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J
’ai un souvenir vivant de l’événement qui a fait basculer ma vie. Un
après-midi d’avril 2008, en vacances au Japon, j’attendais désœuvré, à
la gare de Tokyo, un train rapide pour Kyoto. Assis sur un banc, je
décidais, pour faire passer le temps, de consulter mes e-mails sur mon
téléphone portable. Je n’imaginais pas à cet instant que deux des messages
reçus allaient avoir sur moi un effet dévastateur.
J’aime bien dire que c’est l’accident qui m’a fait tomber de cheval.
Aujourd’hui, avec le recul, je peux lui être reconnaissant, car c’est grâce à
lui que débuta pour moi un voyage passionnant, au cœur de mon intériorité.
Suite à cet événement, j’ai voulu comprendre ce qui s’était passé en moi. Je
sentais bien aussi que mes fondations intérieures avaient été profondément
ébranlées et que mon rapport au monde était bouleversé. À l’époque, je me
connaissais très mal. Mon intelligence émotionnelle et relationnelle était
quasi nulle. En rentrant à Londres, j’allai donc consulter un
psychothérapeute pour tenter de comprendre ce que j’avais vécu, avec aussi
l’espoir de retrouver ma stabilité intérieure. J’imaginais alors que lui serait
capable de me sauver de ma souffrance émotionnelle, qui restait intense et
contre laquelle mon intelligence rationnelle était complètement démunie.
Grâce à mes rencontres avec cet homme, j’ai retrouvé peu à peu mon
équilibre et j’ai pu lentement entrevoir ce qui avait été activé en moi dans
cette gare. Mais, plus important encore, de nos séances jaillit une passion.
La passion d’explorer ma vie psychique interne, d’examiner mon monde
intérieur. Je me souviens de l’excitation que je ressentais à l’époque,
comme un enfant qui découvre un nouveau terrain de jeu. Cette passion de
l’introspection ne m’a depuis jamais quitté. Elle m’a conduit à explorer les
différentes écoles de psychothérapie mais aussi ce que la philosophie, la
neurobiologie et les traditions spirituelles d’Orient et d’Occident
proposaient comme réponse face à la souffrance humaine.
Quelques années plus tard, je décidai de faire de cette passion mon métier,
avec l’envie d’accompagner d’autres personnes dans ce voyage
d’introspection. Ce que j’ai la joie de vivre depuis bientôt dix ans, en
séances individuelles ou en groupe. Et c’est cette même passion qui
aujourd’hui me pousse à écrire ce livre. Un livre que j’aurais aimé lire à
vingt ans pour me sentir moins démuni le jour où la vie me fit chanceler.
Ce livre n’a qu’un seul but : proposer des outils simples et pratiques pour
aller, à son rythme, à la découverte de son monde intérieur et
particulièrement de ses zones de souffrances. Car c’est uniquement en allant
voir là où « ça brûle » en nous, là où « ça chauffe » que nous pouvons nous
transformer et que peut émerger avec le temps du réconfort et,
progressivement, un apaisement intérieur.
Je vous souhaite que cette plongée en vous-même soit, comme elle l’a été et
comme elle l’est toujours pour moi, formidablement riche en rencontres
inattendues et abondante en trésors cachés.
Introduction
« La sortie se trouve à l’intérieur. »
(The way out is in.)
Thich Nhat Hanh
S
ans exception, les personnes que je rencontre pour la première fois
dans mon cabinet sont en souffrance. Que ce soit à cause d’un deuil,
de problèmes de couple, d’un licenciement, d’une dépression,
d’addictions, de pensées envahissantes ou de crises de panique… ces
personnes vivent une situation douloureuse et elles sont à la recherche
d’une aide pour apaiser leur souffrance. Ma première tâche alors est de leur
expliquer comment nous allons pouvoir travailler ensemble.
Souvent, ces personnes sont venues me voir un peu par hasard : parce
qu’une connaissance m’a recommandé, parce que l’emplacement du cabinet
les arrange ou bien encore parce qu’elles ont trouvé ma tête sympathique
sur mon site Internet. Mais elles ne connaissent pas réellement les
différences fondamentales qui existent entre les écoles de psychothérapie.
En aparté, je veux insister sur le fait que je ne souhaite pas participer ici aux
guerres de chapelles entre ces différentes écoles. J’ai eu la chance d’être
formé en Angleterre dans une école dite « intégrative », c’est-à-dire ayant
une approche sans dogme, ouverte, réunissant les différentes variantes du
monde de la psychothérapie. Ce modèle m’a permis de voir les forces et les
limites de chaque approche et il est, à mon avis, dangereux et absurde de
croire que l’on détient la vérité. Et j’observe d’ailleurs que la vie se charge
constamment de bousculer chacune de mes certitudes lorsqu’elles
deviennent trop rigides.
Pour autant, il est vital pour un thérapeute – et j’en suis convaincu aussi
pour une personne qui consulte ou bien engagée dans une démarche de
développement personnel – de connaître les différences majeures qui
existent dans le monde de la psychothérapie. Pour moi, les deux questions
majeures sont les suivantes : Quelle est ma représentation des symptômes
qui se manifestent ? Que signifient-ils pour moi ?
Alors quels sont ces feux profonds à l’origine des symptômes de notre
souffrance psychique ? Mon expérience et ma pratique de thérapeute m’ont
permis de répertorier six grands ensembles de feux internes. Ils sont
présentés ci-dessous succinctement ; un chapitre de cet ouvrage sera
consacré à chacun de ces feux.
Fabien est un chef d’entreprise à qui tout semble réussir. Bel homme
de 45 ans, marié, trois enfants, il explique qu’il a tout pour être
heureux, comme son entourage le lui rappelle souvent. Mais, depuis
peu, il se sent déprimé, sans énergie et fait régulièrement des crises de
panique au milieu de la nuit. Le poids de ses responsabilités lui donne
souvent envie de tout quitter. Il est effrayé de se voir parfois espérer
mourir dans un accident d’avion, pour échapper à la pression du
quotidien. Face à Fabien, je perçois une sensation de vide, comme si je
flottais dans les airs. J’ai l’impression d’être déconnecté de mon corps
qui me paraît anesthésié. Cela crée chez moi une forme d’apathie et de
mélancolie. L’image d’un enfant qui regarde, par la fenêtre, ses amis
jouer dehors dans la cour surgit dans mon esprit. Cette image et ces
sensations me font supposer que Fabien est déconnecté de son corps et
ainsi de ce qui le rend vraiment vivant. Il a perdu la capacité
d’émerveillement et la spontanéité joyeuse de son enfant intérieur.
La relation à la mort
L’avant-dernier feu est celui de la relation à la mort. Ce feu est très
puissant parce que le sujet est tabou dans notre société. Il est rare qu’à un
dîner on demande : « Et toi, quelle relation as-tu avec la mort ? » Ce feu
nous oblige à faire face à ce qui nous fait probablement le plus peur :
l’angoisse de notre disparition. Aussi, nous aborderons avec précaution
cette question de la finitude, de l’impermanence de toute chose et en
particulier la mort de nos proches et celle de notre corps, à venir.
Voici un court résumé de ces feux psychologiques illustrés par quelques cas.
Pour nous aider dans notre voyage intérieur, nous pouvons les placer sur
une carte (voir ici). Cette carte a deux axes, le premier est dirigé d’un côté
vers la dimension de l’Être (ce que je suis) et de l’autre vers la dimension
de l’Agir (ce que je fais). Le second axe correspond d’un côté à notre vie
intérieure et de l’autre à nos relations avec le monde extérieur.
Quelques remarques importantes sont à faire à propos de cette carte. Tout
d’abord vous pouvez noter que les lignes sont tracées en pointillés. Cela
signifie que les feux ne sont pas indépendants et séparés : ils interagissent
entre eux. Par exemple, si je ne m’aime pas, j’aurai du mal à m’affirmer ou
à être épanoui dans ma relation avec les autres. Ou bien, moins je me sens
en accord avec ma vie, plus j’ai peur de de la mort. En outre, certains
événements activeront plusieurs feux en même temps, parfois même les six.
Le fait de perdre son travail, par exemple, peut attiser à la fois le manque de
confiance, le manque d’estime, la peur de l’isolement, la perte de sens et
générer une souffrance extrême.
Dans ce livre, nous ne chercherons pas non plus une explication au vécu
interne, nous n’essaierons pas de répondre à « pourquoi » ce feu est là. Car
finalement il existe toujours une infinité de réponses.
Pourquoi y a-t-il un feu de forêt ?
À cause des orages parce que nous sommes en août.
À cause des pins parce que le sol est acide.
À cause de la sécheresse et du réchauffement climatique.
À cause de l’absence de chèvres, qui ne débroussaillent plus parce qu’il n’y
a plus de paysans dans la région, à cause de l’exode rural…
Les 6 territoires
de la souffrance psychique
En résumé
C’est en plongeant au cœur de nos souffrances que nous découvrirons
l’ensemble de nos conflits intérieurs. De cette exploration patiente et
bienveillante jailliront peu à peu une réconciliation avec soi et un
apaisement.
Les symptômes
de notre souffrance
R
amana Maharashi, l’un des grands sages de l’Inde moderne (1879-
1950), était connu pour inviter toute personne en quête
d’introspection à focaliser son attention sur une question unique.
Cette question si simple en apparence et pourtant si complexe était : « Qui
suis-je ? ».
Le monde du mental
« Je pense donc je suis » écrivait Descartes 1. Mais au lieu d’entrer dans une
discussion philosophique et de mettre nos cerveaux en ébullition autour de
cette affirmation, arrêtons-nous et demandons-nous plutôt
pragmatiquement : « De quoi est constitué ce monde des pensées ? »
Les pensées de nature auditive sont celles qui créent dans notre tête une
narration, un dialogue intérieur, à la façon d’une radio interne dont la voix
parle sans interruption. Une voix ou plusieurs voix parfois qui débattent les
unes avec les autres et qui génèrent une sorte de ping-pong, de flipper
mental, une idée allant rebondir sur une autre, puis une autre, et ainsi de
suite, sans que d’ordinaire nous en soyons pleinement conscients. Ces voix
sont souvent représentées dans les films ou les dessins animés par un petit
ange et un petit démon posés sur chaque épaule du personnage, s’adressant
à lui avec plus ou moins de gentillesse.
Lisez lentement les questions posées dans l’exercice suivant en faisant une
pause entre chaque question.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Prenez un temps pour écouter vos pensées auditives, la voix qui parle dans votre tête.
• L’intonation est-elle familière ?
• Est-ce une voix douce, chaleureuse, bienveillante ou bien une voix dure et
autoritaire ?
• Est-ce une voix fébrile, inquiète ou bien une voix mature et assurée ?
• Est-elle plutôt calme ou bien insatisfaite ?
• Dans quelles situations cette voix est-elle plus aimante ou plus exigeante ? Prenez
quelques notes sur ce que vous avez observé :
Qu’avez-vous remarqué ? En séance, des personnes me disent souvent
qu’elles sont tellement habituées à se parler avec sévérité qu’elles ne
l’entendent plus, que cette forme de maltraitance interne est devenue
ordinaire. Pour éclairer davantage la relation que nous avons nouée avec
nous-même, nous pouvons aussi nous demander quel genre de petit nom
nous nous attribuons intérieurement : est-ce « mon chéri », « ma douce »,
« mon pote » ou bien « gros nul » et « bon à rien » ? Si mon estime de moi
est basse (le feu), ma voix intérieure sera intolérante envers moi-même (le
symptôme). Pour avoir suffisamment confiance en moi, j’ai besoin d’un
coach interne qui soit solide et bienveillant. Nous reviendrons donc en
détail sur nos voix intérieures dans les chapitres consacrés à l’estime de soi
(le feu 1) et à la confiance en soi (le feu 3), car la façon dont je me parle
intérieurement a un impact énorme sur mon habilité à m’aimer et à me
sentir capable et puissant(e).
Les pensées visuelles forment comme un film projeté sur un écran virtuel
au fond de notre esprit. Prenez un moment pour examiner ce film. Placez-
vous en arrière-plan de vous-même et lisez lentement les instructions de
l’exercice suivant.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Cet exercice a pour but de vous décoller de votre film interne. Grâce à cette
prise de recul, vous pouvez discerner la variété de films qui passent dans
votre cinéma intérieur et constater qu’il fonctionne comme une machine à
voyager dans le temps et dans l’espace. Un peu comme la voiture du film
Retour vers le Futur. Parfois nous voyageons dans nos souvenirs, parfois
dans le futur proche ou lointain, d’autres fois encore dans un monde rêvé.
Un autre effet que ce cinéma de téléportation a sur nous est qu’en nous
projetant dans le passé ou le futur, nous nous déconnectons du moment
présent, de ce qui qui est vivant ici et maintenant autour de nous. Lorsque
notre attention est concentrée sur un ailleurs imaginaire, avant ou après,
nous ne sommes pas ou peu disponibles aux émotions, aux sensations
corporelles et à notre environnement, que ce soit un beau paysage ou bien
les attentes de nos enfants.
Sans trop nous attacher aux mots ni aux concepts, parmi ces énergies en
mouvement, nous pouvons identifier cinq grandes familles d’émotions. Ce
sont la peur, la colère, la joie, la tristesse et le dégoût, avec dans chaque
famille, différents niveaux d’intensité.
EXERCICE EXPLORATOIRE
• Prenez chaque famille d’émotions une à une et regardez dans quelle mesure elles
vous sont familières.
Une croyance forte que j’entends souvent en séance est qu’il y aurait des
émotions « positives » et des émotions « négatives ». Je crois qu’il serait
plus juste de dire que certaines émotions semblent plaisantes et d’autres
moins. Nous pourrions alors ranger les émotions agréables d’un côté, les
émotions désagréables de l’autre et les émotions neutres au milieu.
En les étudiant de plus près, nous pouvons voir que les émotions ne sont ni
agréables ni désagréables intrinsèquement. C’est notre relation avec elles
qui leur donne leur couleur affective. C’est lorsque nous refusons notre
émotion qu’elle devient douloureuse. Au cinéma, ma peur ne me pose pas
de problèmes, ma tristesse non plus : au contraire, ces sensations me
donnent du plaisir car je les connais, je les attends, je sais d’où elles
viennent et je sais qu’elles auront une durée limitée.
Pour conclure cette introduction sur les émotions, notez que la description
du monde des émotions que je donne ici, à partir de cinq émotions
primaires, est une représentation simplifiée. Il y aurait en réalité beaucoup
plus de nuances et de complexité à apporter. Tout d’abord parce que les
émotions interagissent entre elles et se mélangent. Par exemple, si je me
mets en colère contre mon enfant qui a traversé un passage piéton en
courant sans regarder, c’est d’abord parce que j’ai eu peur. Dans cette
situation, peur et colère sont superposées. De plus, une émotion peut être
induite par une autre émotion, c’est ce qui se passe lorsque je suis triste
d’être triste ou bien frustré d’être énervé, c’est l’effet boule de neige
émotionnel.
