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Lisapo ya Kama

"Le Nègre ignore que ses ancêtres, qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil,
sont les plus anciens guides de l'humanité dans la voie de la civilisation" Cheikh Anta Diop

Les Egyptiens étaient Noirs

La tradition matriarcale africaine

On grandit dans des pays du continent et presque partout on voit les femmes régulièrement
battues. Leur parole est dévalorisée, leurs opinions sont rabaissées. Elles sont constamment
jugées, inlassablement définies – quelque soit leur succès dans la société – par le fait d’être
mariées ou pas.

Elles ne reçoivent pas d’héritage et sont plus à même de vivre dans l’insécurité matérielle. Elles
sont globalement absentes des cercles de décision politique et économique.
Devant ces abus nombreux et répétés, et vue la masculinité vive des hommes, on finit par se
dire que c’est dans la nature même de l’Afrique de faire de la majorité féminine, un groupe de
citoyennes de seconde zone. On se dit que finalement, nous sommes depuis toujours une
société patriarcale et sexiste.

Et quand on fouille dans l’histoire, comme ça a été notre cas, on découvre avec une
stupéfaction fracassante que l’Afrique authentique non seulement avait défini l’égalité entre
l’homme et la femme, mais avait en réalité fait de cette dernière – en accord avec les hommes
– le sexe le plus valeureux.

Nous allons donc aller aux sources du matriarcat et découvrir que ce trait culturel, le plus beau
qui ait émergé de la pensée de nos aïeuls, fut partagé, à un moment ou un autre, par tout le
continent noir. Nous verrons brièvement aussi comment nous avons régressé vers la situation
actuelle.

Yahmessou Nafooré Tiiri (Ahmès


Néfertari), Souveraine d’Egypte, co-fondatrice
du Nouvel Empire et de la 18e dynastie il y a
3500 ans. Sat Nsout (Fille Royale), Senet Nsout
(Sœur Royale), Hemet Nsout Ouret (Grande
Epouse Royale), Mout Nsout (Mère Royale).
Cette reine, la plus vénérée de l’antiquité,
demeure la plus excellente figure du matriarcat
en Afrique. 

Pour saisir l’entièreté de cet article, la lectrice et le lecteur pourront se documenter sur la
Religion Africaine, sur la philosophie africaine Maât, sur la tradition monogamique africaine et
sur les véritables origines de la circoncision et de l’excision.

Aux origines : Ankh (la vie)

Nos ancêtres avaient théorisé qu’au commencement de tout était le Noun, l’eau primordiale
désordonnée pleines de germes, d’où allait jaillir la création. Un de ces germes (Imana) prit
connaissance de lui et engendra la création, en ordonnant les potentiels de vie contenus dans
le Noun, et en vainquant par son énergie le désordre initial.

Imana (Dieu) continua l’œuvre créatrice en faisant évoluer les êtres enfantés pour parfaire la
création. Tous ces principes et évènements qui ont abouti à la création de la vie par Imana, ont
été appelés par les Egyptiens Maât.

Le Soleil porte aussi ces principes de Maât. Le Soleil liquéfie les eaux, ordonne et développe la
vie végétale, et est l’énergie maximale perceptible par les Humains. Le Soleil (Râ) est donc le
Messager de Dieu. Nos ancêtres ont ainsi appelé le Créateur Imana-Râ (Amen-Râ).

Puisque Dieu a créé les êtres, alors Dieu est masculin et féminin, car seul un couple peut
enfanter et créer la vie.
Parties féminine et masculine de Dieu, Egypte antique; Partout en
Afrique Dieu a une partie féminine et masculine, avec même dans
plusieurs cultures (Serere, Vodun, Haoussa) une predominance claire
de l’element féminin.  (Sculpture conservée au musée du Louvre) 

Tout l’univers est composé de principes contraires et complémentaires : ciel-terre, eau-air,


femme-homme etc… Le Créateur était donc unique avant de se diviser en un principe masculin
et un principe féminin. La femme et l’homme ont donc hérité chacun d’une partie du Créateur.

La femme est plus ordonnée, plus fidèle, plus stable et c’est dans son ventre contenant aussi
de l’eau que la vie évolue. Quand l’enfant nait, c’est elle encore qui le nourrit pour continuer son
développement. L’homme quant à lui a le plus de force physique et est supérieur sur le plan
énergétique.

Il ressort de ceci que le Créateur unique a partagé également son intelligence, mais a mis
surtout en la femme ses valeurs morales et sa capacité à engendrer et faire évoluer la vie, et a
mis en l’homme surtout son énergie qui sert à défendre cette vie. Nos ancêtres ont donc
convenu que la femme est plus porteuse de Maât que l’homme, voilà pourquoi Maât est figurée
par une femme.

Voilà en une image le fondement du matriarcat en Afrique, c’est Maât. Les


principes et lois qui ont abouti à la création de la vie sont surtout incarnés en
la femme.

