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De quelle philosophie l’Afrique d’aujourd’hui a-t-elle besoin pour se

développer ?

Par Christ Carel NGUENGA NDZEDI1

Notre tâche se précise donc ainsi : nous avons à nous affermir dans le
monde actuel ; nous, séculairement assis dans la nuit de l’inanité,
nous avons à nous redresser de toute notre stature d’hommes ; nous,
depuis si longtemps affairés au service de l’autre, nous avons à nous
affairer à notre propre service ; nous dont l’autre à si longuement
disposé, nous devons rentrer dans la disposition de nous-
mêmes (M.TOWA, 1971 :41).

Une question sur laquelle, nous semble-t-il, les violons n’ont pas
réussi à s’accorder- ce qui d’ailleurs est normale en philosophie-
c’est celle de savoir de quelle philosophie l’Afrique d’aujourd’hui a
besoin pour se développer. Pour les uns, cette philosophie
nécessaire au développement de l’Afrique actuelle est celle qui,
empruntant la méthode herméneutique (ou structuraliste), essaie de
lire et de reprendre philosophiquement les traditions africaines.
Pour les autres, la seule philosophie qui peut permettre à notre
continent de réaliser définitivement son décollage économique,
politique, scientifique, technique et culturel est celle qui accepte de
copier le mode de philosopher occidental (M.O.MBAMBI, 1978 :43)

L’actualité africaine est suggestive à l’égard de ceux qui sont censés tenir un discours réflexif
sur des questions liées à l’être-au-monde des africains. Le pittoresque que fait planer
l’Afrique fait penser à un cadavre en putréfaction dont l’unique endroit indiqué reste la tombe,
et c’est sans nul doute pourquoi les afro-pessimistes considèrent que l’Afrique est mal partie.
Autrement dit, il n’y a rien qui présage l’avènement d’un ciel radieux sous les tropiques, sinon
que des averses et des orages qui font frémir le ventre qui a faim. C’est parfois dans cet ordre
d’idée que nos éminents penseurs, à l’instar d’Axelle Kabou, sont en droit de s’interroger :
« Et si l’Afrique refusait le développement ? »

1
Maître ès Lettres, Certifié de philosophie, Master 2 recherche en métaphysique, chef de département de
philosophie et chargé de cours au Lycée Georges Mabignath, Libreville (Gabon) nchristcarel@yahoo.fr .
06.92.11.99/ 04.30.79.91.

24
Pourtant, il y a une impossibilité pour nous de penser l’Afrique en dehors de cette marche
graduelle qu’on appelle développement. Il faut donc reconsidérer sans tabou, que la marche
de l’Afrique vers le développement est entachée d’irrégularités, à la limite on vient à se poser
la question de savoir si l’Afrique ne serait pas damnée.

Toutefois, penser l’Afrique en termes de condamnée au sous-développement relèverait d’un


pessimisme extravagant. De mémoire, l’histoire de la philosophie nous enseigne que c’est
pendant les périodes de troubles que la philosophie, au sens de « la chouette de Minerve »
hégélienne, prend son envol pour clarifier le passage du trouble à la stabilité. C’est lorsque
l’humanité de l’homme est éprouvée que le discours philosophique atteste de sa validité.
L’Afrique ne déroge pas à cette règle. C’est la raison pour laquelle on se pose la question de
savoir de quelle philosophie l’Afrique d’aujourd’hui a-t-elle besoin pour se développer ?
Quelle pensée est à même, non seulement de penser l’Afrique, mais aussi capable de la sortir
du gouffre ? L’orientation de notre texte est celle de penser en question le rôle que la
philosophie doit jouer dans le contexte africain actuel. Au-delà, il s’agit de déterminer, sans
prétention, le type de philosophie et les modalités de ce philosopher. Par type de philosophie,
il faut entendre le discours concret qui peut apporter le salut, au sens premier de ce qui nous
délivre de la douleur et de la souffrance. En clair, on tente de proposer des pistes à la question
de l’utilité du philosopher en Afrique. Car, le constat est clair, plusieurs années après le retour
de nos penseurs, formés aux prestigieuses universités métropolitaines, la philosophie, en
Afrique est restée confinée dans la froide reprise des pensées des maîtres sans ancrage
véritable dans la réalité. Tout ce qui a contribué à rendre raison de l’inutilité de la philosophie
en Afrique au point où, en toute légitimité, on peut nier l’apport de la philosophie au
développement de nos pays africains. Or, l’urgence du philosopher en Afrique est plus que
patente. Cependant, on sait que la répétition abusive et extravagante de nos éminents
classiques et maîtres à penser à montrer ses limites. Dans cette perspective, l’exigence du
développement nous accule à définir l’orientation philosophique qui pourrait nous aider à
enclencher le développement. Dans ce cas de figure, nous pensons que la question de savoir
de quelle philosophie l’Afrique d’aujourd’hui a-t-elle besoin pour se développer reste
actuelle.

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I- LA PHILOSOPHIE DE L’INTERPRETATION.

Notre philosophie doit trouver ses armes dans le milieu et les


conditions de vie du peuple africain ; c’est à partir de ces conditions
que doit être créé le contenu intellectuel de notre philosophie.
L’émancipation du continent africain, c’est l’émancipation de
l’homme ; cela requiert deux buts : premièrement reconstituer la
société égalitaire ; secondement, mobiliser logiquement toutes nos
ressources en vue de cette reconstitution (K.N’KRUMAH, 1965 :119-
120).

I-1. La nécessité du retour aux sources

A l’ère où le nègre prend conscience de sa servitude perpétuelle, son souci premier est de
renverser la théorie de la table rase élaborée par l’ignorance au « carré du maître »2, laquelle
ignorance a forgé tout le mythe de la dépendance africaine à l’égard de l’occident autant du
point de vue politique que philosophique quand bien même, il n’y a pas à séparer
radicalement philosophie et politique, dans la mesure où l’on sait que la philosophie a quitté
les nuées pour entrer dans la cité dans le but de se préoccuper d’elle.

Ce souci négateur se manifeste essentiellement dans la nostalgie du passé, du désir de


renouer avec soi-même ; ce qui nous permet de penser la pensée africaine comme un accident
parce que, c’est la nécessité revendicative qui occasionne la naissance de ce qu’on pourrait
appeler philosophie africaine. C’est parce que l’on se sent perdu, à la croisée des chemins,
que naît ce désir impérieux d’opérer un retour à nous-mêmes, histoire d’avoir une certaine
traçabilité de soi. Car il ne faut pas perdre de vue que l’histoire de l’Afrique s’est déployée
sous trois paradigmes : le paradigme de la totalité, le paradigme de la brisure enfin celui de la
brisure totalisée3. C’est dans le dernier que se déploie la question du développement de
2
Le colon ignore qu’il ignore.