Il n’y a pas seulement cinq types d’émotions. Il existe des émotions dites
secondaires, comme la jalousie, la culpabilité, la pitié, la confusion, la honte
ou la haine, qui sont une combinaison du monde de l’affect et du mental.
On trouve également des affects qui s’expriment sur le long terme comme
le sentiment amoureux ou les humeurs. Des émotions peuvent aussi
apparaître par résonance avec autrui, c’est le cas de la compassion et de
l’empathie. Enfin, des affects naissent d’automatismes, de
conditionnements et de traumas enfouis dans notre subconscient, comme les
phobies (peur des serpents, peur du vide…).
Le monde de la corporalité
En séance, j’aime repérer dans le discours de mes patients les expressions
de la langue française qui montrent comment le corps est le support
indéfectible de notre affect : « J’en ai plein le dos », « Je suis mal dans ma
peau », « Je me fais du mauvais sang » ; « J’ai un nœud au cerveau / une
épine dans le pied / des fourmis dans les jambes… » ; « Je serre les
fesses » ; « Il me sort par les yeux / me tape sur les nerfs » ; « J’ai le cœur
lourd / la gorge serrée / une boule au ventre… ».
L’autre atout du corps est qu’il est toujours disponible. Où que je sois, quel
que soit le moment, je peux poser mon regard sur mes sensations
corporelles et observer comment je me sens. Ainsi j’apprends sur moi-
même et sur la façon dont je suis impacté par les situations que je vis.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Pour écouter votre respiration, imaginez que vos poumons sont comme un enfant qui
dort à vos côtés. Vous êtes l’adulte qui veille sur cet enfant et vous allez être attentif à
sa façon de respirer.
Faites une pause entre chaque question pour prendre le temps de ressentir.
Faites cet exercice sans aucune intention de changer quoi que ce soit. Si vous
ressentez une contraction, pensez au bébé qui dort, vous êtes à ses côtés et vous
observez, c’est tout. En revanche, vous constaterez peut-être qu’en posant votre
regard sur votre respiration des choses bougent. La respiration peut s’allonger, la cage
thoracique se détendre, mais cela se produit sans que vous interveniez.
Il est très important d’intégrer que l’écoute doit se faire sans intention. Si
j’écoute mon corps avec l’intention de le détendre, je crée une tension
interne. Toute intention est tension. La détente se fait d’elle-même
justement lorsque je n’interviens plus. L’état naturel du corps est la détente.
On entend souvent parler de lâcher-prise, mais le lâcher-prise n’est pas une
action à réaliser. C’est en réalité un relâchement, un effondrement qui se fait
lorsque nous n’intervenons plus. C’est ce qui, je pense, est le plus difficile à
appréhender dans l’observation de soi : constater comment, en permanence,
on se crée des tensions en cherchant à changer ce qu’on est en train de
vivre. Il est même assez ironique de découvrir que c’est justement lorsque
nous ne cherchons plus à contrôler ce que nous vivons que le changement
que nous désirons se produit. C’est aussi pour cela que je préfère parler
d’écoute plutôt que de méditation, car le mot méditation induit l’idée
d’action et qu’il y aurait quelque chose à faire, à réaliser, à obtenir.
Pour aller un peu plus loin dans cette écoute, nous pouvons l’étendre à
l’ensemble du corps.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Le body scan
Vous allez utiliser votre attention comme un scanner passant en revue votre corps,
de la plante des pieds jusqu’au sommet de votre tête 2.
• Choisissez la position qui vous convient le mieux : debout, assis, allongé. Je trouve
que la position debout permet de ressentir davantage les effets de la pesanteur sur le
corps.
• Imaginez qu’un scanner projette une lumière blanche qui se déplace lentement en
remontant le long de votre corps. Respirez naturellement, explorez la sensation
physique à l’intérieur et à l’extérieur de votre corps, ainsi que des différentes couches
solides (os, muscles, tendons et peau) et liquides (sang et lymphe).
• Remarquez s’il y a des tensions, s’il y a du mouvement, si la température est chaude
ou froide. Posez votre attention au moins cinq secondes sur chaque élément : plante
des pieds, orteils, talons, pieds (os, muscles et peau), chevilles, mollets, tibias,
genoux, cuisses, hanches, fesses, organes génitaux, anus, côlon, abdominaux,
intestin, nombril, foie, estomac, reins, plexus, cœur, poumons, cage thoracique,
omoplates, colonne vertébrale, dos, poitrine, tétons, gorge, épaules, aisselles, biceps,
triceps, coudes, avant-bras, poignets, mains, doigts, ongles… Puis revenez sur : le
cou, la nuque, les cervicales, la glotte, la mâchoire, la langue, le palais, les narines,
les globes oculaires, les tempes, le front, le visage dans son ensemble, les oreilles,
l’arrière du crâne, le cerveau, et enfin le sommet de la tête.
EXERCICE EXPLORATOIRE
• Imaginez que cette partie du corps est comme une éponge toute sèche, en forme de
sphère.
• Ensuite, imaginez de l’eau en train de couler sur cette éponge desséchée. Petit à
petit, elle s’humidifie et commence à se déployer. Elle grossit lentement, jusqu’à sortir
de votre corps et devenir immensément grande.
• Voyez si cette simple visualisation crée du mouvement ou des sensations
particulières dans cette zone. Si vous ressentez des picotements, de petites
vibrations ou un relâchement, certainement cette zone a tendance à être sous
tension.
• Vous pouvez alors vous poser la question : « Ai-je tendance à ravaler mes larmes, à
serrer les dents ou à ne souvent pas dire aux autres ce que je pense réellement ? »
Cette visualisation de la zone asséchée que l’on hydrate comme une éponge
sphérique peut être appliquée à d’autres parties du corps qui stockent nos
émotions :
– chez les personnes qui ont beaucoup de responsabilités, qui « portent »
beaucoup, la zone du dos, des épaules et des trapèzes sera spécialement
vulnérable ;
– chez les personnes très rationnelles, très « mentales », ce sera la zone
cœur/plexus/nombril, là où se dépose l’énergie des nœuds émotionnels liés
à la colère, la peur et la tristesse ;
– enfin la vasque formée par notre bassin, qui est le réceptacle du côlon, de
l’anus et des organes sexuels, est une zone souvent sensible chez les
personnes ayant vécu des traumatismes durant l’enfance car cette zone se
tend, se serre lorsqu’on est stressé ou angoissé.
Une autre personne qui voit que son plexus solaire se contracte dès le matin
au réveil et qui observe que cette sensation provoque une fermeture en elle,
un sentiment d’être sur la défensive, pourra se demander de quoi,
finalement, elle a besoin de se protéger ? Est-ce qu’elle vit le monde
extérieur comme un agresseur potentiel ? Si c’est le cas, est-ce qu’elle se
sent capable de se défendre, de faire face ? A-t-elle peur de la
confrontation ? Ou bien encore, est-ce qu’elle porte en elle des agressions
du passé qui n’ont pas été digérées ? Nos sensations corporelles nous
orientent immanquablement vers les zones de souffrance en nous.
EXERCICE EXPLORATOIRE
• Puis lisez les phrases suivantes pour ressentir encore un peu plus ce champ de
conscience :
– les pensées visuelles et verbales, les mots et les images apparaissent puis
disparaissent en moi. Je vois ce mouvement en moi.
– les vagues émotionnelles et les variations d’humeur naissent puis se dissipent en
moi. Je vois ce mouvement en moi.
– les sensations, les désirs, les élans vitaux, l’inspiration, l’expiration émergent puis
s’évanouissent en moi. Je vois ce mouvement en moi.
– j’observe ce foisonnement continu de pensées, d’émotions et de sensations
apparaître puis s’évanouir.
– la seule chose stable et paisible en moi est la lumière de mon champ de conscience,
le silence qui soutient les sons, la lumière qui forme les images, une attention
consciente. Je m’y allonge paisiblement, silencieusement, les yeux grands ouverts sur
mon monde intérieur.
Soyons clair, néanmoins, sur le fait que nous ne cherchons pas à atteindre
un état particulier. Notamment, un état où nous serions constamment en
paix, calme, sans tensions. Car, comme nous l’avons vu, en cherchant à
nous détendre, nous nous tendons davantage. Cette approche nous invite
donc à une détente avec ce qui est présent en nous, dans l’instant, quel qu’il
soit. Comme l’affirmait déjà le philosophe Sénèque il y a deux mille ans :
« La vie ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre
comment danser sous la pluie ». Et le ciel est paisible par nature, il n’est pas
affecté par les nuages, que ce soit de petits cumulus ou bien une violente
tempête.
J
e repense régulièrement à Annie, une patiente qui m’a
particulièrement marqué. Âgée d’une trentaine d’années, au physique
agréable, heureuse dans sa vie de couple, elle m’a laissé en mémoire
l’expression saisissante de dégoût que je lisais sur son visage chaque fois
que cette jeune femme me parlait d’elle-même. Si j’osais, en plus, lui faire
un compliment sur sa tenue ou sa nouvelle coiffure, elle me répliquait avec
une sincérité touchante : « C’est gentil, mais je n’y crois pas, je sais que je
suis dégueulasse ».
Il est étrange de constater à quel point l’estime de soi est répartie de façon
inégale et injuste parmi nous, quelles que soient nos caractéristiques
individuelles. Les recherches sur l’amour-propre montrent d’ailleurs
comment les différences s’installent dès le collège, avec par exemple, une
moyenne déjà plus basse pour les filles que pour les garçons à 13 ans. Vous
avez certainement aussi remarqué dans votre entourage comment certaines
personnes semblent naturellement bien dans leurs baskets alors que d’autres
sont mal à l’aise et n’arrêtent pas de s’excuser ou de se justifier.
Lisez lentement les phrases suivantes à voix haute et notez ce qui se passe en vous.
Sur le plan mental : quelles pensées, commentaires, réactions jaillissent ?
Dans le domaine de l’affect, la charge émotionnelle pour chaque phrase est-elle
neutre, agréable, désagréable ?
Sur le plan physique : le corps se crispe-il ou bien reste-il détendu ? Ressentez en
particulier les zones du visage, des mains et du ventre.
• Je suis intelligent(e).
• Je suis séduisant(e).
• Je mérite de recevoir ce que la vie m’offre en abondance.
• Je suis beau ou belle.
• Je suis quelqu’un de bien.
• Je suis digne d’être aimé(e).
• Je suis mon(ma) meilleur(e) ami(e).
• Je suis merveilleux ou merveilleuse.
• Je suis important(e).
• J’ai ma place dans l’univers.
Notez les mots qui ont eu un impact sur vous et la nature de cet impact :
Qu’avez-vous remarqué ? Quels mots vous ont fait réagir ? Est-ce un grand
« oui » pour chaque phrase ? Ou bien, votre mental a-t-il émis des
objections, du type « Oui, mais personne n’est merveilleux » ou « C’est
prétentieux et égocentrique de se croire important ». Si c’est le cas, votre
amour pour vous-même n’est probablement pas libre de tout
conditionnement.
Le moi oppresseur
L’autre nom que l’on peut donner au moi oppresseur est « le critique
interne » ou « le juge ». C’est cette voix intérieure, jamais satisfaite, qui
nous répète sans cesse que tant que certaines conditions ne sont pas
remplies, nous ne sommes pas autorisés à nous aimer pleinement. Il est le
porteur de tous nos conditionnements. Comme un juge ou un gendarme, il
cherche à nous imposer sa loi.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Pour entendre la voix du moi oppresseur, un exercice simple est de se mettre nu(e)
devant une glace et d’écouter ce qui se passe dans votre tête. Si vous entendez des
commentaires désobligeants du type « Ton nez est trop gros », « Tu n’es pas assez
maigre » ou « Tu as trop de rides », il s’agit du moi oppresseur.
Soyez attentif ou attentive au ton de sa voix, plein de reproches et d’amour
conditionnel. Lors d’un dîner avec des amis, si votre voix intérieure vous dit : « C’est
idiot ce que tu as dit, tes amis vont penser que tu es ridicule », c’est encore lui qui vous
parle.
Prenez un temps pour identifier les moments de votre vie où le moi oppresseur se fait
le plus souvent entendre :
Sans cesse, donc il s’auto-évalue et se place sur une échelle de valeurs. Les
échelles principales qu’il utilise sont les compétences intellectuelles,
artistiques, manuelles ou sportives, l’aspect physique, la popularité, le statut
social et les possessions matérielles et/ou culturelles. Tout ceci crée un
ensemble de messages qui nous disent : « Tu es trop ceci » ou « Tu n’es pas
assez cela » qui se transforment en une myriade de « Tu devrais » et « Il
faudrait ». En anglais, on parle de la tyrannie des should :
EXERCICE EXPLORATOIRE
Explorez le système de valeurs de votre moi oppresseur. Faites la liste de tous les « il
faut » et « tu dois » que vous pensez devoir réaliser avant de pouvoir vous aimer
inconditionnellement.
Ces injonctions peuvent aussi être formulées par des phrases commençant par « Si
seulement… ». Par exemple :
• Si seulement j’avais plus confiance en moi
• Si seulement je me mettais moins en colère
• Si seulement mon corps était différent
• Si seulement j’étais plus jeune…
Complétez la liste de tous ces espoirs, de ces attentes qui remettent à plus tard
l’amour de soi inconditionnel.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Voici quelques exemples de polarités. Voyez sur lesquelles votre moi oppresseur se
focalise et entourez-les.
Puis prenez un moment pour imaginer de quelle manière votre vie serait différente si
vous pouviez accueillir cette polarité qui est rejetée.
Agilité/Maladresse
Générosité/Avarice
Douceur/Rigidité
Intelligence/Bêtise
Courage/Lâcheté
Beauté/Laideur
Force/Fragilité
Richesse/Pauvreté
Introversion/Extraversion
Tolérance/Fermeture
Gentillesse/Cruauté
Féminité/Masculinité
Humilité/Arrogance
Fainéantise/Détermination
Honnêteté/Dissimulation
EXERCICE EXPLORATOIRE
Mais pourquoi donc la nature nous a-t-elle doté d’un tyran intérieur ? Le
moi oppresseur cherche en réalité à nous protéger. En réponse à la
souffrance émotionnelle du moi victime, il a développé une stratégie de
défense qui se résume ainsi : « Je vais me conformer parfaitement à ce que
le monde extérieur semble attendre de moi, cela me donnera la sécurité
permanente et l’amour dont j’ai besoin ». Enfant, ce mécanisme nous a été
utile pour nous ajuster aux demandes de nos parents et de notre
environnement, tous les « Sois sage », « Sois poli(e) », « Travaille bien à
l’école », « Sois courageux / courageuse », « Ne sois pas triste », « Sois un
bon garçon », « Sois une gentille grande sœur »… Mais, adulte, ce système
d’adaptation et ses conditionnements sont devenus notre prison.
