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Cours de philo

LA PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE EN
AFRIQUE
Posté par mafoi2007 le 13 août 2011
Un thème qui suit celui de l’introduction générale à la
philosophie dans les classes africaines est bien celui de
l’existence d’une philosophie dite « africaine ». Il est vrai
certains Etats africains se refusent à explorer ou même à
aborder la question car pour eux, elle ne se pose pas. Ne pas la
traiter voudrait donc dire pour eux traiter la philosophie
« comme les occidentaux l’abordent ».
Au delà de cette conception, chaque fois que l’on aborde la
question de la philosophie en Afrique, on soulève deux
problèmes fondamentaux : celui de sa nécessité et celui de son
existence. Peut-on alors parler d’une philosophie africaine ?
Nous aborderons la question en trois temps : nous traiterons
d’abord de la philosophie en Afrique comme un impératif(A) ;
ensuite nous aborderons le contexte de naissance de la
philosophie africaine(B) et nous terminerons par les courants
de la philosophie africaine(C).
Pour ceux qui veulent davantage d’information sur le sujet, je
vous renvois à la lecture de l’essai de MARCIEN TOWA
intitulé Essai Sur La Problématique Philosophique Dans
L’Afrique Actuelle. A côté de TOWA, nous avons également
un excellent philosophe au nom de LOUIS MPALA
MBABULA qui a d’excellents cours sur la philosophie
africaine et sur la philosophie en général (louis-mpala.com).
A.   LA PHILOSOPHIE EN AFRIQUE COMME UN
IMPERATIF
On peut bien s’amuser à se demander si l’Afrique a elle aussi
besoin de la philosophie. Sans hésitation, répondons par
l’affirmative. Mais en réalité, de quelle philosophie s’agit-il ?
L’Afrique est un continent longtemps pillé, exploité par les
occidentaux et les impérialismes internationaux. Pendant la
colonisation, le colon opérait à visage découvert et parfois les
armes au poing. De nos jours le néocolonialisme a emprunté
des formes moins violentes pour poursuivre l’œuvre amorcée
par les premiers capitalistes et continue ainsi à imposer un
rythme de vie dépersonnalisant tout en exploitant
sournoisement à travers des discours à caractère
philanthropique.
Sur le plan intérieur de chaque Etat, le néocolonialisme
entretient des haines tribales, des guerres de frontière, des
dissonances de tout ordre. Dans une telle condition l’Afrique
est condamnée à philosopher c’est-à-dire à prendre conscience
de son sous développement, de son manque d’unité, de son
absence de liberté.
Une telle  philosophie portera nécessairement comme le
préconise KWAME NKRUMAH dans Le consciencisme « la
marque de son histoire ». Elle recherchera donc à recouvrer la
liberté totale du nègre, ainsi qu’à lui donner la possibilité de
maitriser son sol et de sauvegarder ses biens par l’acquisition
de la science et de la technique.
La philosophie pourra ainsi procéder au recensement de tous
les pouvoirs positifs qu’ils soient traditionnalistes,
scientifiques et même occultes afin de les rendre utiles aux
sociétés africaines.
Pour une vie humaine authentique en Afrique, la philosophie
est donc nécessaire.
B. LE CONTEXTE DE NAISSANCE DE LA PHILOSOPHIE
AFRICAINE : UNE PHILOSOPHIE REACTIONNAIRE :
Dans son ouvrage Qu’est ce que la philosophie ? , le
philosophe MARTIN HEIDDEGER estime que la philosophie
est essentiellement occidentale et qu’elle parle grec. Cela
signifie que seul l’Occident est originellement et proprement
philosophique.
Dans le même ordre idées, le sociologue français LEVY
BRÜHL dans son ouvrage intitulé La mentalité primitive
pense que le nègre a une mentalité prélogique c’est-à-dire
qu’il est incapable de conceptualisation et d’abstraction. Le
nègre devient ipso facto comme a philosophique c’est-à-dire
que l’Afrique se présente désormais comme une table rase
philosophique.
La philosophie africaine nait donc dans ce contexte précis. Il
s’agit en effet pour les philosophes africains de dénoncer le
discours idéologiste colonialiste et même raciste des auteurs
occidentaux qui ne voyaient en l’africain qu’un sous homme.
HEGEL, reconnu pour son extrémisme impérialiste dira dans
Les principes de la philosophie du droit : « le nègre représente
l’homme naturel dans toute sa sauvagerie et sa pétulance. Il
faut faire abstraction de tout respect et de toute moralité, de
ce que l’on nomme sentiment si on veut le comprendre. On ne
peut rien trouver dans ce caractère qui rappelle l’homme ».
Selon HEGEL l’esprit scientifique est inaccessible au nègre
dans cet état. Il propose donc qu’on l’arrache de cette
primitivité en lui imposant les vertus de la culture européenne
à travers la colonisation. « La colonisation a fait plus
d’humanité parmi les nègres. »
Face à ces déclarations tapageuses et provocantes aux accents
racistes et impérialistes les africains vont se sentir révoltés. A
ce niveau, il fallait une philosophie africaine, du moins à titre
de réaction. Et c’est dans ce contexte que nait le débat autour
de la philosophie africaine, une philosophie défensive et
mobilisée en vue d’une résistance face aux assauts du
colonisateur. Pourtant le tout n’est pas de réagir car la réaction
peut devenir elle même auto accusation si elle ne se déploie
pas avec ménagement.
Il ne s’agit pas de réagir dans un défoulement total pour laisser
passer tous les instincts et les pulsions. L’essentiel n’est pas de
dire comme le souligne F.E. BOULAGA « nous avons aussi
une philosophie » ; mais il est question dans cette réaction
même d’orienter sa pensée, de lui donner un sens.

