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INTRODUCTION :

Outre le fait qu’elle soit maman, la femme joue un rôle fondamental dans l’espace
familiale. Elle est le moteur de l’éducation à la base, la régulatrice de l’économie
familiale, mais au-delà, la femme titille la place de l’homme dans une société où sa
condition ne favorisait pas une insertion sociale et politique tant souhaitée. Pour
étudier ce combat de libération sous le joug de la domination masculine porté par
certains personnages du roman de Mariama BA, nous allons tout d’abord voir les
éléments constitutifs de la condition féminine, l’émancipation de la femme dans la
société et en fin les cause et conséquences et solution de l’émancipation de la
femme dans une si longue lettre de celle-ci dans notre société africaine en particulier
sous l’angle d’ « Une si longue lettre ».

I. LES
ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA CONDITION
FEMININE

Dans la société traditionnelle africaine, il y a plusieurs éléments qui constituent un


poids, et des entraves pour la condition féminine. En effet, la femme est placée dans
un espace fermé dans lequel, elle doit nécessairement évoluer. Dans ce "huis-clos",
les femmes apparaissent toutes marquées à des degrés divers, par l’aliénation, la
dépendance à l’égard de la tradition et la frustration.

a. L’INFERIORITE DE LA FEMME
Depuis les origines, la femme est considérée comme le sexe faible. Elle
n’a aucun rôle à jouer si elle n’assume les rôles secondaires. Ainsi dans les
assemblées, elles étaient reléguées au second range n’assistaient pas aux prises de
décision. Donc, on peut dire qu’elle : devait seulement se marier, travailler
d’arrache-pied au foyer et procréer sans pour autant demander la raison.

b- L’INJUSTICE SOCIALE
Bouclée au foyer, surexploité au travail, éloigné de la décision politique, niée
dans sa sexualité, conditionnée par la culture et la tradition dans
l’Afrique traditionnelle, la femme apparaît comme un être enfermé.
La plupart des femmes sont victimes de l’injustice. Dans le roman nous
constatons que l’héroïne est victime de l’abandon et s’est ainsi retrouvée avec ses
douze enfants. Aïssatou et Jacqueline seront trahies par leurs maris respectifs. Elles
sont donc toutes victimes du sexe contraire et d’une société qui donne
la priorité aux hommes. Ces femmes sont considérées comme des
«martyrs", elles ne sont pas infidèles devant ces hommes faibles qui brisent leur
foyer à la première occasion ou qui tombent dans le piège d’un éventuel
remariage.

II . L’EMANCIPATION
a- DEFINITION
S’émanciper c’est s’affranchir d’une autorité ou simplement d’une domination. La
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femme africaine, comme développé plus haut, est assujettie et vouée à jouer
les seconds rôles. La liberté et l’indépendance des contraintes intellectuelles et
morales est bien l’aspiration de certains personnages dans le roman à
l’exemple d’Aïssatou qui refuse de se plier aux clivages sociaux et préfère
divorcer. La petite Nabou aussi tend vers l’émancipation. Venue des
profondeurs du Sine, Elle fréquente l’école française et devient sage-femme.
Elle est ainsi devenue une battante dans sa vie professionnelle. L’émancipation
entre en plein fouet dans le foyer de Ramatoulaye avec le trio (Arame, Yacine
et Dieynaba). Elles fument et portent des pantalons provoquant la colère de leur
mère. Toutefois, on ne peut évoquer ce phénomène sans parler du combat pour
la parité, celui-là mené par des femmes libres qui réclament l’égalité totale des
droits dans le cadre général de la vie. Cette parité regorge toutes les formes de
revendications qui aspirent à restituer tous les droits à la femme.