Car finalement, le problème avec le moi oppresseur n’est pas qu’il existe
mais que nous croyons, que nous adhérons à ce qu’il nous raconte. Comme
de l’encre dans du papier buvard, ses paroles et sa représentation déformée
du monde s’imprègnent en nous. On dit en psychologie que nous sommes
« identifiés » à cette voix. Elle devient notre identité. Si le moi oppresseur
nous dit : « Tu n’es pas assez charismatique », si nous y croyons, nous nous
vivons comme une personne manquant de charisme et cette croyance
devient alors notre identité : « Je suis quelqu’un qui manque de charisme, et
j’en souffre parce que je pense que c’est un problème ». Mais si nous nous
décollons de cette croyance et que nous accueillons la polarité non-
charismatique de notre personnalité, le conflit interne s’apaise.
La désidentification / Le laisser-être
L’objectif du travail sur soi n’est pas de détruire le moi oppresseur mais de s’en
désidentifier. Ce qui veut dire créer de l’espace entre lui et moi, me décoller de lui
pour moins adhérer à ce qu’il me raconte et ainsi en être libre. Mais la
désidentification n’est pas quelque chose que je peux réaliser grâce à la volonté. Car
la volonté demande une intention et toute intention crée une nouvelle tension. La
désidentification se produit d’elle-même à la lumière de la conscience.
Le moi sauveur
Si le moi oppresseur est le juge, le critique interne, le moi sauveur est
comme le pompier qui cherche à éteindre l’incendie provoqué par le moi
oppresseur.
Nous avons tous une partie Pleaser en nous qui est bien utile pour
fonctionner en société. C’est lorsque qu’elle devient notre unique modalité
d’être que cela pose problème : lorsque nous sommes identifiés à cette
personnalité, que nous sommes bloqués dans ce schéma rigide et que donc
nous ne sommes pas libres de pouvoir agir différemment en vivant les
polarités opposées.
Jacques vient en thérapie « pour voir » comme il dit, mais il ne croit pas
vraiment que je puisse l’aider. Le mode « petit roi » est très présent. Je sens
chez lui une envie de me dominer. Il porte un masque d’arrogance qui me le
rend assez antipathique, même si j’imagine que cette confiance en soi
affichée peut séduire. J’ai besoin de visualiser son enfant intérieur
vulnérable pour garder un lien empathique avec lui (lorsque j’ai du mal à
me sentir en connexion avec un patient, j’ai besoin de me rappeler que plus
il y a de défense, plus il y a au-dessous de souffrance à protéger). Sa
carapace me dit : « Je n’ai pas besoin de toi, je suis au-dessus de toi, ne
m’approche pas ». Mais je sais que derrière son besoin de supériorité,
Jacques protège sa peur de se montrer faible et vulnérable et que son moi
victime craint certainement de créer un lien véritable d’intimité avec moi.
Le rationnel, l’intellectuel
Magalie est une ultra-rationnelle. Elle attend de nos rencontres que l’on
identifie la source de son mal-être pour définir ensuite une stratégie pour
l’éradiquer. Comme si nous cherchions une solution à une équation
mathématique. Ne pas savoir est insupportable pour elle. Elle aime que tout
soit sous contrôle dans sa vie et elle pense que chaque problème a sa
solution. Si je lui demande ce qui se passe dans son corps dans l’instant,
elle intellectualise aussitôt et me répond par une question : « Oui, mais
comment sait-on ce qu’on ressent ? » ou « À quoi ça sert de sentir mon
corps ? ». Elle est peu à l’écoute de ses émotions et de sa sensibilité, ce qui
l’empêche (et la protège aussi) de contacter réellement dans sa chair les
sensations physiques de son vécu émotionnel douloureux. C’est justement
ce voyage de descente dans le ressenti, dans la sensibilité que nous devons
faire ensemble pour que mental, émotions et corporalité se rééquilibrent.
L’addict, l’autodestructeur
Le maladroit, l’étourdi
Souvent une sub-personnalité prend le dessus sur les autres. On peut dire
que le moi sauveur a une stratégie de sauvetage favorite, mais il en existe de
nombreuses qui cohabitent en nous. Voici quelques exemples des
différentes formes que peuvent prendre les sub-personnalités du moi
sauveur :
Pour le Pleaser
La Sainte : elle vit dans le sacrifice.
Le Perfectionniste : il cherche à tout contrôler en détail.
Le Jovial : en toutes circonstances il conserve son sourire d’apparat.
Pour le Calimero
• La Militante : elle est toujours en lutte pour des causes à défendre.
• Le Râleur : il est en opposition permanente avec ce qu’il vit.
• L’Histrion, la Drama Queen : il en fait des tonnes pour attirer l’attention et
qu’on prenne soin de lui.
Pour le rationnel
• La Scientifique : elle est continuellement dans l’analyse et la recherche.
• Le Donneur de leçons : il croit savoir tout mieux que les autres.
Pour l’addict
• La Bourreau de Travail : elle s’oublie dans sa vie professionnelle.
• Le Saboteur : il s’organise inconsciemment pour vivre d’échec en échec.
Pour le clown
• La Rêveuse : elle passe sa vie perchée dans un monde imaginaire.
• Le Mystique : détaché du monde terrestre, il vit dans la spiritualité.
• Le Menteur : la dissimulation lui sert de bouclier de protection.
Pour le maladroit
• L’Ado Éternelle : comme Peter Pan elle ne veut pas grandir.
• Le Bouc Émissaire : il se laisse maltraiter par les autres.
• Le Solitaire : il s’isole pour ne pas se mettre en danger.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Exemples de sub-personnalités
SUB-
PENSÉES CROYANCES ÉMOTIONS STRATÉGIE COMPORTEMENTS
PERSONNALITÉ
Pour être aimé(e),
Le pleaser
accepté(e), Peur de la confrontation Comportements
Le bon garçon La Soumission
je dois faire ce que Culpabilité de séduction
gentille fille
l’on me demande.
Le « pauvre Sentimentalisme
Tristesse
de moi », Le monde est injuste, Apitoiement
Mélancolie Fuite
le Calimero il m’en veut. Passivité
Peur de ses limitations
Projection
SUB-
PENSÉES CROYANCES ÉMOTIONS COMPORTEMENTS
PERSONNALITÉ
Je n’ai pas besoin des
Domination
Le petit roi, autres. Peur d’être faible, Combat
Isolement
la petite reine Je suis au-dessus des d’enlever le masque Attaque
Narcissisme
autres.
Intellectualisation
Le rationnel, Je peux trouver une Peur de l’inconnu et de la Combat
Identification au
l’intellectuel solution. sensibilité Attaque
mental
Addiction
L’addict, l’auto- Procrastination
Tout peut attendre. Refus de la souffrance Fuite
destructeur Gratification
immédiate
Rien n’est important
Superficialité
Le clown, et sérieux. Peur de l’engagement et Fuite
Procrastination
le gai luron Au final il vaut de la responsabilité Camouflage
Cynisme
mieux en rire.
Le maladroit, Apathie Étourderies
Je ne suis pas Paralysie
l’étourdi, État dépressif Engourdissement
capable. Renoncement
l’incapable Colère réprimée psychomoteur
Le moi victime
Derrière le moi oppresseur et le moi sauveur se dissimule, on l’a vu, le moi
victime. C’est la partie de nous la plus fragile et la plus vulnérable. On peut
aussi l’appeler notre enfant intérieur. Et pour beaucoup d’entre nous
malheureusement, cet enfant souffre en silence. D’abord parce qu’il subit
les attaques continues du moi oppresseur qui lui rappelle sans cesse qu’il ne
remplit pas toutes les conditions nécessaires pour mériter de s’aimer. Mais
aussi parce qu’il porte en lui la mémoire de moments qui lui ont fait
internaliser du désamour. Il a vécu des situations où il s’est senti rejeté,
critiqué, humilié ou ignoré, situations qui ont créé une charge émotionnelle
qui est toujours vivante, toujours active en lui. Le mot souffrir vient du latin
sufferre, fero « porter » accompagné du préfixe sub- « sous », souffrir, c’est
donc porter en soi du lourd, du douloureux.
Afin de découvrir cette partie si sensible, nous devons avancer avec
précaution, car c’est l’aspect de nous que nous cherchons à protéger le plus,
parce que c’est l’endroit où nous avons le plus mal.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Cet exercice a pour but de dévoiler les hontes de notre enfant intérieur. Lisez ces
phrases et voyez comment elles résonnent en vous, cochez celles qui vous
correspondent. Puis complétez éventuellement cette liste avec des hontes qui vous
sont propres, en étant le plus spécifique possible, par exemple : « J’ai honte d’avoir
raté trois fois mon permis de conduire ».
Lorsque vous avez terminé, prononcez à voix haute la phrase suivante en reprenant
les éléments de votre liste : « J’ai honte de… j’accueille cette honte, je ne la cache
pas, je la dévoile sans peur, je n’ai pas honte de ma honte, ma honte a sa place à mes
côtés ». Sentez l’effet que cela a dans votre corps. Ressentez-vous une détente, un
soulagement corporel ? La honte, pour se dissoudre et être assimilée, doit être
traversée par la lumière du jour.
Pour que cet exercice soit encore plus efficace, je recommande de le faire à
deux ou à plusieurs. Les thérapeutes savent bien que partager sa honte en
public peut être extrêmement libérateur : car en exposant nos hontes en
groupe, nous constatons que nous portons tous une part de honte et que
finalement nous n’avons pas besoin de la cacher.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Retrouvez des photos de vous à 3 ans, 7 ans, 10 ans, 14 ans, 17 ans et 22 ans.
Prenez le temps de les observer, puis replongez-vous à cette époque et demandez-
vous : quelles émotions étaient majoritairement présentes dans ma vie en ce temps-
là ? De la joie et de l’insouciance ou plutôt de l’anxiété, de la mélancolie, de l’apathie,
de la solitude ou de la colère… ?
Comment me sentais-je dans mon corps à cette époque à la maison, à l’école ou dans
ma chambre le soir ?
Replongez-vous dans l’histoire de votre enfant intérieur et prenez quelques notes sur
ce que vous avez ressenti :
Cet exercice vous aide à recontacter votre vulnérabilité. Aller dans le passé
a pour seul intérêt de percevoir le vécu émotionnel enfoui qui est toujours
vivant en nous, ce qui est toujours actif aujourd’hui dans notre vie d’adulte.
Les blessures émotionnelles du moi enfant ne sont d’ailleurs pas seulement
liées à des événements traumatisants majeurs de notre histoire comme une
agression physique, une rupture amoureuse, ou la violence émotionnelle
d’un proche. Si nos parents portent en eux ce désamour intérieur, ils ne
sauront pas non plus nous transmettre l’amour inconditionnel dont nous
avons besoin, on parlera plutôt de carence affective dans ce cas. Parfois
aussi, la simple répétition de petites agressions peut être tout aussi
puissante. Les publicités et leurs messages récurrents du type : « Es-tu bien
certain d’être assez séduisant(e) ? D’être assez populaire ? D’être assez
performant(e) ? » sont pareillement destructrices. Notre société occidentale
exerce un puissant harcèlement psychologique sur notre enfant intérieur.
EXERCICE EXPLORATOIRE
• Asseyez-vous et visualisez votre enfant assis en face de vous ou sur vos genoux.
• Prenez le temps de noter son âge, les vêtements qu’il porte, sa posture, souvenez-
vous de ce qu’il entend de la part du moi oppresseur : « Tu es moins bien que les
autres… ».
• Quelle expression pouvez-vous lire sur son visage ?
• Comment se sent cet enfant vulnérable ?
• Qu’attend-il de vous ?
• Ensuite, observez ce qui se passe en vous. Comment vous sentez vous vis-à-vis de
lui ? Aimant(e), chaleureux/chaleureuse, distant(e), mal à l’aise, maladroit(e),
agressif/agressive… ?
Lorsqu’on fait cet exercice pour la première fois, visualiser l’enfant est souvent difficile.
Si c’est le cas prenez un peu de temps, ou bien consultez de vieilles photos de famille.
Il est courant également de ressentir de la haine et du rejet envers cet enfant faible et
fragile : la partie adulte en nous peut avoir du mal à tolérer ce qui est vulnérable et
sensible en nous. Si c’est le cas ne forcez rien, imaginez-vous exprimer ce que vous
ressentez à votre enfant intérieur. Continuez ce dialogue et observez ce qu’il vous fait
vivre. Ce qui est important dans cet exercice est d’être sincère, de ne pas tricher. Le
but est d’entrer en contact avec la souffrance de l’enfant intérieur mais aussi de voir les
résistances qui nous tiennent à distance de lui. Pouvoir entrer en contact avec le moi
victime et l’accueillir pleinement prend du temps. Il est souvent nécessaire de répéter
cet exercice et de rencontrer notre enfant intérieur aux différents âges où ont eu lieu
les blessures émotionnelles ou les carences affectives.
Pour les personnes pour qui les mots sont plus évocateurs que les images, il est
possible de dialoguer avec son enfant intérieur en lui écrivant une lettre et d’imaginer
la lettre qu’il nous ferait en retour.
Cet exemple est une illustration de ce qui peut se passer pour que notre
enfant intérieur s’apaise, se console et se rassure. De nouveau, nous ne
pouvons cependant rien forcer grâce à la volonté. Je peux me mettre devant
un miroir et me dire : « Je m’aime » un million de fois, cela n’apportera
aucune transformation si au fond de moi je n’y crois pas.
Imaginez que vous rencontrez dans la rue un enfant égaré, apeuré et en
larmes, spontanément vous allez ressentir de la compassion pour lui. Vous
allez lui prendre la main, lui parler et le rassurer. Bien, nous avons la
possibilité de faire la même chose pour nous-même. Mais pour cela, nous
devons retrouver et accueillir avec tendresse notre enfant intérieur qui ne se
croit pas inconditionnellement digne d’amour. Lorsque vous l’aurez
rencontré pleinement, la guérison se fera spontanément sans aucune
intervention de votre part. Il n’y a rien à faire. Si vous ressentez pleinement
le chagrin, la peur, la solitude ou la colère de votre enfant intérieur, sans le
juger, sans désir de le changer, l’amour et de la compassion jailliront de
vous-même spontanément. Mais cette rencontre doit être une rencontre
expérientielle, ressentie dans le corps, et pas seulement intellectuelle, sinon
cela ne produira aucune transformation.
Nous aimer sans conditions nous demande donc d’accepter tout de nous :
dire oui à toute notre humanité, avec nos forces mais aussi avec nos limites,
nos évitements, nos égoïsmes, nos blessures, nos carences… Cela requiert
de se placer dans la position du moi conscient, une position de neutralité
bienveillante, indifférenciée, qui met en lumière la diversité et la complexité
des interactions entre le moi oppresseur, le moi sauveur et le moi victime
qui sont ainsi accueillis sans combat, ni jugement ou attachement,
simplement… amoureusement.