3
ENGONE ELLOUE, Cours inédit de philosophie africaine, Deug 2 philosophie, université Omar Bongo, 2007-
2008. Ce qu’il attend dire dans ce tryptique, c’est que l’histoire de l’Afrique se cristallise autour de trois
moments essentiels, le paradigme de la totalité correspondrait à l’Afrique d’avant la colonisation, une Afrique

24
l’Afrique pensé en termes de reconstruction à partir des éléments que nous possédons. Un
recours aux sources pour nous en inspirer, un dialogue de nous-mêmes avec nous-mêmes.
Pou cela, le philosophe malgache, Maniragaba Balibutsa écrit :

Nous croyons que c’est par le retour aux sources que la philosophie
africaine pourra se construire et contribuer au développement
endogène et autocentré de l’Afrique. D’ailleurs c’est mal comprendre
les choses que de croire que le retour aux sources de la pensée
africaine soit incompatible avec l’examen critique de ces sources.
Bien au contraire, c’est par le retour critique aux sources de la
pensée d’un peuple que l’on peut élaborer une pensée nouvelle et
originale qui assume le meilleur du passé de ce peuple pour éclairer
les nouveaux choix de société. Or il serait un peu trop risqué de
prétendre que le passé des peuples africains n’ait rien de bon à nous
apprendre. C’est plutôt le contraire qui est mille fois vrai4

De ce point de vue, s’agissant du développement, l’africain doit opérer ce que Maniragaba


Balibutsa « appelle l’impératif du recentrage noétique et axiologique de la société
africaine5 », c’est-à-dire cette obligation qu’a le continent de s’auto- régénérer à partir de ses
ressources. Il s’agit, bien évidement ici, pour l’Afrique de se donner un nouveau visage, de
faire « peau neuve » au sens de la mue du serpent qui change non seulement de peau, mais
gagne aussi en proportion. En clair, ce que formule explicitement le philosophe malgache,
c’est l’appel adresser à l’égard de l’africain à devenir son propre Prométhée, il serait vain
d’attendre le secours d’ailleurs. Il faut trouver en soi-même la capacité de vaincre son errance,
de se donner une ligne de conduite, de s’inscrire résolument sur la voie du développement :
c’est aux africains de se sauver eux-mêmes, il n’y aura pas de messie pour la mère Afrique
que ses propres enfants. Pour cela, l’africain doit, sans conteste dialoguer avec « son Afrique

face à elle-même et que, tel un verre, va se briser avec l’arrivée de la mission civilisatrice (sic), où l’Afrique
vouté sous le poids du frère étranger va perdre son identité, c’est le grand matin de l’occident en Afrique. Puis,
l’ayant assujettit, l’occident va pérenniser, jusqu’à présent son désir d’asservir l’Afrique au point où celle-ci
éprouverait, en ce moment des véritables difficultés à se redresser en face de l’humanité, c’est la brisure
totalisée.

4
BALIBUTSAB.M, Le potentiel ontologique des langues Bantu face à l’ontologie classique, Libreville, CICIBA,
2000, p.10.

5
Ibid., p.7.

24
des fiers guerriers dans les savanes ancestrales 6 ». Cette Afrique du lointain passé qu’il est
censé connaitre mais qu’il ne connait pas. Toutefois, ce retour aux sources n’est pas une
simple exhumation des fossiles, sinon que gagnerait-on ? Il faut donc partir du principe que ce
que nous possédons comme sources peut faire l’objet d’une analyse, c’est-à-dire que le déjà-
là peut suggérer un déjà-là pas encore : un fond pour la pensée qui pense. D’où la nécessité
d’employer la méthode herméneutique.

I-2.L’apport de l’herméneutique au développement de l’Afrique

La vraie philosophie est loin d’être une évasion hors du réel. Bien au
contraire, elle regarde en face la réalité quotidienne, elle l’analyse le
plus objectivement possible et la juge du point de vue de la vérité et de
la rationalité. C’est pourquoi le philosophe authentique est
indispensable à toute société qui cherche à se construire. (S.Azombo-
Menda & P.Meyongo, 1981 :20)

L’herméneutique est une réflexion philosophique sur les symboles religieux et les mythes. On
comprend que l’importance de la méthode herméneutique dans la question du développement
de l’Afrique consistera à interpréter le passé de l’Afrique en vue de ressortir les données qui
permettront de s’élever au point de susciter, de la part de l’humanité, des ovations sincères.
En effet, si l’on considère que notre histoire s’est faite en dehors de nous, il y a lieu de
réinterpréter notre passé. Si nos ancêtres ont bel et bien pensé, c’est que cette pensée s’est
déployée à propos des préoccupations qui étaient les leurs, puisque l’homme produit le savoir
en fonction des exigences du milieu, de ses conditions d’existence : le savoir porte toujours la
signature et les influences du milieu. Il nous revient donc de voir, en fonction de ce que nous
disposons comme sources, dans quelle mesure créer une philosophie pour notre temps,
suivant la nécessité du moment. Il ne s’agit nullement de ressasser le passé, mais de
philosopher. C’est en cela qu’Ali A. Dieng affirme :

6
DIOP.D, cité par Kesteloot Lylian, in Anthologie Négro-africaine, panorama critique des prosateurs, poètes et
dramaturges noirs du XXe siècle, (1967) 1976, p.149.

24
« Il est nécessaire de mieux connaitre les pensées de nos ancêtres mal interprétées par les ethnophilosophes et
de réinterpréter notre passé philosophique en fonction des conditions socio-économiques qui lui ont servi de
cadre, mais aussi en fonction de nos luttes actuelles et futures7 ».

Il y a lieu de comprendre que si nous devons, dans notre quête du philosopher, interpréter la
philosophie de nos ancêtres en fonction des problèmes de leur temps, il faut aussi mettre un
pont qui nous permettrait de lire cette philosophie en fonction des exigences présentes. Ne
comprenons pas cette invitation de Dieng comme un esprit de ressassement du passé, mais
comme une espèce d’inventaire où il est question, dans l’interprétation, de trouver l’utile, de
réquisitionner ce qui peut nous aider et laisser ce qui ne sert plus à rien. Afin de pouvoir
avancer avec le sentiment de sérénité, dans la mesure où l’avenir s’enracine dans la filiation
que nous opérons entre le passé et le présent.