C. LES COURANTS DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE


Même si elle vise dans l’ensemble un même objectif ou but
qui est celui de la libération africaine ainsi que la promotion
de la culture nègre, les philosophies africaines n’utilisent
pourtant pas les mêmes méthodes pour y arriver. L’on peut
pour aborder une pensée aussi variée et diversifiée cataloguer
ces philosophies suivant leurs courants. Ainsi pourra-t-on
distinguer le courant politique, le courant critique et
positiviste, le courant ethno philosophique ou herméneutique,
le courant poétique avec la négritude.
1. Le courant politique :
Son leader est KWAME NKRUMAH. Pour lui, la libération
de l’Afrique n’est possible qu’à travers la résolution de la crise
dont est malade l’africain. Cette résolution donnera la
possibilité d’accéder à la décolonisation politique. Il est
question pour NKRUMAH de soutenir, d’éduquer, de
moraliser la conscience africaine afin qu’elle puisse choisir
lucidement pour sortir de l’impasse entre les antagonismes et
les ambigüités  qui entrainent la crise de conscience au sein de
la société africaine :
-         Le choix des valeurs culturelles : tradition ou
modernisme ;
-         Le choix d’idéologie : capitalisme ou socialisme ;
-         Le choix de réligion : animisme ou christianisme ou
islamisme.
Pour lui la philosophie qui doit soutenir cette résolution
sociale est celle qu’il appelle le « consciencisme
philosophique ». il écrit : « le consciencisme est l’ensemble, en
termes intellectuels, de l’organisation des forces qui
permettront à la société          africaine d’assimiler les
éléments occidentaux, musulmans et euro chrétiens présents
en Afrique et de les transformer de façon à ce qu’ils s’insèrent
dans la personnalité africaine… la philosophie appelée
consciencisme est celle qui, partant de l’état actuel de la
conscience africaine indique par quelle voie le progrès sera
tiré du conflit qui agite actuellement cette conscience ».
On placera ainsi KWAME NKRUMAH dans le courant
politique car pour lui, la philosophie doit servir à la
décolonisation et au développement de l’Afrique.
2. Le courant critique et positiviste :
Ce courant propose à l’Afrique de s’engager à dénoncer son
passé historique (coutumes, traditions, etc.) car on suppose
qu’il est inducteur de son échec. Ce courant a comme tenant
NJOH MOUELLE, MARCIEN TOWA, EBOUSSI
BOULAGA, etc.
Pour Marcien TOWA, il faudrait s’arracher de notre passé
pour aller voler le secret de l’Occident, par l’usage des
méthodes modernes telles que la raison, la science, la
dialectique. Il faut donc prendre le risque de se remettre en
question. C’est ce que Cheik HAMIDOU KANE par la voie
de la Grande Royale semble dire dans L’aventure Ambigüe :
« pour rester soi même, il faut se compromettre, c’est-à-dire
aller vers l’autre. Il faut donc pratiquer ce qu’on appelle
l’assimilation culturelle ».
Or pour TOWA il ne serait, à l’analyse, pas question d’une
simple assimilation, mais plutôt d’une rupture avec soi même,
avec le mode de pensée de l’africain : « s’emparer du secret
de l’Occident doit dès lors consister à connaitre à fond la
civilisation occidentale, à identifier la raison de sa puissance
et à l’introduire dans notre propre culture. Seulement cette
introduction n’est pas à concevoir comme une simple addition
qui laisserait intacte les anciens éléments culturels ni même
comme une paisible greffe devant opérer sans heurt les
transformations désirées : elle implique que la culture
indigène soit révolutionnée de fond en comble, elle implique la
rupture avec cette culture, avec notre passé, c’est-à-dire avec
nous même ».
Pour HOUNTONDJI et NJOH MOELLE, il n y aura pas de
développement en Afrique tant que la pensée africaine ne sera
elle même pas ouverte à la critique, tant qu’elle se contentera
d’être une monotonie de génération en génération et de vivre
en vase clos dans les coutumes.
Pour EBOUSSI BOULAGA, ce qu’il faut c’est la recherche
de l’abolition du fossé entre les deux civilisations en montrant
l’unité ou l’identité objective plutôt que de procéder à
l’exhibition d’une tradition qui, prenant conscience d’elle
même se prévaut de ce qu’elle possède aussi, ce qu’elle voit
chez autrui. Il écrit : « la tradition devenue matière à attaque,
à défense, à démonstration ou à illustration n’apparait pas
pour ce qu’elle est. Elle ne se montre pas comme différence
sous la forme d’une unité qui renvoie à soi même. En fait elle
pose son être rationnel comme un être pour autrui ; elle
emprunte les discours rationnels de l’autre, tire de soi des
philosophies complètes qui ont la forme et même le contenu de
celles dont elle voudrait se démarquer ».
3. le courant ethno philosophique ou herméneutique
BASILE FOUDA, ANTA DIOP, ALEXIS KAGAME,
PLACIDE TEMPELS sont la cheville ouvrière de ce courant. 
FOUDA reproche au courant positiviste de trahir la
personnalité et l’authenticité du negro africain. Pour lui toute
philosophie est relative à l’espace, au mode de vie ou intimité
de ceux qui la créent et la consomment. On ne saurait donc
importer de philosophie comme le prétend TOWA qui
voudrait voir dans la philosophie occidentale le seul mode
possible de rationalité. Pour FOUDA la rationalité européenne
n’est valable qu’à l’Europe ; à l’Afrique d’inventer la sienne.
Les ethno philosophes proposent alors que l’Afrique retourne
à son passé ancestral avec ses coutumes et traditions qui
constituent pour lui « un paradis perdu ». Il faut donc un
réemploi de la tradition à travers une relecture et une
traduction de l’herméneutique des valeurs ancestrales.
L’africain doit donc avoir une « mémoire vigilante » qui le
mobilise contre les attaques d’autres cultures et assure la
perpétuation de celles ancestrales.
a/ Débat autour de l’ethno philosophie
On a longtemps épilogué autour de la question sur l’existence
d’une philosophie africaine. Tout commence quand le Père
TEMPELS publie La philosophie bantoue. De ce titre vient
une question : le bantou a donc à lui seul une philosophie ?
Dans ce livre, TEMPELS tente de démontrer que l’être du
bantou se définit à travers la notion dynamique de force vitale.
Le bantou a donc une philosophie du vitalisme qui fait qu’il
croit à la métempsycose, c’est-à-dire en sa capacité d’être
multidimensionnel, de se diviser dans le cosmos à travers ses
totems qui lui permettent d’accroitre sa fonction vitale. La
description de TEMPELS fait ainsi croire que le bantou a une
philosophie particulière différente de celles des autres ethnies
ou cultures. Il s’agit alors d’une ethnophilosophie. Le livre de
TEMPELS va ainsi déclencher un débat houleux autour de la
question sur la philosophie africaine. Se rangent derrière lui
FOUDA et les autres.
Pour FOUDA, la philosophie africaine existe puisqu’elle a
commencé depuis nos ancêtres jusqu’à nos jours. Il écrit : « la
philosophie nègre doit se transmettre à travers les âges
comme un héritage à recevoir, à défendre et à incarner pour
atteindre l’existence authentique ». Pour lui le mode de pensée
de l’africain doit se pérenniser et demeurer le même à travers
les âges.
Les ethnophilosophes considèrent la philosophie comme étant
synonyme de culture c’est-à-dire qu’ils dilatent le concept de
philosophie de manière à le rendre coextensif au concept de
culture. Chaque peuple ayant donc sa culture, il est désormais
évident que chaque peuple a une philosophie. Or nous savons
que la philosophie est une et universelle et n’est pas réductible
à la simple pensée d’un peuple. Elle est selon HEGEL « la
pensée de la pensée », d’où une critique de l’ethnophilosophie
s’avère nécessaire.
b/ Critique de l’ethnophilosophie
La thèse ethno philosophique sera combattue par des auteurs 
tels que HOUNTONDJI, TOWA et même les littéraires tels
qu’AIME CESAIRE.
Pour TOWA, seule la conquête de la rationalité philosophique
occidentale et la pratique de la philosophie selon le mode
européen pourront nous permettre de devenir de sérieux
philosophes : « déterrer une philosophie, ce n’est pas encore
philosopher… la philosophie ne commence qu’avec la
décision de soumettre l’héritage philosophique et culturel à
une critique sans complaisance ».
CESAIRE dans son discours sur le colonialisme affirmera que
l’ethnophilosophie n’est qu’une philosophie vaseuse et
méphitique.
Que penser dès lors de ces thèses ?
EN GUISE DE CONCLUSION : la situation de la philosophie
en Afrique est encore complexe. Mais le refus de reconnaitre
l’existence de la philosophie dans les mythes, contes et
proverbes comme l’a fait TOWA à  ses débuts nous parait
comme une méprise. Tout le problème de l’existence de la
philosophie en Afrique réside dans ce fait qu’il faille la
replacer dans son berceau authentique et c’est ce qui semble
difficile ; parce que les ethnophilosophes n’ont en quelque
sorte pas philosophé. Ils se sont livrés à un rapportage des
anciens.
TOWA lui même semble reconnaitre ses difficultés dans l’un
de ses essais parus en 1979. Dans son premier essai TOWA
considère les mythes, les contes et les proverbes comme les
lieux de non déploiement de la pensée philosophique. Par
contre dans son Idée d’une philosophie négro-africaine, il
pense que les mythes, les contes et les proverbes sont les lieux
d’expression d’une pensée philosophique qu’il défend
d’ailleurs. Que faut-il donc retenir ? Les africains se sont ils
passés de la philosophie ?
Pour répondre à ces questions, référons nous à ce que dit
KARL JASPERS dans son Introduction à la philosophie
« l’homme ne peut se passer de la philosophie, aussi est-elle
présente partout et toujours, répandue dans le public par les
proverbes traditionnels, les formules de la sagesse courante,
les opinions admises, comme également le langage des gens
instruits, les conceptions politiques et dès les premiers âges de
l’histoire, par les mythes ». Il ajoute : « refuser de
philosopher, c’est philosopher inconsciemment ».
QU’EST-CE-QUE LA PHILOSOPHIE ?
Pour définir la philosophie, plusieurs maitres passent en revue
la définition étymologique et les concepts sur la philosophie.
Ce n’est certes pas faux, mais tous semblent ignorer, dirait-on
que pour définir une notion par une réponse claire et simple, il
faut rassembler tout le fond par rapport auquel la forme
définitionnelle se tire. C’est là justement que se pose le
problème avec la philosophie : elle devient une entreprise
tardive, voire difficile car si pour ARISTOTE toute définition
est par définition limitée, on ne peut alors élaborer qu’une
définition asymptotique, on ne peut avoir qu’une approche
définitionnelle (et non la définition) à travers l’entreprise
étymologique ou ses concepts.
A. LA QUESTION ETYMOLOGIQUE :
« Philosophie » est constituée de deux mots : « philos » qui
signifie ami et « sophia » que l’on relie à la sagesse. Par voie
de conséquence, on admet que la philosophie est l’amour pour
la sagesse, et le philosophe l’ami de la sagesse.