En résumé
Le moi oppresseur à la recherche de solutions recycle toute nouvelle
information pour en faire un « tu dois… ».
S
i j’ai beaucoup de plaisir à recevoir mes patients en séance
individuelle, j’ai un goût tout particulier pour les séances de thérapie
à plusieurs. Que ce soit avec un couple, une famille ou un groupe,
j’observe que ce type de thérapie possède une puissance de transformation
inégalable.
Alors dans ce miroir qu’est l’autre en face de moi, qu’est-ce que je vais
découvrir ?
La première chose facile à observer est que bien souvent, je souffre car
l’autre n’est pas comme je voudrais qu’il soit. Que ce soit mon conjoint,
mes parents, mes enfants, mes amis, mes collègues, mes voisins ou mes
concitoyens, l’autre est rarement comme nous aimerions. Nous le trouvons
trop égoïste, trop indépendant, trop borné, trop sensible, trop collant, trop
bruyant, pas assez fidèle, pas assez à l’écoute de nos besoins… une infinité
de défauts que nous souhaiterions corriger, en pensant bien entendu avoir
bien raison de désirer ce changement. La tentation est forte alors d’attendre
que l’autre se conforme à ce que nous espérons de lui. Mais ceci ne
fonctionne pas évidement, d’autant moins que lui aussi attend de nous la
même chose. Voici une première cause de souffrance : je n’accepte pas que
l’autre ne se conforme pas à mon désir.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Quelles sont les personnes de votre entourage que vous souhaiteriez voir changer ?
Quels comportements ou quels traits de personnalité avez-vous du mal à supporter ?
Puis demandez-vous ce que cela dit de vous (voir l’exemple ci-dessous).
Prenons l’exemple de Christine, qui se plaint que son mari ne s’ouvre pas
assez à elle émotionnellement, ce qui chez elle crée de l’agacement et
nourrit silencieusement un fort ressentiment. Qu’est-ce que cette situation
nous apprend sur Christine ? Tout d’abord qu’elle a un besoin vital
d’intimité et de partage émotionnel. De plus, il semble que sa manière
d’exprimer ses besoins soit inefficace. Nous pouvons aussi nous interroger
sur la capacité de Christine à tolérer que son mari ait un style relationnel
différent du sien et des besoins distincts. Voici les pistes que nous allons
explorer pour identifier les zones de souffrance dans nos relations : Quels
sont mes besoins vis-à-vis des autres ? Quel est mon style relationnel
prédominant ? Comment est-ce que je m’ouvre ou pas à l’autre ? Qu’est-ce
que j’ai du mal à accepter chez les autres ?
Meilleur ou supérieur ?
Débutons notre plongée dans l’univers des relations en allant à la rencontre
de nos intolérances. Souvent, nous dissimulons l’aspect de nous-même qui
est le moins agréable à voir. Mais faisons-le sans nous flageller ou nous
culpabiliser, souvenez-vous que tout ce qui est vivant en nous a sa raison
d’être.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Voyez sur quels critères vous vous comparez aux autres le plus souvent.
Puis pensez aux personnes importantes de votre vie et demandez-vous : comment
estimez-vous votre valeur vis-à-vis d’elles ? Vous sentez-vous supérieur(e), inférieur(e)
ou égal(e) ?
Comme avec le moi oppresseur, pour que ce juge ait moins de pouvoir sur
nous, il nous faut saisir dans l’instant ce mécanisme intérieur et observer
l’effet nuisible qu’il a sur notre vie. Avec le temps, plus nous prendrons
conscience de l’insatisfaction dans laquelle il nous maintient et son inutilité,
moins nous adhérerons à ses injonctions. Alors seulement, la pression qu’il
nous impose continuellement s’estompera.
J’ai conscience que cela peut choquer. Mais attention, je ne dis pas ici qu’il
faut se forcer à avoir de la bienveillance envers son agresseur. En particulier
si, enfant, vous avez été victime de violence physique ou d’agression
sexuelle. D’aucune façon vous ne pouvez, ni vous ne devez vous forcer à
quoi que ce soit. Cette acceptation du passé ne viendra de toute façon pas
par un effort ou par le biais de notre volonté. Elle naîtra d’elle-même en
temps voulu (ou pas) et ne sera possible que si votre colère, votre haine,
votre besoin de justice et de reconnaissance sont entendus et validés. C’est
seulement lorsque que le vécu traumatique est apaisé qu’il est peut-être
possible d’accepter un autre imparfait. C’est aussi en tolérant nos propres
imperfections que nous accepterons celles des autres.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Dans la liste suivante 1, entourez les traits de personnalité que vous avez du mal à
supporter chez les autres. Demandez-vous alors : qu’est-ce que cela dit de moi ?
Lorsque nous voyons pleinement ce qui nous fait refuser une polarité, nous
pouvons accepter ce refus sans conflit. Il est issu de notre histoire
personnelle, il nous a servi à nous adapter aux demandes de notre
environnement. Lorsqu’ils sont vus et accueillis, les refus tombent d’eux-
mêmes, sans intervenir. Comme le dit le philosophe Jean Klein : « Dans une
lucide présence, les anciens moules manquent d’aliment et meurent. »
Car derrière nos peurs et nos refus se cache toujours un désir. Peur et désir
sont comme les deux faces de la même médaille. Pour chaque peur, il existe
un désir associé. La peur de la mort, par exemple, est aussi l’expression
d’un désir de vie. Seulement, le refus est parfois tellement fort que nous ne
voyons plus le désir associé.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Voici quelques exemples de peurs et de désirs associés. Quels sont ceux qui sont le
plus actifs dans votre vie ? Cochez les propositions qui vous correspondent.
2. Les sentiments
Ensuite, Salomé sera invitée à exprimer les sentiments que suscite chez elle cette
situation, en utilisant le « je ». Par exemple : « Cette semaine je me suis sentie seule
et ça me frustre ».
3. Les besoins
Après cela, Salomé reliera son émotion à un besoin précis, qu’elle nommera : « Je
suis frustrée car j’ai besoin que l’on passe plus de temps ensemble, pour avoir plus
de moments de complicité et d’intimité avec toi ».
Vous pouvez vous référer à la liste des besoins qui se trouve à la fin de ce chapitre
(voir ici).
4. La demande
Enfin, Salomé exprimera une demande concrète, précise et formulée de manière
positive à Éva : « Serais-tu d’accord pour qu’on réserve un soir par semaine rien que
pour nous deux ? »
La sensation, l’envie
EXERCICE EXPLORATOIRE
La mobilisation, l’action
Vous pouvez néanmoins déjà vous poser les questions suivantes : « Lorsque
quelqu’un m’attire, par exemple, dans un bar ou une soirée d’amis, quel est
mon comportement habituel ? » ; « Est-ce que je suis mon impulsion
première ou bien est-ce que je me retiens de faire le premier pas ? » ;
« Dans quelles situations ose-je aller à la rencontre de l’autre et dans quelles
autres est-ce plus difficile ? »
EXERCICE EXPLORATOIRE
Avec qui partagez-vous le plus souvent votre vulnérabilité, votre vie psychique intime ?
Dans quelles circonstances ? Lors d’un déjeuner avec un ami ? Avec votre conjoint(e)
au lit ? Avec votre médecin de famille ? Avec certains collègues au travail ?
Êtes-vous l’initiateur / l’initiatrice de ces moments de partage ?
Qu’est-ce que vous n’avez jamais dévoilé de vous-même à personne ? Qu’imaginez-
vous qu’il se passerait si un autre savait cela de vous ?
Avec qui pensez-vous pouvoir être totalement vous-même, sans filtre ? Qu’est-ce qui
fait que cela est possible ou pas ?
Le but n’est pas forcément de donner accès à tout, à tous et à tout moment.
Par exemple, je n’ai pas forcément envie de dévoiler ma vie sexuelle à ma
boulangère. L’objectif est de pouvoir m’ouvrir en conscience à la personne
de mon choix. C’est l’expérience que nous faisons en thérapie lorsqu’en
partageant notre mal-être ou nos espoirs avec une personne de confiance, un
soulagement se produit. Car, finalement, c’est de nous sentir seul avec notre
souffrance qui est le plus pénible. Le fait d’exposer à un autre notre
vulnérabilité la plus intime et qu’elle soit vue et acceptée nous offre un
apaisement considérable.
• Le vécu émotionnel
Carl Rogers nous invite à écouter avec le cœur plutôt qu’avec la tête. Cela
nous demande de mettre nos opinions, nos jugements et nos interprétations
de côté pour porter notre attention sur le vécu émotionnel d’une personne
plutôt que sur le contenu des événements qui nous sont racontés.
• Le respect
Il est indispensable de respecter l’autre dans sa différence, d’être ouvert à sa
manière de vivre et à ses valeurs, de ne pas projeter sur l’autre un modèle
qui nous appartient. C’est dire : « Je ne sais pas mieux que l’autre ce qui est
bon pour lui-même ou comment il devrait conduire sa vie ». Cette qualité
invite également à l’humilité.
• L’empathie
C’est tenter de comprendre le monde intérieur de l’autre, essayer de se
mettre à sa place. Comme dit le proverbe amérindien : « Ne juge aucun
homme avant d’avoir marché dans ses mocassins durant deux lunes ».
EXERCICE EXPLORATOIRE
Réagir en conscience
« Moi, je ne te trouve pas moche du tout. Tu verras, ça ira mieux après tes
vacances ».
C’est le mode sauveur. Je réponds avec une solution et ce faisant j’infirme
le vécu de l’autre, j’essaie de le convaincre qu’il ne devrait pas vivre ce
qu’il vit. Cela peut être réconfortant, mais, en général, lorsqu’on nie le vécu
de l’autre, il reste seul avec sa souffrance.
Cette peur du manque est un obstacle additionnel qui vient s’immiscer dans
nos relations. Mais si, enfants, nous étions entièrement dépendants de notre
environnement immédiat pour combler nos besoins, adultes nous disposons
de davantage de ressources : il nous est possible d’aller chercher et saisir ce
dont nous avons besoin.
Nous avons ensuite essayé de comprendre d’où lui venait l’idée qu’en
acceptant un don elle serait redevable. Elle m’expliqua que cela venait
certainement de sa mère, qui lui avait répété toute son enfance : « Je
me sacrifie pour toi, en retour j’attends la même chose de toi, que tu
sois une gentille fille et que tu prennes soin de moi ». Ainsi, pour
Françoise, accepter un don était vécu comme un emprisonnement, une
obligation mais pas comme une source de plaisir ou de soulagement.
C’est ce qui se passe lorsque le don n’est pas désintéressé, s’il n’est
pas offert sans attente en retour : la relation n’est plus un espace de
partage et de soutien, mais un lieu de négoce et de manipulation.
Ce sont en particulier les séances de thérapie en groupe, en parallèle
des séances individuelles, qui aidèrent Françoise à s’autoriser à donner
et à recevoir plus spontanément, sans autre projet que le plaisir du don.
Car en se montrant vulnérable, elle put faire l’expérience des bienfaits
que lui procuraient le soutien et la bienveillance, généreusement offerts
par les autres membres du groupe.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Pour tester votre capacité à donner et à recevoir, explorez les questions suivantes.
Vous est-il facile de donner ou de recevoir un cadeau ?
Vous est-il facile de donner ou de recevoir un compliment ?
Vous est-il facile de donner ou de recevoir de l’argent ?
Vous est-il facile de donner ou de recevoir des mots d’amour ?
Vous est-il facile de donner ou de recevoir du soutien ?
Vous est-il facile de donner ou de recevoir de l’attention ?
Vous est-il facile de donner ou de recevoir un câlin, une embrassade amicale ou un
geste de tendresse ?
Pour pouvoir recevoir du bon dans une relation, il nous faut aussi pouvoir
recevoir du désagréable. Les « Je t’aime » sont d’autant plus puissants que
nous pouvons aussi vivre des moments où nous nous disons « Je n’aime pas
ça chez toi ».
EXERCICE EXPLORATOIRE
Quelles sont les personnes dont les commentaires négatifs vous affectent le plus ?
Le retrait, la séparation
EXERCICE EXPLORATOIRE
Comment vivez-vous les séparations en général ?
Rapidement, brutalement, douloureusement, aisément, simplement, dans l’évitement ?
Avez-vous tendance à retenir l’autre désespérément, ou à l’inverse, poussez-vous
toujours l’autre vers la sortie ?
Mais si notre enfant intérieur n’a pas en lui cette base de sécurité, une fois
adulte, il lui sera difficile de se sentir serein en cas de séparation.
Sans cette fondation, nous projetons sur l’autre un idéal. Celui-ci devient
alors notre sauveur, notre base de sécurité manquante, notre parent de
remplacement, ce qui crée une situation extrêmement instable car jamais
l’autre ne pourra pleinement nous apporter ce que nous espérons de lui, en
particulier lorsqu’il exprimera son besoin d’indépendance et d’autonomie.
Yannick vient en thérapie parce qu’il n’en peut plus d’être jaloux de sa
compagne. Il a besoin de savoir en permanence où elle est et ce qu’elle
fait, sans quoi il est envahi par un sentiment de panique et il se met
instantanément à imaginer des scénarios angoissants : il a peur que sa
compagne le quitte ou qu’elle le trompe et il ne peut s’empêcher de
surveiller son téléphone portable et d’espionner ses activités sur les
réseaux sociaux.
Il me dit qu’il craint qu’elle trouve mieux que lui et que s’ils se
séparent, jamais il ne trouvera une compagne aussi bien qu’elle.
Il m’explique également que dans sa vie on l’a souvent quitté, son
premier amour notamment – qui mit fin à leur relation du jour au
lendemain sans explications – ou des amis aussi qui brusquement ont
cessé de donner des nouvelles. Il m’avoue qu’il doute beaucoup de sa
valeur et qu’il manque de confiance en lui.
En résumé
L’autre est le miroir de notre amour conditionnel, de nos jugements de
valeurs, de nos blessures passées, de nos désirs, de nos peurs et de nos
attachements.
La rencontre est un espace d’échanges où agit constamment la danse des
polarités en nous et chez l’autre : stabilité/nouveauté, autonomie/lien,
donner/recevoir.
Stimulation
Besoin de célébration, de nouveauté, d’excitation, de beauté, de créativité, de rire,
d’amusement.
Reconnaissance individuelle
Besoin de considération et de reconnaissance.
Besoin d’être suffisamment nourri(e) narcissiquement.
Autonomie
Besoin de liberté.
Besoin d’autodétermination : se sentir à l’origine de ses actions.
Sens et cohérence
Besoin de valeurs et d’éthique personnelle.
Besoin de respect et d’intégrité.
