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C – 2 Littérature africaine

Des précisions s’imposent au début de ce panorama de la littérature africaine de langue française,


il ne sera question ici que de la littérature d’Afrique noire.
Mais il faut ajouter une deuxième précision : plutôt que de littératures africaines il sera question
de la littérature africaine. L’option du singulier est de fond. Il s’agit d’une résistance de l’idéal d’unité
africaine, et aussi de l’art et des réalités d’Afrique, à l’orientation, par le micronationalisme, des
productions littéraires et de leur étude vers l’exaltation chauvine des unités nationales nées de la
balkanisation qui a créé les républiques post-coloniales d’Afrique.
Il est aisé de montrer que malgré l’étroite conception micronationaliste de la critique qui exalte
les littératures nationales, l’unité des productions affirme la fidélité des lettres africaines à la nation
africaine. Pour le faire voir, il faudrait d’abord présenter une périodisation de la littérature africaine de
langue française, voir ensuite les principaux genres et leurs thèmes majeurs, pour en troisième lieu
examiner les tendances artistiques de cette production.
Pour établir la périodisation il est intéressant de rappeler deux séries de dates importantes. La
première concerne l’histoire africaine depuis la colonisation. Celle-ci a pratiquement établi son ordre
politique et social au début de la première guerre mondiale et déjà les colonisés participèrent aux côtés de
leurs colonisateurs à cette guerre européenne. Puis l’entre​deux-guerres permet la pacification définitive
de l’empire colonial français et son organisation administrative. L’enseignement forme des cadres
autochtones dont l’administration a besoin et l’école crée la dialectique de la servitude et de la libération.
Survient la deuxième guerre mondiale, de nouveau les colonisés participent à cette guerre qui faillit
effacer la France de la carte de l’Europe. La fin de ce conflit est suivie en Afrique noire d’une espèce de
précipitation des événements marquant l’évolution de la situation coloniale. En 1946 la constitution
octroyée par le Général de Gaulle crée l’Union française