Car si nous partons du principe que le développement présent se fait dans un rapport
d’échange, autrement dit dans le contexte de la mondialisation, il faut donc reconsidérer le
dialogue avec le passé, c'est-à-dire questionner les sources du passé pour faire jaillir un sens,
celui de notre participation effective au rendez-vous du donner et du recevoir. Etant entendu
que ce rendez-vous n’a de sens que pour celui qui a quelque chose à apporter :

« S’il est vrai que l’actualité de la philosophie n’est ni dans l’événement qui passe, ni dans le culte de la
différence, il reste que le dialogue avec d’autres traditions philosophiques n’est possible et n’a de sens que pour
celui qui a quelque à apporter au ‘’rendez-vous du donner et du recevoir8’’ »

Il faut pénétrer nos traditions dans un mouvement d’entrée et de sortie, si bien que, nous ne
risquerons pas un repli identitaire et nous ne ferons pas dans le culte de la différence, mais
nous donnerons lieu à une ouverture au dialogue devant nous éjecter vers le processus de
développement. Puisque, le savoir n’est ni le produit d’une nature ni un cadeau du ciel, il est
avant tout l’œuvre de la nature épistémique et technique de l’homme, c’est- à- dire le résultat
de ses recherches et découvertes, de ses projets et des tentatives de leur réalisation 9. De ce
point de vue, si nos ancêtres ont pensé pour résoudre leurs problèmes, le fait de « flirter »
avec cette pensée ne signifie nullement conservation du passé, mais une tentative de
développement au sens d’Elungu Pene Elungu où il faut « dégager en fonction de notre passé

7
DIENG.A.A, Contribution à l’étude des problèmes philosophiques en Afrique Noire, Nubia, 1983, p.25.

8
AZOMBO-MENDA.S & ENOBO KOSSO.M, Les philosophes africains par les textes, Nathan Afrique, 1978, p.3.

9
OBENGA .T, cité par KAPUMBA AKENDA.J.C, « Le partage du pouvoir selon le savoir. Essai sur les limites des
possibilités du savoir dans la société africaine piégée par la mondialisation », Revue philosophique de Kinshasa,
vol XXI, n° 37-38, Janvier-Décembre 2006, p.17.

24
et de notre présent, notre « devoir-être » en vue de l’avenir10 ». Donc s’impose en exigence et
en nécessité le fait de s’assumer pleinement. Notre devenir ne saurait faire l’économie ni de
notre passé, puisque les anciens ont pensé, ni de nos conditions présentes. C’est dans cette
articulation féconde du passé et du présent que se trace la lisibilité de notre devenir.

II- UNE PHILOSOPHIE DE L’OCCIDENTALISATION

II-1. La négation de soi

Après avoir pointé l’origine de la défaite de notre histoire dans l’incapacité de notre passé à
se frotter à l’Occident dans un rapport d’égalité, il convient donc, si l’on veut progresser, de
rompre avec un passé qui nous plonge et continuera, si on ne s’en débarrasse pas, à nous
maintenir dans un état d’esclavage à perpétuité. En effet, il est inutile de pérenniser une
idéologie qui a été vaincue. Car « le matin de l’Occident »11, pour reprendre l’expression de
Cheik Hamidou kane, a consacré la victoire de l’Occident sur l’Afrique. De ce fait, nos
traditions n’ont pas pu nous éviter cela. Donc, si nous voulons changer de statut, nous ne le
pourrons qu’en nous débarrassant de notre lourd passé, c'est-à-dire en sortant des traditions.
En se positionnant dans un rapport conflictuel à nous même. Il est question de se refuser à soi
pour être peu ou prou l’autre :

révolutionner la condition présente de soi signifie donc en même


temps révolutionner l’essence de soi, ce que le soi a en propre, ce
qu’il a d’original et d’unique, entrer dans un rapport négatif avec le
soi. S’affirmer, se revaloriser, retrouver la fierté, qu’est-ce à dire
sinon entrer en conflit avec les forces qui nous écrasent ? Et comment
imaginer que nous sortions victorieux d’un tel affrontement avant
d’avoir assimilés le secret en vertu duquel nous sommes encore
dominés en dépit de notre indépendance formelle ? Autrement dit,
pour s’affirmer, pour s’assumer, le soi doit se nier, nier son essence et

10
ELUNGU PENE ELUNGU, cité par MBAMBI MONGA.O, op.cit., p.53.

11
HAMIDOU KANE. C, L’Aventure ambiguë, Paris, 10/18, 1961, p.59.

24
donc aussi son passé. En rompant ainsi avec son essence et son passé,
le soi doit viser expressément à devenir comme l’autre, semblable à
l’autre, et par là incolonisable par l’autre12.

Cela implique ainsi la rupture avec nous-mêmes, c'est-à-dire avec notre passé. De ce point de
vue, le philosophe camerounais invite l’Afrique à une véritable rupture radicale et
révolutionnaire parce qu’il est question de mourir à soi, en soi, d’être pur reniement de soi.
Autrement dit, d’opérer une véritable conversion en mourant aux anciens paradigmes pour
que notre développement émerge des cendres encore fumantes de notre être passé, au sens
d’un phénix qui renait de ses cendres. Toujours est-il que cette renaissance qui postule le
développement se fait dans l’indifférence à l’égard de soi et à l’identification au maître : on se
refuse à soi pour être l’autre. Cette négation implique qu’il n’y a nullement d’identité qui ne
soit pas dynamique et que la posture actuelle de l’Afrique ne relève pas du fatalisme. Cette
défaite peut être surmontée. Pour cela, il suffit de trouver les voies qui pourraient nous
conduire à la victoire.

Bien avant Towa, cette position de la négation de soi fut déjà énoncée par Hamidou Kane
comme une nécessité pour la survie de l’Afrique, symbolisée dans son œuvre par le peuple
Diallobé, notamment à travers l’attitude de la Grande Royale lorsqu’elle affirme :

Ce que je propose c’est que nous acceptions de mourir en nos


enfants et que les étrangers qui nous ont défaits prennent en eux toute
la place que nous aurons laissée libre. (…) gens des Diallobé,
souvenez-vous de nos champs quand approche la saison des pluies.
Nous aimons bien nos champs, mais que faisons-nous alors ? Nous y
mettons le fer et le feu, nous les tuons. De même, souvenez-vous : que
faisons-nous de nos réserves de graines quand il a plu ? Nous
voudrions bien les manger, mais nous les enfouissons en terre13

L’image en elle-même est pleine de sens, le pari des lendemains qui chantent pour l’Afrique,
repose essentiellement sur la possibilité de devenir l’autre. C’est-à-dire consentir à ne plus

12
TOWA.M, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, éditions Clé, Yaoundé, 2009, p.

13
HAMIDOU KANE.C, op.cit., p.57.

24
être soi-même, opérer cet acte douloureux d’oubli de soi pour se développer. Ici, il n’y a pas
d’autre alternative pour le développement. La pensée de l’occidentalisation semble se donner
comme la voie du salut de l’Afrique. Penser comme le maître, écrire comme le maître ; en
clair être le maître voici ce que nous propose autant Towa que Hamidou Kane. Ceux-ci posent
alors la négation de soi, ce reniement de soi par soi comme une nécessité pour le
développement de l’Afrique.