B. LES CONCEPTS ET CONCEPTIONS DE LA


PHILOSOPHIE :
La conception étymologique de la philosophie nous amène à
penser que la philosophie s’intéresse à la dialectique de
l’esprit ; en d’autres termes, le philosophe est un sage de la
vie, qui semble maitriser la physique de la nature.
1. Toutefois, à partir de SOCRATE, la philosophie cesse
d’être une simple physique de la nature pour se porter  sur
l’homme. En effet SOCRATE a toujours estimé que ce qui
importe c’est de ramener la réflexion philosophique sur soi
même ; d’où son « connais-toi toi même et tu connaitras
l’univers et les dieux », qui fait de l’homme l’objet essentiel
de la réflexion philosophique.
2. Pour PLATON, la démarche philosophique consiste à
s’élever du monde sensible au monde intelligible à partir des
apparences aux idées vraies. Cf. « que nul n’entre ici s’il n’est
géomètre »
3. Son disciple ARISTOTE (celui de Platon) se révélera
comme une vaste encyclopédie philosophique qui embrasait la
totalité du savoir de l’époque. Pour lui la philosophie est la
science des premiers principes et des premières causes, en
d’autres termes une simple dialectique d’idées.
4. Mais la démarche philosophique est avant tout réflexive. Le
Menon de PLATON, met en relief cette idée. Socrate
entreprend d’interroger Menon sur la vertu. A chaque fois que
Menon y trouve une réponse, elle suscite une nouvelle
question de Socrate et ceci dans le but de démontrer à son
interlocuteur la fausseté de ses points de vue et de le mettre en
désaccord avec lui même tout en lui proposant comme bien
l’effort personnel.
Comme pensée dialectique, la philosophie semble se nier à
tout moment de son existence. D’ailleurs pour SARTRE, « la
philosophie n’est pas. », car elle se nie dans la critique et les
contradictions. L’existence philosophique est foncièrement
tragique. Partant du principe que les philosophes sont d’accord
de leur désaccord, on admet aisément que toute philosophie
qui se nait se construit sur les ruines de l’autre. GUSDORF
écrit : « aucune philosophie n’a jamais pu mettre fin à la
philosophie, pourtant c’est là le vœu secret de toute
philosophie. »
Ce sont ces contradictions entre philosophes que l’on a
appelés mouvements philosophiques. Elles se justifient par le
fait que la philosophie n’est pas une somme finie de
connaissances, ni une totalité positive de connaissances : « la
philosophie tire sa valeur de son incertitude
même »(RUSSEL).
Pour démarquer les réflexions philosophiques de celles
théologiques ou religieuses, TOWA affirme que la philosophie
soumet l’absolu  et le sacré à une critique sans complaisance.
En cela, elle est « sacrilège ». JASPERS pour sa part
ajoute : « la philosophie se trahit elle même lorsqu’elle
dégénère en dogmatisme, c’est-à-dire en un savoir mis en
formule, définitif, complet. Faire de la philosophie c’est être
en route, les questions sont plus essentielles que les réponses
et chaque réponse suscite une nouvelle question ». Il n’y a
donc de philosophie que dans un raisonnement récurrent.
5. La philosophie, c’est aussi la pensée métaphysique ; il s’agit
de penser l’absolu en toute chose c’est-à-dire de tenter d’en
saisir le sens, le fondement, de tenter de répondre à la question
du pourquoi et du comment des choses (mais surtout du
pourquoi des choses). Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt
que rien ?
C. LA NECESSITE ET L’IMPORTANCE DE LA
PHILOSOPHIE :
Est nécessaire tout ce qui est indispensable, ce dont on ne peut
se passer et dont on a besoin tant dans sa conduite que dans
ses actions. La philosophie est indispensable, tellement
indispensable qu’au lieu de nous plonger dans des
démonstrations d’utilité de la philosophie, nous laisserons
quelques auteurs réfléchir sur la question et nous nous ferons
notre opinion.
1. Bertrand RUSSEL : « celui qui n’a aucune teinture de
philosophie traverse l’existence emprisonné dans les préjugés
qui lui viennent du sens commun, des croyances habituelles…
et les convictions qui se sont développées en lui sans la
coopération ni le consentement de sa raison ».
2. René DESCARTES : « c’est proprement avoir les yeux
fermés sans tacher jamais de les ouvrir que de vivre sans
philosopher ».
3. René DESCARTES : « chaque nation est d’autant plus
civilisée et polie que les hommes y philosophent mieux ».
4. NJOH MOUELLE : « s’il y a donc un besoin de
philosophie, c’est qu’il y a un manque dans la réalité ».
5. ARISTOTE : « c’est l’émerveillement qui poussa les
premiers hommes à philosopher ; ils s’étonnèrent d’abord des
choses étranges auxquelles ils se heurtaient, puis ils allèrent
peu à peu plus loin et se posèrent des questions concernant les
phases de lune, les mouvements du soleil et des astres et la
naissance enfin de l’univers ».
6. Emmanuel KANT : « il n y a pas de philosophie que l’on
puisse apprendre, on ne peut apprendre qu’à philosopher ».
7. EBOUSSI BOULAGA : «  l’exhortation est pressante : si
l’on veut survivre, il faut vraiment philosopher ».
EXISTENTIALISME ET ALTRUISME
L’existentialisme semble entraîner une vision très pessimiste
des relations humaines. En effet, Sartre pense que l’homme est
contraint de vivre avec les autres pour se connaître et exister
mais il pense également que la vie avec les autres prive chacun
de ses libertés. L’homme désespéré par sa propre banalité a
construit ses propres illusions pour croire pouvoir néantiser les
autres afin d’être au-dessus d’eux et ainsi s’échapper de la
société. Cette vision de la relation à l’autre comme source
permanente de conflit est propre aux philosophes du XXe
siècle : Ainsi Malraux pense que les hommes tentent de
donner un sens à leur existence en étant « plus qu’un homme
dans un monde d’hommes » (André Malraux, La Condition
humaine). Pour Sartre, qui a beaucoup été influencé par Hegel,
c’est le regard qui dévoile l’existence d’autrui. Le regard ne se
limite pas aux yeux car derrière le regard il y a un sujet qui
juge. Dans un premier temps, c’est moi qui regarde autrui, de
telle sorte qu’il m’apparaît comme objet. Dans un second
temps, c’est autrui qui me regarde, de telle sorte que
j’apparaisse à autrui comme objet. Pour Jean-Paul Sartre, le
fait de voir un homme, c’est inévitablement ne pas le
considérer comme une chose, sinon on ne verrait pas un
homme mais une chose de plus parmi les choses. Le distinguer
des choses, c’est établir une nouvelle relation entre lui et les
choses, c’est plus simplement se nier en tant que centre du
monde. La seule distinction et perception d’autrui en tant que
sujet pensant me force à me remettre en question, moi et tout
l’univers que je me suis construit, tout l’ordre que j’avais
établi entre les choses et moi; le système égocentré que j’avais
créé s’écroule soudain par la seule existence d’un être qui,
étant aussi capable de penser, est aussi libre que moi et a donc
aussi toutes les chances d’avoir une vision du monde qui
s’oppose à la mienne. Être vu, c’est aussi être jugé. Si autrui
me regarde, je suis immédiatement modifié, altéré par son
regard : je suis regardé, concerné au plus vif de mon être. Être
regardé, c’est agir par rapport à l’autre, c’est être figé dans un
état qui ne me laisse plus libre d’agir. L’Autre nous fait être.
Le problème est que l’autre nous fait être à sa convenance, il
peut donc aussi nous déformer à volonté. C’est là le drame des
personnages de Huis clos qui, sans miroir, ne peuvent se voir
que dans le miroir déformant des yeux de l’autre. Ainsi se
constitue la dialectique du regard qui commande toutes les
relations concrètes avec autrui. C’est le rapport en-soi, pour-
soi qui domine. Si l’objet est en-soi : il ne pense pas le monde
extérieur et ne se pense pas lui-même, il est enfermé en lui-
même. L’homme est à la fois en-soi et pour-soi : car lui
réfléchit, se voit et voit le monde et, par voie de conséquence,
il juge le monde et se juge lui-même. Si l’homme vivait seul,
ce serait sans problème car le monde n’existerait que pour lui.
Mais il y a les autres et nous devons bien tenir compte de leurs
pensées. Le regard que je jette sur le monde est contredit par
celui que les autres jettent dessus. Entre ma pensée et celle des
autres s’établit un conflit : nos visions du monde faisant
exister le monde différemment, la liberté de l’autre tend à
supprimer la mienne en détournant les choses de la
signification que je leur donne, en leur en accordant une autre.
Ainsi, en me regardant, l’autre me juge, me pense, il fait de
moi l’objet de sa pensée. Je dépends de lui. Sa liberté me
réduit à l’état d’objet, d’en-soi. « Je suis en danger. Et ce
danger est la structure permanente de mon être pour autrui »
(L’Être et le Néant). En un certain sens, je pourrais jouir de cet
esclavage sous le regard d’autrui car je perds ma position de
sujet libre, je suis devenu objet, privé de liberté et par
conséquent aussi de responsabilités. Mais ce n’est là qu’une
illusion car je ne peux échapper à ma position de sujet. Ma
réduction à l’état d’objet ne le permet pas. Pire, elle sollicite
même cette position de sujet et ceci car, pendant que l’autre
me juge et fait de moi son objet, je le juge aussi, c’est-à-dire
que je fais de lui mon objet, je suis donc aussi son sujet. En
me pensant, l’autre établit un jugement sur moi, jugement dont
je vais tenir compte désormais pour me connaître. Autrement
dit, l’autre m’oblige à me voir à travers sa pensée comme je
l’oblige réciproquement à se voir à travers la mienne. Je
dépends de l’autre qui dépend de moi. C’est une déformation
constante d’autrui selon la volonté de chacun. Plus une
conscience se sent coupable, plus elle aura tendance à charger
autrui pour se défendre de son jugement. Les bourreaux de
Mort sans sépulture, par exemple, veulent faire ainsi croire
aux victimes qu’elles sont coupables. Il est possible
