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LITTERATURE AFRICAINE RESUME

L’œuvre littéraire, et le geste même de l’écriture,


sont les produits du combat de l’écrivain contre
un extérieur (ou un intérieur) qui l’agresse. Mais, à
partir des années 1960, pour privilégier le texte,
les tendances conjuguées du Nouveau Roman, du
structuralisme et des a priori de la sémiologie
amènent les critiques littéraires à occulter l’auteur,
le contexte proche et le cadre historique. Ils
s’emploient à déconstruire consciencieusement
les œuvres littéraires, les réduisant à des jeux de
Lego, exhibant leur mécanisme, plutôt que de
chercher leur signification. Appliqué à la
littérature, ce système se révèle destructeur.
Concernant les œuvres des écrivains négro-
africains, cette démarche est particulièrement
non inappropriée. Mais elle est enseignée durant
près de cinquante ans dans les universités
françaises et américaines, et exportée telle quelle,
et tant bien que mal, dans les universités
africaines qui continuent de la pratiquer.
2
La réaction des post colonial studies aux États-
Unis réintroduit l’histoire avec violence dans la
critique littéraire des œuvres en provenance des
anciennes colonies. À un point tel qu’on tombe
aujourd’hui dans l’excès inverse et qu’on ne voit
plus que l’histoire et ses méfaits, aux dépens des
autres aspects (personnels, esthétiques,
imaginatifs) constitutifs d’une œuvre littéraire.
Cependant, Jean-François Bayart rappelle avec
raison que la démarche socio-historique n’est
jamais absente dans la critique, en France comme
en Afrique [1][1] J.-F. Bayart, Les Études
postcoloniales. Un carnaval.... En effet, la
première évidence qui frappe les analystes de
cette littérature des Noirs américains, comme de
celle des Antillais et des Africains, est cette
collusion avec une histoire profondément
perturbatrice des consciences comme des
inconscients. On peut se demander pourquoi ?
C’est que les Négro-Africains, plus que d’autres,
souffrent d’un déni persistant de leur histoire.
Le déni de l’histoire africaine
3
La colonisation fonde sa légitimité sur une
absence de culture et d’histoire des colonisés. La
politique d’assimilation prétend y remédier en
inculquant à ces populations « notre culture » et
« notre histoire ». Ce que réalise l’école coloniale
qui enseigne dans toute l’Afrique la seule histoire
de l’Europe, celle de « nos ancêtres les Gaulois ».
On a peine à imaginer aujourd’hui le surprenant
spectacle d’Africains déclarant descendre des
Gaulois… Mais le ridicule ne tue pas l’école
coloniale, et il faut attendre les indépendances
pour changer les programmes.
4
Rien n’est prévu : pas de manuels, pas d’ouvrages
de références ; seuls quelques mémoires de
gouverneurs et d’administrateurs coloniaux :
Maurice Delafosse, Charles Monteil, Henri Gaden,
Gilbert Vieillard, et aussi Leo Frobenius,
l’ethnologue allemand dont l’ouvrage Histoire de
la civilisation africaine (1903) n’est traduit et
publié qu’en 1936, et inspire, dès ces années
d’avant guerre, la génération de la Négritude. Le
déni d’histoire est le premier problème de ceux
qui fondent la nouvelle poésie nègre et malgache,
sous-titre de l’Anthologie de L.S. Senghor en 1948.
5
Dans La Condition noire (2007), Pap Ndiaye décrit
bien le problème : « La racialisation du monde
(avait commencé) au seizième siècle, pour
justifier la traite et l’esclavage par une hiérarchie
raciale fondée sur une hiérarchie sociale. » Mais
c’est à partir de la conquête de l’Afrique que l’on
s’acharna à passer sous silence, voire à
« oublier », tous les travaux qui tentaient de
dessiner le Moyen Âge africain évoqué par les
récits des voyageurs arabes et les témoignages
plus récents des Européens. A fortiori ceux d’une
Antiquité remontant à l’Égypte pharaonique.
Cheikh Anta Diop en démonte le processus, et
parle à juste titre d’un « complot », puisque toute
référence à la « négrité » de l’Égypte ancienne a
disparu des livres d’histoire scolaires.
6
C’est pourquoi les critiques et écrivains de la
Négritude intègrent les études de Franz Fanon
comme celles de Jean-Paul Sartre et de Memmi.
On peut ainsi constater que les premières
approches de cette littérature sont accomplies
par un psychiatre et un philosophe qui axent leurs
analyses sur les faits historiques dénoncés par
les écrivains : la traite esclavagiste, le racisme
quotidien et la domination coloniale. Tous
considèrent ces œuvres comme révélatrices d’un
traumatisme grave dû à cette histoire. Une
histoire qui ne peut être que celle des
traumatismes sur la personnalité, sur les relations
sociales, sur la vie même de ces écrivains
assujettis et infériorisés depuis trois siècles.
7
Faut-il rappeler à quel point le contact entre les
Européens et l’-Afrique noire fut brutal et
humiliant ? Dès que les navires portugais
touchent la côte africaine, une question se pose :
a-t-on le droit non seulement de conquérir ces
peuples, mais d’en faire commerce ? Sont-ils
vraiment des hommes ? Rappelons-nous la
fameuse controverse de Valladolid où ce
problème fut débattu entre ecclésiastiques. À
quoi la bulle du pape Alexandre VI (1485) répondit
en résumé : « Allez-y, du moment qu’on les
convertisse ! » La commémoration de l’esclavage
en mai 2011 a permis la diffusion d’un excellent
film sur les débats qui agitèrent le gouvernement
français à propos du maintien ou non du système
esclavagiste aux Caraïbes. On y perçoit à quels
types de préjugés Schœlcher dut faire face, sans
compter les arguments très concrets de type
économique.
8
C’est sur une véritable construction idéologique
fondée sur l’infériorité congénitale de la race noire
(tant morale qu’intellectuelle) que les colons
s’appuyèrent pour défendre ce qu’ils considèrent
comme leurs droits inviolables. Et Schœlcher
peina à détruire cet édifice, au nom de valeurs
humanistes. En réalité, en 1848, l’égalité des
hommes est loin d’être reconnue, et c’est sur le
principe du droit à la liberté que Schœlcher
l’emporta. Rien d’étonnant donc que la prise en
charge de cette histoire calamiteuse par des
intellectuels noirs mit près de cent ans à se
réaliser.
9
Depuis lors, un certain nombre prit la plume, et
souvent très bien. Mais presque tous ces
écrivains occultèrent l’histoire – leur histoire
justement – pour écrire dans le droit fil des lettres
françaises. Que ce soient les poèmes
romantiques ou parnassiens des écrivains
antillais ou haïtiens, ou les rares textes en
français de quelques Africains, rien ne les
séparait des productions de ce qui restait, à leurs
yeux, la Métropole, celle des lettres et de la
science, celle qui disait l’Histoire pour les « petits-
enfants de Vercingétorix » (titre d’un roman
d’Alain Mabanckou).
Les premiers mouvements d’émancipation
10
Les années 1930-1940 : éclosion des revues
américaines et européennes. Les premières
réactions américaines et européennes
proviennent de W.E.B. Du Bois [2][2] Écrivain
américain (1868-1963) qui fut l’un des
fondateurs... avec l’ouvrage The Souls of Black
Folk (1903) et le journal The Crisis [3][3] Fondé en
1910, c’est le magazine officiel de la National...,
ainsi que Marcus Garvey [4][4] Leader noir (1887-
1940), il fut le précurseur du panafricanisme... et
sa revue The Negro World. Puis il y eut plusieurs
congrès pour la libération des nègres, auxquels
participèrent des syndicalistes et des anciens
combattants. Enfin plusieurs journaux en France
naquirent en même temps que la Ligue de
défense de la race nègre en 1927, comme La Voix
des Nègres, Le Cri des Nègres et La Race nègre.
Les acteurs principaux de ces publications et
associations venaient des milieux ouvriers, mais
avec des leaders plus instruits, comme Lamine
Senghor [5][5] Ancien tirailleur et ancien postier, il
écrivit Les..., Kojo Tovalou Houénou, Tiemoko
Garan Kouyaté, Max Bloncourt, Camille Saint
Jacques et René Maran [6][6] Écrivain qui reçut le
prix Goncourt en 1921 pour son.... Cette période
de pré-Négritude fut décrite par Philippe
Dewitte [7][7] P. Dewitte, Les Mouvements nègres
en France, Paris,.... Si les auteurs de la Négritude
firent peu référence à l’œuvre de Lamine Senghor,
ils n’ont jamais nié l’influence réelle de W.E.B. Du
Bois, René Maran et Marcus Garvey [8][8] On en
verra les traces dans La Revue du monde noir....
11
Les années 1950 : la Négritude. Le journal
L’Étudiant noir [9][9] Fondée en 1935, Damas la
définira ainsi : « L’Étudiant..., qui rassemble les
étudiants noirs d’Afrique comme des Antilles, est
davantage en prise sur l’histoire contemporaine,
au vu de ses réactions lors de la guerre de
libération de l’Éthiopie. Les fondateurs de la
Négritude (Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor,
Léon-Gontran Damas, Léonard Sainville, Ousmane
Socé Diop, Georges Gratiant, Jean Price-Mars et
René Maran), qui animent ce journal, participent
aux manifestations contre l’Italie.
12
Après la Deuxième Guerre mondiale, le
mouvement de protestation contre l’emprise
coloniale s’accentue. En 1947, Alioune Diop, avec
l’équipe de L’Étudiant noir, renforcée par quelques
intellectuels français (Sartre, Gide, Balandier,
Mounier, Monod, et des députés africains de
l’Union française), crée la revue Présence
africaine. Peu après, avec la naissance des
éditions Présence africaine (1949) et de la
Société africaine de culture (1956), qui s’ouvre à
tous les intellectuels de la diaspora noire, on
assiste à la mise en cause globale de l’histoire et
de ses conséquences sur les peuples noirs. C’est
l’élément fondateur d’une nouvelle littérature,
d’une littérature négro-africaine, et pas seulement
en français.
13
De leur côté, les intellectuels du Commonwealth
opèrent un mouvement analogue et, rejoignant
ceux des États-Unis et des Antilles, se retrouvent
face à la même problématique que les écrivains
francophones. De divers pays de l’Afrique
anglophone, des écrivains comme des leaders
politiques contestent la présence coloniale,
accompagnant de la sorte la marche et le rythme
de l’histoire, dont on peut situer l’accélération au
Congrès de Bandoeng en 1955 [10][10] On peut
citer Kwame Nkrumah (1909-1972, président du....
Il faut aussi dire que les écrivains de la Négritude
n’avaient pas attendu Bandoeng : Léon-Gontran
Damas avec Pigments (1937), Aimé Césaire avec
Le Cahier d’un retour au pays natal (1939),
Léopold Sédar Senghor avec Anthologie et
Hosties noires (1948), et surtout de nouveau Aimé
Césaire avec Discours sur le colonialisme (1950),
n’ont pas cessé d’en référer à l’histoire des
Nègres.
14
C’est Césaire encore qui, en 1963, avec sa pièce
La Tragédie du roi Christophe, détaille les
déboires de l’indépendance d’Haïti, symbolisant
clairement ceux à venir des indépendances
africaines. Tandis que dans Une saison au Congo
(1966) le symbolisme disparaît et Césaire est en
prise directe avec l’aventure de Lumumba et sa
lutte héroïque contre le colonialisme belge. De
même, L.S. Senghor en 1956 écrit un grand texte
lyrique sur Chaka. Le guerrier zoulou est d’ailleurs
l’une des principales sources d’inspiration
historique pour une série de dramaturges
francophones [11][11] Le Sénégalais Abdou Anta
Ka (né en 1931), l’Ivoirien.... Par ailleurs, l’histoire
précoloniale de l’Afrique servit de tremplin à un
courant théâtral [12][12] Illustré par les
Sénégalais Cheik Aliou Ndao (né en... qui utilise
les événements du passé pour accuser sans
ménagements la violence de la rencontre de
l’Europe avec les anciens royaumes africains et
en faire un procès sans circonstances
atténuantes.

