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Carol Pirotte est thérapeute psychocorporelle et transpersonnelle et

spécialiste des psychotraumatismes. Elle travaille depuis longtemps


sur le thème de l’hypersensibilité, auquel elle a dédié déjà deux
ouvrages et une chaîne YouTube.

Nicolas Souchal est praticien en psychothérapie transpersonnelle,


chercheur pluridisciplinaire et enseignant. Il s’intéresse aux liens
entre transformation personnelle et participation au plus grand que
soi. Il accompagne en individuel, en couple et en groupe
(notamment avec Carol), et anime des conférences, ateliers et
stages.

Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement


réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au
profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette
œuvre est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue
par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte
à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles
ou pénales.

Collection « Saverio Tomasella présente »


Conseil éditorial : Sophie Carquain
Édition : Bleuenn Jaffres
Maquette : Élise Bonhomme
Correction : IGS-CP
Design de couverture : Antartik
Illustration de couverture : Piranha Bouille
© 2021 Leduc.s Éditions (ISBN : 979-10-2852109-7) édition
numérique de l’édition imprimée © 2021 Leduc.s Éditions (ISBN :
979-10-285-1950-6).

Rendez-vous en fin d’ouvrage pour en savoir plus sur les éditions


Leduc.s
À toi, ma sœur,
Carol

À mes enfants, Maël et Adèle,


Nicolas
« Qu’est-ce qu’une puissance,
une puissance de vie ?
C’est le nombre de liaisons
qu’un être est capable de tisser
et d’entrelacer sans se porter
atteinte. Ou encore, c’est
la gamme chromatique
des affects dont nous sommes
capables. Dans cette optique,
vivre revient à accroître notre
capacité à être affectés, donc
notre spectre ou notre amplitude
à être touchés, changés,
émus. »
Alain Damasio, Les Furtifs
Préface

Carol Pirotte et Nicolas Souchal font partie de la grande famille des


chercheurs sur la sensibilité et, plus largement, sur l’être humain qui
chemine vers l’accomplissement de soi, l’épanouissement et l’éveil.
Pour chacune et chacun d’entre nous, ce chemin nécessite de
prendre le temps de guérir, de nous libérer de ce qui nous a
profondément marqué ou blessé.
Carol et Nicolas ont compris que cette longue quête passe par le
corps, c’est-à-dire par les sensations, les émotions et les intuitions.
La force de leur livre est de placer l’expérience corporelle au centre
de toute démarche de libération, de mise en conscience et
d’évolution. Cela rend leur ouvrage particulièrement vivant et frais,
tout en apportant à leur propos une authenticité rare dans le monde
de la psychologie. Ils ont tout à fait raison d’insister également sur le
temps nécessaire aux transformations profondes, temps personnel
et intime s’il en est, tempo lent par nécessité.
Nous partageons un immense respect et une même admiration
pour l’infinie palette de la sensibilité humaine. Pour nous, la
sensibilité est une fête, un trésor, un potentiel à développer et à
exprimer librement. Comme eux, je crois qu’il est nécessaire de
nous libérer des étiquettes et des catégories. Chaque sensibilité est
unique. Elle est merveilleuse. Plus elle est élevée, plus elle est
merveilleuse… Potentiellement, en tout cas, puisque certaines
personnes souffrent dans leur chair et croient trop rapidement que
leur sensibilité est à l’origine de leurs difficultés.
En réalité, nos souffrances peuvent être amplifiées par notre
sensibilité vive, donc vivante, mais elles ne découlent pas d’elle. Un
autre immense intérêt de ce guide est de montrer combien ce qui
nous trouble découle de nos expériences de vie, de notre existence
et de ses aléas, de nos croyances aussi. Heureusement, nous avons
en nous toutes les ressources pour nous dégager progressivement
de ce qui nous entrave, de ce qui nous fragilise répétitivement. La
sagesse profonde de notre être incarné, à travers notre corps
sensible, nous permet peu à peu de nous défaire de notre tendance
à rejouer nos traumatismes dans chacune de nos relations et
principalement dans les relations qui sont les plus chargées d’enjeux
affectifs.
Ce livre généreux offre de nombreux exercices à mettre en
pratique régulièrement pour trouver un équilibre plus profond, une
meilleure harmonie avec soi-même, mais aussi des outils qui
peuvent aider dans les moments d’accélération où nous nous
sentons débordés ou dans les périodes de coupure durant
lesquelles nous nous diluons, voire disparaissons.

Enfin, j’aime la confiance lumineuse de Carol et Nicolas dans un


avenir meilleur, pour chacune et chacun, autant que pour nos
communautés de vie et pour l’ensemble de la planète. Je partage
cette foi en l’humain, cet optimisme revigorant et inspirant. Je les
remercie de tout cœur pour leur courage et leur engagement.
À vous, lectrices et lecteurs, intéressés par la découverte de
moyens réels et efficaces pour mieux vivre votre sensibilité, que
vous soyez patient(e), thérapeute, enseignant(e), parent ou autre, je
vous souhaite de belles découvertes et une pratique
enthousiasmante de tous ces outils aussi utiles et nécessaires que
véritablement réconfortants. Vos avancées seront décisives pour
vous, illumineront votre vie et rejailliront sur votre entourage…
Saverio Tomasella,
docteur en psychologie
Introduction

« Lors de la campagne d’Autriche de 1809, un tiers de la Grande


Armée était composé de soldats de la Confédération du Rhin. À
l’apogée de l’Empire, plus de la moitié des troupes qui marchent sur
la Russie ne sont pas françaises mais représentent plus de vingt
pays différents… »
Ce livre ne parle pas de leur histoire…
De quoi parle-t-il ? Et à qui s’adresse-t-il, surtout ?
À vous. Et à nous tous qui traversons la vie, héroïquement, au
quotidien, sans même nous en apercevoir. Car, oui, la vie est un
sacré champ de bataille. Une sacrée aventure, jonchée d’épreuves,
de défis, de hauts et de bas, de trous et de bosses, d’obstacles, de
creux, de vides et de pleins. Un long fleuve, parfois tranquille –
parfois seulement.
Ce livre a été écrit à l’intention de celles et ceux qui ont parfois –
ou souvent – le sentiment que la vie est un tantinet – ou beaucoup –
trop intense, trop dure, trop stimulante et qui se sentent submergés
quand c’est trop fort pour eux, en ayant l’impression qu’ils ont un
problème ou que c’est le monde qui en a un.
De celles et ceux qui, submergés, réagissent trop vivement à leur
goût ou au goût des autres, et qui se disent que c’en est trop.
De celles et ceux qui se sentent parfois carrément de trop et qui,
désemparés, se coupent d’eux-mêmes, des autres et de la vie,
terrés dans un profond désarroi avec le sentiment qu’ils ne valent
rien et que la vie est abandon et trahison.
De celles et ceux qui se sentent divisés entre des voix à l’intérieur
d’eux qui ne cessent de vouloir des choses différentes, dont un juge
terrible qui les accable et mine leur estime d’eux-mêmes ou qui
rejette la faute sur les autres.
De celles et ceux qui souffrent de tous ces « trop » et qui portent
de surcroît des symptômes physiques, émotionnels et spirituels dont
les thérapies diverses qu’ils ont pu essayer ne parviennent pas à
venir à bout.