Notes
1. Liste inspirée de celle de Debbie Ford, The Dark Side of the Light Chasers, Hodder and Stoughton,
1998, p. 69-70 (version française en bibliographie).
2. Même si l’absence de libido n’est pas forcément pathologique : l’énergie sexuelle est mystérieuse
et peut prendre une multitude de formes.
Troisième Feu
Le manque de confiance en soi
« La peur est une excitation sans souffle. »
(Fear is excitement without breath.)
Fritz Perls
L
e feu psychologique associé au manque de confiance en soi est
celui qui naît de notre difficulté à nous défendre, à prendre soin de
nos besoins et à amorcer et achever ce que nous décidons
d’entreprendre. Entrons directement au cœur de ces sujets par un exercice
exploratoire.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Voici une liste d’affirmations qui évoquent des situations du quotidien et vous permettra
de voir dans quelles circonstances votre capacité d’action est restreinte. Cochez les
réponses qui vous correspondent.
« Quand je décide quelque chose, comme arrêter de fumer, débuter un régime ou faire
ma déclaration de revenus, je m’y tiens. »
□ Oui □ Non
« Au restaurant, si la cuisson de mon plat n’est pas la bonne, je demande une nouvelle
assiette sans hésiter. »
□ Oui □ Non
Qu’avez-vous remarqué ? Est-il plus facile pour vous d’agir dans le milieu
professionnel ou dans le milieu personnel, plutôt seul, avec un proche ou en
face d’un inconnu ? Demandez-vous aussi : « Finalement qu’est-ce qui fait
que je n’ose pas passer à l’action parfois, quelle est cette force intérieure
qui me retient ou me freine ? »
Ces peurs qui nous freinent sont celles que nous avons rencontrées dans les
chapitres précédents : peur de ne pas être aimé, d’être seul, d’être rejeté,
d’être violenté, d’être humilié, d’être oublié, d’être incompris. Il peut être
bénéfique de comprendre leurs origines, mais ce n’est pas suffisant pour
nous en libérer. Il nous faut d’abord faire l’expérience vivante que nous
avons la capacité de les traverser, qu’il nous est possible d’endurer ces
vagues de peur sans danger. Cela revient à oser prendre le risque de nous
confronter aux situations qui nous angoissent. Par exemple, dans le cas d’un
enfant effrayé le soir par des monstres imaginaires cachés dans le placard de
sa chambre, ce ne sont pas des paroles rassurantes qui vont être efficaces
durablement : c’est en ouvrant la porte du placard que l’on dissipera la peur
de l’enfant.
En les regardant droit dans les yeux, nous allons nous aussi nous apercevoir
que nos peurs psychologiques sont vides, comme le placard. Elles sont
vides car très souvent ce sont des peurs d’anticipation, des peurs qui
concernent le futur, alors que dans le moment présent, il n’y a aucun danger.
Faisons la distinction ici entre les peurs psychologiques, issues de notre
mental – comme celles de Louna – des peurs biologiques qui sont une
réaction automatique face à un danger immédiat (comme le départ d’un
incendie ou l’attaque d’un ours, par exemple) : des moments où l’on ne
réfléchit pas, où notre instinct prend le contrôle.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Reprenez les peurs que vous avez identifiées dans l’exercice précédent. Pensez à une
situation de votre vie dans laquelle elles sont actives, puis poussez l’expérience
jusqu’au bout en imaginant ce qui va se passer et en répétant : « Et alors, qu’est-ce qui
va se passer après ? »
Peur et courage
Une autre croyance limitante affirme qu’être courageux, c’est ne pas avoir
peur. Mais le courage est justement notre capacité à poursuivre notre action
malgré la peur : « J’ai peur du monstre dans le placard, mais je vais tout de
même à sa rencontre ». Dépasser sa peur ne veut pas dire la supprimer. À la
piscine, en haut d’un plongeoir de dix mètres, il est normal d’avoir peur. La
question qui se pose est alors : « Ai-je le courage de sauter ou non ? ».
En ce sens, l’expression « Je suis mort de peur » est totalement fausse.
Ressentir de la peur ne tue pas : au contraire, le sentiment de peur est
associé à une décharge d’adrénaline qui rend notre corps particulièrement
alerte et vivant.
Le problème est que la peur nous fige, elle bloque notre respiration. Si en
haut du plongeoir, je ne respire pas, mon corps se tend et se paralyse. Alors
mon mental prend le relais et commence à se poser un milliard de
questions : « Est-ce que j’y vais ou pas ? ».
Pour sortir de cet état figé, nous devons ré-oxygéner notre corps afin de le
remettre en mouvement. Comme Fritz Perls l’affirme : « La peur est de
l’excitation sans respiration ». En reprenant conscience de notre respiration,
c’est-à-dire en concentrant notre attention sur notre souffle, nous allons
sentir l’énergie vivante qui accompagne la peur : l’excitation, la stimulation,
l’épanouissement de faire quelque chose de nouveau, de se dépasser, de se
mettre au défi. En haut du plongeoir, je vais ainsi ressentir cette danse entre
peur et excitation, l’envie de vivre cette expérience grisante mêlée à
l’énergie qui me tire en arrière et me dit : N’y va pas.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Prenez un moment pour repenser à un moment de votre vie où vous avez senti ce
mélange de peur et d’excitation.
Prenons une situation du quotidien. Imaginez, par exemple, que votre enfant
est en train d’apprendre à faire du vélo. Il tombe, se fait mal et refuse
ensuite de renouveler l’expérience. Dans cette situation, en tant que parent
ou éducateur, quelle serait votre attitude ?
Quel type de parent êtes-vous pour vous-même alors ? Une autre façon
d’explorer votre style d’autorité sur vous-même est de rencontrer ce que
l’on peut nommer votre « coach intérieur », la voix interne qui vous pousse
à l’action. Interrogez-vous : comment me parle mon coach interne
habituellement ? A-t-il plutôt des phrases encourageantes (« Super, continue
tu vas y arriver ») ou bien se montre-t-il laxiste (« Ce n’est pas grave, on le
fera demain ») ou plutôt autoritaire et critique (« Tu n’es vraiment pas doué,
mon pauvre ») ?
Suivant les situations, les réactions de votre coach intérieur ne sont pas
forcément toujours les mêmes. Il est peut-être tyrannique dans le domaine
professionnel et laxiste dans le domaine familial, par exemple.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Vous pouvez aussi tenter l’expérience entre amis. Une personne se met au
centre et les autres autour chantent son prénom à la façon de supporters
bienveillants et encourageants. Cet exercice tout simple permet de faire
l’expérience de ce que peut être la voix d’un coach intérieur motivant et
amical.
Tolérance à la frustration
Pour mieux comprendre la motivation et la volonté, des scientifiques ont
mis au point une expérience à la fois amusante et un peu sadique. Ils se sont
intéressés à la capacité des enfants à supporter une frustration pour obtenir
une récompense supérieure. Voilà comment se déroule l’expérience :
– l’expérimentateur donne d’abord un bonbon à un enfant ;
– puis il lui dit « Si tu attends cinq minutes sans le manger, tu en auras un
deuxième » ;
– ensuite l’expérimentateur sort de la pièce, laisse l’enfant seul (qui est
filmé) et observe son comportement sur un écran.
Les vidéos de ces expérimentations sont très touchantes : les enfants placés
devant ce dilemme sont très attendrissants. Si vous êtes curieux, on les
trouve sur Internet sous le nom de « Marshmallow test ». Les chercheurs
constatent alors que plus l’enfant est âgé, plus il est capable de tolérer
facilement cette frustration pour obtenir un second bonbon. Mais la capacité
à supporter les frustrations est aussi très variable selon les individus.
Que peut-on retenir de cette expérience ? Tout d’abord que ce qu’on appelle
la « volonté » est finalement l’expression de notre capacité à tolérer ou non
des frustrations, un inconfort. Ainsi, plus notre tolérance à la frustration est
faible, plus nous privilégions une satisfaction immédiate, le plaisir dans
l’instant (pour les enfants : manger le bonbon sans attendre). Plus notre
tolérance à la frustration est forte, plus nous sommes capables de maintenir
notre effort dans le temps, et plus nous sommes satisfaits de ce que nous
accomplissons, ce qui nourrit notre confiance en nous sur le long terme. Les
deux modes de fonctionnement se résument ainsi :
Si nous ne sommes pas tous égaux en ce qui concerne notre capacité à
supporter un inconfort, nos caractéristiques personnelles ne sont pas pour
autant figées dans le marbre. Notre cerveau a une forte plasticité et le
pouvoir de se transformer. De plus, l’expression de nos gènes peut être
influencée par notre environnement et notre mode de vie, comme l’a montré
une science récente, l’épigénétique. Donc, si notre tolérance à la frustration
est faible aujourd’hui, cela ne veut pas dire que nous n’avons pas la
possibilité de la faire progresser. Comme pour l’endurance ou la tonicité
musculaire, c’est par la pratique qu’elle peut se fortifier. Voici plusieurs
exercices pour vous entraîner.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Voici une liste des qualités nécessaires à votre coach intérieur pour tolérer les
frustrations, oser vivre la peur, avoir de l’énergie et cultiver une autorité bienveillante.
Lisez-les lentement à haute voix et entourez celles qui vous attirent le plus, celles que
vous souhaitez développer en priorité. Pour vous en souvenir, écrivez-les sur un post-it
et placez-le sur votre réfrigérateur ou bien inscrivez-les sur le fond d’écran de votre
ordinateur.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Visualisation guidée
Voici une visualisation guidée pour rencontrer votre force intérieure 2.
Préparation : Faites le vide en vous, sentez votre respiration, posez-vous dans le
moment présent, sans attente.
Lisez lentement ce texte, ou enregistrez-le. Faites une pause entre chaque phrase
pour laisser des images et des sensations apparaître en vous.
• Repensez à un événement de votre passé où vous vous êtes senti(e)s fier (fière) de
vous. Cela peut être la réussite d’un examen, un accomplissement sportif, la gestion
d’une situation délicate, la fabrication d’un objet…
• Replongez-vous dans ce moment où vous vous êtes sentis satisfait(e), fier/fière,
content(e) de vous-même.
• Laissez-vous pleinement revivre cet instant. Prenez le temps d’observer en détail ce
souvenir. Que voyez-vous ? Que ressentez-vous ?
• Portez maintenant votre attention sur vos sensations corporelles. Comment vous
sentiez-vous dans votre corps en ce moment de succès ? Posez votre attention sur la
zone du visage, puis votre poitrine, vos bras, votre dos, vos jambes.
• Re-goûtez à l’énergie de la réussite qui vous habitait. Sentez cette chaleur
rayonnante. Visualisez la couleur de cette énergie.
• Cette énergie est votre force, votre capacité à agir, votre puissance. Laissez-vous
sentir cela au plus profond de vos cellules.
• Imaginez maintenant que cette énergie devient de plus en plus forte. Comme un feu
sur lequel on souffle et qui s’attise. Tout votre corps est envahi par cette force chaude
qui est la vôtre, elle irradie même à l’extérieur du corps, dans toute la pièce.
• Ensuite imaginez que cette énergie se met en mouvement et vient se concentrer
comme une boule de feu en rotation au centre de votre poitrine. Sentez sa puissance
et voyez que cette ressource est disponible en vous lorsque vous en avez besoin.
Dans toutes les situations difficiles, vous pouvez compter sur elle.
• Enfin, regardez au centre de cette boule de feu, vous allez y découvrir l’image d’un
animal qui est le symbole de votre puissance. Laissez le temps à cette image de se
former et de se clarifier distinctement. Cet animal est à votre disposition pour vous
protéger et vous fournir l’énergie de l’action quand vous en avez besoin.
• Maintenant, ouvrez les yeux et imaginez que cet animal est avec vous dans la pièce,
assis à vos côtés. Percevez ce que cela vous fait de sentir sa présence à vos pieds
ou dans les airs si c’est un animal volant.
La procrastination
En plus d’oser confronter nos peurs, d’exercer une autorité bienveillante sur
nous-même et de tolérer nos frustrations, notre confiance dépend également
de notre capacité à tenir les engagements que nous nous fixons. C’est-à-dire
à ne pas « procrastiner », à ne pas reporter au lendemain ce que nous nous
étions promis de faire le jour même.
Quand nous ne tenons pas un engagement que nous nous sommes fixé, nous
nous « laissons tomber », nous nous trahissons. Au fil du temps, ces petits
abandons rognent notre confiance en nous-même. Imaginez qu’un ami vous
annonce sa visite à vingt heures et qu’il ne vienne pas : votre confiance en
lui sera certainement entachée. C’est pourtant ce que nous nous faisons à
nous-même, en accumulant les manquements à notre propre parole, nos
petits mensonges intérieurs.
Mais, avant, il est important que les termes du contrat soient clairs et précis.
Voici les qualités indispensables d’un bon contrat avec soi-même :
Dans les 3 mois qui viennent je m’engage à ne pas boire d’alcool plus
de deux fois par semaine.
De ne jamais boire avant 18 heures.
Lorsque je bois, de ne pas dépasser deux verres de taille normale.
Je m’autorise une entorse au contrat une fois par mois.
Avant de signer, je demande à Marc s’il pense que cet engagement est
tenable. Il me dit que oui et signe son contrat.
Au bout de 3 mois, Marc sera satisfait de son nouveau rapport à l’alcool et
il décidera de reconduire son contrat pour 3 mois supplémentaires.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Prenez un moment pour vous interroger sur les croyances limitantes que vous portez.
Quelles étiquettes vous ont déjà été attribuées, par vous-même ou par votre
entourage ? Voici quelques suggestions. Entourez celles qui vous correspondent.
Paresseux, maladroit, impatient, désordonné, inconstant, hésitant, craintif, timide,
peureux, indécis, faible, impétueux, fragile, chétif, lâche, mou, désorganisé, sot,
inattentif, brouillon, malhabile, lent, inappliqué, indiscipliné, désinvolte, dilettante,
étourdi, empoté, naïf, distrait, gaffeur, empressé, irresponsable, tête en l’air, négligent,
fantaisiste, bête…
Nous avons la possibilité de les réimprimer, afin qu’elles relâchent leur
emprise sur nous. Il nous est possible, par exemple, de remplacer « Je suis
peureux » par « Parfois il m’arrive d’être bloqué par la peur », ou au lieu de
dire « Je suis timide » : « Parfois je trouve le regard des autres sur moi
particulièrement inconfortable », ou bien à la place de « Je ne sais pas
bricoler » : « À ce jour, je n’ai pas toutes les connaissances ou compétences
nécessaires pour réaliser ce que je souhaite ».
EXERCICE EXPLORATOIRE
Remplacez une étiquette que vous vous attribuez par un commentaire moins définitif.
Sentez dans votre corps comment une vérité imposée est lourde à porter alors qu’une
affirmation plus ouverte nous fait nous sentir plus léger.