15
Les années 1960 : les modérés face aux radicaux.
La condamnation de cette époque se retrouve
chez les romanciers des années 1960. Yambo
Ouologuem et Ahmadou Kourouma sont les plus
radicaux. Tandis que Cheikh Hamidou Kane paraît
plus modéré, au point que certains le jugent
favorable à ceux qui savent « lier le bois au bois »,
cet Occident qui fascine par sa capacité à
maîtriser la nature. Cependant, lui aussi s’insurge
contre la brutalité de l’envahisseur européen et la
sauvagerie des premiers contacts avec les
populations. Bien que plus nuancée, sa critique se
prolonge par une remise en question sérieuse de
la civilisation proposée/imposée aux Africains, à
travers l’école et la société urbaine. Sa critique de
l’histoire coloniale est aussi intense et profonde, à
travers une écriture plus mesurée, plus polie, plus
raffinée, que celles de Mongo Beti, de Ferdinand
Oyono, d’Ousmane Sembène [13][13] Pour en
savoir plus sur ces auteurs, lire le repère....
16
Premiers témoins de la colonisation, ils en
brossent un tableau à la fois caricatural et ridicule.
Dénoncer les mœurs et la bêtise de
l’administration (Ferdinand Oyono), se gausser de
l’entreprise des missionnaires (Mongo Beti), ou
fustiger le mépris des cadres coloniaux lors de la
grève des cheminots, ou vis-à-vis des tirailleurs
dans le Sénégal d’après guerre (Ousmane
Sembène), sont des prises de position sans
équivoque contre différents aspects de la société
et de la politique coloniales. Mais c’est
L’?Aventure ambiguë [14][14] Publié en 1961,
L’Aventure ambiguë est l’histoire de... de Cheikh
Hamidou Kane qui en dévoile les effets pervers
sur la conscience, sur la vision du monde des
colonisés, qui en perçoit le rôle destructeur et
irréversible sur les sociétés archaïques et leurs
valeurs. En portant la critique au niveau moral et
philosophique, il démontre à la fois le danger et
l’envergure de la domination européenne qui
mettait en péril l’âme même des peuples
colonisés : en l’occurrence, la foi islamique et les
valeurs de la Pulaagu, soit les bases mêmes de la
personnalité peule. C’est sans doute ce haut
degré de coïncidence avec un moment de
l’histoire, lorsque le politique modifie
profondément la vie sociale et culturelle, qui a fait
de L’?Aventure ambiguë un livre paradigme de
cette histoire coloniale pour des générations
d’Africains de toutes origines.
Le tournant des indépendances
17
Les années 1960-1980 : mutations internes. On
peut penser que les indépendances ont permis de
tourner la page et de libérer les écrivains noirs de
leur « devoir d’histoire ». De fait, le mouvement est
amorcé, en poésie notamment. Une période
d’euphorie, où les chants d’allégresse célèbrent la
liberté nouvelle et un avenir plein de promesses,
jaillit de la plume des jeunes poètes du Cameroun,
du Congo, du Mali, comme d’Aimé Césaire ou de
Léopold Sédar Senghor, vieux combattants
croyant toucher enfin le port. Cette parenthèse
dure moins de dix ans.
18
En effet, très vite, deux romanciers et deux
dramaturges sonnent l’alarme. Rien n’est fini, pas
question de désarmer, le néocoloniasme arrive,
affirment-ils. Aimé Césaire le met en scène avec
le ballet des banquiers dans Une saison au Congo
(1966) ; Bernard Dadié avec la nouvelle
bourgeoisie locale dans Monsieur Thôgô-gnini
(1970) ; Yambo Ouologuem dans Le Devoir de
violence (1968) dresse la fresque de cette classe
de parvenus africains qui fait bon ménage avec le
colon en partance ; Ahmadou Kourouma, enfin,
révèle dans Les Soleils des indépendances (1968)
les failles dans la société traditionnelle comme
dans la ville moderne, qui menacent l’équilibre de
cette Afrique nouvelle. Et chaque roman de
Kourouma va plus loin et plus profondément dans
la critique de l’évolution de cette société. En
réalité, ses romans ne quittent jamais le point de
vue historique, au point qu’on peut prendre son
œuvre comme exemple pour suivre les étapes et
accidents de l’histoire africaine [15][15] Monnè,
outrages et défis (1990) est un flashback sur....
Chaque roman est la représentation d’un des
moments-clés des États du continent et met en
évidence le processus de sa détérioration.
19
En 1968, Yambo Ouologuem affronte lui aussi
l’histoire coloniale avec Le Devoir de violence.
Mais sa lucidité, doublée de cynisme, et une
volonté manifeste de démystifier l’a priori d’une
Afrique précoloniale idyllique, provoque un
malaise dans l’intelligentsia de la Négritude qui
avait privilégié jusqu’ici l’innocence, voire
l’irresponsabilité des chefs traditionnels devant
l’envahisseur étranger. Mais entre les
années 1970 et 1980, les écrivains africains
développent davantage le roman de mœurs et les
multiples problèmes affectant les sociétés en
mutation. Ville et campagne, État et famille-ethnie,
modernisme et tradition, sont les thèmes
dominants dans tous les ouvrages qui prennent
pour sujet l’éducation, l’union matrimoniale, la vie
communautaire, le travail et le développement. Il
s’agit alors plutôt d’histoire des peuples à la
Georges Duby que d’histoire politique, car ces
romans, ces comédies, demeurent très proches
des réalités quotidiennes [16][16] Le Mandat
(1968) d’Ousmane Sembène, Les Fils de
Kouretcha.... Tous construisent un immense
puzzle de la vie sociale dans les vingt premières
années de l’indépendance. Malgré les partis
uniques mis en place un peu partout, les
structures de l’administration coloniale,
remplacées en coupé/collé par celles des
nouveaux États, tiennent bon. Et les peuples sont
plutôt optimistes dans la mesure où tout diplômé
trouve un emploi dans la fonction publique. La
conjoncture économique des Trente Glorieuses
en France se répercute sur l’économie africaine,
et sur la généreuse Coopération.
20
Les années 1980-2000 : l’avènement des écrivains
féminins [17][17] Voir le repère p. 118-119..
Depuis les années 1980 jusqu’aux années 2000,
l’intérêt pour les problèmes sociaux est relayé par
les « romans de femmes ». En effet, jusqu’alors la
littérature africaine est presque uniquement
illustrée par les hommes. Il existe néanmoins
quelques exceptions avec la Sénégalaise Annette
Mbaye d’Erneville (née en 1936), la Camerounaise
Thérèse Kuoh-Moukouri (née en 1938), la
Malienne Aoua Keïta (1912-1980) et la Congolaise
Clémentine Faïk-Nzuji (née en 1944). C’est peu
pour les quatorze pays d’Afrique francophone…
Pour le domaine anglophone, on ne compte que la
Ghanéenne Ama Ata Aïdoo (née en 1942).
21
À partir de 1980, c’est une nouvelle génération qui
s’exprime. Des femmes instruites offrent un point
de vue sur leur condition. Elles mettent à jour une
série de questions jusqu’ici mal abordées,
lorsqu’elles ne sont pas simplement occultées,
par les « mâles ». Ainsi les situations liées à la
stérilité, la polygamie, l’excision, l’éducation des
filles, aux relations avec la famille du mari, sont
développées et analysées, et élargissent donc
considérablement la thématique du roman de
mœurs. Des romancières comme Mariama Bâ
(Sénégal, 1929-1981), Aminata Sow Fall (Sénégal,
née 1941), Calixthe Beyala (Cameroun, née en
1961), Philomène Bassek (Cameroun, née en
1957), Fatou Keïta (Côte d’Ivoire, née en 1955),
Buchi Emecheta (Nigeria, née en 1944), Flora
Nwapa (Nigeria, 1931-1993), Ken Bugul (Sénégal,
née en 1947), Régina Yaou (Côte d’Ivoire, née en
1955), Werewere Liking (Cameroun, née en 1950)
sont des porte-parole et témoins du sexe dit faible
et de ses revendications. Cependant que d’autres,
comme Tanella Boni (Côte d’Ivoire, née en 1954),
Véronique Tadjo (Côte d’Ivoire, née en 1955),
Fatou Diome (Sénégal, née en 1968), Léonora
Miano (Cameroun, née en 1973), Aminata Sow
Fall (encore) n’hésitent pas à soulever les
questions politiques de corruption, d’émigration,
de mendicité, de conflits ethniques. Rejoignant
ainsi le nouveau courant littéraire amorcé par les
écrivains vers 1985, celui que nous avons baptisé
du nom de « chaos ». Et dont ils ne sont toujours
pas sortis.
22
Les écrivains du chaos. À partir du milieu des
années 1980, l’histoire infléchit l’économie et
donc la politique africaine. La période est
marquée en Afrique par la politique malthusienne
du FMI, puis dix ans après par la dévaluation de
50 % du franc CFA. Ces mesures ne sont que les
prolégomènes de la crise euro-américaine qui
éclate vers 2005 suite à l’emballement de la
spéculation financière capitaliste. Mais pour les
ex-AEF et AOF, elles sont un coup fatal à une
situation d’équilibre qui permettait un
développement encore possible.
23
Cependant d’autres facteurs, comme l’extrême
corruption des instances gouvernementales et
l’extension de l’économie libérale avec la
privatisation des moyens de production aux
mains des trusts étrangers, aggravent
dangereusement les écarts entre les Africains qui
en bénéficient et une classe moyenne et ouvrière
ne vivant que de son salaire. Par ailleurs, une
politique de scolarisation produit des diplômés
que l’économie locale en difficulté ne parvient
plus à absorber, entraînant la fuite d’un nombre
important de cerveaux qui investissent en
Amérique ou en Europe. En outre, un chômage
sans précédent s’installe dans les villes africaines
surpeuplées.
24
Les tensions sociales débouchent sur des
manifestations et des émeutes qui sont
réprimées avec violence et qui, dans plusieurs
pays, dérivent en luttes tribales, génocides
partiels et vastes déplacements de populations
réfugiées totalement démunies. Les
conséquences sont un mouvement quasi--
psychotique d’émigration des jeunes sans
formation (au péril de leur vie) et une fuite des
diplômés. Est-il possible d’en analyser les
répercussions sur les écrivains et leurs
productions ?
25
La crise de 1995-2012. À partir de 1995, on peut
distinguer trois types de réactions. Une grande
partie des romanciers et poètes se lancent dans
une critique de plus en plus aiguë des régimes en
place et de leurs abus. Deux tons dominent : l’un
sérieux, voire tragique [18][18] On peut citer les
textes du Sénégalais Boubacar Boris... ; l’autre, un
humour qui évolue vers la dérision [19][19] Ce
sont les romans du Congolais Sony Labou Tansi
(1947-1995),.... Car peu à peu l’histoire devient
innommable, les faits débordant l’imagination.
Les romanciers ne peuvent plus en rendre compte
à la manière de témoins fidèles. Ils ne peuvent
désigner le scandale ou l’horreur de certaines
situations que sous le masque de la métaphore
ou du sarcasme (le mot est de l’écrivain guinéen
Tierno Monénembo). Ainsi le drame du Rwanda
