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Introduction
Les explorateurs occidentaux et, après eux, les colons qui envahirent le
continent africain, considéraient à peine le nègre comme un homme. Et c’est
cette même logique qui les amena à refuser au Noir toute civilisation et toute
culture. De sorte que la colonisation se fixait comme objectif de civiliser un Noir
à peine sorti de l’animalité, par conséquent dépourvu de tout ce dont un homme
civilisé doit disposer. Mais ce n’est là qu’un européocentrisme qui veut que tout
soit jugé à partir de l’Europe et de ses valeurs.
Dans cette prétendue entreprise de civilisation des Noirs, on aura tout entendu
sur le Nègre de la part des occidentaux, notamment de penseurs
européocentristes comme Hegel, David Hume, Lucien Levy Bruhl, Martin
Heidegger etc. Hegel par exemple ne rougit pas de parler de l'homme à l'état
brut. Il affirme : « Pour tout le temps pendant lequel il nous a été donné
d'observer l'homme africain, nous le voyons dans l'état de sauvagerie et de
barbarie. Le Nègre représente l’homme naturel dans toute sa barbarie et son
absence de discipline ». David Hume renforce ce racisme en disant : « Je
suspecte les nègres et, en général, les autres espèces humaines d’être
naturellement inférieures à la race blanche. Il n’y a jamais eu de nation civilisée
d’une autre couleur que la couleur blanche (…). Sans faire mention de nos
colonies, il y a des nègres esclaves dispersés à travers l’Europe ; on n’a jamais
découvert chez eux le moindre signe d’intelligence ». On retrouve la même idée
chez le sociologue François Lucien Lévy Bruhl qui refuse à la pensée africaine
le statut de philosophie parce que, dit-il, elle est primitive et prélogique. Quant à
Heidegger, il dit que « la philosophie est grecque », c'est-à-dire que la pensée
est occidentale.
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Pour ces penseurs, les Noirs sont des hommes inférieurs aux Blancs. Face à
autant de mépris, l’Afrique a réagi en cherchant, dans son histoire, sa culture et
ses traditions, tout ce qui est susceptible de la réhabiliter, de lui restituer sa
dignité. C’est dans cette optique qu’elle a tenté de se prévaloir d’une
« philosophie enfouie » dont l’exhumation lui permettrait de rivaliser avec
l’occident, en vue de prouver que la sagesse et la raison ne sont pas le monopole
du Blanc. Cette entreprise de réhabilitation a eu pour pionnier le Révérend Père
Placide Tempels, un Belge qui tente de démontrer dans son œuvre Philosophie
Bantou publiée en 1945 qu’il existe bel et bien une philosophie en Afrique et
qu’elle a connu son développement bien avant l’arrivée du colonisateur. Le
Révérend Père a étudié les Bantou (un peuple du Congo) et il dit qu’ils ont une
philosophie car les Bantou estiment que toute chose est dotée d’âme donc de vie,
d’où une philosophie vitaliste. Léon Frobenius s’inscrit dans le même cadre
que Tempels et affirme dans Histoire de la civilisation africaine que « l’idée du
‘‘nègre barbare’’ est une invention européenne ». Il précise que « les Noirs
étaient civilisés jusqu à la moelle des os ». C’est précisément à partir de cet
ouvrage de Tempels qu’un débat s’est engagé, opposant les penseurs africains en
deux camps : les défenseurs d’une philosophie africaine dits ethnophilosophes et
les détracteurs dits européocentrismes.
A l’issue du second congrès des écrivains et artistes noirs tenu à Londres, les
défenseurs de la philosophie africaine ont suivi le mot d’ordre donné qui « invite
la philosophie africaine à se mettre à l'école des traditions, contes, mythes,
proverbes pour parvenir à en tirer les lois d'une vraie sagesse complémentaire
des autres sagesses humaines ». Ces défenseurs ont pour noms Alexis Kagamé,
Alassane Ndao, Assane Sylla, Léopold Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop
etc. Ces derniers se sont battus pour la réhabilitation de la dignité de l’homme
noir en faisant appel à la religion, à l’histoire et à la culture ; bref, à tous les
aspects de la civilisation du continent. Cheikh Anta Diop démontre que la
philosophie africaine a pris naissance bien avant celle de l’occident. Selon lui,
c’est en Egypte que les Grecs ont appris à philosopher. « La Grèce n’a fait
souvent que prendre pour son compte la philosophie égyptienne, des Noirs de la
vallée du Nil », a-t-il dit dans une communication présentée lors du séminaire
international sur la « Problématique de la philosophie africaine », organisé par
l’université d’Adis Abéba, du 1er au 3 décembre 1976.
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2- Les détracteurs de la philosophie africaine
Sujet