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Et si l'Afrique refusait le développement ?, Axelle Kabou, l'Harmattan 1991,208 p.

C’est un ouvrage qui traite du manque d'envie et de l'incapacité des africains à prendre en
charge le continent africain sans dépendre de l'aide étrangère.

Résumé officiel de l’ouvrage (sur Amazone.fr)


L'auteur du présent ouvrage, en retournant à la société et aux mentalités africaines, risque deux hypothèses
: - et si le refus du développement était encore l'idéologie la mieux partagée en Afrique noire ? - et si le
développement était perçu, à tous les échelons, comme reposant sur des diktats post-coloniaux que
supporteraient mal des sociétés déjà fragilisées par l'histoire ? Cet ouvrage se propose de contribuer au
renforcement de tout mouvement de pensée visant à rechercher les causes des malheurs de l'Afrique en son
sein, et s'assigne trois objectifs : - montrer pourquoi le refus du développement n'est pas reconnu, - en
démonter les mécanismes idéologiques, - mettre en évidence les points d'eau où les consciences africaines
post-indépendantistes s'abreuvent.

Commentaire de l’ouvrage, Philippe Lavigne Delville (ceci est son avis)


http://apad.revues.org/416
"Et si l'Afrique refusait le développement ?". Le sous‑ développement n'est pas dû un manque de
capitaux, aucune des interprétations économiques ne parvient à rendre compte de la situation. Dès lors,
il faut bien revenir à la question taboue des "mentalités". Mais attention, pas des mentalités africaines à
la Griaule : "le refus du développement fleurit moins sur le terrain de la tradition villageoise que sur la
macadam des capitales". "Ces comportements et attitudes suicidaires trop hâtivement assimilés à des
persistances de cultures traditionnelles constituent un nouveau système idéologique implicitement
revendiqué par une élite africaine honteuse de son "occidentalité"" , qui a besoin de "se laver du péché de
toubabisation". C'est bien des mentalités actuelles des classes dominantes que parle Axelle Kabou.
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L'Afrique n'a pas su dépasser son "sanglot de l'homme noir". Elle s'est construite une image d'elle‑ même
en éternelle victime, où la traite, la colonisation, puis les termes de l'échange sont les seules causes des
difficultés. Les théories de la négritude, loin de réhabiliter l'homme noir, l'a enfermé dans un "droit à la
différence" qui n'était qu'un droit à l'auto‑ marginalisation. "L'Afrique moderne paraît avoir autant de mal
à revendiquer une modernité associée à la traite négrière et à la colonisation qu'à assumer la totalité d'un
système anté‑ colonial à qui elle reproche deux défaites retentissantes". "Les Africains restent largement
persuadés que leur destin doit être pris en charge par des étrangers", que "les prétentions civilisatrices de
l'Occident ne s'arrêtent pas avec les indépendances". Dès lors, "l'Afrique n'est pas loin de ressentir le
développement comme une injonction", "les efforts de développement sont perçus comme des aveux
d'impuissance, d'infériorité culturelle ou raciale". "L'Afrique noire reste profondément humiliée par l'idée
même de développement", considérant que c'est "une tâche qui relève légitimement des obligations du
colonisateur". La technique reste perçue comme "la chose du blanc", qu'on utilise plus ou moins
dédaigneusement, sans chercher à s'en emparer.
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Le système du "développement", dimension structurelle de l'économie post‑ indépendantiste, n'a fait
que renforcer ces tendances : "Trente années de télé‑ alimentation, de télé‑ financement, de
détournements divers ont, semble‑ t‑ il, largement convaincu les bourgeois africains que leur argent ne
saurait servir au développement de leur continent : c'est‑ là le rôle historiquement dévolu à l'ancien
colonisateur". Pourtant, "les Africains qui ressentent leur retard comme une accusation implicite
d'arriération par rapport à l'Occident et qui se barricadent derrière leurs valeurs culturelles doivent savoir
qu'ils se tendent là un piège dont ils sont les seuls à pâtir".
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Pour Axelle Kabou, ce refus du développement découle directement du système idéologique
post‑ indépendances, basé sur ce qu'elle appelle le "vendredisme" : dans le roman de Defoe, Vendredi
symbolise à la fois le bon sauvage et le complexe de dépendance du primitif à l'égard de l'homme blanc.
Les "mythes post‑ indépendantistes" se sont donc constitués dans la période charnière des
indépendances. Le complexe de la colonisation a conduit les élites africaines à jeter le bébé de l'emprunt
technologique avec le bain de l'impérialisme. Les critiques internes à l'Occident, tiers‑ mondisme et
critique marxiste en particulier, rebondissant sur les théories de la négritude, leur ont fourni le
prêt‑ à‑ penser idéologique permettant à la fois de rejeter l'ensemble des responsabilités sur l'Occident,
