Vous êtes sur la page 1sur 3

L’IDEE D’UNE PHILOSOPHIE AFRICAINE

Introduction

En philosophie africaine soulève d’énormes problèmes qui secouent non seulement le monde
intellectuel africain mais également certains milieux intellectuels européens. Les questions tournent
essentiellement autour de cette interrogation : Existe-t-il ou non une philosophie spécifiquement
africaine ? C’est que la philosophie selon une mentalité coloniale ne pouvant être connue par un
mentalité primitive qu’incarne l’esprit africain. Ainsi, l’idée d’une infériorité congénitale du noir s’était
propagée au cours des siècles passés. C’est dans cette lancée que Davide Hume note dans Essai sur le
caractère national : « On a jamais vu un nègre se distinguer par ses réactions et ses lumières. Il occupe la
dernière place des races humaines. » Hegel s’inscrit dans la même mouvance lorsqu’il note que : « Ce
nègre représente l’homme naturel dans sa toute sa sauvagerie et son absence de discipline ». Contre de
tels discrédits jetés sur la mentalité nègre, les intellectuels africains d’avant l’indépendance et certains
intellectuels européens vont réagir en reconvoquant les éléments de la pensée africaine comme les
mythes, les proverbes, les légendes, les contes pour en faire une philosophie authentiquement africaine.
Mais une telle attitude mérite –t-elle le nom de philosophie ? La discussion de cette question nous met
en présence d’une littérature qui articule deux thèses principales : la thèse l’ethnophilosophique qui
affirme l’existence d’une philosophie africaine et la thèse qui s’oppose à cette existence et que l’on
désigne désormais sur le nom de critique de l’ethnophilosophie. Une critique à elle donnera naissance à
une autre critique.

I. L’ethnophilosophie  :

L’ethnophilosophie est désir d’identité, d’affirmation d’un fond culturel ethnique voire africain, et en
même temps il est désir ou volonté d’appropriation de la rationalité que conférait la philosophie afin de
réhabiliter ainsi les africains avec la raison, l’histoire, l’humanité. C’est une philosophie de justification
qui d’une certaine manière s’adresse encore aux blancs dénégateurs par excellence. L’ethnophilosophie
consiste à rechercher dans les profondeurs des croyances de la culture des traditions populaires une
certaine synergie, une essence fondamentale bref un symbole qui marque les caractéristiques de la vie
dans les groupes sociaux. En effet, dans La philosophie Bantou, Tempels part de l’idée qu’on peut
trouver en Afrique une forme de pensée suffisamment cohérente pour fonder une philosophie.
Considérant dans la philosophie du Bantou les formes de pensée il affirme y découvrir une philosophie
de la force vitale c’est-à-dire une représentation du monde comme le lieu d’une invention des forces
permanentes de sorte que selon lui les Bantous assimilent être et force : « Etre est force, la force est
être » La force est l’essence de l’être en soi. Toutefois, ce qu’il y a d’insolite dans cette philosophie
Bantou supposée c’est qu’elle soit partagée par tous les Bantous et sans qu’ils en aient conscience. C’est
une philosophie qui n’est pas pensée mais sentie, qui n’est pas élaborée mais vécue.

Par ailleurs, le constat d’une présence de la philosophie dans divers modes d’expressions de la réalité
sociale conduit certains penseurs africains comme Alexis Kagamé à chercher cette philosophie dans la
langue africaine. Il pose l’existence d’une philosophie africaine e, montrant que le kingarwandais était
parvenu à une métaphysique, à une ontologie spécifique, l’être en quatre catégories à partir des suffixes
NTU (Umuntu) : l’être qui a l’intelligence Ukintu : l’être privé d’intelligence) Ahantu : l’être localisateur
Ukuntu : l’être modal. On voit ainsi que d’une manière générale l’Ethnophilosophie affirme l’existence
d’une authentique philosophie africaine désignant la compréhension, l’attitude d’esprit, la logique et la
perception sous-jacente à la manière dont les africains pensent, agissent ou parlent dans les différentes
situations de la vie. Sous son couvert la philosophie africaine se présente comme une philosophie
implicite et collective.

II. Critique de l’ethnophilosophie  :

La première invalidation des thèses ethnophilosophiques est d’origine occidentale. C’est d’abord Aimé
Patri qui dans un article intitulé « Y a-t-il une philosophie Bantou » s’en prend violemment à Tempels
qu’il accuse d’installer une confusion totale dans le mot philosophie en l’identifiant à celui de sagesse, à
une vision du monde implicite, spontané et collective.