est évoqué par Véronique Tadjo ou par le Guinéen
Nocky Djedanoum (né en 1959). De même, les
pièces et romans du Togolais Kossi Efoui (né en
1962) ou de l’Ivoirien Koffi Kwahulé (né en 1956)
sont des métaphores filées pour évoquer la
situation politique au Togo. Et pour aborder les
événements du Liberia et de la Sierra Leone,
Ahmadou Kourouma, comme le Congolais
Emmanuel B. Dongala (né en 1941), mettent en
scène des enfants pour percevoir l’insoutenable. Il
s’agit bien là d’une littérature du chaos, dans la
mesure où les textes sont parfois décourageants
pour les âmes sensibles.
26
Cependant, une autre partie des écrivains
d’Afrique, et généralement ceux qui sont sur place,
prend le parti de poursuivre le roman de mœurs
plus classique, ou encore un roman du terroir où
ils s’attachent à la description des problèmes
quotidiens, réduits à leur environnement direct,
évitant d’embrasser les affres des pays voisins.
Ils produisent néanmoins d’excellentes œuvres
littéraires, comme Gaston-Paul Effa (Cameroun),
Abdoulaye Elimane Kane (Mali), Pabé Mongo
(Cameroun), Felwine Sarr (Sénégal), Venance
Konan (Côte d’Ivoire), Ken Bugul et Aminata Sow
Fall (Sénégal).
27
Il est enfin une troisième tendance qui fait couler
beaucoup d’encre ces quinze dernières années :
celle des « négropolitains ». Un certain nombre de
jeunes écrivains, pour la plupart résidant en
France, réagissent contre le « ghetto » dans lequel
les enferment les qualificatifs d’« africain, noir,
nègre », pour préférer la neutralité du terme
« écrivain », tout court. Embrayant sur cette
tendance, Michel Le Bris, initiateur des sessions
« Écrivains voyageurs », annexe ces nouveaux
nomades à une « littérature monde en français »
où la langue et l’écriture priment sur l’identité et la
culture d’origine. Ces écrivains, associés à des
auteurs français (dont certains très connus
comme J.M.G. Le Clezio ou Erik Orsenna) se
sentent ainsi libérés du « devoir d’histoire » et du
rôle contraignant et douloureux de témoins des
perturbations de leur continent. Très sollicités par
certaines instances de la francophonie, les
médias les font connaître plus largement à Paris
comme en province. On peut citer les noms du
Congolais Alain Mabanckou (né en 1966, voir
l’article de Jean-Michel Devésa) et Daniel Biyaoula
(né en 1953), du Djiboutien Abdourahman Waberi
(né en 1965), des Togolais Sami Tchak (né en
1960) et Kangni Alem (né en 1966), du Béninois
Florent Couao-Zotti (né en 1964), des
Camerounais Léonora Miano (née en 1973) ou
Eugène Ébodé (né en 1962). Sans négliger leur
talent, qui est réel, on constate chez plusieurs
d’entre eux un hiatus considérable entre le
discours qu’ils tiennent dans différents articles et
interviews et les thèmes abordés dans leurs
romans. L’obsession de l’Afrique les poursuit ! Et
bien qu’ils se disent et se veulent libres, éloignés,
détachés du monde noir, leur couleur également
les poursuit et détermine leur rapport à autrui, en
tant qu’émigrés étrangers nègres. C’est une
situation postcoloniale, si l’on rejoint les analyses
d’Achille Mbembe et Homi Bhabha, qui oblitère
jusqu’à nos sociétés et nos comportements
occidentaux au cœur de nos propres villes.
28
On n’échappe pas à son histoire. La seule solution,
c’est de l’assumer. La fuite dans une
mondialisation n’est qu’un leurre. L’expérience
des écrivains antillais (Aimé Césaire, Léon-
Gontran Damas, Édouard Glissant, Patrick
Chamoiseau, Maryse Condé) et haïtiens (Jacques
Roumain, Jean-Fernand Brierre, Jean Métellus,
Dany Laferrière, Lyonel Trouillot) est exemplaire.
Ils ont regardé leur histoire en face et ont vu plus
clair dans leur identité, leur rôle et leur mission. Il
n’est pas question cependant de porter un
jugement moral sur des choix et attitudes
culturels et politiques, qui relèvent du seul libre
arbitre. Nous n’avons pas la même histoire, même
si, comme l’écrit Cheikh Hamidou Kane, nous
aurons vraisemblablement un « commun avenir ».
Notes
[1]
J.-F. Bayart, Les Études postcoloniales. Un
carnaval académique, Paris, Karthala, 2010.
[2]
Écrivain américain (1868-1963) qui fut l’un des
fondateurs du panafricanisme.
[3]
Fondé en 1910, c’est le magazine officiel de la
National Association for the Advancement of
Colored People (NAACP), une organisation de
défense des droits civiques.
[4]
Leader noir (1887-1940), il fut le précurseur du
panafricanisme à travers sa revue The Negro
World, fondée en 1918.
[5]
Ancien tirailleur et ancien postier, il écrivit Les
Violations d’un pays (1927), parabole
pamphlétaire dénonçant la colonisation avec
violence et en des termes jugés simplistes par les
intellectuels noirs de l’époque.
[6]
Écrivain qui reçut le prix Goncourt en 1921 pour
son roman Batouala, véritable roman nègre.
[7]
P. Dewitte, Les Mouvements nègres en France,
Paris, L’Harmattan, 1985.
[8]
On en verra les traces dans La Revue du monde
noir (1931) et Légitime défense (1932) dont nous
avons donné les principales orientations dans Les
Écrivains noirs de langue française (1963) et dans
Histoire de la littérature négro-africaine (2001).
[9]
Fondée en 1935, Damas la définira ainsi :
« L’Étudiant noir, journal corporatif et de combat,
avait pour objectif la fin de la tribalisation, du
système clanique en vigueur au quartier Latin ! On
cessait d’être étudiant martiniquais,
guadeloupéen, guyanais, africain et malgache,
pour n’être qu’un seul et même étudiant noir. »
Aimé Césaire y développera pour la première fois,
dans un article intitulé « Négrerie », son concept
de Négritude. La revue n’a eu qu’un seul numéro.
[10]
On peut citer Kwame Nkrumah (1909-1972,
président du Ghana de 1960 à 1966), George
Padmore (1903-1959, écrivain et diplomate
trinidadien), Chinua Achebe (écrivain nigérian, né
en 1930), Wole Soyinka (écrivain nigérian, né en
1934), Ngugi wa Thiong’o (écrivain kényan, né en
1938), Jomo Kenyatta (1894-1978, président du
Kenya de 1964-1978), Peter Abrahams (écrivain
sud-africain, né en 1919), Ezekiel Mphahlele (1917
-2008, écrivain sud-africain), Nelson Mandela
(président de l’Afrique du Sud de 1994 à 1999, né
en 1918).
[11]
Le Sénégalais Abdou Anta Ka (né en 1931),
l’Ivoirien Eugène Dervain (1928-2010), le Guinéen
Condetto Nénékhaly-Camara (1930-1972), le
Malien Seydou Badian Kouyaté (né en 1928), le
Sénégalais Marouba Fall (né en 1950).
[12]
Illustré par les Sénégalais Cheik Aliou Ndao (né en
1933) et Amadou Cissé Dia (1915-2002), Massa
Makan Diabaté (1938-1988), les Ivoiriens Bernard
Dadié (né en 1916) et Bernard Zadi (né en 1938),
le Haïtien Gérard Chenet (né en 1927), le Béninois
Jean Pliya (né en 1931), mais aussi les
Martiniquais Daniel Boukman (né en 1936, auteur
de Les Négriers, 1971) et Édouard Glissant (1928-
2011, auteur de Monsieur Toussaint, 1961).
[13]
Pour en savoir plus sur ces auteurs, lire le repère
p. 116-117.
[14]
Publié en 1961, L’Aventure ambiguë est l’histoire
de Samba Diallo, qui vit au pays des Diallobé.
Dans la première partie du roman, le jeune
homme passe de l’école coranique à l’école des
Blancs. Dans la deuxième partie, il part vivre en
France, séjour qui provoque la remise en question
de sa foi en Dieu. De retour dans son village, sa
mort est causée par un fou.
[15]
Monnè, outrages et défis (1990) est un flashback
sur l’époque de la rencontre entre le conquérant
européen et les chefs traditionnels africains, où
compromis et trahisons aboutissent à la période
coloniale. En attendant le vote des bêtes
sauvages (1998) caricature sur le mode épico-
burlesque le temps des Bokassa, Mobutu,
Eyadema, où les États et leurs peuples sont livrés
à l’arbitraire des présidents à vie. Enfin, avec Allah
n’est pas obligé (2000), il stigmatise l’époque plus
récente où les pouvoirs politiques sombrent dans
le chaos, où la rue comme le palais sont
désormais aux mains de différentes bandes
armées en présence (Liberia, Somalie, Rwanda).
[16]
Le Mandat (1968) d’Ousmane Sembène, Les Fils
de Kouretcha (1973) d’Aké Loba, Le Lieutenant de
Kouta (1973) de Massa Makan Diabaté, La
Marmite de Koka-Mbala (1976) de Guy Menga,
Tribaliques (1971) et La Nouvelle Romance (1976)
de Henri Lopes, Le Fils d’Agatha Moudio (1967)
de Francis Bebey, Le Sang des masques (1976) et
Sous l’orage (1963) de Seydou Badian Kouyaté, Le
Bel Immonde (1976) de Vumbi Yoka Mudimbe,
Buur Tilleen, roi de Médina (1974) de Cheik Aliou
Ndao, L’Errance (1975) de Georges Ngal, Perpétue
et l’habitude du malheur (1974) de Mongo Beti.
[17]
Voir le repère p. 118-119.
[18]
On peut citer les textes du Sénégalais Boubacar
Boris Diop (né en 1946), du Malien Ibrahima Ly
(1936-1989), du Guinéen Williams Sassine (1944-
1997, auteur de Wirriyamu, 2001), et du Congolais
Sylvain Bemba (1934-1995, auteur de Léopolis,
1984).
[19]
Ce sont les romans du Congolais Sony Labou
Tansi (1947-1995), du Guinéen Alioum Fantouré
(né en 1938), Le Pleurer-Rire (1982) d’Henri Lopes
(ne en 1937), Quand on refuse on dit non (2004)
d’Ahmadou Kourouma et les derniers Mongo Beti
(Branle-bas en noir et blanc, 2000 ; Africains si
vous parliez, 2005).
Résumé
Français
La littérature négro-africaine écrite naît entre
1930 et 1940, à la suite des premiers
mouvements d’émancipation négro-américains et
africains, avec l’éclosion de revues spécifiques.
Après la Seconde Guerre mondiale, avec la revue
Présence africaine, apparaît une littérature de
protestation. Parallèlement, le roman africain se
développe en réponse à la politique anticoloniale
précédant les indépendances. Après 1960, la
littérature africaine décrit les problèmes internes
aux nouveaux États africains. De 1985 à 2005, un
virage rend compte de la détérioration
progressive des structures sociales, politiques et
économiques de ces États dirigés par des
dictateurs. Au xxie siècle émergent des auteurs
soucieux de s’affranchir du chaos africain au
profit d’une identité « mondiale » et purement
littéraire.
Mots-clés
 littérature africaine
 colonisation
 postcolonial
 histoire
 écrivain noir
 francophonie
Lumières (philosophie)
Pour les articles homonymes, voir Lumière
(homonymie).
Image de couverture de l'interprétation par
Voltaire de l'œuvre d'Isaac Newton, Éléments de
la philosophie de Newton, mis à la portée de tout
le monde (1738). Le manuscrit du philosophe
assis, qui traduit l'œuvre de Newton, semble
« éclairé » par une « lumière » quasi-divine venant
de Newton lui-même, lumière réfléchie par le
miroir tenu par une muse, en réalité la traductrice
de l'œuvre de Newton, Émilie Du Châtelet,
maîtresse et collaboratrice de Voltaire.

