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INTRODUCTION.

« Toutes les civilisations ont leurs versants émancipateurs et réactionnaires »1. Aucune culture
n’échapperait alors aux stigmates de cette dualité. D’ailleurs, au Sénégal, certaines mœurs le
confirment, notamment les dépenses exorbitantes dans les innombrables cérémonies qui
rythment notre quotidien, expression de la légendaire solidarité sénégalaise et facteur décrié
de tarissement des ressources des ménages qui subissent de plein fouet les affres des
conséquences de la crise économique conjugués à ceux du sous-développement.

Tout se fête au Sénégal où , pour une large frange de la population, chacun des besoins
sociaux de base, est prioritaire dans l’échelle de l’urgence et de l’acuité, paradoxalement avec
faste : les joies comme les peines.
En effet, dans ce pays, les baptêmes et les mariages tout comme les funérailles se célèbrent,
dans certains milieux, avec une magnificence entraînant souvent des dettes difficiles à honorer
après les festivités. Plus d’une fois, il nous a été donné de voir des hommes certes mais
surtout des femmes dilapider beaucoup d’argent, dans des solennités baptismales, nuptiales ou
funéraires pour, le lendemain, se retrouver dans l’impécuniosité la plus absolue. Au surplus, il
faut compter l’angoisse du doute de pouvoir trouver les moyens, au moment venu, pour
rembourser, au double, certains dons reçus, au nom d’une solidarité communautaire et
familiale, de plus en plus aliénante.

Beaucoup de ressources sont dilapidées dans les fêtes, et à l’évidence donc, si certaines
festivités grandioses font parfois les choux gras de la presse et, quelques fois, des
protestations de l’opinion publique et de certains de ses leaders, c’est du fait de cette gabegie
qui les accompagne.

Beaucoup se sont investis et se mobilisent encore afin de parvenir à l’éradication de ces


gaspillages qualifiés de « facteur de retard économique et social »2. Rien n’y fit.

Le plus étonnant est la propension des sénégalais, surtout des femmes, à renoncer à des
besoins essentiels pour financer ces cérémonies qui, somme toute, sont vraiment nombreuses
et très coûteuses.

1
A. C. Robert, l’Afrique au secours de l’occident, Les Editions de l’Atelier, Paris 2006.
2
Professeur Penda Mbow, entretien à la télévision Walf FM, mercredi 23 02 2011, 00H 10 mn.

1
Le Sénégal est classé parmi les pays pauvres, très endettés. Mais sa population gaspille ses
ressources sans trop sembler s’en soucier. Partout et toujours, les questions de la demande
sociale et de la cherté du coût de la vie alimente le débat politique. Mieux, elles causent des
soulèvements dans les centres urbains et des émeutes dans les banlieues impliquant même,
par endroit, des guides religieux.

Les études et suggestions sur différents aspects de ce phénomène, sur ses conséquences
notamment, pas plus que les interpellations de l’opinion nationale, par la presse et la
littérature romanesque, n’ont donné les résultats escomptés.

Des organismes institutionnels et des leaders d’opinion tentent d’endiguer le fait.


Dans ce sens, des programmes d’intervention sociale, axés sur la sensibilisation, sont mis en
œuvre, à travers la presse et même la menace d’une application de la loi sur les cérémonies
familiales est aussi brandie.3 Ce fut le cas plusieurs fois, comme lors des quinzaines nationales
de la femme de 1982 et de 2010. Les effets ne sont cependant pas encore notoires ; à
contrario, le phénomène s’amplifie.

Aussi cela suscite t-il, chez nous, des préoccupations sur la pertinence des choix stratégiques
faits jusque là, pour la lutte contre ce fléau. Egalement, nous restons convaincus qu’aussi
longtemps que l’on ne commencera pas par chercher les causes d’un mal, il sera hasardeux de
tenter d’y remédier. Qui ne sait pas où il va ne doit s’étonner d’atterrir ailleurs dit l’adage.
Les faits sociaux naissant dans les systèmes de représentation modelés par les conditions
environnementales, nous jugeons utile de comprendre, par delà la stigmatisation et les
condamnations de principe, ce qui explique un tel besoin, presque compulsif, d’ostentation.

Dans la présente étude, nous nous proposons d’axer notre travail sur la recherche des
différents processus qui, en interaction et en cours dans la société, entretiennent les dépenses
exorbitantes dans les baptêmes, les funérailles et les mariages.

Cette recherche s’articule autour de trois parties majeures. Elle a d’abord traité de la
problématique et de la construction de l’objet de recherche, puis de la méthodologie et, enfin,
de l’analyse et de l’interprétation des données. Une partie consacrée à des suggestions a été
3
La ministre la Famille, des Organisations féminines et de la Petite enfance d’après O. Baldé, quotidien
sénégalais Walf Grand-Place du 17 novembre 2010 et le quotidien national sénégalais le soleil du 10 novembre
2010.

2
élaborée au terme de cette étude, afin de contribuer à la recherche d’approches nouvelles,
pour mettre fin aux libéralités excessives au cours des festivités domestiques. Celle-ci a
permis, à partir des approches et des techniques éprouvées du travail social et des sciences
sociales, la proposition d’un plan d’intervention social, pour parvenir à la situation désirée, en
matière de mode de consommation, dans les festivités familiales.

La problématique et construction de l’objet de recherche comprend cinq sous parties : la


position du problème, la justification du choix du sujet, la revue de la littérature, le cadre
conceptuel et les objectifs de la recherche.

Dans la position du problème, il s’est agi d’abord de faire état de l’acuité des dépenses
onéreuses dans les fêtes domestiques. Ensuite, il a été question de leurs conséquences sociales
et économiques sur la vie des populations sénégalaises. En plus, nous nous sommes surtout
appesantis sur la ténacité de ce phénomène face aux différentes initiatives et évènements
dont l’objectif était leur rationalisation ou leur éradication.

La justification du choix du sujet, nous a permis de montrer l’intérêt suscité chez nous par la
question des dépenses disproportionnées lors de ces cérémonies sociales. Elle a été l’occasion
aussi de dégager celui qu’il pourrait avoir pour le travail social et pour la science en général.

Dans la revue de la littérature nous avons mené une exploration critique des écrits trouvés sur
notre thème de recherche, et sur des sujets qui lui sont apparentés. Après quoi, nous avons
procédé à l’élaboration de la clarification conceptuelle et à la définition de nos objectifs de
recherche.

La méthodologie a permis de décliner la méthode et le type de recherche, l’univers de la


recherche, la stratégie de recherche, et à ressortir les limites de nos investigations.

L’analyse et l’interprétation des données ont consisté en une interrogation des informations
recueillies sur le terrain pour le traitement de ce sujet.

I.PROBLEMATIQUE ET CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE.

3
I.1.Position du problème.
Il est communément admis que de tous les êtres, l’homme est principalement celui à qui, il
faut nécessairement transformer la nature, pour assurer la conservation et la reproduction de
son espèce. Cette entreprise et ce destin le condamnent, vu la limite de ses forces et celle de
ses possibilités de maîtrise du temps et de l’espace, à vivre en société. Or, toute organisation
sociale est faite de relations et d’interactions qui sont autant de solutions aux besoins
physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime et de réalisation qui s’expriment, de
façon spécifique, selon les sociétés, au sein de l’individu ou du groupe. C’est dire donc que
l’être humain est essentiellement un être de culture.

En sociologie, le concept de culture renvoie à ce qui est différent de la nature, ce qui relève
de l’acquis et non de l’inné.
Ainsi dans son sens le plus large, la culture peut, aujourd’hui, être considérée comme
l’ensemble des traits distinctifs, aux multiples plans spirituel, matériel, intellectuel, affectifs,
et social qui caractérisent une société ou un groupe social. « Elle englobe, outre les arts et les
lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs,
les traditions et croyances »4.
Une telle conception de la culture dénote de l’inévitable différence entre les cultures et de leur
égalité en valeur.
Sous ce rapport, la culture est aussi entendue non point comme une propriété privée, à l’instar
de la conception humaniste, mais en tant qu’œuvre collective, de la société en général, une
émanation interactionnelle. Elle impliquerait ainsi l’ensemble des valeurs matérielles et
immatérielles qui fondent l’unité sociale, et donne à un peuple son identité.
Cette perspective sociologique envisage donc le concept de culture comme le propre de tous
les hommes, en tant qu’il est compris comme l’un des traits distinctifs de l’homme par rapport
à l’animal.
Elle répond aussi aux conditions environnementales, celles qu’imposent la constitution de
l’homme, la lutte pour la vie ou la survie, les aspirations individuelles et collectives, les
projets de société, les rapports de l’homme et de la société, les valeurs morales. Bref, toutes
choses qui différencient les cultures sans établir entre elles une hiérarchie.

4
Définition de l'UNESCO de la culture, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence
mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982.

4
Un trait commun, cependant, caractérise toutes les sociétés et les cultures : la solidarité.
Malgré la diversité de ses formes et de ses manifestations, elle reste observable dans les
communautés, les cultures et les civilisations, tout au long de l’évolution humaine.
L’unanimité s’est faite d’ailleurs que l’humanité s’est construite grâce à la solidarité, base de
toute organisation sociale.
Ainsi, qu’elle soit choisie ou imposée, mécanique ou organique, l’entraide, au sens large, est
sui generis à la vie humaine ; elle est aussi nécessaire à la reproduction socio-économique de
l’espèce humaine.

En effet, l’homme, être essentiellement social, ne peut exister hors de la société. L’essentiel
de la satisfaction de ses nombreux besoins biologiques et psycho- sociologiques, quels que
soient les mécanismes de régulation économique et sociale, reste lié à la relation sociale et
aux rapports de production.

Sous ce rapport, la solidarité s’exprime aussi par des manières différenciées d’agir (don de
biens ou de soi, cadeau…), de sentir (compassion, empathie, pitié, amitié, fraternité,
opposition, adversité, concurrence) entre autres.

Dans certaines sociétés, comme celles occidentales, où domine l’individualisme, la solidarité


vise l’individu. Depuis surtout l’émergence et le développement de l’industrialisation et de
l’urbanisation, elle se déroule dans la relation entre l’individu et les institutions.

En Afrique, elle s’intéresse au groupe dont les différentes formes constituent les structures de
participation intermédiaire, cadres de la socialisation de l’individu.
Son développement, son fonctionnement et sa configuration permettent encore, dans la
plupart des sociétés africaines, la cohésion et la sécurité sociales si elle n’assure pas,
simplement, la survie des populations.
La solidarité africaine serait ainsi « l’expression d’une formidable résistance culturelle à un
modèle économique dévastateur »5 qui confine encore l’Afrique à 2% des échanges
commerciaux internationaux. Une situation qui expose la majorité des populations du sud du
Sahara à la pauvreté et la précarité.

5
P.Kipré, résumé « L’Afrique au secours de l’occident », A. C. Robert, Les éditions de l’atelier, Paris 2006

5
La solidarité se manifeste, entre autre, au cours de moments forts de la vie sociale que sont les
cérémonies familiales. Celles-ci étaient, autrefois, des occasions de réjouissances, de
raffermissement et de rétablissement des liens sociaux. Elles remontent à la nuit des temps et.
on les retrouve dans toutes les cultures et dans toutes les civilisations. D’une manière
générale, les fêtes sont liées au cycle de la naissance, de la mort et du renouveau, au niveau de
la nature ou de la communauté.
Pour Freud, la fête « est un excès permis, voire ordonné, une violation solennelle d'un
interdit »6. Elle consacre la frontière entre le quotidien et l’exceptionnel. Ce caractère
exceptionnel se retrouve aussi dans les dépenses destinées à son organisation et qui avaient
valu à la Grèce antique, l'un des premiers codes en la matière (les lois somptuaires), attribués
au législateur Zaleucus7.

En Afrique, naguère, ces solennités étaient fort attendues, car synonymes de retrouvailles, de
socialisation. Elles étaient ponctuées, dans tout leur processus, d’échanges de cadeaux et de
dons / contre dons entre les familles parties au mariage, au baptême ou aux funérailles.
Le don et le partage ont, de tout le temps, aussi caractérisé les relations entre membres du clan
et de la communauté, à travers les cérémonies sociales et domestiques.
Ces fêtes permettaient, ainsi, une circulation sociale des biens économiques dans la famille et
dans la communauté pour le maintien de leur structure et de l’harmonie dans leur
fonctionnement. Aussi renforçaient-elles la dynamique communautaire et la convivialité, au
sein de la famille et de la communauté qui, souvent, se confondaient car constituant, très
souvent, une famille seulement très large.

Cependant, au Sénégal, en général, l’imminence d’un baptême ou d’un mariage ne rime plus
totalement, avec joie mais plutôt avec stress, peine et angoisse. Par leurs manifestations
actuelles, ces festivités et leurs rites ont pris des allures jugées gaspilleuses, ostentatoires, et
même, pour d’aucuns, insensées.

Si la consécration du bonheur prend une telle forme celle du malheur, notamment la mort,
n’est pas en reste.
Dans les funérailles, des dépenses souvent très importantes sont consenties, dans le contexte
socio-économique à la limite délétère que connaît notre pays.

6
Freud Sigmund, (1913), Totem et tabou, dans Oeuvres complètes, TXI, PUF, 1998, [171], p360.
7
Législateur dans l’antiquité grecque.

6
En effet, dans les ménages, pour la plupart, les ressources financières couvrent rarement les
besoins de consommation dont les coûts sont constamment en hausse. Depuis plusieurs
décennies, des chefs de familles n’arrivent plus à subvenir correctement aux besoins de base
de leurs progénitures. Or, en ce moment où les trois repas, le plus souvent comprimés en un
seul ou deux, « des mariages ou des baptêmes défraient la chronique et font les choux gras de
la presse »8, à l’instar de ce mariage pour lequel la presse titrait : « B.D fait des folies pour
A.D »9.

Cette situation n’est pas nouvelle ; elle ne diffère guère de ce qui se passait dans les dernières
décennies. Tout ceci est confirmé par un article des archives du quotidien national sénégalais
« le soleil », faisant état d’un baptême, en 1981, dans lequel 800.000 francs – cumul du
salaire moyen d’un instituteur titulaire du C.A.P d’alors durant dix mois – ont été dépensés.
On était dans ce contexte marqué par le début de la massification du chômage des diplômés
chômeurs, de la fermeture d’entreprises et de la déflation dans la fonction publique, pour des
raisons de récession économique.

« Les échanges de cadeaux entre familles occasionnés par ces fêtes sont de vrais duels à coup
d’espèces sonnantes et trébuchantes et de biens matériels souvent très chers »10 au cours
desquels nul ne doit perdre la face.
Des sommes faramineuses sont ainsi dilapidées dans un pays caractérisé par la rareté des
ressources, et qui plus est, compte parmi ceux dont l’indice de développement humain est des
plus bas (0.464)11. Le Sénégal est classé 168e sur 185 pays12, sur l’échelle du niveau du
développement économique et social, et reste encore sous perfusion économique avec l’aide
internationale.

Avec la mondialisation de l’économie libéralisée, le marché comme mode normal de


socialisation, et une économie qui, depuis les indépendances, a du mal à émerger, notre
modèle de consommation frise l’irrationnel. « La tendance est de dépenser des millions en
un seul jour, à décorer la belle famille et les griots. Les cérémonies sociales sont devenues

8
Ndiogou. D. « Gaspillage dans les cérémonies familiales : quand le cauchemar remplace le rêve », Grande
Enquête de fin d’études pour l’obtention du DSJ, CESTI /UCAD, 2002, p10.
9
Hebdomadaire « week end »N° 142 du 25 au 31 décembre 2010.
10
Pape. F. Enquête, quotidien national sénégalais « le soleil » du 19 août 1993, « Enquête : cérémonies
familiales » p 8.
11
Rapport P.N.U.D 2005 /2006/2004/2008.
12
Rapport P.N.U.D 2005 /2006/2004/2008.

7
aujourd’hui des occasions d’étaler, ostensiblement, les symboles de richesse et de réussite.
C’est un engrenage infernal qui fait perdre la tête ».13
La pauvreté sévit dans le pays et tout le monde s’en plaint. Or, ces cérémonies, dans
beaucoup de milieux, riment avec dépenses exorbitantes, quelles que soient les ressources du
ménage. La littérature sénégalaise, toutes générations d’auteurs confondues, illustre fort
éloquemment cette situation qui remonterait à la période coloniale.

Déjà en 1935, Ousmane Socé, dans « Karim », faisait état de ces festivités grandioses surtout
dans les quatre communes d’alors. Selon lui, « on y retrouve toujours ce faste dans les
cérémonies et les réjouissances, cette majesté orientale, fortes empreintes de la civilisation
arabe… »14 , et de la société traditionnelle esclavagiste des Samba Linguères 15comme Meïssa
Tende16.
Le roman de Socé décrit, dans sa nudité, les mœurs festives et dispendieuses sénégalaises
qui ont ruiné biens des gens, des entreprises et des ménages. D’aucuns se sont retrouvés en
prison par ce fait. D’autres, dépouillés par les libéralités, ont pris le chemin de l’exode pour
chercher des moyens plus consistants afin de mieux répondre aux exigences d’une société
festive et de prestige auxquelles « ils sacrifiaient leurs propres besoins et ceux de leurs
parents»17.
Comme si l’histoire ne faisait que se répéter quelquefois, il y a lieu de dire que, dans celle du
Sénégal indépendant, on assiste, très souvent, aux mêmes dépenses de prestige, au cours des
fêtes domestiques, qui frôlent l’indécence.

Des agents fonctionnaires ou du secteur privé en sont arrivés même à confondre les deniers
publics ou de l’entreprise et leurs patrimoines. « Certains n’ont pas hésité, pour satisfaire à la
voracité de leurs beaux-parents, à puiser dans les caisses de l’Etat18 ». Ce qui leur valu « après
une semaine de festivité »19 de se retrouver en détention judiciaire, souligne Mass.D. Il s’en
est suivi des familles disloquées et dans le désarroi. Les exemples en sont nombreux.

13
Rokhaya. T. « Femmes et extravagance… », Journal la Voix Plus. Source :
http://www.setsima.com/news.php?go=read &n=53.
14
Ousmane .S. « Karim », paris, 1948, Nouvelles Editions Latines, p 18.
15
Un noble dans le sens donné à ce mot, en France, avant la révolution de mille sept cent quatre vingt neuf.
16
Monarque du Kayor, un des royaumes du Sénégal, dont le règne fut marqué par les nombreuses et somptueuses
fêtes et réjouissances qu’il organisait.
17
Ousmane .S. « Karim », paris, 1948, Nouvelles Editions Latines, p29
18
Mass. D : Enquête, quotidien national sénégalais « Le Soleil » du 12 septembre 1991.
19
Mass. D : Enquête, quotidien national sénégalais « Le Soleil » du 12 septembre 1991. ?

8
Badara. D. note que l’ « on ne pourra jamais faire croire à un étranger qui débarquerait ici et
verrait nos nouvelles coutumes en matière de funérailles dans une maison supposée être en
deuil que ces gens là viennent de perdre un être cher »20. Tant les dépenses et l’ambiance font
oublier la mort par leurs dimensions grandioses.

Ces grandes dépenses ont survécu aux plans d’ajustement structurel, au plan d’urgence
économique, dont les effets furent la réduction drastique des salaires dans la fonction publique
sénégalaise suivie de la dévaluation de moitié de la monnaie nationale. Ce comportement est
du reste caractéristique généralement, du sénégalais pour qui une fête doit être toujours
somptueuse.

Le journal « Le Témoin » rapporte une cérémonie où : « contrairement à l’année dernière, les


millions ont été distribués »21. Et d’après ce quotidien, une griotte avait tellement reçu de
billets de banque que finalement elle jetait avec dédain ceux de 5.000 et de 10.000 francs
qu’on lui remettait. Nous sommes en 1995, l’année consécutive à celle de la dévaluation du
franc CFA, à la fête d’anniversaire de l’Association des Jeunes Griots, au Théâtre National
Daniel Sorano. Il n’en faut pas plus pour voir ce que Rokhaya. T. appelle l’ « univers de
toutes les démesures »22.
Du reste, le même tableau prévaut dans les cérémonies familiales.

Les prodigalités cérémonielles semblent être prioritaires sur les dépenses fondamentales chez
les sénégalais qui ont la « fâcheuse manie de (…) dépenser plus d’argent lors des cérémonies
mortuaires que pour soigner le défunt de son vivant ou alors moins d’argent pour assurer la
scolarité de leur enfant que lorsqu’on le baptisait »23. Un comportement symbolique du mode
de consommation qui, en 1967 déjà, avait conduit l’Etat à adopter la célèbre loi 67-04 du 27
février 1967. Sa réactualisation avait même été demandée exprès par le président de la
République, en conseil des ministres, en septembre 1981. La recrudescence des gaspillages
commençait à mettre en péril la sécurité des finances nationales avec les prévarications
récurrentes commises par des gestionnaires de crédits dans les secteurs de la fonction
publique et du secteur privé.

20
Badara. D. « Reflet », quotidien national sénégalais « Le Soleil » du 12 septembre 1993.
21
Pape. D. S : Reportage, Hebdomadaire sénégalais « Le Témoin » du 2 au 8 janvier 1995.
22
Rokhaya. T. « La Voix Plus », source : http//www.setsima.com/news.ph ? GO=Read=53.
23
Cheikh. S. B. « Dossier », quotidien sénégalais « Walf Grand Place » N° 492 du 25 juillet 2007.

9
Les prescriptions des principales religions suivies par les sénégalais en matière de gestion des
biens sont, eux aussi, bafoués par des adeptes des différentes chapelles.
En effet, la dimension prise par les dépenses lors de la fête de pâques et des communions,
entre autres, en témoigne éloquemment. A ce propos, explique le Frère Bernard De Lacroix de
la communauté Saint Jean, bien des catholiques préfèrent les festivités aux sacrements. Selon
lui, parmi les fidèles, d’aucuns refusent de baptiser leur enfant ou de se marier à l’église, par
défaut de moyens pour financer une grande fête.24

Le pharisaïsme s’est développé, et plus paradoxalement, aux moments les plus marqués par
les effets de la récession économique.

Ainsi, si les années 1970 ont été affectées par la sécheresse et les impacts du premier choc
pétrolier sur le vécu des populations, elles n’en furent pas moins une période de faste
cérémoniel. Ce moment, caractérisé par le début de la déprotection sociale consécutive au
début de la fin des « trente glorieuses », était remarquable par la pauvreté qui sévissait au sein
des populations. Elle a été aussi celle d’une recrudescence des dépenses grandioses
cérémonielles qui commençaient à entamer le sens de la solidarité. L’aide ne visait plus à
libérer du besoin. C’est un moyen de corruption, ou celui de montrer le statut socio-
économique du donneur, si elle n’est pas un placement dont les bénéfices ne sauraient tarder.
A ce propos écrivait Mansour. D. « les amis du défunt en habits d’apparat n’y vont pas de
main morte en mettant la main à la poche - surtout lorsque des griots maîtres de cérémonie
crient à hue et à dia les montants des sommes versées en aide à la famille du défunt et ne se
gênent pas dans des allusions à peine voilées à proposer leur candidature au recyclage des
veuves éplorées »25.

Un tel paradoxe avait soulevé l’ire d’Aminata Sow Fall qui dénonçait, à travers son
ouvrage « Le revenant »26 paru en 1976, le cynisme et l’hypocrisie qui accompagnaient ces
scènes de gaspillage.

« Combien de morts auraient pu survivre si, avant d’organiser leurs funérailles en festin, le
parent ou l’ami avait acheté l’ordonnance salvatrice ou payé l’hospitalisation » 27 ?

24
Cheikh. S.B. « Dossier », quotidien sénégalais « Walf Grand Place » N° 492 du 25 juillet 2007.
25
Mansour. D. « Mors et vita », quotidien sénégalais « « Le Matin » du 14 mai 1999.p6.
26
Aminata Sow Fall, « le Revenant », Dakar, Les Nouvelles Éditions africaines, 1976.
27
Mariama .B. « Une si longue lettre », Dakar, Les Nouvelles Editions Africaines, 1979, p 15.

10
Dans la même veine, Mariama Bâ, dans « Une si longue lettre », publiée trois ans plus tard,
décrit, entre autres, les affres dans lesquelles toute une famille s’est retrouvée finalement, du
fait des dépenses d’honneur. Elle parle ainsi de ces cérémonies angoissantes, aux rites
multiples et dispendieux, qui sont « le moment redouté de toute sénégalaise, celui en vue
duquel elle sacrifie ses biens en cadeaux à sa belle famille ».

Ce problème a été agité aussi par Mame Younouss Dieng. Son œuvre « L’ombre en feu »28,
relate la tragédie d’une brillante écolière dont les ambitions et le génie se sont vite estompés
dans un mariage aux relents de prestige. Les affres d’un ménage sans amour, qu’elle devait
vivre, firent de sa vie un chemin de croix, dans laquelle elle devait laisser la vie en la
transmettant. Ses rêves brisés, elle mourut sans connaître les délices de la vie, pour lesquels
elle s’était tant battue, enfant et adolescente, à la maison, à l’école élémentaire et au collège.

Un état de fait qui explique la préoccupation encore renouvelée de certains citoyens qui
cherchent à conjurer le mal. D’ailleurs c’est ce qui a l’air de se dégager de leurs avis sur la
question. A ce propos, le président de l’association des élèves et étudiants ressortissants de
Ndiagagnao, parlant des cérémonies funéraires soutient que « les funérailles nous
appauvrissent. Dans tous les cas, les organisateurs sont toujours lésés. Il y a des cotisations,
mais ce n’est rien par rapport aux dépenses »29. Une opinion confortée par celle d’une autre
femme qui se plaint de devoir rembourser au double les dons qu’elle a reçus lors de festivités
domestiques. 30
Les jeunes de Dakar pensent, à 90%, que la dot devrait être moyenne, à faible, voire nulle31.
C’est dire tout le poids que les prestations dans les festivités constituent dans l’imaginaire de
l’ensemble de la société sénégalaise.
D’aucuns lient même le nombre important de divorces aux conséquences des gaspillages dans
les innombrables cérémonies relatives aux mariages.32

28
Mame. Y. D. « l’ombre en feu » les Nouvelles Editions du Sénégal 1997.
29
Ali.D. « Funérailles sérères à Ndiagagnao : ces morts qui nous coûtent la vie. », Grande enquête pour
l’obtention du DSJ, CESTI / UCAD 2006, p 26.
30
Mame.Y.S. « Vie associative féminine et circulation des biens dans les cérémonies familiales à la Médina de
Dakar (Sénégal). Mémoire de DEA de sociologie, UCAD/2004, p 56.
31
Siré. D. « La conception de la dot chez les jeunes dakarois », Dossier documentaire, ENSEPT, 1982, p22.
32
Pape. M. S. « « Epidémie » de divorces à Dakar », quotidien nationale sénégalais « le soleil » du 22 juillet,
2010, p 11.

11
Bien que les conséquences de la gabegie dans les fêtes familiales soient bien ressenties, les
dépenses somptuaires demeurent.
La presse, de tout le temps, s’est insurgée contre ce phénomène, en vain. De la période
coloniale à nos jours, tout le monde parle de la gravité de « ces orgies financières ». Elles
deviennent une bonne part de l’épargne des ménages qui pourrait constituer un filet de
sécurité contre la précarité et la vulnérabilité.

Chacune des classes sociales a fini de monter des mécanismes et des stratégies par lesquels
l’individu ou la famille, au moment opportun, arrive, peu ou prou, à prouver, devant la
communauté, de sa capacité à faire des dépenses de prestige.

C’est à qui mieux mieux, et tout y passe : les économies constituées au moyen de durs labeurs
et de sacrifices, les maigres revenus des paysans, les ressources tirées de l’émigration.
L’usage abusif des ressources dans ces festivités absorbe une bonne partie des emprunts
auprès des institutions financières marchandes ou sociales, des aides en espèces ou en nature
obtenues des membres de la famille et des relations.
Dans certaines localités d’émigration, comme Louga, la quasi-obligation d’organiser des
cérémonies somptueuses a donné une nouvelle vocation aux migrations. On émigre pour
pouvoir entre autres raisons, trouver les moyens suffisants, seule condition sûre pour épouser
la femme de son choix. « Des fois, pour les hommes qui sont ici, c’est très difficile d’avoir
une femme car les émigrés ont fait monter les enchères à un tel point que ce n’est plus
facile ».33
Pour ne pas être en reste, la plupart des hommes de la contrée cherchent, par tous les moyens,
mêmes des plus périlleux, à l’instar des pirogues, du faux visa et de la clandestinité, à se
rendre en occident, à la recherche de ressources de plus en plus hypothétiques. Ce qui a valu à
notre jeunesse de payer un lourd tribut, en vies humaines, aux océans, beaucoup de désillusion
avec les rapatriements inhumains et les emprisonnements, dans les geôles occidentaux ou
maghrébins.

Des contre-valeurs sont en train de prendre la place de nos véritables valeurs de solidarité
inspirées par la légendaire « teranga »34 sénégalaise.

33
Ndèye. K. L. « splendeur et misères des épouses d’émigrés à Louga » Grande enquête pour l’obtention du
DSJ, CESTI / UCAD 2009, p 54.
34
Acte destiné à honorer une personne et souvent destiné à renforcer les liens sociaux.

12
Elles détournent souvent la solidarité communautaire de son objet originel et accentue la
fracture sociale, par l’exclusion des moins nantis. En effet, cette « réciprocité généreuse
rituellement codée constituait le fait fondamental des relations entre groupes dans les sociétés
traditionnelles et formait le ciment du lien social »35.
Les cadeaux, traditionnellement en nature (chèvres et céréales généralement), dans les
échanges entre les familles, au cours des cérémonies familiales, se sont monétarisés. Avec
l’industrialisation, le salariat et l’urbanisation venus avec la colonisation, ils ont pris
progressivement des proportions très inquiétantes. Leurs conséquences ont donné un sacré
coup à la santé économique et à la stabilité sociale de bien des ménages.