Ce livre s’adresse aussi à celles et ceux qui se perçoivent


« hypersensibles », ceux qui se sont fait diagnostiquer ou
soupçonnent être à « haut potentiel ». Il peut correspondre aux
personnes ayant des troubles « dys », toute autre spécificité voire
« atypisme », du moment où les « trop » ci-dessus mentionnés
résonnent dans leur vécu quotidien et dans leur histoire personnelle.
Il s’adresse également à celles et ceux qui ne se sont jamais
retrouvés dans une case mais pour qui la sensation du trop fait
partie du quotidien, les faisant souffrir.
Pour finir, ce livre s’adresse aux accompagnants, aux thérapeutes,
aux éducateurs et à toute personne dans la relation d’aide qui
peuvent se sentir démunis face à la souffrance de leurs patients,
clients, élèves ou étudiants et qui sont désireux d’intégrer une
nouvelle approche de la sensibilité, du traumatisme, de la douleur et
du soin.
La trame de ce livre a été construite pour vous accompagner, cher
lecteur, dans votre odyssée personnelle à travers la Vie.
Vous êtes certainement comme nous sujet à la submersion
(sensorielle, émotionnelle, intellectuelle, relationnelle…) et vous
vous considérez peut-être coupable ou honteux de cela. Ce livre a
été imaginé pour vous libérer de ces boulets, et vous
« empuissancer » tout en prenant soin de vous, de manière concrète
et pratique.
Ensemble, nous retracerons les origines de cette submersion (ce
« trop fort ») afin d’adresser les causes et non pas seulement les
symptômes. Nous poserons un nouveau regard sur la sensibilité
élevée pour faire un pas de plus dans la façon de l’appréhender et
de nous appréhender nous-mêmes dans notre sensibilité. Nous
explorerons les différentes stratégies de protection que nous avons
mises en place pour nous protéger de la souffrance et leur
intelligence singulière – la stratégie principale étant la coupure. Nous
explorerons enfin des chemins pour apprendre à nous réguler, c’est-
à-dire permettre à notre organisme de retrouver un état de sérénité
et d’ouverture, aussi bien en s’entraînant lorsque tout va bien que
lorsque nous sommes dépassés par ce trop.
Tout au long du livre, différents exercices, outils et pratiques vous
seront présentés sous forme de clés, de dialogues, d’exercices
corporels, de méditations…
L’idée globale de ce livre est de vous inviter à passer d’un « C’est
trop fort ! » parce que tout vous submerge à « C’est trop fort ! Tout
ça peut changer ! ». En effet, tout au long de ces pages, vous
découvrirez – et pourrez vivre – le pouvoir que vous avez de
transformer votre expérience et votre relation au monde, à travers un
corps avec qui vous faites équipe.
Ce livre s’adresse particulièrement à vous qui avez une intention
forte de transformation, qui êtes conscient que le travail ne se fait
pas par lui-même, et qu’il s’agit de s’engager pour que la guérison
opère. À vous qui êtes prêt à vous donner les moyens, même si
quelque part vous avez l’impression d’avoir tout essayé. Qui êtes
prêt à prendre la responsabilité de votre vécu, et à vous libérer de la
culpabilité. À vous qui voulez contacter votre pouvoir d’acteur de
votre vie, tout en acceptant de lâcher des croyances limitantes et
rassurantes et à vous mettre en mouvement pour contacter de
nouvelles ressources. À vous, enfin, qui avez envie de dire oui à la
Vie pour entrer dans le cycle du donner et du recevoir, même si c’est
un grand saut dans l’inconnu.
Notre intention est que ce livre puisse vous soutenir tout au long
de votre démarche. Qu’il soit un compagnon fidèle et astucieux pour
vous ramener à vous, au centre, dans l’espace des possibles. C’est
un livre « à vivre ». À explorer, à annoter, à porter sur soi. À
retourner dans tous les sens. À remettre en question et à éprouver
par votre expérience et votre réflexion personnelles. Nous aimerions
qu’il soit votre allié.
En l’écrivant, nous nous sentons reliés à vous. Vous pouvez aussi,
grâce à votre intention, vous relier à nous, chaque fois que vous le
voudrez.
Nous nous faisons une joie de partager avec vous ce chemin qui
est si fructueux pour nous et pour les personnes que nous avons le
bonheur d’accompagner au quotidien !
Avant-propos
Le contexte inédit dans lequel nous
écrivons ce livre

L’écriture de ce livre s’inscrit dans un contexte historique, social et


psychologique très spécial. Nous sommes à l’été 2020, quelques
mois après l’apparition sur la planète du fameux Covid-19, à l’origine
d’une situation sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Pendant
de longues semaines, plusieurs milliards d’individus, sur les cinq
continents, ont été confinés, assignés à résidence. Une grande
partie de la vie économique, sociale et culturelle a été mise sur
pause… le monde s’est arrêté !
Pendant cette période si particulière, nous avons dû adopter de
nouveaux modes de communication, d’organisation de notre
quotidien, de relation aux autres, à l’environnement et à nous-
mêmes, expérimentant aussi une nouvelle relation au temps, à
l’espace, au vide.
Dans ce contexte, nous avons, collectivement, été confrontés à
nous-mêmes, faisant émerger chez nombre d’entre nous des
émotions fortes, des questionnements existentiels, et parfois aussi
des élans de créativité magnifiques. Des talents insoupçonnés ont
émergé – rappelez-vous le nombre de vidéos qui ont circulé les
premières semaines ! –, mais aussi beaucoup d’impuissance, de
colère, de frustration, d’incompréhension et d’angoisse.
Au cours de ce confinement, un flot d’informations ont circulé dans
les médias et sur les réseaux sociaux, des informations
contradictoires, incohérentes, tantôt alarmistes, tantôt prétendument
rassurantes, laissant une large place au doute et à la confusion dans
nos esprits.
Tentant d’éclaircir la situation, de comprendre et de donner du
sens, nous, auteurs de ce livre, avons cherché, lu, écouté, regardé,
puisé à de nombreuses sources, les confrontant entre elles, à nos
propres croyances ainsi qu’aux idées que nous avions sur le monde
et sur la vie, afin de construire notre propre idée de ce qui se passait
là.
Et puis, à l’occasion de cette « retraite forcée », nous avons
plongé, au-dedans de nous-mêmes, dans des espaces intérieurs
d’une grande profondeur ; et aussi observé, du coin de notre fenêtre,
la nature qui s’éveillait au cours de ce printemps hors du temps.
Notre sensibilité s’est ouverte au vivant là-dehors et au-dedans,
nous avons nourri ce qui comptait, nos rêves, planté des graines.

À un moment, réalisant l’ampleur des privations de nos libertés


fondamentales, comme celle de nous déplacer librement, de
retrouver nos proches ou d’enterrer nos morts, nous nous sommes
demandé si nous ne vivions pas, collectivement, une sorte de
stupeur et de torpeur massives. Un figement d’ampleur planétaire
rappelant un des premiers symptômes du traumatisme.
C’est parce que le sujet du traumatisme était justement au cœur
du travail de recherche que nous effectuons en tant
qu’accompagnants et de nos discussions depuis plusieurs mois que
nous avons commencé à tisser des liens, à comprendre… Et si nous
étions tous, plus ou moins, traumatisés ? La situation actuelle ne
faisant que mettre en lumière cet état latent. Ce constat nous a
soufflés, et bien remués ! Nous avons réalisé à quel point, malgré le
travail que nous faisions sur nous depuis des années – sur les plans
psychologique, corporel, relationnel, spirituel –, et ce de manière
engagée, nous étions toujours en proie à de vieux démons, encore
et encore sujets à la réactivité ou à la coupure, avec l’autre,
l’environnement, ou avec nous-mêmes. Voilà d’autres signatures du
traumatisme.
Tandis que nous poursuivions ensemble notre réflexion, Carol a
alors commencé à mieux comprendre comment s’articulait la
question de l’hypersensibilité, l’une de ses spécialités, avec celle du
traumatisme ; et Nicolas à changer de regard sur sa pratique de
thérapeute, intégrant plus profondément la notion de « ressource »
dans le processus thérapeutique, en individuel et en groupe. Nous
avons commencé à percevoir que se cachait là un trésor, et à mettre
des mots sur une nouvelle façon d’être, ensemble ; et à
l’expérimenter plus directement.
Nous croyons qu’en faisant appel à nos ressources, individuelles
et collectives, intérieures et extérieures, de manière astucieuse et au
quotidien, nous pouvons vraiment nous libérer, peu à peu, de nos
vieilles peaux, et vivre notre sensibilité comme une merveille !