Ainsi, sans me faire partisan de Towa, encore moins celui de Hamidou Kane, il y a lieu de
dire que les africains ne seront véritablement libres que lorsqu’ ils arrêteront avec l’appel à
l’africanité. La pensée du développement est, en leur sens, celle qui procède par imitation.
Faire comme le maître c’est la voie qui nous permettrait de sortir des sentiers battus. C’est
donc à juste titre que Mbambi Monga Oliga écrit :

Pour Towa, ‘’l’iconoclasme révolutionnaire constitue la voie unique


conduisant à la fois à l’émergence d’une humanité africaine rajeunie
et robuste et à l’authenticité ; c’est la destruction des idoles
traditionnelles qui seule permettra d’accueillir et d’assimiler l’esprit
de l’Europe, secret de sa puissance et de sa victoire sur nous. Et c’est
seulement en édifiant une puissance comparable aux plus grandes
puissances de notre temps, et donc capable de résister à leur
agression éventuelle et à l’impérialisme que nous aurons le pouvoir
de nous affirmer comme auto-centré politiquement, économiquement
et spirituellement14.

II-2. Le « saut nécessaire »

Cette expression qui traduit l’obligation pour le négro-africain, le noir particulièrement de


s’abandonner à soi dans une perspective d’ouverture, bien plus d’assimilation au maître, est
l’œuvre du penseur zaïrois Elungu Pene Elungu. Il pense que se replier ou faire œuvre de
conservateur de musée ne saurait garantir à l’Afrique un avenir digne de ce nom. Car, si pour
Towa « le rapport entre l’Occident et nous demeure celui entre le maitre et l’esclave 15 ».
Nous devons changer de démarche si l’on souhaite réellement sortir l’Afrique de la servitude.
14
MBAMBI MONGA.O, « Philosophie et développement de l’Afrique. Une lecture de M. Towa et d’Elungu pene
Elungu », in Philosophie et libération, Facultés de théologie catholique, Kinshasa, 1978, (43-53), p.45.

15
TOWA.M, L’idée d’une philosophie négro-africaine, Yaoundé, Clé, 1979, p.57.

24
En cela, tirant argument du modèle hégélien de la dialectique du maitre et de l’esclave, Towa
tout comme Cheik Hamidou Kane, avant lui, recommande non pas la destruction des armes
de cet autre mais leur assimilation, leur maitrise en vue de les lui retourner. En effet, l’Afrique
doit cesser d’être un paillasson de l’Occident. Pour cela, Towa propose comme méthode
l’européanisation : « l’option est sans équivoque : se nier, mettre en question l’être même de
soi et s’européaniser fondamentalement16 ».

Il s’agit pour nous en réalité de devenir peu ou prou européen afin d’échapper à l’hégémonie
occidentale, cela nous oblige à être l’autre pour mieux le maîtriser. Car la maîtrise quasi-totale
d’un adversaire passe par la connaissance profonde de celui-ci ; ce n’est que dans ce saut que
nous serons vraiment rassurés de déceler le talon d’Achille de l’Europe. De ce fait, si nous
pouvons savoir l’origine de la puissance européenne, alors nous ne pourrons plus être à son
service. Puisque son secret sera désormais dévoilé et nous en tirerons nous aussi profit, nous
serons incolonisables parce que devenus comme eux. Pour éviter une colonisation pérenne en
Afrique il n’y a certainement pas beaucoup d’alternatives. On comprend ainsi l’inquiétude de
la Grande Royale lorsqu’elle s’adresse aux Diallobés en ces termes : « Je viens vous dire
ceci : moi la Grande Royale, je n’aime pas l’école étrangère. Je la déteste. Mon avis est qu’il
faut y envoyer nos enfants cependant17 ». L’Occident est haïssable pour ce qu’il a fait subir à
nos ancêtres. Pourtant nous sommes obligés de nous occidentaliser pour dissuader l’Europe
dans son dessein de prolonger son hégémonie en dépit de nos indépendances. Ce faisant,
l’Afrique doit honorer à cet appel angoissant et pathétique qui nous invite, une bonne fois
pour toutes à nous détourner de notre être-nous même pour s’ouvrir au développement.

III- APORIES ET PERSPECTIVES NOUVELLES

III-1. Recentrage des positions précédentes

16
TOWA.M, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, op.cit., p.45.

17
HAMIDOU KANE.C, op.cit., p.56.

24
Penser à opérer un retour aux sources dans le sens de prendre dans nos traditions ce qui
semble meilleur paraît recevable, mais la difficulté surgit au moment de l’interpénétration
culturelle. Autrement dit, dans la tentative de conciliation des éléments de la tradition à ceux
de la modernité, on observe une incompatibilité dû au fait que le traditionnel repousse
exclusivement le moderne, mais également parce que le moderne est « une pensée rebelle à
l’Afrique18 », selon l’expression de Mudimbe. Cette incompatibilité donne lieu à la nécessité
d’une rupture radicale avec soi-même. Pour un fait, l’être de la modernité entre en conflit avec
celui de l’africain, or, l’africain est sommé de s’adapter à la modernité. Donc, il n’y a pas
d’autre choix à opérer, sinon qu’entrer dans un rapport négatif à soi pour espérer avoir une
chance de s’accrocher au processus de modernité.

Ce qu’il convient de comprendre ici c’est que la voie de l’occidentalisation devient le gage
d’une possibilité de développement pour l’Afrique. Pourtant, si a priori on pense avoir trouvé
la voie, en réalité cela paraît complexe. En effet, jusqu’à quel point cette voie peut-elle tenir ?
Est-il possible pour l’africain de réaliser une rupture qui consisterait à rejeter tout dans le
passé ancestral, considérant le point de vue que cela est sa nature ? Et sachant qu’on a
coutume de dire qu’à beau chasser le naturel il revient toujours au galop ; cela n’est pas loin
de relever d’une utopie. Aussi, se débarrasser de soi pour imiter l’autre pose des difficultés
énormes. D’abord,

Imiter une philosophie ce n’est pas philosopher, cela, certains


philosophes africains de formation européenne ne le comprennent
guère : soit parce qu’ils sont incapables de voir au-delà des œillères
que leur formation occidentale leur impose, soit parce qu’ils n’ont
jamais été assez attentifs aux valeurs culturelles de leurs propres
pays. L’attitude de Towa est caractéristique à cet égard. A quoi nous
invite ce philosophe camerounais ? A rien moins qu’à fermer les yeux
sur notre passé, mieux, à brûler tout ce qui provient de la pensée de
nos ancêtres pour ensuite nous lancer dans une imitation effrénée de
l’Europe (…) Autrement dit, nous devons capituler comme les autres
et rechercher notre identité avec le colonisateur en nous reniant nous-
mêmes.19

18
MUDIMBE.V.Y, cité par BUAKASU TULU KIA MPANSU, in « Les sciences de l’occident pour quoi faire ? », in
Philosophie et libération, Facultés de théologie catholique, Kinshasa, 1978, (295-318), p.311.

