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Une si longue

lettre
MARIAMA BÂ
I
Mes premières impressions
« Une si longue lettre ». Je n’avais jamais entendu parler de cette œu-vre
ni de son auteure. Je m’intéresse à la première de couverture où je
découvre donc pour la première fois le nom de l’auteur et de l’œuvre. Je
distingue également des dessins de femmes habillées de différents motifs,
sur ce qui paraît être un pagne africain. Je m’imagine que le ré-cit va parler
des femmes dans la société africaine.

Première de couverture d’Une


si longue lettre, éditions du 21
rocher 2019
Je m’attarde ensuite sur la quatrième de couverture. Je retrouve la pe-tite
note qui m’en apprend un peu plus sur l’auteur et l’œuvre. Il est dit que
« Mariama Bâ est la première romancière africaine à décrire avec une telle
lumière la place faite aux femmes dans la société ». Le thème abordé par
l’œuvre est la condition des femmes. De plus, le personna-ge principal est
une femme du nom de Ramatoulaye, qui est veuve. Au cours du roman,
Ramatoulaye dénonce les mariages forcés, l’absence de droit des femmes,
et surtout la polygamie.

Quatrième de couverture d’Une


si longue lettre, éditions du
rocher 2019

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Le début de la lecture
J’entame la lecture par les chapitres 1 à 5. Je pensais, comme dans la
majeure partie des romans que j’ai lus, commencer par la situation ini-
tiale. Mais Mariama Bâ n’a pas respecté le schéma narratif. En effet,
l’auteure n’a pas commencé par la situation initiale, mais plutôt par la
résolution du problème. Dans ce passage, Ramatoulaye, la narratrice,
annonce à son amie Aïssatou, via une lettre, que son mari Modou Fall est
décédé. Elle raconte ensuite comment s’est déroulé l’enterrement de ce
dernier avec l’arrivée de sa famille et de ses amis. Puis, la narra-trice va
raconter comment s’est déroulée la cérémonie du troisième jour, coutume
musulmane dans laquelle de l’argent est donné à la fam-ille. Elle introduit
également la co-épouse de son mari, Binetou. Dans le chapitre qui suit,
Ramatoulaye parle de l’héritage et nous explique ce qu’est le « Mirasse »,
« le dépouillement d’un individu mort de ses secrets les plus intimes ».
Durant cet évènement, elle apprend que la villa SICAP, résidence de
« Dame Belle-Mère » et de Binetou, est payé par un prêt sur la villa
« Fallène » de Ramatoulaye et que Binetou était rémunérée mensuellement
par Modou et le serait même après sa mort tandis que Daba, sa fille aînée
tenait la liste du contenu de la villa. Puis, Ramatoulaye confesse son amour
se demande pourquoi Modou a-t-il épousé Binetou.

La « vraie » situation initiale


*

C’est à partir du chapitre 6 jusqu’au chapitre 10 que débute en réalité le


récit. Dans ce passage, Ramatoulaye parle d’abord de sa rencontre et son
mariage avec Modou Fall ; avec en parallèle l’histoire entre sa meilleure
amie, Aïssatou, et Mawdo Bâ. Puis, elle exprime son regret de ne pas avoir

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écouté ses parents, en particulier sa mère, qui n’affec-tionait point Modou
et voyait leur mariage d’un mauvais œil. La narra-trice évoque notamment
son enfance à l’école aux côtés d’Aïssatou. Elle nous raconte ensuite le
mariage « controversé » de sa meilleure amie, étant fille d’un bijoutier,
avec Mawdo Bâ, du sang royal de sa mère tante Nabou, qui est Dioufène,
Guélewar du Sine. On apprend la mort du père de Mawdo. Puis,
Ramatoulaye parle de sa vie avec Mo-dou ; la mère de ce dernier passait
avec des amies pour montrer la ré-ussite de son fils et pour obtenir de
l'argent. Elle se remémore les bons moments passés à Dakar ou à la plage
avec Aïssatou et parle aussi des métiers d’enseignant et de médecin, ainsi
que de leur vie de femme à la maison. Enfin, la jeune femme raconte le
passage de l’époque colo-niale à l’indépendance du Sénégal, en rappelant
que son mari est syn-dicaliste et donc à la première place des organisations
syndicales. À la toute fin de ce passage, tante Nabou, belle-mère
d’Aïssatou, pense da-vantage à sa vengeance contre sa belle-fille qu’elle
n’appréciait point du fait de sa classe sociale.