Dans sa dénomination et sa traduction en


français, le mouvement des Lumières est un
mouvement culturel, philosophique, littéraire et
intellectuel qui émerge dans la seconde moitié du
XVIIe siècle avec des philosophes comme Spinoza,
Locke, Bayle et Newton, avant de se développer
dans toute l'Europe, notamment en France, au
XVIIIe siècle. Par extension, on a donné à cette
période le nom de siècle des Lumières.
Par leur engagement contre les oppressions
religieuses et politiques, les membres de ce
mouvement, qui se voyaient comme une élite
avancée œuvrant pour un progrès du monde,
combattant l’irrationnel, l’arbitraire,
l’obscurantisme et la superstition des siècles
passés, ont procédé au renouvellement du savoir,
de l’éthique et de l’esthétique de leur temps.
L’influence de leurs écrits a été déterminante
dans les grands événements de la fin du
XVIIIe siècle que sont la Déclaration
d'indépendance des États-Unis et la Révolution
française1.
Le mouvement de renouveau intellectuel et
culturel des Lumières reste, au sens strict,
européen avant tout, et il découle presque
exclusivement d’un contexte spécifique de
maturation des idées héritées de la Renaissance.
La pensée des Lumières s’est étendue à l’Europe,
quoique la traduction de ce terme, dans les autres
langues européennes, ait toujours privilégié l'idée
d'une « illumination » provenant de l’extérieur,
alors que le terme français privilégie le fait que les
Lumières viennent de soi-même. De manière très
générale, sur les plans scientifique et
philosophique, les Lumières voient le triomphe de
la raison sur la foi et la croyance ; sur les plans
politique et économique, le triomphe de la
bourgeoisie sur la noblesse et le clergé.
Sommaire

 1 Thématiques de la philosophie des


Lumières
o 1.1 Révolution dans les sciences et

programme de la philosophie des


Lumières
 1.1.1 Évolution de la réflexion

scientifique
 1.1.2 Liberté individuelle et contrat

social
o 1.2 Valeurs et représentations sociales

des Lumières
 1.2.1 Changement de représentation

 1.2.2 Idéal du philosophe

 1.2.3 Idéal encyclopédique : tout

connaître
o 1.3 Critique de l’organisation sociale

o 1.4 Sensibilité des Lumières

 2 Acteurs et portée
o 2.1 Philosophes des Lumières

 2.1.1 Portraits

 2.1.2 Représentants des Lumières

o 2.2 Diffusion des Lumières

 2.2.1 Encyclopédie

 2.2.2 Salons et cafés

 2.2.3 Académies, bibliothèques et

loges
 2.2.4 Marchands ambulants et presse

o 2.3 Influence de la Philosophie des

Lumières dans les changements


politiques
 2.3.1 Les Lumières, source de la

Révolution américaine?
 2.3.2 Les Lumières à l’origine de la
Révolution française ?
 3 Notes et références
 4 Voir aussi
o 4.1 Bibliographie