Le mouvement de la négritude
La deuxième série des dates importantes est celle qui présente le mouvement culturel et politique
des Africains ayant étudié en Europe. Dans l’entre-deux​guerres il n’est pas très important et n’a guère
d’écho en Afri​que. Il est alors organisé surtout par des hommes d’action comme le Sénégalais Lamine
Senghor mort en 1927 et le Soudanais Tiémoko Garan Kouyaté. Ce mouvement protège surtout les
travailleurs noirs en France. C’est après la deuxième guerre mondiale que les revendications des
intellectuels noirs ont plus nettement des conséquences sur la situation sociale. Auparavant, dans l’entre-
deux-guerres, les années 30 virent se développer le mouvement de la négritude. Puis viennent, après la
deuxième guerre mondiale, les deux congrès des écrivains et artistes noirs, le premier ayant eu lieu à
Paris, à la Sorbonne en 1956 et le second en Italie, à Rome, en 1959. C’est ce dernier qui décida qu’il
serait organisé un festival mondial des arts nègres. Le premier le fut en 1966 à Dakar. Ce mouvement
s’est essoufflé en raison de l’évolution des idées sur les problèmes majeurs de l’Afrique. L’accent n’est
plus mis sur la race dans la réflexion sur les problèmes du continent. Ces deux séries de dates permettent
de voir déjà la liaison étroite entre le mouvement des idées chez les colonisés ayant étudié en Europe et
l’évolution de la situation coloniale jusqu’à l’indépendance.
Les différents types de littératures
La littérature coloniale
Etablir la périodisation de la littérature impose de voir le reflet et dans les œuvres de fictions, de
l’évolution perceptible à travers ces dates. Il y a une littérature qui précède et suit la première guerre
mondiale et qui est coloniale ; c’est une production sur l’Afrique, d’officiers comme Pierre Loti, auteur du
Roman d’un spahi, d’agents du commerce colonial comme André Demaison, l’auteur de Diato et du Livre
des animaux qu’on appelle sauvage. L’exotisme est le trait dominant de cette littérature qui a son intérêt
spécifique et qui constitue une région de la littérature française.
Littérature nationale
La littérature africaine est celle qui est produite par des Africains et qui par là même exprime
l’Afrique de l’intérieur. En tant que fiction traduisant l’imaginaire d’hommes d’Afrique, elle naît dans
l’entre-deux-guerres. Elle est alors fortement influencée par le courant d’intérêt pour les mœurs africaines
si important dans le roman colonial lorsque l’exotisme, avec André Demaison, eut pour ambition la
précision documentaire dans la présentation de l’Afrique. Mais de manière générale ce sont les
préoccupations de l’administration coloniale qui alors avait besoin de connaître, autant que possible à
fond, les populations, qui influencèrent le plus nettement la production de l’entre-deux​-guerres.
La périodisation doit tenir compte de cet aspect de l’histoire. Elle doit tenir compte également de
l’évolution historique de l’Afrique, c’est-à-dire de la situation coloniale. Tous les él​ments, les
mouvements d’idées qui influencèrent le cours de l’histoire, ont leur importance dans l’orientation des
créations, de même qu’eut une influence la thématique de la littérature coloniale sur les auteurs fortement
imprégnés de la production littéraire des coloniaux.
Les événements de l’histoire d’Afrique depuis l’établissement de l’ordre colonial et le climat général de la
situation coloniale sont très fidèlement reflétés par les œuvres de fiction.
Dans l’entre-deux-guerres la littérature qui naît a pour contexte politique et social le haut
colonialisme. Cette période n’est pas totalement sans problème pour l’ordre établi. Après la première
guerre mondiale en effet, nous l’avons dit, il se constitue et se développe un mouvement de défense des
Noirs en France dont Lamine Senghor, Elie Faur et Tiémokho Garan Kouyaté sont les principaux
animateurs africains. Mais c’est surtout après la deuxième guerre mondiale que le mouvement va avoir
une influence sur l’évolution de la situation coloniale.
Littérature d'assimilation
Ainsi les premiers écrits des Africains, dûs à des instituteurs surtout, sont orientés vers la
satisfaction de cette curiosité pratique. Ce sont des monographies, des enquêtes, des articles sur l’histoire
ou les mœurs. Les œuvres de fiction sont marquées du même sceau. Elles projettent d’informer. Les trois
volontés de Malic (1920), Nini (1947), Karim (1935), [Le fils du fétiche (1955), L’enfant noir (1953)
illustrent tous ce souci d’informer sur l’Afrique.
Littérature ethnographique et engagée
Dans le roman ce n’est qu’à partir de 1954 avec Ville cruelle d’Eza Boto que l’attitude de
l’écrivain change. Plus d’adhésion sereine à l’orientation des productions, plus de souci majeur de faire
connaître une Afrique plus ou moins exotique. Au contraire Ville cruelle, par le ton, par la dénonciation
des réalités coloniales, par la vigueur des attaques, introduit une autre vision de l’Afrique, une autre
attitude face à la situation coloniale. Mais il faudrait montrer cette nouveauté pour le roman avant de faire
voir également que dans les autres genres il n’y a pas eu un tel ton et une telle orientation avant 1954. Le
roman étudie les mœurs, décrit une aventure européenne, (Mirages de Paris (1937) et Force-Bonté
(1926), ou bien évoquent l’histoire (Doguicimi (1938). Par les sujets traités, par le projet d’information et
par le ton ces œuvres sont en parfaite harmonie avec l’idéologie coloniale et les buts du colonisateur :
établir un ordre conçu comme étant la civilisation et la modernité.
On pourrait penser qu’il en est autrement quand il s’agit de la poésie. La raison est surtout que l’entre-
deux-guerres voit naître et se développer le mouvement de la négritude. Mais la négritude en tant que
mouvement culturel ayant été illustré sur le plan li​téraire par la production poétique, essentiellement
celle de Senghor sur le continent, n’est pas une remise en cause radicale de l’ordre colonial. La
revendication s’en prend aux aspects les plus absurdes de cet ordre et surtout de l’idéologie de la
colonisation : la prétention que l’entreprise coloniale, œuvre de civilisation, opérait sur une table rase, que
les Noirs n’avaient pas de civilisation. Chants d’Ombre (1945) et Hosties noires (1948), recueils dont les
pièces ont été écrites pour la plupart dans l’entre-deux-​guerres, et toutes à coup sûr avant 1954, sont des
productions éclairantes à ce sujet. Le projet de révélation des civilisations africaines est net dans Chants
d’Ombre, expression littéraire de la négritude. L’évocation des arts d’Afrique, l’exaltation de la « beauté
noire de l’éternel », la poésie du terroir et l’évocation des nuits du pays sérère constituent aussi bien une
poésie personnelle qu’une illustration de la négritude comme ensemble des valeurs de civilisation du
monde noir.
Ces idées n’étaient pas une menace à l’ordre colonial.

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