b- L’EMANCIPATION DE LA FEMME DANS LA


SOCIETE
Les destins des deux amis montrent qu'il existe des façons différentes de faire face à
l'oppression et à la discrimination. Aïssatou refuse le rôle secondaire de femme qui
lui est attribué par son mari, et elle le quitte. Elle décide de divorcer et de s'exiler à
l'étranger, aux États-Unis, où elle peut accomplir ses projets sans que le fait d'être
une femme soit un obstacle. Dans le cas d'Aïssatou, c'est plutôt la mère de Mawdo
Bâ qui est la cause de leur séparation. Mawdo Bâ est le mari d'Aïssatou. Tante
Nabou, la mère, pense qu'Aïssatou n'est qu'une « bijoutière ». Selon Tante Nabou,
elle n'a pas plus de valeur qu'un bijou. Les différences de classe amène Tante
Nabou à trouver une autre épouse pour son fils. Aïssatou écrit dans une lettre à
Mawdo : « Dès lors, tu dégringoles de l'échelon supérieur, de la respectabilité où je
t'ai toujours hissé […] Je me dépouille de ton amour, de ton nom. Vêtue du seul habit
valable de la dignité, je poursuis ma route. Adieu, Aïssatou » (Bâ, 1979 : 65). Mais
dans le cas de Ramatoulaye, elle ne peut pas accepter de vivre avec la situation.
Pour elle, une vie en dehors du mariage est impossible. Finalement, Modou force
Ramatoulaye à vivre seule. Ramatoulaye est abandonnée et doit prendre soin d'elle
et de leurs enfants toute seules. Son domaine d'activité reste limité à sa maison et
son identité est définie uniquement par la maternité et par le fait d'être une femme
négligée. Comme Aïssatou, elle avait étudié et travaillé comme professeure quand
elle était jeune mais aucune partie du roman ne nous montre que Ramatoulaye avait
une vie professionnelle. Probablement, elle a arrêté de travailler comme professeur il
y a longtemps, peut-être juste après qu'elle s'est mariée. Aïssatou est décrite comme
mobile, et Ramatoulaye manque de toute mobilité. Mais un jour Aïssatou achète une
voiture à Ramatoulaye, qui symbolise la mobilité. Aïssatou veut voir Ramatoulaye
devenir plus ambitieuse et sociale. 12 Aïssatou revient au Cameroun mais juste
avant l'arrivée, Ramatoulaye termine sa lettre qu'elle conclut en disant : « Je t'avertis
déjà, je ne renonce pas à refaire ma vie […] Le mot bonheur recouvre bien quelque
chose, n'est-ce pas ? J'irai à sa recherche. Tant pis pour moi, si j'ai encore à t'écrire
une si longue lettre…Ramatoulaye » (Bâ, 1979 : 165). Ici, nous voyons très
clairement qu'en écrivant sa lettre et en réfléchissant sur sa vie, Ramatoulaye
commence à repenser et à changer. Elle est déjà devenue plus dynamique dans ses
pensées et dans son comportement. Lorsque son beau-frère, Tamsir, la demande en
mariage elle refuse. Elle refuse même l'offre de Daouda Dieng qui l'aime depuis sa

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jeunesse, pour deux raisons : elle n'est pas amoureuse de lui et parce qu'il a déjà
une femme. Elle ne veut pas être responsable du malheur de cette femme en
acceptant un mariage polygame. Pour Ramatoulaye, le mariage est quelque chose
de personnel et de noble et elle se met en colère parce qu'elle est traitée comme un
objet sexuel. Elle préfère être toute seule plutôt que de se marier avec un homme
qu'elle n'aime pas : « Tu oublies que j'ai un cœur, une raison, que je ne suis pas un
objet que l'on se passe de main en main. Tu ignores ce que se marier signifie pour
moi : c'est un acte de foi et d'amour, un don total de soi à l'être que l'on a choisi et
qui vous a choisi » (Bâ, 1979 :109-110). La fin du roman suggère que le processus
de changement par lequel passe Ramatoulaye, aussi bien que sa nouvelle manière
de penser, seront plus liés à sa vie personnelle et à son comportement.

III. L’EMANCIPATION DE LA FEMME DANS UNE SI


LONGUE LETTRE
a. CAUSES
Une si longue lettre est l'exemple d'un roman féministe africain qui décrit la
transformation d'une femme. Dans son roman, Bâ critique l'organisation patriarcale
dans la société sénégalaise qui est influencée par l'Islam. Principalement, Mariama
Bâ critique la discrimination des femmes dans la sphère publique, la société, et en
particulier dans la politique Le thème principal du roman est les relations entre les
sexes au sein de la famille. Dans la société sénégalaise, il y a une inégalité entre
l'homme et la femme dans un mariage. La femme occupe une place subordonnée et
l'homme domine. Simone de Beauvoir qualifie une telle situation d'handicapée. Elle
écrit : « La femme a toujours été, sinon l'esclave de l'homme, du moins sa vassale ;
les deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité ; et aujourd'hui encore,
bien que sa condition soit en train d'évoluer, la femme est lourdement handicapée »
Dans Une si longue lettre, quand Aïssatou quitte Mawdo, il se rend compte qu'il a fait du
mal, mais il ne change pas son comportement. Cependant, Modou ne regrette pas
son comportement contre Ramatoulaye. En fait, il trahit non seulement sa vie, en
plus, il ne respecte pas les normes traditionnelles en négligeant sa première épouse
complètement après son mariage avec Binetou. Il ne donne ni argent ni affection à
Ramatoulaye ou à leurs enfants. Modou cherche à trouver une deuxième épouse
parce qu'il veut avoir une jeune femme. Mais selon Ramatoulaye, il faut respecter le
vieillissement et la force de l'amour dans une relation. Pendant un moment,
Ramatoulaye pense le quitter parce qu'elle est contre la polygamie : « J'étais
offusquée. Il me demandait compréhension. Mais comprendre quoi ? La suprématie
de l'instinct ? Le droit à la trahison ? La justification du désir de changement ? Je ne
pouvais être l'alliée des instincts polygamiques. Alors comprendre quoi ? » (Bâ, 1979
: 68-69).
b. CONSEQUENCES
Peut-être faudrait-il noter qu’il existe aussi des femmes qui se plairaient dans cette
situation et qui revendiqueraient cela. Dans le roman de Mariama Bâ, ce rôle revient
à tante Nabou, la mère de Mawdo Bâ, qui exige de son fils qu’il épouse une femme
sur qui il pourra asseoir une certaine autorité, une épouse qui serait à la fois soumise
à lui, son mari et à elle, sa belle-mère ; au lieu de ça, Mawdo épouse Aïssatou, jeune
fille ayant obtenu des diplômes. Tante Nabou ne bénit pas ce mariage et taxe
implicitement sa belle-fille de diablesse, car dit-elle, « l’école transforme nos filles en
diablesses, qui détournent les hommes du droit chemin14. » Elle sous-entend donc

