économie africaine ancienne, Julius Nyerere, le premier
président de la Tanzanie disait dans Ujamaa, the basis of African socialism « Il n’y a rien de mal
à vouloir être riche, pas plus qu’il n’est mal de vouloir le pouvoir qu’apporte la richesse  ». Dans
l’Afrique de l’époque impériale pullulaient des castes de riches commerçants, notamment sur
la côte Est et sur la boucle du Niger. Ils faisaient du commerce international avec les Arabes,
l’Asie, l’Amérique et l’Océanie. Ils vivaient dans le plus grand luxe, se couvrant d’or, de soie, de
velours, d’ivoire, de diamants, sans que cela soit mal vu par la société. Tout Africain à l’époque
était libre de chercher à s’enrichir, ça ne posait pas de problèmes.

La richesse extraordinaire dans l’Afrique ancienne, aussi bien chez les gouvernants que les entrepreneurs. A
gauche l’Ethiopie ancienne, peinture du 18e siècle. A droite le Kongo, illustrateur inconnu.
Même à l’époque pharaonique, les pièces sculptées somptueuses qu’ont laissées nos ancêtres
– rivalisant de raffinement et d’éclat – montrent bien que le luxe n’était pas réprouvé. Les riches
devaient ceci dit se soumettre à un code de bonne conduite, pour rester en conformité avec la
tradition.

Les riches et le peuple

“Si tu  es grand après avoir été petit, si  tu  es riche après avoir été pauvre… sache rester simple.
Parvenu au premier rang, n’endure pas ton cœur à cause de ton élévation; tu n’es que l’intendant
des biens de Dieu”. Ptah Hotep, philosophe et administrateur africain de l’époque pharaonique.

Ptah Hotep

Maât (la philosophie africaine) préconise l’humilité et la bonté envers les couches sociales
moins favorisées. C’est très clair quand on analyse notre histoire avant les contacts avec les
étrangers. Julius Nyerere poursuit et dit   «  Dans les temps anciens, l’Africain n’aspirait pas à
posséder la richesse personnelle dans le but de dominer ses semblables » et encore «  Certains
d’entre nous aimeraient utiliser et exploiter nos frères dans le but de bâtir leur pouvoir et prestige
personnels. Ceci nous est complètement étranger ». 

Comme nous l’avons détaillé ici, les travailleurs dans l’Afrique ancienne – y compris ceux de la
caste inférieure des dépendants – mangeaient à satiété, avaient un toit, étaient habillés, étaient
écoutés, et avaient même le droit de grève comme en Egypte. La misère était quasi inexistante
à l’époque impériale parce que l’Etat et les individus riches prenaient soin des moins
favorisés.

Cheikh Anta Diop en parlant de l’Afrique en général et du Sénégal ancien en particulier, dit dans
l’Afrique noire précoloniale, page 12 “contrairement au comportement des nobles vis-à-vis des
bourgeois (en Europe), des seigneurs vis-à-vis des serfs (en Europe), des brahmanes vis-à-vis des
autres castes indiennes, les gér (au Sénégal) ne peuvent pas exploiter matériellement les
ressortissants des castes inférieures sans déchoir aux yeux du peuple et à leurs propres yeux. Ils
sont, au contraire, tenus de les assister à tous les points de vue (…) Ils doivent “donner” si un
homme de caste “inférieure” s’adresse à eux. En échange, ce dernier doit leur céder le pas sur le
plan social”.

S’il était permis de devenir riche, la pensée jugeait absolument inconcevable de maltraiter des
êtres humains pour devenir riche ou parce qu’on était riche. Maât demande d’utiliser le pouvoir
que donne la richesse pour faire le bien. Pour montrer qu’il a obéit à Maât, le défunt doit ainsi
dire dans la salle du jugement dernier « Je n’ai pas maltraité les gens (…) J’ai donné du pain à
l’affamé, de l’eau à l’altéré, des vêtements à celui qui était nu, une barque à celui qui n’en avait
pas ».  

Maât

Ce code africain de bonne conduite est à l’opposé du capitalisme et ses méfaits. L’Occident
capitaliste – pour qui la richesse matérielle apparait comme le but même de l’existence – a
ainsi accédé à la richesse en exterminant les Amérindiens et en exploitant les Africains. 
Tout le monde connaît les conditions de vie déplorables des ouvriers chinois, même si la
situation s’améliore quelque peu. C’est ce modèle capitaliste d’exploitation des plus faibles
qu’on retrouve aujourd’hui en Afrique par contamination étrangère. La valorisation de la
richesse dans ces cas-ci, se sera faite au dépit des lois de l’humanité.

Conclusion

La pensée africaine accepte parfaitement le fait d’être riche et de vivre dans le confort matériel.
Le monde noir décollera en bonne partie quand il aura une masse considérable de riches
entrepreneurs. Si vous pensez entreprendre et nous lisez, nous souhaitons vivement que vous
en fassiez partie. Vous devez aspirer comme nos ancêtres à avoir de la richesse par le travail.
Ne vous fixez pas de limite. Plus vous avez de l’argent, mieux c’est. Allez y franchement !!

Dans votre ascension vers l’acquisition de cette richesse, vous devez toujours être animés par
Maât. Vous respecterez la vie, en veillant toujours à donner des salaires et des conditions
dignes de leur humanité à tous ceux qui travaillent pour vous. Avec le pouvoir que vous donnera
cette richesse, vous contribuerez à nourrir, à éduquer, à soigner et à inspirer les Africains. Ceci
sera surtout fait à travers des Etats inspirant la confiance et à qui les riches remettront une
partie importante de leur fortune afin qu’elle soit utilisée pour élever le peuple.

Nous devons être riches, pour faire la Maât.

Pour en savoir plus sur Maât, cliquez ici

Hotep !   

Par  : Lisapo ya Kama ©  (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans
l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

– Ujamaa, the basis of African socialism ; Julius Nyerere


– L’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop
Spread the love

Tweet

Vous aimerez peut-être aussi