19
SYLLA.A, La philosophie morale des wolof, Dakar, Sankore, 1978, p.28-29.

24
Ensuite, qu’est-ce qui peut nous rassurer qu’une fois cette perte consommée, l’Afrique aura
assez de forces pour se relever et s’opposer valablement, parce qu’on sait que si l’on veut
perdre un jeu d’office il faut jouer avec celui qui a inventé les règles ? Ainsi, de ce point de
vue, rien ne nous garantit qu’on pourrait accéder à la science, et même si c’était le cas, pas
au point de rivaliser avec le maître. De plus, connaissant le danger qui court, le maître est-il
prêt à nous léguer la science ? Sinon de quelle façon, sachant que la science est un atout,
qu’elle assure son hégémonie : « Celle-ci est donc un atout majeur dans les rapports nord-
sud ; elle assure la suprématie de l’occident sur les autres. Les occidentaux la gardent
jalousement, surveillant le mode de sa diffusion et les points de son application 20 ». Donc
posséder la science occidentale pour l’Afrique semble une illusion. L’occident ne nous
octroiera jamais toute proportion gardée les éléments théoriques qui pourraient nous permettre
d’enclencher le développement en partant du savoir pur pour le savoir-faire. L’Afrique, pour
se développer n’a pas d’autres choix que d’attendre d’elle-même, de ses enfants.

Par ailleurs, le réel, que l’on soit en Occident ou en Afrique, n’est pas le même. De ce fait, il
faut tenir compte de ‘’la machine du réel et le réel de la machine ‘’, au sens de Kombé
Oléko21, c'est-à-dire du fonctionnement de chaque société, pensée en termes de réalités
sociales, l’occidentalisation ne serait peut être possible que dans un contexte occidental au
sens ou les théories occidentales sont conçues en fonction des problèmes liés à la société
occidentale. De ce point de vue, si nous nous accordons sur la nécessité d’un réveil
interrogateur, cet éveil doit postuler une prise en charge de l’Afrique par les africains. Car, «
l’histoire des rapports de l’occident européen avec l’Afrique n’a jamais été l’histoire d’une
recherche pacifique et patiente des voies pour doter l’Afrique des infrastructures dont elle a
besoin pour son développement et son décollage économique, scientifique et technique22 ».

III-2. L’exorcisme du « mal africain » : une perspective prometteuse.

20
BUAKASU KIA MPANSU, op.cit., p.308.

21
KOMBE.O., « La machine du réel et le réel de la machine », éditorial, in Philosophie et libération. Actes de la
2eme semaine philosophique de Kinshasa du 18 au 22 avril 1977. Kinshasa, Faculté de théologie catholique,
1978. P (5-7).

22
KAPUMBA AKENDA. J-C, op.cit., p.20.

24
Savoir, c’est toujours un effort de penser son pouvoir. La société
africaine serait en mal d’un tel penser. On pourrait appeler « mal
africain » cette incapacité de la société africaine actuelle de
prolonger sa pensée par un pouvoir, c’est-à-dire une action qui puisse
avoir sur son être actuel un effet conforme à ses aspirations les plus
profondes. Une telle affirmation pourrait être fondée sur les tâches
sociales concrètes d’organisation des soins de santé d’une part et de
tous les moyens de la formation ou du système éducatif et
universitaire d’autre part (Jean-Chrysostome Kapumba Akenda,
2006 :24)

A la suite du choc colonial, les sociétés occidentales ont disloqué les structures des sociétés
africaines d’alors et elles ont créé des cadres nouveaux d’existence. Elles n’avaient ni l’envie
ni l’intérêt d’aider ces nouvelles entités à se développer : « l’Afrique était déjà étranglée et
cet étranglement devient systématique en ce 21 e siècle comme siècle de la mondialisation 23 ».
C’est en cela que l’existence nouvelle nous oblige à éprouver le devoir sacré et urgent de
l’édification des structures parfaitement adaptées à la situation toute spéciale que traversent
nos sociétés en ce moment. Pourtant la voie qui doit nous conduire à nous sortir de cet état
n’est pas toute tracée pour cause, l’Afrique bute sur son ‘’mal’’. « Le mal africain » est une
expression propre au penseur zaïrois Jean Chrysostome Kapumba Akenda pour signifier cette
incapacité de la société africaine actuelle de prolonger sa pensée par le pouvoir, c'est-à-dire
une action qui puisse avoir sur son être actuel un effet conforme à ses aspirations les plus
profondes. Dit autrement, ce refus de convertir le discours en une action sur soi-même et pour
soi-même. Cela s’explique par le fait qu’il y a une inadéquation entre les recherches menées
par les africains et les réalités africaines.

En effet, beaucoup de préoccupations d’intellectuels africains


relèvent des objectifs ou des problèmes situées à l’extérieur des
projets africains, dans des projets de société ou de culture non
africains. De la sorte, beaucoup de ces intellectuelles n’arrivent pas
toujours à identifier les besoin réels de l’Afrique, à dénoncer les faux
problèmes que créent souvent les missions occidentales et que
soutiennent les bourgeoisies nationales et compradores, faux
problèmes par lesquels sont gaspillés ou détournées d’énormes

23
Idem., p.20.

24
ressources des quantités d’énergies et de la volonté des peuples, et qui
contribuent à reproduire la situation coloniale ou néo-coloniale24

Cela doit s’admettre comme une évidence, les chercheurs africains ont comme un refus à se
faire nkrumahistes au sens où le consciencisme comme pensée du développement doit partir
du milieu et des conditions de vie du peuple africain. Il y a donc une crise de la pensée en
Afrique, une pensée devenue étrangère à elle-même, nous parlons chez nous des « choses des
autres » sans parler de nous-mêmes. C’est une véritable pensée de l’aliénation, les
philosophes africains sont étrangers aux problèmes africains, ce sont des philosophes
allemands, français, américains, tout en restant africains. On a véritablement affaire à des
pseudo- philosophes inutiles à la société, des vrais théoriciens du vide, un vide conceptuel qui
condamne sans précédent l’Afrique à demeurer dans sa condition précaire.

Ainsi, « cette crise de la pensée » pose l’exigence d’un appel à l’endroit des philosophes du
concret. En ce sens, le philosophe pragmatique se doit d’être un exorciste au sens où il a
l’obligation de nous défaire de ce vieux démon qui sans cesse hante les terres africaines et
sommeil dans la conscience des penseurs africains. Il est condamné à réveiller les âmes
perdues, les brebis égarées qui ont oubliés le chemin de la droite philosophie pour se livrer à
des répétitions infertiles et caduques en omettant l’exigence formuler par Kant : « Sapere
Aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !25 ». Si la raison est incolore, il
reste qu’elle demeure attachée aux conditions du milieu par conséquent, se servir de sa raison
c’est autrement et alternativement penser les conditions du milieu. En clair, l’acte d’exercer
sa raison en tant que mouvement de l’esprit, exige un retour sur les activités immédiates liées
à l’être au monde du penseur.