o 4.2 Articles connexes

o 4.3 Liens externes

Thématiques de la philosophie des Lumières

Révolution dans les sciences et programme de la


philosophie des Lumières
Évolution de la réflexion scientifique

Fragment du frontispice de l’Encyclopédie de


Diderot et D’Alembert : on y voit la Vérité
rayonnante de lumière ; à droite, la Raison et la
Philosophie lui arrachent son voile (peint par
Charles Nicolas Cochin et gravé par Benoît-Louis
Prévost en 1772.
Le mouvement des Lumières a été, en grande
partie, un prolongement des découvertes de
Nicolas Copernic au XVIe siècle, peu diffusées de
son vivant, puis surtout des théories de Galileo
Galilei (1564-1642). Une quête d’axiomes, de
certitudes éprouvées, se poursuivit dans le
mouvement du cartésianisme tout au long du
XVIIe siècle[réf. nécessaire].
Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646-1716)
développa les mathématiques et le calcul
infinitésimal. Sa philosophie des monades se
démarquait également de celle de René Descartes.
Les philosophes britanniques, comme Thomas
Hobbes et David Hume, adoptèrent une démarche
empirique, mettant l’accent sur les sens et
l’expérience dans l’acquisition des connaissances,
au détriment de la raison pure.
Baruch Spinoza prit parti pour Descartes, surtout
dans son Éthique2. Il se démarqua pourtant de
son aîné dans son Traité de la réforme de
l'entendement (Tractatus intellectus
amendatione), où il montra que le processus de
perception engage non seulement la raison, mais
aussi les sens et l’intuition. La conception de
Spinoza était centrée sur une vision de l’Univers
où Dieu et la Nature ne font qu’un. Cette idée
deviendra centrale au siècle des Lumières3,
depuis Isaac Newton (1642-1727) jusqu’à
Thomas Jefferson (1743-1826).
Un changement notable fut l’émergence de la
philosophie naturaliste à travers toute l’Europe,
incarnée par Isaac Newton. Ses idées, sa réussite
indéniable à confronter et assembler les preuves
axiomatiques et les observations physiques en un
système cohérent, source de prédictions,
donnèrent le ton de tout ce qui allait suivre son
exemplaire Philosophiae Naturalis Principia
Mathematica (1687). Pour montrer le progrès
entre l’Âge de la Raison et le mouvement des
Lumières, l’exemple de Newton reste en effet
indépassable, en ce que le scientifique utilisa des
faits observés empiriquement, comme la
dynamique des planètes de Johannes Kepler ou
l’optique, pour construire une théorie sous-jacente
expliquant ces faits a priori : la théorie de la
gravitation universelle. Ce mouvement
correspond à l’unification d’un pur empirisme,
comme celui de Francis Bacon et de l’approche
axiomatique de Descartes (1596-1650).
La croyance en un monde intelligible ordonné par
le dieu chrétien a représenté le plus fort élan du
questionnement philosophique sur la
connaissance. D’un côté, la philosophie religieuse
se concentrait sur la piété, la toute-puissance et le
mystère de la nature ultime de Dieu ; de l’autre,
des idées telles que le déisme soulignaient que le
monde était visiblement compréhensible par la
raison humaine et que les lois le gouvernant
l’étaient tout autant. L’image de Dieu comme
« Grand Horloger » pénétra alors les esprits,
tandis que les observateurs du monde prenaient
conscience que ce dernier semblait bel et bien
parfaitement ordonné et que, dans le même
temps, on réalisait des machines de plus en plus
sophistiquées et précises4. À cet égard, il est
intéressant de souligner la critique de cette
théologie naturelle portée par Buffon, le
célébrissime naturaliste du XVIIIe siècle, dans son
œuvre monumentale Histoire naturelle. Buffon
rejette l'attitude qui consiste à attribuer à
l’intervention divine, surnaturelle, ce que la
science ne sait pas – pas encore – expliquer.
Cette critique lui valut d’affronter la Sorbonne qui,
dominée par l’Église catholique, n’eut de cesse
que de vouloir le censurer. En 1751, il est ainsi
sommé de se rétracter sur « des propositions
contraires à la croyance de l’Église », pour avoir
proposé un âge de 74 000 ans à la Terre, quand
on admet alors le récit biblique comme vérité
scientifique et la datation de notre planète à
environ 6 000 ans. Hostile par ailleurs au système
de classification de son contemporain suédois
non moins célèbre, Linné, il n’est pas loin de
penser que l’ordre n’existe pas dans la nature5.
Liberté individuelle et contrat social
Cette constance à rechercher et énoncer des lois,
à déterminer les comportements particuliers, fut
également un élément important dans la
constitution d’une philosophie où le concept
d’individualité prévalait, en somme où l’individu
avait des droits basés sur d’autres fondements
que la seule tradition. On parle alors d’avènement
du sujet pensant, en tant que l’individu peut
décider par son raisonnement propre et non plus
sous le seul joug des us et coutumes. Ainsi, John
Locke rédigea ses deux Traités du gouvernement
civil dans lesquels il avance que le droit de
propriété n’est pas familial, mais totalement
individuel et légitimé par le travail consacré au
terrain concerné, ainsi que de sa protection face à
autrui. Une fois l’idée émise qu’il y avait des lois
naturelles et des droits naturels, il devenait
possible de s’aventurer dans les domaines
nouveaux qu’on appelle maintenant l’économie et
la politique.
Dans son célèbre essai Was ist Aufklärung?,
Emmanuel Kant donne des Lumières la définition
suivante : « Les Lumières c’est la sortie de
l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-
même responsable. L’état de tutelle est
l’incapacité de se servir de son entendement sans
la conduite d’un autre. On est soi-même
responsable de cet état de tutelle quand la cause
tient non pas à une insuffisance de l’entendement
mais à une insuffisance de la résolution et du
courage de s’en servir sans la conduite d’un autre.
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton
propre entendement ! Tel est la devise des
Lumières. »
Les Lumières se basent donc sur la réalité soit sur
le monde rationnel , ordonné et compréhensible,
exigeant de l’homme l’établissement d’une
connaissance également rationnelle et organisée.
Cela commence par l’idée que les lois gouvernent,
aussi bien les cieux, que les affaires humaines et
que le pouvoir du Prince émane de la loi via la
légitimité de la Nation et non l’inverse. La
conception de la loi en tant que contrat social
théorisée par Jean-Jacques Rousseau
(philosophe concurrent les Lumières) comme
relation réciproque entre les hommes, plutôt
qu’entre les familles ou des groupes, devint de
plus en plus remarquable, accompagnée du souci
de la liberté individuelle comme réalité
imprescriptible - le seul droit tiré de Dieu (une
croyance qui n'est pas issue des Lumières
puisqu'ils étaient athées). Le mouvement des
Lumières créa ou réinventa donc les idées de
liberté, propriété et rationalité, telles qu’on les
connaît toujours aujourd’hui et telles
qu’introduites dans cette philosophie politique :
l’idée et le désir d’être un individu libre, liberté
d’autant plus garantie que l’État (à ne pas
confondre avec Gouvernement) assure la stabilité
des lois.
Pour comprendre quels changements
interviennent réellement entre « l’Âge de Raison »
et le « mouvement des Lumières », la
comparaison entre Thomas Hobbes et John
Locke est une bonne approche. Hobbes, qui
traverse les trois quarts du XVIIe siècle, a
entrepris de classer de façon systématique les
émotions humaines, ce qui l’amena à construire
un système rigide garantissant par coercition la
stabilité du chaos primaire - qui est la source de
son travail (voir le Léviathan). À l’inverse, Locke
voit en la Nature la source de l’unité et de tous les
droits, que l’État doit s’assurer de reprendre et de
protéger, non pas d’étouffer. Ainsi, la
« révolution » culturelle entre les deux siècles fait
intervenir la relation de l’homme à la Nature.
Cette recherche aboutit, en France, à la
formulation des droits de l'homme, qui trouve son
expression dans la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, qui influencera
largement les déclarations de droits lors des
siècles suivants, et entraînera dans son sillage
des bouleversements politiques dans le monde
entier. Tant en France qu'aux États-Unis, les
libertés d'opinion (à ne pas confondre avec la
réalité), de religion ("religare" en latin relier à mot
insuffisant "relié à quoi ?" ), de pensée (ou opinion
pas nécessairement réaliste) d'expression
tiennent une place fondamentale.
Valeurs et représentations sociales des Lumières

Jean-Jacques Rousseau.
Changement de représentation
Les valeurs essentielles défendues par les
hommes des Lumières dans toute l’Europe sont la
tolérance, la liberté et l’égalité. Ces valeurs
débouchent, en Angleterre, en Amérique et en
France, sur la définition de nouveaux droits
naturels et sur une séparation des pouvoirs
politiques. À ces valeurs s'ajoutent le goût de la
Nature et le culte de la raison.
« Aujourd’hui nous recevons trois éducations
différentes ou contraires : celles de nos pères,
celles de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on
nous dit dans la dernière renverse toutes les idées
des premières. »

— Montesquieu6
Idéal du philosophe

L’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal,


encyclopédie de l’anticolonialisme au XVIIIe siècle

La figure idéale des Lumières est le philosophe,


homme de lettres avec une fonction sociale qui
exerce sa raison dans tous les domaines pour
guider les consciences, prôner une échelle de
valeurs et militer dans les problèmes d’actualité.
C’est un intellectuel engagé qui intervient dans la
société, un « honnête homme qui agit en tout par
raison » (Encyclopédie), « qui s’occupe à
démasquer des erreurs » (Diderot).
Le rationalisme des Lumières n’exclut en aucun
cas la sensibilité. Raison et sentiment dialoguent
au sein même de la philosophie des Lumières.
Les penseurs des Lumières peuvent être capables
de rigueur intellectuelle mais aussi de sensibilité.
Malgré des controverses sur les limites de leur
position7, beaucoup ont dénoncé de manière
percutante l'asservissement des Noirs. Parmi les
figures des Lumières à avoir critiqué l’esclavage
et/ou la colonisation, on compte, entre autres,
Montesquieu (ayant pourtant du "personnel",
esclave) dans l'Esprit des Lois, Denis Diderot dans
le Supplément au voyage de Bougainville, Voltaire
dans Candide et Guillaume-Thomas Raynal et son
Histoire philosophique et politique des
établissements et du commerce des Européens
dans les deux Indes, véritable encyclopédie de
l’anticolonialisme au XVIIIe siècle auxquels ont
collaboré, parmi d’autres, Diderot et d’Holbach. On
a affirmé sans preuve et sans sources que l'un
d'eux, Voltaire, avait reçu des actions en traite des
Noirs.
Idéal encyclopédique : tout connaître
Cette époque cultive un goût particulièrement
prononcé pour les écrits totalisants qui
rassemblent l’ensemble des connaissances de
leur temps, les bilans généraux du savoir. Cet
idéal va trouver sa réalisation dans l'Encyclopédie
de Diderot et D’Alembert, publiée entre 1750 et
1770, dont le but était de sortir le peuple de
l’ignorance par une diffusion très large du savoir.
Critique de l’organisation sociale
Le mouvement des Lumières est, sur toute sa
durée, le substrat de deux pressions
sociologiques antagonistes : d’une part, une forte
spiritualité accompagnée d’une foi traditionaliste
en la religion et l’Église ; d’autre part, la montée
d’un mouvement anticlérical critiquant les
divergences entre théorie religieuse et pratique,
qui s’est surtout manifesté en France.
L’anticléricalisme ne fut pas la seule source de
tension en France : certains nobles contestaient
le pouvoir monarchique et la haute bourgeoisie
souhaitait bénéficier des fruits de ses efforts. La
libéralisation des mœurs engendrait la
contestation de l’absolutisme et de l’ordre ancien.
Le courant janséniste en France fut aussi, selon
Dale K. Van Kley, une source de division8.
Le système judiciaire se révélait archaïque. Même
si le droit du commerce avait été codifié au
XVIIe siècle, le droit civil n’était pas unifié ni
codifié.
Tel est l’arrière-plan social et juridique dans lequel
s’exerce la critique et se développe la
contestation, qu’un auteur comme Voltaire a pu
incarner.
Exilé en Angleterre entre 1726 et 1729, il y étudie
les travaux de John Locke, Isaac Newton et la
monarchie anglaise. Il se rend populaire par sa
dénonciation des injustices (affaires Calas, Sirven,
de La Barre, Lally-Tollendal). Le milieu du
XVIIIe siècle correspond à l’apogée de la
philosophie des Lumières9.
Pour Voltaire, il est clair que si le Prince obtient du
peuple qu’il croie en des choses déraisonnables,
alors ce peuple fera des choses déraisonnables10.
Ce constat simple a introduit ce qui devait être la
principale critique faite aux Lumières, et que
devait formuler la pensée romantique : la
construction raisonnable crée autant de
problèmes qu’elle en résout11.

