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Polycopié S.

5 Littérature francophone
(Subsaharienne)

Introduction

Contexte historique et implantation linguistique


Historiquement, l’origine de la littérature francophone remonte aux siècles antérieurs : L’exil
hors de France des huguenots a contribué dès le XVIe siècle à étendre la langue française hors
des limites du pays. Puis, à partir du XVIIe siècle, la politique d’expansion coloniale installe le
français au Canada, aux Antilles, en Inde et en Afrique.

C’est surtout à partir du XXe siècle, et du mouvement de décolonisation, qu’elle commence à


être considérée comme parties intégrantes de la création littéraire d’expression française.

Quelques appellations,
Pour mieux cerner le concept et la pensée « littérature francophone », un retour au passé est
indispensable : Ainsi l’année 1903, avait été aux Etats-Unis une date-clé dans la prise de
conscience des Noirs. William Edward Burghardt DU BOIS publie Âmes noires où il dénonce
le racisme et l’injustice infligés aux populations noires-américaines : la Negro-renaissance est
née aux Etats-Unis.

À partir de 1921, l’appellation devient littérature africaine jusqu’aux années 1930, où les
étudiants martiniquais, haïtiens et africains vont se retrouver et former le « Paris nègre ». Les
nationalités par pays disparaissent au profit d’une identité unique c’est-à-dire africaine. L’élite
noire de Paris prône l’affirmation de la race et des valeurs nègres.

La littérature francophone subsaharienne s’est développée progressivement dans le trouble et


les bouleversements géopolitiques du continent africain aux lendemains des deux guerres
mondiales. Dès le premier tiers du 20ème siècle, les imaginaires sont forgés par l’Histoire ;
Colonisation, indépendance, dictature, révolutions constituent les lignes de force des œuvres
subsahariennes écrite en français.

La colonisation fonde sa légitimité sur une prétendue « absence » de culture et d’histoire des
colonisés. Il se crée alors une politique d’assimilation qui propose de remédier à ce « manque
culturel et historique » en imposant à ces populations la « culture » et « l’histoire » du
colonisateur. Et en réaction, l’élite africaine tente de démontrer sans ménagements la violence
de la rencontre de l’Europe avec les anciens royaumes africains et fait ainsi un procès sans
ménagement de ces puissances dites civilisatrices.

Contexte historique et sauvetage socioculturel


Pendant l’entre-deux-guerres est apparu le concept de Négritude. Le mouvement est Forgé en
1935 par Aimé Césaire (1913-2008), alors étudiant à Paris, puis repris par Léopold Sédar
Senghor (1906-2001), auteur du recueil Éthiopiques (1956) et premier président de la
République du Sénégal de 1960 à 1980.

Étroitement lié à la lutte anticoloniale la Négritude va constituer une étape décisive dans le
développement d’une littérature « francophone ». « Négation de la négation de l’homme noir »,
selon la formule de Jean-Paul Sartre, le mouvement s’intensifie à partir de la fin de la Seconde
Guerre mondiale sans pour autant être le seul à dénoncer les injustices européennes infligées
aux peuples d’Afrique.

D’autres écrivains, formés en URSS plutôt qu’en France, ont aussi alimenté un courant de
littérature engagée particulièrement virulent. Entre les années 1950 et 1980, des auteurs
influencés par le marxisme, comme Sembène Ousmane (1923-2007), qui revient, entre autres,
sur un événement longtemps occulté par les autorités françaises, le massacre en 1944 de
tirailleurs sénégalais rapatriés d’Europe et « parqués » dans un camp proche de Dakar.

La période qui suit les indépendances est celle d’une littérature du désenchantement ; elle est
marquée par un sentiment de déception et d’abandon : le néocolonialisme est désormais la cible
de la plume des intellectuels. À partir des années 1980, le pessimisme s’accroît et la perspective
évolue quelque peu : la littérature engagée recourt davantage à la satire, comme dans En
attendant le vote des bêtes sauvages (1998) d’Ahmadou Kourouma.

Une part importante de la littéraire francophone subsaharienne est par ailleurs consacrée au
« sauvetage » et à la transmission des traditions. Une vague d’écrivains comme Ahmadou
Kourouma, Cheikh Hamidou Kane et Kamara Laye se disent les garants d’une tradition orale
qu’il faut préserver. L’œuvre d’Amadou Hampâté Bâ (1900-1991), qui fut ethnologue avant de
devenir écrivain, est un exemple fort de cette tendance.

Désormais quels seront les genres de cette littérature, ses thèmes, ses engagements, ses
orientations et ses perspectives ? quelle stratégie littéraire les écrivains adoptent-ils dès lors
pour décrire et défendre une pensée africaine au comment répondent-ils au déni de toute une
culture vieille comme le monde ?

Le mouvement de la négritude.