L’élément déclencheur
Je poursuis ma lecture par, ce qui est pour moi, l’élément qui va boule-
verser le récit, autrement dit les chapitres 11 à 14. Dans ce passage, la
narratrice parle d’abord de tante Nabou et de sa puissance liée à son statut
royal, qui – ayant soif de vengeance – rendit visite à son frère Farba Diouf,
dans le village des ancêtres du nom de Diakho. Ce der-nier envoie la petite
Nabou avec tante Nabou qu’elle s’occupe de son éducation. Ramatoulaye
conte l’arrivée de la petite Nabou, qui va de-venir sage-femme ; tante
Nabou la propose à Mawdo comme épouse sous prétexte d’un
remerciement de son frère Farba Diouf. Mawdo et la petite Nabou se
marient donc, pour le malheur d’Aïssatou qui va partir aux Etats-Unis avec
ses quatre fils. Ramatoulaye énonce ensuite la lettre d’Aïssatou envoyé à
Mawdo. En parallèle à cette séparation, trois en plus tard, Ramatoulaye dit

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que Binetou, amie de sa fille aînée Daba, est souvent à la maison. Par
surprise, elle apprend par Mawdo, Tamsir, et l'Imam, le mariage Binetou
avec son époux Modou. La nar-ratrice pense donc à partir, comme son
amie Aïssatou, encouragée par sa voisine Farmata. Elle pense à Jacqueline,
une Ivoirienne mariée à un médecin du nom de Samba Diack ; ce dernier
étant polygame, Jac-queline se sent mal va voir un médecin qui lui dit que
c’est simplement une dépression et l'encourage à vivre. Ses parents étant
contre à l’idée de son mariage avec Modou, Ramatoulaye se fait digne et
décide de rester pour le bien de ses enfants ; Modou, lui, oublie sa famille.

Les péripéties
La plus grande partie du récit correspond aux péripéties qui, à mon avis,
sont situés du chapitre 15 au chapitre 26. C’est un passage assez long donc
je vais essayer de le résumer le plus globalement possible. Ramatoulaye
compare les co-épouses de son mari et celui d’Aïssatou, Binetou et Nabou.
Dans le désarroi, la narratrice passe son temps à aller au cinéma et à
d’autres occupations afin de combler le temps et le vide laissé par son
mari. Elle remercie son amie Aïssatou qui lui a offert une voiture pour
l’aider ; elle décide de passer son permis, devient indépendante et peut
conduire ses enfants. Elle se demande pourquoi son mari a voulu
l’abandonner mais relativise en se disant que dans une vie il y a des hauts
et des bas. Puis, Ramatoulaye parle de la cérémonie du 40ème jour –
coutume religieuse qui marque le début des retrouvailles et l'acceptation de
la mort – refuse la demande en mariage du frère aîné de Modou, Tamsir.
Daouda Dieng, un ami d’enfance qui fait son retour, la courtise et veut
l’épouser. Dans le chapitre qui suit, la narratrice prend son bain
purificateur car son veuvage est terminé (coutume musulmane).
Ramatoulaye refuse les avances de Daouda Dieng en lui envoyant une
lettre qui justifie son choix. Elle apprend, par son fils cadet Ousmane,
l’arrivée de son amie Aïssatou. Elle parle aussi de la dispute entre Mawdo
Fall, l’un de ses fils, et son professeur de philosophie qui ne permet pas

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qu'un noir soit à la première place cette classe et laisse la place à un blanc,
Jean-Claude. Elle attrape ses trois filles, le « trio » d’Arame, Yacine et
Dieynaba, qui sont en train de fumer et qui portent des pantalons ; la mère
pense à la dégradation des mœurs et est déçue par ses filles. Elle évoque
l’accident de ses fils qui sont renversés par un cyclomoteur alors qu’ils
jouaient au football. Elle souhaite donc que l'Etat construise un terrain de
football pour tous les jeunes du quartier afin d’éviter un nouvel accident.
La deuxième fille de Ramatoulaye, Aïssatou, est enceinte et cache sa
grossesse à sa mère. Le père est Ibrahima Sall, un jeune étudiant droit à
l’université. La narratrice nous raconte le moment où elle découvre la
grossesse de sa fille ; elle est furieuse mais décide d’aider et de protéger sa
fille. Ibrahima Sall arrive chez Ramatoulaye pour demander la main de sa
fille Aïssatou et dit que sa mère s'occupera de l'enfant lorsqu'ils
continueront leurs études. Seulement, Ramatoulaye craint que sa fille se
fasse renvoyée de l’école à cause de sa grossesse, mais l’enfant arrive
pendant les vacances.