de mettre en place le système de dépendance économique et de se survaloriser culturellement. Le
relativisme culturel achève l'inversion symbolique du rapport de dépendance. Il permet d'invoquer un
droit à la différence qui "se manifeste par une sorte de détermination altière à n'être que soi et rien
d'autre, et surtout à n'y voir aucun inconvénient, quand bien même le plus grand exploit en matière
d'auto‑ réhabilitation ne consisterait qu'à diaboliser les idées nouvelles, à ériger la mendicité en principe
de développement et à liquider les gêneurs".
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L'Occident a lui aussi sa part de responsabilité. Le vendredisme des élites africaines a rencontré un
soutien, explicite ou implicite de la part des pays occidentaux, à travers le sanglot de l'homme blanc ou la
logique internationale qui a institutionnalisé le "développement". Sans même parler de l'appui politique
à des régimes douteux sous prétexte de guerre froide, "les spécialistes du développement, dévorés par
leurs propres passions, aveuglés par les refrains à la mode, ont pratiqué, à gauche comme à droite, la
flagornerie, le paternalisme ou opté pour la fuite tangentielle quand il s'agissait des vrais débats du
sous‑ développement de l'Afrique".
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Mais le sanglot de l'homme blanc est passé. "L'Afrique a‑ t‑ elle retenu que [le tiers‑ mondisme] répond
essentiellement à un besoin de liquider les contentieux issus de la décolonisation et de la guerre froide,
pour permettre à une Europe (enfin réconciliée avec la civilisation technicienne) d'aborder le XXIe siècle
avec des habits neufs ? Tout porte à croire que non. En retard de trois longueurs, comme d'habitude,
l'Afrique ne semble pas comprendre les implications profondes de la bourrasque qui secoue l'Occident en
ce moment, et s'obstine à lancer des appels à l'aide en direction de l'Europe occidentale, non seulement
déterminée à tiers‑ mondiser une Europe centrale dégoûtée du socialisme soviétique, mais aussi décidée
à considérer désormais l'aide au développement comme un simple geste de charité". La question est
clairement posée : "l'Afrique est enfin condamnée à se débrouiller. Doit‑ on vraiment le déplorer ?"
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La crise actuelle montre que "les mythes post‑ coloniaux créés par la génération des indépendances ont
désormais atteint leur rendement maximum en tant que facteurs de régulation sociale". "La liste des
ruptures socio‑ économiques actuellement perceptibles en Afrique est longue (…) l'effondrement des
supports économiques habituels d'une société essentiellement combinarde, désormais sciés à la base,
installe partout une angoisse polymorphe, pesante, lourde de menaces pour l'avenir immédiat. (...) Les
sources "modernes" d'alimentation et de régénération des solidarités atomisées sont à peu près
épuisées". "La décennie 1990‑ 2000 sera sanglante en Afrique". "Il est difficile de croire que de tels
revirement restent sans effet sur les mentalités. (...) Le tout est de savoir combien de temps il faudra pour
qu'éclate à l'échelle du continent la révolution sociale salutaire".
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"Face à un Occident débarrassé de sa mauvaise conscience à l'égard des sous‑ développés, l'Afrique a
peut‑ être une chance de comprendre que le droit à n'être que soi est la rançon d'un long et patient effort
de vitalisation et de revitalisation du patrimoine culturel par l'intégration intelligente d'éléments
nouveaux, étrangers ou non". Axelle Kabou prône une Afrique qui s'assume elle‑ même, pratique
largement et sans complexe les emprunts à l'Occident avec un "opportunisme scientifique" semblable à
celui du Japon, qui arrive enfin à dépasser "l'absence cruelle de projet de société cohérent".
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Par son ton et son discours, Axelle Kabou, jeune camerounaise de 36 ans, se veut le porte‑ parole "d'une
génération objectivement privée d'avenir, qui a tout intérêt à travailler à l'effondrement des
nationalismes étroits des indépendances et à l'avenir d'une Afrique large, forte et digne". C'est bien
comme cela qu'il faut lire ce livre. Il enfonce des tabous et, en ce sens, il est salutaire. Mais il ne faudrait
pas qu'une lecture trop rapide, enchantée par le style alerte et le sens de la formule, croient retrouver‑ là
l'afro‑ pessismisme bon teint des salons parisiens. D'abord parce qu'il ne renie pas la puissance d'analyse
des théories de la dépendance, cite Samir Amin et Franz Fanon, regrettant même qu'ils aient été
tellement vidés de leur substance. Ensuite parce que, en tant que critique politique interne, il représente
l'émergence d'une nouvelle classe politique qui veut achever un système post-indépendances pervers et
moribond. Il y a là quelque chose de sain que n'a pas le discours ultra‑ libéral occidental, même si, une
fois de plus, les discours propres à l'Occident peuvent servir dans les enjeux locaux africains.