Par exemple, « Je suis nul en maths » devient « Ce n’est pas toujours facile pour moi
de résoudre des calculs complexes ». Faites l’essai !
Nous avons le pouvoir de réécrire l’histoire que nous nous racontons sur
nous-même et cela a une grande importance car ce que nous pensons
influence grandement notre performance. Si un golfeur, par exemple, se dit
« Je ne suis pas capable de réussir ce coup », il a très peu de chances
d’atteindre le trou.
Certaines histoires que nous nous racontons, de plus, sont très confortables,
car elles justifient le fait que nous restions dans l’inaction. Elles nous
servent d’alibi pour camoufler notre peur de passer à l’action. Mais si nous
avons l’honnêteté de voir comment nos croyances limitantes s’impriment en
nous, elles perdent progressivement de leur effet.
Puissance créatrice
Dans la religion hindoue, le fonctionnement de l’univers est représenté par
trois divinités : Brahma le créateur du monde, Vishnou le protecteur de la
création et Shiva son destructeur. Vishnou et Shiva symbolisent la rivalité
permanente qui existe entre ces deux forces de vie que sont l’énergie du
maintien et de la conservation, face à celle du changement et de la
transformation.
Les hindous nous rappellent ainsi que pour que la danse de la vie soit
possible :
– conservation et transformation sont nécessaires ;
– toute création implique aussi une destruction.
Nous devons nous nourrir et donc détruire des organismes vivants ; même si
ce ne sont que des pommes ou des carottes. Pour nous tenir au chaud ou
construire un abri, nous devons aussi couper des arbres. L’énergie de
destruction est donc indispensable au monde.
Mais pour beaucoup d’entre nous, cet aspect destructeur est réprimé,
censuré. C’est, je crois, un mal profond de notre société, qui par son
organisation du travail frustre, restreint notre pouvoir créateur/destructeur.
Cette énergie créatrice, lorsqu’elle est contrainte, cherche alors d’autres
moyens pour s’exprimer, des canaux détournés, comme la destruction de soi
(addictions, suicide, comportements dangereux…) ou les violences sur
autrui (harcèlement, xénophobie, incivilités…).
Comme Shiva, qui est vénéré par les hindous, cette force créatrice,
lorsqu’elle réintègre sa juste place, nous offre un sentiment de puissance et
de soutien qui nourrit durablement notre confiance en nous.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Explorez votre relation avec votre pouvoir destructeur : mangez une carotte à pleines
dents, déchirez avec violence une feuille de papier, frappez un coussin, faites un cours
de boxe, allez couper du bois 3… Explorez vos sensations en goûtant à cette force
destructrice.
On voit bien dans cet exemple comment la colère est notre alliée pour
contacter notre puissance. C’est l’énergie de la frustration, celle qui nous
aide à dire non, à dire « Stop, ça ne me convient pas ». Pour sentir sa force
et se mettre en action, Louna a dû autoriser cette émotion en elle.
Mais pour ceux d’entre nous qui, enfants, avons été effrayés par les
éruptions de colère de nos parents ou d’autres proches, il est difficile de se
réconcilier avec cette émotion.
D’abord, il nous faut voir que colère et violence sont différentes. L’énergie
émotionnelle et le comportement associé sont deux choses distinctes,
comme nous l’avons vu dans le chapitre 2. Ensuite, il nous faut trouver une
façon d’exprimer notre colère qui soit ajustée. Pour ce faire, les techniques
de communication non violente sont une bonne aide.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Le droit d’échouer
Enfin, pour nous sentir capables et puissants, la dernière condition
obligatoire est de nous autoriser à échouer. Si nous nous lançons dans un
projet mais que l’échec est interdit, nous serons bloqués. Si nous ne pensons
pas : « Je m’offre la permission d’apprendre et de progresser », jamais nous
ne pourrons nous mettre en marche.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Quelles sont vos limitations que vous avez le plus de mal à accepter ?
• Autres :
Notes
1. Nous aborderons spécifiquement la peur de la mort et la peur de la souffrance dans les chapitres
suivants.
2. Vous trouverez une version audio de cet exercice sur le site ghislainrubiodeteran.com.
3. Il existe même aujourd’hui des fury rooms, des espaces à louer dans lesquels on peut évacuer son
stress en cassant des objets.
Quatrième Feu
Une réalisation de soi insuffisante
« Il faut vivre de telle sorte que l’on puisse vouloir revivre
éternellement sa vie. »
Nietzsche
A
vant de découvrir les chemins de l’introspection et le monde de la
psychothérapie, j’avais toujours ressenti en moi comme un vide, le
sentiment que quelque chose me manquait. À l’époque où je
travaillais dans le marketing, j’appréciais mes collègues et j’aimais plutôt ce
que je faisais, mais au fond de moi demeurait une insatisfaction. Je n’avais
pas conscience, alors, que toute ma vie, je m’étais laisser guider, sans faire
de réels choix, que je subissais mon quotidien plutôt que d’en être l’acteur
principal. Enfant, on m’avait dit : « Fais de bonnes études et tu trouveras un
bon travail » et j’avais suivi passivement, car me connaissant mal, je ne
savais pas quel autre chemin j’aurais pu suivre.
Voici le thème du quatrième feu psychologique, qui est relié à nos choix, à
ce qui nous motive, à ce qui donne du sens à notre vie et à ce qui nous fait
nous sentir réellement vivant. Rencontrons-le par un premier exercice
exploratoire.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Le bilan de vie
Imaginez-vous à la fin de votre vie : vous avez 100 ans. Vous regardez en arrière et
repensez à votre vie passée. Que voulez-vous pouvoir vous dire à cet instant ?
Peut-être le mot idéal vous fait-il réagir : « C’est utopiste de croire en une
vie idéale ». Mais vivre une vie idéale ne veut pas dire pour autant vivre
une vie sans problèmes ou sans souffrance. Une vie idéale se doit d’intégrer
la mort, la vieillesse, la frustration, le manque et l’échec. C’est également
un concept dynamique : mon idéal à 30 ans n’est pas forcément le même
qu’à 70 ans. Cependant, pour beaucoup d’entre nous, il est plus facile de se
censurer, de rêver petit, que de s’autoriser à croire en une vie idéale. Une
vie qui nous fait dire : « Oui, lorsque je me lève le matin, je suis content(e)
de la journée qui m’attend » ou « Oui, avec ces hauts et ces bas, cette vie
me convient, je suis satisfait(e) de mes choix ».
Choix de vie
Il y a une contrainte existentielle que subissent tous les êtres humains : nous
devons faire des choix et nous sommes conscients de cela. Agir, c’est
choisir. Même ne rien faire, c’est encore choisir de ne rien faire. Et nous
vivons dans une société qui nous place en face d’une infinité de choix
potentiels : à chaque instant, je peux décider de lire, d’apprendre une
langue, d’appeler un ami, de me divertir, de consommer… Cette richesse
d’opportunités, si elle est une chance, peut aussi très vite devenir un
fardeau, car choisir une option nous impose également d’abandonner toutes
les autres. André Gide le disait déjà : « Choisir, c’est renoncer ». Si je
deviens médecin, je ne serai pas danseur étoile. Si je prends la route pour
Toulouse, j’abandonne la route pour Nantes.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Examinez la façon dont vous faites vos choix, en étudiant une situation simple du
quotidien : lorsque vous allez dîner au restaurant, comment choisissez-vous vos
plats ? Que se passe-t-il dans votre tête ? Regardez-vous le menu en détail, ligne par
ligne ? Savez-vous instinctivement sans réfléchir ce dont vous avez envie ? Pensez-
vous d’abord au prix ou à la diététique ? Attendez-vous de savoir ce que commandent
les autres pour vous décider ? Prenez un moment pour réfléchir à ces questions.
Le fait que ces entités soient indépendantes les unes des autres nous pose
bien des problèmes, car cela déclenche en nous des conflits à répétition. Si
je ne suis pas satisfait de mon travail par exemple, la tête pourra me dire :
« Reste où tu es, tu as la sécurité de d’emploi », mais le cœur protestera :
« Je m’ennuie, je suis malheureux, je veux changer » ou « Je suis trop
stressé, je n’en peux plus ». Face à ces deux messages contradictoires, nous
pouvons alors rester bloqués indéfiniment dans l’indécision.
Alors comment choisir ? Au final, pour être satisfait de nos choix, nous
avons besoin que nos actions forment un équilibre de vie global. Reprenons
l’expérience du restaurant. Par exemple, si j’écoute toujours le cœur et ne
mange que des aliments gras et sucrés, sans écouter les messages du corps
et de la raison, ma santé physique en pâtira. À l’inverse, si je n’écoute que
la raison sans m’autoriser des plaisirs du quotidien, mon cœur risque
rapidement de se sentir déprimé.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Ces mots sonnèrent, pour Fabien, comme une évidence. Je pus voir sur
son visage un air amusé. Je lui demandai de m’expliquer ce qu’il avait
compris et il me répondit : « Oui, c’est tellement évident au fond, je
sais que les réponses sont en moi, mais je n’ose pas me l’avouer. Je
vois bien ce qui ne me va pas, ce dont je ne veux plus, mais j’ai peur
des changements que ça demande ».
Fabien prit ainsi conscience de la manière dont il se dissimulait à lui-
même sa vérité, mais aussi comment elle lui était facilement accessible
s’il osait se l’admettre.
L’angoisse de choisir
La légende de l’âne de Buridan est une allégorie qui nous fait réfléchir sur
les difficultés que nous pouvons éprouver face à un choix. C’est l’histoire
d’un âne aussi affamé qu’assoiffé, qui se trouve en face de deux seaux : l’un
contient de l’eau et l’autre est rempli d’avoine. L’animal a tellement soif
que chaque fois qu’il se dirige vers le seau d’avoine, il change d’avis pour
se désaltérer, mais lorsqu’il s’approche du seau d’eau, sa faim est tellement
forte qu’il s’en détourne pour se nourrir… et ainsi de suite, à tel point que
ne parvenant ni à boire ni à manger, l’âne meurt.
Lorsqu’un choix est trop difficile à faire – ou génère trop de stress –, pour
ne pas succomber comme l’âne, nous nous organisons pour éviter de choisir
et ainsi échapper à notre angoisse. Ce sont des stratégies d’évitement qui
peuvent prendre une multitude de formes : la plus connue est certainement
la procrastination, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, mais
il en existe d’autres. Lisez la liste qui suit et examinez celles qui vous sont
familières, chez vous-même ou bien chez vos proches.
1
Stratégies d’évitement face aux choix
La soumission
Je laisse l’autre choisir à ma place. Je me soumets à ses désirs : « On fait comme tu
veux, ça me va bien ».
La victimisation
Je me déresponsabilise en projetant sur les autres la faute des conséquences de
mon non-choix. « Ce n’est pas ma faute ce qu’il m’arrive dans ma vie, c’est à cause
de… ».
La désensibilisation
J’anesthésie mes désirs et mes frustrations pour ne pas avoir à agir en
conséquence : « Je n’ai envie de rien ».
Les drogues et l’alcool sont également un moyen efficace pour se désensibiliser.
Le conformisme
C’est être assujetti à une doctrine, à la pensée d’un autre : « Je suis les règles et la
norme ».
Le fatalisme
C’est une forme de soumission au hasard et à la providence : « C’est la vie ! Je ne
peux rien y faire ».
La procrastination
Je remets le choix à plus tard : « Demain, certainement, je vais me décider ».
La nostalgie
Je m’enfuis dans mes souvenirs et les ruminations du passé : « C’était mieux avant ».
Le pessimisme
Il peut varier entre cynisme et catastrophisme. Cela revient à anticiper un échec qui
donc me prémunit de faire un choix : « De toute façon, on va tous mourir, alors à quoi
bon ? ».
La rêverie
Je m’oublie dans des mondes imaginaires : « Je suis mieux dans ma bulle de rêve
que dans le monde réel ». Les jeux vidéo, par exemple, sont de bons moyens pour ne
pas s’engager.
L’hyperactivité
Je reste occupé de manière compulsive et frénétique pour ne pas m’interroger sur
mes choix.
La dévalorisation
Cela revient à dévaluer mes désirs : « Ce n’est pas si grave si je n’obtiens pas cette
promotion ».
L’intellectualisation
Le mental réfléchit et analyse les choix potentiels indéfiniment, sans jamais passer à
l’action : « Peut-être que cela serait un bon choix, à moins que… »
La somatisation
On peut imaginer aussi que c’est le corps qui tombe malade parfois pour nous
prémunir de choisir.
La stratégie de Fabien a été jusqu’à maintenant un mélange de
désensibilisation et d’hyperactivité. Pour fuir ses désirs réels et sa peur du
changement, il s’oubliait dans son travail en passant douze heures par jour
au bureau, puis tous les soirs en rentrant chez lui il prenait deux verres de
whisky pour apaiser ses frustrations et son stress. Il n’écoutait pas les
messages d’alarme envoyés par son corps, jusqu’à ce que son mal-être soit
si intense qu’il soit obligé de demander de l’aide.
Mais lorsque nous refusons la musique qui nous est proposée, nous
dépensons énormément d’énergie à essayer de contrôler nos vies. Mais que
contrôlons-nous vraiment ? Sommes-nous véritablement libres de nos
choix ?
Prenons un exemple. Le dernier choix que vous avez fait est celui de lire ce
livre. Était-ce un choix autonome ou bien êtes-vous programmé(e) pour
faire ce choix ?
Alors, si tous nos choix sont influencés par notre ADN, notre psychisme,
notre histoire, ne sommes-nous que des pantins, des robots contrôlés par des
conditionnements et des automatismes ?
Cette question passionne les philosophes depuis des siècles. Est-ce que
l’homme est maître de son destin ou bien est-il soumis uniquement à la
volonté divine ou à la mécanique de l’univers ? Certains diront que oui, que
tout ce que nous avons à faire est de lâcher prise, de s’abandonner, de
quitter toute intention de contrôle, de se laisser tomber dans l’instant
présent, guidés par le flot continu de la vie. Ils nous invitent à ne plus ramer
à contre-courant, à ne plus tenter de faire que la vie s’adapte à notre volonté
mais, à l’inverse, que notre volonté s’adapte à ce que la vie nous offre.
L’écrivain Yvan Amar, par exemple, nous propose de nous « synchroniser
avec la vie ».
EXERCICE EXPLORATOIRE
100 % vivant
Repensez à votre enfance, votre adolescence et votre vie d’adulte.
Quels sont les instants où vous vous sentez pleinement vivant(e) ?
Quelles activités vous animent ou vous font vibrer ? S’agit-il d’une activité physique,
artistique, intellectuelle ou bien en relation avec d’autres personnes ?