En effet dans des régions comme Louga, où les filles n’épousent de préférence que les
émigrés pour, entre autres raisons, bénéficier de noces somptueuses, le constat est que c’est le
calvaire à la suite des grandes festivités.

Les études de Ndèye Khady Ndoye (2009) ont montré qu’après des mariages « célébrés à
coup de millions »36, la plupart de ces nouvelles mariées se retrouvent dans des châteaux
luxueux, mais avec comme seul compagnon un grand chagrin, une amertume due aux conflits
permanents avec la belle famille, la longue attente d’un mari reparti pour très longtemps ou
pour toujours.

A cela s’ajoute la raréfaction des ressources financières importantes et mirobolantes


auxquelles elles furent habituées le temps des fiançailles, où leurs désirs étaient des ordres.

Pire, les statistiques sanitaires, dans la région, relèvent que sur huit cas de séropositivité dus
au sida, cinq concernent des femmes d’émigrés. Elles sont soit infectées sciemment par des
époux très irresponsables, car étant au fait de leurs statuts sérologiques. Soit elles sont
contaminées pendant des relations adultérines dues à l’appel de la chair ou de besoins
économiques non satisfaits par un mari absent.37 Et il en est ainsi dans d’autres localités du
pays à fort taux d’émigration.38

35
Marcel. H. « le prix de la vérité ». Paris, 2002, Editions Le Seuil, p 30.
36
Ndèye. K. L. « splendeur et misères des épouses d’émigrés à Louga » Grande enquête pour l’obtention du
DSJ, CESTI / UCAD 2009, p 44.
37
Ndèye. K. L. « splendeur et misères des épouses d’émigrés à Louga » Grande enquête pour l’obtention du
DSJ, CESTI / UCAD 2009.
38
Macoumba. T, Rebecca. P et Victor. P, « Migration et VIH dans le nord du Sénégal », http : /www.prb.org,
mercredi 6 avril 2011,18h 36.

13
Toutes les classes socio- professionnelles sont prises dans cet « étau ».
En effet beaucoup parmi les autorités du pays, toutes catégories confondues, qui devraient
inspirer le bon exemple, brillent par le contre-exemple ou un mutisme complice. L’exemple,
relaté par le journal « le soleil » du 17 janvier 1986, de l’inspecteur de police Souleymane
Camara, contraint de cesser l’exercice de sa mission de mise en application de la loi sur les
cérémonies, en atteste grandement. Celui de ce directeur national d’un service public, cité
nommément dans la presse, pour avoir versé deux millions de francs, six parures en or, deux
parures en diamant et deux voitures «4X4 » pour les besoins d’un mariage, est encore vivace
dans les mémoires des sénégalais.39
Plus récemment le ministre de la famille, lors de la session budgétaire de l’année 2011, au
parlement, rétorquait aux députés qui s’indignaient de l’ampleur des gaspillages dans les
cérémonies, de commencer eux même par donner le modèle comportemental en la matière.
Un propos illustratif de l’implication de la responsabilité de ceux qui sont les groupes de
référence.

Presque partout au Sénégal, nonobstant la diversité culturelle, les fêtes onéreuses sont
observées. Le cas, en pays sérère où « quelles que soient les capacités financières de la
famille, cette dernière dépense des sommes faramineuses pour les funérailles d’un membre
disparu »40, est caractéristique de cet état de fait. Et c’est le même constat pour toutes les
autres cérémonies, presque partout et toujours dans notre pays.
Ce sont maintenant des liasses d’argent, des bijoux précieux, des voitures, des villas, des
étoffes et ustensiles de luxe … qui sont distribués dans les fêtes familiales qui durent jusqu’à
l’aube parfois.

Dans le monde rural où 67.2 % des individus et 57.5% de ménages vivent sous le seuil de
pauvreté41, la situation n’est guère plus reluisante.

Ainsi souligne R. Ndiaye, animatrice du programme juridique du Réseau Africain de


Développement Intégré, « le gaspillage existe partout au Sénégal ». Elle cite pour cela le cas

39
Hebdomadaire sénégalais « Week-end magazine » du 31 décembre 2010, page de couverture.
40
Ali.D. « Funérailles sérères à Ndiagagnao : ces morts qui nous coûtent la vie. », Grande enquête pour
l’obtention du DSJ, CESTI / UCAD 2006, p 5.
41
Enquêtes Sénégalaises Auprès des Ménages II. 2004.

14
de la communauté rurale de Mpal de la région de Thiès qui est « un casse-tête pour son
organisation dans son travail de sensibilisation ».

Cette gabegie, se matérialise chez les femmes, pour la plupart.

Tout ou presque, dans les grosses dépenses lors des cérémonies, tourne autour de la femme.
Fréquemment, comme à la Médina de Dakar, elles « adhèrent aux tontines, mbotay42, etc. pour
recevoir le soutien financier et social de l’ensemble des réseaux de solidarité en cas de besoin
immédiat ou lors des cérémonies familiales »43. Ce qui permet de reconnaître donc, du coup,
la part très importante de l’épargne domestique qu’absorbent les cérémonies familiales. Là
aussi apparaît toute la responsabilité de ces femmes qui instituent des organisations d’entraide
destinées uniquement aux dépenses somptueuses dans les cérémonies.
Pourtant, au même moment, elles réclament de la société une discrimination positive en leur
faveur aux multiples plans juridique, économique et politique pour lutter contre la pauvreté
qui se féminise. Une demande dont les effets sont les efforts nombreux, consentis par bien des
organisations publiques et privées, afin de les tirer de la précarité.

En réalité, les femmes sont les plus éprouvées par la situation de retard économique du pays.
Tout le monde en convient. Alors qu’elles constituent 50.8% ou 51, 9%44 de la population
totale du Sénégal45, elles affichent un taux de dépendance économique de 244%46, font 58.9%
des effectifs dans l’agriculture47 et n’ont que 29% de taux d’activité 48. Ces deux derniers
indicateurs socio-économiques expliquent suffisamment l’importance de leur taux de
dépendance économique, même si, par ailleurs, 20 % parmi elles sont les responsables réelles
de l’entretien de leurs familles.49

En définitive, les programmes, plans et stratégies conçus et mis en œuvre par les différentes
organisations, pour réduire la vulnérabilité, ne rencontrent pas, de la part de celles qui en ont
42
Association d’entraide féminine.
43
Mame.Y.S. « Vie associative féminine et circulation des biens dans les cérémonies familiales à la Médina de
Dakar (Sénégal). Mémoire de DEA de sociologie, UCAD/2004, p 42.
44
Sénégal : Ministère de l’Economie et des Finances. Agence Nationale de la statistique et de la démographie
45
Sénégal : Ministère de l’Economie et des Finances. Agence Nationale de la statistique et de la démographie
« Résultat du troisième recensement général de la population et de l’habitat. Rapport de présentation », décembre
2006.
46
O.N.U/ Commission économique pour l’Afrique « Indicateurs socio-économiques africains 2005 » p 8.
47
O.N.U/ Commission économique pour l’Afrique « Indicateurs socio-économiques africains 2005 » pp 9-10-11.
48
O.N.U/ Commission économique pour l’Afrique « Indicateurs socio-économiques africains 2005 » p12.
49
Sénégal : Ministère de l’Economie et des Finances. Agence Nationale de la statistique et de la démographie.

15
le plus besoin, c'est-à-dire les femmes, l’appropriation, le comportement et les attitudes; bref,
les réponses nécessaires à leur efficacité et à leur efficience. Pourtant, certaines parmi ces
femmes travaillent même très durement pour trouver les ressources nécessaires à la vie de
leur foyer éprouvé par le sous emploi des maris, qui « gagne de plus en plus de terrain chez
nous ».50
Cependant, les revenus tirés de ces activités, bien qu’utilisés, en partie, pour les besoins du
ménage, n’alimentent que trop peu l’épargne pour un investissement productif, contrairement
au budget des baptêmes, mariages et funérailles qui en absorbe une très grande part. « Les
femmes n’utilisent pas souvent à bon escient les fruits de leurs activités génératrices de
revenus »51, affirme le Ministre de la Famille, pour appuyer la remarque des députés qui
soutiennent : « l’argent est souvent injecté dans les cérémonies familiales »52.

Le drame est qu’il se dégage de plus en plus l’impression que le phénomène se développe.
Chaque génération crée des pratiques nouvelles qui élargissent et complexifient les
gaspillages nouvelles dans les cérémonies en les aggravant.

Aux innombrables rites et pratiques traditionnellement connues, s’ajoutent d’autres : celles


qui sortent de plus en plus des maisons, pour prendre des envergures qui les emmènent dans
la rue souvent fermée à la circulation publique, à l’occasion, et leur font durer beaucoup trop
de temps. Là encore comme le rapporte la presse, c’est la dilapidation ahurissante des
ressources qui frise l’indécence, l’insouciance et l’irresponsabilité. 53

Le fait semble être une fatalité devant les sénégalais qui avouent leur impuissance, même si
par ailleurs certains cherchent des alternatives.

Les femmes, malgré leur prise de conscience de « l’absurdité » de ces dépenses jugées
improductives, et du besoin impérieux d’un développement économique, n’en restent pas
moins comme inconditionnellement liées.

50
ANSD : Rapport sur la situation économique et sociale du Sénégal 2009, cité par le quotidien sénégalais « le
populaire » du 05 janvier 2011, p7.
51
Babacar. D « gaspillage dans les cérémonies familiales…, quotidien nationale sénégalais « le soleil » du 20
novembre 2010.
52
Babacar. D « gaspillage dans les cérémonies familiales…, quotidien nationale sénégalais « le soleil » du 20
novembre 2010.
53
Pape. D. S : Reportage, Hebdomadaire sénégalais « Le Témoin » du 2 au 8 janvier 1995.

16
La pratique des gaspillages dans ces cérémonies est, en effet, perçue, de plus en plus par elles-
mêmes, comme l’une des causes de la pauvreté et de l’individualisme grandissants. D’ailleurs,
dans les archives de la médiathèque du Centre d’Etude des Sciences et Techniques de
L’information de l’année 2008, une enquête de Fatma Dansoko du mensuel « Life », de
septembre de la même année, montre que 67.2 % de ceux qui connaissent ces pratiques
trouvent qu’elles sont sources de conflits et de frustrations dans les ménages. Et, poursuit-
elle, 28.1 % parmi eux connaissent au moins un cas de divorce dû à ce fait.
De plus, face à leurs difficultés à sortir de ce cercle vicieux, les femmes à travers leurs
organisations, semblent appeler à l’aide pour se tirer d’affaire. Les thèmes des deux
« quinzaines nationales de la femme », celles de 1982 et 2010, ont été consacrés au
«gaspillage dans les cérémonies familiales ».
Au cours de ces quinzaines, l’application de la loi 67-04 du 24 février 1967 « tendant à
réprimer les dépenses excessives à l’occasion des cérémonies familiales »54 a toujours été
demandée, par les associations féminines. Toutes choses qui dénotent de la récurrence du fait
et de l’enlisement dans laquelle il a entraîné et maintenu les sénégalais en général et la femme
sénégalaise en particulier.

Malgré tout, cette tendance, hélas, s’est incrustée progressivement, dans nos mentalités
comme valeur sociale. Seuls les plus téméraires qui forment une portion congrue de la
population, résistent, à leur corps défendant, à la tentation et à la pression sociale devant ce
phénomène.

Tous les événements et initiatives susceptibles de venir à bout de cette situation se sont avérés
inefficaces.

La crise économique et financière qui perdure, et ses effets durement ressentis, n’ont pas pu
venir à bout des gaspillages, comme on s’y attendait aux pires moments de la récession
économique.
En effet, pour certains « désespérés », les années 1970 et 1980 sonneraient le glas de la
gabegie festive. Ces derniers, à l’image de madame Aminata Maïga Ka, alors professeur de
lettres, responsable d’une division à la Promotion Humaine et présidente du comité
d’organisation de la 3ème quinzaine de la femme, préconisaient, devant la faillite des solutions

54
Journal officiel du Sénégal du 1ER mars 1967.

17
préconisées, jusque là, contre la dérive, de « laisser l’inflation faire son œuvre discrète, lente
et efficace »55.
Ainsi, du fait de l’ampleur et de la profondeur des répercussions de la remise en question de
l’Etat keynésien, et des mesures drastiques de rééquilibrage des indicateurs macro-
économiques, l’on pensait que la réduction du pouvoir d’achat des sénégalais et la raréfaction
des ressources feraient disparaître le mal.

Cette position, confortée par les restrictions observées, en son temps, chez certains, en
matières de dépenses cérémonielles, était même relayée par les médias.
Le quotidien national sénégalais « le soleil », gratifiait l’opinion publique de titres
comme: « Les baptêmes malades de la crise »56 ou encore « Le poids de la crise ».57
Leur conviction était faite que « si l’organisation de baptêmes grandioses et financièrement
scandaleux a été possible, pendant de longues années, c’est parce que la conjoncture du
moment, entre autres facteurs y était pour quelque chose »58. Hélas, en dépit de la
généralisation de la crise, de son aggravation, de sa persistance et de son approfondissement
au plan socio-économique, l’usage abusif des ressources économiques dans les cérémonies
familiales ne fait qu’augmenter et se complexifier.

Les campagnes de sensibilisation, les initiatives de certaines associations féminines et de


communautés religieuses, comme celles du forum des femmes entrepreneurs à Kaolack (juin
2007),tout comme celles des femmes de Bargny, de Ngoudiane et des layène de Yoff59, n’ont
que des effets limités. Les tak60de Rufisque et d’ailleurs ont été oubliés ou contournés, par
des pratiques contrevenantes et clandestines.

Les séries de conférences initiées par certains partis politiques, pas plus que les
recommandations du congrès de la renaissance culturelle musulmane qui demandaient en
1982 « la moralisation des cérémonies religieuses et familiales »61, sont restées lettres mortes.

55
E.B. Sow. « Garder la mesure », quotidien national sénégalais « le soleil », du mardi 23 mars 1982, p 7.
56
Oumar. D. quotidien national sénégalais « le soleil » N° 4710 du 17 janvier 1986, p 2.
57
Oumar. D. quotidien national sénégalais « le soleil » N° 4710 du 17 janvier 1986, p 5
58
Oumar. D. Oumar. D. quotidien national sénégalais « le soleil » N° 4710 du 17 janvier 1986, p 5.
N° 4710 du 17 janvier 1986, p 5
59
Communauté religieuse musulmane sénégalaise.
60
Convention règlementant les dépenses dans les cérémonies familiales à Rufisque.
61
Mamadou. O. N. Oumar. D. quotidien national sénégalais « le soleil » du 13 avril 1982.

18
Dans certaines localités, où une partie de la communauté a voulu imposer la limitation des
dépenses exorbitantes, dans les cérémonies, des tiraillements ou des émeutes, comme à Guet
Ndar, en juillet 1993, ont éclaté et connu des développements qui ont entrainé l’intervention
de la puissance publique, pour rétablir l’ordre gravement perturbé.62

Au plan juridique, la loi de février 1967 sur les cérémonies familiales qui interdit toute forme
de gaspillage paraît, depuis sa promulgation, vouée aux gémonies, bien qu’elle ait connu un
timide début d’application. Elle est même bafouée par ceux censés aider à son observance.

De même, les sermons des guides religieux, parmi lesquels le célèbre discours de feu El
Hadji Abdoul Aziz Sy, alors khalife général des tidianes, en septembre 1980, à la mosquée de
l’aéroport de Dakar, ont laissé les populations, pour la plupart, quasi-indifférentes.

Les femmes, principales conservatrices de cet atavisme, semblent s’enliser dans un gaspillage
qui les transcende. Or, elles sont les plus éprouvées par la récession économique et ses
conséquences socio-économiques qui perdurent. Celles-ci se traduisent par la vulnérabilité
sociale notée au Sénégal, cause de la pressante demande sociale qui s’exprime, de plus en
plus violemment, par les émeutes sporadiques des banlieues, les révoltes urbaines et les
mouvements revendicatifs, pour la satisfaction des besoins physiologiques et de sécurité, qui
s’étendent de plus en plus au monde rural.

La contradiction entre l’impact négatif du gaspillage sur la vie des ménages en général,
notamment chez les femmes, et la persistance de ces dernières dans ce comportement et les
attitudes qui le sous-tendent, dans un contexte d’indigence socio-économique et d’approche
pluraliste de lutte contre la pauvreté, est alors fort préoccupante. Il est difficile de comprendre
ce paradoxe constitué autour du diptyque : pauvreté et gaspillage.

C’est pour comprendre la dynamique de ces pratiques vulnérabilisantes que nous nous
sommes posé la question principale de recherche: « Quelles sont les facteurs des gaspillages,
dans les baptêmes, les mariages et les funérailles, chez les femmes mères de famille, du
quartier Santhiaba Ndiobène de Rufisque »?

62
Badara. D. « Emeutes à Guet Ndar pour un baptême » nationale sénégalais « le soleil » du 12 juillet 1993.

19
I.2.Justification du choix du sujet.

Le choix de ce sujet trouve sa justification aux niveaux personnel, social, professionnel et


scientifique.

 Sur le plan personnel.


Plusieurs fois, nous avons étés acteurs ou témoins de ces dépenses onéreuses dont les
conséquences ont été des lendemains très difficiles, pour nous ou pour d’autres dans notre
environnement social.

Enfant déjà, notre esprit fut marqué par une scène qui, du reste, ne le quitta plus : un
monsieur, icône dans son quartier par l’estime de soi qu’il incarnait, fut interpellé par la
gendarmerie en pleine célébration, en grandes pompes, du baptême de son fils, pour, disait-
on, une dette.

La plupart d’entre nous se sont trouvés, une fois ou une autre, face à ce dilemme de devoir
sacrifier à cette pratique sans lui trouver un fondement rationnel. Nous avons fait, assez
souvent, la dure expérience, de devoir affronter les exigences de nos mères et de nos sœurs
qui ne souffrent pas la modestie dans les cérémonies.

Tout au long de notre vie, nous nous sommes révolté contre ce comportement que nous avons
toujours jugé, à tort ou à raison, insensé. Le parallélisme entre la précarité et la gabegie, dans
les festivités domestiques, et l’attachement, presque véniel, de notre junte féminine, à ce statu
quo, ont toujours suscité en nous le besoin de comprendre leur fondement.

 Sur le plan social.

Le faste dans les cérémonies familiales, et particulièrement dans les baptêmes, mariages et
funérailles, par ses conséquences sur la stabilité des ménages, sur la lutte contre la pauvreté,
sur l’aggravation des clivages sociaux et sur la santé des individus, constitue un problème
social, au cœur du débat public. Un regain d’intérêt est noté actuellement, pour cette question,
au niveau étatique comme au niveau de la société civile. Son actualité est éloquemment

20
exprimée par le thème de la quinzaine nationale de la femme de l’année 2010 qui lui a été
consacré et qui reprenait, trois décennies plus tard, celui de 1982.
 Au plan professionnel.

Le travail social a la lourde mission d’influencer la politique sociale nationale, à défaut de


l’inspirer, d’animer les organisations institutionnelles et sociales de lutte contre la pauvreté et
d’aider les communautés, les groupes et les individus à avoir le meilleur fonctionnement de
leur environnement social.
Dans ce cadre, la compréhension des facteurs des comportements humains, du sens des faits
sociaux, et de leur soubassement socio-culturel, des dynamiques sociales et sociétales, est
indispensable à l’efficacité et à l’efficience de son action.

 Au plan scientifique.

Cette étude cherche aussi à élargir la base de données des sciences sociales, pour une
meilleure appréhension des tenants des dons abusifs dans les festivités sociales.
Si toutes les initiatives menées jusqu’ici n’ont pas été probantes, c’est certainement qu’elles
n’ont pas été inspirées par la recherche scientifique de ses fondements. Il est vrai que
l’intervention doit être centrée sur le problème, mais celui-ci ne se limite pas seulement à ses
manifestations. Il englobe aussi ses causes.
Au demeurant, la plupart des écrits consacrés à ce phénomène s’intéressent plutôt aux
conséquences et versent dans les condamnations hâtives. Or, comprenant les causes, la
science pourrait, peut-être, mieux aider à concevoir des stratégies de changement, pour rendre
à la solidarité communautaire et familiale ses véritables lettres de noblesse.

I.3. Revue de la littérature.

Cette revue de la littérature porte sur différents types d’écrits : une publication de la presse,
les littératures juridique et scientifique traitant de la problématique des gaspillages dans les
cérémonies familiales.

21
Agne (1999)63, dans un texte intitulé « évolution des mentalités au Sénégal : les tendances
actuelles », ce psychologue, donc spécialiste du comportement humain, soulève la
problématique de « la nécessité de la modernisation de notre société ». Il lie le
développement de l’Afrique et du Sénégal à une inévitable réduction de « la distance qui
nous sépare encore d’un minimum de rationalité discursive ». Il se fonde sur l’affaire
Sharifou64 pour décrier l’insuffisance, la légèreté et l’infantilisme du sénégalais facilement
influençable. Il appuie aussi son argumentaire sur le livre « culture africaine et gestion de
l’entreprise moderne »65 de Marcel Kessy, alors président du patronat ivoirien qui demande
une véritable « chirurgie culturelle », comme condition primordiale pour le développement de
l’Afrique. Pour ce dernier, la réalité des «distorsions flagrantes, entre nos modèles
économiques, administratifs, politiques ou religieux proclamés tout haut et des pratiques
culturelles quotidiennes très informelles ou particulièrement opaques sont des secrets de
polichinelle. » En cela il parle des innombrables fêtes et autres charges qui nécessitent une
redéfinition et une modification de la hiérarchie de nos valeurs culturelles.
Son analyse montre la relation entre nos mentalités et nos faibles performances économiques
car selon lui « les travailleurs du monde entier appliquent à l’entreprise les seuls modèles
culturels qu’ils connaissent en l’occurrence la famille et la société dont ils portent les
stigmates »66. Partant de ce constat de Kessy, Agne s’appesantit sur le mal existentiel qui
ronge tous ceux qui pourtant décident d’opérer la rupture ou de procéder à des réajustements
dans le fonctionnement social. Ils doivent faire face à « la perception d’un sentiment
péniblement ressenti de ne pas être en relation de totale évidence par rapport à de nombreuses
valeurs culturelles ou convenances sociales ».Ce qui a comme conséquence de susciter bien
« des accès de mélancolie et de culpabilité ».
Mais toute cette situation semble corrélative à l’ouverture à la modernité qui fait que le
système culturel ancestral sénégalais, du fait du contact permanent avec certains aspects de la
modernité, a connu une évolution qualitative certaine. Cependant, il reste caractérisé par un
paradoxe historique : les fortes traditions communautaires sont résolument entrées en conflits
avec un processus d’individualisation qui va crescendo. « On se démerde comme on peut avec
son cerveau ». Et la plupart « des dysfonctionnements procèdent de la tendance de certains
sujets sociaux à utiliser la stratégie des ancêtres au cœur de la modernité ». Ce qui est

63
A. E. Agne, psychologue UCAD, « évolution des mentalités au Sénégal : les tendances actuelles » Sud
Quotidien, N° 1831 du 17 mai 1999, p 10.
64
Un jeune enfant tanzanien qui avait défrayé la chronique en1999, par ses supposés pouvoirs de prodige.
65
A.E. Agne, Evolution des mentalités au Sénégal, Sud Quotidien, N° 1831 du 17 mai 1999, p 10.
66
B. Loti. « Sénégal : la famille, l’argent et les femmes… » http:// blog.france tv.fr, le 16 fèvrier2008, 23h34.

22
favorisé par le fait que les normes culturelles, selon lui, sont reproduites depuis très
longtemps, de génération en génération, selon un processus qui en fait une sédimentation dans
les systèmes de représentation.
Tout compte fait, cet article reste dans le cadre des appels à un changement de mentalité des
sénégalais ; ce qui n’est pas sans rapport avec notre sujet de recherche.
Il parle aussi des comportements souvent irresponsables qui caractérisent la vie au Sénégal et
qui se répercutent sur le mode et les performances de la production économique.
Son intérêt pour nous se trouve dans l’explicitation qu’il fournit des causes psychologiques et
sociales de la reproduction du comportement humain.

Au paravent, pour faire face au péril qui guettait la stabilité socio-économique du pays du fait
des gaspillages dans les festivités, l’Etat du Sénégal avait voté et promulgué la loi N° 67 04
du 24 février 1967 tendant à réprimer les dépenses excessives à l’occasion des
cérémonies familiales67.

Cette loi est annexée au code de la famille du Sénégal. Son objectif est d’organiser les
cérémonies familiales et mettre un terme à la situation paradoxale qui caractérise la société
sénégalaise, lequel se traduit par un grand gaspillage des ressources dans un contexte de
pauvreté.

Ainsi, après avoir consacré la liberté pour chaque citoyen « de célébrer par des cérémonies,
conformément aux rites de son culte ou de sa coutume les évènements»68 de la vie familiale,
elle cite les différentes fêtes concernées.

Pour chacune d’elles, cette loi définit les modalités de son organisation. Elle fixe les coûts
des différentes prestations, la durée de la cérémonie, et réglemente « les offres, dons, cadeaux,
présents… »69 strictement interdits, sauf s’ils sont destinés à un ministère du culte, selon le
rite appliqué.

Le texte précise le mode de calcul des dépenses, définit les responsabilités des organisateurs
quant à l’obligation de respect strict des montants autorisés, et à la dispersion des
rassemblements qui ne doivent, sous aucun prétexte, se prolonger au-delà du temps imparti.

67
Journal officiel du Sénégal, N° 3879 du mercredi 1er mars 1967.
68
Loi N° 67 04 du 24 février 1967 article premier, p 365.
69
Idem.

23
Il détermine les rôles et compétences des autorités judiciaires, des autorités administratives et
des citoyens, dans la procédure de constatation et de poursuite des infractions.

Enfin, la loi cite les différentes infractions visées et les sanctions civiles et pénales prévues à
l’encontre des contrevenants.

En définitive, ce texte d’ordre législatif, toujours en vigueur, par ses dispositions, offre un
cadre légal d’exercice d’une liberté publique, celle de fêter les événements sociaux de la vie
familiale et communautaire. Son esprit protecteur, en filigrane, contre la vulnérabilité et le
tarissement des ressources, dénote d’une volonté de préserver la population des risques de
vulnérabilité.

Cependant, cette loi pêche par son caractère statique qui contient le germe de sa désuétude.

Aucun de ses articles ne prévoit son évolution nécessaire, en regard des aléas de la
conjoncture économique et de la dynamique sociale. Elle semble même vouloir effacer d’un
trait, tout un système de représentation et de relations sociales constitutives de la culture par
laquelle, ce peuple donne sens encore à sa vie.

Interdire systématiquement les dons entre beaux parents, dans le système socio-culturel
sénégalais, c’est de facto pousser les citoyens à la défiance vis-à-vis des lois.

Au surplus, ce texte opère une discrimination au profit des ministères du culte sur les dons,
cadeaux, présents…Car dans les cérémonies, ceux-ci n’assument qu’un rôle à côté(ou avec)
d’autres acteurs aux statuts desquels sont rattachés, par le fonctionnement social, un ensemble
de fonctions non moins importantes.

En outre, elle ne s’applique qu’aux cérémonies familiales, laissant de côté toutes les autres qui
potentiellement peuvent inspirer leur conception, leur évolution et leur déroulement.

Par ailleurs, demander à un sénégalais de disperser ses invités ou à un délégué de quartier de


faire des rapports sur son voisin ou de le dénoncer, ne paraît pas trop réaliste compte tenu de
la densité et de la nature des relations sociales et familiale dans un quartier ou un village au
Sénégal. C’est créer une source potentielle de tensions sociales, et cela ne correspond
nullement aux modèles relationnels élaborés par les cultures sénégalaises.

24
La loi est néanmoins d’un grand intérêt pour nous : l’analyse des fondements de ce rejet par la
population pourrait contribuer à comprendre la dynamique sociale qui entretient les
gaspillages cérémoniels.

La littérature scientifique sur différents aspects des cérémonies familiales est assez abondante.
Cependant celle portant spécifiquement sur les causes des dépenses exorbitantes dans ces
fêtes domestiques en général n’est guère importante. Mais, certains chercheurs ont produits
des théories que nous jugeons fort utiles dans le cadre de notre démarche euristique.

Dans le même sillage que les journalistes et autres romanciers, Diédhiou (1982), par son
documentaire intitulé « la conception de la dot chez les jeunes dakarois » a étudié l’évolution
d’une tradition matrimoniale, au Sénégal et plus particulièrement à Dakar : la dot.
Ainsi, il expose le sens et la nature de cette prestation de mariage dans la société
traditionnelle, parle de leurs mutations relativement au processus de modernisation de la
société dakaroise, et rapporte ce qu’ils inspirent à la jeunesse de la capitale sénégalaise.
Pour ce faire, il présente d’abord la dot comme l’une des traditions incompressibles pour le
mariage qui, lui-même, est donné comme une obligation sociale, un facteur important
d’intégration dans la société.
Pour lui, cette prestation était traditionnellement un cadeau symbolique en nature, offert à la
famille de la fiancée pour unir les deux lignées ou conforter des liens de parenté.
Elle permettait de préparer le trousseau de la future épouse par sa circulation au sein de la
famille et de la communauté. Ce présent était aussi un moyen de compensation d’une perte de
bras, dans une économie de subsistance. Aussi, pour cette raison, une partie des biens, dont il
était constitué, restait-elle réservée au mariage du frère de la future mariée, soutient-il.