La fin de la lecture
Il ne me reste que le chapitre 27, dernier chapitre, que je qualifie com-me
la situation finale du roman. La narratrice envie son amie Aïssatou car elle
n’a eu que des garçons et elle regrette de ne pas avoir abordé plus tôt le
sujet de l'éducation sexuelle avec ses filles. Elle se sent cou-pable de la
grossesse d'Aissatou (sa fille). Ramatoulaye espère retrou-ver le chemin du
bonheur et pense à écrire une nouvelle fois « une si longue lettre.

II
Le XXème siècle, Littérature
africaine et Féminisme

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Une si longue lettre de Mariama Bâ a été publié au XXème siècle, siècle
marqué par l’essor de la littérature africaine. En ce qui concerne les débuts
du domaine de la littérature en Afrique, la période allant de la fin du
XIXème siècle jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale n’a pas donné
une grande production. Ce qui m’intéresse est en particulier le lendemain
de la Seconde Guerre mondiale, à partir de 1945. L’école s’ouvre plus ou
moins aux enfants originaires d’Afrique. Des livres écrits par les africains
eux-mêmes commencent à être publiés essentiellement en France. Les
auteurs africains se concentrent surtout sur la poésie, plus facile à publier
en revues. Jusqu’à ce que le premier vrai roman africain (L’enfant noir de
Camara Laye, 1953) fasse la lumière sur les talents multiples des écrivains
de ce continent.

Portraits de cinq écrivains africains majeurs : Chinua Achebe, La


Chimamanda Ngozi Adichie, Alain Mabanckou, Ngugi wa Thiong’o et
Wole Soyinka ; Illustrations de Louise Mézel

rédaction d’Une si longue lettre a surtout été marquée par le mouv-ement


féministe qui a également pris son essor au XXème siècle. Au cours de ce
siècle, les luttes des femmes pour l'égalité ont modifié le visage des
sociétés occidentales et pris une dimension mondiale. Ce mouvement est
très divers, il ne présente pas d'unité et il a pris diffé-rentes formes au
cours du XXe siècle. Cependant, de manière généra-le, on peut le définir
comme un mouvement qui lutte pour l'égalité des sexes et qui conteste

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l’ordre établi des rapports asymétriques et hiéra-rchiques entre les hommes
et les femmes. Le féminisme apparaît com-me un événement majeur, qui a
apporté sa pierre à la révolution socia-le et culturelle sans précédent ayant
marqué le XXe siècle. Parmi les acquis, on peut citer d'abord l'accès à
l'éducation, bien qu’elles soient au début très marginalisées, de plus en
plus de femmes vont se retrou-ver sur les bancs d’université, ensuite
l'accès au monde politique grâce au droit de vote, puis l'égalité civile,
l'accès au monde professionnel et la libération de la sexualité.

Les suffragettes (représentatives d’un mouvement


féministe) au Québec, New York Times, 1921

Mariama Bâ, pionnière du féminisme en


Afrique

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Une si longue lettre a été rédigée par Mariama Bâ, autrice dont je ne
connaissais point l’existence auparavant. J’ai donc mené mes recher-ches
sur qui est réellement Mariama Bâ.

Portrait de Mariama Bâ, auteure d’Une si longue


lettre, via le site hansetsandor.fr

Mariama Bâ naît le 17 avril 1929 à Dakar et décède dans la même ville le


17 août 1981. C’est une femme de lettres sénégalaise issue d’une fa-mille
Lébou musulmane. Elle est fille d’un ex-fonctionnaire de l’Etat, puis
ministre de la Santé du premier gouvernement sénégalais, nommé Amadou
Bâ et d’une mère qu’elle perdra prématurément. Mariama Bâ est donc
élevée par ses grands-parents maternels. Elle fut scolarisée à l’école
française, obtint son certificat d’études primaires et intègra l’École
normale des jeunes filles de Rufisque, dont elle sort en 1947 avec le
diplôme d’institutrice.

