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Ecole Darou Salam 2022-2023

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INTRODUCTION
Dans son roman épistolaire « Une si longue lettre », Mariama Ba
aborde plusieurs thèmes de société dont les plus en vue sont : la
polygamie, le système des castes, l’amitié et l’amour, l’éducation, la
condition de la femme africaine. Bien que Aissatou soit la réceptrice
de la lettre dans le roman, c’est à nous que Mariama Ba adresse cette
correspondance aux relents d’une véritable critique de la société.
Son militantisme pour le droit des femmes, sa fonction
d’enseignante, son statut de mère de famille divorcée ont influencé
le choix des thèmes.
I.L’AUTEUR ET SON ŒUVRE
Mariama Ba naquit au Sénégal en 1929 envoyé à l’école française
en1936 après son passage à l’école coranique. Elle était de ces
« premières pouponnières de la femme africaine » peu nombreuses à
l’école normale de Rufisque en 1936, elle avait néanmoins le mérite
de prendre conscient qu’elle était « destinée à la même mission
émancipatrice ». Mariama Ba sortit institutrice en 1947 de cette
école dans lequel elle fut brillante en français. Militante pour la cause
féminine, ces expériences « des amitiés qui ont résisté au temps et à
l’éloignement », on alimentait son premier roman « une si longue
lettre » publiée en 1979. Cette œuvre dont on peut
Retenir qu’elle est un projet de dénonciation, retrace une vieille
amitié et vivre du même coup les recherches culturelles de toute.
Mariama Ba est également l’auteur « d’un chant écarlate » une
œuvre publiée en 1981 à travers laquelle l’amitié comme l’amour
demeurent des codes de comportement. L’approche technique à
faire des ^personnages permet de voir combien de fois Mariama Ba
fut sensible à la maternité et aux problèmes quotidiens de la société
avant sa mort en Août 1981.

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II.RESUME DE L’ŒUVRE
Veuve et mère de douze enfants, Ramatoulaye entreprend, après la
mort de son mari Modou Fall, la rédaction d’une si longue lettre
destinée à sa meilleure amie Aissatou. La période de réclusion de
quarante jours imposée par la tradition musulmane la plonge dans de
profondes réflexions qui lui permettent de faire un bilan de sa vie.
Ainsi elle relate avec tendresse et nostalgie les différents moments
ayant marqué leur enfance et leur amitié commune. Revenant sur les
circonstances du décès de son mari, sur ses déboires conjugaux, sur
le comportement de sa belle-famille, elle fait aussi une comparaison
entre l’expérience d’Aissatou qui a suivi la voie de la modernité face à
la polygamie et sa propre expérience.
Elle se souvient qu’après vingt-cinq années pleines de quiétude et de
bonheur passées auprès de son mari, elle se voit imposer la présence
d’une seconde épouse, Binetou (jeune lycéenne et amie de sa
première fille Daba) pour qui Modou Fall ne représente qu’une
source de biens matériels. Aveugle par son amour pour la jeune fille,
ce dernier abandonne son premier foyer et bafoue ainsi la tradition
musulmane. Triste et malheureuse, Ramatoulaye décide cependant
de ne pas divorcer. Elle se retrouve donc toute seule à assumer les
multiples problèmes à la fois économique et moraux que pose
l’éducation des enfants.
III.ETUDE THEMATIQUE
1-L’AMITIE ET L’AMOUR
Ce thème occupe une place prépondérante dans le roman.
C’est parce qu’Aissatou et Ramatoulaye sont des amies d’enfance
qu’elles s’adressent des lettres pour y raconter leurs parcours, leurs
joies et leurs peines. « L’amitié a des grandeurs inconnues de
l’amour. Elle se fortifie dans les difficultés alors que les contraintes
massacrent l’amour » affirme Ramatoulaye à la page 104.

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Ce thème est aussi symbolisé par Modou Fall et Mawdo Ba qui ayant
épousé deux amies ont établi dans leurs couples un lien d’amitié par
ricochet. Si ces personnages ont pu maintenir leur complicité malgré
l’éclatement de leurs mariages, c’est tout à fait le contraire pour
Daba et Binetou. Ces deux anciennes copines et camarades de classe
ont rompu leur amitié après que celle-ci soit devenue la deuxième
femme du papa de celle-là. Les couples évoqués dans le roman bien
que fondés sur l’amour finissent par s’éclater. Cet amour n’a donc
pas pu résister face aux influences exogènes. Le profit, le gain facile,
l’hypocrisie, l’ignorance, la naïveté ont eu raison sur l’amitié et
l’amour qui étaient le socle des couples et autres personnages du
roman.
2-LA POLYGAMIE ET LE SYSTEME DES CASTES
La polygamie est la cause principale de l’éclatement des couples du
roman.
L’héroïne (Ramatoulaye) se voit abandonnée par son mari au profit
de Binetou. Pour satisfaire sa mère qui tenait à « restaurer sa dignité
», Mawdo Ba épouse en secondes noces Nabou la petite (sa cousine)
de la même lignée que lui opposée à Aissatou (sa première épouse, la
bijoutière, la castée).
En cherchant d’autres femmes Modou Fall et Mawdo Ba détruisent
leurs premiers mariages qui pourtant semblaient être solides.
Si Modou Fall quitte Ramatoulaye pour les beaux yeux et le charme
de Binetou, Mawdo Ba quant à lui épouse sa cousine par contrainte,
pour ne pas fâcher sa mère. Cette contrainte est directement liée au
système des castes. En effet Tante Nabou désapprouve le mariage
Mawdo Ba-Aissatou sous prétexte que celle-ci est issue d’une famille
de bijoutiers. Les castes sont définies comme une classe sociale
inférieure comparée aux nobles. Le mariage entre un « casté » et un
noble est interdit et banni dans la société traditionnelle africaine. «
Quoi, un Toucouleur qui convole avec une bijoutière ? Jamais, il
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n’amassera argent », dit-on dans la ville à propos de ce mariage (P