Suivant cette logique, le philosophe africain doit penser en termes de conditions liées à son
milieu, et que ce savoir doit devenir un pouvoir, au sens où « le pouvoir devient le fait de
prolonger la pensée par une action technique qui vise à transformer le monde et par une
action politique qui porte sur les autres hommes qui sont maintenant contrôlés et moins
libres26 ». Il s’agit pour le philosophe de mettre en place un « savoir d’orientation » émanant

24
BUAKASU T.M., op.cit., p.313.

25
KANT.E, Critique de la faculté de juger suivi de Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique
et de Réponse à la question : Qu’est-ce que les lumières ? Gallimard, 1985, p.497.

26
KAPUMBA AKENDA. J-C, op.cit., p.7.

24
d’un « savoir disponible ». En inscrivant le savoir dans le temps, mieux, les connaissances
doivent être envisagées dans ce qu’elles furent, dans ce qu’elles sont et dans ce qu’elles sont
susceptibles de devenir. La philosophie doit pénétrer la cité au sens d’influencer le sensible
dans l’Afrique afin de propulser la « machine du développement ». Le philosophe pour
booster le développement de l’Afrique doit militer pour une « économie du savoir dans
laquelle les connaissances et les innovations technologiques sont devenues un facteur
primordial de la croissance et du développement 27 ». Il y a présenté dans cette philosophie la
relation entre savoir et pouvoir au sens de réaliser l’unité entre la theôria et la « praxis », entre
le penser et le savoir-faire. La philosophie du développement doit être celle qui théorise en
fonction des problèmes de l’Afrique : une science de l’Afrique pour l’Afrique vers la
mondialisation.

Pourtant, le constat est que des années après ces appels des herméneutes et des
occidentalistes, l’Afrique n’a toujours pas décollée, la pensée ne cesse, toute proportion
gardée, de s’engouffrer dans les sentiers battus; et l’Afrique se complait dans les nouvelles
terminologies illusoires de continent émergent. Tout ce qui traduit l’absence d’une véritable
pensée qui se positionne comme le cri d’alarme, l’éveilleuse de conscience. Au regard de cela,
il y a la nécessité de redéfinir l’usage véritable de la philosophie en Afrique. Cela suppose
qu’on doit chercher d’autres voies. Il s’agit de montrer ce que la philosophie peut être et faire
en Afrique pour pouvoir impulser le développement. Il est temps de dire adieu au fardeau de
la tradition à défaut de la réactualiser. Il n’y a plus de place pour la recherche d’un savoir
pure, une connaissance en vue d’elle-même, mais d’un savoir efficace qui nous transforme et
change notre milieu.

III-3. De ce que doit être « faire de la philosophie » en Afrique aujourd’hui.

Faire de la philosophie une affaire sérieuse, en Afrique et davantage


au Gabon, c’est nous en avons l’intime conviction, sortir des schémas
restrictif qui confinent la philosophie au niveau d’un discours
excessivement abstrait, délibérément éthéré et inadapté, incompris et
de peu d’intérêt, si ce n’est spéculatif, simplement théorique. C’est
lutter contre une sorte de masturbation intellectuelle peu féconde, où
l’érudition, l’appétence d’éloquence ainsi que la recherche
systématique de l’emphase, l’emportent trop souvent sur la quête

27
Ibid., p.17-18.

24
d’un sens performatif et le besoin impérieux de participer de manière
active et déterminante à la construction, en Afrique et au Gabon,
d’une société juste et d’un Etat cohérent, rationnel, performant
crédible (…) à bien « s’orienter dans la pensée » » (L.P.R.
NDOUNOU, 2010 :56)

Kant, opposait (…) ce qu’il appelle des « artistes de la raison », parce


qu’ils ne s’intéressent qu’à la pur spéculation, et ceux qui sont
capables d’être attentifs à ce qui intéresse tout homme c’est-à-dire
finalement la pratique. Ceux-là Kant les appelle les « philosophes du
monde » (P.HADOT, 2001 :178-179)

L’histoire de la philosophie nous enseigne que l’origine de la philosophie est à classer dans la
quête de la clarification d’un rapport de crise. S’agissant de l’Afrique, elle est très loin de
manquer à cette exigence. Car, au vu de sa condition, celle de marginaliser, de dominer, de
surexploiter. Autrement formulé, de ce qui était et continu d’être mis à l’écart, le continent
africain doit regagner les rangs, il doit s’aligner. C’est pourquoi, il y a la nécessité d’une
élaboration d’un discours philosophique qui se structure sur une méthode révolutionnaire.

L’urgence de développement nous exige à faire de la philosophie une entreprise sérieuse. En


cela, il s’agit d’une philosophie qui doit hâter le sursaut d’orgueil, où il est temps de dire
adieu au conformisme irréfléchie à l’occident : nous avons assez répété Hegel, Kant, Hayek,
Descartes, sans que cela ne puisse pas véritablement nous aider. La tradition philosophique ne
doit pas être méprisée, mais confinée la philosophie à la simple reprise des pensées des
maîtres à penser où, chacun mesure sa capacité à philosopher dans la compétence qu’il a à
nous parler avec dextérité de son philosophe sans que cela ne puisse toutefois nous permettre
de nous prendre en charge, voilà un modèle bien suranné. Une philosophie devenue caduque.
C’est en cela que l’expression « faire de la philosophie une affaire sérieuse », suivant la
terminologie que l’accorde Landry Ndounou devient légitime. Le temps de la pensée par
procuration est bien révolu. Dans ce cas de figure, soit on philosophe véritablement soit alors
on continue à jouer au pseudo-philosophe sans utilité pour la société. Le constat est clair, dans
le contexte qui est le nôtre, on a plus à faire à des charlatans de la philosophie qu’à des
philosophes. Le philosophe est l’éveilleur de conscience, mais en Afrique nous remarquons
que, c’est un poids de plus pour la société, incapable de nous orienter dans les décisions qui

24
détermineront notre avenir. S’il faut prophétiser la mort de la philosophie, et bien l’Afrique
aurait raison de faire le deuil de celle-ci pour une raison, c’est qu’on se demande, de nos
jours, quelle est sa raison d’être puisque son absence est patente. Ce qu’on semble ignoré, ou
peut-être qu’on refuse d’admettre en Afrique, généralement, c’est que le destin de la
philosophie a été scellé à celui de la société il y a belle lurette. Faire de la philosophie, c’est se
préoccuper des affaires de la société, c’est tenter de trouver des réponses aux questions qui
envahissent notre environnement, c’est soulager les inquiétudes des âmes en peine, c’est
donner une lueur d’espoir aux sans espoirs. La philosophie doit être capable, pas
comparativement à la religion de proposer des voies du salut. C’est dans cette perspective
qu’il faut inscrire les propos du philosophe congolais Elungu P.E.A. qui écrit : « La
philosophie est une recherche du salut de l’homme dans la construction par l’homme de son
unité avec lui-même, avec les autres réalités : la nature, la société, Dieu28 ».