Ce livre est une invitation, un voyage vers ce Nouveau Nous, à


construire Ensemble.
Alors… vous embarquez ?
PARTIE 1

PRÉPARONS NOTRE
VOYAGE
CHAPITRE 1
COMMENT UTILISER
CE LIVRE

Avant de poursuivre, nous aimerions aborder quelques aspects qui


vous permettront de tirer le meilleur profit de ce livre.

UN PETIT CAHIER NE SERAIT


PAS DE REFUS !
Comme vous le découvrirez au fur et à mesure, cet ouvrage est
truffé de propositions, d’astuces, d’invitations et d’exercices destinés
à vous accompagner dans le passage d’un état de submersion et de
« trop » à un état de présence et d’ouverture intérieures, ainsi qu’à
bien d’autres bienfaits encore que vous découvrirez
progressivement.
Nous vous invitons à vous procurer ou à fabriquer un cahier pour
prendre des notes, gribouiller pendant que vous lisez, faire des
créations, répondre aux exercices et y consigner tout ce qui vous
viendra à l’esprit pendant votre traversée. Même si ce cahier n’est
pas indispensable, si vous décidez de le faire, vous serez surpris de
la richesse de son contenu une fois que vous le relirez.
Écrire, dessiner, consigner aide aussi à ancrer nos découvertes et
nos vécus à un niveau plus profond. Et se relire, bien des mois ou
des années plus tard, permet de célébrer une étape importante de
notre vie.

OPTION DICTAPHONE
Lors de certains exercices, vous serez invité à fermer les yeux
pour vous représenter des images, expérimenter votre ressenti
corporel ou aller à la rencontre de votre monde intérieur. À d’autres
moments, vous serez invité à faire des mouvements avec votre
corps.
Ce n’est pas très pratique de lire des instructions les yeux fermés
ou de bouger avec un livre à la main ; nous vous proposons donc
d’enregistrer les consignes des exercices précédés par le
pictogramme à l’aide d’un dictaphone ou de votre téléphone
portable.
Lorsque vous aurez enregistré ces consignes, vous pourrez les
écouter pour faire et refaire les exercices, une fois, deux fois, et plein
d’autres encore !

DES ÉTOILES POUR ÉCLAIRER VOTRE


CHEMIN
Afin de vous permettre de faire votre cocktail personnel, nous
avons placé 5 étoiles vides au-dessus de chaque exercice. Lorsque
vous testerez un exercice, vous pourrez évaluer sa pertinence pour
vous en remplissant une ou plusieurs étoiles selon votre échelle de
ressenti personnel. Cela vous permettra de repérer plus facilement
ceux qui fonctionnent le mieux en cas de crise, au moment de faire
votre choix d’exercices quotidiens1.
Aussi, vous remarquerez que certaines pratiques, notamment en
première partie du livre, n’ont ni titre ni étoiles. Celles-ci vous sont
proposées comme des étapes sur votre chemin pour vous mettre
dans les meilleures conditions pour avancer, ou pour illustrer notre
propos. Elles n’ont pas nécessairement vocation à être répétées.
Néanmoins, si elles vous parlent et que vous voulez les intégrer à
votre pratique quotidienne ou les refaire plus tard, sentez-vous libre
de le faire.

DES CONCEPTS À APPRIVOISER


Au fil de cet ouvrage, un certain nombre de concepts vous seront
présentés. Certains d’entre eux vous seront familiers, d’autres moins
et d’autres encore seront certainement totalement nouveaux pour
vous.
Même si vous ne connaissez ou ne comprenez pas tout tout de
suite, rassurez-vous ! Cela ne vous empêchera aucunement de
récolter les fruits de votre lecture. Peut-être que l’évocation de ces
nouvelles notions vous donnera envie d’aller plus loin en faisant des
recherches. Si ce n’est pas le cas, même si vous ne saisissez pas
de quoi il est question précisément, même si votre mental, lui, ne
sait ou ne suit pas tout, continuez votre lecture et laissez-vous sentir
comment ces concepts résonnent à l’intérieur de vous. À travers les
explications données, les exemples et les exercices proposés, vous
vous ferez ensuite une idée plus précise des notions.
Par ailleurs, il est possible que vous ne soyez pas d’accord avec
certains des concepts ou idées que nous avançons. Là encore, vous
n’avez pas besoin d’être d’accord avec tout ce que nous vous
présentons pour tirer profit de votre lecture. Si vous réprouvez
certains concepts, nous vous proposons de le noter et de faire une
pause pour voir ce que ça vous fait de ne pas être d’accord avec ce
qui est dit. Voyez si cela vous donne envie d’arrêter votre lecture ou
si, au contraire, cela vous donne de l’énergie pour aller au bout de
ce raisonnement qui s’oppose à vos croyances. Qu’est-ce qui se
raconte à l’intérieur de vous lorsque vous constatez qu’un concept
ne coïncide pas avec votre perception des choses, votre vision du
monde ? Pouvez-vous poursuivre sans que votre désaccord prenne
toute la place ? Voyez s’il est possible de garder un espace
d’ouverture et de curiosité, tout en respectant votre croyance qui ne
résonne pas avec ce que vous venez de lire.
En tant qu’auteurs, nous nous réjouissons de savoir que vous
pouvez ne pas être d’accord sur tout ce que nous vous proposons et
qu’en même temps il est possible de faire un bout de chemin
ensemble.

UNE MAJUSCULE POUR ILLUSTRER


GRANDEUR ET PROFONDEUR
Dans notre écriture, nous utilisons parfois des majuscules pour
traduire une certaine intensité ou un autre niveau de profondeur
associée à ce qu’un mot désigne.
Par exemple, si nous écrivons « la Vie », nous ne parlons pas de
la vie en général ou de la vie biologique, mais de la Vie en tant que
totalité, processus intangible et mystérieux, en éternel
recommencement, dans lequel tout naît, vit et meurt. Nous invitons
ici le lecteur à toucher du doigt la profondeur, le mystère ou la magie
de cette Vie qui nous traverse.
Pour prendre un autre exemple, la « Présence » n’est pas une
simple présence physique, mais fait référence à une qualité de
présence, au fait d’être vraiment Là, pleinement présent à soi, à son
environnement, à ce qui est.
De même que la lettre majuscule est plus grande, qu’elle se
verticalise, nous invitons le lecteur à percevoir dans la notion
évoquée par le mot ainsi érigé une dimension plus grande, plus
profonde ou plus subtile.

SI ÇA RÉSISTE, C’EST POUR UNE BONNE


RAISON !
Les sujets que nous allons aborder ensemble pourront
questionner des croyances profondément inscrites. Cela peut être
une expérience inconfortable, car la partie la plus archaïque de notre
cerveau perçoit le changement comme potentiellement menaçant et
cherche à s’en prémunir.
À cette fin, tout au long de notre vie, des stratégies de protection
ont été mises en place visant à préserver l’ordre et la continuité de
notre expérience. Ces stratégies, que nous saluons et remercions au
passage, nous ont permis de survivre lorsqu’elles sont apparues.
Elles nous accompagnent encore, pour beaucoup. Leur rôle est de
déclencher des messages d’alerte si elles sentent qu’il y a péril de
remise en question. Chacun d’entre nous a ses propres indicateurs
de résistance au changement. Pour certains il s’agira d’agacement ;
pour d’autres cela sera de l’inconfort physique, des palpitations, de
l’impatience, des manifestations émotionnelles, voire l’envie de
balancer ce livre par la fenêtre !
Cette résistance est tout à fait normale et bienvenue. Elle est là
pour veiller sur vous.
Nous vous invitons, au cours de votre lecture, à garder un œil
attentif sur votre état intérieur.
S’il vous arrive d’éprouver un tel agacement, nous vous proposons
de le noter et de reposer cet ouvrage, de respirer un bon coup et de
prendre le temps de vous laisser ressentir ces résistances, sans les
juger. Comme vous le découvrirez tout au long de ce livre, ces
résistances sont vos amies. Elles ont une très bonne raison d’être là
ainsi qu’une sagesse qui leur est propre, même si elles peuvent
vous contrarier par leur présence et qu’elles vous empêchent de
vivre. Soyez patient avec vous-même, écoutez la détresse de ces
parties de vous qui résistent et respectez votre rythme. C’est un
premier pas immense pour vous respecter et apprendre à vous
aimer en entier, dans toutes vos facettes.