Marcien Towa quant à lui reproche à l’ethnophilosophie son style hybride. La caractérisation qu’il en fait
est éloquente « L’ethnophilosophie expose objectivement les croyances, les mythes, les rituels, puis
brusquement cet exposé objectif se meut en profession de foi métaphysique, sans se soucier, ni de
réfuter la philosophie occidentale, ni de fonder en raison son adhésion à ka pensée africaine. De la sorte,
l’ethnophilosophie trahit à la fois l’ethnologie et la philosophie ». Towa estime qu’une telle philosophie
est illusoire, irrationnelle et par conséquent irrecevable parce que entrant en porte à faux avec le crédo
de la philosophie en elle-même. Selon l’éminent philosophe béninois Paulin Hountondji même si
l’ethnophilosophie est fondée sur l’analyse des traditions de peuple typiquement africaine en
l’occurrence des Bantous. Elle s’adresse d’abord et surtout aux colonies et aux missionnaires chargés de
l’éducation et de la civilisation des peuples non occidentaux. Son projet d’extirper aux représentations
idéologiques des Bantous une philosophie pour mieux la mettre au service de des missionnaires et des
colonialistes afin de mieux civiliser ceux qui sont considérés en dépit de tout comme des êtres à se
soumettre. Aussi pour Hountondji la notion de philosophie collective manque de rigueur car la
philosophie est une activité essentiellement individuelle où le philosophe s’engage en toute
responsabilité. Une pensée qui ne se critique pas, ne mérite pas le monde de la philosophie. Selon lui la
philosophie doit être incluse à travers des constat qui doivent faire l’objet de critiques, d’appréciations,
de remise en questions et le tout aboutissant à l’émergence d’une philosophie africaine. Or il se trouve
que les africains n’ont pas écrit de texte qui vaillent une philosophie.

III. La contre-critique de l’ethnophilosophie  :

La critique de l’ethnophilosophie a donné naissance à une contre-critique ou « ethnophilosophie


seconde formule » en suivant l’expression d’Hountondji. Avec elle apparait une littérature plus savante
et plus exigeante destinée à faire échec à la critique. En effet, les tenants de l’ethnophilosophie accusent
leurs contradicteurs de s’enfermer dans une conception euro centriste et élitiste de la philosophie. C’est
ainsi que son « Eloge de l’ethnophilosophie », Meinrad Hebga affirme à la suite de Ntumba : « Aucune
des définitions qu’on propose de la philosophie ne peut s’ériger en critère absolue pour apprécier ni les
philosophies historiquement attestées ni celles à réaliser ». Pour lui la philosophie est très plurielle dans
ses normes et dans sa manière d’être. Aussi les adversaires de l’ethnophilosophie refusent à ce discours
ce qu’il accepte chez Platon.

Dans le même ordre d’idée, Alassane Ndao dans la Pensée Africaine avance un argument fort : « La
philosophie des grecs n’a-t-elle commencé par être une ethnophilosophie même si par la suite Platon l’a
orientée vers la recherche de l’universalité dans la pensée ». Selon Ndao, la pensée philosophique est
inséparable de la générale et celle-ci englobe en son sein les productions de philosophies, les systèmes
de croyance, et d’organisations culturelles. Les idées découlent des contextes et en retour ils les
expliquent. Il est impossible de les envisager en dehors de l’univers dans lequel elles étaient conçues.
Vouloir séparer la philosophie de la pensée africaine est une duperie. A la caractérisation éminemment
politique que Hountondji a donnée de l’ethnophilosophie qu’il considère comme une pièce maîtresse de
cette énorme machine montée contre notre conscience Abdou Touré et Niamkey Koffi apporteront une
contre-attaque tout aussi politique. Ces derniers rejettent le lien que Hountondji tente d’établir entre
philosophie et écriture en y voyant un subterfuge et le souci d’une élite occidentalisée de maintenir des
privilèges indus.

Conclusion  :

En définitive la problématique de la philosophie africaine était incontournable car elle répondait à un


besoin de légitimation et de redynamisation des pensées africaines. Cependant, les pensées des
ethnophilosophes défenseurs de cette vision se heurtent à suivre pour la philosophie. Cependant, cette
problématique semble aujourd’hui dépassée car Hountondji écrit : « Aujourd’hui peu importe de savoir
s’il existe une philosophie africaine ou non, ce qui importe c’est la tâche du philosophe ». Le devoir des
intellectuels africains contemporains n’est-il donc pas plutôt de chercher un dépassement de
l’ethnophilosophie.

Vous aimerez peut-être aussi