De plus, la dot était un facteur de stabilité des ménages qu’elle différenciait du concubinage
en même temps. Aujourd’hui, elle est devenue un vrai goulot d’étranglement pour la jeunesse
désireuse de se marier. Avec les conséquences de sa monétarisation, c’est maintenant un
moyen de s’enrichir pour certaines familles. A Dakar, avec la tendance à tout évaluer en
monnaie, tous les abus sont permis. D’aucuns vont jusqu’à envisager de recouvrer les
dépenses consacrées à l’éducation et à la formation de leurs filles avec la dot qu’ils exigeront
pour les marier. Ce qui se justifie par les montants demandés et qui, d’après l’étude, dépassent
généralement huit cent mille francs.

25
Pour éviter les dérives exposées par l’œuvre, les dépenses dans les cérémonies familiales,
dont la dot, ont fait l’objet de plusieurs initiatives, aux niveaux institutionnel et social, pour
leur réglementation, depuis l’époque coloniale dit-il. Elles visaient, suivant la période
considérée, à maintenir l’ordre social et religieux, l’ordre public ou économique. Cependant,
les effets de ces initiatives n’ont, pas pour l’essentiel été durables.

Néanmoins, selon Diédhiou, les jeunes continuent généralement de considérer la dot comme
une tradition légitime, nécessaire et fondamentale pour le mariage, même si certains pensent
qu’elle est un prix d’achat de la fille, vus les montants exorbitants, généralement réclamés.
Quatre vingt quinze pour cent, d’entre eux, souhaitent la voir modérée, faible ou même nulle.
Cela permettrait, d’après eux, à tous, de la constituer, de pallier les conséquences socio-
économiques, parfois précarisantes, liées à sa trop grande dimension, et de conserver sa valeur
symbolique.
Ces jeunes assimilent, en outre, dans leur large majorité, ces dots excessives, à un pur
gaspillage, au désir de concurrence ou de prestige. Ils pensent par contre, presque tous, sauf
cinq pour cent d’entre eux, qu’une dot modérée, entre cinquante mille et cent mille francs,
voire faible, serait plus réaliste et plus prévoyant. Cela ne traduit nullement l’avarice ou le
manque d’amour pour sa fiancée, comme le prétendent quelques uns. Même les femmes, en
majorité, disent préférer une dot modérée ou faible. Et l’auteur de montrer que si la
consistance de la dot n’empêche pas le déroulement des mariages généralement, elle prive
seize pour cent de célibataires de convoler en justes noces, et a condamné douze pour cent de
maris à vivre avec une épouse par défaut.

Son étude montre, d’autre part, que la plupart des jeunes sont plutôt favorables à la
tarification de cette prestation proposée par la loi, et proposent des sanctions civiles ou
pénales pour toute contravention à ces dispositions. Car, soutiennent-ils, le taux élevé de la
dot, outre qu’il condamne beaucoup de jeunes à un célibat trop long, favorise l’augmentation
du nombre des filles mères.

Au total, cet ouvrage présente l’avantage, par rapport à notre thème, de montrer que les
dépenses excessives, dans les cérémonies, sont un fardeau pour la majorité de ceux qui y
souscrivent. Elles sont vécues comme une simple contrainte et non point comme une nécessité
sociale.

26
Cependant, cette recherche s’arrête au constat d’un phénomène social vulnérabilisant et
renforçateur des clivages sociaux. Elle ne pousse pas l’analyse dans une perspective
d’établissement des liens de causalité, porteurs de ces dysfonctionnements sociétaux.
Sous ce rapport, comprendre comment ces pratiques ont fini de prendre place dans le vécu
des sénégalais, au point d’intégrer le lien social et l’imaginaire collectif, aiderait à la
conception d’une approche sociale de sa gestion. Ce qui contribue à légitimer le choix de
notre thème dont l’objectif, justement, est de voir pourquoi, malgré cette attitude opposée aux
gaspillages, l’on ne peut encore l’éradiquer.

C’est dans ce même sillage que s’inscrit Ndione (1982). Elle a mené des recherches dans le
cadre de son mémoire de fin d’études sur : « Les cérémonies familiales au Sénégal : évolution
et conséquences ».
Ses investigations présentent les cérémonies familiales, en général, dans les contextes de la
société traditionnelle et de celle consécutive à la pénétration islamique.
A ses yeux, ces festivités, au moyen de la teranga 70, jouaient traditionnellement, le rôle de
cadres d’expression de la solidarité familiale et communautaire, renforçant ainsi les liens de
parenté et de convivialité. Pour elle, en dehors de tout esprit de rivalité, et du fait de la fusion
maximale du moi dans le nous, les cérémonies sociales étaient l’affirmation du groupe et non
celle de l’individu. Elle donne en cela l’exemple du baptême en pays sérère traditionnel et
animiste. Là, cette cérémonie, constituée de plusieurs rites qui trouvaient leur sens dans la
protection et le soutien matériel à la parturiente, l’intégration du bébé dans la communauté,
incluant les morts, ne nécessitait aucune dépense spéciale. Et selon Ndione, il en était de
même pour les cérémonies d’initiation par lesquelles la communauté émancipait ses jeunes.
Seules les obsèques échappaient à la règle car constituant le dernier témoignage d’affection à
une personne chère. L’auteur de rapprocher ainsi ces fêtes d’enterrement sérére à celles
pratiquées traditionnellement chez les lébous71 auxquelles même les charognards étaient
conviés.
Elle constate cependant que, depuis l’avènement, au Sénégal, de l’islam dont les préceptes
s’opposent aux gaspillages, celles-ci se sont développées d’une façon difficilement explicable.
Cet état de fait, non imputable, à son avis, aux seuls changements de rituels introduits par le
70
Système de plus en plus complexifié d’échanges, de circulation de biens et de services entre belles familles, en

leur sein et avec la communauté pendant les cérémonies familiales.

71
Une ethnie du Sénégal.

27
culte islamique, trouve aussi ses origines dans l’émergence de la loi du profit et de la
concurrence.
En effet, pour elle, les pratiques des femmes dans les cérémonies ont rendu les solidarités
appauvrissantes pour les deux belles familles qui, à l’occasion, se mesurent en termes de
richesse. Et de ce fait, elles ne lésinent sur aucun moyen ; l’essentiel étant de ne pas perdre la
face et faire la risée du groupe, souvent très sarcastique le cas échéant. Ne pas pouvoir faire
étalage de « richesses » signifie, dans ce nouveau type de rapports, affirmer sa pauvreté et se
retrouver en marge de la société. Or, tout cela produit des dépenses « exorbitantes, insensées,
alarmantes, surtout dans les villes »72 dit Ndione (1982).

Ndione évoque aussi le rôle du griot dans cette situation. Pour elle, attaché autrefois à une
famille, auprès de laquelle il jouait le rôle de confident, de conseiller et de messager, le griot
ne s’attache désormais plus qu’à l’argent et à ceux qui le donnent généreusement.

Concernant les conséquences, l’étude parle des drames sociaux que les gaspillages ont
entraînés. Il s’agit de l’instabilité sociale au sein des ménages et de l’augmentation de la
pauvreté. Au surplus, certains, dans ce contexte, tentent l’exode rural, ou procèdent à des
détournements de deniers publics.
D’autres, ne pouvant se marier du fait des lourdes dépenses, ont été victimes de grossesses
hors mariage. Ce qui souvent à entraîné des conséquences souvent dramatiques : les
interruptions volontaires de grossesses, les infanticides… soutient l’auteur. Beaucoup de
ménages se sont disloqués à cause de cette gabegie qui a aussi renforcé la dépendance de la
femme et son asservissement.
L’analyse parle en outre de la loi sénégalaise interdisant les gaspillages dans les cérémonies
pour souligner son non respect dû en parti à sa transgression par ceux censés donner
l’exemple pour son application : les leaders d’opinion. Elle souligne, en plus, son
inadéquation avec le mode de fonctionnement des rapports sociaux.

Les travaux de Ndione (1982) tirent leur importance dans l’exposé des déviations constatées
dans l’organisation et le sens des cérémonies familiales au Sénégal. Ils font aussi cas des
conséquences désastreuses qui en découlent et suggèrent des pistes de remédiation.
L’étude fait ressortir certaines des causes des dépenses exorbitantes dans les festivités
sociales. Cependant sa démarche qui ne fait référence ni ne décline aucune approche
72
Page 34.

28
méthodologique des sciences, ne permet d’attester de résultats scientifiquement valables.
Elle ouvre néanmoins une piste de recherche susceptible d’approfondir les résultats en les
rendant plus conformes à une approche scientifique de la recherche.

Dans une perspective plus élargie, Diop (1985), dans son ouvrage «La Famille Wolof.
Tradition et changement », parle des wolofs à travers l’évolution du fonctionnement de leur
organisation sociale et économique. Le livre décrit et explique comment la société wolof
traditionnelle est passée d’une configuration d’unité de production et de consommation, basée
sur un système de possession de bien indivise, à la dislocation de la communauté familiale, à
l’individualisme progressive. Cette société, dira-t-il, traditionnellement, assurait sa survie et
sa reproduction socio-économique grâce à un modèle social fondé sur la parenté, la hiérarchie
et l’organisation communautaire. Une forme d’organisation sociale bouleversée par
différentes influences étrangères dont celles de l’Islam et de l’économie de marché imposée
par le système colonial notamment.

Après avoir décrit le mode de filiation de ce groupe ethnique marqué principalement par le
patriarcat, il montre toute l’importance que revêtait le matrilignage comme espace de sécurité
sociale et physique du wolof. Maintenant, « le sens de la parenté est restreint devant la montée
de l’individualisme »73.

Son étude a aussi porté sur le rôle de l’organisation hiérarchique dans la préservation de la
cohésion sociale qui n’a pas survécu à l’introduction de l’économie capitaliste marchande et
aux nouveaux systèmes de production, même si la taille des familles s’en est trouvée réduite.
Cela s’illustre par la vie dans les foyers polygamiques.
Après avoir analysé l’importance de la polygamie dans la vie de la société wolof, Diop
montre sa dimension qui est plus étendue dans les zones urbaines que rurales. Et cela est à
mettre en rapport avec l’émergence d’un système d’échange généralisé sous l’influence du
système dotal. Pendant ce temps, son fonctionnement, dans les rapports entre coépouses, a
suivi la courbe dessinée par l’évolution du ménage lui même. « Comme pour le ménage vis-à-
vis de la grande famille, aux principes traditionnels de la communauté et de la hiérarchie se
substituent aujourd’hui, dans la relation des épouses, ceux de l’autonomie de vie et de
l’égalité de statut.

73
P 150.

29
Si l’indépendance ne peut être aussi complète dans leurs rapports que dans ceux des chefs de
famille et de ménage, l’égalité devrait être plus facilement obtenue »74.
Cette nouvelle configuration des rapports entres épouses de même mari implique la nouvelle
répartition égalitaire des droits et des devoirs, de sorte que la dispense d’une obligation est
même assujettie au renoncement de certains avantages.

Diop met aussi l’accent sur la grande capacité d’adaptation du wolof, laquelle lui permit
d’adapter le besoin de solidarité communautaire aux structures nouvelles nées de la
colonisation et du nouvel ordre économique mondial qui place l’Afrique à la périphérie du
monde. Cette solidarité, entretenue par le système d’alliance matrimoniale basé sur
l’endogamie, s’est élargie en se renforçant, par les aménagements apportés par la dot, facteur
principal de la libéralisation des échanges en matière nuptiale. De là est aussi né un système
d’échange complexe de biens, entre les belles familles, dont l’évolution a abouti à des
dépenses de prestige dans les cérémonies sociales que Diop condamne dans son livre.

Ce livre, offre une analyse qui permet de pénétrer et comprendre la structure de la famille
wolof et les modalités historiques de sa reproduction progressive dans le temps. Ce qui
permet d’appréhender sa situation socio-économique actuelle. Son importance, pour notre
étude réside dans les informations importantes qu’il donne sur l’histoire des cérémonies
sociales chez les wolofs.
Il en rapporte l’évolution marquée par l’intrusion et la domination de plusieurs cultures
étrangères qui l’ont, si l’on put dire, hybridée. D’où le syncrétisme culturel noté chez le
sénégalais généralement.

Par ailleurs, il offre une vue détaillée de l’ethnie wolof dans son ensemble et de ses systèmes
de relations qui fournissent une compréhension globale de cette société.

Il a abordé aussi la question des cérémonies familiales et des gaspillages qu’elles connaissent
de nos jours, mais l’étude ne tient pas compte des spécificités culturelles liées aux nombreux
sous groupes qui constituent l’ethnie wolof. Au surplus, il ne se focalise que sur l’ostentation,
la rivalité et l’inapplication de la loi comme causes de ces gaspillages. Or, nous cherchons à
savoir si derrière ces facteurs, pour le moins apparents, n’existent pas d’autres données

74
P 193.

30
explicatives du comportement dispendieux des femmes dans une communauté wolof
particulière.

A sa suite, Seck (1999) a étudié : « les survivances culturelles des géwël », pour mettre la
lumière sur le mode d’adaptation des griots aux structures nouvelles issues de la
modernisation de la vie socio-économique au Sénégal.

Après avoir rappelé les origines des griots qu’il fait remonter, par la bouche de sages de cette
caste, aux temps du prophète de l’Islam, Mohamed (PSL) et au règne des monarchies
sénégalaises, Seck retrace l’évolution de la vie de ce groupe social depuis les indépendances.
D’abord, pour lui, l’avènement de l’Islam, concomitant à la fin des royaumes et au début de
l’ère coloniale, a opéré les premières mutations socio-culturelles chez les griots. Beaucoup
parmi eux ont abandonné leur fonction de mémoire, d’animateurs et de médiateurs sociaux
pour aller à la quête des sciences islamiques. D’autres, très peu nombreux, ont accepté de
mettre leurs enfants à l’école coloniale perçue comme assimilationniste. La plupart ont
cependant conservé leurs traditions culturelles en les adaptant à la nouvelle configuration de
la vie qui se modernise. C’est ainsi qu’ils ont investi le champ de la communication et de
l’art musical ou oratoire.

Ses investigations ont aussi porté sur la fonction sociale du griot qui est celle de guider les
individus en les aidant à se construire l’image sociale susceptible de renforcer leur intégration
au sein de la société. Ce qui nécessite un dur apprentissage de la généalogie, de l’histoire du
pays, de l’art oratoire et de la pratique musicale. L’analyse commence ici à mettre la lumière
sur la place occupée par les cérémonies familiales, atmosphère solennelle dans laquelle les
généalogies chantées, tout en rappelant à leurs dédicataires les hauts faits de leur ascendance,
leur enseignaient les valeurs qui devaient inspirer et sous-tendre l’identité sociale qu’ils
devraient se construire et sauvegarder. Elles reproduisaient ainsi les normes et valeurs
légitimées dans le groupe. Seck se rapproche ici de Abdoulaye Bara Diop auquel il se réfère
et qui affirme : « spécialistes de la parole, les griots sont en même temps les spécialistes des
relations sociales. Intermédiaires entres les personnes et les groupes auprès de qui ils jouent
les hommes de confiance, ils aident à résoudre les questions délicates, là où leur savoir-faire,
avec l’expérience qu’ils ont des gens - fréquentant tous les milieux -, et leur savoir parler sont
utiles (mariages, divorces, conflits familiaux, sociaux et politiques, en général »75. Pour tous
75
Abdoulaye. B. D. Cité P18

31
ces services au bénéfice de la communauté, dans le sens du renforcement de la sociabilité, de
la promotion de la socialité et de la conservation des traditions, le griot recevait des
rétributions.

Seck note cependant chez le griot la disparition progressive de ce rôle de régulateur, de


formateur de la conscience sociale. Celui-ci, néanmoins, s’est mué, pour lui, dans bien des
cas, en auxiliaires des chercheurs de l’histoire moderne ou en conteurs dont les récits sont
parfois consignés.

L’ouvrage, par ses éclairages, permet au lecteur de découvrir à la fois la place du griot dans
la société traditionnelle sénégalaise, tout comme sa grande capacité de changement et
d’adaptation dans le cadre de la modernité où sa fonction trouvait de moins en moins preneur.
En revanche, bien qu’il évoque sommairement certaines pratiques de parasitisme, reprochées
parfois aux griots, lesquelles ont une incidence sur les gaspillages dans les cérémonies, il ne
s’étend pas sur cette question préoccupante qu’il nous importe d’explorer.

Sur ce débat, Sarr (2004) a investi, pour son mémoire de DEA, la question de « la vie
associative féminine et la circulation des biens dans les cérémonies familiales à la Médina de
Dakar (Sénégal) ».
Sa recherche présente la dynamique associative des femmes de la médina de Dakar, par ses
fonctions, ses conséquences et la centralité des cérémonies familles autour desquelles se
structurent ces organisations féminines dites de solidarité.

Elle rappelle d’abord l’origine des associations de crédit rotatifs et d’épargne en Afrique et au
Sénégal. Celles-ci, selon elle, ont préexisté à la pénétration coloniale et à l’usage de la
monnaie par des prestations mutuelles de services entre les membres. Leur évolution qui se
matérialise surtout par les dons et contre dons dans les cérémonies familiales, crée et
entretient pour les femmes, un espace récréatif et de solidarité.

Sarr tente aussi de fournir une explication des rivalités en les considérant comme une
continuité de la réciprocité, caractéristique essentielle des solidarités sénégalaises. Elle
souligne dans ce cadre le rôle capital de la femme dans ce système où elle constitue le pivot.

32
De plus, la situation de précarité socio-économique a, d’après elle, favorisé la constitution et
la densification de réseaux d’entraide. Les femmes, selon l’auteur, étaient abandonnées à leur
sort. Elles n’avaient même pas d’espaces d’échange sur leur vie ou leurs projets. Ces
associations sont ainsi leurs formes d’adaptation à l’actuelle situation sociale et économique
difficile qui a transféré, de fait, à la femme, certaines charges d’entretien de la famille. Car,
comme le rapporte le Professeur Abdel Kader Boye, « l’apport des pères biologiques à
l’entretien et à l’éducation des enfants est faible. Il y a environ un père sur cinq qui pourvoit
entièrement à l’entretien et à l’éducation des enfants contre une mère sur deux »76. Ce qui est
le cas à la Médina où l’étude fait apparaître un quartier, certes marqué par la convivialité entre
les nombreuses ethnies constitutives de sa population, mais aussi par la grande pauvreté et la
vulnérabilité. Et de même que partout ailleurs au Sénégal, ces associations se sont créées et
multipliées comme stratégie de survie.
Cependant, précise Sarr, en dehors de la satisfaction des besoins de base, les ressources tirées
des associations de solidarité servent à répondre aux « sollicitations de plus en plus
importantes liées à la répétition des cérémonies familiales qui requièrent une contribution
financière que les maris ne sont plus en mesure d’assurer77. D’ailleurs, dit-elle, « les femmes
urbaines ne pouvaient trouver de solution qu’au niveau collectif »78 face au chômage des
hommes dû à la crise de l’emploi.
L’ouvrage souligne la place importante qu’occupent les dépenses somptuaires, relatives aux
cérémonies familiales, dans l’utilisation des fonds issus des différentes formes d’association
féminines. Son enquête trouve que sur cent quatre vingt trois femmes, trente quatre se sont
servies de leurs tontines pour des dépenses de prestige, contre vingt et une pour la
prévoyance. Et une telle situation n’est pas sans rapport avec certains avatars des dons et
contre dons, dans leur fonctionnement actuel, au cours des festivités domestiques.
En effet, montre-t-elle, en plus d’être socialement dérisoire du point de vue de l’aide, les
teranga sont devenus, à la limite, usurières pour des femmes contraintes de rendre au double
les biens matériels ou financiers reçus lors de ces nombreuses cérémonies. Il s’y ajoute les
sortes de chantage et d’usure que les belles familles exercent sur leurs brus et que celles-ci
contournent ou pallient par ces nombreux et coûteux cadeaux payés avec l’épargne sociale et
distribués pendant les fêtes de famille. De tels faits « troublent le sommeil des femmes à
l’approche des nombreuses cérémonies familiales » dit-elle. Elle rapporte les propos des

76
Abdel. K. B. Les conditions socio juridiques des femmes soutiens de familles. Dakar. Population Concil.1992
cité p 7.
77
P 35.
78
P 16.

33
femmes enquêtées qui soutiennent toutes que, n’était cette pression des belles familles,
l’argent de l’épargne serait mieux utilisé.
L’étude fait ressortir aussi les nombreuses initiatives institutionnelles et sociales mises en
œuvre, notamment l’adoption de la loi portant répression des gaspillages dans les cérémonies
familiales, pour remédier à la situation. Et le pire est que « les cérémonies familiales sont le
principal terrain d’application »79, pour certaines femmes, de calculs malicieusement effectués
pour trouver l’argent nécessaire à la « réalisation de « projets familiaux »80.
Elles favorisent, en outre, le clientélisme dans les relations sociales nouées au sein des
réseaux de solidarité dont sont exclues les femmes incapables de doubler la teranga reçue. Ce
qui a comme conséquences de pousser certaines parmi elles vers des pratiques comme la
prostitution, et d’installer la tension au sein de beaucoup de ménages qui finissent parfois par
se disloquer.

Au demeurant, l’ouvrage de Sarr (2004) montre que les associations féminines sont une
adaptation à la situation de précarité locale et économique. Elle en souligne la flexibilité, le
caractère récréatif et solidaire mais dénonce son aspect extraverti, qui se développe surtout
dans les centres urbains et ôte à la réciprocité traditionnelle son sens de solidarité.

En vérité cette recherche est très enrichissante sur l’origine et l’évolution de la réciprocité au
Sénégal. Marquée par la pratique des dons et contre dons, elle n’est pas sans conséquences sur
le vécu de la femme sénégalaise.
Mais si certains aspects relatifs aux causes des gaspillages dans ces pratiques en ressortent, tel
le besoin de prestige et le non respect de la loi, elle fait l’impasse sur plusieurs autres
possibles que nous désirerions investir dans notre présente étude.

L’intérêt de Diouf (2006) sur la problématique des gaspillages dans les cérémonies sociales
s’est traduit par son travail de recherche intitulée : « Funérailles sérère à Ndiagagnao : ces
morts qui nous coûtent la vie ».
Il étudie la place centrale des funérailles mais critique sévèrement les dépenses exorbitantes
qui les accompagnent dans le monde sérère.

79
P 72.
80
P 72.

34
Sa recherche s’est évertuée à mettre le focus sur les sacrifices financiers et matériels
titanesques consentis par des populations souvent sous le seuil de pauvreté, pour célébrer
leurs morts. Dans cette perspective il a jugé, d’abord, nécessaire de procéder à une relation de
la signification de la mort dans le système de représentation sérère.
Selon lui, la philosophie sérère perçoit ce phénomène comme le prolongement de la vie, un
séjour dans la cité des ancêtres où « l’ancien mythique va recevoir toute la descendance après
la mort »81. Il souligne que ce passage à l’autre monde, dans la croyance sérère, nécessite un
ensemble de rites sans lesquels, le défunt ne peut accéder au statut d’ancêtre bienfaisant. Il se
transforme ainsi en une âme errante et maléfique, pour toute sa famille et sa communauté.
Cela fonde, d’après son analyse, la conception sérère de la finalité du travail et de la
procréation, lesquels avaient pour but, chez l’individu, de permettre à ses survivants, de
prendre en charge les dépenses afférentes à ses funérailles.

Toute sa vie durant, le sérère préparait et rassemblait le bétail et les provisions nécessaires,
pour donner à sa lignée et à sa communauté les moyens suffisants, pour célébration fastueuse
de son voyage dans l’au-delà. Il s’assurait ainsi la félicité et préservait à la fois les siens de la
malédiction.

Ce mode d’accumulation, loin de l’affirmation de l’individualisme était plutôt égalitariste et


dirigé vers la satisfaction d’un besoin communautaire. Il constituait une puissante émulation
au travail. Et les cérémonies funéraires représentaient l’instance de régulation de la société
où, « tous ceux qui ont un devoir s’enorgueillissent de pouvoir l’honorer, et ceux qui
jouissent d’un droit le revendiquent, tout le système social est étalé à l’appréciation de tous.
Le champ des relations sociales et des différents modes d’alliances tissés par le mariage et
l’amitié, considérablement élargi à l’occasion, fait de la mort de l’homme en pays serer un
théâtre d’enjeux sociaux »82.

81
Seydina Issa Laye Thiaw islamologue, cité par l’auteur, p 9.

82
Amade Faye, anthropologue, cité par l’auteur, p 15.

35
Son étude montre aussi le rôle du matriclan dans ces festivités dont le caractère sacré et la
gravité des conséquences, en cas de négligence, sont redoutés de tous. Il souligne cependant
que tout ceci se passait dans le contexte de la société traditionnelle païenne et en dehors de
toute économie de marché.
Mais le fait culturel, par sa transcendance sur la communauté a survécu et s’est adapté à
l’évolution du temps et des nouvelles structures créées par l’économie monétaire capitaliste.
Ce que déplore l’auteur, c’est la tendance au maintien de la gabegie ; laquelle n’est même plus
destinée à des préoccupations d’ordre spirituel mais à l’ostentation. Il s’agit maintenant,
d’après Diouf (2006), de seulement faire comme les autres. Il faut sauver l’honneur quitte à se
dépouiller de ses biens et exiger des cotisations dans la famille et dans la communauté pour
relever le défi. Du fait de la crise, le défunt laisse rarement maintenant les ressources
nécessaires pour fêter sa mort. D’ailleurs, le plus alarmant, selon l’auteur, est la profusion de
ces fêtes qui durent presque toute la saison sèche et la vulnérabilité sociale qu’elles entraînent.
En effet, souligne-t-il, ces cérémonies laissent leurs auteurs généralement démunis
financièrement. Mais là apparaît encore la subjectivité quant à la perception des notions de
perte, de profit et de pauvreté. Selon Diouf, dans ce milieu, la solidarité exprimée par le don,
vaut mieux que ce que l’on donne et l’identité sociale, la socialité et la sociabilité sont
préférables à la richesse matérielle. D’où l’ambiguïté, résultant souvent du comportement
économique de l’africain, en général soumis aux contraintes de l’économie de marché, mais
toujours enclin à un mode de consommation de la société à économie de survie.

Ses travaux parlent du paradoxe constaté néanmoins entre les attitudes actuelles de certains
sérères qui fustigent ces pratiques pas compatibles avec la situation socio-économique du
moment et leurs comportements toujours conservateurs. Cela quelles que soient la catégorie
socioprofessionnelle et la religion d’appartenance du sérère. D’ailleurs, affirme-t-il, les
funérailles sont une question de vie ou de mort.

En définitive, cet ouvrage est d’une grande pertinence et d’une grande actualité. Elle dévoile
un aspect sur l’évolution de l’organisation d’une des nombreuses et coûteuses fêtes sociales
au Sénégal. Néanmoins, si certaines causes des gaspillages dans les funérailles sont évoquées,
elles concernent une ethnie et sont circonscrites dans un espace géographique limitée. Sous ce
rapport, leur généralisation, à priori, à toutes les autres cérémonies et à toutes les
communautés, qui ont d’autres spécificités, pose un problème d’ordre méthodologique. Une

36
situation qui motive d’avantage notre ambition de pousser les investigations sur les causes des
dépenses onéreuses dans les cérémonies familiales.

Sène (2003), s’est engouffrée dans la brèche ouverte par ses prédécesseurs et a axé son
mémoire de maîtrise de sociologie sur « le mariage à Louga : l’impact du phénomène moodu-
moodu sur le choix des conjoints ».
Son œuvre rappelle que le mariage est un facteur d’identification sociale. Mais, soutient-elle,
fortement marqué encore par l’endogamie, le mariage connaît aujourd’hui une
dénaturalisation. Celle-ci provient selon l’étude du pouvoir de l’argent tiré de l’émigration par
les moodu-moodu qui, du fait de la crise économique, sont les principaux acteurs du marché
matrimonial de Louga. L’auteur souligne les sommes d’argent importantes qu’ils déboursent
pour les mariages et qui sont hors de portée des sédentaires. À son avis, cette situation cause
ou aggrave la fracture sociale qui se traduit par une plus grande difficulté des jeunes restés
dans le terroir à trouver une épouse de leurs choix. Elle affecte même le statut social du
fonctionnaire qui est relégué aux rangs sociaux inférieurs, compte tenu de son pouvoir
d’achat relativement faible comparé à celui du moodu-moodu.

Toutefois, ce standing social exhibé par les émigrés cache mal le désarroi de certaines de
leurs épouses, après les mariages pour lesquelles beaucoup d’argent a été dépensé. Et le texte
révèle encore l’apparition d’un changement de perception chez des femmes célibataires quant
aux unions avec les émigrés du fait de ces conséquences sociales négatives.

En effet, avec la recrudescence du sida et des autres maladies sexuellement transmissibles


dans les couples de moodu-moodu, la fragilité des ménages due au manque d’amour et les
nombreux divorces dont ils font l’objet, les filles recommencent à s’intéresser aux
fonctionnaires.
Tout compte fait, Sène (2003), comme Samba Faye et Ndèye Khady Lo plus tard, pose la
question des conséquences de la recherche inconsidérée du prestige à travers les cérémonies
sociales somptueuses. En étudiant l’impact du phénomène moodu-moodu sur le
fonctionnement de l’institution matrimoniale, il pointe du doigt les dérives, issues des
alliances d’intérêt et basées sur l’argent.
Il ne traite cependant pas des facteurs explicatifs de la persistance des gaspillages dans les
cérémonies, ce qui est le but fondamental de notre recherche.

37
La contribution de Diop (2007), s’est faite sur : « la problématique de l’émigration et du
mariage : étude de cas des émigrés ressortissants du département de Louga ».

Diop, après avoir présenté le département de Louga comme une zone à fort taux d’émigration,
tente d’analyser les bouleversements sociaux introduits par cette sorte de « caste », constituée
par l’élite financière que sont les émigrés. Il essaie d’établir le rapport entre l’émigration et la
déscolarisation, le sida, l’adultère et surtout le mariage dans cette localité. Son étude traduit la
nouvelle structuration de la socialité autour de l’argent issu de l’émigration, et démontre
combien ce phénomène a travesti le mariage auquel il a donné un autre tournant.