Le Martiniquais Aimé Césaire est, avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Guyanais
Léon-Gontran Damas, l’un des pères fondateurs de la Négritude, mouvement de libération
culturelle et politique de l’homme noir. Selon Senghor, c’est Césaire qui aurait inventé le mot
et le concept, dans les pages d’une revue estudiantine (L’Etudiant noir) publiée dans le quartier
latin par une poignée d’étudiants antillais et africains exilés à Paris, dans la période de l’entre-
deux guerres. Pour Césaire qui avait pris ses distances par rapport à une Négritude
institutionnalisée dans les États post-coloniaux, c’était une invention collective.

La formule est dérivée du vocable « nègre » que ses inventeurs ont vidé de ses connotations
injurieuses pour en faire l’emblème de leur affirmation identitaire. « Insulté, asservi, il (le Noir)
se redresse, il ramasse le mot de nègre qu’on lui a jeté comme une pierre », écrira Jean-Paul
Sartre qui fut, on s’en souvient, l’un des premiers à célébrer le phénomène de la Négritude dans
son célèbre essai intitulé L’Orphée noir.

Pour éclairer l’importance de cette remise en question, Senghor décrit les conditions de la
naissance de la Négritude: « Nous étions alors plongés avec quelques autres étudiants noirs
dans une sorte de désespoir panique. L’horizon était bouché. Nulle réforme en perspective, et
les colonisateurs légitimaient notre dépendance politique et économique par la théorie de la
table rase. Nous n’avions, estimaient-ils, rien inventé, rien créé, ni sculpté, ni peint, ni chanté.
Des danseurs ! Et encore… Pour asseoir une révolution efficace, il nous fallait d’abord nous
débarrasser de nos vêtements d’emprunt, ceux de l’assimilation, et affirmer notre être, c’est-à-
dire notre Négritude. »

La réhabilitation du passé pré-colonial

La réponse justement à ces questionnements qui taraudent les esprits des jeunes penseurs,
poètes et romanciers subsahariens, est venue de leurs lectures, de philosophes allemands en
vogue à l’époque comme Marx et Hegel, et surtout d’autres ethnologues français comme Léon
Frobenius, Maurice Delafosse, Théodore Monod qui se sont insurgé contre l’idée absurde et
conquérante de l’Europe et notamment la France soit disant porteuses des
« lumières civilisatrices » ; ces ethnologues ont voulu rappeler que les Africains n’étaient pas
« tombés d’un arbre avant-hier » et que le continent était « littéralement rempli de vestiges
préhistoriques » ! Les empires qui avaient prospéré dans les déserts et les savanes du continent
Noir attestaient de l’entrée de l’Afrique dans l’Histoire depuis très longtemps.

Cette restauration du passé pré-colonial allait à l’encontre du projet colonial fondé sur l’illusoire
et mensongère ambition de porter les valeurs de la culture et de la civilisation à des peuples qui
« n’en ont pas » et qui sont réputés « sauvages » et « moralement inférieurs » ! Cette
réhabilitation d’un passé Africain justifiait surtout le refus de l’assimilation par l’élite noire.

Un autre combat similaire avait commencé bien avant outre-Atlantique par les Américains
Noirs. Senghor comme Césaire s’inspiraient des œuvres des écrivains négro-américains
(William Edgard Du Bois, Langston Hughes, Claude Mac Kay…), Senghor, Damas et Césaire
considéraient ces américains noirs comme les véritables inventeurs de la Négritude.

C’est en effet dans les rues de Harlem (quartier du nord de New York, il a connu une forte
discrimination raciale de la communauté noire), au début du siècle dernier, sous l’influence des
artistes, des musiciens, des poètes et des théoriciens, que la prise de conscience d’une
personnalité noire s’est formée pour la première fois. Les auteurs du mouvement appelé la
« Harlem Renaissance » étaient eux aussi animés par une quête des origines, et par le besoin
d’affirmer leur identité, leur singularité trop longtemps bafouée par l’idéologie européocentriste
dominante. Leurs écrits (poésie, nouvelles) étaient traduits en français dans les pages de
la Revue du monde noir des années 1930 par les intellectuels africains et antillais de Paris.

La Négritude : un mouvement libérateur et cathartique


La Négritude comme mouvement de pensée a d’abord libéré le noir lui-même. Il l’a libéré de
ses complexes et de ses servitudes mentales, en lui inspirant la fierté retrouvée d’être « noir »
et par là-même, la force de décider de son destin sans procuration ni paternalisme français .
C’est le thème du Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire qui met en scène, mêlant
l’expérience personnelle et collective, la marche de tout un peuple vers la dignité et
l’émancipation.

Contrairement à Senghor qui avait tendance à réduire la Négritude à son côté racial en
l’opposant à l’Europe (« l’émotion est nègre, comme la raison hellène »), Césaire s’est toujours
défendu sur le terrain politique. Pour lui, la Négritude était avant tout un instrument de prise de
conscience et de lutte contre la colonisation. La négritude césairienne n’a jamais été ce
« racisme anti-racisme » auquel les critiques occidentaux dont Sartre ont voulu la réduire. « Les
gens qui me connaissent savent, qu’il n’y a aucun racisme là, je ne suis pas raciste du tout. (…)
La Négritude, c’était pour moi une grille de lecture de la Martinique ! »
Quelques uns des plus célèbres écrivains francophones d’Afrique.
- La poésie.
Les grandes lignes de la poésie d’Aimé Césaire et de Léon Gontran Damas délimitent les
divergences idéologiques entre l’Afrique et l’Europe. Les modalités de cette posture
antithétique reposent, d’une part, sur la négation de la pensée occidentale et, d’autre part, sur
l’élaboration des bases caractéristiques de la culture africaine dynamique et indépendante.