Pour rencontrer davantage notre potentiel, ce qui nous fait nous sentir
pleinement vivant, nous pouvons ensuite identifier le type d’actions que
nous aimons accomplir, qui nous donnent de la joie : par exemple, nous
pouvons être heureux de vivre à la ferme mais si nous n’aimons pas le
travail manuel, nous aurons peu de chances de nous sentir épanouis dans
notre quotidien.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Le plaisir de l’action
Faites une liste de vos compétences professionnelles et de vos compétences
personnelles, pensez à tout ce que vous aimez ou savez bien faire.
Puis prenez une feuille et tracez deux axes comme sur le graphique suivant.
Horizontalement : « Ce que je ne sais pas bien faire » à gauche et « Ce que je sais
bien faire » à droite, et verticalement : « Ce que j’aime faire » en haut et « Ce que je
n’aime pas faire » en bas. Ensuite placez vos savoir-faire et compétences sur ce
graphique.
Pour les sept domaines suivants, tracez la courbe historique représentant les hauts et
les bas de votre vie, en indiquant les événements importants (certains domaines
peuvent se croiser, lorsque, par exemple, la vie artistique devient la vie
professionnelle). Ces courbes vous permettront de prendre du recul par rapport à votre
existence.
1- Vie familiale
2- Relations amicales
3- Vie professionnelle
4- Vie de couple, vie affective et vie sexuelle
5- Vie sociale et vie associative
6- Développement personnel, intellectuel et artistique
7- Divertissements, hobbies et vie sportive
À chacun d’explorer dans son intimité cette question du sens s’il en ressent
le besoin. De façon plus modeste, nous pouvons néanmoins nous interroger
sur nos valeurs. C’est-à-dire notre éthique personnelle, celle qui guide nos
choix de vie.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Puis demandez-vous : quelles valeurs portent ces personnes ? Par exemple, si vous
avez de l’admiration pour Clint Eastwood, on peut imaginer que les valeurs de
courage, de détermination et d’intégrité sont importantes pour vous. S’il s’agit de Mère
Teresa, peut-être que ce sont la compassion et la générosité qui sont au cœur de votre
éthique personnelle.
Voici une liste de valeurs, entourez celles dont vous vous sentez le plus proche ou
celles qui servent de guides dans votre vie quotidienne :
Rêver en grand
Lorsque nous connaissons ce qui nous anime, ce qui nous fait vibrer, ce qui
guide notre vie et ce en quoi nous croyons, il nous est plus facile alors de
nous autoriser à rêver en grand. Cela veut dire oser nos désirs, traverser nos
peurs et croire en l’expression libre de notre potentiel.
EXERCICE EXPLORATOIRE
La baguette magique
Imaginez que vous possédez une baguette magique. Elle a des pouvoirs illimités,
excepté celui de pouvoir changer le passé. Comment l’utiliseriez-vous ? Que
souhaiteriez-vous changer dans votre vie ? Quels éléments de votre environnement
quotidien transformeriez-vous ?
Notez si vous vous censurez ou si vous vous sentez capable de rêver en grand.
Lorsque nous nous sentons en harmonie avec ce que nous faisons, nous
avons alors l’impression que nos actions se font sans efforts. Le plaisir
devient notre moteur et l’enfant en nous retrouve sa spontanéité. La vie se
transforme alors en un terrain de jeu, un espace de surprises et
d’étonnements.
En résumé
Nous avons à notre disposition une sagesse intérieure qui, lorsqu’on
l’écoute, sait équilibrer nos désirs et les besoins intérieurs en lien avec nos
valeurs.
Le plaisir et nos valeurs sont les guides à suivre pour exprimer notre
potentiel et être en harmonie avec nos actions.
Notes
1. Liste inspirée d’un article de N. K. Salathé (voir Bibliographie).
2. La psychologie transpersonnelle est un courant de la psychologie né aux États-Unis dans les
années 1960. Elle s’intéresse non seulement aux aspects névrotiques et pathologiques de l’individu
mais aussi à l’expression de son potentiel inexploité, notamment sa créativité et sa dimension
spirituelle.
Cinquième Feu
La relation à la mort
« Apprendre à bien vivre équivaut à apprendre à bien mourir,
inversement, apprendre à bien mourir, c’est apprendre à bien
vivre. »
Irvin D. Yalom
V
ers l’âge de 7 ans – je ne sais plus pourquoi, ni comment –, m’est
venue un soir dans mon lit l’idée angoissante que je pourrais
mourir dans mon sommeil. Cette pensée me tétanisa, je me
rappelle la sensation de peur glacée qui subitement m’envahit.
Instinctivement, je me mis alors à chercher une stratégie pour l’éviter. Mon
esprit d’enfant imaginait les morts toujours allongés sur le dos, les mains
jointes posées sur le ventre. Alors si je m’endormais sur le côté, avec un
bras au-dessus de ma tête, cela ne m’arriverait certainement pas (on appelle
cela une « pensée magique » 1, c’est un bon moyen pour atténuer
temporairement notre anxiété). Ainsi, tous les soirs, pendant plusieurs
années, je m’endormais avec cette boule au ventre et ma petite stratégie
pour y faire face, sans jamais en parler à personne car j’avais appris très
jeune à camoufler mes angoisses.
Puis heureusement, avec le temps et la maturité, cette peur de mourir dans
mon sommeil s’est peu à peu atténuée. Mais la peur de la mort, elle, ne m’a
jamais quittée. L’évocation de ma propre finitude a longtemps été pour moi
une source d’inconfort extrême, me faisant éviter tout ce qui me la
rappelait, comme les hôpitaux ou les cimetières. Parfois même, le simple
fait de contempler l’immensité d’un ciel étoilé déclenchait une brusque
montée d’angoisse, l’idée d’un vide infini et sans vie, d’un abîme éternel et
sans limites me pétrifiait.
Ce sujet est massivement refoulé dans notre société, car il soulève pour
beaucoup d’entre nous une très forte angoisse et nous préférons faire
l’autruche pour ne pas le regarder en face. Nous essaierons donc dans ce
chapitre d’aborder cette question très intime avec précaution. Néanmoins, si
vous sentez que l’angoisse est trop intense pour vous, je vous conseille de
passer au chapitre suivant. L’écoute de soi nous invite aussi à accepter nos
limites, à nous laisser cheminer sans nous torturer ou chercher à tout prix à
tout résoudre avec brutalité.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Ces événements font vivre à Daniel une multitude de deuils. Non seulement
le deuil de l’amour d’un père mais également le deuil d’un sommeil
réparateur, le deuil d’une vie de couple à deux, le deuil de la liberté de
pouvoir changer de vie, le deuil de l’insouciance de n’être responsable que
de lui-même, enfin le deuil de la sécurité que lui offrait la présence d’un
père protecteur. Un ensemble de fins difficiles à assimiler.
2. La colère
Lorsque nous commençons à sentir la douleur de la séparation, la colère est l’énergie
de l’action qui va tenter de nous faire sortir de notre vécu douloureux. Mais avec le
temps nous réalisons que nous sommes impuissants, incapable de changer la
situation.
3. Le marchandage
Une autre façon de chercher à contrôler la situation est de « marchander » avec la
vie, Dieu, l’univers. C’est-à-dire de trouver une stratégie pour moins souffrir. De
nouveau, avec le temps nous réaliserons que c’est impossible. Par exemple :
« Laissez-moi vivre le temps de voir ma fille se marier. »
4. La dépression et le chagrin
Lorsque tout désir de contrôle est abandonné, alors la douleur est ressentie dans
notre chair. L’émotion est vécue pleinement. L’intégration de la perte dans le corps et
l’esprit commence.
5. L’acceptation
La réalité de la séparation est admise. La disparition est assimilée, intellectuellement,
émotionnellement et corporellement.
On parle de différentes phases mais la réalité de ce que nous vivons n’est pas aussi
simple et linéaire. Comme l’écrit elle-même Elisabeth Kübler-Ross : « Tout le monde
ne passe pas forcément par ces cinq étapes et les réactions ne suivent pas toujours
le même ordre. »
La peur du vide
Lorsque nous ne tolérons pas le vide lié à la perte, nous souffrons. Et le
mental, comme toujours lorsque nous souffrons, tentera de nous sauver de
notre expérience douloureuse, en comblant ce manque. Et pour ce faire, il
cherchera du plein, en s’agrippant à quelque chose, à des bouées intérieures
qui lui éviteront de couler dans le néant. Voici une liste de ces « quelque
chose », auxquels nous pouvons nous raccrocher :
Il existe une infinité de moyens pour ne pas ressentir le vide. Tous ne sont
pas pathologiques en soi. Par exemple, aller chercher le soutien de nos amis
lorsque nous sommes tristes est même sain. Mais le problème est que si
nous ne sommes pas capables de supporter l’inconfort du vide, nous
devenons dépendants à des substances, à des gens, à des comportements ou
à des objets.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Que constatez-vous ? À cet instant, il n’y a plus de refus, tous les attachements et
toutes les insatisfactions ont disparu. Vous êtes toujours vivant(e), le corps fonctionne,
la faim s’exprime, les sens perçoivent, mais vous vivez à 100 % dans le moment
présent, sans espoir et sans peur. Le mental n’a plus rien auquel s’attacher, plus de
bouées de secours auxquelles se tenir. Vous faites alors l’expérience immédiate et
vivante du présent sans peur.
Nous avons vu que les pensées sont comme un arc-en-ciel. Elles existent
mais elles n’ont pas de substance réelle. De la même façon que lorsque
nous regardons un DVD, nous savons que l’image que nous voyons sur
l’écran vient de l’information imprimée sur le disque. Mais dans notre tête,
nous mélangeons la vraie vie, réelle, vécue dans le moment présent et
l’histoire superposée que nous nous racontons sur celle-ci. Ce qui fait que
nous vivons dans un monde imaginaire. Un peu comme un enfant qui joue
aux cow-boys et aux Indiens mais qui a oublié qu’il fait semblant. Ou
comme le dit le penseur Arnaud Desjardins : « Au lieu de vivre dans LE
monde, je vis dans MON monde ». Et dans mon monde imaginaire, je me
bats en permanence contre des peurs liées au futur et des ruminations du
passé, des espoirs et des désespoirs, qui au final ont aussi la fonction et
l’avantage de m’éviter de ressentir l’angoisse du vide et de l’inconnu.
Avec Daniel, nous explorons l’histoire qu’il se raconte autour de sa
nouvelle situation familiale. Il m’explique qu’il fait ce qu’il imagine
que son père attendrait de lui. Je l’invite à questionner cette injonction
imaginaire.
Puis je dis à Daniel : « Imaginez que votre père soit dans cette pièce
avec nous, qu’aurait-il envie de vous dire ? »
Daniel se met à pleurer, il pense que son père lui dirait certainement
qu’il doit prendre soin de lui, vivre sa vie, et construire son propre
foyer, sa propre histoire. Une vérité qu’il connaissait mais qu’il ne
s’autorisait pas.
Daniel peut alors commencer à se laisser ressentir la douleur de la
perte, le manque de son père, mais également prendre conscience de la
façon dont il a construit cette histoire pour ne pas ressentir la peine.
Cette charge émotionnelle fait que si pendant trente minutes je rumine une
situation stressante, des idées avec un lourd affect, une boule d’angoisse se
formera certainement dans mon ventre. Il me sera alors très difficile de me
décoller de cette histoire. Mais lorsque nous repérons le phénomène
d’agrippement dès les premières secondes, alors il nous est plus aisé de
percevoir la nature irréelle de ces nuages mentaux et de ne pas nous y
attacher. En somme, plus nous sommes vigilants, plus nous sommes
capables de sentir l’impact corporel qu’ont les pensées sur notre corps et
moins nous sommes pris à l’hameçon par celles-ci.
L’expérience du vide est ce que nous allons traverser avec Steve, que
je vois en thérapie depuis plus d’un an. Ce sont des TOC liés à la peur
qu’un incendie se déclare dans son appartement qui l’ont poussé à
consulter initialement. Ces symptômes se sont apaisés depuis quelques
mois et Steve arrive en séance, ce jour-là, en m’annonçant qu’il n’a
rien de particulier à me dire.
Dans les séances précédentes nous avions évoqué ensemble son
malaise lorsque le silence s’installait entre nous. Il ressentait de la gêne
et de l’anxiété à se trouver en face de moi sans rien dire et se sentait
alors obligé de combler le vide en parlant de quelque chose. Pour
comprendre ce qui se passait chez Steve dans ces moments-là, nous
sommes restés à plusieurs reprises en face à face, sans rien dire. Mais
aujourd’hui, je vois que Steve est à l’aise dans ce silence, je ne ressens
pas d’inconfort.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Dans les semaines à venir, choisissez une journée et organisez-vous pour pouvoir être
seul(e), chez vous ou dans un autre espace.
Cette journée, vous allez la consacrer à ne rien faire. Mais à ne rien faire du tout. Vous
n’allez pas vous occuper de tâches ménagères ou d’autres obligations, vous n’allez
pas vous divertir ou vous sécuriser par une activité quelconque, vous n’allez pas non
plus chercher à méditer ou à contrôler vos pensées, ni à fuir dans le sommeil. Cette
journée sera dédiée au vide total (bien entendu, vous pourrez tout de même prendre
soin de vos besoins vitaux : manger, boire…). Dites-vous également que cette journée
ne vous apportera rien, aucune transformation, vous n’avez rien à gagner de cette
expérience, si ce n’est peut-être de la connaissance de soi.
Faire cette expérimentation au moins une fois dans votre vie est de mon point de vu un
formidable cadeau que vous pouvez vous offrir à vous-même. Osez tenter
l’expérience, pour rencontrer le vide et voir ce qu’il s’y passe.
Nous avons vu que dans notre esprit se projette un petit cinéma intérieur.
Regardons quel film passe dans notre tête lorsque nous pensons à notre
mort.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Observez l’image qui se forme dans votre esprit lorsque vous pensez à la mort et
essayez de rester avec elle le plus longtemps possible. Ce n’est pas facile car cette
image est pour la plupart d’entre nous accompagnée d’un fort sentiment de peur. Si
l’angoisse est trop intense je vous conseille de passer au chapitre suivant.
Que raconte ce film intérieur lorsque vous imaginez la fin de votre existence ? Voici
quelques scénarios possibles :
• Je m’imagine en train de souffrir sur mon lit de mort (une image du moment avant la
mort en définitive).
• Je me vois en train de flotter dans le néant, dans l’espace infini.
• Je visualise une image de brouillard sombre, d’un inconnu nébuleux et terrifiant.
• Je me représente une image de jardin d’Éden, de paradis ou bien un enfer
suffoquant.
• Je m’imagine étendu(e) dans un cercueil, enfermé(e) éternellement dans une boîte,
assailli(e) par le froid et l’ennui.
• Je visualise la perte de ceux que j’aime, cette séparation crée un sentiment de
manque et de solitude.
• Je vois le monde continuer sans moi et cela m’est insupportable.