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Mariama Bâ vers 25 ans, archives photographiques
Après de sa famille douze ans

d’enseignement, pour des raisons de santé, Mariama Bâ demanda son


affectation à l'Inspection régionale de l'enseignement du Sénégal. Dans sa
vie, elle fut mariée trois fois et mère de 9 enfants, dont cinq avec son
dernier époux, le député Obèye Diop. Outre sa vie professionnelle et sa vie
sentimentale, elle a tenté de concilier son an-crage à sa culture, sa religion
musulmane et son ouverture vers d’aut-res horizons culturels. Mariama
s’engage dans le militantisme associa-tif des femmes en prônant
l’éducation et les droits des femmes. C’est vers la fin de sa vie que se
manifeste son génie littéraire avec la publi-cation d’Une si longue lettre,
un roman qui dénonce des sujets comme la polygamie, les mariages forcés,
les castes et l’exploitation des femmes dans une société sénégalaise
majoritairement musulmane, fortement attachée à ses traditions.
Une si longue lettre lui a valu le Prix Noma en 1980, qui récompense des
écrivains et des universitaires africains de 1980 à 2009. Cet ouvrage devint
culte en Afrique et ainsi que dans le monde. Malheureusement, Mariama

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Bâ décéda peu après d’un cancer en 1981, avant la parution de son second
ouvrage, Un chant écarlate.

Les thèmes abordés dans l’œuvre


Par son roman épistolaire, Mariama Bâ questionne la société sénéga-laise
des années 1970. En classe, nous avons étudié la question des différents
thèmes abordés dans Une si longue lettre. Les quatre princi-paux sont :
l’amitié et l’amour, la polygamie, le système des castes et la condition
ainsi que l’éducation des femmes en Afrique.
Premièrement, je vais parler du thème de l’amitié et l’amour qu’on
retrouve dans l’œuvre. C’est d’abord l’amitié d’enfance entre Ramatou-
laye et Aïssatou sur laquelle s’appuie le roman, puisque sans celle-ci, elles
ne s’enverraient pas de lettres à chacune pour raconter leur vie. La
narratrice dit d’ailleurs : « L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour.
Elle se fortifie dans les difficultés tandis que les contraintes massacrent
l’amour » (p.104). Cette phrase est illustrée par l’amitié régnant entre
Modou Fall et Mawdo Bâ – du fait d’avoir marié deux amies – qui est
restée « intacte » malgré que les deux ont rencontré des difficultés vis-à-
vis de leur premier mariage. Toutefois, l’affirmation de Ramatoulaye n’est
pas vérifiée dans le cas de Daba et Binetou, qui ont renoncé à leur amitié
suite au mariage de cette dernière avec le père de Daba, Modou. En ce qui
concerne l’amour, il y a plusieurs couples dans l’histoire, notamment ceux
de Modou et Ramatoulaye et celui de Mawdo et Aïssatou, mais tous
finissent par s’éclater à un moment du récit. Comme dit la narratrice,
l’amitié triomphe par sa solidité sur l’amour, brisé par la polygamie.
La polygamie est d’ailleurs le deuxième thème dont je voudrais parler de
façon détaillée. Comme je l’ai dit auparavant, la polygamie est la cause
principale de l’éclatement des couples. Premièrement, c’est le cas de
Modou Fall qui va marier Binetou, alors qu’il était déjà époux de