Aimé Césaire (1913-2008), répondre au racisme par l’anti-racisme.


Chez le poète Aimé Césaire l’on peut dire que la dimension du rapport à la langue est à ce point
primordiale que les tensions qu’elle engendre et inscrit dans et à travers l’œuvre atteignent un
point d’incandescence.

Césaire invite à une plongée, selon lui nécessaire, quoique coûteuse, dans l’histoire. Nécessaire
car le conflit racial et ses prolongements découlent de rapports historiques inscrits dans une
histoire commune. Coûteuse car elle appelle d’après lui à un devoir de responsabilité collective.
Le poète qui dit :
« Seule l’Histoire peut débarrasser de l’Histoire »
invite toute une communauté à se ressaisir en se saisissant de sa propre histoire, condition selon
lui nécessaire à toute démarche de reconquête par elle de l’initiative historique.
Les écrits de l’auteur, qu’ils fussent littéraires ou politiques ont très tôt pointé l’histoire comme
lieu et comme objet de questionnement : l’histoire commune d’un peuple, elle-même inscrite
dans l’histoire contemporaine et dans celle du projet colonial. Il y a chez le poète un souci très
palpable de l’historicité. Il n’a de cesse que de le rappeler, orthographiant le mot avec une
ostensible majuscule bien significative.
Ainsi, dans Ferrements, recueil au titre hautement évocateur, l’allusion faite aux fers de
l’asservissement exercé par la domination impérialiste sur des peuples conquis est évidente, le
poète dit :
« Et cette Histoire parmi laquelle
je marche mieux que durant le jour »

L’immersion dans l’histoire est gage de lucidité et promesse de clarté (la lumière du jour) pour
le poète.
Ailleurs dans le même recueil, Césaire écrit :
« Alors l’Histoire hissa sur son plus haut bûcher
La goutte de sang que je dis
Où vint se refléter comme en profond parage
L’insolite brisure…»
entendons la brisure historique qui aura été infligée aux colonisés d’Afrique et des Antilles. La
goutte de sang est ici évocation de la « race ». Est-il besoin de souligner que l’écriture de
Césaire ne se veut nullement discours racial ? Mais elle entend signifier à l’autre, son autre
dialectique, le « Blanc » occidental tenant du discours et de l’idéologie coloniaux la
revendication par le poète qui parle, d’une appartenance.
Et il est significatif que la revendication soit ici, dans une stratégique attitude de défi, la
revendication de ce qui est stigmatisé, par le discours colonial, à savoir la « race noire »
précisément qui s’est souvent retrouvée réduite à des proportions folklorisantes.
Ce sont là, d’après ceux qui l’ont initié, la signification profonde et la fonction du concept de
Négritude. Il désigne, selon Césaire une posture symbolique et discursive, le lieu depuis lequel
l’homme noir à présent se dresse pour parler, et dont le réflexe va être de retourner contre son
adversaire historique les catégories mêmes que celui-ci aura érigées à son endroit : le « Nègre »
colonisé restera le « Nègre » et le « Blanc occidental », le « Blanc, » selon un partage
hiérarchique qui, a produit des dualités signifiantes verrouillées et tout à son avantage.
Appariées (Nègre / Blanc-Occidental ; Sauvage / Civilisé ; Affect / Raison, etc.,) ces
significations investissent dès lors le discours, lestées aux yeux du poète du seul poids de leur
fausse légitimité édictée par les « maîtres », se faisant passer pour naturelles, alors qu’elles sont
le produit traçable de rapports historiques.
Le partage effectué de la fonction symbolique par un discours colonial gorgé d’intentions
idéologiques, la poésie de Césaire se donnera pour tâche prioritaire de tenter de le défaire, au
double sens du mot défaire : celui de vaincre, et celui de démonter, déranger ce qui était rangé.
Se pose alors au poète la question fondamentale suivante : comment faire pour faire échec à
toute une accumulation de connotations péjoratives portées à la figure de l’homme noir dans un
imaginaire collectif occidental ? sachant que c’est dans la langue même du colon que le poète,
pour se faire entendre, doit écrire, et qu’en même temps c’est bien dans cette langue que les
connotations en question, se sont, de longue date, déposeés et sédimentées, entretenues par des
siècles de discours colonial racial dominant ?
La réponse nous est donnée dans et par le texte césairien. Césaire procédera par séparation de
ce qui à travers le temps historique aura été mis ensemble, dans la langue même, en convoquant
à cette fin les ressources proprement textuels de l’écrit poétique : l’homme Noir d’un côté et de
l’autre, le réseau connotatif défavorable dont il aura été entouré dans le discours racial
hégémonique développé à son égard.
Il s’agit pour Césaire de séparer le noir, de le dégager de la nasse connotative négative qui
l’emprisonnait jusque-là en le ravalant comme tel.
Dans une démarche de réappropriation, Césaire installe le terme « noir » au centre d’un faisceau
de connotations destinées à le revaloriser. Ainsi lorsque Césaire écrit :
« La noire tête charnue et crépue du soleil1 »
L’épithète « crépue » qui désigne un trait physique habituellement déprécié dans le discours
adverse se voit transmettre ici par la luminosité de l’astre (le soleil) le bénéfice d’une
connotation favorable.
Césaire dit :
« Quand Mai doré en chabin la grosse tête
crépue de ses manguiers les plus rares »
Retour du motif de la « tête crépue » qui reçoit d’un « Mai doré » (l’été qui s’annonce) chaleur
vivifiante et lumière.
Quand Césaire dit :
« Va autour de moi, de mon flanc
de ma tête, de mon noueux cœur noir…»
se lit, à travers la multiplication des adjectifs possessifs, la revendication par le poète d’un corps,
déprécié parce que noir dans le discours racial.
inversement , Césaire réinvestit, différemment du terme « noir, » le terme « blanc » en sa qualité
de symbole historique, en tant qu’il renvoie à l’image du colonisateur blanc occidental, à
l’ensemble des représentations imméritées qu’il se sera données de lui-même.