Pourtant une autre vision de soi est possible : « Je suis statique et la vie se
déplace en moi. La vie faite de pensées, d’émotions et de sensations me
traverse. Comme une fontaine, elle jaillit en moi, dans le moment présent. »
La seule expérience que je ferai dans ma vie est celle du présent pur. Le
futur est un concept que je n’expérimenterai jamais et le passé est une
information stockée dans ma mémoire à laquelle je n’ai accès que dans le
présent : « Past is history and future is mystery » (le passé, c’est de
l’histoire et le futur un mystère) affirme ce proverbe anglais. Je me trouve
toujours à « zéro seconde de moi-même » rappelle aussi Douglas Harding.
Je suis fixe, cloué immobile pour toujours, dans le présent. Mon esprit, lui,
est constamment emporté dans le passé et le futur, mais la vie, elle, ne se
déroule que dans le présent. La peur de la mort aussi est une peur du futur
qui est vécue dans le moment présent.
EXERCICE EXPLORATOIRE
En résumé
Le mental s’attache aux pensées, aux émotions, aux sensations, aux espoirs
et aux désespoirs qu’il a en mémoire et qu’il prend pour la réalité.
Il colle à du connu, pour ne pas faire l’expérience de l’inconnu. Il crée du
plein par peur d’un vide imaginaire.
Note
1. La pensée magique est une forme de superstition qui associe un lien de causalité imaginaire entre
une action et un événement. Par exemple : « Si j’arrive à lancer cette boulette de papier dans la
poubelle, je vais réussir mon examen ». C’est une stratégie de notre psychisme pour réguler nos
angoisses face à l’absence de contrôle et à l’inconnu.
Sixième Feu
Notre relation à la souffrance
« Le chagrin est le prix que nous payons volontiers pour
l’amour. »
(Grief is the price we willingly pay for love.)
C. George Boeree
D
ans les chapitres précédents, nous avons exploré les cinq feux
primaires qui activent nos souffrances psychiques au quotidien.
Ici, nous allons nous pencher sur la couche additionnelle qui,
comme le glaçage sur un mille-feuilles, les recouvre. Ce feu a pour origine
le refus de la souffrance elle-même, la difficulté que nous rencontrons à
tolérer notre douleur psychique. Il nous fait dire : « Je veux arrêter de
souffrir » ou « Je n’en peux plus de ces pensées, de ces émotions et de ces
sensations dans mon corps ». C’est lui aussi qui conduit à consulter un
thérapeute avec l’espoir de trouver des solutions ou un sauveur capable de
nous faire échapper à notre détresse ou nous guérir de notre mal-être. Mais,
malheureusement, aucune transformation profonde et durable n’est possible
tant que la souffrance elle-même n’est pas accueillie et tolérée.
Mais lorsqu’un événement active l’un des cinq feux primaires, en lui
résistant, en le combattant ou en le réprimant, nous ne faisons qu’accroître
sa charge émotionnelle. Je peux, par exemple, être triste de la perte de mon
travail, mais si la tristesse est une émotion que je n’aime pas ou que je ne
peux pas supporter, ma douleur sera double, voire triple.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Regardez en vous afin de savoir si cette double couche est en action. Les situations
suivantes vous sont-elles familières ?
• Souvent, j’ai peur d’avoir peur.
• Parfois, je suis énervé(e) de me mettre en colère.
• Ma tristesse ou celle des autres m’agace, me fait peur.
• Je dissimule ma honte.
• Je suis frustré(e) par ma timidité.
• Ma jalousie m’est insupportable.
• L’ennui me panique.
• Je fuis ma souffrance.
• Je veux gérer et contrôler mes émotions.
• Autres :
Caroline, une jeune mère de trois garçons, consulte car elle n’en peut
plus d’être toujours inquiète pour ses enfants. Elle est très stressée à
l’idée qu’il leur arrive quelque chose. La nuit, par exemple, elle ne
peut s’empêcher de se lever pour vérifier s’ils respirent toujours. De
plus, elle se reproche de trop souvent s’énerver et de crier sur eux
lorsqu’ils n’obéissent pas et prennent des risques. Elle souhaiterait
pouvoir maîtriser ses accès de colère et sortir de la spirale anxiété-
colère-culpabilité.
Son plus jeune fils est entré à la maternelle depuis un mois et chaque
matin il pleure de la maison jusqu’à l’école et refuse ensuite de quitter
sa mère. Pour Caroline, les larmes de son enfant sont très difficiles à
supporter et elle se sent déchirée et angoissée chaque jour à l’idée de
cette séparation. Caroline lutte contre toutes ces manifestations mais ce
combat – elle en est consciente – ne fait que renforcer son mal-être,
l’épuise et nourrit chez elle un sentiment d’impuissance et de
désespoir.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Voyez ce qui se passe lorsque vous réintégrez ces parties de vous-même mises à
distance. Notez en particulier l’impact au niveau du corps, sentez-vous un apaisement,
une réconciliation intérieure ?
Je suis la tristesse que je vis.
Je suis la colère que je vis.
Je suis les tensions corporelles que je vis.
Je suis les attaques de panique que je vis.
Je suis les pensées obsessionnelles que je vis.
Je suis les désirs et les pulsions sexuelles que je vis.
Je suis la honte que je vis.
Je suis l’addiction que je vis.
Je suis le critique interne que je vis.
Je suis la mélancolie que je vis.
Je suis la haine que je vis.
Je suis les masques que je vis.
Je suis les conditionnements que je vis.
La façon dont nous interagissons avec notre souffrance s’est mise en place
durant notre enfance ou notre adolescence. Ou bien nous avons copié nos
aînés en reproduisant ce que nous observions sur eux-mêmes, ou bien nous
avons fait ce que nous ce que pensions que les autres attendaient de nous.
Caroline, par exemple, ayant un parent en souffrance chronique, n’a pas pu
s’autoriser à exprimer sa souffrance et à demander de l’aide par peur
d’aggraver les difficultés de la famille. De manière non consciente, son
environnement l’encourageait à ne pas faire de vagues. Il lui a donc fallu
réprimer ses peines.
La recherche de réconfort
Si nous vivons notre souffrance comme un corps étranger, c’est à l’extérieur
de nous que nous rechercherons du réconfort et du soulagement. Ce n’est
pas pathologique en soi, on l’a vu : il est sain, même, qu’un enfant puisse
adoucir ses angoisses par la présence rassurante de son doudou. Mais si
l’enfant a impérativement besoin d’un bonbon ou de regarder un dessin
animé pour se calmer ou se consoler, cela le maintient dans l’impossibilité
de se réguler lui-même et peut provoquer des troubles du comportement.
Certaines stratégies sont plus efficaces que d’autres pour réguler notre
souffrance. Le lien social est certainement ce qui nous apaise le plus et de la
façon la plus durable. Que ce soit un regard bienveillant, un sourire
compatissant, une main passée dans le dos ou une épaule pour pleurer,
sentir la présence d’un autre à nos côtés lorsque nous souffrons offre une
consolation sans égale. Car le plus pénible finalement, c’est de nous sentir
seul avec notre mal-être.
Dans les années 1930, le psychiatre Wilhelm Reich initia les thérapies dites
psychocorporelles, qui s’intéressent à ces tensions dans notre corps. En
observant ses patients, il remarqua que certaines zones ont tendance à se
tendre : la mâchoire, le bassin et la cage thoracique notamment. Il affirma
avec conviction : « Il n’existe pas de névrosé qui soit dépourvu de tensions
abdominales » et il nomma « cuirasse » l’accumulation de ces contractions,
de ces nœuds en nous, issus de notre vécu émotionnel.
Pour comprendre comment ces nœuds se forment, nous pourrions dire que
notre corps est semblable à un tambour ou une harpe. Lorsqu’il est frappé
par un événement, que ce soit un choc physique ou émotionnel, il a la
capacité d’absorber cette énergie en vibrant. Lors d’une séparation, par
exemple, la corde du chagrin est percutée. Si je n’interviens pas, si je laisse
faire, l’énergie de la tristesse résonnera en moi, avec différentes
manifestations physiques comme des sanglots, des appels à l’aide, des
gestes de réconfort… Puis, après un certain temps, cette énergie en
vibration se dissipera d’elle-même. Une autre image que l’on peut donner
est celle d’un caillou jeté dans un étang. L’eau pour amortir le choc ondule,
de petites vagues se forment à la surface jusqu’à ce que l’énergie se répande
et se dissipe.
Exercices exploratoires
Voici trois exercices pour explorer les tensions dans ces zones particulièrement
sensibles.
Mâchoire
La tête bien droite, posez le bout de votre langue sur la partie haute du palais de votre
bouche. Automatiquement la mâchoire s’entrouvre. Puis à chaque expiration laissez
votre mâchoire tomber vers le bas, laissez son poids relâcher les muscles maxillaires.
Sentez ce qui se passe au niveau de ces muscles et voyez si vous percevez une
détente ou de petites vibrations.
Abdomen
Allongez-vous sur le dos, les jambes pliées, les pieds parallèles, les bras le long du
corps. Vous allez soulever votre bassin et les hanches de 20 à 30 cm, puis tenir cette
position jusqu’à ce que vous sentiez de la fatigue. Alors, en respirant lentement,
laissez retomber votre bassin. Laissez votre dos s’étaler lentement contre le sol, puis
portez votre attention sur la zone pelvis-lombaire-abdomen. De nouveau, voyez si vous
percevez une détente ou bien de petits fourmillements.
Cage thoracique
Debout ou assis(e), respirez en inspirant par le nez et en expirant par la bouche.
Comptez jusqu’à 5 à l’inspiration puis jusqu’à 7 à l’expiration. Faites l’exercice pendant
5 minutes et observez ce qui se passe dans la zone thoracique et particulièrement au
niveau du plexus.
Ces exercices ont pour but de vous permettre d’explorer les tensions dans
votre corps. Il existe de nombreuses techniques pour descendre dans nos
sensations : le yoga, le qi gong, les thérapies psychocorporelles,
l’haptonomie, l’hypnose, l’acupuncture, la méditation de pleine conscience,
la danse méditative… ou bien simplement le chant, le théâtre, la marche ou
la pratique d’un sport.
C’est la même chose pour notre corps, il est naturellement détendu lorsque
nous le laissons libre de son mouvement. Il n’y a pas d’effort à faire. Nous
devons simplement apprendre à baisser la garde, à ne plus intervenir, à
laisser être la mobilité spontanée et naturelle du corps.
Mais cet abandon, cet accueil, nous est difficile, car de nombreux
conditionnements sont en action en nous, et ce depuis notre enfance.
EXERCICE EXPLORATOIRE
Un jour où vous pouvez être seul(e) dans votre salon sans être dérangé(e), fermez les
volets, déshabillez-vous et mettez-vous en sous-vêtements ou bien complètement
nu(e). Ensuite, mettez de la musique que vous aimez, rythmée ou non, et laissez le
corps prendre les commandes. Autorisez-vous à danser de façon incontrôlée et
spontanée, comme un enfant de 6 ans qui s’abandonne au plaisir de bouger.
À des degrés différents, nous sommes nombreux à vivre dans cet état
d’alerte permanent, cette hyper-vigilance. Car des blessures archaïques de
la petite enfance, des agressions ou des accidents de la vie déclenchent
également ce mécanisme. Les phobies, les tensions corporelles, les pensées
anxieuses, par exemple, indiquent que ce mode « danger » est activé en
nous.
Pour retrouver un état apaisé et afin que le corps s’autorise à baisser son
niveau de vigilance, plusieurs étapes seront nécessaires :
– il nous faut d’abord intégrer qu’il n’y a plus de menace imminente dans
notre environnement. Cela se fait en s’appuyant sur l’observation de ce qui
nous entoure dans l’ici et maintenant. Regardez autour de vous : aucun péril
à l’horizon, pas de piano suspendu qui va vous tomber dessus dans la
seconde ;
– ensuite le corps doit sentir ses appuis, sa solidité, ses ressources, la force
dans ses muscles, son ancrage dans le sol, l’oxygène fourni par la
respiration. Et également retrouver sa capacité de mouvement : je peux
bouger, je peux fuir, je peux me défendre.
– petit à petit, le corps retrouve son expansion naturelle et regagne en
sensibilité. Ce qui peut parfois provoquer l’émergence de sensations
désagréables – des pleurs, des angoisses, des douleurs, des
tremblements… – qui sont l’expression de charges émotionnelles et de
tensions accumulées qui se déchargent. Cela doit se faire progressivement.
Il n’est pas nécessaire non plus et même contre-productif de se replonger
dans les images du passé, car en revivant l’expérience traumatique, nous ne
faisons que réactiver le mode « danger » de nos circuits nerveux.
Ce processus est long et les étapes ne suivent pas toujours le même ordre.
Pour mieux supporter ces manifestations, souvenons-nous que lorsque nous
nous désensibilisons de la douleur, nous nous désensibilisons aussi de la
joie. C’est ce qu’on observe chez certains dépressifs qui, du fait de la
désensibilisation de leur corps, ont perdu le goût de la vie.
Ce travail de reprise de contact avec son corps dura plus d’un an. C’est
seulement après que purent émerger la colère, la tristesse, la rancœur
qui étaient enfouies depuis la disparition de son compagnon.
En résumé
Nous combattons notre souffrance car nous la vivons comme une entité
extérieure à nous-même. En ne la réprimant plus et en la laissant vibrer
dans notre corps sans intervenir, en acceptant de la rencontrer mentalement,
émotionnellement, corporellement, son énergie se déploie pleinement et
nous offre un soulagement physique et psychique. Si cette expérience est
trop dure à vivre, je vous conseille de vous adresser à un thérapeute pour
vous accompagner.
Conclusion
Les maîtres zen enseignent que « lorsque le sage pointe l’index vers la
Lune, le disciple étourdi regarde le doigt et non la Lune ». C’est une façon
de nous inviter à être vigilants, à ne pas nous attacher aux mots et aux idées.
Ils l’affirment également de manière encore plus brutale en indiquant : « Si
tu croises Bouddha, tue Bouddha ». Faites donc confiance à votre propre
expérience plutôt qu’aux concepts et aux théories.
Le deuxième feu est une invitation à nous ouvrir aux autres pour créer une
danse épanouissante.
Le troisième feu est une invitation à libérer notre force et notre puissance
créatrice.
Le cinquième feu est une invitation à être présent en conscience dans l’ici et
maintenant.
Enfin, le dernier feu est une invitation à accueillir notre souffrance, pour
que le corps se détende et que le mental s’apaise.
Les 6 invitations
de la souffrance psychique
Si vous souhaitez obtenir des informations au sujet des conférences, stages et ateliers sur
l’approche présentée dans ce livre, vous pouvez contacter personnellement l’auteur à l’adresse
e-mail suivante :
Ghislain@psyaparis.com
Ou via le site :
www.ghislainrubiodeteran.com