d’envisager une situation idéale où le conflit entre les libertés
de chacun se désamorcerait. Cette situation pourrait être
l’amour. En effet, ce sentiment permet de ne pas redouter le
regard d’autrui. Je veux être l’objet de l’autre puisque je veux
qu’il m’aime et de plus, m’aimant, l’autre fait de moi un objet
sublimé, et grâce à lui j’échappe ainsi à ma liberté et à mes
responsabilités. Je veux donc qu’il soit mon sujet. Or l’autre
veut également que je l’aime, que je fasse de lui mon objet.
Quand j’accepte de perdre mes prérogatives de sujet en
devenant objet, l’autre qui fait de même, accepte que je sois
son sujet. Ainsi les amants étant deux sujets acceptant chacun
leur chosification, l’existence sans conflit est possible. Mais,
ceci n’est qu’une illusion, car comme les deux amants veulent
être l’objet de l’autre, ils éprouvent l’autre comme étant le
sujet dont ils sont objet et non l’inverse. Autrement dit, un
couple solitaire peut, sur le mensonge, édifier un équilibre plus
ou moins stable. Mais avec une tierce personne, l’illusion se
dissipe nécessairement comme l’illustre le trio de Huis clos :
l’amour est impossible à trois. Ainsi, l’amour réel ne peut
qu’osciller entre deux extrêmes : le masochisme (où l’on se
fait objet) ou le sadisme (où l’on se fait sujet). Le désir
« normal » est toujours sadomasochiste. Pour Sartre,
l’indifférence est elle aussi une illusion. Effectivement, ce
sentiment tente de nous faire croire à notre supériorité sur
l’autre. Mais en réalité l’indifférence ne libère pas d’autrui et
cela parce que la seule pensée fait de la présence de l’autre un
objet. Même en s’efforçant de néantiser l’autre tiers, l’homme
ne peut s’empêcher de penser autrui, de rester un sujet qui le
considère comme objet. La haine est le sentiment inverse, elle
vise à supprimer l’autre comme sujet pensant. Mais, haïr c’est
aussi reconnaître qu’on ne peut supprimer l’autre, que cet
autre est un sujet contre lequel on ne peut rien faire d’autre
qu’élever des cris, des malédictions. La violence est l’aveu de
l’incapacité à le faire vraiment disparaître. Ainsi l’illusion est
générale. Ni l’amour, ni la haine, ni l’indifférence, ne peuvent
faire sortir les hommes de l’enfer dans lequel ils sont tous
plongés puisqu’il y a les autres, puisqu’il faut tenir compte de
leur présence et de leurs jugements. Le désir sexuel resterait le
seul moyen de vivre en parfaite communion avec l’autre. Mais
c’est là encore une manifestation de la mauvaise foi et un outil
du narcissisme, or, il est lui aussi voué à l’échec. Le désir,
c’est la chute dans la complicité avec le corps, c’est le
dévoilement de son existence. On se laisse envahir par le
corps, on cesse de le fuir. Il envahit la conscience qui glisse
vers un état assez semblable au sommeil. Désormais passive, il
la submerge, l’envahit, la rend opaque à elle-même et
compromet ainsi l’individu (cf. texte d’Alain, le physique
échappe à la conscience). En effet cela flatte d’être désiré,
d’attirer sexuellement, mais on est alors par le désir même de
l’autre aussitôt réduit de l’état d’une personne à l’état de corps
et alors, pour se défendre, on fait du respect une essence
exigible du partenaire, qui, par mauvaise foi devient envers
nous obligatoirement respectueux comme la table a
obligatoirement des pieds. Le désir est désir de l’autre, désir
de devenir son objet, homme ou femme-objet, le désir requiert
donc automatiquement l’autre même si ce dernier est absent.
Nous voulons l’autre comme sujet mais nous n’avons que son
corps, sa conscience est insaisissable, et c’est pourquoi il est
certes possible de saisir les yeux du corps mais non le regard
du partenaire. Nous pouvons alors choisir librement de nous
faire submerger par la chair, de vouloir le corps de l’autre
mais alors, le corps de l’autre n’est plus un Autre, c’est un
corps, qui seul, n’est plus là pour rien. Ainsi contrairement à la
faim ou à la soif qui sont des besoins qui disparaissent en
même temps qu’ils sont accomplis, le désir sexuel est toujours
décevant et l’Homme reste sur sa faim, toujours à la quête de
l’assouvissement d’un besoin contradictoire, qu’il est
impossible d’assouvir pleinement. La mort est, chez Sartre, le
revers de la liberté. La mort sartrienne n’est pratiquement plus
rien. Pire, elle est le triomphe d’autrui ! Une fois mort, on
n’existe plus que par l’autre tant qu’il pense encore à nous et,
par là même occasion, il fait de nous un objet. Mort, je ne suis
plus qu’un en-soi livré à l’autre. Le pire, c’est qu’autrui lui-
même n’a également qu’une existence vouée à la disparition.
Mourir, c’est donc n’exister plus qu’à peine en un autre qui, en
disparaissant, fera disparaître l’ombre d’existence qui nous
restait encore. La mort est le néant. L’angoisse ne lui
appartient même pas car c’est être libre qui est bien plus
angoissant. La mort supprime tout, comme un cataclysme
imbécile. Elle est extérieure et contingente et elle rend la vie
absurde : « Tout existant naît sans raison, se prolonge par
faiblesse et meurt par rencontre. »
LA VIOLENCE CHEZ LES PLANTES ET LES ANIMAUX
Toutes ces plantes commettent de véritables meurtres sur les
insectes. Quand p. ex. un insecte,
si petit qu’il soit, ne pesât-il qu’un 124 millième de grain, se
pose sur le disque d’une feuille de
Rossolis ou Drosera (et il paraît que cela n’arrive pas toujours
par pur hasard, mais qu’il y est
attiré par l’odeur, que sécrète la feuille), il est presque
immédiatement englué dans une sécrétion
visqueuse et comprimé par les tentacules nombreux, environ
192 par feuille, qui se replient sur lui
en 10 secondes et atteignent en une heure et demie le centre de
la feuille, qui ne lâche point
prise avant que la victime soit morte et en partie digérée, à la
faveur d’un acide, et d’un
ferment très analogue à notre pepsine, sécrétés en grande
quantité par les glandes et agissant
sur les tentacules voisins par un mouvement semblable, selon
Darwin, au mouvement réflexe des
animaux.
CESAR LOMBROSO
L’homme criminel
Chap 1er le crime chez les animaux
Ed. en version numérique de Jean-Marie TREMBLAY
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/
Classiques_des_sciences_sociales/index.html
LE FONDEMENT DU DROIT
Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître,
s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir.
De là le droit du plus fort; droit pris ironiquement en
apparence, et réellement établi en principe. Mais ne nous
expliquera-t-on jamais ce mot?
La force est une puissance physique; je ne vois point quelle
moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte
de nécessité, non de volonté; c’est tout au plus un acte de
prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir?
Supposons un moment ce prétendu droit. Je dis qu’il n’en
résulte qu’un galimatias inexplicable; car, sitôt que c’est la
force qui fait le droit, l’effet change avec la cause: toute force
qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu’on peut
désobéir impunément, on le peut légitimement; et, puisque le
plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte
qu’on soit le plus fort. Or, qu’est-ce qu’un droit qui périt
quand la force cesse? S’il faut obéir par force, on n’a pas
besoin d’obéir par devoir; et si l’on n’est plus forcé d’obéir, on
n’y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n’ajoute
rien à la force; il ne signifie ici rien du tout.
Obéissez aux puissances. Si cela veut dire: Cédez à la force, le
précepte est bon, mais superflu; je réponds qu’il ne sera jamais
violé. Toute puissance vient de Dieu, je l’avoue; mais toute
maladie en vient aussi: est-ce à dire qu’il soit défendu
d’appeler le médecin?
Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois, non seulement
il faut par force donner sa bourse; mais, quand je pourrais la
soustraire, suis-je en conscience obligé de la donner?
Car, enfin, le pistolet qu’il tient est une puissance.
Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est
obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.
JEAN-JACQUES ROUSSEAU
Du Contrat Social ou Principes du droit politique
Chapitre 1.3 du droit du plus fort
LA PENSEE LOGIQUE
La logique, du grec logos qui signifie discours, parole, désigne
étymologiquement la science du discours. Elle s’oppose à la
rhétorique qui vise à convaincre sans chercher la vérité (par
exemple l’avocat au tribunal). La logique serait donc la
discipline du chercheur en science, du savant, alors que la
rhétorique est celle de l’avocat. Plus précisément, la logique
est la science des règles à suivre pour arriver à la vérité. Elle
établit les règles du raisonnement correct. Le raisonnement
quant à lui est un mode d’approche indirect ou discursif de la
réalité qui s’oppose à l’intuition qui est saisie immédiate du
réel. Dès lors, il se pose la question de savoir comment
énoncer un discours conforme aux règles de la pensée et aux
données du réel ?
I.  NATURE ET OBJET DE LA LOGIQUE
L’invention de la logique est traditionnellement attribuée à
ARISTOTE. ARISTOTE pour la première fois au 4ème siècle
avant Jésus-Christ lui donna ses premières bases formelles. Il
avait alors ressenti la nécessité de forger un instrument
scientifique qui permette de parvenir à la vérité. En effet, pour
éviter les pièges que les sophistes tendaient à leurs adversaires
en utilisant des raisonnements faux ayant l’apparence de la
justesse, ce qu’on appelle des sophismes, il fallait se mettre
d’accord sur ce qu’est un raisonnement juste. Ainsi pour
ARISTOTE, la logique se présente comme une règle de la
pensée. De même pour HEGEL, « la logique est la science de
la pensée en général ». HEGEL voudrait qu’on entende par là
que cette  pensée n’est que la forme pure et simple d’une
connaissance et que la logique fait abstraction de tout contenu