Léon-Gontran Damas (1912-1978) : corps colonisé, poésie mise à nu

Damas, poète engagé, certes, il dit les misères et les victimes unilatérales de la rencontre, une
rencontre imposée avec l’autre, le blanc. La poésie de Damas dit les ravages invisibles du
colonialisme – corps et esprit colonisés, occupés de l’intérieur – qui fracture l’identité,
démantèle le corps. Le corps est la métaphore de l’individu indivisible : un corps et une âme ;
le « je » du poète est cet être privé de lui-même, « l’autre moi-même » à jamais ravi comme
l’est la sœur jumelle de Damas, enfant morte-née devenu empreinte, trace d’une présence
perdue ; l’univers poétique de Damas nous ne pouvons le cerner ou en comprendre les portées
sans faire un survol de la biographie du poète.

Léon-Gontran Damas naît le 28 mars 1912 à Cayenne en Guyane, son père est d’d'origine
européenne et africaine, et sa mère est martiniquaise d'origine amérindienne et africaine. Il est
ainsi un « mulâtre », c'est-à-dire un métis, statut qu'il revendique dans son recueil Black-
Label en parlant des « trois fleuves [qui] coulent dans mes veines », ces fleuves étant ceux de
ses origines amérindiennes, européennes et africaines. Le début de sa vie est marqué par trois
disparitions successives. Tout d'abord, sa sœur jumelle Gabrielle meurt peu après leurs
naissances. Puis, l'année suivante, c'est sa mère qui décède. Enfin, en 1914, sa grand-mère meurt
à son tour. Le souvenir de la mise en bière de sa grand-mère fut pour lui un traumatisme qui
pourrait être à l'origine du mutisme dont il est atteint jusqu'à l'âge de six ans.

Poème : NOUS LES GUEUX


nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres

Nous à qui n’appartient


guère plus même
cette odeur blême
des tristes jours anciens

Nous les gueux


nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres
Qu’attendons-nous
les gueux
les peu
les rien
les chiens
les maigres
les nègres
pour jouer aux fous
pisser un coup
tout à l’envi
contre la vie
stupide et bête
qui nous est faite
à nous les gueux
à nous les peu
à nous les rien
à nous les chiens
à nous les maigres
à nous les nègres

Léon Gontran Damas (1912-1978), Black-Label, Partie II (p. 50), Ed. Gallimard, 1956

Léon Gontran Damas et la métaphore du « corps colonisé ».


Léon-Gontran Damas, poète Guyanais, reste un peu méconnu malgré son rôle essentiel dans la
Négritude. Sa poésie entre dans l’espace politique et invite à réfléchir sur l’actualité de l’homme
nègre durant la période coloniale. Ce que dit Damas du corps colonisé dépasse le cadre
historique de la colonisation. Le corps colonisé symbolise tout individu à qui l’Occident blanc
impose de s’effacer corps et âme pour s’intégrer au corps social normatif et réglementé selon
des valeurs et des lois visant à effacer les différences. Ce corps vit alors le dilemme suivant :
effacer sa différence ou s’effacer du corps social, rester soi-même ou se dissoudre dans et par
une idéologie ségrégationniste.
Poète engagé, contre le colonialisme et l’assimilation, Damas manifeste un refus de se
soumettre aux compromis. Assoiffé d’absolu et de liberté, il veut tout ou rien. Pour lui seule la
poésie offre un espace totalement libre, sans concession, sans étiquette,
où tout et rien – et rien plus que tout – se dit sans détour ni embellissement. Son discours et son
langage sont dénudés des théories creuses et. Écrire, pour Damas, devient en soi un acte
politique, il en constitue le noyau par son caractère exclusif et intransigeant : « A BAS
TOUT/VIVE RIEN », dit le poète, en grands caractères.
Devant un discours occidental colonisateur, Damas met à nue une société qui se veut supérieure
et donneuse de leçons, alors qu’elle est gangrénée de l’intérieur par une idéologie où racisme
et fascisme sont les maîtres-mots. Damas entend briser et dévoiler les intentions d’une
civilisation dégénérée, le discours de Damas est d’une violence qui n’a d’égal que l’indécence
occidentale qu’il dénonce, il va jusqu’à comparer l’histoire du colon en Afrique à une scène de
« pornographie », le poète se hisse en porte drapeau pour démasquer le visage obscène et
immonde de l’Histoire qui se répète et qui pour justifier et légitimer son pouvoir porte le
masque respectable d’une morale chrétienne à visée civilisatrice :
bientôt cette idée leur viendra
de vouloir vous en bouffer du nègre
à la manière d’Hitler
bouffant du juif
[…]
et couper leur sexe aux nègres
pour en faire des bougies pour leur église
(Pigments, « S.0.S »).

