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Licence : 2ème année

Module

LLE

Cours élaboré par Mohamed Salah Dadci

Année universitaire 2023-2024

1
Panorama de l’histoire littéraire maghrébine

A/ Le contexte d’émergence

Afin de mieux comprendre la spécificité de la littérature algérienne de langue


française, il convient de la contextualiser, autrement dit de la replacer dans son
contexte historique, politique et culturel d’émergence.
La littérature maghrébine est née dans le « contre-sillage » de certaines œuvres
de la littérature française, émanant des écrivains français d’Afrique du Nord.

1/ Les voyageurs (1830-1900)

À partir de 1830, nombreux sont ces écrivains qui prennent l’Algérie pour un
« nouvel orient ». Leurs écrits reflètent un exotisme construit autour de clichés
hérités du romantisme « parisien » et de visions propres à chaque écrivain. Vision
idyllique d’une terre sans homme, idées déjà toutes faites sur les Arabes, exaltation
du paysage ou libération des sens sont quelques-unes des multiples facettes d’une
littérature « sur » l’Algérie qui a produit, plus tard, une contre-littérature.
Les plus importants sont :
-Eugène Fromentin, Un été dans le Sahara, (1857).
Un été dans le Sahel, (1859).
Fromentin précise qu’il a été frappe par le “pittoresque des choses, hommes et
lieux” et ce qui était important pour lui c’était de « décrire au lieu de raconter,
peindre au lieu d’indiquer ».
-Alphonse Daudet, Tartarin de Tarascon, 1872).
Par la caricature, il démystifie l’exotisme de Fromentin, mais crée un autre
exotisme « réaliste).
-André Gide, Les nourritures terrestres, (1887).
L’immoraliste, (1902).
Si le grain de meurt, (1927).
-Montherlant, La Rose des sables, (1932).

2/ Les Algérianistes (1900-1935)

Le début du XXème siècle est marqué par la naissance du roman colonial dans un
contexte purement idéologique de justification de la colonisation.
Face aux écrivains de passage, venus de la métropole, une génération d’écrivains
français, implantés en Algérie, réclament une « autonomie esthétique », car « seule

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la littérature produite par la colonie exprime la colonie ». Ils revendiquent le droit
sans partage « d’analyser l’Algérie » et créent un mouvement littéraire qu’ils
baptisent « Algérianisme »1.
Les Algérianistes dénoncent « le faux Orientalisme », « le clinquant romantisme »
et l’exotisme béat des écrits des «voyageurs ». Ils prennent appui, tout en se
démarquant, de la thèse de la latinité développée par Louis Bertrand qui, sans être
le fondateur du mouvement littéraire, a exercé une grande influence sur les
Algérianistes.

-Louis Bertrand, Le sang des races (1899).


Les villes d’or (1921).
Sur les Routes du Sud (1936).
L’œuvre de Louis Bertrand s’avère une défense et illustration des thèses
colonialistes. Avec l’arrivée des colons venus du pourtour de la Méditerranée
(français, espagnols, italiens, siciliens, maltais), Bertrand croit que l’Afrique latine et
chrétienne est en train de se reconstituer ; une Afrique prête à se ressouder à
l’Occident, d’autant qu’elle a été anciennement romanisée et christianisée :
« L’Afrique française d’aujourd’hui, c’est l’Afrique romaine qui continue à vivre, qui
n’a jamais cessé de vivre ».
« La véritable Afrique, c’est nous, nous les Latins, nous les civilisés ».
« L’Arabe n’apporta à l’Algérie que la misère, la guerre endémique et la
barbarie ».
« Il a fallu des siècles d’Islam, les dévastations des Arabes et des Nomades pour
détruire chez elle l’œuvre des Carthaginois et des Romains ».
Sans être aussi exclusifs, les écrivains algérianistes prônent le syncrétisme où
« la race nouvelle » doit englober les musulmans.

-Jean Pomier, À cause d’Alger (poèmes réédités en 1966).


Il fut l’auteur de plusieurs articles publiés dans la revue des Algérianistes, Afrique.
Pour Pomier, il s’agissait de donner la paroles aux Algériens autochtones, mais
ceux-ci ne pouvaient se faire entendre que dans la mouvance idéologique du
courant algérianiste. Pomier voulait unir les Algériens en une Algérie en instituant
« une politique de l’esprit qui maîtriserait en ce pays une politique sans esprit ».

-Robert Randau, Les colons, (1907).


Les Algérianistes, (1911).
Cassard le berbère, (1926).
1
Le mot est de Robert Randau.

3
Le Pr Martin, petit bourgeois d’Alger (1935).

Ces quatre écrits forment « les romans de la patrie algérienne ». Randau, dans
ses écrits fictionnels comme dans ses préfaces à des recueils (De treize Poètes
algériens, 1920), défend l’existence d’une littérature autonome : « Il doit y avoir une
littérature nord-africaine parce qu’un peuple qui possède sa vie propre doit posséder
aussi une langue et une littérature à lui ».
Pour Randau, le roman colonial « dégage des valeurs d’humanité » face
auxquelles l’Européen et l’indigène sont égaux :
« Le rôle de la colonisation, écrit-il, est de convertir à notre mentalité avec tact,
mesure et intelligence, des peuples encore à l’état barbare ».
« Qu’à nouveau, l’imperium des races latines gouverne le monde ! Et que la lex
implacable et élégante domine à jamais les peuples barbares ».
Randau intègre les Algériens autochtones dans sa vision de la race nouvelle, mais
en les inhibant. Il les juge décadents. Ils sont « un crépuscule » alors que lui se
proclame « la perpétuelle aurore de l’esprit ».