LE RESSENTI CORPOREL
Ce livre part du principe que la Vie est intelligente, qu’elle ne se
trompe pas.
Notre corps est aussi intelligent car, entre mille merveilles plus
étonnantes les unes que les autres, il possède le pouvoir de
s’autoréguler et de s’autoguérir, pour peu qu’on soutienne ces
processus.
Dans la mesure où les blessures de notre histoire sont
enregistrées en premier lieu dans le corps et que c’est sur un plan
physiologique que les premiers blocages s’opèrent, une attention
toute particulière est accordée dans ce livre au ressenti corporel.
Dans de nombreuses propositions, vous serez invité à prendre
conscience de ce qui se passe au-dedans, dans une optique de
soutien de la mécanique d’autoguérison de votre corps. Cependant,
il peut s’avérer compliqué pour certaines personnes de poser
l’attention sur leur corps et de sentir ce qui s’y passe. Cela
s’explique car c’est le premier lieu où nous avons souffert. Et la Vie,
dans sa grande intelligence, nous a permis de nous couper de ce
corps, ou de certaines de ses parties, pour moins ressentir. Cette
protection nous a été et nous est sans doute encore précieuse.
Si jamais vous avez des difficultés à ressentir ce qui se passe
dans votre corps, ne soyez pas inquiet. Au contraire, cela veut dire
que votre corps cherche à vous communiquer quelque chose. Il a
besoin de temps, de douceur, de repos et, tout simplement, de se
sentir en sécurité.
Lorsque vous vous sentirez plus apaisé, reprenez la lecture du
livre et, à un moment donné, vous sentirez l’élan de tester un
exercice. Revenir à son corps peut nécessiter beaucoup de temps et
requiert énormément de douceur et de bienveillance envers soi.

Rien n’est jamais perdu et chaque petit pas est un pas de géant.
Soyez-en certain.
Le corps est prêt quand il est prêt. Il est comme une fleur : rien ne
sert de tirer dessus pour que ça aille plus vite. Respectez votre
rythme et le sien. Les retrouvailles, lorsqu’elles prennent leur temps
et qu’elles se font au bon moment, ont un goût de délice infini.

LENTEUR ET RONDEUR
Un des principes essentiels qui sous-tendent l’intégration
profonde, cellulaire, de ce que vous allez découvrir dans cet ouvrage
réside dans la lenteur.
La tendance à aller vite et à se dépêcher est une injonction très
répandue de nos jours. Le rythme général est celui de la rapidité et
l’impatience en est son corollaire.
Dans le royaume dans lequel nous nous apprêtons à pénétrer, les
règles du jeu sont inversées.
Il s’agit d’aller lentement, car c’est le rythme de nos structures
profondes. Le plus lentement possible. Autant lors de votre lecture,
pour vous permettre d’être en présence de ce qui se passe en vous,
que lorsque vous effectuez des exercices, notamment ceux qui
incluent le corps.
Tel le Petit Prince avec le renard, notre monde intérieur a besoin
de lenteur et de calme pour être apprivoisé et livrer ses trésors.

Si on pouvait imager l’énergie du « dépêche-toi ! », elle


ressemblerait probablement à quelque chose de très angulaire,
exigeant et aride. La lenteur nous invite, à l’opposé, à intégrer de la
rondeur, de la souplesse, de la douceur. Cette douceur et beaucoup
de bienveillance envers nous-mêmes sont des éléments
indispensables pour avancer harmonieusement sur le chemin
intérieur.
S’il vous plaît, prenez le temps. Votre temps.
Et si, parfois, vous vous sentez impatient, agacé, avec l’envie que
ça aille plus vite, c’est normal aussi. Dans ces moments-là, relisez
ces paragraphes et respirez un bon coup. Vous avez tout votre
temps… y compris pour vivre cette impatience qui exprime l’envie
d’aller mieux !

DES PRATIQUES QUOTIDIENNES…


Nous avons voulu créer un livre utile et pratique où chaque
proposition aurait un sens et s’inscrirait dans une intention bien
particulière.
Nous vous invitons à intégrer nombre de ces propositions,
signalisées par le pictogramme , dans votre vie quotidienne,
comme vous brosser les dents trois fois par jour… bon allez, deux
fois !, vous laver ou boire de l’eau.
Pour intégrer une nouvelle habitude, notre cerveau a besoin de
répéter encore et encore une action. Rappelez-vous : lorsque vous
avez appris à conduire ou à faire du vélo, cela a nécessité au départ
toute votre attention et de la régularité. Ensuite, ces gestes sont
devenus automatiques et se sont inscrits en vous.
De la même manière, si vous faites ces exercices régulièrement,
vous les maîtriserez à la perfection. Lorsque vous serez en difficulté,
stressé ou submergé par du trop, vous pourrez bénéficier de toutes
les ressources que ces exercices auront fait jaillir en vous puisque
vous vous serez entraîné quand vous alliez bien. De plus, les refaire
lorsque vous serez agité vous permettra de rétablir plus rapidement
le calme et de mieux traverser ce que vous êtes en train de vivre.

Il peut être tentant de faire ces exercices uniquement quand vous


ne vous sentez pas bien, mais leur efficacité ne peut pas être la
même si le chemin neuronal jusqu’à cette ressource n’a pas été
tracé au préalable dans votre cerveau en vous entraînant au
quotidien.
Pour parvenir à intégrer ces exercices dans votre vie,
certainement bien chargée, nous vous invitons à utiliser les
merveilles de la technologie : programmez votre Smartphone avec
des alertes, des alarmes, des rappels. Concoctez-vous la liste des
exercices que vous voulez faire cette semaine, ou bien gardez
toujours la même routine, si vous préférez. À vous d’être créatif,
d’élaborer votre cocktail personnel et de le faire évoluer.
Sachez que certaines des propositions vous plairont. D’autres
moins.
Il se peut même que des exercices ne vous parlent pas du tout et
qu’au lieu de vous aider ils génèrent chez vous de l’agitation et du
mal-être. Cela est vraiment normal. Nous sommes tous différents et
ce qui peut être très bon pour l’un peut ne pas l’être pour l’autre. Il
est très important que vous soyez à l’écoute de votre état intérieur :
si vous « ne sentez pas » un exercice ou qu’il vous procure un état
désagréable, arrêtez de le pratiquer car il y a certainement une très
bonne raison à cela.
Laissez-vous sentir ce qui est le mieux pour vous. Votre corps sait.
Et peut-être que, dans quelque temps, vous retomberez par
hasard sur un exercice qui vous avait moyennement plu, le
redécouvrirez et l’adorerez, tout simplement parce que vous aurez
changé. Laissez-vous l’opportunité de revenir de temps en temps
sur ceux que vous avez le moins appréciés car votre ressenti aura
pu changer.