Dans son refus de tout compromis, Damas condamne toutes les formes de l’hypocrisie, il
préfère passer pour le « mauvais nègre », rebelle et indiscipliné plutôt que d’adhérer à une
idéologie et un discours dans lequel il ne se reconnaît pas en tant qu’homme noir ; c’est lui qui
écrit pour « vous refiler [sa] nausée », « vous navrer/vous décevoir/vous désarmer » ; c’est ce
qu’il dit dans un autre poème du recueil Black Label et il le fait avec humour et dérision, se
jouant des mots et des images les plus communes pour être bien sûr de viser sa cible et de
« mettre les pieds dans le plat ». Il sculpte une poésie fleurie de mots argotiques, voire,
grossiers s’opposant ainsi aux poètes classiques dont la langue est faite d’ornement et de
rengaines chantantes et respectueuse de l’ordre et de la bienséance : « répétant la rengaine/d’un
clair de lune à soupirs ».

Son premier recueil qu’il publie sous le titre Pigments est d’ailleurs censuré en 1939 pour
atteinte à la sûreté de l’État. Au début de la 2ème guerre mondiale où la propagande patriotique
incite les troupes sénégalaises à rejoindre l’armée française, l’auteur adresse le dernier poème
du recueil aux tirailleurs sénégalais pour les inciter à déserter, leur enjoignant « de commencer
par envahir le Sénégal » et de « foutre « aux Boches » (les allemands) la paix ». Se sentant
menacé et inquiété par les autorités, Damas est contraint de continuer une résistance plus
discrète et modérer sa plume, auto-censure sur laquelle il revient dans Black-Label en 1956 en
reprenant une poésie encore plus violente et hautement résistante et engagée :

Pourquoi dire entre les dents


pourquoi dire voilà voilà voilà
qu’il recommence
qu’il recommence à dire
Merde
[…]
UN POEME POUR SÛR S’EN PASSE VOLONTIERS
Mais il s’agit moins de recommencer à dire
le gros mot le mot sale
le mot défendu que de continuer à être
contre
la conspiration du silence autour de moi-même
à moi-même imposée
par moi-même admise
(Black-Label)
Il aborde franchement les thèmes raciaux et la question de la violence en jouant avec un langage
simple et cru, avec les mots ordinaires, il jongle avec la répétition, le mouvement, le circulaire,
qui rappellent, dans leur oralité, les vers des poètes afro-américains de la Harlem Renaissance,
comme Langston Hugues, Claude McKay ou Richard Wright, poètes que Damas a
personnellement rencontrés. Il dit partager avec eux à la fois la sensibilité du rythme et un
profond sentiment d’exil. Une mélancolie poétique cherche à éclairer le drame vécu, personnel
et partagé des marginalisés et laissés-pour-compte sur le chemin de la colonisation.

Léopold Sédar Senghor, entre le déni et l’acceptation de l’autre


Le choc de la rencontre entre deux continents européen et africain effectué sur le mode de la
violence et d’une prétendue supériorité du premier sur le second, influencera la conscience des
poètes de la Négritude, le drame est là, les métamorphoses aussi : un conflit est désormais
provoqué dans leur moi profond. Le remède à ce malaise sera la contestation des principes
idéologiques du colonisateur. Comment Senghor se positionne par rapport à la négritude et
prend acte dans la confrontation avec l’adversaire, l’autre, que dit la poésie de celui qui était à
la fois écrivain et président de la République du Sénégal ?

La poésie de Senghor dans son essence est différente de celle de ses deux amis : elle est fondée
sur le chant de la parole enchantée et chargée de magie : elle est dite incantatoire, elle se veut
construite sur l'espoir de créer une Civilisation de l'Universel. On sent l’empreinte d’une
certaine fraternelle complaisance à l’égard de la France politique, culturelle et idéologique.