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Ramatoulaye. De plus, Aïssatou sera victime d’un mariage polygame
lorsque Mawdo Bâ épouse en secondes noces la petite Nabou, sa cousine,
dans le but de satisfaire sa mère, tante Nabou. Cette polyga-mie est donc
dénoncée par l’auteure ; on peut également penser que Mariama Bâ fut
elle-même touché par ce sujet car elle s’est remariée trois fois.
La raison pour laquelle tante Nabou était contre le mariage de son fils avec
Aïssatou est le troisième thème abordé par Mariama Bâ, celui du système
des castes. En effet, le mariage entre un noble et une « Bijoutière » ou une
« castée » (personne de classe sociale inférieure comparée aux nobles) est
interdit et banni dans la société traditionnelle africaine. Tante Nabou, issue
de sang royal, tient donc à suivre cette tradition et à « restaurer sa
dignité ». C’est pour cela qu’elle va préparer sa vengeance avec la petite
Nabou, sa nièce, qu’elle va donner comme épouse à Mawdo, sous prétexte
de remerciement pour son frère Farba Diouf. Aïssatou ne supportera pas
cette trahison et partira avec ses fils pour les Etats-Unis. Ici encore, c’est
un sujet qui est dénoncée par l’auteure sénégalaise.
Enfin, le dernier thème principal abordé par Mariama Bâ est celui de la
condition et l’éducation des femmes en Afrique. La femme africaine était
submergée par le poids du patriarcat, de la tradition et de la reli-gion,
comme le montre Mariama Bâ dans son ouvrage sur Ramatou-laye,
influencée par sa famille et obéissant aux traditions de vie musulmanes.
Ramatoulaye ne se sent bien que lorsqu'elle se remémore de bons
souvenirs avec sa meilleure amie, ou lorsque la polygamie ne fait pas
encore partie de sa vie. Les femmes africaines ne sont tenues que par
l'obligation de donner leur vie et de faire ce que leurs maris lui demandent
de faire. En ce qui concerne l’éducation des femmes en Afri-que, la
narratrice se retrouve prise dans le choix d'éduquer ses enfants de manière
traditionnelle, en utilisant les coutumes et traditions cora-niques, ou de les
élever de manière « plus moderne » parce qu'elle est institutrice à l’école
française. En effet, l’éducation dite « moderne, est celle transmise par

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l’école. On le voit avec les filles de la narratrice qui s’imprègnent du mode
de vie occidentale, en portant des pantalons.

III
Ma critique sur le livre
Une si longue lettre, un roman épistolaire brillant et courageux qui vient
remettre en cause la société traditionnelle africaine
Ce que j’ai bien aimé de cette œuvre, c’est dans un premier temps la
façon dont Mariama Bâ dénonce la tradition africaine. En effet, cet
ouvrage est davantage une leçon de vie, dans laquelle elle raconte des
drames mais également des moments joyeux, qu’un écrit politique qui ne
cherche à faire appel qu’aux sentiments de pitié, d’injustice et de révolte.

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L’auteure renvoie plus d’émotions à travers l’amitié et l’amour avec la
nostalgie des moments passés dans la jeunesse de Ramatoulaye avec sa
meilleure amie Aïssatou et son amant Modou. Elle dénonce les défauts de
la société (que nous avons abordé auparavant), non en s’exprimant de
manière forte, mais avec plus d’humanité et de cœur, par des lettres que la
narratrice envoie à sa meilleure amie pour y conter sa vie.
De plus, en qui concerne la forme, j’ai apprécié la manière dont
l’histoire est racontée. Au cours du roman, on suit l’histoire de deux amies
en parallèle, sous forme de « miroir » en quelque sorte. Effecti-vement, on
remarque à partir de la situation initiale dans laquelle Ra-matoulaye
raconte d’une part, sa rencontre et son mariage avec Mo-dou Fall, et de
l’autre le mariage d’Aïssatou avec Mawdo Bâ ; elle évo-que notamment
son enfance à l’école passée aux côtés de sa meilleure amie. Par la suite,
Ramatoulaye expose l’élément perturbateur du récit qui est pour elle, les
secondes noces de son mari Modou avec Binetou et celles du mari
d’Aïssatou, Mawdo, avec la petite Nabou. C’est à par-tir de ce passage que
la vie des deux jeunes femmes va être boulevers-er et chacune va prendre
un chemin différent. De son côté, Aïssatou décide de s’en aller vivre aux
Etats-Unis avec son fils, où elle y sera nommée à l’ambassade du Sénégal.
A l’inverse, Ramatoulaye choisit de rester pour sa dignité – ses parents
étaient contre son mariage avec Modou – et pour le bien de ses enfants.
Cette forme ajoute une valeur universelle au roman de Mariama Bâ, en
montrant qu’il ne s’agit pas d’un cas individuel, mais bien général. Il
s’adresse donc à toutes les femmes africaines, ainsi qu’à celles du monde
entier.
Enfin, ce que j’ai beaucoup aimé dans cette œuvre, c’est le style
d’écriture de Mariama Bâ. Je ne suis pas un grand connaisseur en ter-me
de littérature, mais dans son livre elle ne dit que des choses essen-tielles, le
tout en moins de 170 pages du moins dans l’édition à ma dis-position.
Mariama Bâ aborde des questions profondes et intenses avec une élégance
narrative. Son écriture est claire et juste. On ne ressent pas dans son style,

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une attitude de victime, encore moins un besoin d'être entendue. J'ai lu une
belle histoire qui recrée fidèlement la réali-té dure et brutale dans des mots
justes. C'est pourquoi j'aime son style.
Comme vous l’avez remarqué, j’ai un avis très favorable sur Une si
longue lettre de Mariama Bâ. C’est un roman qui m’a marqué et que j’ai
vraiment pris de plaisir à le lire. Il illustre bien avec raison la condition de
la femme au Sénégal, mais aussi dans d’autres pays d’Afrique. Je le
considère comme un symbole de la littérature africaine et c’est pour cela
que je le recommande fortement.