La femme est moralement supérieure et donne la vie. L’homme est énergétiquement supérieur.
Dans l’harmonie, la femme et l’homme doivent donc s’unir et se compléter, pour recréer l’unicité
de Dieu, et réaliser son but, qui est de continuer la vie. La femme ordonnera et donnera la vie.
L’homme défendra cette vie.

Cet ordre divin a été codifié par l’écriture du mythe d’Isis et Osiris. Isis par ses valeurs morales
commence à restaurer le bien. Elle enfante Horus fils d’Osiris, qu’elle fait grandir et qui, une fois
adulte, par sa force physique, entérine la restauration du bien.
Aïssata (Isis) et son fils Horo (Horus), ou la Mère Royale et son fils le Roi.
Isis porte sur la tête le Soleil Messager de Dieu, encastré entre ses cornes de vache mère nourricière. Elle est, à
gauche, recouverte d’or pour marquer son caractère solaire supérieur.
C’est pourquoi on voit de nombreuses femmes avec une peau jaunie dans les tombes égyptiennes.

Le matriarcat a été renforcé par la fin de la vie nomade et la sédentarisation. Dans les premiers
villages et villes, les hommes allaient à la guerre, à la chasse, ce sont les femmes surtout qui
s’occupaient directement de la communauté. Elles en donc été définies comme le pilier.

L’enfant porte le nom de sa mère, appartient à la famille de celle-ci et est mis sous la tutelle
masculine du frère de celle-ci. L’oncle défend les droits de sa sœur et s’assure que ses neveux
et nièces restent attachés à leur famille maternelle.

Au niveau du pouvoir c’est la femme qui en détient les droits. Elle est la Mère Royale, plus haut
personnage de l’Etat. Elle fait exécuter le pouvoir par son fils le Roi et transmet les droits à sa
fille qui porte le titre de Sœur Royale. Le Roi est chef de la politique et chef des armées. A sa
mort il est succédé par le fils de sa sœur. Ainsi le pouvoir passe de mère en fille et est exercé
par leurs fils respectifs.
Isis faisant corps avec le trône sur lequel son fils siège. Elle
étend ses ailes de Maât, marquant sa morale supérieure.
Aïssata en Egyptien ancien signifie le trône.

L’Isis est Fille Royale quand elle nait, Sœur Royale quand son frère devient Roi, Grande Epouse
Royale si elle épouse celui-ci, et Mère Royale quand son propre fils devient Roi.

Certains ont avancé que si le roi en Afrique choisissait l’enfant de sa sœur pour lui succéder,
c’est parce qu’il était sûr que l’enfant était de son sang, alors qu’il ne pouvait pas le jurer pour
son propre enfant. Si cette certitude a joué un rôle, ce n’est pas l’unique raison. Si tel avait été le
cas, la sœur du roi aurait été une potiche sans pouvoir, chargée uniquement d’enfanter l’héritier.
Or il est attesté qu’elle était particulièrement puissante.

Cheikh Anta Diop dit ainsi en 1959 dans l’Unité Culturelle de l’Afrique noire, page 111 « En
Egypte c’est la femme qui hérite des droits politiques mais (…) c’est son mari qui règne ». 60 ans
plus tard, la respectée romancière et activiste Chimamanda Ngozi Adichie dit à propos des Igbo
du Nigéria « Les hommes étaient, en général, plus puissants, mais les femmes avaient le pouvoir »
[1].

L’ordre divin du matriarcat fut ainsi appliqué dans toute l’Afrique.


Le matriarcat en Afrique australe

Dans la prestigieuse civilisation de Zimbabwe, le Mwene Mutapa (l’empereur) était couronné


par sa mère et épousait sa sœur. La Namwari (Mère Royale) était le plus haut personnage de
l’Etat.

Chez les Venda d’Afrique du Sud, le roi accédait au trône assisté de l’ainée de ses sœurs
(Khadzi) et de son frère (Ndumi). A sa mort, son propre fils devenait roi, la Khadzi devenait
Makhadzi (Mère Royale) et le Ndumi devenait Khotsimunene (Père Royal). Le roi régnait donc
avec sa tante et son oncle paternels. Quand les trois n’arrivaient pas à se mettre d’accord, la
Makhadzi avait le dernier mot.

Dans le royaume d’eSwatini (ancien Swaziland) jusqu’à nos jours, le roi règne avec sa mère qui
porte le titre de Ndlovukati. Elle accède à cette fonction le jour du couronnement. Quand le Roi
(Ngwenyema) est dans l’incapacité d’exercer le pouvoir, c’est la Ndlovukati qui règne.

Armoiries royales d’eSwatini


Le lion représente le Roi. L’éléphant représente la Mère Royale. Le lion est l’animal avec la plus grande énergie.
Les éléphants sont dirigés par des femelles.
Ndlovukati Ntfombi Tfwala, actuelle Mère Royale d’eSwatini. Elle a occupé les fonctions de Roi entre
1983 et 1986.