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que, une femme ayant obtenue des diplômes ne peut pas être une bonne compagne,
c’est d’ailleurs la raison qui laquelle elle va chercher une autre femme à son fils, pas
du tout instruite, qui ne risquerait pas d’égarer son fils.
Par opposition à certains traditionnalistes ui considérait la femme dans son rôle
traditionnel et pensait que la femme ne pouvait être « que ménagère ou courtisane »,
Ramatoulaye et Aïssatou rejettent cette conception traditionnelle de la famille et du
rôle des sexes. A cette même conception du mariage que Mariama Ba elle critique
l’exploitation de la femme par la société et de leur corps par l’homme et le mariage.
C’est ce qui apparait dans ce souvenir de Ramatoulaye qu’elle a de la mère
d’Aïssatou qui sortait des cuisines le visage ocre, constellé de grosses gouttelettes
de sueur17 ou encore de l‘attitude de Modou et de Mawdo, qui dans le choix de leurs
deuxièmes épouses, se sont tournés vers des jeunes filles alors que leurs premières
épouses plus âgées, avaient déjà enfanté plusieurs fois.
c. SOLUTIONS
Les inégalités entre les hommes et les femmes se sont réduites, historiquement,
sur le marché du travail, dans la famille, à l’école. Ces progrès méritent d’être
soulignés, et même honorés, d’autant qu’il n’y a guère d’irréversibilité en la
matière. Néanmoins, des inégalités demeurent, et certaines se sont même
amplifiées. L’égalité de droit ne conduit pas encore à une égalité de fait.
D'abord, les femmes ont investi le marché du travail. Leur volonté
d’indépendance financière, d’indépendance tout court, les a conduites, à partir
des années 60, à s’insérer dans les études et dans l’emploi, bien plus
massivement qu’elles ne l’avaient fait auparavant.
Ensuite, les femmes aujourd'hui bénéficient de nouveaux moyens pour l’égalité
professionnelle et une meilleure articulation des temps de vie, avec le
renforcement de la négociation d’entreprise et de branche en faveur de l’égalité
professionnelle…
Puis, la lutte contre les violences faites aux femmes, grâce au renforcement de
l’ordonnance de protection et des infractions relatives au harcèlement et la
priorité donnée à l’éviction du conjoint violent du domicile.
Finalement, le recul des stéréotypes sexistes et la généralisation de la parité,
avec la traduction, dans tous les secteurs de la vie sociale, du principe d’égal
accès des femmes et des hommes aux responsabilités… Tous ces facteurs
signalés auparavant ont aidé à réduire d'une façon ou d'une autre les inégalités
entre les femmes et les hommes dans le monde entier.
L’égalité des droits entre hommes et femmes c’est permettre aux femmes,
malgré leurs différences biologiques avec les hommes, d’être traitées de la
même manière qu’eux, de ne pas être entravées dans leurs potentialités par le
seul fait d’être une femme.
CONCLUSION
Dans son roman, Mariama BA s’est employée dresser deux types de
personnages féminins mis en scène. La femme traditionnelle représentée par
Ramatoulaye et la femme émancipée à l’exemple d’Aïssatou par son
éducation et son militantisme en faveur de l’amélioration des conditions
féminines qu’elle estime pénalisées. C’est dans cette perspective militante que
l’auteur entend montrer que la femme ne doit plus jouer les seconds rôles, que
ce combat doit mener à l’égalité des droits avec l’homme.

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