A propos de la déscolarisation, il parle du manque d’intérêt de plus en plus remarqué chez les
jeunes enclins à quitter l’école tôt, pour entrer dans un processus dont l’aboutissement est
l’émigration. Cette perspective se déploie au niveau du système de représentation du lougatois
comme l’alternative la plus crédible et la plus rapide pour s’enrichir. Ainsi, si des garçons
abandonnent l’école pour voyager à l’étranger, des filles la quittent pour se marier, la plupart
du temps, avec ces émigrés de retour au pays. Ces deux causes sont à l’origine de soixante
onze pour cent des cas d’abandons étudiés par Diop (2007).
Son analyse de la situation matrimoniale des lougatois laisse voir une très forte tendance au
mariage de la frange de la population en âge de se marier. Il en ressort aussi que la polygamie
est présente dans quarante et un pour cent de l’ensemble des ménages enquêtés. Dans la
même lancée, l’étude du choix des filles pour leurs futurs époux montre une préférence de
cinquante pour cent en faveur des émigrés qui passent largement devant les fonctionnaires
avec moins de treize pour cent.

L’analyse se fonde aussi sur les données statistiques, fournies par le médecin-chef du centre
régional hospitalier de Louga pour établir le lien entre l’émigration et le sida. Selon elle, le
département de Louga abrite le plus de personnes séropositives de la région (cent quinze cas
pour un total de trois cent trente).
Le lien de l’impact de la pandémie avec l’émigration est posé par ces données faisant
apparaître que, quarante quatre pour cent des personnes infectées par la maladie ont un
rapport avec ces migrations. Cependant, ce sont les femmes qui paient le plus lourd tribut car
concernées par soixante dix huit pour cent des cas de séropositivité. Ce qui, d’après Diop
(2007), n’est pas étranger à la polygamie, ni à l’irresponsabilité de maris préférant cacher leur

38
maladie jusqu’à la mort, ni à la prostitution clandestine, trouvaille de certaines femmes
laissées seules par leurs époux sans ressources.

Les travaux de Diop évoquent les sommes exorbitantes, dépensées pour célébrer les
funérailles dont la cause reste relative à l’émigration clandestine avec l’usage des pirogues qui
a laissé beaucoup de vies dans les mers. Elle fait cas aussi des mariages fêtés de façon si
fastueuse et qui se terminent assez souvent par le divorce pour cause d’adultère, défaut
d’entretien de l’épouse ou plus génériquement pour incompatibilité d’humeur.
Diop note une forte récurrence des divorces dans les couples des émigrés représentant, à eux
seuls, soixante dix à soixante quinze pour cent des cas.

La recherche de Diop montre les conséquences entraînées par le phénomène de l’émigration


dans la communauté lougatoise et qui sont, assez souvent, désastreuses pour la vie de
certaines familles piégées par le goût du paraître. Toutes choses en liaison étroite avec les
dépenses excessives dans les cérémonies et plus particulièrement le mariage. Elle ne
s’intéresse, cependant, que dérisoirement aux causes de la persistance de ce problème social,
lesquelles font l’objet prioritaire de nos investigations.

Dans la même lancée Lo, N.K. (2009) a étudié la vie des femmes de Louga mariées à des
sénégalais travaillant à l’étranger notamment en occident.
Ainsi sa GEFEO/ DSJ, intitulée « splendeur et misères des épouses d’émigrés à Louga » se
penche sur les conséquences de la tendance des filles de Louga à n’épouser principalement
que les émigrés.
L’étude se veut une description des conditions très souvent désastreuses vécues par ces
femmes. Elle montre comment après les fastueuses célébrations de mariages noués très
souvent pour sortir de la précarité, ces dames se revoient plongées très généralement dans une
sorte de vie carcérale. Celles-ci, pour la plupart, sont abandonnées par leurs maris qui restent,
après le mariage, de longues années sans revenir au pays s’ils ne choisissent pas de demeurer
définitivement en occident. Elles sont laissées, dans plusieurs cas, à leurs belles familles
habituellement incompréhensives à leur égard, avec leurs enfants en charges, sans les moyens
auxquelles elles furent habituées durant les fiançailles.
Tentées par le désir de la chair ou tiraillées par les besoins matériels ou financiers, d’aucunes
nouent des relations adultérines clandestines, dont elles tirent quelques subsides pour résoudre
des problèmes de vie mais par lesquelles, malheureusement, elles contractent, des fois, des

39
maladies sexuellement transmissibles(MST) dont le sida, aggravant du coup la précarité de
leur existence.
Au bout du compte, déclare Lo (2009), parmi ces femmes, certaines demandent un divorce,
qu’elles ne peuvent obtenir, faute de disposer de ressources suffisantes pour rembourser la dot
souvent trop importante.

La tendance aux mariages somptueux affecte davantage les hommes qui n’ont pu trouver le
visa pour l’émigration. Ils ont toutes les difficultés à épouser des femmes de leurs choix, à
cause des sommes faramineuses attendues par les familles pour marier leurs filles que seuls
les modou-modou peuvent offrir.

Parallèlement, ajoute l’auteur, la jeunesse n’est pas épargnée. Elle n’est plus très intéressée
par l’éducation et la formation. Un seul rêve l’habite généralement, celui de se retrouver dans
les pays du Nord, pour vite s’enrichir et revenir faire comme les autres, c’est-à-dire construire
une grande villa et épouser des femmes à coup de millions. Aussi Lo parle-t-elle de ces
mariages au cours desquels, « la mariée, ses cousines et amies ne cessent de distribuer des
liasses de billets aux griots »83.
Le résultat de la recherche de Lô (2009) vient conforter la thèse de l’impact social négatif des
dépenses onéreuses dans les cérémonies familiales. Il met aussi en évidence leur caractère
parfois dramatique, et établit leur relation avec le besoin d’ostentation, lequel besoin est
fourni comme la seule explication au phénomène de cette gabegie qui vulnérabilise. Or, notre
étude se veut plus approfondie sur la question des causes qui, certainement, charrient d’autres
faits déterminatifs de cette situation.
I.4. Clarification conceptuelle.

- Facteur.

Le paradigme de toute connaissance scientifique est, en épistémologie, que les phénomènes


ne sauraient résulter d’une génération spontanée.

Le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert (Nouvelle Edition millésime, 2007) définit le


facteur comme :

83
P 51.

40
1- chacun des éléments constitutifs d’un produit.
2- substance, molécule qui favorise une fonction physiologique ou un processus pathologique.
3- chacun des éléments contribuant à un résultat.

Ces tentatives de définition sont complétées par celles fournies par le dictionnaire Quillet
de la langue française (1975), pour lequel, le mot facteur renvoie à :

1- Celui qui fabrique


2- Ce qui produit.
3- Chacun des éléments constitutifs d’un ensemble.
4- Agent chargé d’un négoce, d’un trafic, pour un négociant qui réside ailleurs.
5- Celui qui était chargé de remettre à leur adresse les envois confiés à la poste.
6- Chacun des termes d’un produit à effectuer.
7-Rapport de la valeur d’une certaine grandeur à la sortie d’un système et de la valeur de la
même grandeur à l’entrée.

D’autres prédicats sont donnés du concept « facteur ».


Ainsi, pour le dictionnaire Larousse (1988), le terme « facteur signifie :

1- Employé des postes qui distribue des lettres.


2- Elément qui concourt à un résultat.
3- Variable latente proposée par l’analyse factorielle pour rendre compte des corrélations
entre les notes obtenues par un sujet à une série de tests psychologiques.

Certaines de ces dernières tentatives d’élucidation renvoient à des éléments contributifs d’un
fait : les numéros 3 (Le Nouveau Petit Robert, Nouvelle Edition millésime, 2007), 2
(dictionnaire Quillet de la langue française (1975) et 2 (dictionnaire Larousse, 1988)

Cherchant les processus en cours, au niveau intrapersonnel et interpersonnel, au sein de


l’individu et de la société, explicatifs d’un comportement social, nous adopterons la troisième
définition du Nouveau Petit Robert (2007) qui conçoit le mot « facteur »comme « chacun
des éléments contribuant à un résultat ».

41
- Gaspillage.

Ce terme de gaspillage revient sans cesse dans les discours sur les cérémonies au Sénégal et
traduit selon le dictionnaire Quillet de la langue française (1975), « l’action de gaspiller »
ou de « dépenser avec prodigalité, dilapidation » ou encore de « gâter sans en tirer profit ».

Quant au dictionnaire Universel, il s’applique au « fait de consommer, dépenser sans utilité


et avec excès ».
Chez le Nouveau Petit Robert (2007), il signifie « dépenser, consommer sans discernement,
inutilement.

Cependant, ce qui est noté dans les cérémonies familiales tient, à bien des aspects, de ces
différentes clarifications, mais à aussi d’autres que les dictionnaires ne laissent rn époché car,
au Sénégal, ces dépenses répondent à un besoin lié au lien social et visent donc un but. Donc
la connotation d’inutilité et de non discernement reste à relativiser, tant toute action dans ce
sens s’inscrit dans un code socialement légitimé ou même exigé par le contrôle social mutuel
et satisfait un besoin au niveau individuel et collectif.

Pour nous, le gaspillage peut revêtir trois aspects liés à des niveaux et qualités d’utilisation
d’une ressource.
En effet, nous pensons qu’il il y a gaspillage quand une ressource est sous utilisée, sur utilisée
ou mal utilisée. Nous optons pour cette compréhension, ici, car dans les cérémonies, les
ressources financières et matérielles sont utilisées de façon disproportionnée, pour des besoins
généralement non prioritaires, dans le contexte de crise socio-économique actuel.

La Rome et la Grèce antique ainsi que la France du moyen âge et de la renaissance ont connu
des lois dites somptuaires pour protéger l’économie et maintenir le système de classes
sociales inégalitaires84. Il en est de même pour le Japon, sous l’ère Tokugawa (1607-1867).
Elles n’ont jamais, du reste, atteint leurs objectifs dans les dimensions et la durabilité
attendues.

84
?
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lois_somptuaires, le 22 04 011 ; 22h30.

42
Au Sénégal, de l’ère coloniale à nos jours, ni le dispositif institutionnel, ni la dynamique
sociale ne sont parvenus à contenir dans des limites légales les consommations dans les
festivités familiales.

- Cérémonie.

Par cérémonie, le dictionnaire Universel (3e édition, 1995 ) entend un ensemble de formes
extérieures réglées pour donner de l’éclat à une solennité religieuse. Elle se définit ici, en
plus, comme un ensemble de formalités observées dans certaines occasions importantes de la
vie sociale.

Pour le Nouveau Petit Robert (2007) et Hachette encyclopédique (2001), ce terme désigne
une manifestation excessive de politesse, de courtoisie dans la vie privée. C’est aussi la forme
extérieure de solennité accordée à un événement, à un acte important de la vie sociale. Cette
dernière définition correspond mieux au sens que nous conférons au mot cérémonie dans cette
recherche.
Elle revêt des aspects officiel, religieux, commémoratif et surtout familial en Afrique et au
Sénégal où elle garde encore un important rôle régulateur de la vie sociale.

- Famille.

Elle est définie par Le Nouveau Petit Robert (2007) comme :

- « les personnes apparentées vivant sous le même toit » ;


- « l’ensemble des personnes liées entre elles par le mariage et par la filiation ou,
exceptionnellement par l’adoption » ;
- « succession des individus qui descendent les uns des autres, de génération en
génération ».

Le dictionnaire Quillet (1975) en donne l’étymologie : la familia (le famulus, le


domestique) désigne l’ensemble des maîtres et des esclaves appartenant au maître.

Ces éclairages assez sommaires, comparativement à la réalité de la famille en Afrique, sont


approfondis par le dictionnaire Universel (1995). L’une de ses définitions prend mieux en

43
charge le contenu sémantique et sociologique que le concept famille recouvre dans l’esprit de
cette recherche.
En référence aux réalités sociologiques africaines, l’ouvrage dit de la famille qu’elle est un
« ensemble de gens ayant des liens de sang, d’alliance, d’amitié, de patronage et unis par la
solidarité ».

Cette approche correspond plus à la structure sociale de la famille et à son fonctionnement en


Afrique. C’est elle que nous choisissons pour notre investigation.

Au Sénégal, le terme mbok, désigne une personne de même famille que le locuteur et
renvoie en même temps à plusieurs types de liens sociaux allant de la parenté biologique aux
relations de voisinage, en passant par l’appartenance géographique, religieuse ou ethnique.
La force de ce lien social assure sa survie, sa reproduction, et son adaptation dans le contexte
socio-économique actuel structuré autour de la propriété divise, et de l’atomisation de la
famille par la monnaie et l’urbanisation.
Les cérémonies familiales sont devenues les principaux espaces de convergence de tous ces
liens. Elles permettent encore de maintenir le fonctionnement de la famille large.

Les fêtes, en Afrique en général, et au Sénégal plus particulièrement, sont une solennité de
famille au sens large, incluant l’ensemble de la parenté biologique, des amis, des voisins, de la
communauté tout court. Elles célèbrent la mort, la naissance et les articulations majeures de
la vie (mariages passages initiatiques etc.).

L’existence des fêtes remonterait à la naissance de l’humanité et assure à une fonction


essentielle de régulation de la vie sociale.
Leur organisation et leur fonctionnement laissent apparaître, cependant, chez le sénégalais,
trop souvent, le syncrétisme culturel caractéristique marquante de la vie sociale plus
généralement. C’est un mélange de rituels religieux divers, allant des traditions islamiques
aux pratiques animistes, et édulcoré par les influences issues de la période coloniale et de
l’ouverture médiatique, accélératrice de l’universalisation des cultures. Le tout dans une
ambiance festive caractérisée par une déréglementation des normes relationnelles, sexuelles,
de consommation…

44
Au Sénégal, les fêtes se caractérisent par une grande prodigalité constituée d’un système de
plus en plus complexifié d’échanges, de circulation de biens à l’intérieur de la famille et de la
communauté.

- Femme.

Le dictionnaire Hachette encyclopédique (2001) considère la femme comme tout être


humain du sexe féminin qui met au monde des enfants.

Le dictionnaire Larousse (1988) et Le Nouveau Petit Robert (2007), quant à eux, la


définissent comme un être humain adulte du sexe féminin.
Nous retiendrons cette dernière définition qui colle le plus à notre objectif de recherche par la
simple raison que certaines femmes ne sont pas fécondes et qu’elles n’en sont pas moins des
femmes.

- Mère.

Les dictionnaires Quillet de la langue française (1975) , Universel (1995 ) et Le Nouveau


Petit Robert (2007) assimilent le terme mère à une femme qui a donné naissance à un ou
plusieurs enfants. Or, au Sénégal, une femme peut avoir en charge les enfants d’un de ses
parents ou de ses relations. Ils se considèrent mutuellement comme mère et fils. Donc nous
considérons comme mère toute femme qui a donné naissance et / ou ayant en charge des
enfants par confiage ou adoption. Ce terme recouvre aussi toute la signification que nous
donnons au concept mère de famille dans cette étude.

- Baptême.
Pour le dictionnaire Quillet de la langue française (1975) et le Nouveau Petit Robert
(2007), le baptême est un « sacrement de l’église qui, par l’eau répandue sur le front du
baptisé, le rend chrétien et efface en lui le péché originel.

Le dictionnaire universel (1995), en donne la même définition, mais ajoute une autre, en
rapport avec les pratiques de l’Islam qui conçoit le baptême comme la cérémonie d’imposition

45
du nom, survenant sept jours après la naissance. Cette définition est celle que nous adopterons
dans cette étude ; elle est plus conforme aux pratiques dans notre milieu d’étude.

- Mariage.

D’après les dictionnaires Quillet (1975) et Universel (1995), le mot mariage est l’« union
légitime d’un homme et d’une femme » ou une « célébration des noces », ou encore l’ « union
établie entre deux choses ».

Pour le Nouveau Petit Robert (2007) c’est l’union légitime de deux personnes dans les
conditions prévues par la loi, ou l’action de se marier.

Nous retiendrons la première définition du dictionnaire Quillet (1975) et Universel (1995),


car la plupart des mariages, chez nous, se font légitimement, mais ne respectent pas toujours
les prescriptions légales.

- Funérailles.

Pour Quillet de la langue française (1975), c’est l’« ensemble des cérémonies d’un
enterrement » ou « convoi, l’ensemble des personnes accompagnant le corps d’un défunt ».
C’est aussi l’« ensemble des cérémonies qui marquent l’accompagnement d’un mort ».

Le Nouveau Petit Robert (2007) les conçoit comme l’ensemble des cérémonies accomplies
pour rendre les derniers devoirs à la dépouille de quelqu’un.

Le dictionnaire Universel (1995), après avoir donné une définition à peu prés identique aux
précédentes, en fournit une autre tenant compte des spécificités africaines, en la matière, et
qui conçoit les funérailles comme « cérémonies célébrées en l’honneur d’un défunt un certain
temps après l’inhumation et qui se terminent par la levée de deuil ».
C’est cette dernière définition, plus conforme à la réalité des funérailles dans notre cadre
d’étude qui sera retenue dans ce travail.

- Influence.

46
Selon Médiadico85 une influence est une « action qui s’exerce entre des personnes ou des
choses ».

Le dictionnaire Larousse (Edition Larousse, 1988) en donne une explication un peu plus
détaillée à partir des deux définitions suivantes :

- action qu’une personne exerce sur une autre.


- action qu’une chose exerce sur une personne.

C’est dans Le Nouveau Petit Robert (2007), que l’on trouve les définitions les plus proches
de la perception que nous avons du mot « influence » dans cette étude :
- Flux provenant des astres et agissant sur les hommes et les choses.
- Action qu’exerce une chose, un phénomène ou une situation sur quelqu’un ou quelque
chose.
- Action (volontaire ou non) qu’une personne exerce sur quelqu’un.
- Pouvoir social d’une personne qui amène les autres à se ranger à son avis.

Les définitions qui précédent font ressortir différents éléments sémantiques dont la
combinaison permettrait de produire le sens conféré au mot « influence », dans notre
recherche.
En effet, pour nous, ce mot renvoie aux multiples et divers effets (volontaires ou non)
qu’exerce une personne, une chose, un phénomène ou une situation sur l’individu ou le
groupe social.

- Environnement.

Le dictionnaire Quillet de la langue française (1975), définit le terme « environnement »


comme suit :

- Action d’environner ; son résultat.


- Ensemble des facteurs d’origine exogène dans leur action sur les êtres vivants.
- Milieu dans lequel vivent les hommes : le site, les constructions, etc. qui leur servent
de cadre habituel.
85
www.mediadico.com/ dictionnaire/définition, vendredi 29 juillet 2011,6H 20mn.

47
Selon le dictionnaire Universel (1995) c’est :

- l’ensemble des éléments constitutifs du milieu d’un être vivant.


- l’ensemble des facteurs naturels ou dus à l’action de l’homme (physiques, chimiques,
biologiques, sociologiques) qui constituent le milieu dans lequel, en un lieu et un moment
donné, vit l’homme ou une espèce animale ou végétale.

Le Nouveau Petit Robert (2007) définit « environnement » comme :

- l’ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles


(sociologiques) dans lesquelles les organismes vivants (en particulier l’homme) se développe.
- les conditions extérieures susceptibles d’agir sur le fonctionnement d’un système, d’une
entreprise, de l’économie nationale.
Dans cette étude, il s’agit de l’ensemble des conditions culturelles susceptibles d’agir sur le
fonctionnement de l’homme et du groupe social en un lieu et un moment déterminés.

- Socio-culturel.

Le Nouveau Petit Robert (2007) définit le concept socio-culturel par :

-ce qui concerne à la fois les structures sociales et la culture qui y correspond ;
-relatif à la culture d’un groupe social ou d’un type de groupe social.

Le dictionnaire Larousse (1988) en donne une compréhension très proche de la première


définition du Nouveau Petit Robert (2007) :

Relatif aux structures sociales et à la culture qui contribue à les caractériser.

La définition proposée par le dictionnaire Universel (1995 ne s’éloigne guère des deux
premières. Il veut dire ici : « qui concerne à la fois une société ou un groupe social et la
culture qui lui est propre ».

48
Toutes ces définitions réfèrent à deux concepts fondamentaux : la société et la culture qui
permet de la distinguer des autres groupes sociaux. Cependant, elles ne permettent pas une
compréhension explicite du concept « socio-culturel ».

Pour notre étude, « socio-culturel » renvoie à la forme d’organisation et de fonctionnement


social particulière, caractéristique discriminante, par rapport aux autres sociétés qui ont les
leurs propres, et qui résultent des formes spécifiques de représentation des valeurs morales du
bien et du mal, de la définition et du fonctionnement des statuts sociaux et des rôles, de la
nature et du fonctionnement des rapports sociaux, de la conception de l’homme et de la
société. Il intègre aussi les rapports entres les classes sociales et au sein de ces mêmes classes,
de même que le sens et la finalité donné au bien matériel, aux notions de temps et d’espace.

Nous fondant sur ces différents éclairages, « l’influence de l’environnement socio-


économique » signifie, dans cette étude, l’action que la forme particulière prise par une
organisation sociale, ses systèmes de représentation, ses normes et valeurs légitimées,
exercent sur le fonctionnement social aux niveaux individuel et collectif.

I.5. Objectifs de la recherche.

Il s’agit ici de l’objectif général et des objectifs spécifiques de la recherche.

I.5.1. Objectif général.

Cerner les causes des gaspillages, dans les baptêmes, les mariages et les funérailles, chez les
femmes mères de famille, du quartier Santhiaba Ndiobène de Rufisque.

49
I.5.2. Objectifs spécifiques.

- Décrire les caractéristiques socio-démographiques des femmes mères de famille, du


quartier Santhiaba Ndiobène de Rufisque.
- Décrire les pratiques cérémonielles porteuses des gaspilleuses, dans les baptêmes, les
mariages et les funérailles.
- Analyser l’influence de l’environnement socio-culturel sur les pratiques de gaspillage
dans les baptêmes, les mariages et les funérailles.

II.METHODOLOGIE.
Il est question dans cette partie, de rendre compte successivement de la méthode et du type de
recherche, de l’univers de l’enquête, de la stratégie de recherche et des limites et difficultés
récurrentes dans tout travail de cette nature.

II.1.Méthode et type de recherche.

Il est nécessaire de faire, ici, le départ entre méthode et type de recherche.

50
II.1.1 Méthode de recherche.

Notre recherche s’inscrit dans une tentative d’explication d’un fait social : les gaspillages
dans les cérémonies. Au surplus, ce thème n’a pas encore fait l’objet de beaucoup
d’investigations scientifiques. Ainsi, pour mieux camper le phénomène, nous avons opté pour
une recherche qualitative. Celle-ci, renseigne Benner (1994), permet de décrire l’univers
perceptuel de personnes vivant une expérience.

II.1.2. Type de recherche.

Nous avons effectué une recherche de type descriptif et exploratoire en ce sens que le thème
qui nous occupe, comme indiqué plus haut, n’est pas très documenté au plan scientifique. Il y
a peu d’écrits à caractère scientifique sur la question.

II.2. Univers de l’enquête.

Cet univers de l’enquête englobe le cadre d’étude et la population parent.

II.2.1. Cadre d’étude.

Notre cadre d’étude est le département de Rufisque. Il serait intéressant avant sa présentation
de faire un bref aperçu sur le Sénégal et la région de Dakar.

II.2.1.1. Le Sénégal.

 Généralités sur le Sénégal.

Situé à l’extrême ouest du continent africain, le Sénégal se trouve dans la zone intertropicale.
Le pays s’étend sur une superficie de 196 714 Km. Il partage ses frontières avec la
Mauritanie au Nord, les deux Guinées au Sud, le Mali à l’Est et l’Océan Atlantique à l’Ouest.
Sa capitale est Dakar.

51
 Caractéristiques physiques.

 Le relief.

Le Sénégal est, dans l’ensemble, un pays plat. Son relief est peu accidenté. Sauf quelques
hauteurs (les mamelles de la région de Dakar, les falaises de Thiès et les monts bassari), le
Sénégal est une vaste plaine avec de bas plateaux, par endroit.

 Le climat.86

Le Sénégal a quatre zones climatiques et sa frange côtière est fraîche pour une grande partie
de l’année. Mais dans les régions de l’intérieur, les températures peuvent atteindre en période
estivale 40°. Le climat est marqué par une alternance de cycles de sécheresse et d’abondance
des pluies. L’année est divisée en deux grandes saisons : une saison sèche d’octobre à juin et
une saison humide de trois mois en moyenne.

 La végétation.

Le Sénégal est un pays de savane et de steppe au nord, de savane arborée dans sa partie
orientale et de forêt dense dans sa zone septentrionale.

 La population.87

En 2004, l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) a publié des


« Projections de populations du Sénégal issues du recensement de 2002.

Selon cette source, la population du Sénégal comptait environ 1 million d'habitants en 1900 et
2,8 millions au moment de l'indépendance en 1960. Actuellement, cette population s'élèverait
à 11 343 328 personnes (estimation au 31/12/2007). Elle atteindrait 13 709 845 fin 2015.
Cette population croît donc très rapidement, avec un taux de fécondité supérieur à quatre
enfants par femme.
86
fr.wikipédia.org/ wiki /Géographie du Sénégal. Le 24 juillet 2011, 17h13.
87
Idem

52
On observe une grande diversité ethnique : Wolofs (43,3 %), Peuls (23,8 %), Sérères
(14,7 %), Diolas (3,7 %), Malinkés (3,0 %), Soninkés (2,1 %) Manjaques (2%) et quelques
autres ethnies moins nombreuses et plus localisées, sans compter les Libanais, les Européens
et les Chinois, assez présents en milieu urbain. En fin 2007, 16 966 Français étaient inscrits
dans les registres consulaires (y compris les binationaux).

Depuis longtemps, la population était plutôt concentrée sur la façade atlantique, mais l'exode
rural a accru l'inégalité de cette répartition. Désormais, un Sénégalais sur quatre vit dans la
région de Dakar et la capitale est au bord de l'asphyxie.

 L’économie88

Le Sénégal est membre de l'Union économique et monétaire ouest africaine et possède la


troisième économie de la sous région ouest africaine après le Nigeria et la Côte d'Ivoire.

La stabilité politique et la position géographique font de ce pays l’un des les plus
industrialisés de la sous-région. Comparé à d'autres pays du continent africain, le Sénégal est,
cependant, très pauvre en ressources naturelles. D’ailleurs, la pêche et le tourisme constituent
ses principales sources de devises.

En 1994, la monnaie est dévaluée et une politique de libéralisation est activement menée. Le
Sénégal essaye de rentrer dans les conditions requises par le Fonds monétaire international
(FMI) afin de bénéficier d'un allègement de sa dette pour le développement du pays. Depuis
2006, le Sénégal est dans la liste des pays éligibles.

En 2009 son produit intérieur brut était de 23,16 milliards de dollars soit 1 700 dollars par
habitant. Le secteur des services occupe 62,9 % de la main d’œuvre devant
l’industrie (23,3 %) et l’agriculture (13,8 %). Le taux de chômage urbain était de 25,6 % en
2010, avec un impact plus important chez les jeunes (40 %).

II.2.1.2. La région de Dakar.

La région de Dakar, est une presqu’île de 550km2 (0,28% du territoire national), pour une
population de 2 411 528 habitants ; soit une densité de 4.122habitants au km2.

88
Statistiques économiques du Sénégal, CIA World Factbook, 2008.

53
Elle est située à l’extrême Ouest du Sénégal, entre les méridiens 17°10 et 17°32 (longitude
Ouest) et entre les parallèles 14°53 et 14°35 (latitude nord). Elle forme la presqu’île du Cap-
Vert et occupe la position la plus avancée du Sénégal vers la mer. L’Océan Atlantique
constitue ses limites Nord, Sud et Ouest. A l’Est, elle partage ses frontières avec la région de
Thiès. La population urbaine représente 96,6% du total.

L’organisation administrative de Dakar fait ressortir quatre départements : Dakar,


Guédiawaye, Pikine et Rufisque, et 10 arrondissements.

Ancienne capitale de l’Afrique Occidentale Française (AOF), Dakar occupe une position
stratégique dans les échanges internationaux, et s’ouvre largement sur le monde par son
important réseau de communication (télécommunication, infrastructures aéroportuaires,
portuaires et routières).
Il abrite l’essentiel des activités économiques, administratives, culturelles et politiques du
pays. C’est aussi le lieu d’implantation des sièges de toutes les institutions de la République et
de ceux de la quasi-totalité des organismes privés établis au Sénégal.

II.2.1.3. Le département et la ville de Rufisque.

II.2.1.3.Le département de Rufisque.

 Présentation générale et historique.


Le département de Rufisque est situé à 25 km au Sud-est de Dakar.
Il est composé de 7 communes (Rufisque, Bargny, Sébikhotane, Diamniadio, Sindou,
Sangalkam et Jaxaay-Niacourb-Parcelles) ; de trois communautés rurales : Bambilor,
Tivaouane Peul et Yenn à la date du 25 mars 2011.
Rufisque a longtemps été la capitale de l'arachide et le principal port du Sénégal avant
l'expansion de Dakar. Florissante autrefois, surtout grâce à son infrastructure portuaire qui
polarisait la plupart des activités économiques, le département présente aujourd’hui un visage
désolant du fait du chômage et de l’insalubrité. Présentement, les emplois y sont rares avec la
dislocation du tissu industriel due à la crise économique. Mais elle a encore des potentialités
importantes aux plans économique et culturel. Les principales activités économiques
concernent la pêche, l'agriculture, le maraîchage, l'industrie et l'artisanat. Le tissu industriel
comprend la SOCOCIM, Valdafrique, ESPI, l'usine de chaussures New Team, l'usine de
production d’huile alimentaires (SONAR).