Cela, Socrate l’avait déjà inauguré. On s’étonne donc aujourd’hui à constater que ceux qui se
revendiquent de l’héritage socratique se situent aux antipodes de l’orientation du maître. On
pourrait dire, sans risque de nous tromper, qu’en Afrique, on n’est pas emphase avec le plus
grand de nos prédécesseurs. Si la ciguë a bel et bien tué Socrate, il n’est pas à nier que nous
souillons la mémoire du maître de Platon dans notre attitude à philosopher sans philosopher.
Pour un fait, notre discours manque dans la plupart des cas d’ancrage dans la réalité africaine-
hommage aux rares et vrais philosophes qui l’ont compris, ceux qui sont restés éminemment
socratiques- on écrit pour convoiter le regard de l’Europe, pour plaire à la rivale de notre
mère, pendant que notre terre nourricière croupit sous le poids d’un fardeau qu’on peut
alléger. N’allons pas surtout dire que le philosophe ne construit pas les ponts, cela nul ne
l’ignore. S’il est admis qu’il ne le peut, il reste qu’il pourrait au moins réfléchir à propos de
cette construction. Le rôle prépondérant que doit jouer la philosophie et la responsabilité du
philosophe dans la marche de la société ont été attesté depuis. C’est donc tout indiqué que
reprenant Cicéron, Théophile Obenga reconnaît en Socrate le père de la raison pratique, le
fondateur d’une philosophie du concret :

« Cicéron (106-43 av. notre ère), l’admet comme une évidence historique : « Socrate le premier rappela la
philosophie du ciel, lui fit place dans les villes, l’introduisit dans les foyers domestiques et la réduisit à une
recherche sur la vie et les mœurs, sur les biens et les maux »29.

28
ELUNGU.P.E.A., L’Eveil philosophique africain, Paris, L’Harmattan, 1984, p.135.

29
OBENGA.T, La philosophie africaine de la période pharaonique.2780-330 av notre ère, Paris, L’Harmattan,
1990, p.158.

24
Voici de façon claire, ce qu’est faire de la philosophie au lieu de se livrer à une érudition
infertile. Il faudra mettre un terme à la masturbation intellectuelle. Car, si la pensée doit
penser, il faut bien qu’elle finisse par féconder le progrès de l’Afrique. Et cela, le mode que
nous employons maintenant en Afrique à montrer toutes ses limites et est purement obsolète.
Arrêtons de faire semblant de philosopher et philosophons véritablement. Les conditions
actuelles de notre continent, celles de nos pays africains et du Gabon nous exhorte à être des
authentiques philosophes dignes héritiers de Socrate. Parce que, l’Afrique terre des angoisses,
des famines, de la guerre, des injustices, de la pauvreté, des inégalités, des conflits armés, de
la mauvaise gouvernance, sous-développée, en voie de développement, sur la voie de
l’émergence : Terre de tous les maux est le dernier endroit où la philosophie doit se faire
véritablement. Ici, on ne philosophe pas pour le plaisir, mais par nécessité, par obligation
morale. La crise autant identitaire qu’existentielle à laquelle fait face l’Afrique ne nous donne
pas d’autres choix que de faire de la philosophie. C’est-à-dire, réfléchir sur nous-mêmes,
prendre en main le destin qui est le nôtre et penser notre devenir. On le sait tous c’est la
douleur, l’angoisse, le besoin de changement qui exigent de philosopher. Ce n’est pas le
philosophe camerounais Ebenezer Njoh-Mouele qui dira le contraire lui qui pense que :

La philosophie naît (…) d’une conscience angoissée, d’une


conscience sommée de s’adapter à un univers devenu étranger,
inhabituel, un univers dont le silence, parce qu’il nous laisse démunis,
inquiète et trouble. La philosophie naît des situations troubles. S’il y a
donc besoin de philosophie, c’est qu’il y a manque dans la réalité, de
l’irréalité dans la réalité, de l’inhumain dans l’humain. La
philosophie vient de ce qu’il y a un désir d’autre chose, d’une autre
organisation de la société, et de ce que ce désir ne peut s’affranchir
des vieilles formes sociales. (…) C’est à partir du manque que nous
discernons dans le réel que nous philosophons comme pour résoudre,
supprimer l’insatisfaction née de la prise de conscience de ce manque
ou de cette absence. La philosophie n’est pas, ne saurait pas être
cette spéculation brumeuse détachée de la réalité et des problèmes
concrets des hommes, concrets dans les situations elles-mêmes
concrètes… L’initiative philosophique est indétachable des
30
préoccupations pratiques

30
NJOH-MOUELE.E., cité par AZOMBO-MENDA & ENOBO KOSSSO.M, op.cit., p.152.

24
La philosophie en Afrique ne se crée pas en dehors des canaux de la philosophie, en réalité, il
ne s’agit nullement d’une nouvelle voie, bien au contraire elle doit rester attachée à
l’authentique philosophie, en authentique philosophe. Philosopher en Afrique, aujourd’hui
c’est simplement répondre aux questions qui chaque jour nous interpellent sur le continent.
C’est cesser de philosopher pour les autres, c’est en quelque sorte proclamer la mort de la
pensée par procuration. S’il faut préserver son rapport à la tradition des maîtres, il faut que
cette préservation se fonde sur l’ancrage de la pensée dans la réalité africaine. Nous le savons
tous que des authentiques philosophes sont une promesse de développement et de prospérité
pour une nation. Nous sommes ici, en présence d’une idée cartésienne qui scelle
définitivement le destin de l’Afrique à celui de la philosophie. Plus nous philosopherons de
façon authentique, plus l’Afrique aura de chance de se développer, de devenir prospère. Il ne
faut surtout pas tenter d’inscrire ma démarche dans une coloration de la pensée. Ce que je
tente de dire, c’est que la philosophie en Afrique doit rester philosophie en son essence et
africaine en son existence31 :

Certes, on ne peut baptiser philosophie un inventaire descriptif des


œuvres culturelles, ni donner à la notion de philosophie la même
acception que celle du concept de culture en sociologie. Mais on ne
peut non plus opérer une dichotomie qui ferait de la philosophie un
produit de l’esprit absolument isolé, un produit anhistorique sans
aucun lien avec les préoccupations existentielles du milieu et du temps
(…) On ne peut non plus en faire le produit d’une raison si pure et si
noble qu’elle ne doit rien au sentiment, à l’intuition, à l’expérience
concrète vécue, ni à nos croyances, à nos espérances. Peut-on
dépouiller la raison humaine de tout ce qui fait l’homme concret ?
Cette philosophie de l’homme-raison pure, de l’homme essence
abstraite n’appartient-elle pas à un passé révolu ?32

La philosophie, au-delà de sa prétention à l’universalité est toujours fonction du milieu, il


nous revient à nous de créer une philosophie pour notre temps, dont la caractéristique
essentielle est celle d’une quête de sens, celui de l’Afrique vers son développement.