matériel et partant qu’elle ne peut donner que les conditions
formelles de la connaissance véritable et non la vérité réelle
justement parce que l’élément essentiel de la vérité, le contenu
se trouve en dehors d’elle (la pensée). Ainsi, si la logique
permet de vérifier la validité d’un raisonnement, elle ne dit
rien de la validité des propositions qui le constituent. Elle ne
suffit pas à établir la vérité en ce sens qu’à elle seule, la
logique ne permet pas le jugement, mais une simple
clarification de la pensée. [La logique ici n’a pas besoin du
réel. Mais lorsque le réel y intervient, c’est qu’on dépasse
déjà la logique pour faire intervenir l’empirisme. Le jugement
n’est possible que s’il y a ralliement de la pensée et de la
matière.]
Pour HEGEL, la logique en sa nature simple ne compose pas
avec l’objet(le concret), c’est pourquoi elle est incapable de
trancher sur la vérité : « la vérité consisterait dans l’accord
entre la pensée et l’objet et, pour que cet accord ait lieu, il faut
que la pensée se plie, se conforme à l’objet. » La logique selon
HEGEL doit être conçue comme « le système de la raison
pure, comme le royaume de la pensée pure. Ce royaume est
celui de la vérité, telle qu’elle existe en soi et pour soi, sans
masque ni enveloppe. Aussi peut-on dire que ce contenu est
une représentation de Dieu, tel qu’il est dans son essence
éternel, antérieurement à la création de la nature et d’un esprit
fini. » [Ici la raison a ses propres forces sans emprise sur la
réalité.]
Si l’objet de la logique est alors la pensée en général, il en
ressort que la logique se présente comme une science pure par
essence ; mais il importera davantage de mettre en exergue
comment elle est à l’œuvre dans la formation des concepts,
des jugements et des raisonnements.
II.   CONCEPT, JUGEMENT, RAISONNEMENT
A. QU’EST CE QU’UN CONCEPT ?
Dans son processus de formation, le concept est d’abord une
idée. Il est l’idée d’un objet conçu par l’esprit  et permettant
d’organiser les perceptions et les connaissances. Les concepts
sont des outils de description renvoyant au réel. En effet, une
partie essentielle du travail scientifique consiste à élaborer des
concepts qui puissent décrire adéquatement le réel à l’image
du paradigme copernicien sur le mouvement de la terre.
Selon la conception aristotélicienne, la terre est immobile au
centre du monde, tandis que le soleil tourne autour d’elle.
Pendant près de 18 siècles et ce, jusqu’à la renaissance, tous
les savants pensaient que la terre était immobile au centre du
monde. Seulement, avec cette conception, il était difficile
d’expliquer le mouvement des autres planètes. L’arrivée de
COPERNIC au 16ème siècle bouleverse cette tradition.
Conscient de ce bouleversement, COPERNIC écrit : « Dès que
certaines gens sauront que… j’attribue à la terre certains
mouvements, ils clameront qu’il faut tout de suite nous
condamner, moi et cette mienne opinion ». Au fond,
COPERNIC avait tout simplement pensé autrement. Il avait
pensé qu’il serait plus facile d’expliquer les phénomènes
célestes en supposant le mouvement de la terre. De plus, les
raisons philosophiques et mystiques l’amènent à voir le soleil
comme le centre du monde. Et il a fallu attendre les travaux de
KEPLER et de GALILLEE pour que la conception
copernicienne soit corroborée. L’exemple de la révolution
copernicienne nous révèle l’importance de la formation des
concepts pour faire avancer la science. A elle seule,
l’observation ne permet pas à la science d’avancer. Il faut
associer à l’observation, aux données de l’expérience, un
système d’idées.
En bref, le concept est une idée abstraite c’est-à-dire une idée
qui représente un aspect de la réalité isolé par l’esprit et une
idée abstraite, en raison  de son abstraction est générale.
Exemple : l’idée d’homme est abstraite parce que l’homme ce
n’est ni Jean, ni Pierre, mais l’idée d’homme s’entend de tous
les hommes et universellement.
Les logiciens caractérisent un concept par la compréhension et
l’extension. La compréhension d’un concept, c’est sa
définition, c’est-à-dire l’ensemble des caractères qu’il
comprend. Exemple : l’homme est un animal raisonnable.
ARISTOTE nous rapporte que « animal » est un « genre
prochain », raisonnable, « la différence spécifique », le
caractère qui distingue l’homme parmi les espèces et
l’extension du concept c’est la liste des individus auxquels le
concept s’étend.
B. QU’EST CE QU’UN JUGEMENT ?
Le jugement est le fait d’associer deux idées et d’affirmer leur
liaison. Pour DESCARTES, le jugement relève de la volonté.
C’est elle qui affirme ou qui nie. Pour lui, il nous est toujours
possible de suspendre notre jugement si nous ne sommes pas
en présence d’idées claires et distinctes. C’est par précipitation
que nous donnons notre assentiment à des choses que nous
connaissons mal et que nous tombons dans l’erreur. La pensée
en tant que telle se ramène à un ensemble de jugements. Ainsi
pour DESCARTES, penser c’est en quelque sorte juger.
Il existe différentes formes de jugements. Traditionnellement
on distingue les jugements a priori et les jugements a
posteriori. Les jugements a priori ne dépendent pas de
l’expérience. Par exemple, affirmer que tous les triangles ont
trois côtés, ce n’est pas énoncer quelque chose qui dépend de
l’expérience. Le jugement ici découle même de la définition
du triangle ; mais si je dis : la terre est ronde, c’est par
expérience que je peux le vérifier.
On distingue également les jugements analytiques et les
jugements synthétiques. Dans le jugement analytique, le
prédicat est contenu dans le système. Par exemple dans la
proposition ‘tous les corps sont étendus’, on constate que
l’essence du corps présuppose la notion  d’étendue. Ce type de
raisonnement ne fait pas progresser la connaissance car dans
une certaine mesure, nous savons déjà ce qui est affirmé et que
le jugement analytique ne fait qu’expliciter. Au contraire dans
les jugements synthétiques on ajoute quelque chose au sujet.
Dans la proposition ‘tous les corps sont pesants’ on ajoute la
notion de pesanteur à l’essence du corps. Les jugements de ce
type nous apprennent quelque chose.
Tous les jugements d’expérience sont synthétiques et a
posteriori. Avec KANT, on découvre que les jugements
analytiques ne sont pas les seuls jugements a priori. Pour
KANT, certains jugements peuvent être à la fois  a priori et
synthétique comme les jugements mathématiques. Dire par
exemple que 7+5=12, cela est vrai a priori ; mais quand on
réalise que 12 n’est contenu ni dans 7, ni dans 5, on comprend
alors qu’il s’agit d’un jugement synthétique a priori [il n’a pas
besoin d’expérience empirique]. Pour KANT, ce sont de tels
jugements qui rendent la science possible.
C.  QU’EST CE QU’UN RAISONNEMENT ?
Le raisonnement logique se caractérise par sa forme c’est-à-
dire par la manière dont sont liées entre elles les propositions.
Le contenu de chaque proposition pris à part, est généralement
connu par intuition. Il y a une différence essentielle entre
intuition et raisonnement, entre pensée intuitive et pensée
discursive.
L’intuition est une connaissance directe. Selon PASCAL elle
est sans règle. Le raisonnement quant à lui est un procédé
indirect de justification soumis aux règles de la logique. Selon
KANT, l’intuition est « une connaissance se rapportant
immédiatement à des objets ». Par exemple l’intuition
sensible, qui est la connaissance immédiate que me donnent
mes sens [il fait froid ou alors il fait très chaud]. Pour
BERGSON, le moi se connait par intuition, c’et à dire sans
intermédiaire. Pour PASCAL par intuition « il faut tout d’un
coup voir la chose, d’un seul regard et non par progrès de
raisonnement ».
En  effet le raisonnement exige des démarches, des détours
que l’intuition exclut. Examinons par exemple le raisonnement
syllogistique suivant :
Majeure : Tous les hommes sont mortels
Mineure : Or Socrate est un homme,
Conclusion : Donc Socrate est mortel.
Pour passer de la proposition « tous les hommes sont mortels »
jusqu’à  la conclusion, il a fallu un intermédiaire qui est la
mineure. Le raisonnement est appelé connaissance discursive
parce qu’il met en exergue le rôle fondamental du langage.
Aussi le raisonnement est-il communicable alors que
l’intuition portant sur une réalité singulière est ineffable.
« Elle coïncide avec l’objet, disait BERGSON en ce qu’il a
d’unique et par conséquent d’inexprimable ». Le raisonnement
est formel tandis que l’intuition porte sur un contenu.
Majeure : Tous les hommes sont des vertébrés
Mineure : Or mon chien Médor est un vertébré
Conclusion : Donc mon chien Médor est un homme.
La fausseté matérielle de la conclusion ne vient pas du
contenu des prémisses parce que les deux sont matériellement
exactes. Cette fausseté vient d’une incorrection formelle,
c’est-à-dire à une faute dans le raisonnement.
La syllogistique, avons-nous vu, se donne précisément pour
but d’énoncer les règles de la pensée formelle. Ainsi, pour
raisonner correctement, il suffit d’appliquer les règles.
Toutefois, à partir du 16ème siècle, la logique formelle
d’ARISTOTE ou syllogistique subit un discrédit qui
correspond à l’essor des mathématiques et de la physique.
FRANCIS BACON pense par exemple que « si en physique
où il s’agit de lier la nature par des œuvres et non d’enlacer un
adversaire par des arguments on s’en tient au syllogisme, la
vérité échappe des mains attendu que la subtilité du discours
ne peut jamais égaler celle des opérations de la nature ».
A l’époque contemporaine avec RUSSEL, la logique formelle
moderne ou logistique s’emploie à exprimer les propositions,
les relations, par des symboles simples et veut ramener les
opérations logiques à des calculs s’effectuant selon des règles
précises.

