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INTRODUCTION
1990 est une décennie cruciale, car de rupture, pour la littérature africaine francophone qui, jusque-
là, se définissait d’emblée comme une littérature de contestation de la domination coloniale et
d’affirmation de la différence africaine tout en s’exprimant dans la langue du colonisateur (dans le
classicisme littéraire le plus pur). Une sublime contradiction que les aînés de la génération des
Senghor, Césaire, etc. ont su gérer avec brio. Au début des années 1990, naît une nouvelle
génération d’écrivains. Leur souci confus est de se distancier d’une quelconque mission
d’engagement et de témoignage sur l’Afrique, tout en situant leurs récits dans les turbulences de leur
pays d’origine. Cette génération ne se désintéresse pas pour autant totalement des convulsions qui
secouent leur continent mal en point. « Elle puise dans les espoirs et les désillusions de ses pays
d’origine l’essentiel de sa matière brute. Tout en recherchant les moyens esthétiques et formels
appropriés pour “désectoriser” le discours des origines et le rendre universel. L’idéal d’une littérature
capable de changer le monde s’étant effondré, la génération des années 1990 écrit avec la certitude
que, tant qu’elle écrira, elle vivra » (« Tant que l’Afrique écrira, l’Afrique vivra », Le Monde
diplomatique, décembre 2004, p. 30-31, par Tirthankar CHANDA, universitaire, critique littéraire à
Radio France internationale). C’est à cette époque de recherche de nouveaux repères que paraît aux
Nouvelles Éditions africaines La Collégienne, écrite en 1983, le premier roman de Marouba Fall.

I. BIOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE
1.BIOGRAPHIE
Fils d’un maraîcher, Ibra Fall décédé en 2003, et d’une ménagère Nogoye Ndiaye, Marouba Fall a fait
toutes ses études à Dakar.

Enseignant de formation, il a d’abord servi en qualité de professeur de français, de 1973 à 1999,


successivement, au CEMT filles devenu Collège Martin Luther King, puis au lycée Blaise Diagne et
enfin au lycée Seydina Limamou Laye. Ensuite, ayant découvert l’existence d’un établissement
secondaire portant le nom de Léopold Sédar Senghor, malgré son horreur pour l’administration
scolaire laborieuse et ingrate, il demande et obtient, en octobre 1999, le provisorat du lycée de Joal
Fadiouth. Ainsi séjourne-t-il pendant cinq années au bercail du Poète-Président, avant de retourner à
Dakar, en 2004, pour diriger le lycée Galandou Diouf jusqu’en novembre 2006.

Marouba Fall est engagé au niveau social, notamment dans sa ville de Guédiawaye, en donnant des
conférences, en organisant des groupements d'intérêt économique et en assistant les associations
sportives et culturelles. Il a mis en place une structure dénommée « Sunu Waar », mouvement pour
le développement des banlieues, qui assiste les femmes pour l’accès au micro-crédit et à
l'entrepreneuriat individuel ou collectif. De même qu’un Groupe d’initiatives pour la promotion de la
lecture et de l’écriture (GIPROLEC) qui organise des conférences, des ateliers d’écriture et de mise à
niveau littéraire dans les centres culturels, les établissements scolaires et les universités, en 2010.
Enfin, il a créé Ruba Éditions, une maison de publication de livres pour découvrir et promouvoir des
talents de la banlieue, singulièrement de la ville de Guédiawaye.

Toutes les pièces de théâtre de Marouba Fall ont été jouées sur scène. Le roman La Collégienne a été
interprété sur le grand écran.

La collégienne, comme son autre ouvrage dramatique Adja, militante du G.R.A.S sont inscrits au
programme officiel d’enseignement du français dans les collèges et lycées du Sénégal.

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Il est déjà l’auteur de trois tomes d’essais intitulés Lis tes ratures, de deux ouvrages sur le théâtre qui
sont des supports pour les cours qu’il dispense à l’École Nationale des Arts (ENA) de Dakar : L’écriture
dramatique et Théâtre et tradition en Afrique Noire francophone : exemple du théâtre sénégalais de
langue française.