54
 Les caractéristiques socio- démographiques.

Le recensement général de la population et de l’habitat de 1998 a dénombré une population


de à 137 149 habitants avec un taux d’accroissement de 3,32%. Les estimations actuelles la
chiffrent à environ 260 000 habitants.
La répartition par âge montre que la population est jeune dans son ensemble. 66% de la
population ont moins de 25 ans.
La répartition par sexe montre la prédominance des femmes dans tous les quartiers89.
Malgré des conditions de vie peu favorables, Rufisque enregistre un accroissement rapide de
la population. Elle reçoit une part importante des flux migratoires sous régionaux et des
migrations internes. Du fait de la régression économique, c’est le développement du chômage
et de la pauvreté dans cette circonscription administrative où il faisait bon vivre avant les
débuts de la crise économique qui affecte l’ensemble du pays.

Les infrastructures sanitaires.

Le département compte deux centres de santé et une trentaine de postes de santé et de


cliniques privées. Mais si les infrastructures sont présentes, l’accès aux prestations pose
encore des difficultés avec la pauvreté qui ne permet pas toujours à tous de se soigner
correctement.

II.2.1.4. La ville de Rufisque.

 Eléments d’histoire.
La commune de Rufisque s'étend sur 42 km². D’après le recensement de la population de
2002, la ville compte environ 179 797 habitants répartis dans 92 quartiers90

89
www mairiederufisque.org. le 10 05 011, 23h34.

90
Www mairiederufisque.org. Le 10 05 011, 23h34.

55
L’histoire de cité remonte au XVIe siècle quand fut fondé Teung-Guedj devenu Tëngéej, un
village de pêcheurs et d’agriculteurs. En wolof, la ville porte le nom de. Rufisque a été érigée
en commune de plein exercice depuis 1880.Ancien comptoir portugais, la localité s’appela
Rufisco. Cependant l'étymologie de ce toponyme est encore incertaine.
Pour d’aucuns, il s'agirait de rio fresco (rivière fraîche), refresco (havre de fraîcheur) ou de rio
fusco (rivière noire).

L’urbanisation commencée autour de la zone portuaire s’est étendue vers l’Est et l’Ouest,
avant de se développer vers le Nord. Progressivement, aux populations autochtones, lébous,
traditionnellement pêcheurs et agriculteurs, se sont ajoutées d’autres ethnies.
En effet, du fait des migrations surtout internes et sous régionales, Rufisque est devenue une
ville cosmopolite avec la multitude d’ethnies qui y cohabitent dans la paix au point de
s’intégrer au gré des mariages.

Au plan culturel, la pratique du Ndep, séances d’exorcisme chez les lébous (80% de la
population), apparentées au vaudou, est une marque de la cité, tout comme les scènes de
goumbé et de ndëw rabine, danses tantôt langoureuses, tantôt frénétiques au rythme des tam-
tams et des chants qui retracent les généalogies et magnifiaient la générosité de leurs
dédicataires.
Autrefois, ces rencontres récréatives réunissaient les jeunes des deux sexes l’après-midi ou le
soir au clair de lune sur une place du quartier et pansaient les peines dues aux rudes travaux
champêtres et à dures tâches domestiques. Libérés des contraintes de la vie, les membres
d’une même communauté, les parrains de ces manifestations, les invités ainsi que les jeunes
de quartiers et de villages voisins partageaient ces moments de sains divertissements et de joie
qui participaient de la respiration sociale.

Par le décret n° 96-745 du 30 avril 1996, Rufisque est découpée en 3 communes


d'arrondissement . Aujourd’hui, la cité est la principale porte d’entrée et de sortie de la
capitale, Dakar. Cependant, le seul souvenir qu'elle laisse aux voyageurs c’est les vestiges de
la présence coloniale.

 L’environnement.

56
La ville de Rufisque est parcourue par 12 km 91 de canaux à ciel ouvert qui drainent les eaux
hivernales et permet l’évacuation d’une très grande part des eaux usées ménagères. Ils
reçoivent, avec le vent et du fait de riverains, des déchets de toutes sortes, favorisant la
reproduction des moustiques et parasites, mettant en danger la santé des populations.
Ce système de canalisation a été construit durant la période coloniale.
L’environnement urbain est aussi marqué par l’insalubrité, l’obsolescence des équipements,
la pression démographique et l’occupation anarchique de l’espace visible dans certains
quartiers, encore non structurés.

 La population.

 Les caractéristiques socio-économiques.

Rufisque est victime du transfert de ses activités portuaires au port de Dakar et du


démantèlement de beaucoup de ses unités industrielles. Néanmoins, quelques entreprises
subsistent et, comme un peu partout au Sénégal, des stratégies de survie sont développées à
travers le commerce, des activités du secteur primaire (pêche, agriculture, élevage
notamment), l’artisanat et les services. Cela explique la faiblesse des revenus, le chômage
grandissant et surtout la pauvreté urbaine.

 Les grandes étapes de l'évolution de la commune.

La commune de Rufisque s'étend sur 42 km² et son évolution a connu cinq grandes étapes.

1880: création de la commune de Rufisque. Le 7 novembre 1880, les rufisquois avaient été
appelés à désigner leur premier conseil municipal. Les négociants sont ici chez eux et ne vont
cesser de l’être jusqu’en 1914. Joseph Assémat, représentant d’une maison de commerce, est
élu maire. Il démissionne en mars 1882 pour être remplacé par Sicamois.

1964: rattachement de Rufisque à la commune de Grand Dakar.

1984: création de la commune de Rufisque-Bargny (décret 831129 du 29 octobre 1983;

91
?
http://www.rufisquenews.com/rufisque.html. le 11 05 011. 21h 30.

57
1990: éclatement de la commune de Rufisque-Bargny en 2 communes : la commune de
Rufisque et celle de Bargny.

1997: la commune de Rufisque est érigée en ville à la suite de son découpage en 3 communes
d'arrondissement: Rufisque Est, Rufisque Ouest et Rufisque Nord.

II.2.1.5. Le quartier Santhiaba Ndiobène.

Santhiaba et l’un des plus anciens quartiers traditionnels ou penc de la ville. La date de sa
création est encore imprécise même si on la situe vers la fin du XIXe siècle.

 Trajectoire historique.

Il est l’un des quartiers de la commune d’arrondissement de Rufisque nord qui compte
33 274 habitants.92

Le quartier était situé à l’origine vers l’emplacement actuel de l’église Sainte Agnès de
Rufisque. Peu avant la fin du XIXe siècle, Il en fut déplacé, pour raison de ségrégation
spatiale imposée aux populations et au profit du colonisateur, maître tout puissant.

Selon les sages, à l’instar de Baay Magou Seck, la population, sous l’influence de Baay
Gouye Bâ (1852-1959), en 1948, sentant l’imminence de conflits avec les propriétaires
terriens, demanda et obtint la régularisation de la situation des terres sur lesquelles ils étaient
réinstallés par l’administration coloniale.
Après un procès, remporté grâce à l’aide d’un avocat dont les honoraires ont été payés sur la
base de cotisations (1000 F.CFA par père de famille), la population a obtenu le titrage de ce
domaine qui est devenu le titre foncier collectif N° 1808 consacrant ses droits de propriété sur
ce sol.

92
?
Mairie de Rufisque, « Recensement général de la population et de l'habitat - décembre 2002 - Résultats
provisoires », in Projections de population du Sénégal issues du recensement 2002, Direction de la Prévision et
la Statistique, janvier 2004

58
 Situation actuelle.

 Le cadre physique.

Aujourd’hui, Santhiaba est resté un quartier populaire et traditionnel. Non loti, il présente,
malgré la route qui la traverse de part en part et ses maisons construites en dur, toutes les
caractéristiques d’un quartier à habitat spontané. Les vieilles bâtisses y côtoient les
constructions modernes. Ce quartier est parcouru par des ruelles sinueuses et sablonneuses,
parfois étroites et mal éclairées, la nuit par des lampadaires au nombre insuffisant et aux
ampoules souvent grillées. Il est entouré par trois canaux à ciel ouvert, curés périodiquement
mais qui favorisent le développement de vecteurs de maladies, comme le paludisme, très
fréquent.
Tout cela n’en fait pas moins un endroit paisible, encore à l’abri de l’insécurité, en dépit du
chômage très répandu chez les jeunes plutôt attirés par la vie religieuse, sportive et culturelle.

 L’habitat.

L’habitat, autrefois, offrait des conditions d’hébergement suffisantes à tous les habitants, et
aux étrangers souvent logés gracieusement. Aujourd’hui, les concessions, naguère spacieuses,
laissent de moins en moins de places aux nouvelles générations avec la grande poussée
démographique, aussi certains rejoignent-ils les nouveaux quartiers, s’ils ne choisissent pas de
s’implanter à Dakar ou ailleurs dans la région. Néanmoins, les équipements de base (l’eau,
l’électricité, les soins de santé, les établissements scolaires et le téléphone) existent et sont
accessibles. Les lieux d’approvisionnement en denrées de consommation courante sont
essentiellement les boutiques. Elles sont nombreuses et dispersées dans le quartier. Mais du
fait de l’éloignement des marchés, quelques rares étalages, pendant la journée, proposent du
poisson et des légumes pour compléter les menus.

 La population.

Santhiaba est habité par les descendants de ses fondateurs. Les habitants sont presque tous
apparentés. Ils constituent une sorte de clan. Le patronyme du quartier en dit déjà long.

59
Ndiobène veut dire : « chez les Diop93 ». Sauf quelques étrangers dont la plupart ont intégré le
système de parenté, au gré des échanges matrimoniaux, ici tous descendent du même ancêtre.
Des rapports très étroits de convivialité construits autour des groupes d’âges, des associations
religieuses, socioculturelles et sportives caractérisent la vie sociale, et conservent la stabilité
locale.
La vie religieuse est très marquante dans le quartier, depuis les premières générations
structurées en dahira, pour la plupart des habitants, sous l’impulsion d’un grand mouhadam94
Tijane et de ses descendants. Les activités confrériques, surtout celles des Tijanes, des
Mourides et des Khadres95 rythment le quotidien, avec une jeunesse très portée vers la
spiritualité et le sport comme mentionné plus haut.
La pratique sportive occupe les jeunes, plus particulièrement pendant les grandes vacances,
avec le mouvement navétane96 par lequel, le quartier a élargi la sphère de sa célébrité qu’il a
portée au niveau national par son très brillant palmarès. Son ASC est l’une des plus connues
de la ville.
Santhiaba a donné au pays et à la ville, beaucoup de hauts cadres dans des domaines très
variés , allant de l’énergie à l’aéronautique civile et militaire ,en passant par les sports,
l’éducation , la santé, l’imprimerie , le bâtiment et l’administration.
La configuration de la population est celle que l’on retrouve presque partout au Sénégal et en
Afrique, avec une base très large et un sommet aigu. Les jeunes, souvent face au chômage,
n’ont aucun dispositif formel d’insertion ou de réinsertion dans les rapports de production.
Seuls quelques uns ont accès, à un emploi stable. Et cela n’est pas étranger à la crise
économique endémique dont les conséquences, ici, sont la déstructuration du tissu industriel
enclenchée avec le transfert des activités portuaires et la délocalisation, sinon la fermeture
pure et simple, d’entreprises, pour raison économique.
Les activités économiques développées restent le petit commerce et l’artisanat. Des boutiques
de denrées à consommation courante et quelques ateliers artisanaux fournissent des biens et
services de proximité.
Santhiaba est dans ses grands traits à l’image de la ville qui tarde à trouver les ressources et la
stratégie nécessaires à son développement économique et social.

II.2.2.Population parent.
93
Patronyme très répandu chez tous les sous groupes wolof et surtout chez les lébou.
94
Guide religieux musulman (El Hadji Daouda Ndiaye).
95
Principaux groupes confrériques musulmans à Santhiaba.
96
Activités sportives et culturelles gérées par (Organisme National de Coordination des activités de Vacances
ONCAV.

60
La recherche en sciences sociales se fonde, sur une méthodologie aux normes scientifiques,
impliquant nécessairement une cible bien identifiée. Dans cette étude descriptive, l’essentiel
des informations pertinentes est fournie au chercheur par cette population parent dans laquelle
on trouve la population accessible, celle qui, peut être atteinte par l’enquêteur.
Ainsi, pour notre étude, la population parent se trouve être les femmes du quartier Santhiaba
Ndiobène de Rufisque. Le choix de ces femmes, comme population parent, encore appelée
population de référence ou population mère, se justifie par le fait qu’elles sont les principales
actrices dans les cérémonies familiales. Elles cristallisent autour d’elles presque toutes les
activités pour lesquelles l’argent est dépensé, en grande quantité, dans les cérémonies, avec
les dons /contre dons. Et la population accessible sera alors les femmes mères de famille des
différentes générations et résidentes dans le quartier. C’est cette population accessible qui fera
l’objet de l’échantillonnage dont il sera question plus loin.

II.3. Stratégie de la recherche

La stratégie de la recherche va s’articuler ici autour de la recherche documentaire, de


l’échantillonnage, de la collecte et du mode de traitement des données.

II.3.1. La recherche documentaire.

La recherche documentaire nous a permis de procéder à la recension d’écrits et d’informations


relatifs au thème de notre recherche. Elle a, en effet, permis la construction de notre
problématique et la revue de la littérature.
La recherche documentaire a été d’un apport fondamental dans l’élaboration de ce travail. La
lecture a porté sur des documents comme, les quotidiens, les revues, les hebdomadaires, les
mensuels et la littérature romanesque. Elle s’est aussi et principalement intéressée à la
littérature scientifique sur la question. Ici, l’essentiel est constitué de mémoires de fin
d’études, notamment ceux de l’ENTSS, de la faculté des lettres et sciences humaines, du
CESTI, de l’ENDSS, de l’IUT et de l’ENSETP. Ont été consultés les archives, documents et
ouvrages de la bibliothèque d’ENDA et de la médiathèque du CESTI. Dans la même
perspective, nous avons visité les sites Internet de la mairie de Rufisque, de Rufisque News,
de wikipédia...

61
Des enregistrements vidéo ont été aussi visionnés, pour permettre une observation plus
pointue des scènes de cérémonies familiales et permettre la vérification de certaines
déclarations reçues lors de l’enquête de terrain.

II.3.2. L’échantillonnage.

Comme son nom l’indique, il s’agit ici de choisir l’échantillon c'est-à-dire le nombre de
personnes qui feront l’objet de l’enquête.

II.3.2.1. Méthode d’échantillonnage.

Nous avons choisi la méthode non probabiliste car nous n’avons pas besoin d’une base de
sondage. Dans ce cas précis, le choix des unités se fait d’une manière qui n’emprunte pas aux
mathématiques leur rigueur.

II.3.2.2. Technique de l’échantillonnage.

Compte tenu de la connaissance que nous avons des hommes et des femmes du quartier pour
y avoir vécu plus d’une quarantaine d’années, nous avons pensé que l’échantillonnage typique
ou choix raisonné, nous permettra d’avoir les meilleures informations.

En fait, l’échantillonnage typique privilégie les personnes types ou idéales susceptibles de


fournir sur la question les meilleurs renseignements, compte tenu de leur statut de personnes
influentes ou charismatiques et très au fait de ce qui concerne notre sujet.

II.3.2.3. Taille de l’échantillon.

Kane (2004) renseigne qu’en matière d’étude qualitative, ce qui importe, c’est moins la
représentativité statistique que la qualité des réponses. Fort de ce constat nous voulions au
départ enquêter jusqu’à trente personnes. Seulement, au bout de seize personnes, nous avions
atteint le stade de la saturation. Les réponses qui revenaient, reprenaient souvent la même
argumentation. Elles n’apportaient plus de nouvelles informations. Ceci dit, notre position va
en droite ligne avec cet éclairage de Deslauriers (1991)97 : « lorsque les répétitions sont
97
Deslauriers. J .P « Recherche qualitative, guide pratique », Montréal, MC Graw Hill Edition 1991.

62
suffisantes, on cesse de les accumuler, car les nouveaux cas ne nous apprennent rien qui ne
soit connu ». Nous nous adossons aussi sur cette position défendue par Deslauriers qui
soutient : « la prédétermination de l’échantillon n’est pas toujours de mise dans la mesure où
elle dépend de plusieurs facteurs dont le plus important demeure la saturation des catégories :
clé de l’analyse qualitative »pour ne pas nous focaliser sur un nombre de personnes à
enquêter.
Compte tenu de la thèse défendue plus haut, nous avons procédé à des enquêtes jusqu’à
atteindre la saturation. Ainsi, la taille de notre échantillon est de seize unités.

II.3.3. Collecte des données.

Pour la collecte d’informations fiables, susceptibles de fournir des données appropriées et


indispensables à l’atteinte des objectifs de cette étude, nous avons fait appel à quelques
techniques de collecte et à des instruments.

II.3.3.1. Techniques de collecte des données.

La technique utilisée, dans le cadre de notre recherche, est essentiellement l’interview et


l’observation.
 L’interview.

L’interview est une situation d’interaction entre le chercheur et son interlocuteur. Il permet
d’obtenir des informations de l’interlocuteur sur les faits qu’il connaît.

 L’observation.

Il ne s’agit pas ici de seulement considérer les choses et les gens qui nous entourent. Elle va
plus loin en considérant les choses et les gens avec attention. Elle nous permet de retenir les
faits au moment où ils se passent.

II.3.3.2. Les instruments de collecte.

Notre choix a porté sur le guide d’entretien et la grille d’observation, comme principaux outils
de collecte des données.

63
 Le guide d’entretien.

Il a été élaboré en fonction des objectifs spécifiques qu’on a pu faire ressortir. Il s’agit de la
description socio démographique des femmes enquêtées, la description des différentes
pratiques de gaspillage dans les cérémonies et de l’influence de l’environnement social sur les
gaspillages.
L’utilisation de ce guide nous a permis de recueillir des informations pertinentes sur notre
objet de recherche.

 la grille d’observation.

Notre grille d’observation a été d’un apport essentiel dans la collecte des données notamment
dans la description de l’environnement social des cérémonies. Avec un journal de bord, nous
avons pu recueillir des éléments relatifs au mode d’organisation des cérémonies, à
l’atmosphère dans laquelle elles se déroulent, distinguer les différents acteurs et leurs statuts,
rôles et identifier les influences mutuelles dans ces solennités.

II.3.4. L’administration des instruments.

L’administration de notre instrument n’a pas été difficile du fait de la nature des relations de
bon voisinage ou professionnelles que nous avons avec les enquêtées. Les informations ont
été recueillies avec un enregistreur téléphonique pour conserver l’intégralité du verbatim de
chacun des interlocuteurs dans l’étude. Nous avons dû dans les entretiens, introduire les
questions à discuter.
L’administration s’est déroulée dans les foyers et services, mais en entrevue directe avec la
personne enquêtée, pour surtout percevoir les mobiles objectifs du gaspillage, relevant de la
dynamique sociale. Il s’agissait de voir, au-delà des intentions déclarées et de toute la
solennité qui accompagne les dons mutuels, quel est le sens réel qui leur est donné par les
acteurs, et quelles sont leurs attitudes sur ces pratiques gaspilleuses. Cette approche visait
aussi à comprendre les buts sociaux poursuivis par chacune des parties dans les échanges de
cadeaux au cours des cérémonies. Chaque entretien a duré environ quarante cinq à cinquante
minutes, pour approfondir certains aspects des points soulevés.

64
II.3.5. Mode de traitement des données.

L’orientation qualitative de notre recherche nous a amené à une analyse de contenu ; laquelle
analyse va s’intéresser à la transcription des verbatims, à la catégorisation et au codage.

Il s’agit de la reproduction écrite des avis donnés par les enquêtées ; ce qui a été facilité par
les enregistrements sonores de leurs discours.

 La catégorisation.

La catégorisation implique une connaissance approfondie du texte. Une lecture-relecture du


texte permet de mieux pénétrer le texte. Cet exercice permet de faire ressortir les sous
catégories c'est-à-dire les idées qui ont une certaine ressemblance.
Ces sous catégories ont été rassemblées encore sur la base de l’unité de sens. Ce qui a donné
lieu à de nouvelles catégorisations.

 Le codage.

Pour pouvoir citer clairement le participant dans l’analyse, une lettre et un numéro ont été
attribués à chacun des enquêtés, un numéro à la ligne et à la page de son verbatim. Ainsi les
enquêtées sont classées de L 1 à L 16. Le premier chiffre suivant le numéro de l’enquêtée
représente le numéro de la ligne du texte de son verbatim et le second chiffre renvoie à la
page.
Exemple L 1.2.1 signifie : enquêtée n°1, ligne 2, page1.

II.4. Limites et difficultés.

 Les limites.

Les limites de notre travail ont été de plusieurs ordres. Il convient de signaler la difficulté à
recueillir et traduire avec exactitude les sentiments d’une personne avec le maximum

65
d’objectivité. Les cérémonies sont un espace de valorisation sociale des participants et surtout
des organisateurs.
En outre, la taille réduite de notre échantillon, de même que la variété des pratiques
cérémonielles dans les différentes communautés, ne permettent pas la généralisation des
résultats de notre recherche.

 Les difficultés.

Nous n’avons pas rencontré de difficultés majeures dans le processus de cette étude, à part
celles liées à la recherche documentaire, avec la rareté des études consacrées spécifiquement
à ce thème. Il importe aussi de souligner les coupures intempestives, fréquentes et prolongées
de la fourniture d’électricité qui ont beaucoup ralenti notre rythme de travail.

III. ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNEES.

Cette étape de la recherche, dite phase empirique, comporte la présentation, l’analyse et


l’interprétation des données issues de l’enquête de terrain effectuées de novembre 2010 à mai
2011et qui porte sur les trois objectifs spécifiques de notre étude que sont :

- la description des caractéristiques socio-démographiques des femmes mères de


famille, du quartier Santhiaba Ndiobène de Rufisque,
- la description des pratiques gaspilleuses dans les cérémonies de baptême, de mariage
et de funérailles et
- l’analyse de l’influence de l’environnement socio-culturel sur les pratiques de
gaspillage dans les cérémonies.

III.1. Description des caractéristiques socio-démographiques.

66
Cette partie présente les résultats de l’enquête selon les variables à savoir : l’âge, l’ethnie,
la situation matrimoniale, la composition de la famille, le niveau d’études et l’activité socio-
professionnelle.

III.1.1. L’âge.

Tableau n°1 : Répartition selon l’âge.

Tranche d’âge Effectif

18ans-50ans 7

50ans-65ans 6

65ans et plus 3

Total 16

Source : enquête de terrain : mai 2011.

Ce tableau montre la présence, dans l’échantillon, de toutes les tranches d’âge.


Ainsi, le premier groupe est constitué des jeunes femmes, celles âgées entre,
approximativement, 18 et 50 ans pour lesquelles sont organisées la plupart des cérémonies.
Elles sont au nombre de 7. Leur nombre dans les cérémonies est plus important, du fait,
comme l’expliquent L.7.1 .3 et L.8.1.3: « nous sommes celles pour qui ces fêtes sont
organisées pour la plupart, notamment les baptêmes et les mariages. C’est nous qui
honorons nos belles familles et pour cela toutes les femmes de notre génération sont
présentes ainsi que nos sœurs et toutes nos connaissances».
La seconde catégorie, celle qui regroupe les 40-65 ans, est la cheville ouvrière des festivités
domestiques. Cette classe, intermédiaire entre les femmes du troisième âge maintenant au
repos et les jeunes générations encore insuffisamment initiées aux traditions, a généralement
la responsabilité de l’organisation des cérémonies. Elles décident des dépenses à effectuer,
des invitations, de la restauration et des différentes prestations à faire lors des échanges de
cadeaux entre les familles .Elles sont comprises dans la tranche d’âge de 50 à 65ans. Avec un
total de 6, ces dernières sont accompagnées et encadrées par les femmes du troisième âge,

67
dépositaires des traditions. Ces dernières apportent des conseils et des appuis financiers selon
les possibilités de leurs situations sociales pour la réussite des cérémonies. Eprouvées par
l’âge, elles accompagnent, pour la plupart, leurs enfants et leurs sœurs cadettes pour le respect
des traditions. C’est celles qui ont dépassé soixante cinq ans. Elles sont au nombre de 3.Leur
présence plus réduite dans ces évènements, surtout pour les plus âgées, celles qui ont dépassé
soixante dix ans, est souvent liée aux difficultés de mobilité pour certaines et à la durée des
rencontres pour d’autres. Il faut signaler toutefois que même les absentes reçoivent leurs parts
des cadeaux distribués.

III.1.2. L’ethnie.

Tableau n°2 : Répartition selon l’ethnie.

Ethnie Effectif

Lébou 12

Bambara 2

Peuls 1

Diakhanké 1

Total 16

SOURCE : enquête de terrain, mai 2011.

68
Comme il ressort du tableau, presque toutes les femmes enquêtées appartiennent à l’ethnie
lébou. Cette prédominance reflète la structure de la population de Santhiaba qui est un
quartier traditionnel lébou. Au surplus, les minorités culturelles se sont dissoutes dans les
traditions locales du fait des échanges matrimoniaux. Ces groupes ethniques ont adopté les us
locaux en raison de leur intégration dans les réseaux de solidarité. Selon L.8.3.3 « en ville, les
bambaras sont contaminés par le lébous ». Pour l’essentiel, toutes les femmes partagent,
ici, les mêmes pratiques cérémonielles. C’est ce que traduit cette déclaration de L.9.3.2:
« nous ne pouvons pas imposer nos coutumes aux lébous, en matière de cérémonie. Une
fois que nos enfants épousent les leurs ou si nous sommes mariées dans leurs familles,
nous sommes obligées de suivre leurs traditions, même si nous ne les approuvons pas
toujours ».

III.1.3. La situation matrimoniale.

Tableau n°3 : Répartition selon la situation et l’option matrimoniales.

Tranche
d’âge Situation matrimoniale Option matrimoniale

Marié Célibataire Divorcée Veuve monogame Polygame

18-50 ans 5 0 2 0 5 2

50-65 ans 6 0 0 0 2 4

65 ans et 0 0 0 3 2 1
plus

69
Total 16 16

Source : enquête de terrain, mai 2011.

Les données du tableau ci-dessus nous apprennent que la majorité des mères de familles avec
lesquelles les entretiens se sont faits sont mariées. Moins nombreuses que les veuves, âgées de
plus de soixante quinze ans, les divorcées, appartiennent principalement à la classe des jeunes
femmes.
Les femmes interrogées vivent, ou vivaient avant le divorce ou le décès du mari, dans la
plupart des cas, dans des ménages monogames. Mais la polygamie est tout aussi présente
comme dans le plus grand nombre des localités lébous.

III.1.4. La composition de la famille.

Tableau n°4 : Répartition selon La composition de la famille.

Tranche d’âge Effectif Composition de la famille

Couple unique Plusieurs couples

18-50 ans 7 0 7

50-65 ans 6 2 4

65 et plus 3 0 3

70
Total 16 16

Source : enquête de terrain, mai 2011.

Les résultats obtenus permettent de constater que la majeure partie des femmes actrices de la
gabegie festive vit dans une famille élargie. Sur une population totale de 16 femmes
enquêtées, 14 partagent leurs concessions avec d’autres couples formés par leurs beaux frères
ou belles sœurs. Un nombre négligeable (deux) d’entre elles vivent dans une famille
nucléaire.
Il est bon de noter, néanmoins, que ces deux catégories de femmes se considèrent astreintes
aux mêmes obligations, dans les festivités, à l’égard des beaux parents et de la collectivité.
« Les devoirs de teranga98 surplombent les clôtures des maisons » disait L.6.2.3 pour
signifier que nul n’échappe à la règle.

III.1.5. Niveau d’études.

Tableau n°5 : Répartition selon le niveau d’études.

Niveau d’études Effectif

Primaire 6

Moyen 1

Secondaire 1

Supérieur 3

98
Ce mot wolof renvoie à un concept central référent à plusieurs signifiés qui se complètent pour rendre plus
exhaustivement son sens. D’abord, l’honneur. Mais ici il est rendu en public, à une personne pour traduire son
statut social, la proximité parentale, l’importance et l’intensité des relations d’alliance, l’expression de la
réciprocité.

71
Alphabétisée en wolof 2

Non alphabétisée 3

Total 16

Source : enquête de terrain, mai 2011.

La scolarisation des enfants, très tôt commencée dans le quartier, a fait que la majeure partie
des femmes a fréquenté l’école avec, bien sûr, des durées de séjours et des fortunes diverses.
La première école de Santhiaba date de 1957. Et les établissements scolaires de proximité, de
l’élémentaire au secondaire, accueillent les jeunes de la localité. Ainsi, un cumul de 11
femmes enquêtées, tous niveaux d’instruction confondus, ont eu accès à l’éducation formelle.
De plus, la classe d’alphabétisation, implantée dans le quartier, apprend à celles qui n’ont pas
eu l’opportunité d’être scolarisées, à cause de pesanteurs socio-culturelles, à lire, écrire et
calculer en wolof.
« Je suis impliquée dans les pratiques de gaspillages liées aux teranga dans les
cérémonies, comme toutes les femmes du quartier, à la différence que je ne les accepte
pas dans les funérailles » soutien L.16.3.1 qui est l’une des plus instruites. Ce qui n’est pas
loin de cette autre déclaration de L.2.2.2: « je récuse les pratiques usurières liées aux
parrainages, et aussi les doublements des cadeaux dans leurs échanges, mais j’utilise
mes propres ressources pour financer les teranga qui sont incontournables ».
Ces propos attestent que, malgré les différences des niveaux d’éducation, les femmes
subissent la loi de la majorité de leurs pairs. Celles qui sont instruites, comme les
analphabètes, toutes, obéissent aux usages en cours dans le quartier, notamment la pratique
des dons et contre dons onéreux dans les fêtes domestiques.