JE MANGE ET JE BOIS P et Q
P Q P*Q
Vrai Vrai Vrai
Vrai Faux Faux
Faux Vrai Faux

JE MANGE ALORS JE BOIS P>Q


P Q P>Q
Vrai Vrai Vrai
Vrai Faux Faux
Faux Vrai Vrai
Faux Faux Vrai

P et Q sont les propositions.


Au fait la logistique répond à certaines exigences des sciences
modernes, car elle peut s’élever à un niveau plus haut
d’abstraction en remplaçant les qualifications vrai ou faux par
des chiffres qu’on multiplie ensuite. Ainsi on peut passer de la
logique bivalente à deux valeurs vrai ou faux à des logiques
plurivalentes à n valeurs. Une telle logique est utile dans le
calcul des probabilités. Examinons à présent quelques formes
de raisonnements.
1. La déduction
Le raisonnement déductif est un raisonnement indépendant de
l’expérience, partant, a priori. Dans la déduction, on prend
certaines propositions pour prémisses et on tire par la vertu du
raisonnement des conclusions et ces conclusions découlent
nécessairement des prémisses adoptées. C’est le cas de la
syllogistique qui est définie d’après LALANDE comme une
«une opération par laquelle on conclue rigoureusement d’une
ou de plusieurs propositions prises pour prémisses à une
proposition qui en est la conséquence nécessaire en vertu des
règles logiques ». 
La déduction est le seul raisonnement qui démontre réellement
ses conclusions. Si elle est correcte, elle est nécessairement
tautologique. La logique est la science de la preuve. On peut
dire qu’elle est le seul raisonnement logique car les autres
processus de raisonnement (analogie et induction) ne sont pas
à proprement parler des raisonnements logiques.
2. L’analogie
Le raisonnement par analogie se fonde sur des rapports de
ressemblances qui existent entre les choses ou les personnes.
On me présente par exemple un inconnu qui s’appelle X.
raisonnant par analogie à un autre X que j’ai connu, j’ai
tendance à me méfier de ce X. En fait, dans le raisonnement
par analogie, il s’agit plus d’une simple association mentale
que d’un raisonnement véritable. Si j’ai connu un X
antipathique, je ne suis pas logiquement fondé à croire qu’un
autre X est antipathique. Ainsi le raisonnement par analogie ne
donne pas la juste perspective des choses et obnubile notre
façon de juger.
Toutefois, le processus analogique peut inspirer la pensée qui
cherche. CLAUDE BERNARD par exemple savait que les
végétaux mettent le glucose en réserve sous forme d’amidon
insoluble et il se demande par analogie si les animaux ne
pouvaient pas aussi mettre le glucose sous une forme
particulière.
3. L’induction
Il y a quelques ressemblances entre l’induction et le
raisonnement par analogie, mais l’induction parait plus valable
car au lieu d’extrapoler une observation unique, c’est au
contraire de l’observation d’un grand nombre de faits qu’elle
affirme une loi générale. L’induction est donc amplifiante.
DAVID HUME estime que les multiples observations
autrefois permettaient d’induire que tous les cygnes sont
blancs. Or, on sait que c’est faux depuis le jour qu’on connait
les cygnes noirs d’Australie. Ainsi, du point de vue de la
logique, l’induction n’est qu’un faux raisonnement.
LA MORT
Dans l’opinion communément admise et selon la plupart des
tendances, la mort se définit comme la cessation de la vie.
Selon la conception judéo-chrétienne, la mort serait venue de
la désobéissance d’Adam. Elle nous sépare de ceux qu’on
aime, c’est pour cela qu’elle est tant redoutée. Pour d’autres
comme SOCRATE, la mort est une libération, une sorte de
repos ; d’où le « Paix à son âme ». Toutefois quelque soit la
bonté ou la méchanceté de notre vie, nous sommes appelés à
mourir car toute vie s’achève par la mort. Dès lors, puisque
toute existence est sanctionnée par la mort, quelle attitude
devons-nous adopter face à elle ? Doit-on l’accepter
stoïquement ou alors la subir passivement mais amèrement ?
Pour mieux répondre à ces interrogations, une analyse des
différentes conceptions de la mort s’avère nécessaire.
I.   LA SIGNIFICATION DE LA MORT :
La mort est différemment conçue selon que l’on se place sur le
plan médical ou religieux.
A.    LA CONCEPTION BIOLOGIQUE DE LA MORT :
La science médicale définit la mort comme la cessation de la
vie ; c’est l’arrêt des fonctions vitales.
Au départ sur le plan médical, être mort voulait simplement
dire que le cœur s’est arrêté de battre. Ainsi quelqu’un dans le
coma ou quelqu’un d’endormi n’est pas mort.
Avec le développement de la science, une nouvelle conception
de la mort s’est ajoutée à la mort biologique : la mort
cérébrale. Ceci signifie que le cerveau est en cessation de
fonctionnement. Techniquement ce n’est pas la mort, car le
cœur continue de battre. Mais on est « mort », parce que
justement on ne pourra plus vivre ; on est en situation de
demi-vie.
Sous cet angle, la mort est une fin, la fin de la vie, alors que
les chrétiens, eux, ne voient pas la mort comme une fin en soi.
B.   LA CONCEPTION JUDEO-CHRETIENNE DE LA
MORT :
Presque toutes les religions s’accordent à dire que la mort
n’est que la cessation de la vie physique.
Chez les judéo-chrétiens, l’homme a une vie à la fois physique
(charnelle) et spirituelle. La vie physique se manifeste à
travers le corps qu’on nourrit de « pains » (cf. la bible) alors
que la vie spirituelle se manifeste à travers l’âme et se
développe par la foi. Ainsi à la mort, c’est le corps physique
qui dépérit. L’esprit est censé aller rejoindre Dieu.
La mort ici ne se définit donc pas comme la fin de a vie, mais
plutôt comme le changement de vie, le commencement d’une
nouvelle vie. Il y aurait de ce fait une autre vie après la vie :
l’enfer pour ceux qui ont commis plus de mal que de biens, et
le paradis pour les justes qui ont commis plus de biens.
Certaines religions comme le catholicisme vont jusqu’à croire
en la résurrection de la chair (cf. le credo catholique encore
appelé le « je crois en Dieu »).
Face à la mort cessation de la vie ou alors commencement
d’une nouvelle vie, quelle attitude adopter ? Faudrait-il en
avoir peur ou bien la démystifier ? Car même la conception
chrétienne ne rejette pas la peur de la mort ; Jésus était
angoissé face à la mort : « mon âme est triste à en mourir ».
(Marc 14, 34.) plus éloquent encore est cet adage célèbre :
« tout le monde veut aller au paradis mais personne ne veut
mourir ».
II.   LA REALITE DE LA MORT :
La mort est réelle, même si elle semble extérieure à nous. Au
sens propre du terme, on n’a jamais dit « je suis mort », mais
plutôt « il est mort ». Pour JANKELEVITCH, « parler de la
mort c’est parler d’autre chose » parce que « tout ce qui la
concerne fait exploser les catégories de discours auxquelles
nous sommes habitués ».
Pour HEIDEGGER, la mort reste abstraite dans sa
conception : « on dit : la mort viendra, c’est certain, mais pour
le moment pas encore ».
Faudrait-il craindre la mort ? Les épicuriens voient un
argument rassurant dans le fait que, lorsque la mort intervient,
tout s’interrompt pour supprimer la possibilité même de la
souffrance ou de la pensée.
Pour le stoïcien MARC-AURELE, la mort n’est pas à
craindre, parce qu’elle est une opération de la nature et lui est
utile. Pour lui, c’est parce que la mort surgit toujours au
présent qu’elle ne peut nous ravir que ce qui est
contemporain : dans la mesure où le passé n’est plus et où
l’avenir n’est pas encore, ils échappent l’un comme l’autre à
son pouvoir. « Dusses-tu vivre trois mille ans, souviens-toi
que personne ne perd une autre vie que celle qu’il vit ». C’est
sûrement ce qu’a compris SOCRATE lorsqu’il accepte
stoïquement de mourir.
Du pont de vue de FREUD, c’est parce qu’il y aurait une
incapacité radicale à se concevoir soi-même comme mort, que
les croyances en une survie spirituelle commencèrent à
s’affirmer.
Y a-t-il une vie après la mort ? C’est une question d’ordre
religieux dans la mesure où il n’a pas encore rationnellement
été prouvé qu’il y ait une vie après la mort. Mais cette
conception de la vie après la mort n’a selon nous, d’autre
objectif que de pousser les gens à plus de justice dans leur
comportement social ; car il est tout le temps répété dans les
milieux religieux « les méchants ressusciteront pour la
souffrance éternelle tandis que les justes ressusciteront pour la
vie éternelle ».
L’ IMMORTALITE PAR LA DESCENDANCE
Le plus grand malheur est de mourir sans laisser une
descendance. Et c’est bien cela, pour les Africains, que
manifeste l’angoisse de la mort irrémédiable ; c’est-à-dire la
véritable mort par extinction et disparition de la lignée :
symbolisée par le feu, rallumé lors des cérémonies funéraires,
de la torche tenue par le successeur du défunt qui ouvre la
marche du cortège funèbre (par exemple au Rwanda). Cela
veut dire que la mort demeure parmi les vivants, il n’est pas
anéanti grâce à sa descendance. L’individu en tant que tel est
essentiel surtout parce qu’il constitue un maillon indispensable
entre chaînons de générations.
Selon les africains, on n’est pas vraiment mort lorsqu’on a
laissé une descendance ; d’où la préoccupation, constante de
tous, d’avoir des enfants et d’accroitre, ce faisant, son
potentiel vital ; dans les sociétés de structure matrilinéaire, les
oncles encouragent leurs neveux et nièces à procréer : il ne
saurait ici y avoir, comme ailleurs, de culpabilité individuelle
lancinante liée à la sexualité, même et surtout lorsqu’elle est
accompagnée de procréation : on y observe une tout autre
morale de la vie sexuelle individuelle qui n’a rien à voir avec
le péché dit « de chair ».
 