37). Cette liaison est perçue comme un affront par la maman de
Mawdo Ba.
3 -L’EDUCATION ET LA CONDITION DE LA FEMME AFRICAINE
Deux types d’éducation opposés d’une part et complémentaires d’autre part
sont mis en exergue dans le roman : l’éducation traditionnelle africaine et celle
moderne. La première est marquée par la connaissance des valeurs
traditionnelles et l’apprentissage coranique. L’éducation dite moderne est celle
véhiculée par l’école classique. Les jeunes que l’on rencontre dans le roman
s’inspirent du mode de vie occidentale.
C’est le cas des filles qui portent des pantalons au grand dam de leur maman
(voir commentaire P142).
« L’autre nuit, j’avais surpris le trio (comme on les appelle familièrement)
Arame, Yacine et Dieynaba en train de fumer dans leur chambre », se désole
Ramatoulaye à la page 148. Cette dame est à cheval entre ces deux types
d’éducation : élevée dans une famille religieuse traditionnelle elle fréquente
l’école française puis devient enseignante. Mariama Ba fustige le rôle exclusif
que la société africaine a assigné à la femme : femme au foyer, « productrice »
d’enfants, sans diplôme ni emploi. Pour elle, les rôles ne doivent pas être
attribués en fonction du sexe mais plutôt en tenant compte des critères de
compétences. La femme ne doit pas être « l’accessoire qui orne, l’objet que
l’on déplace, la compagne que l’on flatte mais la racine fondamentale d’une
nation ». Son statut d’enseignante n’empêche pas Ramatoulaye de s’occuper
de son mari, d’avoir plusieurs enfants et de s’adonner à ses tâches ménagères.
Mariama Ba veut voir la femme africaine émancipée, libérée de certains jougs
de la société.
IV)- « UNE SI LONGUE LETTRE » AUJOURD’HUI
Au début du roman Mariama Ba évoque les faits qui entourent le décès de son
mari : inhumation, cérémonies du troisième, huitième et quarantième jours.
Ces cérémonies ont eu quelques fois des allures de fête : les femmes parlaient
du dernier tissu paru dans le marché, des tresses, des bijoux… On entendait des
rires par ci et par là (P14).
Aujourd’hui on constate des cérémonies de présentation de condoléances aux
allures de meeting politique. « Notre belle famille emporte ainsi des liasses

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laborieusement complétées et nous laisse dans un dénouement total, nous qui


aurons besoin de soutien matériel », s’exclame Ramatoulaye à la page 16.
Institutrice de formation, la narratrice a consacré une part belle à la fonction
enseignante qu’elle compare à celle de médecin : un métier qui « n’admet pas
l’erreur ». « Déformer une âme est aussi sacrilège qu’un assassinat », affirme-t-
elle à la page 48.
Et Ramatoulaye de poursuivre, toujours à la même page : « Les enseignants,
ceux du cours maternel autant que ceux des universités, forment une armée
noble aux exploits quotidiens, jamais chantés, jamais décorés…Cette armée
déjouant pièges et embuches, plante partout le drapeau du savoir et de la
vertu ». Un vrai réquisitoire qui interpelle aujourd’hui les syndicats
d’enseignants, l’Etat et les associations de parents d’élèves à l’heure où le front
social reste tendu. En Modou Fall on peut voir aussi le syndicaliste versatile qui
retourne sa veste pour devenir conseiller technique au Ministère de la Fonction
publique. Mais aussi le parent irresponsable qui abandonne sa famille, se
réfugie chez sa seconde épouse et engage des dépenses colossales. Il va même
s’endetter pour permettre à ses beaux-parents d’accomplir le pèlerinage.
D’autres exemples dans le roman peuvent illustrer la vie de notre société
actuelle. « Une si longue lettre », roman africain, a eu un écho favorable dans le
milieu littéraire et a inspiré plus d’un. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a
été traduit en plusieurs langues et a reçu le Prix Noma en 1980. Un autre
roman, au programme au collège, « Sous l’orage » de Seydou Badian Kouyaté
traite aussi des thèmes similaires.
CONCLUSION
Pour conclure…
Il serait intéressant pour nous de retenir qu’Une si longue lettre est un roman
dont la richesse thématique est plus qu’exceptionnelle. De la mort à l’amitié en
passant par l’amour, les thèmes foisonnent comme des champignons ; nous
pouvons citer entre autres la polygamie, l’éducation, la tradition, le problème
des castes… Ce roman, quoique s’inscrivant dans le sillage d’une entreprise de
fondation de la littérature africaine féminine, constitue une bonne clef
permettant de comprendre les réalités socioculturelles de l’Afrique et plus
particulièrement celles du Sénégal.

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