III.1.6. Activités socio-professionnelles.

Tableau n°6 : Répartition selon l’activité professionnelle.

Activité Effectif

Inspectrice de l’éducation nationale 1

72
Maîtresse d’économie familiale 2

Ouvrière 1

Commerçante 6

Ménagère 6

Total 16

Source : enquête de terrain, mai 2011.

Les données exposées par le tableau n° 6 permettent de dire qu’un effectif cumulé de 10
femmes, sur les 16 enquêtées, mène une activité professionnelle.
Elles sont peu nombreuses dans le secteur formel (la fonction publique et les entreprises
privées) où elles sont aussi présentes. Par contre, les commerçantes sont plus nombreuses.
Mais c’est du petit commerce qu’il s’agit généralement car une seule, d’entre elles, fait le
commerce à l’intérieur du pays. Les autres s’adonnent à la vente de petits objets usuels, de
denrées alimentaires et de produits cosmétiques ou d’hygiène domestique. Les ressources
tirées de ces activités servent à satisfaire certains besoins de base mais aussi à honorer les
cotisations des tontines journalières, hebdomadaires, mensuelles ou occasionnelles. Elles sont
aussi utilisées dans les festivités sociales. L 8.3.2 affirme : « Il est vrai que nos maris et
certains de nos frères, qui en ont les moyens, nous aident tantôt à faire face aux dépenses
de cérémonie. Mais, le plus souvent, l’argent dépensé dans les échanges de teranga
provient de nos activités propres et de nos tontines ».
Il y a lieu de noter qu’un nombre important de femmes n’exerce aucune activité lucrative.
III.1.7. Affiliation aux organisations.

Tableau n°7 : Répartition selon l’affiliation aux organisations.

Type Effectif

Tontine 16

73
Dahira 13

Mutuelles d’épargne et de crédit 4

Source : enquête de terrain, mai 2011.

Le coût élevé des cérémonies et la modicité des revenus des femmes, ainsi que le besoin
d’appartenance obligent presque toutes les femmes, indépendamment de leurs âges, à adhérer
aux différentes associations communautaires et à certaines institutions de micro finance.
Ainsi, ces associations construites autour des groupes d’âges sont une reproduction des celles
créées par les premières générations du quartier. Même les plus âgées qui ne sont pas encore
frappées par la sénilité adhèrent aux associations. Celles touchées par le poids des ans et qui
ne peuvent plus participer aux activités associatives sont néanmoins considérées comme
parties intégrantes de ses organisations où elles se sont investies. Si toutes les femmes vues
pendant les interviews sont membres au moins d’une tontine, les adhésions aux organismes de
micro finance sont très faibles. Ces caisses d’épargne et de crédit n’ont pas su attirer
l’engouement des habitantes du quartier qui préfèrent les « nat »99, plus accessibles et mieux
maîtrisés. Peu, parmi elles, ont souscrit à ces formes nouvelles d’organismes de financement,
lesquelles ne possèdent, du reste, aucune structure physique ou organisationnelle dans le
quartier.

III.2. Description des pratiques cérémonielles porteuses de gaspillage, dans les


cérémonies familiales.

Ce chapitre a pour but d’analyser les différentes prestations consenties par tous les
participants, en interaction dans le processus de chacune des cérémonies à l’étude, et du cadre
d’expression du gaspillage. Elle étudie aussi les différents acteurs et leurs rôles, lors de ces

99
Systèmes d’entraide locaux, communément appelés tontines ou systèmes de crédit rotatif.

74
évènements avant d’aborder l’impact des innovations, introduites dans les festivités, sur la
gabegie.

III.2.1.Les prestations cérémonielles.

III.2.1.1. Le mariage.

Pour les trois cérémonies qui sont les plus fréquentes dans le quartier, deux options sont
généralement notées dans leur organisation. Dans certains rares cas elles son simplifiées et

75
réduites à leur plus simple expression. Mais plus généralement elles s’investissent dans une
logique de festivités grandioses. Les petites fêtes sont alors celles pour lesquelles,
l’organisateur ou l’organisatrice n’a pas tous les moyens nécessaires, pour couvrir les
différentes prestations attendues dans l’organisation de la festivité concernée. « Les familles
concernées se concertent et font une cérémonie simplifiée, où seuls les plus proches sont
conviés, pour sacrifier aux rituels incompressibles ; le soir chacun rentre chez soi »,
explique L.14.7.4.
Dans ce type de fête il n’y a pas de teranga100 pour la famille de l’époux qui ne s’y attend pas
pour le moins, car étant responsable de la situation.

Les grandes cérémonies ou xew101, par contre, engagent des dépenses exorbitantes. Elles
nécessitent beaucoup de dépenses, généralement supportées par l’époux et sa belle-mère. Ils
sont aidés généralement par leurs parents et alliés. Elles appellent des frais supplémentaires
pour les teranga dans les gew (rencontres entre les belles-familles où, des biens financiers et
matériels considérables sont distribués).

 Les dépenses matrimoniales.

Les dépenses matrimoniales suivent toutes les étapes du processus d’organisation du mariage.
Elles sont résumées dans le tableau ci- devant.

Tableau n° 8. Les dépenses pour les mariages.

100
Cadeaux en espèces et/ ou nature échangés entre belles familles et au sein de la communauté surtout lors des
cérémonies.
101
Hyperonyme désignant en wolof toutes les sortes d’événements. Mais le contexte spécifique du mariage et du
baptême c’est un hyponyme signifiant une cérémonie fastueuse avec distribution de teranga entre belles familles.

76
Prestations de Prestations de Prestations de Prestations de la Inno-
l’époux la famille de la famille de parenté et de la vations
l’époux l’épouse communauté-

Don : Don : Don : Contre don : .Foon sa


.Warugar : -Foon sa jabar -leku ndey -ndawtal jabar
-1ercadeau Yeni -magale - tontines .Njukeel
- wacaay - yab .Magalé
.ngegenal .ndeyale
.Cadeaux aux
gens de
Caste
.Equipement de
la chambre
conjugale

Source : enquête de terrain, mai 2011.

Des données du tableau n° 8, se distinguent les différentes cérémonies et les prestations à la


charge de l’époux (ou du prétendant), des deux belles-familles et de la communauté pour les
différentes étapes du mariage.

 Les préparatifs du mariage.

Selon L.4.21.4 « pour les premières générations du quartier, les prestations


matrimoniales étaient une affaire entre les beaux parents qui généralement avaient des
liens de parenté ou d’alliance ». Aujourd’hui, avec la libéralisation relative, dans le choix
des époux et la propriété divise des biens économiques, le prétendant, aidé au besoin par son
clan, donne le warugar appelé dot en français. C’est un montant convenu entre les deux
familles parties au mariage et qui représente la dot traditionnelle. « Cette somme globale

77
varie maintenant en moyenne entre 300.000f.CFA et 500.000 f.CFA pour la plupart,
plus, parfois, quelques biens matériels allant des bijoux aux appareils électroniques.
Mais c’est sans tenir compte des discrètes demandes d’aide, de la part de la mère de la
fiancée, au prétendant, si elle n’est pas suffisamment nantie, pour assumer les teranga
auxquels elle est moralement tenue. Cela lui rapporte généralement entre 100.000f.CFA
et plus. Il arrive que le fiancé soit sollicité encore par sa future femme pour des
ressources supplémentaires destinées à l’organisation de la réception de ses pairs»
affirme L.13.3.4.
Ce qu’il faut surtout noter concernant ce warugar, c’est qu’il est emmené à la famille de la
fiancée par la marraine, les tantes et les sœurs du prétendant. Et c’est là que commencent les
contre dons. Généralement, 10 % du montant apporté, le njukeel, leur est restitué pour leur
transport et les rafraîchissements. Il y a lieu de préciser qu’elles ont bénéficié de certaines
libéralités lors de leur réception par la famille de la fille qui s’est organisée pour les recevoir.
Ce warugar est constitué :
- du warugar proprement dit, destiné à la restauration, à l’habillement de la fiancée et à
l’animation,
- du premier cadeau qui est une propriété exclusive de la fiancée.
- du wacaay, qui est la partie réservée à la dotation de la mariée, en équipement
ménager.
Des leku ndey et des magale (part des marraines) sont prélevés par la maman de la fiancée
sur la dot et versés aux marraines de la fille : les montants sont de 6.000f. CFA à 10.000f.
CFA pour les premiers et de 2500f.CFA pour les seconds.
Les marraines, le moment venu, sont tenues de rendre une somme dix fois supérieure à celle
reçue. Les moins riches sont écartées de facto : « on donne le leku ndey à celle dont on est
sûr qu’elle trouvera les moyens d’honorer la demande de soutien qui lui est ainsi
adressée, ou qui vous avait sollicité pour la même cause » précise L 6.15.3.
Le warugar sert donc à préparer le mariage, et pour la mariée, à rejoindre le domicile
conjugal.

 La célébration du mariage.

78
Elle commence dès le matin chez la mariée où convergent les parents, les amis et les voisins.
A la suite de copieux repas, arrosés de différentes sortes de boissons, c’est la cérémonie
religieuse à la mosquée. Elle a lieu après la prière de dix sept heures.
A cet effet, le fiancé donne le wareefu jaka dont le montant composite, fixé par le comité
d’organisation de la mosquée, est de 20.000f.CFA. Il se répartit comme suit :
- 10.000f.CFA représentant la dot islamique légale consacrant la validité du mariage et
que seule la mariée, en principe, peut consommer. Elle en achète un habit qu’elle
garde soigneusement et qu’elle ne porte que dans des situations particulières. C’est le
cas quand son ménage connaît des difficultés ou si son mari a des problèmes graves.
Elle le porte alors, et fait des prières qui sont toujours exaucées selon la croyance
populaire.
- 5.000f.CFA de contribution à l’entretien de la mosquée ;
- 1.000f.CFA alloués au ministre du culte chargé à l’occasion de sceller le mariage ;
- 1.500f.CFA de leku ndey (part de la maman) ;
- 1.500f.CFA leku baay (part du père) ;
- 1.000f.CFA bok mbar, part des camarades d’initiation (circoncision) du père.
Le tout est accompagné de quatre kilogrammes de cola distribués à l’assistance. Pour clôturer
la rencontre, des victuailles, dites jinjer102, sont aussi servies par la tante paternelle (bajan) de
la mariée et à qui une somme de 15.000f.CFA à 30.000f.CFA a été remise par sa belle-sœur.
Ce montant est complété par la bajan qui, de retour de la mosquée, reçoit à nouveau entre
20.000f.CFA et 50.000f.CFA, un autre cadeau dit raxassou103 de sa belle sœur.

Les mariés et leurs parents, après les épousailles, reçoivent les congratulations de la
communauté, en plus des contributions financières appelées ndawtal en wolof qui, cumulées,
peuvent s’élever, très souvent, à plus d’un million de francs.

Pour la mariée et sa famille, de même que pour celle de l’époux, ces aides ajoutées aux
ressources issues des tontines servent à financer les joxalante teranga du céet ou cérémonie
départ de la mariée pour le domicile conjugal.

Par la suite, c’est la réception organisée par la mariée pour ses amis et ceux de son mari. A cet
effet la robe de mariage, à l’occidental est de mise pour la mariée. Il s’y ajoute, de plus en

102
Collation servie après la célébration du mariage, à la mosquée.
103
Somme d’argent donné pour le lavage des salissures causées par la préparation du jinjer.

79
plus, des uniformes pour les hôtesses et un cortège de voitures. Là encore elle reçoit des
cadeaux dont la plupart sont encore redistribués, et des ndawtal. Elle a lieu dans une salle
louée pour l’occasion à un montant variable, allant jusqu’à 100.000f.CFA, selon les
commodités dont elle dispose et les services offerts.
Au préalable, un repas copieux avec un coût avoisinant 100.000f.CFA est envoyé à la mère de
l’époux, laquelle, en retour, donne aux porteurs le yeni ou frais de transport. A ce propos, L
3.14.3 raconte : « l’une de mes voisines et ses sœurs ont reçu 100.000f.CFA lors du
mariage de leur frère ». Il faut noter que la proportionnalité est souvent recherchée dans cet
échange.
Le yeni est souvent fonction de la valeur des mets servis. « Ce déjeuner, outre sa
consistance qui est toujours différente de celle des mets donnés aux autres hôtes, est
accompagné de sodas, de mouchoirs, de cures dents, de bonbons, de bouilloires, de noix
de kola, de fruits, de sachets d’eau… », explique L13.7.1.
Beaucoup d’argent est généralement distribué aux groupes de castes qui s’occupent de la
préparation des repas et de l’animation, et aux autres qui sont là par hasard, avec l’espoir
d’attendrir les hôtes, par des louanges improvisées, pour leur soutirer un peu d’argent.
Des sommes plus ou moins importantes, selon les liens de parenté ou d’alliance, sont offertes
aux vieilles gens et à tous ceux qui ont le statut de grand parent par les lignées pour les
mariés.
Dans le courant de la soirée, les sœurs du marié, vont saluer leur belle sœur, avec un présent
appelé foon sa jabar constitué généralement d’une somme de 20.000f.CFA. Au moment de
prendre congé, elles reçoivent de leur hôtesse le double du montant apporté, au moins, car en
dehors du doublement de cette somme, de l’argent leur est remis pour le transport et les
rafraîchissements nécessités par le déplacement effectué.

 L’emménagement au domicile conjugal ou céet104.

Arrive le jour du céet ou le départ de la nouvelle mariée pour le domicile conjugal.


Ce jour est celui de la convergence de tous les réseaux de solidarité dont la nouvelle mariée et
sa mère sont membres.
La mariée et sa mère, à l’occasion, récupèrent leurs tontines, qu’elles ajoutent aux ndawtal et
aux diverses et significatives contributions obtenues des sœurs et amis. Pour L 4.16 2 « Elles
vont à la rencontre des sœurs du mari (njeke), de sa mère (goro) , de ses tantes
104
Cérémonie par laquelle la femme mariée regagne le domicile conjugal.

80
paternelles (bajan) et des tantes paternelles de la mariée pour le fameux joxalante
teranga ou échange de cadeaux le lendemain du céet. Au paravent, une liste dûment
élaborée par la mère de l’époux est remise à la mère de la mariée pour lui indiquer les
membres de la famille à honorer avec des présents. Ainsi, dès que cette liste est remise,
quel que soit le nombre de personnes, chacun devra être pris en compte dans la
distribution des cadeaux faits généralement de tissus et du coût de la couture (au moins
six mètres de tissu, et 2000f.CFA à 5000f.CFA ». La mère de l’épouse, principale actrice de
cette cérémonie, ne lésine pas sur les moyens. Elle est là, appuyée par ses sœurs et ses amies
prêtes à venir à la rescousse si ses ressources devraient tarir, ce qui, le cas échéant, serait une
grande honte pour tout le clan.

C’est la première njeke, cousine paternelle, jumelée à l’époux avec le rang de mari, qui est la
plus choyée, après la belle-mère appelée njaak, pour la circonstance. Njaak veut dire la cause
principale d’un phénomène. Or, le phénomène, dont il est question ici, est le xew, l’actualité
perçu comme sa consécration pour les loyaux services rendus à son époux, à sa belle-famille
et la communauté. On considère que « si elle n’avait pas été une épouse vertueuse,
endurante et patiente, elle n’aurait certainement pas un enfant qui vaudrait à tous
d’être là » raconte L 8.19.2. Elle n’a en conséquence, ce jour, aucun devoir de don ; elle
reçoit ses récompenses. Aussi, entent-on généralement scander « njaak nangul » (njaak, voici
tes présents, tes gratifications, tes teranga), par des femmes, au moment de lui donner ses
cadeaux. « Si elle est décédée, il arrive de plus en plus des cas où ses parts sont prévues et
données à ses enfants » précise L.14.10.1.
Quant à la première njeke, il lui incombe, du fait de son statut de « père », d’équiper sa nièce
qui dans le système de représentation est sa fille. Elle lui apporte beaucoup d’ustensiles et de
l’argent. La valeur ces étrennes presque toujours déclarée, lui est restituée en double. Alors,
ou elle en prend une partie et rend le reste (ce qui est rare), ou elle prend tout car « njeke du
perte » (la njeke ne doit pas perdre dans l’échange d’après L 4.15.2. Elle reçoit ainsi deux à
trois douzaines de mètres de tissu ou plus, beaucoup d’argent et des effets divers.
Vient ensuite le groupe njeke (les autres sœurs du marié) avec qui se répète le même
scénario. Elle donne ses cadeaux accompagnés d’argent qui lui sont restitués doublés au
moins. Cette contrepartie consiste en des tissus, de l’argent, des ustensiles et autres effets de
toilette.

81
La bajan, venue avec des équipements, pour la plupart, ménagers, pour sa nièce, reçoit, au
cours de l’échange, le double du nombre des objets donnés et de l’argent. Elle les retourne à
sa de la mariée qui reprend le cadeau doublé pour le multiplier encore par deux avant de le
lui remettre une dernière fois.
Les beaux-pères (le géniteur, ses frères et ses amis les plus proches, dont le parrain de
l’époux), sont eux aussi dotés dans les mêmes proportions. Il en est de même des amis du
mari.
Les marraines, maintenant de plus en plus nombreuses, viennent à leur tour, avec des
trousseaux d’une valeur dix fois supérieure au montant des leku ndey et des magale reçus. Ce
qui est rendu possible par les participations de celles à qui elles avaient partagé leurs parts de
leku ndey ou de magale. Ce cadeau est accompagné de billets de banque et, de plus en plus,
de bijoux en or. Ces présents destinés à la mariée sont, en très grande partie, redistribués aux
amies et parentes.
Aprés la consommation du mariage, le mari verse le ngegenal, encore une somme d’argent,
de l’ordre de 25.000f.CFA à 50.000f.CFA destinée à récompenser sa femme pour l’avoir
gratifié de sa virginité. Cet ultime cadeau est utilisé pour le mbaxal, cérémonie qui dure de
trois jours à une semaine durant lesquels, les camarades de la nouvelle mariée se réunissent
autour d’un repas léger, chantent et dansent puis se séparent.
A ces échanges de cadeaux au cours desquels une grande quantité de biens matériels et de
fortes sommes d’argent sont distribués suivent d’autres cérémonies d’importance moindre :

 le top tank.
Il consiste pour la nouvelle femme, accompagnée de quelques unes de ses njeke et de son top
(la sœur qui lui tient compagnie pendant sept jours) à rendre visite à sa famille, après une
semaine passée chez son mari.

 le jel njel105.
Contrairement à la première, cette cérémonie occasionne encore des dépenses, car ce premier
repas doit être copieux et largement distribué.

Le premier constat qui ressort de ces données est le nombre important des prestations et le
parallélisme des rites.

105
Le début de la préparation des repas

82
En effet, les étapes du mariage sont nombreuses et chacune d’elles fait appel à une cérémonie
nécessitant beaucoup d’argent et de temps. Le gaspillage ne concerne pas seulement les
aspects financier et matériel du mariage mais aussi tout le temps consacrés à ses dimensions
protocolaires. Une dizaine de rencontres sont nécessaires pour toutes les étapes qui vont des
préparatifs jusqu’au jel njel. Toutes ces phases sont faites avec de l’argent dont le montant est
toujours important, et elles mobilisent des gens pendant beaucoup de temps.

Le parallélisme entre les rites islamiques, les pratiques coutumières et les habitudes nées du
modernisme, entraîne des dépenses répétitives pour des fins identiques.

Déjà, l’analyse de la composition des prestations constitutives des warugar et des wareefu
jaka fait apparaître un doublement des fonctions à remplir.
En effet, de part et d’autre on trouve la dot, les compensations et les cadeaux aux parents et
aux alliés. Le passage à la religion musulmane, censé faire adopter des pratiques nouvelles, a
laissé se poursuivre les usages traditionnels dans le domaine matrimonial.

L’agrégation des influences culturelles se traduit par la répétition des scènes de réception.
Toute la journée, la mariée et sa famille reçoivent leurs invités, avec toutes les dépenses que
requièrent de tels rassemblements. Le soir aussi, après le scellage du mariage, la nouvelle
épouse organise une autre cérémonie de réception à l’occidental à la suite de laquelle elle
accueille ses belles-sœurs.
Ainsi se succèdent des formes africaines et des pratiques entretenues par l’acculturation issue
de la colonisation et de la mondialisation des modèles sociaux.

Sur un autre plan, le processus du mariage fait intervenir beaucoup d’ayants droit aux
prestations des deux époux et de leurs parents. De nombreuses personnes doivent profiter des
largesses de l’époux et de sa famille ; c’est le cas aussi pour l’épouse et les siens. Les parents,
les alliées, les gens de caste, la mosquée, chacun doit tirer profit matériellement et
financièrement de la célébration du mariage.

Le goût du luxe, a aussi une part essentielle dans la dimension et la nature des dépenses. Il
faut débourser beaucoup pour présenter l’extraordinaire repas jamais servi, de mémoire,
surtout entre belles-familles alors qu’au même moment des mets tout aussi chers sont déjà
préparés pour les hôtes.

83
Des sommes importantes sont ainsi dépensées qui pourrait servir au couple à bien entrer dans
la difficile vie de ménage. « Ces pauvres jeunes époux devront, par la suite se démener
pour satisfaire leurs besoins physiologiques et sociaux parmi lesquels l’éternel
remboursement de toutes les contributions reçues en espèce ou en nature, quand c’est le
tour des autres » s’indigne L 2.14.2. La charge financière et matérielle des époux s’en
trouvent dès lors alourdie alors que les époux ont épuisé toutes leurs ressources dans des
cérémonies qui pouvaient se faire de manière moins onéreuse, épargnant au jeune couple un
important tarissement de ses ressources, lequel est porteur potentiel d ’instabilité du ménage.

Il y a, au surplus, la transformation de la typologie du don qui, de nature (services et produits)


s’est essentiellement monétarisé.

Enfin, les orientations des organisations de solidarités, portées le plus souvent vers le
financement des cérémonies, sont également une cause des dépenses excessives dans ces
fêtes. Autrement, ces modes de consommation dans les fêtes sociales seraient difficilement
possibles, vu la dimension importante des montants qu’ils absorbent dans l’organisation des
festivités.

En définitive, les gaspillages semblent alors liés à plusieurs facteurs relevant du syncrétisme
culturel, de l’acculturation, des conduites dissociées- les populations affichent le temps d’une
journée leur aspiration aux modes de consommation des classes dominantes - mais aussi des
objectifs sociaux donnés aux structures communautaires de solidarité.

III.2.1.2. Le baptême.
Tableau 9. Les dépenses pour les baptêmes.

84
Cérémonies Prestations de Prestations Prestations Prestations Innovations
l’époux de la famille de la famille de la parenté
de l’époux de l’épouse et de la
commu-
nauté

Don Don Contre-don : Don ou .Ndimalu goro


-Ruy : -Ndimb- -njukeel contre-don : 1. . foot :
.restauration, alu goro -teranga -ndawtal les cadeaux
.habillement - foot -yeelu - tontines aux
de l’épouse -yeelu maam compagnons
. animation maam de l’époux et
.mouton et de ses parents.
bœuf
.dons aux
cousins
paternels et
aux gens de
caste
.yeelu maam

Source : enquête de terrain, mai 2011.

Comme résumé dans le tableau, pareillement aux épousailles, le baptême est ponctué de
beaucoup de dépenses tant pour le mari que pour l’épouse et sa famille.

 Les préparatifs.
La célébration du baptême amène l’époux à verser le sang d’un mouton pour honorer le bébé
considéré comme un hôte. Mais pour des repas copieux le jour de la fête, il doit payer en outre
une quantité importante de viande, à défaut d’un bœuf.
L’organisation de la cérémonie requiert en plus le ruy, un fonds qui excède le plus souvent
300.000f.CFA et « C’est avec cet argent qu’au moins, trois tenues de grandes valeurs

85
sont achetées, pour la femme, que ses coiffures changeantes au cours de la journée sont
payées, et que les repas et l’animation sont assurés » affirme L 16.5.3.

Pour couronner le tout, l’époux, comme pour le mariage, fait des largesses envers les
gneegno106 , ses cousins paternels ou jaam, et les grands parents (yeelu maam) du bébé, entre
autres. L.11.5.1souligne : « mon mari ne sait pas exactement le montant de ses dépenses
lors du baptême de notre fille, mais il dit avoir dépensé, à lui seul, plus de six cent
cinquante mille francs ».
A l’instar du warugar, le ruy est transmis à la famille de l’épouse par les sœurs, la marraine et
les tantes du mari. Là encore, ce sont les mêmes usages qui fonctionnent avec la remise du
njukeel (10% de la somme apportée), aux porteuses, en plus des dépenses effectuées pour les
recevoir.

 La célébration.

 La cérémonie religieuse.

La cérémonie religieuse est plus ou moins brève. Elle a lieu dans la matinée et consiste en
quelques rituels : le rasage de la tête du bébé dont le but est d’enlever la première chevelure
considérée comme une impureté puis la proclamation du nom du nouveau-né précédée des
bénédictions d’usage prescrites par la tradition islamique en la circonstance. Ces traditions
religieuses assurées par l’imam ou son représentant, en compagnie d’une délégation des
notables, sont concomitantes au sacrifice du mouton.
Ensuite, un repas à base des symboles de la prospérité et de l’abondance, en l’occurrence le
mil et le lait, est distribué à toute l’assistance et même aux retardataires qui ne cessent de se
présenter jusque tard dans la matinée. Une part importante de ce petit déjeuner est prévue et
réservée pour les njeke et la mère de l’époux qui devront procéder à d’autres distributions
dans leur famille et parmi les pairs et les alliés.

 Les festivités traditionnelles.

106
Gens de caste.

86
Elles durent le reste de la journée et peuvent s’étendre parfois jusqu’au petit matin du
lendemain, avec les échanges de cadeaux selon le niveau social des deux belles-familles.

A cet effet, est un déjeuner est servi au milieu de la journée suivi d’un souper dans la soirée,
et comme pour le mariage, la famille de l’époux chez lequel s’organise le baptême envoie un
repas grandiose à celle de l’autre qui, à son tour, donne le yeni aux porteuses.

Après ces buffets biens garnis c’est le lang ou foot107 par laquelle, la mère de l’épouse doit
encore honorer sa belle famille.
En la circonstance, la valeur du ndimbalu goro108 est doublée et rendue à la mère de l’époux
par celle de l’épouse.
Les njeke apportent à cet effet, chacune, une bassine remplie de différents objets dont le prix
est dit dans l’assemblée. Elles reçoivent en njukeel la valeur de ce présent multipliée par deux
avec en plus des tissus et de l’argent.
Les beaux-parents, leurs amis et ceux du mari perçoivent aussi chacun leur part constituée de
tissus et d’une somme d’argent.
De l’argent est encore donné aux jaam109 et aux gens de caste.
Ici encore les frais sont supportés grâce aux contributions directes. Elles sont sous forme de
dons ou de contre dons financiers et matériels (ndawtal) provenant des parents et des alliés.
Ces ressources complètent celles tirées des tontines dont beaucoup sont créées pour les
cérémonies familiales.

Au demeurant, tout comme le mariage, le baptême est autant marqué par de nombreuses et
coûteuses prestations couvrant des obligations religieuses, traditionnelles et sociales toutes
codifiées.
De plus l’introduction de certaines pratiques nouvelles a complexifié davantage cette
cérémonie qui se terminait il n’y a pas longtemps entre dix sept heures et dix neuf heures. Les
foot ou lang n’étaient pas connus.
En effet, pour les premières générations du quartier, la mère du bébé, en guise de cadeau
offrait une partie de ses habits et un peu d’argent, selon ses possibilités, à ses belles sœurs
pour renforcer les rapports familiaux.

107
Cérémonie d’échanges de cadeaux ou teranga entre les femmes des deux belles familles
108
Subvention accordée par la mère de l’époux à celle de l’épouse pour l’organisation d la cérémonie de
baptême.
109
Les cousins paternels.

87
Les autres présents provenaient de la carcasse du mouton immolé, en l’honneur du bébé
considéré comme un hôte à honorer, et à intégrer dans la communauté. Ainsi, la chair du
mouton était en grande partie distribuée. Le reste était complété par un autre mouton ou de la
viande achetée au marché, pour préparer le déjeuner aux invités. Selon L 8.17.3, on disait
communément « tanku njeke, tanku jaam, tanku tiign, falarey ndey »110.

Les repas étaient préparés sans un excès de dépenses. D’ailleurs ce qui est devenu le souper
était ce que l’on appelait le ruugn. Il s’agissait d’une soupe préparée uniquement avec les
abats du mouton dont une part était prélevée pour la mère du bébé et le reste servi aux
femmes et aux enfants.

Les ndawtal n’étaient pas pour une femme une condition pour participer aux festivités comme
le précise L 2.19.2. « Avant, même quand on n’avait rien, on contribuait par la simple
participation aux travaux d’organisation de la cérémonie : piler le mil, préparer les
repas, recevoir et servir le invités… Le soir, on allait se changer pour revenir chanter et
danser en intimité entre dames. Avant de se séparer, la maman du bébé donnait des
yupip111 à ses belles-sœurs et la cérémonie prenait fin ». On donnait ce que l’on pouvait aux
jaam et aux gens de caste qui étaient de la communauté et des yeeli maam.

Ces éléments comparatifs permettent de saisir très aisément les causes des gaspillages dans les
cérémonies baptismaux. Il s’agit principalement des nombreuses innovations ajoutées aux
pratiques déjà complexifiées par des pratiques de différentes cultures : l’islam, la tradition
ancestrale et le modernisme occidental. Il est possible de remarquer l’élargissement des
dépenses qui n’ont rien à voir avec les traditions locales ni avec les préceptes islamiques.
« L’islam recommande après avoir immolé le mouton, de distribuer la chair aux
indigents en laissant une partie à la femme qui a accouché pour se refaire des forces »112.