-Quelques écrivains algérianistes


-Louis Lecoq.
-Charles Hagel.
-René Janon.
-Paul richard.
-Albert Triphémus.
-Charles Courtin.
-Elissa Rhaïs.
-Maximilienne Heller.
-Magali Boisnard.
-Marie Bugéja.
L’algérianisme est important pour les conditions d’émergence de la littérature
maghrébine des écrivains autochtones, car loin de présenter un intérêt esthétique,
l’œuvre des algérianistes drainait une idéologie contre laquelle vont s’exprimer les
Algériens autochtones non dupes de la fausse intégration que proposaient les
Algérianistes.

3/ L’École d’Alger (1935-1950)

1930 : la France fête le centenaire de la colonisation de l’Algérie.

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Durant la même période, les partis nationalistes algériens se développent et
s’organisent autour de revendications qui vont du rattachement avec la France
(avec des droits pour les Algériens) à l’indépendance totale de l’Algérie.

1936 : Premier congrès musulman.

Contre les Français d’Algérie qui demandaient à Paris de les aider à défendre
leurs intérêts et à étouffer les revendications des nationalistes,, un groupe de
Français, essentiellement des intellectuels de gauche, alliés au Front Populaire
Français, et nés en Algérie, se regroupent en se proclamant Algériens. Est Algérien
celui qui est né sur le sol d’Algérie, sans différence de races ni de religions. Ils se
proclament hommes nouveaux appartenant à « une race née du soleil et de la
mer » (Camus).
Ces intellectuels fondent à partir de 1935 l’École d’Alger. Gabriel Audisio est le
premier à employer cette expression, reprise par Albert Camus sous le nom d’École
Nord-Africaine des lettres.
Ce courant va à l’encontre de la thèse de Louis Bertrand. La Méditerranée qui
inspire leurs œuvres, n’est plus celle des Algérianistes. Elle est grecque plutôt que
latine. Loin d’y voir une revendication juridique, « Mare Nostrum », « notre mer » est
le réceptacle d’une sensualité qui, avec le soleil, devient le lieu de la vie, de la joie
et du bonheur.

Gabriel Audisio : né à Marseille, rêve d’une fusion des communautés dans « la


province de la Méditerranée », d’une « Afrique méditerranéenne » dont le but est de
redécouvrir « des traditions démocratiques du christianisme et de l’Islam ».

Ses œuvres, -Jeunesse de la Méditerranée, 1935.


-Le sel de la mer, 1936.
-Ulysse ou l’intelligence, 1946.

Albert Camus (1913-1960) : écrivain mondialement connu, croit en une sensibilité


méditerranéenne. Aussi pense-t-il La Méditerranée comme « la confluence en Alger
de l’Orient et de l’occident », un lieu propice à « une pensée inspirée par les jeux du
soleil et de la mer ».
« La Méditerranée contre Rome fait naître une philosophie où mer, soleil, femmes
dans la lumière créent un commun amour de la vie ».

Ses œuvres directement rattachées à l’Algérie


-Noces, 1938.
5
-L’Etranger, 1942.
-Le Minotaure ou la halte d’Orient, 1954.
-La peste, 1957.
-L’exil et le Royaume, 1957.
Toute l’Algérie solaire est dans Noces qui présente la mer, la nature, la vie comme
un chant de libération :
« Nous marchons à la rencontre de l’amour et du désir…Hors du soleil des
baisers et des parfums sauvages, tout nous paraît futile ».
Camus évoque « la mélodie du monde » grâce à laquelle l’homme ressent la joie
de vivre :
« Je comprends ici ce qu’on appelle la gloire : le droit d’aimer sans mesure ».
Dans l’Été, Camus parle du « tragique solaire » :
« Tout ici respire l’horreur de mourir dans un pays qui invite à la vie ».
Exaltation de la vie face à l’obsession de la mort, de l’exil, de la « chute » et du
malentendu.
Face à cette philosophie existentielle, un discours des écrivains algériens
autochtones va se forger : le soleil, la mer, la plage, la sensibilité méditerranéenne
nient l’authenticité maghrébine et vident le Maghreb de tout son avenir.
À la guerre d’indépendance, Camus préfèrera partir vivre en France.

Edmond Charlot : son entreprise éditoriale fut d’un grand apport à ce courant. Il
lance une collection « Méditerranée » et une revue Rivages.

Emmanuel Roblès : est né le 04 mai 1914 à Oran.


Ses œuvres
-Vallée du Paradis.
-Travail d’Hommes.
-L’action.
-Les hauteurs de la ville.
-Jeunes saisons.
Roblès qui revendique ses origines espagnoles se sent profondément
méditerranéen : « fils de l’Algérie aussi bien que de l’Italie, de la Grèce ou de
l’Espagne », il se sent chez lui dans n’importe quelle ville du pourtour
méditerranéen, « c’est-à-dire dans cette région privilégiée du monde où je trouve
une certaine qualité de lumière dont j’ai besoin ».

Jean Pelegri : est né le 20 juin 1920à Rovigo.


Ses œuvres
-Les Oliviers de la justice, 1959.
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-Le Maboul.
L’auteur se voulait une charnière entre les colons et les colonisés, l’interprète des
deux camps.

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