… ET DES PRATIQUES POUR


LES MOMENTS OÙ C’EST TROP FORT
Nous avons aussi fait un choix d’exercices particulièrement utiles
en cas de crise. Il est bien sûr plus adapté de les tester quand vous
allez bien, mais ils fonctionnent bien même si vous n’avez pas eu
l’occasion de les pratiquer longuement.

Ces exercices seront illustrés par le pictogramme .

SI C’EST TROP INTENSE : FAITES-VOUS


ACCOMPAGNER
Les exercices qui vous seront proposés ainsi que la simple lecture
des chapitres pourraient éveiller de vieilles blessures et faire jaillir
des émotions intenses. Vous êtes aux commandes et votre ressenti
est la meilleure boussole. Si vous sentez que c’est trop, ne restez
pas tout seul : nous vous invitons alors très sincèrement à vous faire
accompagner par un professionnel.
Ce livre ne saurait se substituer à un accompagnement
thérapeutique ou médical de quelque nature que ce soit.
Par ailleurs, la voie thérapeutique engagée dans le lien est une
voie toute conseillée si vous souhaitez avancer sur votre chemin et
guérir vos blessures en profondeur.

L’ENGAGEMENT : UN GROS MOT ?


Qui n’a jamais rêvé d’une méthode magique qui transformerait ses
problèmes, sans efforts et dans la joie la plus absolue ?
Ce serait trop bien, non ?

Remettre l’ouvrage encore et encore, qu’il pleuve ou qu’il vente,


intégrer une nouvelle vision dans tous les étages de son être y
compris dans sa chair, tout cela n’est pas très attrayant pour la partie
de nous qui aimerait que la vie soit simple et aisée, et c’est tellement
compréhensible. Mais si nous voulons avoir des résultats durables, il
est indispensable de s’engager, vis-à-vis de nous-mêmes, à
parcourir le chemin avec courage et détermination.
Il est important d’être lucide : ce ne sera pas tous les jours
évident, mais le jeu (vous) en vaut la chandelle.
Le mot « engagement » a mauvaise presse dans notre monde de
consommation de « prêt-à-jeter ». Il peut éveiller la peur d’être
coupé de sa liberté, d’être contraint, emprisonné, sans issue.
Pourtant, s’engager, c’est exercer notre liberté la plus profonde à
choisir en conscience ce à quoi nous consacrons notre énergie vitale
et nos ressources.
C’est tellement beau de s’engager. De dire oui, quoi qu’il arrive. Et
surtout quand ce qui arrive n’est pas aisé.
C’est aussi indispensable si nous souhaitons accomplir des
choses qui ont de la valeur.

Approfondissement
Vous avez envie d’ouvrir votre esprit à une nouvelle manière de vivre
l’engagement ?
Installez-vous confortablement, veillez à déconnecter toute source de
distraction. Si cela est bon pour vous, nous vous invitons à fermer les yeux.
Prenez quelques instants pour laisser venir à vous le souvenir d’un moment
fort de votre vie où vous avez choisi de vous engager pleinement. Peut-être
était-ce auprès d’une personne, ou bien pour une activité, un projet, un
travail.
Si vous hésitez entre plusieurs moments, choisissez celui qui vous procure le
plus d’énergie et de joie en y repensant.
Si aucun souvenir d’engagement profond ne remonte à la surface, vous
pouvez vous rappeler un passage d’un film ou d’un livre où le personnage
s’engage corps et âme dans une action ou auprès de quelqu’un.
Peu importe la fin de l’histoire, qu’elle soit vraie ou imaginaire. Ce qui compte,
c’est le ressenti corporel que vous avez au moment où vous vous reliez avec
ce moment ou cette image d’engagement.
Observez ce qui se passe dans votre corps de manière globale et votre état
intérieur général quand vous y songez. Est-ce agréable ? Énergisant ?
Sentez-vous une envie de bouger ou bien des micromouvements se
produisent-ils à un endroit ou un autre de votre corps ?
Prenez le temps de goûter ce qui vous traverse. De vous laisser sentir ce qui
se passe très concrètement, au niveau de la matière corporelle, lorsque vous
vous engagez ou que vous vous reliez à la dimension de l’engagement dans
toute sa puissance.
Quand vous aurez suffisamment goûté cette sensation, vous allez pouvoir
terminer cet exercice. Ouvrez doucement les yeux et poursuivez votre lecture
ou votre journée.

Pour qu’il soit durable, l’engagement nécessite d’être nourri et


renouvelé. Il ne suffit pas de se dire une fois « Je le veux ». C’est
une décision profonde qui nécessite d’être validée et revalidée jour
après jour. Pour cela, vous pouvez vous reconnecter à ce moment
qui vous est apparu dans l’exercice ci-dessus et en particulier à la
sensation qu’il vous a apportée. Ce ressenti sera comme un fil
d’Ariane qui vous reconduira vers le feu de votre engagement.
Pour rendre votre engagement encore plus puissant, nous vous
invitons, si vous le sentez, à faire appel à un ou plusieurs proches de
confiance. Parlez-leur de votre envie de vous engager dans la voie
proposée par ce livre et partagez avec eux votre engagement. Cela
le renforcera.
Vous pouvez également leur demander de vous questionner sur
votre processus tout au long de celui-ci et de leur donner des
nouvelles une fois que vous aurez terminé le livre. Le fait de vous
engager avec la communauté (même s’il s’agit d’une seule
personne) est un cadeau précieux que vous vous ferez et qui peut
inspirer la personne qui en sera témoin. Qui sait, peut-être que votre
élan lui donnera envie de s’engager à son tour ?

L’INTENTION FORTE
Un des moyens pour ancrer l’engagement et le préserver au fil du
temps est d’être porté par une intention forte.
L’intention est la force intérieure qui nous meut dans une direction
précise.
Malheureusement, nous n’avons pas toujours accès au pouvoir de
notre intention car nous sommes souvent pris dans le quotidien,
identifiés à ce que nous faisons, et, errant mentalement entre le
passé et les projections futures, nous sommes ainsi non présents à
nous-mêmes.
S’il vous arrive de constater que vous êtes « à côté de vos
pompes » ou, en l’occurrence, de vous demander pourquoi vous
poursuivriez la lecture de ce livre ou pourquoi vous vous donneriez
la peine de faire les exercices, la proposition suivante a pour
vocation de laisser jaillir une intention que vous pourrez nourrir au fil
des jours afin qu’elle vous porte tout au long de cet ouvrage, et
même plus loin.