Le surdimensionnement de certaines prestations à valeur essentiellement symbolique


contribue aussi à alourdir les charges de ces festivités.

110
Littéralement : une patte pour la belle sœur, une pour le cousin paternel, une autre pour celle qui a ramassé le
bébé à sa naissance (les femmes accouchaient généralement dans les maisons), le bassin pour la mère de la
femme qui a accouché.
111
Habits sortis de sa garde-robes que la mère du bébé donnait comme cadeau à ses belles sœurs.
112
Imam Mansour Ndiaye.

88
III.2.1.3.Les funérailles.

Tableau n°10. Les dépenses pour les funérailles.

89
Prestation de la famille de Prestation de la famille de Prestation de la parenté et
l’époux l’épouse de la communauté

Don : Contre don : Don ou contre don :


- solal - Sangu Jaxal
- nagu dëc -Ranxoognu jaam

Source : enquête de terrain, mai 2011.

 Les cérémonies d’enterrement.

En cas de perte d’un membre de la famille, le chef de famille ou ses parents s’occupent des
wacaay qui sont les dépenses destinées à apprêter le défunt, vers sa dernière demeure. Il
s’agit de l’achat du linceul et des différents effets de toilette mortuaire, ainsi que des frais de
conservation du corps à la morgue de la mosquée. Il s’y ajoute les coûts de la location d’un
corbillard et des autres véhicules pour transporter le corps aux cimetières et ceux des biscuits,
des bonbons et de la kola qui seront remis aux personnes venues à l’enterrement ou pour
présenter leurs condoléances. Des tentes sont aussitôt installées et des chaises disposées. Des
repas sont préparés et servis aux hôtes qui généralement ne désemplissent la maison
mortuaire, tant que les funérailles ne sont pas achevées. Après les condoléances, certains,
obligés par les rapports de voisinage, d’amitié ou de parenté, continuent à tenir compagnie,
selon leur disponibilité, à la famille éplorée, pour atténuer leur chagrin et la peur engendrés
par la mort qui les affecte. Pendant ce temps, beaucoup restent à deviser sous cet abri : ils
parlent le plus souvent d’autres sujets, oubliant le mort et attendant les repas, les tasses de
thé et les connaissances perdues de vue.

 Les cérémonies de sarax.113

La famille, de plus en plus, célèbre des sarax qui, dans le principe, consistaient en des séances
de prières destinées au repos de l’âme de la personne disparue. Elle est aidée par son clan et
113
Cérémonies de prières traditionnelles pour le repos de l’aime du défunt.

90
par ses relations au moyen des jaxal qui sont des contributions versées par ces derniers et
qu’il devra leur rembourser si la mort advenait chez eux. Pour ce faire, des groupes constitués
se chargent de la lecture du coran et reçoivent, outre un petit déjeuner très riche, des billets de
banque de part de la famille et des alliés. Les sarax ont lieu les troisième, huitième et
quarantième jours après le décès. Ils sont généralement fastueux et occasionnent de grandes
dépenses. Celui du troisième jour est généralement le plus remarquable et son ampleur égale
ou dépasse, pour la majorité des cas, celle d’un baptême, avec une grande affluence de parents
proches et lointains, d’amis, de collègues etc. C’est l’occasion qui réunit presque tous les
originaires du quartier, même beaucoup de ceux qui pour diverses raisons ont élu domicile
ailleurs.
La veille, un taureau est abattu pour les besoins de la cérémonie et divers mets sont préparés.
Après la lecture du coran, c’est le petit déjeuner, pour toute l’assistance. Ainsi du pain, du
beurre, du chocolat, du café, du lait, rien ne manque qui puisse agrémenter un petit déjeuner.
Parfois c’est de la bouillie de mil et du lait, comme avec le baptême, qui est présentée.
Viennent ensuite le déjeuner, accompagné de rafraîchissements, de thé, pour tous les
convives. Beaucoup parmi les restauratrices du jour ne préparent pas le repas chez eux pour
cette journée ; leurs familles étant servies avec la nourriture prévue pour les funérailles. Les
repas se terminent par un souper ou un dîner à base de couscous.
Parallèlement, les femmes, publiquement ou en catimini (car dans certaines familles la
pratique n’est pas tolérée), s’adonnent aux échanges de cadeaux entre belles familles, si le
défunt était le chef de ménage. Au cas où il était un membre simple, la scène se passerait au
sein de sa structure familiale.
Dans le premier cas, montre L 4.3.4, « la veuve, donne des sangou114 à ses belles sœurs qui,
auparavant lui avaient fait le solal115 » par la remise d’une contribution pour payer son habit
de deuil. Pour cela, ces belles-sœurs des lignées paternelle et maternelle du disparu
bénéficient en retour de tissus neufs et de beaucoup d’argent. Elles perçoivent aussi le sanxal
su muj116constitué d’une importante somme d’argent.
Par ailleurs, la veuve remet les derniers habits que portait le mort au moment de son décès
aux cousins de ce dernier, accompagnés de tissus neufs et de billets de banques. Tous ces lots
sont contenus dans des bassines tout aussi neuves achetées pour l’occasion. La veuve est

114
Littéralement de quoi faire un bain.
115
Somme d’argent donnée parles belles sœurs de la veuve et qui symboliquement représente le boubou qu’elles
devaient lui offrir pour porter le deuil pendant la période de viduité.
116
En wolof « le dernier repas ».

91
aidée dans ses dépenses par sa famille et ses relations au moyen des jaxal117 qui sont leurs
contributions, et qu’elle devra leur rembourser pour les mêmes causes.
Au moment de se séparer « certains n’hésitent pas à demander le prix de leur transport
pour rentrer chez eux » affirme L 7.4.4.

Dans le second cas ce sont seulement les cousins du défunt qui sont allocataires des dons.

Tout compte fait, comme le dit L 7.15.2 : « c’est la ruine après ces cérémonies qui ne sont
pas basées sur des préceptes de l’islam ni sur les traditions des ancêtres. Après les frais
médicaux qui vous prennent tout et ceux de l’enterrement, on dépense beaucoup
d’argent pour simplement les beaux yeux des gens. Et on devrait revoir tout cela. En
tout cas c’est dur ».

Une comparaison entre les prestations anciennes, en matière de funérailles, et celles


d’aujourd’hui montre la prédominance de l’aspect festif sur la dimension spirituelle devant
prévaloir dans ces rencontres, dont le but est de prier pour le repos de l’âme du défunt. Car,
bien que ces pratiques aient presque toujours existé, elles diffèrent par leurs ampleurs. C’est
ce que dit L.1.3.4 « C’était non point la veuve qui organisait les funérailles de son mari
décédé mais plutôt les neveux de ce dernier ». Le nagu dëc (le bœuf à immoler pour les
funérailles) était principalement fourni par les enfants de la sœur du disparu, ses neveux.
En outre, avant le sarax, on ne préparait pas de repas dans la maison mortuaire. A l’heure du
déjeuner tous ceux qui étaient là, pour apporter le réconfort et la consolation à la famille
éplorée, rentraient derechef chez eux, et faisaient convoyer des plats chez le mort pour les
visiteurs venus de loin.
Maintenant, dès l’annonce du décès, des tentes sont dressées et c’est l’affluence. On
commence à s’affairer autour de la préparation de la nourriture. De plus, les solal, les sangu
et les sanxal su muj existaient certes mais de façon symbolique. Aux cousins et cousines qui
s’étaient chargés de puiser de l’eau et avaient procédé à l’ultime toilette du mort, on donnait
seulement du savon pour laver les derniers habits que portait le défunt et qu’ils emportaient.
Cela se passait dans la discrétion d’une arrière-cour de la maison. Puis, la veuve remettait un
peu de mil à ses belles sœurs pour symboliser la dissolution du lien marital aussi bien avec
l’époux principal qui créait ce rapport qu’avec les njeke considérées comme des maris en
second. Mais les pratiques innovantes introduites dans cette symbolique ont dénaturé la
117
L’équivalent du ndawtal pour les funérailles.

92
tradition pour en faire une pratique ostentatoire et de protection contre la stigmatisation du fait
des nouvelles mœurs qui l’exigent de sa part. De là résulte l’impact de la monétarisation et de
la matérialisation des rapports sociaux et du goût du prestige comme sources de gaspillages
dans cette cérémonie. S’ajoute à cette cause celle du parasitisme social. Et ceci est perceptible
non seulement à travers les échanges inégaux entre belles- familles, mais aussi de par
l’inconscience de ceux là qui, malgré toutes les dépenses effectuées pour les recevoir,
demandent des frais de transport. La propension aux restaurations de luxe apparaît de même
comme un facteur de gabegie.
Au total, la description des cérémonies, montre que les gaspillages dans les cérémonies
funéraires relèvent de causes sociales multiples que sont entre autres, le nombre illimité des
prestations et de leurs ayants droit, les étapes multiples dans la célébration des événements, le
parallélisme entre tradition, modernisme et religion, mais en plus l’insouciance et le
travestissement des us et coutumes ancestraux.

III.3. Analyse de l’influence de l’environnement socio-culturel sur les pratiques de


gaspillage.

III.3.1. Le cadre des échanges et le gaspillage.

93
Les dons et contre dons, qui occasionnent les gaspillages, se déroulent entre deux belles-
familles, sous l’accompagnement d’une sorte de société en miniature. Toutes les générations
de femmes sont présentes. C’est la convergence de tous les liens sociaux. Chacune des deux
familles est là avec des membres de leur clan accompagnés des femmes de castes alliées à
leur lignée. D’autres nienio118 du quartier et des alentours, venus pour l’occasion, chantent des
louanges et éprouvent la générosité des guer119 dont les plus ciblés sont les organisateurs des
festivités. Il y a aussi la présence virtuelle des hommes, car malgré leur absence de la scène,
leurs parts sont prévues et remises à leurs sœurs qui les représentent et qui se chargeront de
leur remettre leurs lots. « C’est une rencontre de nawlé120 où chacun doit faire preuve de
ngor121 , de jom122 et de sens de la teranga pour sauver son honneur et celui de toute sa
famille et de ses alliés ». « Une femme s’est évanouie lorsqu’elle a appris, au moment de
donner ses teranga, que son amie qui gardait ses ndawtal, a disparu avec la recette qui
devait lui servir de compléments à cet effet. Or, c’était pour l’obliger à utiliser cette
somme importante à des fins plus utiles.» selon L 10.19. 2.

Une observation attentive de cette situation fait ressortir que, malgré la présence d’un grand
nombre de personnes, toutes les caractéristiques des petits groupes semblent se retrouver dans
le cadre des cérémonies familiales. La densité des relations entre les acteurs présents et la
prégnance du lien social transcendante induisent, en la circonstance, la disparition de
l’individu en tant qu’expression d’une volonté individuelle et l’émergence du moi collectif
sous l’emprise des seules règles contraignantes du jeu. Comme toute fête, c’ « est un
rassemblement massif d'individus, mus, comme en une pulsion, par un besoin de se réunir
dans un espace et de commémorer un même fait »123. « L’intensité de la fête croissant, les
hommes perdent toute individualité pour se fondre dans la grande matrice universelle »124.
118
Homme ou femme de caste en wolof.
119
Personnes n’appartenant pas à une caste.
120
Alter ego, dans le sens de statut social et des rôles qui y sont rattachés par la société.
121
Terme traduisant le courage, la générosité, le sens du partage, la reconnaissance envers les siens et pour tout
service ou égard reçus, la réciprocité, l’endurance et le respect de l’engagement pris. Elle inspire l’essentiel des
comportements du sénégalais pour la plupart et fonde le lien social.

122
Terme idiomatique wolof proche du mot français « vergogne » ou « esprit chevaleresque. Il s e caractérise
par le haut sens du sacrifice et de l’honneur qu’il induit pouvant conduire au renoncement aux biens et à la vie, si
nécessaire.

123
Loïc Joffredo , “ Les éternels retours” www.cndp.frlRevueTDC/sóm766.asp), le 15 avril 2011,23h 46.
124
Idem.

94
Parallèlement à ce but commun existe l’établissement de normes que sont les usages
partagées en matière de don et auxquelles on ne saurait déroger : « lieux, décors, costumes,
activités et rites divers fixent l’imaginaire et concourent à la cohésion du groupe ».

Viennent ensuite l’établissement de réseaux de communication. On note, en effet, dans ces


rassemblements, la polarisation des invités autour des leaders et une cohésion de sous-groupes
à l’intérieur du grand groupe. Ces leaders sont les deux belles familles et leurs alliées, dans le
grand cercle de la cérémonie ou gew.

Enfin l’établissement de rôles : celui de donner les présents, celui de les transmettre et celui
de les recevoir devant une assistance chargée de les apprécier par rapport aux codes partagés
dans ces occasions et les animateurs.

Tous ces sous-groupes réunis fonctionnent donc comme des sous-systèmes en interaction
dans un système, la cérémonie, dont l’extrant doit être l’honneur. « Ici, l’honneur est lié à
la consistance, à la variété, à la valeur des objets donnés et, au nombre des bénéficiaires.
D’ailleurs dès qu’on est là ou c’est l’honorabilité pour toujours, ou la honte » dit
L 16.14.1.

Cette situation galvanisante, pour le sénégalais pétri des valeurs de jom,125 de kersa126 et de
ngor127, dans un contexte social du prima du groupe sur l’individu lequel n’a qu’une réalité
abstraite en dehors de ce groupe, est fondamentalement propice à toute démesure. A ce
propos, Freud parle des « excès permis » dans sa définition des caractéristiques de la fête128.

III.3.2. Le mimétisme et la peur de la rétrogradation du statut social.


Toutes les femmes enquêtées se disent membres des réseaux de solidarités traditionnels dont
les plus importants sont destinés aux cérémonies familiales.
La veille de ces événements est l’occasion, pour les organisatrices, de recevoir leurs tontines
dont le montant est connu de tous les membres de ces associations constituées autour des
générations de femmes. Bien que les ressources appartiennent de fait à la bénéficiaire, leur

125
Le courage et le sens du sacrifice qui ne s’embarre ni de la perte de biens ni même de la vie.
126
Sens de la réciprocité, de la reconnaissance et de la vertu.
127
L’esprit chevaleresque.
128
Freud Sigmund, (1913), Totem et tabou, dans Oeuvres complètes, TXI, PUF, 1998, [171], p360.

95
utilisation est soumise à certaines contraintes morales au sein de ces associations où l’usage
fait de ces fonds est mesuré à la dimension des prestations effectuées pendant les cérémonies.
Pour L 5.17.2 « Chacun craint de s’entendre dire que les dépenses consenties ne reflètent
pas le montant des fonds reçus. Defufi dara 129». Le cas échéant, la stigmatisation, au
moyen de la rumeur sur la cupidité de la concernée, est redouté par toutes celles qui
tenteraient de déroger à la règle comme le montre L.15.13.3 « les quolibets et les allusions à
peine voilées vous clouent au pilori et vous suivent partout, surtout quand vous vivez
dans votre belle-famille ou si vous avez une coépouse qui, une fois, a eu à déférer à cette
exigence devenue une norme entre femmes».

Cette situation produit un sentiment douloureux d’appauvrissement relationnel, ressenti


comme une exclusion sociale de fait. En vérité ce qui se produit c’est que la femme, frappée
de cette condamnation sociale, ne reçoit plus d’elle d’images suffisamment satisfaisantes. Et
comme tout individu atomisé, elle est isolée «des membres de la collectivité et confrontée à
des changements internes, n’est pas capable d’adhérer à des groupes ni à s’insérer dans la
communauté, ni de s’inscrire dans des formes d’associations collectives »130. C’est ce vide
social qu’elle n’est pas prête à endurer. Et là intervient les enseignements déductibles de la
théorie des rôles.
« Le concept de rôle désigne l’ensemble des modèles culturels associés à un statut donné. Il
englobe les attitudes, les valeurs et les comportements que la société assigne à une personne
ou à toute autre personne occupant ce statut »131. Or dans ce cadre du gew, le rôle attaché au
statut de la mère de l’épouse est de distribuer des cadeaux dans des proportions et à des
destinataires déjà identifiés en amont. D’autant qu’elle n’a pas d’excuses du fait que cette
société lui a donné, au moyen de ses mécanismes de prévoyance et de solidarité, les
ressources nécessaires à l’exercice de son rôle.
Au demeurant dans cette interrelation, la femme ne fait que reproduire les exigences du lien
social qui la contrôle. Or dans ce contexte, le groupe attend du sujet des attitudes et des
comportements déjà codifiés devant lesquels celui-ci ne saurait se dérober que trop
difficilement. Il s’agit de « manières d'agir, de penser et de sentir, extérieures à l'individu, et
qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'imposent à lui »132. Dans un tel
contexte d’euphorie quasi-généralisée , un dérèglement émotionnel fort préjuciable à un

129
Expression wolof signifiant : Il n’a rien fait d’important.
130
M. Mbodj, cours d’analyse de la politique sociale. ENTSS, 2011.
131
M. N. Sow, travail social auprès des familles et des personnes.
132
E. Durkheim, les règles de la méthode sociologique, Flammarion, paris, 1988, p 107.

96
devoir de respect de normes autres que celles du groupe immédiat apparaît.
« En tant que phénomène social, [la] fête possède des règles et une logique propre qu’on peut
retrouver dans nombre de sociétés au cours de l’histoire, de l’Antiquité à l’ère
industrielle »133. L’individu lui-même se confond au groupe et sa satisfaction est la
satisfaction du groupe. « La fête favorise 1'immersion de 1'âme humaine dans une réalité qui
la transcende […] interrompt le cours de la vie quotidienne, qui s'oppose à 1'effervescence de
la fête au cours de laquelle 1'individu se sent soutenu et transformé par des forces qui le
dépassent »134. « En ce moment, seul le sang parle en l’individu et il doit faire preuve de
sa pureté par la noblesse et la dimension de des actes » confie L 11.8.2.
L’Homme ne cherche pas la satisfaction particulière d’un segment du groupe, mais du groupe
tout entier qui, au bout du compte, l’évalue, confirme ou récuse sa valeur sociale et celle des
siens. Les règles, les mœurs les normes en vigueur dont ceux de tempérence, d’accoutrement,
de consommation ne sont plus temporairement respectés.

L’étendue des ravages sociaux décrits plus haut et qui n’épargnent aucun pan de la société est
bien perçue par certains. « S’il y’avaient des gens capables de nous trouver un moyen de
nous en sortir… ! C’est très dur, cette pratique qui est devenue une tradition. Tout le
monde le sait, mais nous ne pouvons nous en sortir seules », dit L 13.7.4

Rien n’est ici trop important pour sauver l’honneur : ni le temps considérable consacré aux
cérémonies ni l’épreuve physique de rester des heures interminables sur place, ni les
ressources matérielles et financières que requièrent ces rencontres. On peut retenir avec L
17.9.3 que « la richesse ne remédie pas à la mort. Elle ne sert qu’à éviter le déshonneur
et l’opprobre ». La femme qui rend les honneurs et sa mère principalement doivent en
ressortir avec un quitus social matérialisé par les expressions neex ngente135, neex céet136 ou kii
doundam neex na déewam nex na137. Elles sont galvanisées par cette atmosphère d’évaluation
dans laquelle « le groupe ne cesse en fait de contrôler 1'individu »138.
133
Les fonctions des fêtes du point de vue
sociologique,http:/ltecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibrel00011bin59/spsycho.htm

134
Loïc Joffredo , “ Les éternels retours” www.cndp.frlRevueTDC/sóm766.asp), le 15 avril 2011,23h 46.
135
Celle ou celui dont le baptême a réussi.
136
Celle ou celui dont le mariage a réussi
137
Celle ou celui dont la vie et la mort ont été une grande joie pour sa communauté.
138
Loïc Joffredo , “ Les éternels retours” www.cndp.frlRevueTDC/sóm766.asp), le 15 avril 2011,23h 46.

97
Ceci étant dit, on peut retenir que les gaspillages dans les cérémonies sont consubstantiels au
système de représentation, en cours dans le quartier, au sein duquel le sens de l’honneur est le
principal facteur d’intégration et le pourvoyeur du statut social désiré. Ainsi, le cadre des
relations interfamiliales et communautaires semblent transcender surtout les femmes qui ne
peuvent se soustraire à la manière encore légitimée localement d’exprimer la vertu qui
repose en grande partie sur le don : donner et beaucoup donner. « Je n’ai pas encore fait de
xew mais j’aimerais pouvoir un jour faire comme tout le monde » précise L 5.16.2.

III.3. 3. L’influence du modèle de consommation des classes dominantes sur le


gaspillage.

Les femmes, en tant que catégorie sociale ne sont pas dans un contexte extérieur aux
interrelations au sein de la société. Leur socialisation et la mentalité qu’elle génère, subissent
les influences donc la marque de toute la dynamique sociale.
Leurs attitudes et comportements reflètent largement les modèles comportementaux, en cours
chez les classes sociales aisées et chez celles auxquelles elles s’identifient, et qu’elles

98
influencent en retour. En effet, pour les sciences sociales, l’identité sociale est le point de
jonction des différences et des similitudes entre l’individu et les autres.139
Dans ce cadre, la plupart des femmes interrogées attirent l’attention sur les importantes
enveloppes en guise de contribution aux cérémonies données par la plupart des autorités
politiques et administratives en ces occasions.
« Il sera difficile de mettre fin aux gaspillages dans les cérémonies. Ceux censés donner
le bon exemple font comme tout le monde, sinon pire. Regardez chez les autorités
politiques, administratives et religieuses, leurs femmes ne dérogent pas à la règle des
teranga » se plaint L8.5.3.

Cet état de fait constitue une légitimation de la pratique chez le citoyen ordinaire qui, le cas
échéant, ne saurait se faire de scrupules sur ses pratiques gaspilleuses, « Un certain
marabout, pour ces festivités donne simplement de l’argent aux femmes et ne leur dit
pas expressément comment l’utiliser» confie L 9.15.3. Ainsi, ces groupes de référence
exercent sur les autres un attrait relativement aux modes d’organisation de leurs festivités
domestiques.
Les manifestations politiques et surtout religieuses sont célébrées au Sénégal avec ce faste
qui caractérise toutes les autres, et toutes les dispositions sont prises a cet effet, « nos guides
religieux font pour nous de grands teranga lorsqu’ ils nous reçoivent. Nous ne pouvons
faire autrement avec eux ou avec les autres » affirme L 13.12.3.

Des autorités politiques donnent des sucaru koor140, paient le transport à leurs hôtes et
publiquement…
De tels comportements entraînent chez les classes sociales dominées, selon Bourdieu
(1979)141, l’imitation des pratiques culturelles des groupes sociaux dominants pour se
valoriser socialement.

Pour Bourdieu, les styles de vie des individus reflètent leur position sociale. Il essaie ainsi de
montrer les liens entre les styles de vie, les manières de sentir et d’agir des individus, leurs
goûts et leurs dégoûts en particulier, et leurs statuts sociaux. Or, les interactions entre les
groupes sociaux sont une éternelle tentative de reproduction, par les classes dominées, des
pratiques culturelles des classes dominantes, lesquelles, par une perpétuelle remise en cause et
139
140
De l’argent donné en teranga pour payer du sucre destiné aux mets du ramadan.
141
P. Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement. Paris, édition de Minuit, 1979.

99
par la reproduction de formes nouvelles, tentent de maintenir la distinction. L’origine de la
transformation des pratiques culturelles selon Bourdieu, est la recherche de cette distinction
des classes aisées, et du mouvement continu de rattrapage des classes sous domination
économique sociale et culturelle. Ce qui se rapproche beaucoup de la conception développée
par la pensée sociologique holiste durkheimienne selon laquelle, le tout étant supérieur à la
somme de parties, les faits sociaux sont extérieurs à l’individu et s’exercent à lui de façon
coercitive.

Sous ce rapport, il semble évident que la gabegie s’est culturalisée du fait aussi bien des
rapports intrasystémiques au sein des groupes, que de celui des influences inter systémiques
de classes. De la sorte, pareil constat nous amène à la conviction que les gaspillages, loin
d’être une pratique de simple ostentation, participent de la recherche et de la construction de
l’identité sociale. Il ne semblerait pas donc pertinent d’en faire une affaire d’individus ou de
catégories sociales spécifiques. Car, leur effet pervers et péjoratif sur l’acteur ne nous semble
pas corroborer la compréhension wébérienne qui fonde le fait social sur des motivations
strictement individuelles.
Il devient alors judicieux de retenir qu’au-delà de la responsabilité de celles qui permettent
leurs visibilités, en l’occurrence les femmes, les dépenses onéreuses relèveraient des buts de
l’ensemble des acteurs sociaux et de la société globalement.

III.3.4. La position des hommes face au phénomène du gaspillage.

Les femmes constituent le groupe social dont l’action est plus perceptible dans les pratiques
gaspilleuses cérémonielles. Cependant, elles sont en même temps les mères, les épouses et les
sœurs des hommes qui leur fournissent une partie des ressources utilisées dans ces festivités,
« c’est A…qui, le premier m’a donné vingt cinq mille francs dès que j’ai annoncé la
décision d’organiser le mariage de ma fille. Mes neveux, qui sont en Italie, m’ont envoyé
cent mille francs… ».dit L15 4 2.
Ces propos attestent de l’implication des hommes dans le financement d’une part importante
des échanges entre les femmes dans les cérémonies. Ils sont sollicités en permanence par leurs
mères, leurs sœurs, leurs épouses et même leurs fiancées ou amies qui leur demandent de

100
l’aide pour participer ou organiser ces fêtes. Rares sont aussi les cas, quand ils en ont les
possibilités, de refus d’accéder à ces honorables sollicitations.
Au surplus, d’aucuns, pour le mariage de leurs sœurs ou de leurs filles, se font le point
d’honneur de dépenser autant, sinon plus que le prétendant, pour honorer leur famille,
magnifier l’attachement qu’ils ont pour la fiancée et forcer le respect de la belle-famille.

Par ailleurs, le système de circulation des biens par les dons et contre dons, comme ressorti
par ces propos de L 1.45.4, n’opère pas de discrimination entre les hommes et les femmes
comme ayants-droit. En effet, « On trouve dans leurs gardes robes des boubous
provenant de ces échanges et qu’ils reçoivent avec enthousiasme. Il n’y a que
l’hypocrisie, peut-être, mais ils financent et bénéficient des retombées des cérémonies ».

Certains autres, pour une bonne image dans la société aux fins d’une promotion sociale ou
même politique encouragent les des griots, auxquels ils distribuent des billets de banque, à
chanter leurs louanges. « C’est que je ne veux pas citer de nom mais, mon attention a été
particulièrement marquée par les agissement de certains hommes, dont un monsieur, ancien
haut fonctionnaire de l’administration territoriale qui, lors d’une cérémonie demandait aux
griots de chanter ses louanges. En contrepartie il leur remettait beaucoup d’argent » précise
L 8.3.4.

Enfin, il est quasiment impossible pour un sénégalais, pour ne pas dire un africain, fut-il une
autorité religieuse, politique ou administrative de rester impassible devant les louanges d’un
griot. Il suffit pour s’en convaincre de l’observer dans les évènements où il rencontre ces
maîtres du verbe qui ont l’art de replonger les individus dans leur matrice sociale pour les en
ressortir magnifiés et dignes de toute la sympathie de la communauté.

L’implication des hommes dans les dépenses onéreuses ne fait aucun doute car la dynamique
sociale emporte les valeurs de la société globale dont font partie les hommes. L’esprit de
solidarité au sein des alliances et de la parenté, la manifestation de valeurs de jom, de ngor, de
kersa et de teranga ne sont pas une exclusivité des femmes. Si les hommes proclament des
attitudes opposées à la gabegie, ils ne font rien pour empêcher ce phénomène. Au contraire, ils e
y participent directement ou indirectement, consciemment ou non. Cette ambiguïté, entre les
attitudes déclarées et les comportements observés, dans ce cadre, laisse apparaître donc un
facteur non moins important de reproduction de la pratique.

101
III.3.5 . Le rôle des réminiscences culturelles dans le gaspillage.

Le conflit entre un individualisme, non encore intégré totalement mais imposé par le nouvel
ordre économique, et un communautarisme encore persistant au niveau des systèmes de
représentation, crée aussi des crises de conscience au niveau individuel et collectif. « Les
beaux-parents ne sont pas satisfaits s’ils ne voient rien des biens de leurs fils. On dit le
cas échéant qu’untel est maintenant la propriété de sa femme. Ainsi, il y a très souvent
des problèmes qui peuvent même destabiliser le ménage » confie L7.3.1.
La femme , par ses largesses, exprime à sa belle famille son désir de partager avec elle les
biens de leur fils qui, dans la mentalité encore resistante à l’individualisme lui appartiennent
en partie, de droit. C’est une sorte d’exorcisme qui nécessite la participation et le témoignage
de toute la communauté. Les dons seraient donc, ici, une façon de compensation ou
d’indemnisation pour « dommages socio-économiques causés ».

III.3.6. L’échec du modèle économique imposé.

L’institutionnalisation de l’économie de marché, ne s’est pas accompagnée du changement


pertinent de mentalité par rapport aux exigences nouvelles de la valorisation du capital qui ne
perçoit que l’individu. « L’ordre économique est fonction de l’ordre social qui le contient »142.
Et dans l’ordre social dont il est ici question l’individu est l’autre avant d’être soi même. C’est
ce que semble dire Socé143 par ces propos : « ici charité bien ordonnée commence par
l’autre ». L’autre, dans ce contexte culturel, est même jusque dans le menu de la ménagère qui
programme sa cuisine, en fonction de la visite impromptue de l’autre, à l’heure du repas. Et
l’autre c’est moi même par la projection que je me fais en lui en présageant de son
appréciation de la valeur des mets dont je me nourris.
Les biens économiques ont la même fonction sociale, malgré le réaménagement spatial de
l’organisation de la famille par l’urbanisation et le système individualiste de possession.
Coexistent une logique économiste de croissance et une logique sociale de valorisation du
capital économique par le partage. Ici le bien économique ne vise pas seulement la
satisfaction des besoins physiologiques mais il est aussi investi pour thésauriser un capital
social. Car l’institution sociale est pour l’occidental ce que la personne est, ici, pour

142
K. Polanyi, cité par M. Mbodj, cours d’analyse d e la politique sociale, ENTSS.
143
Ibid, déjà cité.

102
l’individu. On va plus communément vers le voisin, l’ami ou le parent que vers l’institution
administrative ou juridique pour satisfaire un besoin social.