IBRAHIMA SOW,
Psychiatrie dynamique africaine,
Editions Payot. P198
LE MOI: CONSCIENCE ET INCONSCIENT
De nos jours, il est largement admis que le « Moi » est
constitué de la conscience et de l’inconscient. La première
représente la partie responsable de la plupart des actes que
l’on peut contrôler (jouer, manger, etc.) tandis que la seconde
est le siège des comportements encore inexpliqués et
incontrôlés ou incontrôlables. Si aujourd’hui l’inconscient
freudien est une réalité dans la définition du « Moi », les
philosophes classiques ont refusé d’admettre l’existence d’une
partie dans nous qui ne serait pas soumise à nous, qui
échapperait à notre contrôle. C’est pourquoi il ne faut pas
s’étonner du recours au terme ‘moi’ pour ne désigner que la
conscience.
Le concept du moi a connu des fortunes diverses à travers le
temps et l’espace. Pour certains auteurs tels que René
DESCARTES, le moi est une dualité corps-esprit. Pour le
négro africain le moi est un assemblage d’un corps, d’un
esprit, d’un nom, d’une ombre, éventuellement d’un totem.
Ainsi si l’anthropologie occidentale est dualiste, celle négro
africaine est pluraliste. Pour les psychologues, le ‘moi’ c’est la
conscience ou encore l’intelligence doublée de volonté.
Tel n’est pas l’avis des psychanalystes qui estiment que le
‘moi’ c’est l’inconscient au regard duquel la conscience
apparait comme un épiphénomène. La question qu’on peut se
poser ici est celle de savoir quelle est la vraie nature du moi.
Le moi se réduit-il au corps ou au contraire est-il quelque
chose d’immatériel et par conséquent d’insaisissable par les
sens ?
 
I. LA CONSCIENCE.
 
A.  LA NATURE DU ‘MOI’ :
Pour la biologie, le ‘moi’ se réduirait au corps vivant ; et
connaitre le ‘moi’ reviendrait ainsi à connaitre la structure de
notre corps ainsi que son fonctionnement.
Pour le négro africain, il y’aurait plusieurs éléments
fondamentaux en un seul homme à savoir le corps animal,
l’âme, l’esprit, l’ombre, le totem, le nom. Le totem apparait
comme la possibilité qu’a l’homme de devenir autre chose,
soit une bête, soit un objet inanimé. Le nom représente aussi la
réalité humaine dans la mesure où pour un négro africain
posséder le nom d’une personne c’est posséder la personne
elle même.
Le philosophe quant à lui estime qu’il faille aller au delà des
apparences c’est-à-dire de ce qui tombe sous les sens pour
saisir la réalité du moi. Ainsi contrairement à l’empirisme qui
fonde nos connaissances sur les sens, et pour lequel le ‘moi’
est un ‘moi’ empirique ou organique, DESCARTES dans le
Discours de la méthode écrit : « ce moi, c’est-à-dire l’âme par
laquelle je suis ce que je suis est entièrement distincte du corps
et même qu’elle est plus aisée à connaitre que lui ».
Il en déduit que le ‘moi’ réel c’est l’âme qui est, selon
DESCARTES, une substance dont la nature n’est que de
penser et qui, pour être, n’a pas besoin de dépendre d’aucune
chose matérielle. On peut alors dire à sa suite que l’homme se
définit par sa pensée. Aussi DESCARTES est-il fondé de
dire « cogito, ego sum » (je pense, donc je suis).
Au plan psychologique, le ‘moi’ apparait comme l’esprit
(psychè en grec qui veut dire esprit ou conscience) ; c’est-à-
dire le ‘moi’ désigne aussi la conscience.
 B.  LE ‘MOI’ COMME CONSCIENCE :
Le mot ‘conscience’ vient du latin cum scientia qui signifie
accompagné de savoir. Etre conscient c’est donc agir, penser,
sentir, savoir et savoir qu’on agit, savoir qu’on pense, savoir
qu’on sent, savoir qu’on sait. Avec la conscience l’homme
n’est plus dans le monde comme une chose parmi les choses ;
le monde se constitue pour lui comme monde à connaitre, à
juger et même à transformer. Ainsi si la conscience est une
distance de l’homme d’avec le monde, elle est aussi une
distance d’avec lui même (le remord, le regret). La conscience
peut donc donner à l’homme la possibilité de faire le tour sur
lui même et cette capacité d’un retournement de la conscience
sur elle même traduit la réflexion.
Et il y’a lieu de distinguer la consciente immédiate de la
consciente réfléchie. La première forme est celle qui
accompagne généralement les actes du sujet. La seconde est
celle dans laquelle le sujet se ressaisit  lui même comme
conscience. Ainsi on peut bien distinguer le fait d’avoir
conscience et celui d’être conscient d’avoir conscience. De là
nous tenons l’expression « prendre conscience ».
Au fait le sujet ne peut se reconnaitre qu’au travers de ses
actes que s’il s’y savait déjà présent. Ainsi le cogito réflexif
suppose d’abord un cogito préréflexif.
Pour Edmund HUSSERL la caractéristique de la conscience
c’est son intentionnalité : toute conscience est conscience de
quelque chose, tension vers quelque chose. Cela traduit que
selon la terminologie sartrienne la conscience n’est pas
constitutive de son objet mais qu’elle est plutôt en sa nature
profonde rapport à un être transcendant ; c’est-à-dire que la
conscience nait portée sur un être qui n’est pas elle. Jean-Paul
SARTRE l’a définie comme ceci : « la conscience est un être
pour lequel il est dans son être question de son être en tant que
cet être implique un être autre que lui ». La conscience est
donc une révélation révélée  des existants.
Par ailleurs on peut distinguer deux formes de consciences : la
conscience psychologique et la conscience morale.
1. la conscience psychologique.
André LALANDE la définit comme l’intuition qu’a l‘esprit de
ses états et de ses actes. Pour les psychologues l’homme est
essentiellement esprit, autrement dit conscience. C’est dire que
l’homme se définit par sa conscience et n’existe que dans la
mesure où il est conscient de son existence.
2. la conscience morale.
Elle est selon Jean-Jacques ROUSSEAU « le juge infaillible
du bien et du mal ». Elle est cette disposition naturelle qui
nous permet de juger spontanément de la valeur de l’acte que
nous posons. Elle est cette lumière intérieure qui indique ce
qu’on doit et ne doit pas faire. La conscience morale est donc
une conscience normative en ce sens qu’elle pose et impose
des normes à l’action humaine.
EN GUISE DE CONCLUSION PARTIELLE :
Cette étude nous a permis de définir la conscience dans son
aspect théorique et même pratique. Au sens théorique la
conscience est cette faculté cognitive qui donne au sujet de se
connaitre et de connaitre le monde. Au sens pratique la
conscience se trouve être à la base de tout choix délibéré.
La conscience est en même temps ce qui cherche à connaitre
et ce qui doit être connu. Chez HUSSERL et chez SARTRE,
elle est essentiellement tension vers quelque chose. Cette thèse
ne traduit pas celle de la psychologie classique qui pense la
conscience comme un contenu dans un contenant. La
conscience étant le fondement de toute conduite normative,
elle nous permet de résoudre tous les problèmes dont la
solution échappe au hasard, à l’automatisme.
Toutefois accorder le privilège à la seule conscience en
matière de connaissance de soi et des autres êtres est encore
contestable. D’ailleurs à en croire Sigmund FREUD «pour
mieux comprendre la vie psychique, il est indispensable de
cesser de surestimer  la conscience » ; pour dire que l’homme
n’est pas que conscience, il a également une dimension
inconsciente.