Critique favorable (recueilli sur Internet, Amazone.fr)


C'est une vision assez originale et nouvelle des réalités de l'Afrique qui est proposée dans ce livre, au travers
d'une auto-critique assez sévère de la mentalité africaine. On y trouve des éléments intéressants (faisant
notamment référence à l'histoire, la sociologie et l'idéologie africaine) venant alimenter une réflexion
nécessaire sur les raisons du sous-développement de ce continent, allant au-delà des habituels clichés. Même
après 13 ans d'existence, l'analyse semble rester profondément actuelle.

Critique défavorable (recueilli sur Internet, Amazone.fr)


Je l'ai lu et acheté a sa sortie, et je trouvais les réflexions de Mme. Kabou, d'une absence totale de profondeur
de connaissance du sujet.
Rien sur la françafrique, rien sur la présence pour le moins étonnante, de l'armée française dans la quasi
totalité de ses ex-colonies.....on se demande bien pourquoi.
Ce type de réflexions, trouve évidemment un échos favorable en Europe et servent de cache sexe, à la nature
profonde des vrais relations qu'entretient l'Europe sans ressource et riche, avec l'Afrique pauvre et riche en
ressource...
Son étude des mentalités africaines (les connaît-elle toutes ?), reste un peu de la psychologie de comptoir.
En Chine, les gratte-ciels sont construit en tenant compte du feng shui, donc de l'orientation des pièces etc...,
suivant cette croyance non prouvée scientifiquement... et j'en passe.. pourtant la Chine est développée !

D’après Raoul Nkuitchou Nkouatchet


http://www.slateafrique.com/93573/cameroun-la-question-axelle-kabou
Axelle Kabou, celle que l'intelligentsia africaine n'aime pas !
Il y a vingt ans, l'essayiste camerounaise Axelle Kabou a créé une vaste polémique: l'Afrique refuse le
développement. Les élites du continent ne lui ont jamais pardonné cet affront.

Qui n’a pas lu Axelle Kabou ? Il est des textes qu’il vaut mieux avoir rencontrés. En 1991, était publié à Paris le livre
d’une jeune femme, née en 1955, à Douala au Cameroun.
Elle était jusque-là inconnue du microcosme de la vie intellectuelle et journalistique du continent africain dans la capitale
française.
En guise de titre de l’ouvrage, Axelle Kabou posait une question terrible, qui tourmente depuis longtemps ceux qui,
intellectuels, politiques, hommes de bonne volonté, se soucient encore de ce continent qu’on a qualifié de «maudit»:
Et si l’Afrique refusait le développement?
En réalité, cette question renvoie à se demander pourquoi le continent le plus anciennement peuplé est de loin le plus
faible, le plus dépendant. Mais, l'ouvrage d'Axelle Kabou est surtout celui d'une auteure qu'on n'attendait pas.

Personne ne l'attendait
Lorsque cette Camerounaise a été publiée, il y a maintenant vingt-et-un an, elle n'est ni une autorité universitaire ni
une auteure européenne, pour oser ce type de questions avec un tel aplomb.
Car, que dit-elle dans son ouvrage? Elle soutient que l'Afrique ne s’est jamais vraiment sentie concernée par le concept
du progrès. Axelle Kabou finit de noircir le tableau en martelant que l’effort en faveur du développement sur ce continent
tient de la supercherie, de la prestidigitation!
Européenne, on l’aurait traitée de raciste; grande intellectuelle africaine, on l’aurait traitée de «vendue».
S’adressant à des gens habitués à dégainer leur cursus universitaire, l’auteure a eu le loisir de se faire snober (et
parfois insulter) par l’establishment.
L'essayiste se demande pourquoi l'idéologie régnante sur le continent noir est celle du parti unique de l’immobilisme.
Ce qui frappe en Afrique, affirme-t-elle, c’est l’inexistence dans tous les pays d’un projet de société clair, repérable et
défendable par tous.
Elle dénonce avec véhémence la parade lamentable que les responsables adoptent chaque fois pour couvrir leurs
errements: l’évitement, la surenchère verbale.
Le soubassement de l’interrogation de Kabou est celui du rôle que les Africains se donnent dans l’Histoire.