IV
Focus sur la polygamie
J’aimerais appuyer sur un thème, que j’ai déjà abordé auparavant dans le
chapitre II, mais qui pour moi mérite d’être revu car c’est celui qui m’a le
plus marqué dans Une si longue lettre. Pour se faire, j’ai utilisé une vidéo

YouTube intitulée « ANALYSE | Une si longue lettre de Mariama Bâ 🇸🇳


(english subtitles) » de 4:00 à 7:40. D’entrée, l’interlocutrice énumère tous
les thèmes abordés dans l’œuvre, mais annonce qu’elle va se concentrer
uniquement sur le thème de la polygamie, entre choix délibéré ou exigence
familiale. Pour cela, on va parler des cas de Modou Fall et de Mawdo Bâ.

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Premièrement, le cas Modou Fall. Nous sommes dans une situation où
Modou est maître de ses propres actions. En effet, personne n'a influ-encé
sa décision d'épouser Binetou ; et le fait que Ramatoulaye, sa première
épouse, l’ait appris des autres montre un manque de respect et d’égard
pour une femme qui a tout sacrifié pour leur union. Mais Modou est en
réalité plus monogame qu'autre chose (à travers son union avec Binetou).
Au lieu de remplir ses devoirs d'époux envers sa première femme,
Ramatoulaye, il passe tout son temps au service de sa jeune femme,
Binetou. Il abandonne donc complètement sa première femme ainsi que
ses propres enfants. L’effet de la polygamie sur les enfants est une chose
rarement évoquée au Sénégal, surtout quand on voit l’abandon de son
propre père pour fonder une tout autre famille. La décision de
Ramatoulaye de se ranger à l’idée d’un mariage polygame était également
curieux aux vues de tous ses principes et valeurs. Mais on peut affirmer
que la peur de la solitude a joué un grand rôle dans ce choix ; la narratrice
déclare même : « Je suis de celles qui ne peuvent se réaliser et s’épanouir
que dans le couple. Je n’ai jamais conçu le bonheur hors du couple. ». Et
cette fois, elle s'est retrouvée séparée de Modou, non pas à cause du
divorce, mais à cause de la mort, et maintenant elle est confrontée à un
nouveau dilemme : celui d’un épanouissement par le couple, en acceptant
la demande de ses préten-dants, ou personnel, donc hors du couple. Le
deuxième choix qu’elle appliqua montre à quel point Ramatoulaye est un
personnage mature.
Puis, le cas Mawdo Bâ. Nous sommes ici dans une situation dans un
premier temps similaire à celle de Modou, car Mawdo est également
maître de ses actes. Cependant, ce qui fait sa particularité, c’est le fait que
le choix d’épouser la petite Nabou n’est pas la décision délibérée de
Mawdo. En effet, c’est sa mère tante Nabou qui va la prendre. Il est
important de noter que cette dernière n’a jamais accepté le mariage de son
fils à Aïssatou ; la raison étant que Mawdo est un noble tandis qu’Aïssatou