Senghor par ses poèmes veut réunir les traditions de deux mondes antinomiques par-delà leurs
différences. Cette volonté fédératrice donne un sens à part au concept de négritude chez
Senghor ; il la définit ainsi : « La Négritude est l'ensemble des valeurs culturelles du monde
noir, telles qu'elles s'expriment dans la vie et les œuvres des Noirs »
C’est presque antinomique par rapport à l’idée d’Aimé Césaire selon qui « La négritude est la
simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de
notre histoire et de notre culture. »

Trois poètes, trois définitions de la négritude :

Aimé Césaire : elle constitue "en premier lieu le rejet. Le rejet de l'assimilation culturelle ; le
rejet d'une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation.
Senghor : « l'ensemble des valeurs culturelles de l'Afrique noire ».
Léon Damas : « c’est une stratégie de survie identitaire ou la légitimité d’être nègre »

Senghor, dans un style très perspicace, questionne les manifestations de la conscience africaine.
Dans sa poésie, Senghor dénonce des réflexions relatives aux conditions primaires de la
conscience collective africaine, et les transformations qu’elle a aura subies au contact d’une
civilisation opprimante. Il sort avec le constat d’un Occident dévalorisant dans ses rapports
avec le continent africain. Il dénonce le mécanisme répressif de l’ordre colonial dont les
retentissements, selon le poète, ont bouleversé l’équilibre psychologique du colonisé.
Il fait référence dans Chants d’Ombre aux souvenirs d’un passé lointain, couvrant surtout les
sept premières années de son enfance, période non corrompue par un extérieur peu amical. Dans
ces moments édéniques du souvenir, le poète tente de se remettre du déséquilibre psychologique
qui le secoue. En effet, Chants d’Ombre a été composé à Paris à l’époque où Senghor y
poursuivaient ses études supérieures. Sa présence dans le pays colonisateur plante chez lui un.
Il ressent non seulement l’exil, mais il vit surtout une crise d’identité exacerbée par le jugement
et le mépris de ceux qu’il considère comme ses « frères aux yeux bleus ».

Il vit mal le jugement du blanc qui dit que les africains sont incapable d’avoir ni savoir, ni
esthétique ni connaissance scientifique. La civilisation africaine est réduite à l’état primitif,
considérée inférieure ou même inexistante. En bref, il s’agit de d’annihilation de la civilisation
africaine, en faveur du rationalisme occidental comme mode de justification et de permis de
coloniser. Pour affirmer son identité au sein d’un climat hostile, Senghor clamait les valeurs de
la culture noire dans tous ses aspects, d’où un retour aux sources pour renouer le lien ombilical
entre son peuple et lui-même.

Le besoin de se replacer dans un cadre africain avec ses anticipe le choix du poète de se
préserver contre toute tentative d’assimilation à la culture de l’Autre tout en acceptant cette
dernière.
Pour résumer, la poésie de Senghor est vaste et son style est limpide, parfois il recourt à la
dérision et à l’humour voici un poème qui traite un sujet difficile avec humour justement, et
qui incite à réfléchir

Poème à Mon Frère Blanc :

Cher frère blanc,


Quand je suis né, j'étais noir,
Quand j'ai grandi, j'étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.

Tandis que toi, homme blanc,


Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.

Alors, de nous deux,


Qui est l'homme de couleur ?

Regards critiques sur la négritude.


« Le tigre ne proclame pas sa tigritude, il saute sur sa proie », disait Wole Soyinka en parodiant
des poètes de la Négritude. Concept controversé, produit de réflexion, semon lui, encourageant
le racisme anti-raciste, cette pensée sur « l’être-dans-le-monde-noir » a néanmoins été une
invention féconde, à l’origine d’une riche expansion des lettres et des arts qui va marquer à
jamais les esprits en Europe et changera le regard porté sur le Continent noir.

En 1948, la publication par Senghor de l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache


de langue française précédée du célèbre Orphée noir de Jean-Paul Sartre, était l’occasion de
revendiquer une manière d'être originale par le biais de la négritude, instrument de lutte et outil
esthétique ; c’était une véritable locomotive culturelle, au service d’une prise de conscience
collective, une affirmation identitaire à travers la différence et la légitimité d’être face aux
idéologies minorantes occidentales.
Toutefois, dès 1960, le mouvement va vivre un déclin face aux réticences de certains penseurs
qui iront jusqu’au rejet. Déjà, dans les Damnés de la terre (1961), Franz Fanon conclut que le
mouvement ne peut que conduire à un « cul-de-sac » ; rejetant une conception de la culture qu'il
estime folklorique, l'auteur de Peau noire, masques blancs (1952) incite plutôt à accorder la
priorité au combat pour l'indépendance politique. Ces attaques contre la négritude et contre
Senghor, reprises lors du festival d'Alger en 1969, ont donné naissance à plusieurs pamphlets,
notamment Négritude ou Servitude (1971) de Marcien Towa et Négritude et
Négrologues (1972) de Stanislas Adotevi.
La négritude, contestée par les intellectuels anglophones pour son manichéisme et sa dimension
utopique, est considérée comme une idéologie dangereuse, qui pousse à « voir nègre quand il
faut voir juste ». Wole Soyinka lance la boutade célèbre : « Un tigre ne proclame pas sa
tigritude, un tigre saute. » Comme le note Tchicaya U Tam'si, « la négritude est une affaire de
génération ».