A propos des baTswana, l’ethnie majoritaire du Botswana, Radcliffe-Brown et D Forde disent en


1953 « Un oncle maternel lié, doit en particulier, être consulté dans tous les cas touchant
spécialement les enfants de sa sœur ; son opinion est si importante que quelquefois, au moment
où l’on arrange le mariage son véto peut être décisif » [2].

Dans le raffiné royaume Kuba au sud de la RD Congo, c’est la matriarche qui nommait le roi et
pouvait le démettre du trône. Le Roi était succédé par le fils de sa sœur.

Le matriarcat en Afrique de l’Est


Gravure égyptienne du temps de la Pharaon Hatchepsout il y a 3400 ans.
Les Egyptiens se rendent dans le pays de Pount, aux sources mêmes de leurs origines, que
l’égyptologue Jean Charles Coovi Gomez situe en Ouganda.
Ils sont reçus par la reine Ati, plus haut personnage de l’Etat, et son mari le roi Parihu.

Pendant la civilisation Swahili (Kenya-Tanzanie), apogée absolue de l’histoire de la région, le


Roi (Mfalme) accédait au trône par le mariage avec une princesse royale.

Dans le royaume du Buganda, le roi (Kabaka) succédait à son père ou son frère paternel, mais
régnait avec sa mère (Namasole) et était sous la protection de la famille de celle-ci. Ce fut
probablement ainsi aussi dans le royaume du Rwanda, d’où les intrigues entre femmes pour
voir leurs fils respectifs accéder au trône.

Le Soudan représente à n’en pas douter l’apogée absolue du matriarcat africain, avec les Mères
Royales (Kandake/Candace) de l’époque pharaonique, qui occuperont aussi les fonctions de
Roi il y a 2000 ans. Cette tradition continuera même pendant l’époque chrétienne orthodoxe, où
le roi était succédé par le fils de sa sœur.

En Ethiopie les reines noires de Saba au sud de la péninsule arabique, ont également régné sur
le pays.
En Somalie où aujourd’hui on lapide quelquefois les femmes à travers la charia islamique, les
clans Reer-Cambaro et Reer-Mayran se nomment après leurs ancêtres féminins. Ce sont là les
vestiges d’une tradition presque éteinte.

Le matriarcat en Afrique centrale

Autour du Lac Tchad, a prospéré le gigantesque empire du Kanem-Bornou. Le Roi (Maï) régnait
avec sa mère (Magira) – le plus haut personnage de l’Etat – et avec sa sœur.

Chez les Bamilékés du Cameroun, la Mère Royale (Mafo) avait préséance sur son fils le Roi. La
fondation du royaume Bamoun quant à lui, part de la reine Yen. Jusqu’à l’époque du célèbre roi
Njoya, sa mère Nzabdunke était puissante.

La Mère Royale Nzabndunke, mère de Njoya. Le père de Njoya étant mort alors qu’il était enfant, c’est elle qui a
assumé les fonctions de Roi. 

Chez les Fangs du Cameroun-Gabon-Guinée Equatoriale, les enfants se nommaient après leurs
mères. Ainsi, des grandes familles de la ville de Yaoundé (Mvog Atangana Mballa, Mvog
Tsoungui Mballa, Mvog Fouda Mballa) sont nommées après Mballa qui était une femme.
Dans l’empire Kongo, le Roi (Mwene Kongo) vénérait sa mère et épousait sa sœur. Dans
certains clans Kongo jusqu’à nos jours, les hommes considèrent les enfants de leurs sœurs
comme plus importants que leurs propres enfants.

Le matriarcat en Afrique de l’ouest

Fondé par le peuple Soninké en Mauritanie-Mali, c’est l’empire de Ghana, probablement l’Etat le
plus riche au monde au 10e siècle, qui inaugura l’époque impériale. L’empereur (Tounkara)
régnait avec sa mère et était succédé par le fils de sa sœur. Si on ne sait pas bien l’étendue des
pouvoirs de la mère du Tounkara, on peut les déduire de la tradition des Akan, qui sont d’origine
Soninké.

Chez les Ashanti, peuple Akan du Ghana actuel, l’Asantehemaa (Mère Royale) nommait le Roi.
Osei Tutu, vénérable fondateur de l’empire Ashanti, fut ainsi nommé par sa grand-mère. Le Roi
était succédé par le fils de sa sœur.

Chez les Wolofs du Sénégal, c’est une femme (Linguère) qui nommait le Roi (Brack), qui était
son mari, frère ou fils. La relation privilégiée avec les enfants de la sœur était la règle.

Linguère Ndate Yalla Mbodj du royaume


de Waalo au Sénégal. Cette femme fut
une des pl

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