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fait partie d’une caste de bijoutiers. Le but d’élever la petite Nabou donné
par son frère Farba Diouf était donc de préparer sa vengeance en allant
jusqu’à forcer son fils de prendre comme épouse sa cousine, qui était
favorable aux critères imposés par la tradition sénégalaise. À l’inverse de
Modou, Mawdo Bâ a eu le respect d’aller annoncer lui-même à sa
première femme qu’il allait se remarier. Cepen-dant, l’interlocutrice me
fait remarquer un point auquel je n’avais point pensé ; c’est le fait que
Mawdo n’assume pas son statut de polygame. Car oui, ce dernier fait
passer ce mariage polygame sous prétexte que c’est une obligation, sous
peine de perdre sa « chère » mère. Pourtant, celle-ci l’avait menacé de la
même façon avant d’épouser Aïssatou, alors qu’elle était dans un état
fragile à cette période. Ici, la situation est différente : Mawdo, en acceptant
ce mariage polygame, est partagé entre le fait de potentiellement perdre
Aïssatou et profiter de la jeune petite Nabou élevée par sa mère. Et le
choix de Mawdo de s’unir avec la petite Nabou s’est fait assez rapidement,
comme celui d’Aïssatou de le quitter. Ce choix d’Aïssatou est assez
surprenant – aux vues de la société qui trouve naturelle que les femmes
acceptent la polygamie de leurs maris – mais lui permit de se libérer des
contraintes sociales considérant le mariage comme l’unique quête du
bonheur des femmes. Enfin, malgré que Mawdo tentait désespérément de
montrer l’amour qu’il éprouvait pour Aïssatou, il continuait de mettre la
petite Nabou enceinte ; mais cela était aussi, évidemment, une
« obligation » comme il aimait si bien dire.

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Vidéo YouTube intitulée « ANALYSE | Une si longue lettre

de Mariama Bâ 🇸🇳 (english subtitles) » de la chaîne « MY


AFRICAN ESCAPE »

Focus sur le couple Modou-


Ramatoulaye
L’un des aspects principaux d’Une si longue lettre est bien évidemment le
couple formé par la narratrice, Ramatoulaye, et Modou Fall. Pour cela, j’ai
utilisé une vidéo YouTube intitulée « Cours – Troisième Français : Étude
intégrale d'une si longue lettre de Mariama BÂ / Suite 2 » de 00:13 à 6:42.
Dans un premier temps, il rappelle que Modou a aimé et épousé
Ramatoulaye dans des circonstances difficiles, car à la base, Modou était
un étudiant et n’avait pas d’argent à tel point que le mariage paraissait
impossible. Malgré ses difficultés financières, Modou avait déjà conquis le
cœur de Ramatoulaye. Il est important de replonger dans cette relation
pour comprendre véritablement la suite de l’œuvre, car ils ne sont partis de

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rien. Après l’obtention de ses deux bacs, Modou Fall partit à Paris afin de
poursuivre ses études. De là où il est, le jeune homme continue de
courtiser Ramatoulaye en lui envoyant régulièrement des lettres, qui
montrait que l’absence de sa bien-aimée le manquait terriblement. On voit
donc que cet amour a débuté très tôt, alors que Modou n’était qu’étudiant,
mais aussi depuis leurs sorties à Ponty-Ville. Bien que Ramatoulaye fût
follement amoureuse de Modou, sa famille, en particulier sa mère, ne
pouvait l’accepter. Cette dernière n’appréciait guère l’attitude du jeune
homme et le qualifier d’« homme oisif » – c’est-à-dire qu’il aimait perdre
son temps lorsqu’il venait dans la maison – et d’« homme à l’éternel kaki »
pour traduire sa pauvreté (Modou ne portait qu’un seul complet kaki). En
revanche, la mère et les sœurs de Ramatoulaye appréciaient beaucoup
Daouda Dieng, qui était député à l’Assemblée nationale et également
médecin. Comme Ramatoulaye le disait elle-même, c’était lui qui savait
comment « forcer le cœur » des femmes avec son argent. À chaque visite
chez Ramatoulaye, Daouda n’hésitait pas à distribuer des billets de banque
aux sœurs de la narratrice, et surtout à sa mère. Cette dernière le préférait
donc, au détriment de Modou Fall. De plus, Daouda ne se limitait pas à
son arme de séduction, le jeune homme venait jusqu’à offrir des sacs de riz
à la famille de Ramatoulaye, en pleine période de crise alimentaire au
Sénégal, due à la sécheresse. Non seulement, il était à l’aise
financièrement, mais il l’était aussi au point de vue morphologique,
Daouda Dieng était un homme beau. La narratrice le décrit avec « un nez
aigu », « une moustache à la forme d’un accent circonflexe ». Cet homme
avait tout pour plaire mais l’amour qu’éprou-vait Ramatoulaye pour
Modou était plus fort que la beauté et l’argent que Daouda pouvait
proposer. Malgré, les avances de ce dernier, le choix de Ramatoulaye était
porté sur Modou Fall, qui finira par l’épouser.

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Vidéo YouTube intitulée « Cours – Troisième Français :
Étude intégrale d'une si longue lettre de Mariama BÂ / Suite
2 » de la chaîne « Ecoles Au Sénégal »

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