Selon les philosophes des Lumières12, le point


crucial du progrès intellectuel consistait en la
synthèse de la connaissance, éclairée par la
raison humaine, afin de créer une autorité morale
qui serait seule souveraine. Le point de vue
contraire se développa, mettant en avant le fait
que de façon intrinsèque, ce processus serait
corrompu par le poids des conventions sociales,
montrant ainsi la « nouvelle vérité » raisonnable
comme une mauvaise imitation de la Vérité
immanente et insaisissable
Le mouvement des Lumières trouva alors un
certain équilibre, entre l’appel à la liberté
« naturelle » et la liberté de cette liberté, c’est-à-
dire la reconnaissance d’une autonomie de la
Nature face à la raison. Correspondent à ce stade
les réformes de plusieurs monarchies, par
l’intermédiaire de lois nouvelles allant dans le
sens des sujets et d’une réorganisation parcellaire
de la société. L’idée d’un ordre éclairé entre
également dans la pensée scientifique avec, par
exemple, le travail du biologiste Carl von Linné.
Voltaire

En Allemagne, Emmanuel Kant (tout comme


Rousseau se définissait comme "des Lumières"
mais n'était pas "raisonnable"), se montra critique
à la fois par rapport aux prétentions de la Raison
(critique de la raison pure), mais aussi à celles de
l’empirisme anglais (critique de la raison pratique).
Par rapport à la métaphysique très subjective de
Descartes, le philosophe allemand souhaita
développer une vision plus objective de cette
branche de la philosophie.
Les grands penseurs de la fin du mouvement des
Lumières (Adam Smith, Thomas Jefferson ou
encore le jeune Goethe) adoptèrent dans leurs
pensées le schème, dérivé d’une métaphore
biologique, des forces d’auto-organisation et
d’évolution. L’achèvement des Lumières est alors
pressenti, avec le constat suivant : le Bien est le
fondement de la Nature, mais celle-ci n’est pas
ordonnée par elle-même. Bien au contraire, c’est
la raison et la maturité humaine qui doivent en
trouver la constante structure, en retirer la
stabilité naturelle. Le romantisme en prendra le
contre-pied parfait.
Sensibilité des Lumières
« D’une façon générale, la sensibilité des
Lumières porte à une sentimentalité morale : le
temps de l’ironie voltairienne passé, on veut
s’apitoyer, avec Rousseau (la Nouvelle Héloïse,
1761) et les tableaux de Greuze, chercher le beau
et le bon éternels. Plus le siècle s’avance, plus la
littérature et l’art répudient la gratuité des formes,
la légèreté, regardées comme aristocratiques et
mondaines, pour aller vers le sérieux,
l’authentique et le naturel, c’est-à-dire vers ce qui
est conforme à la morale utilitaire du public
bourgeois d’où le goût croissant pour le
néoclassicisme, qui met en avant l’antique, non
pas l’antique allégorique de l’époque classique
mais un antique historique plus sobre, à la façon
du peintre David. »[réf. nécessaire]
Projet de reconstruction de l’Opéra de Paris
d’Étienne-Louis Boullée, 1781

Ceci se traduit dans les réflexions sur


l'urbanisme13. La ville des Lumières est le fruit des
efforts conjoints des pouvoirs publics et des
architectes soucieux de réaliser des bâtiments
administratifs ou utiles (hôtels de ville, hôpitaux,
théâtres, intendances) tout en aménageant des
perspectives, des places, fontaines,
promenades…14. L'Académie royale d'architecture
reste un des centres de la réflexion sur la théorie :
pour elle le beau est ce qui plait. Pour l'abbé
Laugier, au contraire, ce qui est beau est
conforme à la raison15. Le modèle naturel de toute
architecture est la cabane primitive soutenue par
quatre troncs d'arbre, avec quatre parties
horizontales et un toit qui deviennent
respectivement colonnes, entablements, frontons.
Le modèle du temple grec se répand alors jusque
dans le décor et le mobilier. Ce paradigme se
traduit par un changement de style au milieu du
siècle : le rococo est abandonné, la Grèce antique
et Palladio deviennent les principales références
du style néo-classique.
L’université de Virginie, inscrite au patrimoine
mondial de l’Humanité défini par l’UNESCO, a été
fondée par Thomas Jefferson. Ce dernier dessina
les plans d’une partie du campus en suivant les
valeurs des Lumières.
La place Stanislas de Nancy est le cœur d’un
ensemble urbanistique classique, inscrite depuis
1983 sur la liste du patrimoine mondial de
l’UNESCO, ainsi que d’autres places de cette ville
comme la place de la Carrière et la place
d’Alliance, autour desquelles s’articulent
administrations et services de l’époque.
Claude Nicolas Ledoux (1736-1806), membre de
l'Académie d'architecture est sans doute
l’architecte dont les projets incarnent le mieux
l’utopie d’un habitat totalement rationnel (ce qui
est rationnel, donc basé sur la compréhension de
la réalité ne peut être à la fois utopique) . Il dirige,
à partir de 1775, l’édification de la Saline royale
d'Arc-et-Senans, dans le Doubs, véritable cité
usinière.
La Rotonde de l’université de Virginie, dessinée
par Thomas Jefferson.

Les Lumières n’ont touché que les élites


aristocratiques et les fractions montantes des
bourgeoisies[réf. nécessaire] (La bourgeoisie n'a rien
retenu des Lumières encore de nos jours puisque
Rousseau, Montesquieu et Kant sont perçus
comme des honnêtes hommes alors qu'ils
approuvent les "élites" : un vague concept,
d'ailleurs désapprouvé par les Lumières : relire "Le
Discours sur la Servitude Volontaire par Étienne
de La Boétie)[non neutre].
L’écho, dans ces milieux dominants, est certes
considérable en Angleterre et en France, mais
plus restreint en Allemagne et en Italie ; le public
éclairé est très peu nombreux en Espagne ou en
Russie, où seuls quelques intellectuels, hauts
fonctionnaires et grandes familles participent au
mouvement. Le peuple, lui, n’est pas touché :
l’immense majorité des paysans, même français,
n’a jamais entendu parler de Voltaire ou de
Rousseau.
Malgré tout, les Lumières ont ébranlé les
certitudes anciennes. Et l’ébranlement ne s’est
pas arrêté aux portes du social et du politique :
les Lumières ont inspiré la génération
révolutionnaire. Ce qui ne signifie nullement
qu’elles aient consciemment appelé de leurs
vœux la Révolution de 1789.
Acteurs et portée

Philosophes des Lumières


Portraits
Les humanistes de la Renaissance, les
philosophes des Lumières16, s’intéressent à divers
domaines : l’Américain Thomas Jefferson avait
reçu une formation juridique mais pratiquait
également l’archéologie et l’architecture.
Benjamin Franklin eut une carrière de diplomate et
de physicien. Condorcet écrivit sur des sujets
aussi différents que le commerce, les finances,
l’éducation ou la science.
La cour de Frédéric II de Prusse avec le
philosophe Voltaire.

Les origines sociales des philosophes sont


diverses : beaucoup sont issus de familles
bourgeoises (Voltaire, Thomas Jefferson),
d’autres de milieux plus modestes (Emmanuel
Kant, Benjamin Franklin, Denis Diderot) ou encore
de la noblesse (Montesquieu, Condorcet). Un
certain nombre d’entre eux avaient reçu une
éducation religieuse (Denis Diderot, Louis de
Jaucourt) ou une formation juridique
(Montesquieu, Thomas Jefferson).
Les philosophes constituaient des réseaux et
communiquaient par lettres. On connaît la
correspondance violente entre Rousseau et
Voltaire. Les grands esprits du XVIIIe siècle se
rencontraient et discutaient dans les salons, les
cafés ou les académies. Les penseurs et les
savants formaient une communauté
internationale. Ben Franklin, Tom Jefferson, Adam
Smith, Hume ou Galiani séjournèrent plusieurs
années en France.
Parce qu’ils critiquaient l’ordre établi, les
philosophes étaient poursuivis par les autorités et
devaient recourir à des subterfuges pour éviter la
prison. François-Marie Arouet prit le pseudonyme
de Voltaire. Thomas Jefferson rédigea en 1774 un
rapport destiné aux délégués de Virginie du
Premier Congrès continental, qui se réunissait
pour discuter des griefs des colonies à l’égard de
la Grande-Bretagne. En raison du contenu du texte,
il fut contraint de le publier anonymement. La
Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui
voient valut à Denis Diderot d’être emprisonné au
fort de Vincennes pour sa remise en cause de la
religion17. Accusé d’avoir rédigé des pamphlets
contre le régent Philippe III d’Orléans, Voltaire fut
emprisonné à la Bastille. Montesquieu publia de
façon anonyme les Lettres persanes en 1721 en
Hollande. De 1728 à 1734, il visita plusieurs pays
d’Europe.
Face à la censure et aux difficultés financières,
les philosophes recouraient souvent à la
protection d’aristocrates et de mécènes :
Malesherbes et la marquise de Pompadour,
favorite de Louis XV, soutinrent ainsi Diderot.
Marie-Thérèse Geoffrin (1699-1777) subventionna
une partie de la publication de l’Encyclopédie. Elle
organisait un salon bihebdomadaire, recevant des
artistes, des savants, des gens de lettres et des
philosophes, de 1749 à 1777. L’autre grand salon
de l’époque des Lumières était celui de Claudine
de Tencin. Dans les années 1720, Voltaire dut
s’exiler en Angleterre où il s’enquit des idées de
John Locke.
Les philosophes luttaient généralement moins
contre le pouvoir royal que contre l’hégémonie
ecclésiastique et nobiliaire18 : dans sa défense de
Jean Calas, Voltaire défendait ainsi la justice
royale contre les excès d’une justice provinciale
jugée plus fanatique19. Bien des monarques
européens – Charles III d'Espagne, Marie-Thérèse
et Joseph II d’Autriche, Catherine II de Russie,
Gustave III de Suède – lisaient et appréciaient les
philosophes. Comme Voltaire, qui fut accueilli à la
cour de Frédéric II de Prusse ou Diderot, qui fut
accueilli à la cour de Catherine II, les philosophes
comme d’Holbach se montraient favorables au
despotisme éclairé20 dans l’espérance de voir
leurs idées se répandre le plus rapidement
possible en touchant directement à la tête de
l’État. La suite des événements devait montrer
aux Philosophes les limites de leurs ambitions
chez des souverains « plus despotes
qu’éclairés21 ». Seul Rousseau revendiqua avec
constance l’égalité politique, qui devint par la
suite un idéal révolutionnaire22.
Représentants des Lumières
France : Pierre Bayle, Émilie du Châtelet, Étienne
Bonnot de Condillac, Nicolas de Condorcet, Denis
Diderot, D'Alembert, Olympe de Gouges, Vincent
de Gournay, D'Holbach, Fontenelle, Claude-Adrien
Helvétius, Marquis de La Fayette, Antoine Laurent
de Lavoisier, La Mettrie, Louis de Jaucourt,
Choderlos de Laclos, Marquis de Sade, Marivaux,
Jean-François Marmontel, Pierre Louis Moreau de
Maupertuis, Montesquieu, François Quesnay,
Restif de la Bretonne, Antoine Destutt de Tracy,
Anne Robert Jacques Turgot, Voltaire, Buffon.
Angleterre : Anthony Collins, John Locke, Edward
Gibbon, William Godwin, Henri Saint Jean de
Bolingbroke, Samuel Johnson, James Oglethorpe,
William Paley, Joseph Priestley, William
Wilberforce, Mary Wollstonecraft .
Écosse : James Boswell, David Hume, Francis
Hutcheson, James Burnett, Lord Monboddo,
Adam Smith, James Watt[réf. nécessaire].
Irlande : George Berkeley, Richard Cantillon, John
Toland.