Une valeur sociale est immatérielle. Si on veut traduire l’affection ou le respect, ou même la
dignité avec des unités monétaires, plus l’on y met, plus l’on a envie d’y mettre encore. D’où
cette tendance à beaucoup donner dans ces situations, même si c’est par simple ritualisme.

Le bien économique sert encore à la sustentation physique mais celle-ci partage son
importance avec l’équilibre relationnel. Or, le besoin d’estime de l’autre, par lequel passe
celui de soi même, est obtenu par un lien social structuré autour du don. L’hôte, selon qu’il
reçoit ou qu’il est reçu se croit moralement tenu de donner quelque chose. Même la salutation
doit s’accompagner par une poignée de mains que l’on se donne. Sinon elle n’est pas sentie.
C’est pourquoi la classification des besoins de Maslow mériterait une relecture à l’aune de la
dynamique sociale de l’africain dont le besoin d’estime ne serait pas au sommet de la
pyramide mais semble accompagner chacun des autres besoins.

III.3.7.La carence juridique.

La majorité des interlocutrices rencontrées déclarent n’être pas au courant de l’existence


d’une loi qui organise les cérémonies familiales.
Certaines parlent néanmoins des conventions établies au niveau communautaire appelées tak.
L 8.24.3 affirme qu’« il y avait des tak à Dangou et Diokoul mais ils n’ont pas été bien
suivis. Les femmes auxquelles on interdisait les gaspillages mettaient les objets et
l’argent à distribuer dans des sachets, et se les passaient discrètement ».
Selon Maître Ndiaye du tribunal départemental de Rufisque, l’existence d’un cadre juridique
ne fait pas défaut. Une loi existe mais c’est son applicabilité qui pose problème pour plusieurs
raisons tenant essentiellement à l’irréalisme de certaines de ses dispositions qui ne sont pas
compatibles avec les données sociologiques et les réalités culturelles. Il illustre sa pensée en
s’interrogeant sur la pertinence de faire admettre, à un sénégalais, comme délit, le fait de
sacrifier des taureaux pour célébrer les funérailles de son père, une pratique qui intègre son
système de représentation comme norme séculaire, incompressible, pour autant qu’il en a les
moyens. C’est plus difficile surtout quand on assiste tout le temps à ce qui se passe dans les
cérémonies religieuses, ou observe le comportement de certaines autorités supposées donner
le bon exemple dans les festivités.

103
La mise en application de cette loi créerait plus de désordre que le statu quo, et c’est là l’une
des raisons de son inapplicabilité.

En outre se pose l’impossibilité de l’établissement du délit qui suppose la matérialité du fait et


son constat.
En effet, dans les pratiques sociales, beaucoup relèvent de l’intimité et de la discrétion. Ainsi,
l’autorité judiciaire chargée des poursuites ne peut savoir le montant de la dot versée. Les
dons pouvant se faire dans l’intimité des concernés.
Il s’ajoute à ces difficultés la désuétude de la loi qui, ne signifiant pas son abrogation
expresse, n’en est pas moins son abrogation tacite. Dans la conscience du citoyen et du juge,
cette loi n’est pas applicable simplement parce depuis très longtemps elle n’est plus
appliquée.
L’anomie juridique que voilà ne relève pas du manque de volonté du législateur mais elle
traduit tout de même sa difficulté à trouver une source sociologique pertinente à une loi qui
mettrait fin aux gaspillages. Il est aisé de faire accepter le caractère répréhensible du vol ou de
l’abus de confiance. Ce qui ne l’est pas autant pour une dépense dans une cérémonie
familiale.

Cette analyse, on ne peut plus judicieuse et sage, montre les limites des modalités de
l’approche judiciaire initiée pour une éradication du phénomène des grandes dépenses, dans
les manifestations festives des familles. L’une des inconvénients majeurs de cette démarche
est de ne pas toujours susciter une réelle et totale adhésion des populations dont les réalités et
les besoins ne sont pas généralement pris en compte suffisamment. Ce constat conduit à la
conviction que la loi, en vigueur, a subi les avatars de son approche de développement social.

L’absence d’un cadre juridique clair et opérationnel serait donc l’une des causes de
l’impunité, dans les pratiques de gaspillage, qui favorise leur expansion.

104
III. 3.8.L’absence d’un dispositif opérationnel d’encadrement des populations.

Les données recueillies montrent, qu’en général, les femmes du quartier ne se souviennent pas
avoir été sensibilisées, à un moment ou à un autre, sur les questions des gaspillages, par des
structures publiques étatiques. A part des émissions diffusées à la radio et à la télévision, rare
sont celles qui ont eu l’opportunité d’interactions, sur ce sujet, avec des structures scolaires ou
de l’intervention sociale. Seules deux parmi elles sont informées de l’existence du service de
développement communautaire. Sa mission est quasiment ignorée : « nous connaissons les
écoles pour y être passées et parce que nos enfants y vont. Mais le service départemental
du développement communautaire, qu’est ce qu’on y fait ? » s’interrogeait L 15.13.2.

Cette interrogation, on ne peut plus étrange, traduit à la fois les limites du mode
d’implantation, du fonctionnement, et des orientations et missions du dispositif institutionnel
de lutte contre la pauvreté et d’organisation sociale.

105
Un service départemental, dit de développement communautaire, inconnu des communautés,
devrait susciter une reconsidération quant à la pertinence de son action et de ses objectifs et
stratégie.
D’autre part, malgré l’existence de programmes et de canaux de changement,
le feed-back perçu des canaux de réponse fait état du défaut d’une intervention non
systématique, disparate et exclusive de toute approche participative qui considère les femmes
et la communauté comme partenaires dans une interaction de rééducation communautaire.

III.3.9.Synthèse.

En définitive, les dépenses exorbitantes dans les cérémonies familiales relèvent, d’une part, de
facteurs liés aux nombreux dérèglements socio-culturels dus à des syncrétismes multiformes.
D’autre part, elles tiennent aux enjeux mal maîtrisés d’un environnement socio-économiques
qui se transnationnalise en ignorant les exceptions culturelles. Le tout, dans l’absence d’un
dispositif d’éducation et de rééducation des populations susceptible d’opérer les changements
de mentalité qu’imposent nos besoins de développement.
En effet, soumis à l’islamisation, à la colonisation et au modernisme inspiré par des valeurs
occidentales souvent mal comprises qui n’ont pas su faire disparaître le substrat socio-culturel
autochtone, les populations africaines sont, de façon générale, le réceptacle de plusieurs
systèmes de représentations parmi lesquels elles ne savent souvent pas faire les
discriminations nécessaires.

106
Cet état de fait, dont la conséquence est la répétition des formes et des contenus de registres
de valeurs différents en matière de cérémonie sociale, porte pour l’essentiel, en tant que
facteur structurant, les pratiques gaspilleuses dans les festivités domestiques. Ainsi, il favorise
la multiplicité des rites, des prestations, des prestataires et des bénéficiaires de dons et de
contre-dons en ces occasions festives qui sont tous autant de causes de dépassement des
limites du rationnel dans ce cadre.

En outre, le goût du luxe inspiré par les rapports de classes dans lesquels les couches sociales
dominées cherchent inconsidérément à se valoriser, en adoptant le modèle de consommation
des dominants, lesquels procèdent à des innovations toujours plus coûteuses pour maintenir
leur statut, entretient le cercle vicieux de cette gabegie préjudiciable aux pauvres.

Par ailleurs, l’orientation donnée aux structures traditionnelles locales de solidarité et de


prévention ainsi qu’à l’épargne, qui sont tournés essentiellement vers la consommation dans
l’organisation de festivités de plus en plus marquées par les incessantes innovations dans les
teranga, contribue pour beaucoup aux gaspillages cérémoniels.

De même, la monétarisation surdimensionnée de pratiques traditionnellement symboliques


ainsi que l’environnement psycho-social, cadre d’expression des teranga, ajoutée à l’absence
de toute réglementation partagée des fêtes sociales, créent un contexte favorable à la
démesure.
Au surplus, l’implication des hommes, directement ou indirectement dans le financement du
gaspillage est un facteur déterminant dans le développement de cette tare sociale.

Enfin, l’insuffisance de la compréhension du rôle capital de l’épargne des ménages dans le


financement de l’économie et partant dans la lutte contre la pauvreté, entretenue par l’échec
du système éducatif et des services sociaux étatiques dans ce domaine, est à noter comme
facteur déterminant de reproduction du phénomène du gaspillage dans les cérémonies
sociales.

107
Suggestions et rôle du travailleur social.

 Suggestions.

La dimension des gaspillages dans les cérémonies familiales, au quartier Santhiaba Ndiobène
de Rufisque relève d’attitudes et de comportements dont le maintien participe à précariser la
vie sociale de la population. Or, un changement de comportement peut contribuer aussi à
l’amélioration des conditions d’existence des habitants durement frappés par la crise
économique qui perdure. Aussi cela nécessite-t-il, vu la multiplicité et la diversité des causes
de ce phénomène, d’orienter les interventions sur plusieurs axes à savoir :
- faire accepter que les gaspillages constituent un réel problème social et l’introduire
dans le débat public ;

108
- travailler à faire percevoir les effets des dépenses onéreuses sur le développement
socio-économique des populations locales et sur celui de la nation entière ;
- parvenir à renforcer les systèmes de solidarité en réorientant leurs objectifs et buts ;
- parvenir à un pacte social et communautaire d’élimination des dépenses excessives et
- mettre l’accent sur l’éducation, pour un changement durable ou définitif d’attitudes et
de comportement sur les dépenses cérémonielles.
Il s’agira donc d’opérer, suivant un processus durable, des modifications sur les attitudes et
les comportements relativement à l’organisation des cérémonies familiales.

 Rôle du travailleur social.

Déterminer le rôle du travailleur social dans le cadre suppose la définition préalable des
objectifs de son intervention.

Le problème des gaspillages dans le quartier Santhiaba revêt un caractère communautaire et


porte sur des valeurs qui inspirent des attitudes traduites par les comportements observés.
Sous ce rapport, le développement communautaire, comme modèle d’intervention sociale
collective, pourrait parvenir à éliminer les gaspillages ou à les diminuer. Une telle approche
vise le développement de la capacité d’auto-développement de la communauté, l’intégration
communautaire, avec un accent mis sur le processus.

109
En aidant cette communauté à mieux gérer ses ressources par un changement des modèles de
consommation dans les cérémonies, on aide au renforcement de sa capacité à se développer
par elle-même. Le cas échéant, on réduirait par la même occasion la dimension des
prestations, pour les contenir dans des dimensions accessibles pour la plupart des prestataires
potentiels. Ce qui renforcerait le niveau d’intégration des habitants du quartier.
Dans cette perspective, le travailleur social jouera alors le rôle d’éducateur populaire, de
coordonnateur et d’agent de liaison.
Au moyen de groupes de tâches il devra pouvoir parvenir à amener le quartier à un consensus,
et à une amélioration des canaux de communication entre les différents segments de
l’organisation sociale.

Pareille démarche pourrait s’appuyer sur deux approches qui seront mises successivement en
œuvre : le marketing social, le changement planifié, le tout dans une perspective de modèle
systémique.

L’intervention se fera d’abord par le marketing social, pour un changement des attitudes.
Un tel choix est dicté par le fait que les comportements ne peuvent durablement changer si les
attitudes qui les inspirent n’évoluent pas en conséquence.
Santhiaba a la particularité d’être un quartier traditionnel où les habitants se retrouvent très
régulièrement à la mosquée et dans de nombreuses organisations comme les nombreuses
associations religieuses, l’ASC et les tontines.
Généralement admis comme un processus organisé en vue d’influencer le changement, le
marketing social sert aussi à persuader, influencer et motiver, communiquer avec des groupes
identifiables pour renforcer leurs comportements ou les changer. Il servira à susciter les
échanges sur la question du gaspillage de façon à en faire une cause sociale au niveau du
quartier. Pour ce faire, le travailleur social s’appuiera sur l’action sociale qui est une
entreprise collective pour diminuer ou résoudre un problème social. Son but est la réalisation
des changements sociaux selon une direction déterminée, considéré comme désirable par les
agents de changement. Son succès correspond à la solution ou à la diminution du problème
social.144

La quasi-totalité des femmes rencontrées déclare ne sacrifier à cette pratique que sous la
contrainte sociale. Elles considèrent la situation avec dégoût. Il s’agira donc de renforcer
144
M. Faye, cours de marketing social, ENTSS.2011.

110
cette attitude négative en suscitant le débat dans les cercles de rencontre. Ainsi, il faudra
d’abord déterminer les cibles par la segmentation de la cible de changement.

 La stratégie.

La stratégie privilégiée dans les rencontres sera la persuasion, du fait que l’on s’adresse
particulièrement à une cible constituée d’adultes. Cette approche stratégique constitue un
facteur important de changement d’attitudes et partant de comportement. De la sorte, l’agent
de changement ciblera les personnes influentes dans le quartier.

Le changement vise principalement les femmes car elles sont les vecteurs essentiels de la
situation indésirée.
L’influence que la cible intermédiaire exercera durablement, et de façon cohérente, sur elles,
au travers des prêches du vendredi et dans les dahira, dans les réunions au sein des tontines, et
au niveau des groupes de jeunes permettra à moyen ou plus ou moins long terme d’enclencher
un processus de remise en question de ce phénomène et de ses buts.

La cible intermédiaire sera constituée des imams, des prêcheurs du vendredi, des dirigeantes
des tontines, des présidents de dahira145 et des leaders de l’ASC du quartier. Des groupes de
tâche seront initiés après qu’ils aient été persuadés qu’un changement s’impose, par les
approches individuelles. Ces groupes de tâches permettront aux participants de dégager,
ensemble avec le travailleur social, des approches consensuelles et de planifier des actions à
mener pour influencer la cible ultime.

 Les canaux de changement.

Les canaux de changement sont les manières selon lesquelles l’influence et la réponse peuvent
être acheminées entre les agents et les cibles de changement.
Dans ce cas précis seront utilisés à la fois :

 Les canaux d’influence interpersonnelle.

145
Association confrérique musulmane.

111
Les canaux d’influence interpersonnelle concerneront les masses média notamment, qui
rejoignent un grand nombre de personnes surtout dans les foyers. La radio de la mosquée
jouera bien ce rôle au cours des prêches qui se font chaque vendredi et dont les discours
sont entendus jusque dans les maisons. Les causeries de l’imam après les prières seront
mises à contribution de même que des émissions interactives sur la question à la radio
locale, Joko FM.

 Les canaux d’influence personnelle.


Ce sont :
 Les assemblées de masse.

Elles serviront à développer l’enthousiasme pour notre cause au niveau des supporters
identifiés au cours du processus, pour maintenir leur motivation, leurs connaissances sur les
tenants et les aboutissants de ce problème social.

 Les petits groupes.

Les groupes de causerie et de convivialité seront visés par les petits groupes qui, fortement
sensibilisés, permettent de soutenir la discussion et de la maintenir dans les foyers.

 Les approches individuelles.


Elles peuvent être employées en amont pour influencer la cible intermédiaire, mais peut aussi
servir tout au long du processus afin de convertir ceux qui manifestent des signes de
résistance au changement.

 Les canaux de réponse.

Les visites de groupes, à domicile, la participation aux cérémonies et les interviews seront
utilisés comme canaux de réponse.

112
Une fois qu’un changement est perceptible sur les attitudes, il faudra passer à un changement
planifié de l’orientation des solidarités dans le quartier.

Le changement planifié est défini comme un effort délibéré de changer une situation dite
insatisfaisante, au moyen d’une série d’actions dont le choix et l’orchestration résultent d’une
analyse systématique de la situation en cause146 . Le choix de ce changement planifié tient au
fait que ce dernier a pour objet deux éléments fondamentaux : le contenu et le processus.
Le premier renvoie à l’objet particulier qui pose problème et auquel on désire apporter des
correctifs alors que le second fait référence aux phénomènes et façons de faire qui ont cours
dans l’environnement social.

Ce milieu social occupe une place importante dans le cadre de notre travail car les femmes du
quartier vivent dans un environnement où elles interagissent avec les autres agents sociaux. Il
s’agit donc d’un environnement avec une dynamique propre.

En prenant comme exemple le premier problème identifié et relatif aux gaspillages dans les
cérémonies le contenu renverra à cette utilisation exagérée des ressources.
Le processus correspondra aux différentes pratiques et agissements dans les cérémonies qui
causent la gabegie.

La démarche du changement planifié s’articule autour de quatre grandes phases:


- le diagnostic de la situation insatisfaisante ;
- la planification de l’action ;
- l’exécution de l’action ;
- l’évaluation de l’action.

Le diagnostic de la situation insatisfaisante (les dépenses excessives dans les cérémonies)


comprendra l’ensemble de toutes les activités concourant à mener à une bonne définition de la
situation.
De telles activités tournent autour de trois dimensions : la collecte de données sur la situation,
l’analyse des données et la mise en relief des éléments les plus révélateurs et les plus
significatifs.

146
M. Mbodj, cours de travail social communautaire, ENTSS, 2010.

113
Le travailleur social tâchera de faire un diagnostic complet de la situation avec des rubriques
qui renvoient au contenu et au processus. Il s’agira de:
- définir la situation insatisfaisante des femmes et en quoi elle l’est (contenu) ;
- constater les écarts entre cette situation et la situation désirée c’est-à-dire parvenir à
organiser des cérémonies sans gaspiller les ressources (contenu) ;
- expliquer ses écarts c'est-à-dire les rendre plus compréhensibles pour les femmes
(contenu) ;
- tenir compte des liens et des impacts réciproques entre les femmes et l’environnement
socio-culturel (processus) ;
- établir la perception que les femmes ont de la situation : il s’agit de voir leur ressenti
par rapport au problème lui-même (processus) ;
- tenir compte des ressources disponibles dans le quartier en général (processus) ;
- tenir compte de nos ressources et de nos biais en tant qu’agent de changement
(processus) ;
- considérer la conjoncture générale (processus) ;
- établir la perméabilité des femmes au changement.

La planification de l’intervention est la phase où le travailleur social choisira et élaborera les


moyens appropriés pour agir sur la situation qu’il veut changer : c’est-à-dire le gaspillage
dans les cérémonies. Pour cela, il procédera aux activités suivantes :
- la définition des objectifs : ce que l’on veut avoir comme résultats, c’est-à-dire à terme
voir les femmes ne plus gaspiller des ressources dans les fêtes en maintenant les
actions de solidarité utiles pour les bénéficiaires ;
- l’élaboration des stratégies : c’est-à-dire choisir entre plusieurs moyens ceux qui, dans
le contexte, nous apparaissent être les plus efficaces en regard de l’objectif ci-dessus
décrit ;
- le choix proprement dit des moyens d’action ;
- l’identification des acteurs concernés par l’action qui peuvent être, en dehors des
femmes, tous les autres membres de la collectivité, leurs familles, leurs maris, les
parents, bref toute personne susceptible d’exercer une influence sur notre cible ;
- l’établissement d’un plan d’action qui renvoie aux activités à mener et leur distribution
temporelle;
- la conception et l’élaboration des instruments de contrôle et d’évaluation.

114
L’exécution est la mise en œuvre du plan d’action élaboré. Le travailleur social s’appuiera sur
les femmes influentes du quartier comme des relais.
Elle sera ponctuée d’évaluations ponctuelles et finales.
L’évaluation permettra de mesurer le degré d’atteinte des objectifs fixés. Elle sera un
processus continu qui durera tout le temps de l’intervention et fournira des réponses aux
questions :
- Quels sont les résultats obtenus ?
- Dans quelles mesures les actions engagées ont-elles permis d’atteindre les objectifs
poursuivis ?
- Quels sont les facteurs responsables de ce résultat ?
- Quelles sont les causes des éventuelles résistances au changement ?

L’évaluation sera considérée comme un nouveau diagnostic qui montrera jusqu’à quel niveau,
des changements ont été obtenus. Elle fait état du comportement des femmes dans les
cérémonies, relativement à l’utilisation des biens économiques.

Le travailleur social, tiendra compte du fait que le système client, ici les femmes du quartier,
sont dans des interactions continues avec d’autres systèmes : les autres quartiers dans
environnement distal. Il essaiera d’initier des actions, en vue de supprimer les renforçateurs
des gaspillages fournis par ces systèmes adjacents. Santhiaba reçoit d’eux des influences et les
influence en même temps. A cet effet, les différents agents de changements qui auront
émergé, au cours des processus de marketing social et de changement planifié, seront
147
sensibilisés sur le principe que « la difficulté de maintenir un changement est aussi
considérable que la difficulté d’obtenir ce changement »148. Aussi, les résultats obtenus, à
travers les deux premières approches, feront-ils l’objet de réinvestissement.

Rufisque est une ville où les habitants des différents quartiers sont généralement liés par la
parenté, les associations religieuses, le mouvement sportif… Ces différents réseaux, pourront
être utilisés comme des canaux d’influence, pour susciter le changement obtenu à Santhiaba
dans les autres localités. La coordination de toutes ces actions pourrait aboutir à un
changement à long terme des comportements dispendieux dans les cérémonies familiales, au
moins dans la ville de Rufisque.
147
M. N. Sow, « l’approche modification de comportement, cours de travail social auprès des personnes des
personnes et des familles, ENTSS, 2010.
148

115
Au même moment, des démarches seront entreprises auprès de certains leaders d’opinion pour
susciter un débat national avec un bon processus de communication dont l’objectif premier
sera de porter le débat dans toutes les structures sociales. Des séminaires, conférences,
symposiums… appuyés par les pouvoirs publics, le mouvement associatif, les partis
politiques travailleront à la recherche d’un consensus national sur la question, qui pourrait
faire l’objet d’une mesure législative, à large base sociale.

Conclusion :

Au Sénégal en général et dans la plupart des communautés, les cérémonies familiales sont
marquées par une tendance à la gabegie.
En abordant ce thème, nous avions comme objectif d’établir un rapport de causalité explicatif
de ce fait social. L’étude visait à découvrir les causes des dépenses apparemment
ostentatoires dans la dynamique sociale globale.
Il s’agissait de voir le rôle du mode d’organisation des cérémonies, leurs durées, la
superposition des rites et des cérémonies, la multiplicité des étapes des cérémonies et des
prestations, le but assigné aux structures de solidarité et l’influence de l’environnement
socio- culturel sur les gaspillages dans les fêtes sociales.

116
Le but était donc d’aller au-delà des jugements hâtifs qui considèrent les dépenses onéreuses
comme un simple gaspillage à des fins ostentatoires.

Pour la méthodologie utilisée à cet effet, nous avons adopté la démarche qualitative avec la
méthode non probabiliste axée sur l’analyse de contenu qualitatif.

L’instrument utilisé, dans la collecte des données est le guide d’entretien. Cette étude montre
que « l’ordre économique est fonction de l’ordre social qui le contient »149. Cependant, la
compatibilité de ces deux ordres est plus facilement obtenue si tous les deux résultent du
même référentiel culturel.
Le développement socio économique en occident s’est produit à partir d’un paradigme intégré
par les occidentaux et selon lequel la base du développement est l’individu.
En Afrique, en général, l’unité sociale est le groupe (famille, clan ethnie communauté…).Ces
formes de représentation ne sont pas effaçables avec des invectives : ce sont les agrégations
des émanations de la conscience humaine qui se sont sédimentées, au cours de la longue
histoire des peuples. Elles constituent des moyens de valorisation, de cohésion, de stabilité, de
reproduction et de régulation sociales. Elles intègrent, sous ce rapport, le cadre des
médiations historiques propres à chaque peuple, dans la dialectique de ses besoins spécifiques
et de leur satisfaction désirée. Elles expriment aussi la conception et la finalité de la richesse
mais aussi de l’homme et de la société. A chaque peuple son mode d’adaptation, sa culture, ce
qui donne sens, goût et chaleur à sa vie : ce qui fait qu’elle mérite d’être vécue.
L’universalisme ne semble pas possible partout.
L’autarcie n’est pas non plus possible car les rapports mondialisés de l’économie entament les
particularités culturelles. Ils exigent de chaque nation un effort d’accommodation au système
de régulation marchand, capitaliste et libéral.
En effet « nulle part, la mondialisation ne procède à l’égalisation des chances et des
écononomies. Au contraire, partout elle creuse et polarise les écarts(…).
Les formes traditionnelles d’organisation sociale ont toutes été vaincues par le rouleau
compresseur acculturant de l’économie. Les communautés de solidarité de base se sont
dissoutes à mesure que le marché étend son emprise à toutes les sphères de l’organisation
sociale en s’immisçant dans la vie quotidienne des populations. La question sociale alimentée
par la misère culturelle et les inégalités inédites est devenue brûlante »150.

149
K. Polanyi, cité par M.Mbodj, cours d’analyse de la politique sociale, ENTSS.
150
C. T. Diop, l’Afrique en attente, Edition Harmattan, Paris, 2006 p 82 .

117
L’ordre économique mondial a fini d’imprimer sa marque à la vie de l’homme devenu, non
plus être culturel particulier, mais citoyen du monde, être universel. La gouvernance mondiale
ne verrait de l’homme qu’un agent économique réel ou potentiel. Ce « déploiement mondial
d’un modèle culturel unique d’inspiration nord-américaine »151 nécessite une réorientation
idéologique au sein de nos populations.
Le monde est devenu un village planétaire. L’espace et le temps sont de plus en plus
maîtrisés. Le grand système qu’est devenu le monde ne permet plus le fonctionnement en vase
clos des systèmes et des sous-systèmes constitués des cultures et des sous cultures. Le
fonctionnement des systèmes est devenu à la fois intrasystémique et intersystémique, grâce à
la transnationalisation des rapports de production. Ce qui nécessite une adaptation des
mécanismes intrasystémiques dont ceux de la production et de la consommation des biens
économiques.

Notre modèle socio-culturel connaît un fonctionnement qui permet, somme toute, la


conservation de l’essentiel des rapports sociaux, gage de la forte solidarité, parfaitement
maîtrisée au niveau des groupes de participations intermédiaires. Mais il importe, dans une
dynamique communautaire, de jeter un regard sur nos pratiques culturelles. Certaines tarissent
l’optimisation de la qualité et de la quantité des extrants produits par notre système pour son
environnement. Elles amoindrissent l’énergie provenant des autres systèmes avec lesquels il
est en interrelation.
En d’autres termes, en Afrique, au Sénégal comme à Santhiaba Ndiobène les populations
subissent nécessairement les effets des rapports internationalisés de la production qu’elles ne
peuvent ignorer, du fait de l’impact produit sur les conditions de vie et les systèmes de
protection contre la pauvreté et la vulnérabilité.

Il est vrai, l’âme d’un peuple, d’une communauté c’est son ciment social, sa culture. Mais
comme construit, la culture est perfectible par le regard réflexif qu’elle projette sur elle-même
et les ajustements qu’elle opère, pour à la fois traduire la rationalité et l’élan émancipateur
mais aussi développer et maintenir sa fonction intégratrice.
Toutes les cultures ont leurs formes de solidarités. Chacune d’elles a ses forces et ses limites
mais n’est- il pas des caractéristiques de l’humain de toujours travailler à reculer ses limites.
D’autant que la perfection n’est pas de ce monde et que la recherche du progrès est le moteur
151
12 dictionnaires indispensables, en ligne.

118
de l’histoire des peuples qui, des cavernes, cherchent aujourd’hui, pour certains, à explorer
l’espace.

Nos solidarités ont laissé même supposer, en Afrique traditionnelle, une maximisation de la
protection et de la prévoyance sociale. De nos jours, elle est porteuse potentielle d’exclusion
et de vulnérabilité sociale. Cela est confirmé par la déclaration de L 3.12.4 : «les gens
préfèrent ne pas se rendre à une cérémonie, s’ils n’ont pas la contribution financière
attendue par le bénéficiaire qui s’empressera, après avoir consulté son relevé des
donneurs, de proclamer qu’un tel, en dépit de sa présence, ne lui a rien donné ».

L’acceptation du défaut est la source première de son amélioration. Personne ne promouvra


notre développement à notre place. Toutes les nations dites développées, ont seulement su
adapter leur génie socio-culturel à leurs impératifs de développement et à leur projet de
société. Nous pouvons et devons apporter les changements indispensables dans nos attitudes
et comportements pour devenir tous des agents porteurs de développement.

Tout compte fait cette étude nous a montré que loin d’être de la seule responsabilité des
femmes, les gaspillages dans les cérémonies relèvent de facteurs plus larges, diffus ou
explicites du fonctionnement sociétal global.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

OUVRAGES

1- Abdoulaye Bara Diop, La Famille Wolof. Tradition et changement, Editions Karthala,


Paris 1985.

2-Aminata Sow Fall, le Revenant, Les Nouvelles Éditions africaines, Dakar, 1976.

3-Anne Cécile Robert, L’Afrique au secours de l’occident, Les éditions de l’atelier, Paris
2006.

4- Emile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Flammarion, paris, 1988.

119
5- Jean de La Fontaine, livre I, fable II, Édition Barbin et Thierry (1668-1694).

6-Jean-Pierre Deslauriers., Recherche qualitative, guide pratique, Montréal, MC Graw Hill


Edition ,1991.

7- Mame Younouss Dieng, L’ombre en feu, Les Nouvelles Editions du Sénégal 1997.

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