Approfondissement
Cherchez un endroit calme où vous pourrez vous installer sans distractions
pendant quelques minutes. Laissez-vous le temps de sentir à quel endroit
vous avez envie de vous poser. Il se peut qu’automatiquement vous
cherchiez à aller au plus simple, au plus connu. C’est normal. C’est le pouvoir
de vos habitudes qui cherche à vous faciliter la tâche. Prenez votre temps.
Puis installez-vous confortablement. Peut-être faudrait-il caler un petit
coussin derrière votre dos ? Ou ajuster la position de vos jambes, prendre
une petite couverture ou aérer un bon coup avant de vous lancer ? Prenez ce
temps. Cela fait déjà partie de l’exercice de vous laisser sentir ce qui est bon
pour vous.
Vérifiez une nouvelle fois : est-ce que vous êtes le mieux installé possible ?
Pouvez-vous encore améliorer votre confort ?
Si oui, faites les derniers ajustements nécessaires.
Une fois bien calé, prenez le temps de déguster ce que cela vous fait d’avoir
pris soin de votre confort en conscience.
Maintenant, fermez les yeux, si vous le souhaitez, et laissez-vous porter
par la réflexion suivante.
À l’intérieur de vous, nichée au creux de votre être, réside une partie qui sait
ce qui est bon pour vous. Ce ne sont pas des paroles ou des pensées qui ont
un avis, c’est tout simplement une partie qui sait, qui est mue par l’évidence
et qui ne doute jamais.
Peut-être n’avez-vous jamais rencontré cette partie.
Elle murmure, alors que d’autres parties de vous parlent si fort pour essayer
de se faire entendre enfin.
Que vous l’ayez déjà rencontrée ou pas, cela n’a pas d’importance. Que vous
croyiez si c’est vrai ou non n’est pas crucial non plus. Tentez l’expérience en
faisant appel intérieurement à cette partie-là en vous.
En avoir l’intention est suffisant.
Une fois que vous aurez fait cette « demande de connexion », vous pouvez
demander à cette partie de se manifester par une sensation, une image, une
couleur. Cela pourra vous aider à entrer en relation plus simplement avec
elle.
Si rien de concret ne se passe, tout va bien. Continuez l’exercice.
Partant du principe que cette partie sait ce qui est bon pour vous, vous
pouvez lui demander de vous mettre en contact avec une intention forte qui
vous permettra de suivre ce livre jusqu’au bout – ou toute autre action que
vous désirez accomplir.
Laissez venir les images, les pensées, les ressentis qui se présentent à vous.
Voyez comment ces éléments peuvent vous donner la motivation pour
avancer dans votre traversée. Peut-être s’agit-il d’un état que vous voulez
installer en vous ou d’un objectif que vous souhaitez atteindre ? Peut-être
est-ce plus flou, mais un ressenti fort agréable demeure et c’est la quête de
ce ressenti qui vous portera pendant votre traversée.
Tout est bon à prendre.
Et si vous avez l’impression qu’il ne se passe rien ou qu’au contraire
l’expérience éveille en vous des ressentis ou des émotions désagréables, il
est possible que cet exercice ne soit pas idéal pour vous sous cette forme-ci
et qu’il vous serait plus bénéfique de réfléchir à la question de manière plus
rationnelle.
Tous les moyens sont bons, du moment qu’ils résonnent avec votre forme
actuelle.
Si vous le souhaitez, notez votre intention ou dessinez-la dans votre cahier.
Elle aura une place importante, notamment quand vous douterez ou que la
paresse vous guettera.
ACCÉDER À VOTRE RESPONSABILITÉ
Par notre propos, nous souhaitons faire appel à votre désir de
devenir acteurs de votre vie. Cultiver votre capacité à prendre soin
de vous dans le présent en ne négligeant pas les blessures du
passé pour lesquelles vous n’êtes pas coupables.
Ce livre a pour vocation de créer une nouvelle narrative2 qui
prenne en considération l’intelligence de la Vie et des processus
qu’elle sous-tend, à savoir nous faire parfois réagir fortement ou
nous couper d’une partie de nous, par exemple.
Néanmoins, nous avons à prendre notre responsabilité sur notre
vécu actuel et la manière dont nous répondons aux événements
présents. Car si nous ne le faisons pas, nous laissons notre pouvoir
au passé, aux autres, à nos blessures. Prendre notre responsabilité,
c’est aussi reprendre notre pouvoir. Passer de la réaction
inconsciente à la réponse consciente, telle est l’invitation qui vous
est faite dans cet ouvrage.

Prendre toute sa part dans le vécu qu’est le nôtre requiert


beaucoup de courage.
Ce courage, vous l’avez.
Le sentez-vous ?
Il est là, tout proche.
Faites appel à lui. Il vous sera d’une grande aide, lui aussi.

1. Vous trouverez un index des exercices en fin d’ouvrage afin d’avoir une vue
d’ensemble des exercices proposés dans le livre.
2. Une nouvelle narrative est la manière dont les choses se racontent à l’intérieur
de nous, qui détermine notre façon de nous percevoir et d’interagir avec nous-
mêmes, les autres et l’environnement.
CHAPITRE 2
PETIT RÉCIT À L’USAGE
DE L’HYPERSENSIBLE
AVERTI

Pour certaines personnes, apprendre qu’elles étaient


hypersensibles, haut potentiel, dys ou autre a littéralement
transformé leur vie. Pour d’autres, c’était plutôt comme une
confirmation de quelque chose qu’elles pressentaient déjà. Pour la
plupart, comme dans le récit un peu plus bas, il y a eu un grand
soulagement mais des questions sont demeurées quant aux « à-
côtés » de ce vécu.
Longtemps, moi, Carol, j’ai cru que l’hyperréactivité,
l’hypervigilance, l’hyperémotivité et les autres caractéristiques
attribuées à la sensibilité élevée faisaient partie d’un trait de
caractère et qu’elles étaient inextricablement reliées à la nature de la
personne.
Ce nouveau regard a été un immense progrès.
Les recherches sur l’hypersensibilité, retranscrites dans des
ouvrages et autres supports, tels que des vidéos, des podcasts, des
articles, des conférences et des interviews, ont permis à tant de
personnes de se reconnaître, de commencer à prendre soin d’elles,
de cesser de se suradapter pour entrer dans le moule et tenter de se
normaliser. Elles ont permis de rétablir la dignité de tant d’humains
en quête de réponses et qui se sentaient démunis, seuls et
incompris.
Elles ont permis de créer des communautés de personnes
partageant le même vécu.
Le récit qui va suivre a été créé spécialement pour permettre aux
personnes hypersensibles de se reconnaître.

Lors de votre lecture, vous pouvez remplacer le mot


« hypersensible » par celui qui vous parle – « haut potentiel »,
« dys », « autiste Asperger », « atypique »… – afin de voir comment
cette histoire résonne chez vous.
Si aucune « étiquette » ne fonctionne pour vous, allez tout de
même jusqu’au bout de votre lecture et laissez-vous sentir comment
vous réagissez intérieurement.