II. L’INCONSCIENT.
 
A.L’AFFIRMATION DE L’INCONSCIENT
Certains de nos actes nous amènent à comprendre que la
conscience ne constitue pas la totalité de notre psychisme car
il y’a des éléments qui se dérobent à elle, mais qui pourtant
accompagnent certains de nos comportements. La
transparence du sujet que garantit une conscience toujours
présente et vigilante devient par conséquent illusoire.
Y’aurait-il dans ce cas une autre instance de notre psychisme
qui exprimerait et expliquerait le « moi » ? À cette question
Sigmund FREUD y répond en introduisant la notion
d’inconscient psychique qu’il définit d’ailleurs comme « tout
processus psychique dont l’existence nous est démontrée par
ses manifestations, mais dont par ailleurs nous ignorons tout
bien qu’il se déroule en nous ».
C’est dire que l’inconscient est le lieu des représentations qui
ne sont pas conscientes parce que obligées de refoulement.
Le refoulement est un mécanisme psychologique normal qui
fonctionne de façon habituelle en chacun de nous sans que
nous nous en apercevions ; et c’est l’ensemble des tendances
ainsi refoulées (soit que nous les ayons connues à un moment
quelconque, soit même qu’elles nous soient restées inconnues)
qui constituent l’inconscient.
Ne fais donc pas partie de l’inconscient tout ce qui est
préconscient ou subconscient, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas
immédiatement présent à notre conscience claire, mais à notre
disposition et que nous pouvons évoquer grâce à un effort
personnel.
Notre inconscient n’est pas à notre disposition car il représente
la zone obscure de notre psychisme où se retrouvent nos désirs
refoulés, nos instincts qui ont subi la censure de la société ou
du surmoi.
Quelles en sont donc les manifestations ?
B.LES MANIFESTATIONS DE L’INCONSCIENT
Selon FREUD la réalité de l’inconscient se trouve à travers ses
manifestations. Il y’a d’une part les manifestations normales
c’est-à-dire celles qu’on peut déceler chez chacun de nous et
aussi des manifestations pathologiques ou anormales qui sont
des exceptions dans le comportement.
1.les manifestations normales
Nous en citerons trois : le rêve, les actes manqués et l’oubli.
L’oubli
C’est le fait de ne plus se souvenir de quelque chose. Il a selon
FREUD une signification cachée qui échappe à notre
conscience. FREUD pense par exemple que lorsqu’on ne
retient que difficilement un nom qui devrait nous être familier,
c’est qu’il y’a sans doute quelques ressentiments à l’égard du
porteur de ce nom.
Les actes manqués
Pour FREUD « certaines insuffisances de notre
fonctionnement psychique et certains actes en apparence non
intentionnels se révèlent lorsqu’on leur applique l’examen
psychanalytique comme parfaitement motivé et déterminé par
des raisons qui échappent à la conscience ».
Pour dire que les actes manqués sont des actes psychiques
ayant un sens et marqués d’une intention. Ils résultent de
l’interférence de deux intentions différentes. Les actes
manqués sont en bref des propos, des gestes qui sont tenus
involontaires et qui trahissent nos désirs profonds.
Le rêve
Pour FREUD  « l’interprétation des rêves est la voie royale qui
mène à la connaissance de l’inconscient dans la vie
psychique ». Les rêves témoignent en effet d’une activité
psychique qui échappe complètement à notre contrôle
volontaire car lorsque nous souhaitons rêver telle ou telle
chose, nous n’y parvenons pas.
Pour FREUD le rêve étant un acte psychique, révèle une
signification qu’il s’agit de trouver. Il distingue donc deux
aspects du rêve : d’une part le contenu manifeste c’est-à-dire
le rêve lui-même tel que s’en souvient le rêveur et qu’il peut
raconter ; d’autre part le contenu latent c’est-à-dire l’idée,
l’impulsion qui se trouve sous le contenu manifeste et a
provoqué celui-ci. Ce qui importe, c’est l’interprétation du
rêve, son sens caché que son aspect apparent. Pour FREUD au
lieu de se référer à des essais d’explications toutes faites, il
faut plutôt interroger le rêveur, lui recommandant de ne pas
chercher une explication logique mais de laisser venir ses
idées à partir des images du rêve aussi librement qu’il pourrait
sans en faire un tri. Il faudrait ensuite passer à une association
de ces idées. Cette méthode débouche très vite sur la vie
intime du sujet, sa sexualité, ses sentiments agressifs, sa
jalousie, ses peines, tous ses aspects douloureux, mesquins et
puérils qu’il ne tient pas à étaler devant un public. Par
exemple il n’est pas rare qu’une personne raconte en
s’étonnant, avoir rêvé qu’elle se promenait nue et sans aucune
gène. Dans ce cas il est facile de lier les deux contenus latents
et manifestes car en effet, l’un et l’autre expriment une
tendance à l’exhibitionnisme, au nudisme. De là nous tenons
la fonction du rêve.
La fonction du rêve est de réaliser en imagination un désir
impossible à réaliser dans la réalité. Il s’agit d’un désir
contrarié, induisant une situation pénible d’insatisfaction
ressentie par le psychisme à l’état de veille et risquant par là
même de gêner le sommeil. Le rêve annule ici la situation
désagréable et la remplace par un nouvel aspect plus
satisfaisant des choses, ce qui permet de dormir
tranquillement. FREUD a ainsi pu dire que « le rêve est le
gardien du sommeil ».
Le rêve a aussi une fonction prémonitoire. Aussi cherche-t-on
le plus souvent à comprendre nos rêves et à y trouver des
présages et indications pour la vie quotidienne.
2.Les manifestations pathologiques
Nous en aborderons également trois : les névroses, les
perversions et les complexes.
Les névroses.
Les névroses sont des troubles de comportements et du
développement intellectuel de l’individu. Ces troubles
résultent des rapports entretenus avec l’environnement social.
FREUD pense que la névrose est la conséquence d’un conflit.
Il écrit : « la genèse des névroses nous apparait sous cette
formule simple : le moi a tenté d’étouffer certaines parties du
ça d’une manière impropre ; il a échoué et le ça se venge. La
névrose est donc le résultat d’un conflit entre le moi et le ça ».
Les perversions
FREUD entend par ce terme une déviation  par rapport à l’acte
sexuel normal. Le sujet ici peut viser à atteindre le plaisir avec
une personne de même sexe, avec d’autres objets sexuels ou
d’autres zones corporelles.
Les complexes
Ce sont des idées que nous nous faisons nous même et qui
conditionnent nos relations avec les autres. En psychanalyse,
on en distingue trois grands groupes :
Les complexes psychologiques : ce sont les complexes de
supériorité ou d’infériorité.
Le complexe d’Œdipe : c’est un sentiment d’attachement
qu’éprouve l’enfant à l’égard du parent de sexe opposé et qui
l’amène à considérer l’autre parent comme un ou une rivale. A
l’âge adulte, ce complexe peut se manifester par l’attachement
à un parent proche.
Les complexes sociaux : ils désignent les idées que nous
formulons et qui commandent notre comportement ; plus
précisément c’est ce que nous croyons trouver dans le
jugement que les autres ont sur nous. Ex: le complexe de
castration qui désigne la peur que nous entretenons d’être
privé de notre organe génital et surtout sa fonction essentielle.
Chez le garçon c’est la peur de l’impuissance, ce qui entraine
la violence sexuelle, l’agressivité à l’égard des femmes ou a
contrario la timidité et la peur des femmes. Chez les filles
c’est la peur de la frigidité c’est-à-dire de ne pas se sentir
féminine, ce qui entraine des comportements maniérés ou le
fait de prendre beaucoup soin de sa présentation physique.
Tous ces comportements émanent des pulsions qui sont en
nous.
EN GUISE DE CONCLUSION PARTIELLE :
En définitive, avec la notion d’inconscient, FREUD introduit
une nouvelle conception du sujet en révélant que nous ne
sommes pas toujours avertis de nous-mêmes, de ce que nous
faisons et de ce qui nous arrive. Il y’a donc une dimension du
qui échappe à la conscience mais qui est révélatrice de ce que
je suis. Toutefois, objection aux psychanalystes de réduire les
comportements humains aux pulsions libidinales. La
psychanalyse prête ainsi son flanc à la critique, car si toute
l’action humaine était libidinale, l’homme se laisserait ravaler
au rang des animaux qui agissent de façon instinctive.
Bernard STEVENS: un scandale pour la philosophie africaine!

La cour pénale internationale de philosophie émet un mandat


d’arrêt philosophique contre le philosophe Bernard Stevens
pour avoir commis un crime contre l’humanité philosophique
africaine (« Mais il y a néanmoins un point qui me pose
quelque difficulté et que je me permettrai d’évoquer
maintenant en finale. Il s’agit de l’affirmation selon laquelle la
philosophie aurait toujours existé en Afrique, et cela donc
avant l’introduction de la discipline connue sous cette
appellation, notamment en Occident-qui révèle d’ailleurs
toujours quelque trace d’ethnophilosophie- n’est possible par
un usage hyperbolique du mot « philosophie » par rapport à
son sens précis.(…).Il n’y a pas, à proprement parler de
philosophie en Afrique noire, avant le contact avec
l’Occident… » p.13-17), et ce depuis 1986. Tout philosophe
africain qui le verrait en Afrique ( i.e. qui lirait ses écrits
portant sur la philosophie africaine) est prié de signaler sa
présence dans des revues philosophiques (en réfutant ses
thèses eurocentristes et ethnocentristes) et même sur Internet.
La philosophie est un champ de bataille et il faut prendre
position.
Bernard Stevens me provoque quand il semble revenir en
arrière et plus en arrière par rapport à Placide TEMPELS. On
dirait qu’il a des  »crampes eurocentristes ». 
 
Bernard STEVENS, dans sa préface faite au livre de B.
OKOLO Okonda, passe être pour un d’arrière petit fils de
Hegel et des colons belges qui nient à l’Afrique la philosophie.
Si le mot philosophie est d’origine grecque, l’activité
philosophique est d’origine humaine. Si Merut ne Mâat
signifiant amour de la vérité et de la sagesse, est d’origine
égyptienne, la vérité et la sagesse font partie de la recherche
humaine . Autrement dit, il est surprenant, en 21ème siècle, de
voir Bernard STEVENS s’insérer dans un débat philosophique
en tenant un discours qui se révèle être un SCANDAL pour
l’Afrique et l’Africain et une provocation pour les anciens
colonisés au nom d’une certaine philosophie dont
l’idéologie proclamait tout haut que l’homme noir ou
africain était prélogique. Et pourtant cette thèse a été parfois
reniée par ses promoteurs.

(Gervinho m.chadas)

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