Le roman
L’écriture postcoloniale ou postmoderne
Cheikh Hamidou Kane (1928), L’aventure ambigüe (1961).
Cheikh Hamidou Kane paraît modéré dans ses appréciations face à l’occident, au point que
certains le jugent favorable à ceux qui savent « lier le bois au bois » (formule métaphorique
utilisée dans son roman L’aventure ambigüe pour désigner l’école française et ceux qui ont la
maîtrise du savoir et de la science) ; lui qui pense que l’Occident fascine par sa capacité à
maîtriser la nature va cependant, lui aussi s’insurger contre la brutalité de l’envahisseur
européen et la sauvagerie des premiers contacts avec les populations. Bien que plus nuancée,
sa critique se veut une remise en question sérieuse de la civilisation proposée/imposée aux
Africains, à travers l’école et la société urbaine. Sa critique de l’histoire coloniale est aussi
intense et profonde, à travers une écriture plus mesurée, plus polie, plus raffinée, que celles de
Mongo Beti, de Ferdinand Oyono, d’Ousmane Sembène par exemple.

Ses écrits (très peu nombreux, d’ailleurs : deux romans seulement) sont l’écho d’une dualité
culturelle due à la colonisation. Dans L’Aventure ambiguë (1961), Hamidou Kane met en scène,
non sans recourir à l’opposition stéréotypée d’une Afrique mystique et d’un Occident rationnel,
les difficultés du jeune Samba Diallo, écartelé entre sa formation coranique initiale et ses études
à l’école française, puis à la Sorbonne.
Terre anciennement islamisée et ouverte par la suite à la conquête coloniale française, la partie
septentrionale du Sénégal communément appelée ″Fouta″ fut le théâtre d’un conflit de cultures et
de civilisations relaté par Cheikh H. Kane à travers ses deux principales œuvres romanesques:
L’Aventure Ambigüe et Les Gardiens du Temple. Dans le premier roman on peut comprendre que
l’auteur pousse la réflexion en faveur d’une possible conciliation entre tradition et modernité.

Deux expressions métaphoriques à connotation civilisationnelle : « Foyer Ardent » pour dire école
coranique et « école nouvelle où il est possible de lier le bois au bois », semblent symboliser, d’une
part, le côté visible de chaque culture et représenter, d’autre part, deux pans diamétralement
opposés.
Des valeurs et idéaux défendus de part et d’autre, de même que les concepts de progrès et
d’évolution véhiculés par cette rencontre de civilisations, imposent de faire un arrêt sur une nouvelle
lecture des réalités sociohistoriques du Continent. La vision de l’auteur serait proche de la pensée
de Senghor fraternaliste et fédératrice.
Dès lors, dans un monde en pleine mutation aux lendemains des indépendances africaines, quelle
portée donner ici à l’opinion de l’auteur qui propose d’adopter le slogan « enracinement et
ouverture » cher à Senghor ?.

Une autre question peut se poser aussi : chaque culture, occidentale ou africaine, possède une
richesse et des racines culturelles mais demeure handicapée par ce qui lui manque, et ce qui ne
peut être puisé que chez l’autre ; à quel point cela est-il vérifiable dans ce qu’écrit C. H. Kane ?
L’Aventure ambiguë a le mérite de présenter l’effet de la mécanique coloniale dans ce qu’elle
a de plus décisif : son impact sur les esprits, la double relation qu’elle introduit avec le colonisé :
l’acculturation et son revers, la déculturation.
La colonisation culturelle se développe au moyen de l’école, qui a un pouvoir d’attirance, au
sens magnétique du terme. Face à elle, « on voit les hommes se disposer, conquis, le long de
lignes de forces invisibles et impérieuses », selon les dires de l’écrivain lui-même.

L’ambiguïté de la situation des colonisés trouve son explication dans cette phrase dite par le
personnage central du roman Samba Diallo : « C’est le même geste de l’Occident qui maîtrise
la chose et nous colonise tout à la fois ». Le fond idéologique de la colonisation se nourrit de
l’esprit positiviste qui stigmatise et « chosifie » presque le colonisé pour mieux le dominer.
Pour esquiver cette relation de domination, il faut donc que ce dernier prenne, paradoxalement,
place dans la dynamique colonisatrice, et adopter, pour y parer, sa manière de penser qui
considère les réalités africaines en termes de maîtrise et d’assimilation..

Ahmadou Kourouma, l’écriture de l’oxymore.