“Qu’est-ce que ça m’a fait d’apprendre que je suis


hypersensible ?
C’était une révélation bouleversante ! Que dis-je : une
révolution ! Vous imaginez ce que ça fait de croire toute sa vie
qu’on est une sorte d’extraterrestre inadapté à la vie sur terre
et de découvrir, tout à coup, qu’il n’y a rien qui cloche chez
soi ? Qu’on est juste plus sensible que les autres ?
Ç’a été un soulagement immense que d’arriver à poser des
mots sur ce que je ressentais depuis toujours et que je
n’arrivais pas à nommer !
J’en ai pleuré, je l’avoue.
Et puis savoir que je ne suis pas la seule à être comme ça, ça
m’a tellement aidée !
Je l’ai aussi dit autour de moi. Que je suis hautement sensible.
Certains l’ont compris. Ça m’a fait tellement de bien ! D’autres
ont trouvé que c’était juste une excuse pour justifier mes
réactions quand elles sont trop intenses à leur goût. Ceux-là,
j’essaie de les ignorer parce que je vois bien qu’ils ne peuvent
pas – ou ne veulent pas – me comprendre. En même temps,
ça doit être normal s’ils sont moins sensibles que moi.
Pendant ma période de recherches sur la question, j’ai appris
que je suis plus sensible que beaucoup de gens aux stimuli.
La faim, le manque de sommeil, les environnements bruyants,
les émotions des autres : toutes ces choses et bien d’autres
me touchent et peuvent me submerger.
Maintenant que je sais que je suis plus sensible que les
autres, je fais gaffe à ce que je fais.
J’évite un maximum ces contextes qui me déclenchent du
stress et qui me mettent mal à l’aise. Du coup, j’ai arrêté de
faire pas mal de choses. Pour me préserver, précisément.
J’ai l’impression que ça va mieux depuis, même s’il m’arrive
d’angoisser de ne pas être en mesure d’éviter ces situations.
J’essaie aussi de faire plus de choses bonnes pour moi,
comme marcher dans la nature, écouter de la musique
apaisante et faire un peu de yoga ; même si j’ai du mal à m’y
tenir dans la durée, je vois bien que ça me fait du bien quand
je m’y mets.
L’ennui, c’est que parfois je ne parviens pas à éviter les
situations trop stimulantes.
Comme revenir dans ma famille ou avoir affaire à mon ex,
dans certaines situations au boulot ou quand les enfants sont
beaucoup trop excités après une longue journée…
Quand ces situations se produisent, j’ai intérêt à déployer des
trésors de patience pour ne pas “péter un câble”. Quand je ne
réussis pas à prendre assez sur moi, il m’arrive de crier sur un
proche ou d’exploser en sanglots. Je me sens ultrastressée,
j’ai mal partout ! Au ventre, au cou, au dos, à la vie. Je m’agite
dans tous les sens et j’ai l’impression de devenir folle ou d’être
hystérique. Les regards désapprobateurs ou embarrassés de
mes proches me le confirment, d’ailleurs.
Les nuits suivantes, je rumine en me répétant le scénario à
l’infini. Je dors mal. Je m’en veux de ma réaction ou de ne pas
avoir osé dire ou faire telle chose. Pis encore, je m’en veux
d’être comme je suis. D’être qui je suis. D’être, tout court.
Le lendemain, l’addition est salée. Mal dormi, plus irritable,
facilement déclenchable. Le cercle infernal est en route !
D’autres fois, c’est l’angoisse qui monte et qui devient peur
panique. Je n’arrive plus à me contrôler et me raisonner ne
sert à rien. Au contraire, ça me fait me sentir encore plus
angoissée car je sais bien qu’il n’y a pas de danger réel mais
je ne parviens pas à me détendre ou à lâcher prise malgré
toutes les explications du monde censées me rassurer.
Par moments, ce que je vis intérieurement est tellement
désagréable que je finis par disjoncter. Comme si je
m’absentais de moi-même. C’est étrange. Dans ces moments-
là, j’ai l’impression que mon corps est tout cotonneux. Je ne
réussis plus à parler, à comprendre ce qui se passe autour de
moi ou à faire quoi que ce soit. Parfois, quand je suis comme
ça, on me pose des questions ou on me parle et je ne
comprends même pas ce qu’on me dit. Je suis comme une
spectatrice muette de la vie.
Je peux passer des jours, des semaines, voire de longues
périodes dans cet état “à côté de mes pompes”. Et à la fois,
quand je suis dans cet état, il y a un mode automatique très
performant qui s’active et qui me permet d’assurer et de faire
comme si de rien n’était. Après, quand je n’en peux plus et
que je m’effondre, les gens ont du mal à comprendre ce qui
m’arrive parce qu’ils n’ont rien vu venir, vu que je parvenais à
faire semblant que je gérais. Je culpabilise beaucoup quand
ça arrive.
Au début, je croyais que ces états de submersion étaient le
résultat d’un trop-plein de stimuli, mais j’ai remarqué qu’il y a
des jours où je suis tranquille chez moi ou avec des gens que
j’aime et, comme ça, sans crier gare, je perds mes moyens, je
deviens irritable, susceptible, m’agace pour un rien, je deviens
toute crispée et la machine s’emballe. Et là, je n’y comprends
plus rien !
En dehors de ces moments de pics de stress, il m’arrive
régulièrement de me sentir envahie d’un vague mal-être. Dans
ces moments-là, j’ai l’impression de ne pas savoir ce que je
veux dans ma vie, de ne pas trouver l’énergie pour rêver ou
pour aller au bout de ce que je me suis fixé comme objectifs.
Je peux aussi avoir des périodes de déprime et m’en vouloir
pour cela.
Je sais qu’il faudrait que j’accueille cette hypersensibilité,
parce que c’est ma manière d’être au monde, mais je ne sais
pas, c’est difficile.
Bien sûr, je perçois les côtés jolis de la chose. Je sais que je
m’émerveille facilement, que mon intuition est précieuse et
que je vis la vie avec intensité, mais tout cela n’efface en rien
les difficultés. Ces passages à vide, ces submersions, les
grands moments – voire périodes – de solitude.
Et ce sentiment insidieux d’inadéquation.
J’ai tout essayé pour prendre soin de moi, me rendre plus zen,
voir les choses sous un autre angle, apprendre à
communiquer différemment, à méditer. Je ne compte plus le
nombre de séances avec des thérapeutes, les livres, les
vidéos, les stages, les séances sur un tapis, et même les
cours en ligne…
Ça va toujours un temps. Et après, l’obscurité me rattrape.
Je me sens impuissante et honteuse. Est-ce que je fais

quelque chose de mal ? „


Toute ressemblance avec des faits et des personnages actuels ou
ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit
d’une pure coïncidence…
Le récit que vous venez de lire vous parle-t-il ?
Vous sentez-vous concerné personnellement par la question de
l’hypersensibilité, par le haut potentiel ou une autre catégorie ?
Si oui, nous vous invitons à faire une brève exploration à travers
l’exercice suivant.
Sinon… vous pouvez aller boire un verre pendant que les autres
font l’exercice !

Approfondissement
Installez-vous confortablement et, si cela vous convient, fermez les yeux.
Prenez le temps de sentir le poids de votre corps. Octroyez-vous la possibilité
de relâcher les tensions accumulées dans votre corps en sachant que la
Terre, en dessous de vous, vous soutient totalement. Elle peut vous accueillir
entièrement y compris avec vos poids et tensions.
Une fois bien déposé, rappelez-vous le moment où vous avez découvert
l’existence de l’hypersensibilité. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez fait
le lien entre ce sujet et votre propre vécu ?
Peu importe si vous ne vous rappelez pas exactement le moment où c’est
arrivé. Il suffit que vous ayez l’intention de vous en souvenir pour que votre
corps s’en rappelle.
Au-delà des images qui peuvent affleurer ou pas, observez ce qui se passe
au niveau de votre ressenti lorsque vous appelez à vous ce souvenir.
Toutes les sensations, y compris minimes, sont les bienvenues.
Un petit tressaillement de l’épaule, le cœur qui bat plus vite, un frisson dans
le dos, des fourmis dans les pieds, les mains moites, une légère oppression
dans la poitrine, une ancienne douleur qui se réveille.
Tout est bienvenu et parfait.
En parallèle des ressentis physiques, détectez-vous une ou plusieurs
émotions ? des sentiments ?
Ce n’est pas important si vous ne savez pas les nommer. Il suffit de leur
laisser la place pour qu’ils puissent apparaître.
L’idée n’est pas de plonger dans ces ressentis et émotions, mais tout
simplement de les effleurer, pour ramener le souvenir à vous.
Maintenant, prenez quelques instants pour prendre conscience de votre état
intérieur global.
Quel est votre niveau d’énergie actuel ?
Finalement, était-ce une nouvelle positive, négative ou quelque chose de plus
complexe que ça ?
PARTIE 2

D’UNE
HYPERSENSIBILITÉ
SOUFFRANTE...
CHAPITRE 3
AUX ORIGINES DU « TROP »

L’HYPOTHÈSE HYPERSENSIBLE
Pourquoi est-ce que je me sens submergé quand je vis certaines
choses ?
Pourquoi est-ce que je réagis si intensément alors que d’autres
restent de marbre et me disent que j’en fais trop ?
Pourquoi est-ce que je me sens toujours trop… intense, prise de
tête, compliqué, chiant, susceptible, à fleur de peau… ?