2.BIBLIOGRAPHIE
Marouba Fall a inscrit ses lettres de noblesse dans la littérature sénégalaise dont il a visité les genres
les plus difficiles, toujours avec un égal bonheur et une totale délectation : le théâtre, le roman, la
poésie. Il est un pur produit de la dramaturgie, qu’il a enrichie d’une écriture novatrice (division des
pièces en visions ou tableaux, usage de terminologies inhabituelles dans le théâtre comme les
rétrospectives ou les évocations). Il est l’un des derniers survivants du théâtre historique sénégalais ;
célèbre pour ses hymnes et ses hommages, surtout à la femme. Chaka ou le Roi visionnaire, Aline
Sitoe Jaata, Adja militante du GRAS, Cri d’un assoiffé de soleil sont autant d’œuvres remarquables à
son actif. Il va publier les œuvres suivants :

2022 : Le théâtre négro-africain d’expression française, d’hier à nos jours : L’exemple du théâtre, au
, ,
Sénégal (essai) 2022 : Faracini (conte) 2021 : Lis tes ratures 3 : J’écris donc je suis (essai) ,
,
2021 : Lis tes ratures 2 : Cessons de nous glorifier de la gloire des morts (essai) 2021 : Oratorio d’un

, ,
verbivore (roman) 2020 : Blessure d’amour (roman) 2019 : Grappe poétique (recueil de poèmes) ,
,
2019 : Théâtre et tradition en Afrique noire francophone (essai) 2018 : L’écriture dramatique (essai) ,
, ,
2017 : Édalie (conte) 2015 : La méprise (pièce de théâtre) 2012 : Chasseur d'éternité (recueil de

, , ,
poèmes) 2012 : Casseurs de solitude (roman) 2010 : Lis tes ratures 1 (essai) 2010 : Corps

, ,
d'eau (recueil de poèmes) 2009 : Yóbbalu ndaw (wolof) 2007 : Betty Allen ou la Liberté en

, ,
question (roman) 2006 : De la Bible au fusil (pièce de théâtre) 2005 : Le Miroir (pièce de théâtre) ,
, ,
2004 : Pépites de terre (recueil de poèmes) 2003 : Entre Dieu et Satan (roman) 1996 : Aline Sitoe

Diatta ou la Dame de Kabrus (pièce de théâtre), 1990 : La Collégienne (roman), 1985 : Adja,

militante du G.R.A.S. (pièce de théâtre) pour bargny excellence, 1984 : Chaka ou le Roi

visionnaire (pièce de théâtre), 1984 : Cri d'un assoiffé de soleil (recueil de poèmes

II. RESUME DE L’ŒUVRE


Mar Ndiaye est un jeune professeur de français très sérieux qui enseigne dans un collège de jeunes
filles. Il ne pense qu'à l'éducation et à la réussite de ses élèves. Mais certaines élèves n'ont pas
forcément cet objectif, notamment Oulimata Thiam, dite Ouly, plus mature que les autres et qui est
amoureuse de lui. Scrupule de pédagogue, faiblesse ou lâcheté ? Malgré son attirance grandissante, il
adopte profil bas et hésite à s’engager. Ses relations avec Ouly sont cependant bientôt éventées et
lui attirent remontrances et railleries de la part de la majorité de ses collègues. Pris entre l’étau de sa
famille, qui veut lui imposer une épouse, et les pressions de la mère adoptive d’Oulimata, Mère
Soukaïna, Mar Ndiaye se débat dans ses propres contradictions. Mais quand il se décide enfin, c’est
désormais Mère Soukaïna qui lui fait obstacle, refroidie par son attitude. Oulimata, fragilisée,
apprend en outre qui est son véritable père, un homme méprisable à tous points de vue. Dans un

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accès de désespoir, elle se suicide. Sa mort libère Mar, qui épouse sa cousine Penda, choisie par sa
famille, mais pour qui il ne ressent qu’indifférence. Elle met au monde une fille à qui il donne le nom
d’Ouly. La Collégienne est le premier roman de Marouba Fall, célèbre pour ses pièces de théâtre. Ce
drame, aux soubresauts frénétiques de fraîcheur, est d’une actualité qui traverse le temps et les
générations. Publié pour la première fois en 1990, ce roman, inscrit dans le programme scolaire, pose
des problèmes qui interpellent aussi bien la jeune génération que l’ancienne. Il nous montre à quel
point ce qui se posait comme principe de vie hier est aléatoire aujourd’hui sur l’autel de la
modernité. La Collégienne est l’analyse d’une société en pleine mutation car porteuse de deux types
de valeurs à priori antagonistes et qui, si jamais elles réussissaient le métissage tant espéré,
pourraient être source d’enrichissement : les valeurs traditionnelles incarnées par la vieille
génération (le père de Mar, Mère Soukaïna, la directrice du collège…) d’une part ; de l’autre, les
valeurs modernes portées par la jeune génération (Ouly et ses copines, Mar, etc.). Un parfum de
révolte permanente s’exhale des pages de ce roman à l’élan poétique.

Étrangement, tous les protagonistes de ce drame sont rattrapés par leur passé, comme si l’auteur
voulait montrer que l’être, dans son évolution, en a nécessairement besoin pour devenir meilleur. La
question est de savoir s’ils ont en eux suffisamment de forces pour en subir les contrecoups. Seule
Ouly n’y survivra pas. Mar non plus, d’une certaine façon.