Vers la fin des années 1960, émerge un nouveau type d’écriture – une « littérature de
l’oxymore » ou du paradoxe, elle dépeint le chaos postcolonial et l’instabilité politique, au
niveau collectif avec les problèmes sociaux et la corruption des nouveaux dirigeants. Elle fait
suite à l’écriture de la révolte contre la colonisation (des années 50 et 60), cette nouvelle écriture
se situe à un carrefour, entre un passé colonial désormais révolu, et un avenir problématique,
celui de l’indépendance qui dégénère en dictature un peu partout en Afrique.
C’est à ce seuil que semblent se situer l’un des romans de la fin des années 1960 : Les Soleils
des indépendances de l’Ivoirien Ahmadou. Kourouma, publié en 1968 à Montréal (avant de
l’être à Paris en 1970)
Les soleils des indépendances, le premier roman de l'écrivain ivoirien fut d'abord publié au
Québec, après avoir été refusé en France... probablement parce qu’il est vu comme un véritable
chef-d’œuvre littéraire mais qui ne répond pas aux attentes de l’intelligentsia française, le roman
est écrit en réaction aux régimes politiques africains issus de la décolonisation.

"La Négritie et la vie continuèrent. Nous attendaient le long de notre dur chemin les
indépendances politiques, le parti unique, l'homme charismatique, le père de la Nation, les
pronunciamientos dérisoires, la révolution; puis les autres mythes : la lutte pour l'unité
nationale, pour le développement, le socialisme, la paix, l'autosuffisance alimentaire et les
indépandances économiques; et aussi le combat contre la sècheresse et la famine, la guerre à
la corruption, au tribalisme, au népotisme, à la délinquance, à l'exploitation de l'homme par
l'homme, salmigondis de slogans qui à force d'être galvaudés nous ont rendus sceptiques, pelés,
demi-sourds, demi-aveugles , aphones, bref plus nègres que nous ne l'étions avant et avec eux".
Ce passage est tiré de deuxième roman de Kourouma : "Monné, outrages et défis". L’auteur a
également obtenu le prix du Livre Inter pour son troisième roman "En attendant le vote des
bêtes sauvages". Tous sont publiés au Seuil donc en France ; c’est dire le succès que le
romancier a su arracher après son premier « échec » d’être publié.

Les soleils des indépendances :


Signification historique et politique.

Si Les Soleils des indépendances devait recéler un quelconque contenu historique et politique,
ce serait celui de l’épreuve, individuelle et collective, de la désillusion au lendemain de
l’accession à l’autonomie nationale dans ce pays appelé par Kourouma Côte des Ebènes, et dont
le nom ne rappelle que trop celui de la Côte-d’Ivoire, son propre pays.
Mais s’ils mettent ainsi en cause les indépendances dans les espoirs déçus et trahis, auteur et
personnage n’omettent pas d’instruire le procès incontournable de la colonisation. Fama
(personnage principal) le fait em tant qu’héritier aujourd’hui déclassé d’une dynastie de
commerçants et de chefs de guerre redoutables.
L’histoire est aussi là à travers le souvenir qu’à Fama de son propre enrôlement forcé dans les
rangs des troupes coloniales (p. 21.) Les résonances autobiographiques chez Kourouma d’un
tel épisode du cursus de son héros ne font pas de doute. L’arrestation de Fama de retour dans la
capitale et son emprisonnement car accusé de complot politique ne sont pas sans rappeler un
autre épisode de la vie de Kourouma lui-même. Les déboires rencontrés en son temps par
l’homme avec le pouvoir politique de son pays sont connus de qui s’intéresse au parcours
d’écrivains africains francophones.
style et langue dans le roman.
Avant de finir avec Kourouma, un mot rapide de certaines particularités stylistiques et
linguistiques des soleils des indépendances.
Kourouma visiblement entend ici mettre en avant des particularités langagières comme un
marqueur d’identité. Le recours massif à la métaphore et à la comparaison, qui constitue avec
l’ironie et l’hyperbole les traits stylistiques et rhétoriques dominants de l’écriture du roman,
interpelle par la nature et la structure des figues qu’il introduit. Métaphore et comparaison font
ici la part belle au corps, jusque et y compris ses manifestations physiologiques. Les allusions,
pas toujours de bon goût, fleurissent dans la bouche des personnages.
Métaphores et comparaisons vont également volontiers chercher le détail anatomique, sans se
soucier du caractère éventuellement déplacé, parfois franchement cru de certaines expressions.
Plus généralement, les comparaisons originales, certaines osées, d’autres davantage que cela,
sont légion.
Un autre procédé singulier de l’écriture du roman consiste à substantiver des adjectifs : Fama
devient dans la bouche de son épouse « le cassé », entendons celui qui est stérile. Ibrahima
disparu est désigné par l’adjectif substantivé « l’enterré », de même, quelques chapitres plus
loin (p. 93,) que le cousin Lacina.
Kourouma joue aussi de la double notion grammaticale de transitivité/intransitivité s’agissant
de verbes tels que coucher pour lequel il s’autorise le complément d’objet direct, préférant
écrire, à propos de Fama, « coucher sa favorite parmi cent épouses… » au lieu de « coucher-
avec… » qui et la syntaxe reconnue par l’usage. Même chose pour le verbe marier qui, chez lui,
cesse d’être un verbe réfléchi en même temps qu’il se passe de la préposition à ou avec, ainsi
Kourouma écrit : « marier une femme » pour : « se marier avec une femme. »

Exemples de sujets d’examen.

Cette rubrique vous sera communiquée bientôt.

Bon courage à tous et bonne lecture…

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