Allemagne (Prusse) : Friedrich Heinrich Jacobi23,


Johann Gottlieb Fichte24, Johann Gottfried von
Herder, Emmanuel Kant, Gotthold Ephraim
Lessing, Moses Mendelssohn, Leibniz, Friedrich
Melchior Grimm.
Pologne : Hugo Kołłątaj, Jean Potocki, Ignacy
Krasicki.
Portugal: Marquis de Pombal, Luis Antonio Verney,
António Nunes Ribeiro Sanches, Francisco de
Oliveira, Duarte Ribeiro de Macedo, Matias Aires
Ramos da Silva Eça.
États-Unis : John Adams, Samuel Adams,
Benjamin Franklin, Alexander Hamilton, John Jay,
Thomas Jefferson, James Madison, Thomas
Paine, George Washington.
Italie : Cesare Beccaria, Ferdinando Galiani, Mario
Pagano, Giambattista Vico, Pietro Verri,
Alessandro Verri, Antonio Genovesi, Carlo Goldoni,
Giuseppe Parini
Espagne : Leandro Fernández de Moratín, Gaspar
Melchor de Jovellanos, Antonio José Cavanilles,
Lorenzo Hervás y Panduro, Benito Jerónimo
Feijoo, Pedro Rodríguez de Campomanes, José
Celestino Mutis
Russie : Nikolaï Novikov, Mikhaïl Lomonossov
Roumanie : Ion Budai-Deleanu, Ienăchiţă
Văcărescu, Anton Pann, Samuil Micu, Gheorghe
Șincai
Suisse (Genève) : Jean-Jacques Rousseau
Diffusion des Lumières

Les progrès de l’alphabétisation et de la lecture25


permettent le développement de ce qu’on a
appelé un « espace public », les débats
intellectuels et politiques dépassent le cercle
restreint de l’administration et des élites,
impliquant progressivement des secteurs plus
larges de la société. Le processus de diffusion
des idées nouvelles est amplifié par le progrès
des techniques de diffusion de l’information. Les
passages de l’Encyclopédie sont lus par la
noblesse et la haute bourgeoisie dans des salons,
les personnes présentes donnent leur avis sur les
écrits des philosophes. Les journaux et la
correspondance permirent des échanges plus
rapides dans toute l’Europe, réalisant une nouvelle
forme d’unité culturelle.
Encyclopédie
Jean le Rond d’Alembert.

Un second changement important dans le


mouvement des Lumières par rapport au siècle
précédent, trouve son origine en France, avec les
Encyclopédistes. Ce mouvement intellectuel
défend l’idée qu’il existe une architecture
scientifique et morale du savoir, une structure
prévalente et ordonnée et que sa réalisation est
un moyen de libération de l’homme26. Denis
Diderot et D’Alembert publient à partir de 1751
l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers.
Le processus de diffusion des idées nouvelles se
trouva amplifié par le progrès des techniques de
diffusion de l’information. Les passages de
l’Encyclopédie sont lus par les nobles, les ducs, et
les bourgeois dans des salons, les personnes
présentes donnent leur avis sur les écrits des
philosophes. Les journaux et la correspondance
permirent des échanges plus rapides dans toute
l’Europe, réalisant une nouvelle forme d’unité
culturelle. Ceci ne fut pas sans poser des
questions sur la liberté d’accès et de diffusion de
ces informations. On connaît le rôle joué par la
presse dans la diffusion des idées, pendant la
Révolution française notamment.
Salons et cafés
Articles détaillés : Café littéraire et Salon littéraire.

Une soirée chez Madame Geoffrin de Gabriel


Lemonnier

Ce sont d’abord les cafés, où on lit et on débat,


comme le café Procope, à Paris qui sont le rendez
-vous nocturne des jeunes poètes ou des critiques
qui discutent passionnément des derniers succès
de théâtre ou de librairie.
Mais ce sont surtout les salons mondains,
ouverts par tous ceux qui ont quelque ambition,
ne serait-ce que celle de paraître. Ils sont
caractérisés par la mixité intellectuelle ; les gens
s’y expriment, y trouvent une occasion de
satisfaire leur soif de savoir et y entretiennent leur
vision du monde. Mais il faut y être introduit. Les
grandes dames reçoivent artistes, savants et
philosophes. Chaque hôtesse a son jour, sa
spécialité et ses invités de marque. Le modèle est
l’hôtel de Madame de Lambert, au début du siècle.
Les gens de talent s’y retrouvent régulièrement
pour confronter leurs idées ou tester sur un public
privilégié leurs derniers vers. Mondaines et
cultivées, les créatrices de ces salons animent les
soirées, encouragent les timides et coupent court
aux disputes. Ces fortes personnalités, très libres
par rapport à leurs consœurs, sont souvent elles-
mêmes écrivaines et épistolières.
La mixité est particulièrement réussie en France,
au XVIIIe, dans ces « États Généraux de l’esprit
humain » où s’épanouit la philosophie des
Lumières. Des femmes cultivées, intelligentes y
sont de véritables partenaires avec qui on peut
remettre en question des idées religieuses,
politiques, scientifiques, qui sont capables de
donner un élan aux débats ; on cite par exemple
l’intervention d’Anne Dacier dans la querelle des
Anciens et des Modernes et les œuvres d’Émilie
du Châtelet.
Académies, bibliothèques et loges
Articles détaillés : Académie et Loge maçonnique.

La Lecture de Fragonard
Les Académies étaient des sociétés savantes qui
se réunissaient pour s’occuper de Belles-lettres et
de sciences et contribuer à la diffusion du savoir.
En France, après les fondations monarchiques du
XVIIe siècle (Académie française, 1634 ; Académie
des inscriptions et belles-lettres, 1663 ; Académie
royale des sciences, 1666 ; Académie royale
d'architecture, 1671), naissent encore, à Paris,
l’Académie royale de chirurgie (1731) et la Société
royale de médecine (1776). Le clergé et, dans une
moindre mesure, la noblesse y prédominent.
Ces sociétés provinciales regroupent les
représentants de l’élite intellectuelle des villes
françaises. Leur composition sociale révèle que
les privilégiés y occupent une place moindre qu’à
Paris : 37 % de nobles, 20 % de gens d’Église. Les
roturiers constituent 43 % des effectifs : c’est
l’élite des possédants tranquilles qui siège là.
Marchands et manufacturiers sont peu présents
(4 %).
Voisines des Académies, souvent peuplées des
mêmes hommes avides de savoir, les
bibliothèques publiques et chambres de lecture
se sont multipliées, fondées par de riches
particuliers ou à partir de souscriptions publiques.
Elles collectionnent les travaux scientifiques, les
gros dictionnaires, offrent une salle de lecture et,
à côté, une salle de conversation. Toutes ces
sociétés de pensée fonctionnent comme des
salons ouverts et forment entre elles des réseaux
provinciaux, nationaux, européens, échangeant
livres et correspondance, accueillant les étrangers
éclairés, lançant des programmes de réflexion,
des concours de recherche. On y parle physique,
chimie, minéralogie, agronomie, démographie.
Dans les Treize colonies britanniques en
Amérique du Nord, James Bowdoin (1726-1790),
John Adams (1735-1826) et John Hancock (1737-
1793) fondent l’American Academy of Arts and
Sciences à Boston durant la Guerre
d'indépendance des États-Unis. En 1743,
Benjamin Franklin fonde la Société philosophique
américaine. Au début du XIXe siècle, Thomas
Jefferson avait l’une des plus riches bibliothèques
privées du pays. Parmi les réseaux éclairés, le
plus développé est celui de la franc-maçonnerie,
quoique réservé aux couches supérieures.
Née en Angleterre et en Écosse, la franc-
maçonnerie, groupement à vocation humaniste et
initiatique, concentre tous les caractères des
Lumières : elle est théiste, tolérante, libérale,
humaniste, sentimentale. Elle connaît un succès
foudroyant dans toute l’Europe où l’on compte
des milliers de loges en 1789. Les milieux civils,
militaires et même religieux, liés aux appareils
d’État, sont tout particulièrement gagnés. Ni
anticléricales (elles le seront au XIXe siècle) ni
révolutionnaires, les loges ont contribué à
répandre les idées philosophiques et l’esprit de
réforme dans les lieux politiquement stratégiques.
La discussion intellectuelle l’emporte sur le
caractère ésotérique ou sectaire. Surtout, les
élites y font, plus encore que dans les Académies,
l’apprentissage du primat de l’égalité des talents
sur les privilèges de la naissance.
Marchands ambulants et presse
La diffusion des idées des Lumières est
également permise grâce aux différents
marchands ambulants. En effet, ces derniers,
allant de province en province, colportaient les
informations et, par extension, les idées aux
analphabètes.
La presse a facilité la diffusion des textes
philosophiques (notamment l’Encyclopédie de
Diderot et d’Alembert), et a déclenché les
processus de la réflexion chez le peuple. La
presse contribue enfin à la constitution de
l’opinion publique, malgré la censure, toujours
active. Le Journal des Sçavans, le Mercure de
France, les périodiques économiques comme les
Éphémérides du citoyen rédigées par Nicolas
Baudeau du parti des Économistes (parti des
philosophes politiques ou les Physiocrates
comme aussi François Quesnay), sont en fait
plutôt ce que nous appellerions des revues. Par le
recensement d’ouvrages et par les abonnements
collectifs des sociétés de pensée, un public
éloigné des centres de création peut prendre
connaissance des idées et des débats, des
découvertes du mois, sinon du jour.
Influence de la Philosophie des Lumières dans les
changements politiques

Dès la fin du XVIIe siècle, John Locke avait défini


la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le
législatif27. Montesquieu reprit l’idée de
séparation des pouvoirs et l’étendit à un troisième
pouvoir, le pouvoir judiciaire dans De l'esprit des
lois (1748).
Dans les années 1750, on tenta, en Angleterre, en
Autriche, en Prusse et en France, de
« rationaliser » les monarchies et leurs lois.
L’idée lumineuse d’un gouvernement « rationnel »
s’incarna dans la Déclaration d’Indépendance
américaine et, dans une moindre mesure, dans le
programme des Jacobins au cours de la
Révolution française. On peut citer également la
Constitution américaine de 1787.
Les Lumières, source de la Révolution américaine?

Thomas Jefferson, rédacteur de la Constitution


des États-Unis.