Elle a bousculé les certitudes


L'Afrique semble se comporter comme ces aînés sacrifiés dans certaines cultures anciennes au rôle de frayeur de
chemin, et qui n’ont pas d’autre destin que celui de permettre aux suivants de mieux faire.
Il est vrai qu'Axelle Kabou n’aide pas à lire sa contribution. Elle n'hésite pas à dénoncer l’inculture des élites africaines,
et assène que l’Africain ne voit pas plus loin que le bout de son ventre, même quand il est suffisamment aisé pour être
en mesure de prendre des risques.
Lorsqu’on sait à quel point l’amour-propre, le nombrilisme, constituent chez les intellectuels africains l’alpha et l’oméga
de l’analyse, on ne peut s’étonner que l’ouvrage les rebute d’emblée.
C’est donc à l’étranger qu’il a connu l’intérêt qu’il mérite. Pourtant, mis à part quelques insuffisances de forme, que de
vérités cruciales versées au débat! A commencer par l’ambition tout à fait rare de l’entreprise: une réflexion sur les
mécanismes idéologiques du processus par lequel l’Afrique refuse le développement.
On a pris l’habitude, dès qu’il s’agit de juger ce qui se passe sur ce continent, d’y jeter un coup d’œil fantaisiste, souvent
prétentieux, de préférence dans un jargon inaudible, histoire de masquer le discours monomaniaque de la victimisation.
Kabou se décide de prendre l’explication de la situation sociale, économique et politique par le bout le plus difficile,
celui de la culture. Convaincue qu’il n’y a pas de responsables ex nihilo, convaincue que le sous-développement de
l’Afrique, quelle que soit l’époque considérée, n’est pas le produit du hasard.
Contre les murs de la mystification, elle affirme que quiconque a vécu et travaillé en Afrique sait que ce continent a,
avant tout, des problèmes d’organisation, de motivation, de contrôle et de production qu’aucune idéologie ne résoudra
et qui persisteront tant que les Africains se tiendront à l’écart de l’évolution du monde.
Axelle Kabou trouve dans ce qu’elle appelle «l’économie d’affection», la source centrale du sous-développement du
continent noir. Elle conteste de façon décisive le mythe d’une solidarité supérieure des Africains entre-eux, et ne voit
dans l’esprit communautaire qui règne en Afrique qu’une manière désastreuse de se procurer des rétributions
psychologiques à peu de frais.
Bien sûr que des choses ont été dites et écrites, avant Kabou et aussi après; mais la tendance a souvent été, au mieux,
celle d’un partage des responsabilités entre l’Afrique et les anciens auteurs de l’esclavage puis de la colonisation. Le
pas a très rarement été franchi d’une dénonciation unilatérale de l’Afrique comme coupable de son sort.

Un plaidoyer plus qu'un pamphlet


L’originalité et la force de la méthode de cette auteure résident dans son choix de procéder à un examen microscopique
de la causalité du sous-développement.
Là où les experts des organisations internationales et les chercheurs brandissent chiffres et statistiques, elle s’occupe
de ce qui se passe dans la tête des Africains, parce qu’on ne prend jamais assez cela au sérieux.
Le pamphlet d'Axelle Kabou est un plaidoyer pour donner (enfin) un horizon à ces millions d’enfants d’Afrique que ce
continent pousse littéralement au suicide.
Axelle Kabou a raison de rappeler que l’on ne peut pas éternellement se contenter d’examiner la logique de la
domination du Nord sans jeter un coup d’œil sur la logique de la sujétion africaine qui lui répond.

Raoul Nkuitchou Nkouatchet


Sociologue et Conseiller en Relations Industrielles, Président du Cercle Mont Cameroun, un think thank qui a abordé les questions
politiques camerounaises

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