III. L’EDUCATION DANS LE ROMAN


A) L’ECOLE PRISE ENTRE LES FEUX D’UNE
DUALITE
L’écriture romanesque sénégalaise a su présenter, au sens théâtral du terme, la dualité de l'école.
Cette dualité s’exprime à travers un désir premier d’appropriation de la chose scolaire et sa remise
en cause La Collégienne a su parfaitement la montrer au travers des visions si différentes de Mar et
d’Ouly. Mar est convaincu de l’importance capitale de cette chose scolaire dans la réussite de l’élève.
L’instruction permet à son bénéficiaire d’appréhender son environnement immédiat, d’avoir une
certaine connaissance du monde et des hommes, et l’aide à faire le bon choix dans toutes les
circonstances de la vie. « L'école nous aide à découvrir que nous ne sommes pas des plantes tenues
par nos racines, mais que nous possédons une sorte de disponibilité pour devenir, à travers des
rencontres et des questions, ce que nous avons à être » (Souleymane Bachir DIAGNE, « Pour que
l'école continue de croire en sa propre promesse », compte rendu des Entretiens Nathan 2001 : Les
Promesses de l'école.

Ouly l’est moins. Elle considère que l’école est une perte de temps et n’aboutit à rien de concret, vu
le nombre de chômeurs diplômés qu’elle engendre : « je réalisais le fossé qui existe entre la vie
pratique et ce qui nous est enseigné. À quoi bon accumuler des connaissances que nous ne mettrons
jamais en pratique ? Et les diplômes, à quoi peuvent-ils bien servir… ? ». Elle pose la question de
l’inadéquation entre la formation scolaire et l’emploi. À ses yeux, l’école est inadaptée et décalée par
rapport aux exigences de la société. Il y a une inadéquation entre la formation et l'emploi. En effet,
l'école doit se soucier des évolutions socioéconomiques et des exigences qu'elles engendrent. L'école
doit se préoccuper des perspectives d'insertion de ceux qu'elle forme. Toutefois, l'école ne fait pas
l'emploi, elle transmet des savoirs et des savoir-faire.

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Dans La Collégienne, il apparaît que la crise de l’école va de pair avec la crise de l’idéal du
fonctionnaire. Autrefois, l’enseignant au statut prestigieux qui s’investissait dans cette profession se
croyait investi d’une mission sacrée (inculquer le savoir et le sens critique) et son comportement
était conforme à cette optique. L’institution scolaire a longtemps bénéficié de ce statut particulier.

Les années 1980 ont sonné le glas dudit statut, marquées par la crise généralisée de l'État et de
l'administration. Dans un tel contexte, la figure de l'intellectuel diplômé a vu sa valeur sociale se
dégrader à mesure que les opportunités d'embauche dans la fonction publique ont diminué et que
s'est aggravée la crise des filières universitaires. De cette ancienne position sociale participait la
figure de l'instituteur (Souleymane Bachir DIAGNE, ibidem).

B) La place de l’enseignant :
Il s’agit de sa place dans le système éducatif et au sein de la société. L’enseignant symbolise cette
passerelle indispensable entre l’élève et le savoir. Il doit être pétri de qualités facilitant
l’accomplissement de sa mission sacrée. Alors que, pour les générations antérieures à celle d’Ouly -
dont celle de Mar -, il est un « monstre sacré », pour la nouvelle, il est tombé de son piédestal
d’antan et « est devenu simplement l’aîné qui dispense les rudiments de connaissances accessoires,
produits d’une culture et d’une civilisation en décadence qui n’exercent plus aucun magnétisme sur
la jeunesse ». Les grossesses non désirées : Plusieurs personnages de ce roman sont victimes de
grossesses non désirées et du comportement irresponsable de certains hommes confrontés à cette
situation. Le cas le plus patent est celui d’Abissatou, la sœur d’Ouly, elle-même enfant issue d’une
telle grossesse. Abissatou, jeune fille à l’avenir prometteur, se plaît à fréquenter deux hommes en
même temps. Aussi, quand elle se retrouve enceinte, refusent-ils tous les deux la paternité de la
grossesse en question. La mère d’Oulimata elle-même fut victime de la cour de son patron qui, à son
tour, refusa de reconnaître Ouly. Cela est alors source de drames pour les filles qui en sont victimes.
Les scolaires doivent abandonner les études et les domestiques sont renvoyées sans autre forme de
procès.

CONCLUSION

L’amour que Mar et Ouly se vouent n’est pas une banale passion. La banalité ne peut accompagner
les amitiés particulières d’un professeur et de son élève.

Aux scrupules déontologiques de Mar, vient s’ajouter l’ambiguïté des attitudes de l’entourage.

Du chassé-croisé qu’engendre l’impossibilité d’un aboutissement favorable de cette éclosion d’élans


bridés, naît toute une histoire sont Marouba Fall tire les ficelles.

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