Cultivé et instruit, Thomas Jefferson, planteur


originaire de Virginie, est très marqué par le
philosophe anglais John Locke et par Jean-
Jacques Rousseau. Il préside à l’élaboration de la
Constitution de Virginie au début de 1776, et en
reprend certaines dispositions lorsqu’il procède à
la rédaction de la déclaration d'indépendance des
États-Unis, proclamée le 4 juillet 1776 au congrès
de Philadelphie. Il a l’occasion de rencontrer les
personnalités des Lumières lors de son séjour en
Europe. Arrivé au cours de l’été 1784, il succède à
Benjamin Franklin comme ambassadeur des États
-Unis et fréquente les salons littéraires et les
libraires de la capitale.
L’influence de la philosophie des Lumières
transparaît nettement dans la Déclaration
d'indépendance des États-Unis d'Amérique du 4
juillet 1776 qui proclame que les hommes ont été
créés égaux en droit et qu'ils peuvent s’opposer à
la tyrannie. La Constitution des États-Unis
d'Amérique (1787) reprend les principes de
Montesquieu de la séparation des pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire, qui forment la base
de toute démocratie.
Les Lumières à l’origine de la Révolution
française ?
À mesure que se développe l’esprit philosophique,
dans les salons, les cafés ou les clubs, l’autorité
monarchique se délite, sapée tant par l’opposition
aristocratique28 que par des tentatives de
réformes sans lendemain.
Pendant la période révolutionnaire, les idées des
philosophes inspirent les débats politiques. La
plupart des députés de l’Assemblée nationale
sont des bourgeois cultivés qui se sont nourris
des valeurs de liberté et d’égalité. Par exemple,
Robespierre est un rousseauiste convaincu.
Pourtant, la plupart des philosophes français sont
morts avant d’avoir vu l’œuvre de la Révolution
française, sauf Condorcet, Louis Sébastien
Mercier et l'abbé Raynal. Les deux premiers
proches des Girondins en l'an II connaîtront des
déboires avec la Révolution. Seul le troisième ne
sera jamais inquiété et aura même droit à un
buste après sa mort en 1796 en hommage à ses
écrits contre l'esclavage des Noirs aboli le 16
pluviôse an II. Il était par ailleurs l'oncle d'un
conventionnel régicide, Simon Camboulas.
La Révolution française en particulier représente
une application violente de la philosophie des
Lumières, notamment lors de la brève période de
pouvoir des Jacobins. Le désir de rationalité
révolutionnaire se coupe du rationalisme dit
« spirituel » de Descartes, jusqu'à conduire à une
tentative d’éradiquer l’Église et le christianisme
dans son ensemble. Ainsi, la Convention nationale
change le calendrier, système de mesure du
temps, et le système monétaire, tout en plaçant
l’idée d’égalité, sociale et économique, au plus
haut point des priorités de l’État29.
Notes et références

1.↑ Josiane Boulad-Ayoub [archive] : « Ainsi


explicitée, adaptée, transformée, la
Philosophie a pu servir de garant aux idées et
aux valeurs que la Démocratie française sur
toute l’Europe, et qui, au nom des lois de la
République une et indivisible, au nom de la
liberté, de l’égalité, et de la fraternité, faisait
trembler les tyrans sur les champs de bataille
ou, chez elle, guillotinait le roi » et « La vie
coloniale (de l’Amérique du Nord) s’organisa
autour de quatre idées inspirées par les
philosophes des Lumières : les droits naturels,
la hiérarchie de lois (aucune loi des colonies
n’est contraire à la Couronne ), la séparation
des pouvoirs, le contrôle du contre-pouvoir.
Ces pensées influenceront les
révolutionnaires français de 1789. »
2.↑ Franc̜ois Pillon, L’Année philosophique :
Bibliothèque de philosophie contemporaine,
vol. 13, Paris, Félix Alcan, 1903, 308 p. (lire
en ligne [archive]), p. 257.
3.↑ Antoine Eugène Genoude, La Raison du
christianisme : ou, Preuves de la verité de la
religion tirées des écrits des plus grands
hommes de la France, de l’Angleterre et de
l’Allemagne, vol. 2, Paris, Pourrat Frères,
1836, 620 p. (lire en ligne [archive]), p. 107.
4.↑ J. S. Flotte, Leçons élémentaires de
philosophie, vol. 2, Paris, Brunot-Labbé,
1819 (lire en ligne [archive]), p. 226.
5.↑ Yves Zarka (avec la collaboration de Marie-
France Germain), Buffon, le naturaliste
philosophe [archive], éditions Chemins de
tr@verse, 2014
6.↑ L’Esprit des lois, première partie, livre
quatrième, Chap. IV « Différence des effets de
l’éducation chez les Anciens et parmi nous. »
7.↑ Louis Sala-Molins Le Code Noir ou le
calvaire de Caanan, Paris PUF 1987 ; Les
misères des Lumières ; sous la raison
l'outrage, Paris, Flammarion, 1992
8.↑ Les Origines religieuses de la Révolution
française : 1560-1791, Paris, Seuil, 2006,
572 p. (ISBN 9782020855099)
9.↑ Patrick Cabanel, Histoire de France, 1750-
1995 : Monarchies et républiques, vol. 1,
Toulouse, Presses Univ. du Mirail, 303 p.
(ISBN 9782858162741, lire en ligne [archive]),
p. 27.
10. ↑ Voir l’article « IMPIE » dans le
Dictionnaire philosophique.
11. ↑ Voir Paul Bénichou, L’École du
désenchantement. Sainte-Beuve, Nodier,
Musset, Nerval, Gautier, Paris, Gallimard, 1992,
p. 594.
12. ↑ Lise Andriès, Le Partage des savoirs
XVIIIe-XIXe siècles Littérature et idéologies,
Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2003, p.
148 ISBN 9782729707330.
13. ↑ Michel Le Moël et Sophie Descat,
L’Urbanisme parisien au siècle des Lumières :
Paris et son patrimoine, Paris, Action
artistique de la ville de Paris, 1997, 229 p.
(lire en ligne [archive]), p. 31.
14. ↑ L. Hautecoeur, Histoire de l'architecture
classique en France, T. III, 1950, T. IV, 1952.
15. ↑ Laugier, Marc-Antoine, Essai sur
l'architecture Paris, 1753
16. ↑ On parle parfois des Lumières (au
substantif) pour désigner les penseurs,
écrivains et philosophes emblématiques de
ce mouvement de pensée, ce qui peut être
regardé comme un abus de langage (on
préférera plutôt parler par exemple de
« philosophe des Lumières »).
17. ↑ Pierre Gamarra, L”Histoire de la laïcité,
Paris, IDLivre, 2005, (ISBN 2747900576), p. 67.
18. ↑ Jacques De Cock, Politique des
Lumières, Fantasques éditions, 244 p.
(ISBN 9782913846166, lire en ligne [archive]),
p. 116.
19. ↑ Gérard Lahouati, « Voltaire, la Henriade
et l’histoire », Voltaire no 2, Université de Pau
et des Pays de l’Adour, Presses Paris
Sorbonne, 2002, 271 p.,
(ISBN 9782840502555), p. 166.
20. ↑ « D’Holbach, qui a étudié à Leyde, est
beaucoup plus au courant que Voltaire du
développement des sciences … tout en
prônant lui aussi le despotisme éclairé »
Jacques J. Natanson, La Mort de Dieu : essai
sur l’athéisme moderne, Paris, Presses
universitaires de France, 1975, p. 66.
21. ↑ Ali Moussa Iye, Albert Ollé-Martin,
Violaine Decang, Histoire de l’humanité : 1789
-1914, coll. Histoire plurielle, vol. 6, UNESCO,
2008, 1519 p., (ISBN 9789232028150), p. 727.
22. ↑ Tanguy L’Aminot, « Politique et
révolution chez Jean-Jacques Rousseau »,
Studies on Voltaire and the Eighteenth
Century, vol. 324, Voltaire Foundation, 1994.
23. ↑ Jacobi fut aussi un critique des
Lumières, les accusant de propager le
spinozisme et l'athéisme.
24. ↑ Fichte écrit dans sa jeunesse la
Revendication de la liberté de penser et
défend la Révolution française.
25. ↑ Voir Daniel Roche, Le Peuple de Paris :
essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle,
Paris, Librairie Arthème Fayard, 1998 et Jean
de Viguerie, « Une Forme nouvelle de vie
consacrée : enseignantes et hospitalières en
France aux XVIIe et XVIIIe siècles », Femmes
et pouvoirs sous l’ancien régime, sous la
direction de Danielle Haase Dubosc et Éliane
Viennot, Paris, Rivages, 1991, p. 175-95.
26. ↑ Voir Jacques Domenech, L'éthique des
Lumières, Vrin, 1989, ISBN 9782711609987.
27. ↑ Adhémar Esmein, Éléments de droit
constitutionnel français et comparé, Paris,
Sirey, 1921, 600 p. (lire en ligne [archive]),
p. 458.
28. ↑ Daniel Mornet, Les Origines
intellectuelles de la Révolution française
(1715-1787), Paris, Armand Colin, 1933.
29. ↑ Prosper Poullet, Les institutions
françaises de 1795 à 1814, Paris, Plon-
Nourrit, 1907, 975 p. (lire en ligne [archive]),
p. 223.
Voir aussi

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 Lumières (philosophie), sur Wikisource
Bibliographie
Article détaillé : Bibliographie des Lumières.

Articles connexes
 Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen
 Despotisme éclairé
 Échiquier politique
 Encyclopédie
 Espagne des Lumières
 Franc-maçonnerie
 Gazette de Leyde
 Humanisme
 Lettres d'une Péruvienne de Françoise de
Graffigny
e
 Littérature du XVIII siècle
 Lumières écossaises
 Modernité
 Qu'est-ce que les Lumières ? de Kant
 Rationalisme
 Siècle des Lumières
 Tolérance
 Universalisme
Liens externes
 Exposition virtuelle « Le siècle des Lumières :
un héritage pour demain » (Bibliothèque
nationale de France) sur expositions.bnf.fr
 Dossier sur la littérature des Lumièressur
infoplanete.com
 Qu'est-ce que les Lumières ? Par Michel
Foucault sur 1libertaire.free.fr
 Qu’est-ce que les Lumières aujourd’hui ? - de
Valéry Rasplus sur calle-luna.org
 Littérature des Lumières et Révolution site de
la Bibliothèque André-Desguine
 Textes sur les Lumières sur hypo.ge-dip.etat-
ge.ch
 Analyse de l’ouvrage de Jonathan Israel sur
les Lumières radicales - par larissa- gokadi
sur wodka.over-blog.com

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Philosophie des Lumières

Déclaration des droits de 1689 · Déclaration des


droits de l'État de Virginie · Déclaration
d'indépendance des États-Unis · Déclaration des
Droits (États-Unis) · Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 · Encyclopédie ou
Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et
des métiers · Franc-maçonnerie · Rationalisme ·
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Révolution américaine · Révolution française ·
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Lumières · Tolérance

Jean le Rond D'Alembert · Pierre Bayle · Cesare


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