31
Pr NDONG EKOMIE B., Cours inédit de philosophie africaine, DEUG I, Libreville, Université Omar Bongo 2006-
2007

32
SYLLA.A, op.cit., p.31.

24
Conclusion.

En général, la philosophie des universités, c'est de l'escrime en face d'un miroir; au


fond son véritable but est de donner aux étudiants des opinions selon le cœur du
Ministre qui distribue les chaires. Rien de mieux, au point de vue de l'homme d'Etat
mais la conséquence c'est qu'une telle philosophie est, pour ainsi dire, nervis alienis
mobile lignum [une marionnette mise en mouvement par des ressorts étrangers]; on
ne saurait la considérer comme sérieuse; c'est une philosophie pour rire. Aussi est il
équitable que cette surveillance ou cette direction se borne à la philosophie d'école,
et ne s'étende pas jusqu'à la vraie, jusqu'à la philosophie sérieuse. Car s'il y a
quelque chose de souhaitable au monde — et de si souhaitable que la foule
grossière et stupide elle-même, dans ses moments lucides, l'estimerait plus que l'or
et l'argent — c'est de voir un rayon de lumière tomber sur l'obscurité de notre
existence; c'est de trouver quelque solution à la mystérieuse énigme de notre vie,
dont nous n'apercevons que la misère et la vanité. Et pourtant ce bienfait serait
rendu impossible si quelqu'un, en admettant que la chose fût possible, imposait
certaines solutions du problème.33

La situation que connaît, vit et traverse l’Afrique présentement n’est pas nouvelle, mais
presqu’une unique en son genre. C’est l’endroit et le lieu des espoirs perdus, où sans cesse on
se demande si la lumière apparaîtra un jour. Si peut-être la question du messie est dépassée en
Israël, toute proportion gardée, il reste qu’en Afrique le rêve de l’homme providentiel, d’un
Moïse, au sens de libérateur reste actuel; tout ce qui nourrit et fonde la force de nos hommes
politiques au sens où chacun se présente toujours comme étant l’homme de la situation quand
bien même on sait qu’il n’en est rien. Le diagnostique est posé, l’Afrique va mal, nous
n’avons nullement et aucunement la prétention de l’inauguré, parce que des siècles avant, des
hommes éclairés ont compris que telle était la position de l’Afrique.

C’est en cela que bien avant nous, des penseurs on tenté de rechercher des voies et moyens
qui permettront de sortir l’Afrique de ce piteux état. Ils n’ont pas hésité à confronté
philosophie et développement dans le cas africain. Cette perspective avait et a tout son sens
dans la mesure où le devoir de mémoire nous amène à reconnaître que l’occident s’est
développé au contact de la philosophie : les lumières de la raison ont fait des occidentaux ce

33
SCHOPENHAUER A. Sur le besoin métaphysique de l’humanité, Trad. française par A.Burdeau, Édit.
Numérique établie par Guy Heff, 2013. www.schopenhauer.fr .p.6.

24
qu’ils sont devenus aujourd’hui. Et, cela ils le doivent à l’invention de la raison pratique,
laquelle invention est le fruit de Socrate. Qui le premier, nous ne le dirons jamais assez, perçu
l’impérieuse nécessité de ramener la philosophie dans la société pour qu’elle s’occupe de nous
et par là de nos préoccupations.

Dans cette perspective, on comprend que l’activité philosophique doit contribuer à l’essor de
notre continent. Pourtant aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous constatons et les autres
avant nous que la pratique de la philosophie en Afrique est relativement infertile. C’est donc
là le creuset dans lequel s’enracine le fait de savoir quelle philosophie peut répondre au besoin
de développement que soulève l’Afrique. A cet effet, les premiers ont articulé le débat autour
de la philosophie de l’interprétation où il est question d’opérer un recours aux sources pour
nous en inspirer, dans la mesure où nos ancêtres ont bel et bien créé une philosophie pour leur
temps. En cela, il nous revient de comprendre les mécanismes qui ont travaillé à l’élaboration
de cette pensée, les actualiser aux nôtres pour créer une philosophie du devenir de notre être.
Récusant cette considération, certains à l’instar de Hamidou kane, Towa pour n’en citer que
ceux là vont plutôt proposer le rejet de la tradition, nier ce qui fait de nous ce que nous
sommes, se refuser à soi, mourir en soi pour devenir l’autre et c’est en cela qu’on pourrait se
développer parce que devenu comme le maître. Pourtant le constat est clair, des années après
ces appels, la condition n’a pas considérablement changée. C’est pourquoi, nous trouvons la
nécessité, sans prétention aucune de proposer une voie du philosopher en Afrique, une voie
qui n’est pas nouvelle puisqu’elle appartient à la philosophie, la droite philosophie.

Aujourd’hui en Afrique on doit répartir à Socrate en mettant en exergue la raison pratique


pour une philosophie du concret. Une chose est certaine, la philosophie du concret qui doit
aider l’Afrique à se développer est à penser comme une pensée qui se situe à la croisée du
pouvoir et du savoir. C’est-à-dire celle qui a un ancrage dans la réalité et permet de travailler
continuellement la réalité au point de la transformer. L’exigence de ce texte est celui d’un
appel adressé à l’endroit de tout ce qui on perdu le chemin de la droite philosophie, qui ont
confiné la philosophie dans la tradition du commentaire, un commentaire qui n’a pour
corollaire que son inutilité, son infécondité à penser l’être de l’Afrique. Il est temps de faire
nos adieux à la pensée de la procuration pour nous livrer à la seule, véritable et authentique
philosophie : la philosophie qui prend en charge notre être en quête du salut : « les
fonctionnaires du savoir, se contentant de reproduire, médusés, un savoir précédents 34 »
doivent laissés la place aux authentiques philosophes.
34
HENRI LEVY-B., De la guerre en philosophie, Grasset, 2010, p.24.

24
Bibliographie indicative.

AZOMBO MENDA. S & ENOBO KOSSO.M., Les philosophes africains par les textes,
Fernand Nathan, 1978.

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24

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