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INTRODUCTION

Le problème relatif à l’intérêt de la philosophie africaine est d’une grande actualité si on regarde de près
le continent africain en proie à d’énormes difficultés. Dans certains médias occidentaux, l’image de
l’Afrique est uniquement celle des génocides, des conflits, des guerres tribales, des coups d’Etat
récurrents, de carences démocratiques, des sécheresses, de famines quasi endémiques, de
démographie galopante, des pandémies tel que le SIDA. Le bilan est sans doute négatif, car une telle
caricature fait de l’Afrique le monopole de la pauvreté, des guerres et des violences, continent qui
refuse sans doute le développement autrement dit le progrès et la civilisation. Une telle conception
exclut l’Afrique du mouvement de l’Histoire et fait d’elle un continent sans destin, sans espoir « victime
de lui-même, unique responsable de ses turpitudes et de sa faillite ». Dès lors, on se pose la question de
savoir, Que faire devant une telle déchéance prononcée sur le devenir de l’Afrique ? Deux attitudes
s’offrent à nous, d’une part accepter ou se résigner et d’autre part refuser ou s’affirmer. C’est du côté de
la seconde attitude que nous voudrons nous tourner en ce sens qu’elle fait recours au discours
philosophique tourné vers l’action et la transformation des sociétés africaines. S’il est vrai que l’intérêt
désigne ce qui est utile, avantageux et bénéfique, le discours philosophique apparaît alors comme
Charles Romain Mbelé, Paix, droit et commerce, Examen du fondement philosophique de l’ajustement
de l’Afrique subsaharienne à la mondialisation Inédit, p. 11.

Il s’est développé ces derniers temps un courant de pensée qui annonce le décés iminent de l’Afrique et
s’inscrit dans le cadre de ce que nous pouvons appeler afro-pessimisme radical :

la négrologie, tendance qui consiste à considérer l’Afrique comme sinistrée économiquement,


financièrement, socialement, politiquement, bref une Afrique totalement et décidément mal partie. « La
faute aux Africains ? » Nous pouvons nous référer à l’ouvrage de Stephen Smith, Négrologie. Pourquoi
l’Afrique se meurt ? Paris, Calmann-Lévy, 2003; dans lequel il s’illustre comme le fervent défenseur d’un
tel courant. Un tel ouvrage ne peut que susciter un sentiment d’indignation et de révolte parce qu’une
part du discours développé s’inscrit dans un climat actuel favorable à une banalisation du préjugé raciste
et la résurgence de thèses révisionnistes et négationnistes dont l’Afrique devient une cible privilégiée.
Loin de nier la pertinence des travaux des auteurs ci-dessous, nous pensons que certains aspects
s’inscrivent dans cette logique. Ce qui nous choque c’est leurs conclusions sur le destin de l’Afrique :
René Dumont, L’Afrique Noire est mal partie

, Paris, Seuil,1973 ; Axelle Kaboul,

Et si l’Afrique refusait le développement ?

, Paris, L’Harmattan, 1991 ; DanielEtounga Manguelle,

L’Afrique à t-elle besoin d’un ajustement culturel ?

, Paris, Actes Sud, 1993 ; JeanFrançois Bayart,

L’Etat en Afrique. La politique du ventre


, Paris, Fayard, 1989 ; Jean Paul Ngoupandé,

L’Afrique sans la France

, Paris, Albin Michel, 2001; Achille Mbembe,

De la postcolonie. Essai surl’imagination politique dans l’Afrique actuelle

, Paris, Karthala, 2000 ; Kä Mana,

L’Afrique va-t-ellemourrit ?

, Paris, Serf, 1990 ; Claude IMBERT, « Le sanglot de l’Afrique »,

Le Point

, N° 1137, 2 juillet1994 ; Jean Pierre DUPUY, « Principe de précaution et catastrophisme éclaire »,

Cahiers du MURS

, 42, pp.6- 25, 2003, etc.

Intérêt de la philosophie Africaine

Aux sources de la pensée africaine et la naissance de la philosophie l’histoire de la philosophie africaine


ne se situe pas dans les années1950 notamment avec les travaux de Placide Tempels sur la Philosophie
Bantoue et les réactions et controverses qu’ils devaient engendrer. Avec le recul, il a étédémontré que
la philosophie africaine s’enracine dans la Vallée du Nil, berceau de la civilisation. L’affirmation de cette
origine sera légitimée et justifiée par les travaux de Cheikh Anta Diop et de son disciple Théophile
Obenga dans lesquels ils mettent en évidence l’existence d’une philosophie dans l’Egypte antique. Pour
ces derniers, le référentiel des Africains est incontestablement l’Egypte pharaonique, foyer de la
première civilisation au monde. Cette pensée est fondée sur un certain nombre de notions
fondamentales dont la plus essentielle est le noun, l’indéterminé, qui désigne la réalité primordiale
indiquant l’Être de ce qui est. Sa source originelle, l’arche est l’eau, matrice de toutes les réalités
naturelles et culturelles. Le noun n’est donc pas une matière passive au sens aristotélicien, il est une
réalité dynamique à travers laquelle on perçoit ce qui a été inventé par le travail des hommes
notamment intellectuel. La véracité de cette affirmation est soutenue par Marcien Towa qui reconnaît
non seulement « l’existence d’une tradition philosophique profonde nous faisons référence à son
ouvrage intitulé la Philosophie Bantoue, Paris, Présence Africaine, 2e édition, trad. du néerlandais par A.
Rubbens, 196. On peut lire à cet effet les ouvrages suivants : L’Antériorité des civilisations Nègres :
Mythe ou véritéhistorique

? Paris, Présence Africaine, 1967 ;

Nations nègres et culture. De l’Antiquité nègre-égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique Noire

, Paris, Présence Africaine, 1979. On peut aussi évoquer l’ouvrage deThéophile Obenga sur
La Philosophie africaine de la période pharaonique (2780-330) avant notre ère

,Paris, Harmattan, 1990. Cette thèse est déligitimée par Jean Godefroy Bidima qui à travers sa

« philosophie de la traversée »

théorise ce qu’il appelle

« les nons-lieux de mémoire »

pour critiquer Cheikh Anta Diop qui a montré l’importance de l’Egypte ancienne dans la confiance en soi
que doit nourrir le processus de libération del’Afrique. Dans la Métaphysique, Livre II, tr. J. Tricot, Paris,
Ed. Vrin, 1980, Aristote ,ontre comment l’existence duchangement conduit à affirmer celui d’un premier
moteur immobile qui meut sans être mû et auquel se rattache le mouvement des sphères et tous les
autres mouvements.

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