Pourquoi est-ce que je me sens impuissant, toujours responsable


de tout, inadéquat ? Pourquoi est-ce que j’éprouve de la honte, de la
culpabilité et je me dévalorise si souvent ?
Pourquoi est-ce que je me sens trop… ? De trop ?
Des chercheurs en psychologie se sont penchés sur ces
questions et ils ont découvert que certains individus1 ont une
sensibilité plus élevée que la moyenne. Cette sensibilité élevée
implique, entre autres, un seuil de stimulation plus bas que la
moyenne. En effet, chez les personnes concernées a été identifiée
une capacité de traitement de l’information plus large et fine, qui les
rend plus sensibles aux stimuli intérieurs et extérieurs.
Aux extrêmes, une personne hypersensible peut aussi bien capter
des détails passés inaperçus par autrui et s’émerveiller des petits
trésors du quotidien que se sentir accablée et dépassée lorsqu’elle
se trouve dans un environnement trop stimulant pour elle, comme
dans un centre commercial ou pendant une fête.
À l’instar du docteur Elaine N. Aron et de son époux, le docteur
Arthur Aron, de nombreux auteurs, notamment outre-Atlantique, ont
suivi la piste de l’hérédité comme origine principale et réponse au
pourquoi de cette « hyperitude ». Sur le Vieux Continent, il est plus
courant d’entendre parler de « trait de caractère ».

Dans les deux cas, sauf exception, l’hypersensibilité est présentée


comme intimement liée à la nature de la personne.
Lorsque la sensibilité élevée pose problème à la personne qui la
vit, les thérapeutes lui conseillent le plus souvent de s’accepter telle
qu’elle est, de percevoir et de développer les aspects positifs de sa
surcaptation, de s’affirmer dans sa différence et d’éviter en
conscience les contextes trop stimulants, favorisant les situations
ressourçantes. Le but est d’identifier et de naviguer dans un seuil de
bien-être : ni trop de stimulation, ni pas assez. D’autres encore
préconisent une désensibilisation progressive.
Nous avons envie de vous proposer ici une troisième réponse au
pourquoi de ces « trop », qui ouvre à de nouveaux possibles de
libération et d’épanouissement personnel et collectif.
Pour appréhender au mieux ce que nous nous apprêtons à
évoquer, nous vous invitons à faire le plein d’espace à l’intérieur de
vous.
On fait de la place !
Commencez par souffler un bon coup.
Soufflez lentement. Encore, encore, encore, encore. Jusqu’au bout.
Puis inspirez.
Parfait !
Répétez l’opération jusqu’à ce que détente s’ensuive.
Maintenant, prenez quelques instants pour promener votre regard dans la
pièce où vous êtes, comme si vous la découvriez pour la première fois.
Vous pouvez laisser pivoter votre dos et votre tête pour bien voir l’espace qui
vous entoure.
Rappelez-vous les mots-clés : tout en lenteur et en douceur. Si c’était un
concours, le gagnant serait celui qui prendrait le plus de temps pour
regarder !
Laissez-vous surprendre par l’ambiance qui règne autour de vous, la palette
de couleurs qui vous entourent, la lumière présente.
Attardez-vous quelques instants sur l’objet qui attire le plus votre attention et
qui vous plaît le plus.
Qu’est-ce que vous aimez dans cet objet ? Quelle est sa forme ? sa couleur ?
Évoque-t-il de bons souvenirs chez vous ? Vous donne-t-il envie de le
toucher ? Fait-il émerger une sensation agréable ?
Prenez le temps de goûter ces sensations avec un regard curieux et naïf.
Si vous le souhaitez, vous pouvez fermer les yeux quelques instants pour
explorer comment vous vous sentez après avoir laissé vagabonder votre
regard. Si la sensation est agréable, prenez un moment pour vous laisser
imprégner par elle.
Maintenant, dirigez votre attention sur vos appuis corporels.
Sentez-vous le contact de votre corps avec le fauteuil, la chaise, le lit ou le
sol sur lequel vous êtes posé ? Si votre dos est soutenu, comment est-il
soutenu ? Qu’est-ce que ça vous fait d’être soutenu au niveau du dos ?
Comment est votre assise ? Prenez quelques instants pour vérifier quels sont
les endroits de votre bassin qui sont le plus en contact avec une superficie.
Et, parmi ceux-là, vérifiez s’il y a un côté qui est plus présent ou vivant que
l’autre.
À présent, vérifiez vos appuis au sol. Est-ce que vos pieds sont en contact
avec le sol ? Vérifiez dans quelle mesure vous les sentez présents. Peut-être
qu’un côté ou une partie de vos pieds a un ressenti différent. Quelle est la
température de vos pieds ? Quelles images vous viennent à l’esprit quand
vous vous reliez à vos pieds ?
Laissez-vous expérimenter ce que c’est avoir des pieds qui rencontrent la
terre, et la terre qui vient à votre rencontre à travers vos pieds.
Comment appréciez-vous le fait d’avoir des pieds toujours soutenus, quoi que
vous fassiez ?
Prenez votre temps pour sentir cela.
Après cette exploration, octroyez-vous quelques instants pour passer en
revue votre état intérieur global et retournez en douceur à la lecture ou à
votre vie.

Revenons maintenant à une autre origine possible de cette


hypersensibilité.
Pour cela, référons-nous au CNRTL2, qui définit la sensibilité
comme la « propriété des êtres vivants supérieurs d’éprouver des
sensations, d’être informés, par l’intermédiaire d’un système nerveux
et de récepteurs différenciés et spécialisés, des modifications du
milieu extérieur ou de leur milieu intérieur et d’y réagir de façon
spécifique et opportune ».
Le dictionnaire Le Robert définit le préfixe « hyper- » ainsi :
« Élément qui exprime l’excès, le plus haut degré ».
L’hypersensibilité pourrait donc être interprétée (et est souvent
vécue de l’intérieur) comme la propriété de réagir de manière
excessive, ou au plus haut degré, aux modifications du milieu
intérieur ou extérieur.
Si nous suivons cette piste, nous pouvons nous interroger : qu’est-
ce qui, en nous, réagit avant tout aux modifications du milieu ?
Pour illustrer cela, nous vous proposons un petit exercice.
Approfondissement
Dans un premier temps, prenez quelques instants pour vérifier dans quel état
intérieur vous êtes : comment est votre rythme cardiaque ? votre tonus
musculaire ? votre sensation corporelle générale ?
Vous pouvez noter vos observations dans votre cahier.
À présent, imaginez la situation suivante.
Vous marchez tranquillement dans une rue calme, en compagnie de
quelqu’un que vous appréciez.
La température est douce, la lumière est belle et tamisée ; elle filtre à travers
les arbres en vous réchauffant tièdement le visage tandis que vous vous
promenez.
C’est une après-midi parfaite où vous vous sentez comblé et heureux de
partager ce moment privilégié dans un environnement si paisible.
Soudain, vous entendez une sorte d’explosion dans votre dos. Vous vous
retournez immédiatement et vous apercevez une voiture dont le pneu a
explosé. La voiture continue à rouler, comme si son conducteur n’avait plus la
main dessus. En une fraction de seconde, vous réalisez que si elle ne
redresse pas sa trajectoire, elle pourrait vous heurter, vous et votre être cher.
Comment vous sentez-vous, après avoir imaginé cette scène ?
Observez-vous des changements dans votre ressenti corporel ? dans votre
rythme cardiaque, dans votre ventre, dans votre cou, dans votre respiration,
dans votre tonicité musculaire ? Quel est votre état corporel global ?
Y a-t-il des émotions particulières qui ont jailli en imaginant cette scène ?

Même si vous ne vivez pas « dans la vraie vie » la situation décrite


dans l’exercice ci-dessus, le simple fait d’imaginer cette scène dans
les détails a pu déclencher des changements physiques plus ou
moins importants en vous.

UNE BALADE DANS NOTRE NATURE


INSTINCTIVE
Pour revenir à la question initiale : qu’est-ce qui réagit en premier
aux changements d’un milieu ? C’est notre corps, avec différentes
modifications que nous pouvons observer aisément telles que
l’altération de notre rythme cardiaque, l’accélération de notre
respiration et la contraction de nos muscles.
Ces modifications de notre organisme sont commandées par la
partie autonome de notre système nerveux. Ce cerveau archaïque
que nous ne contrôlons pas volontairement a pour fonction
d’évaluer en permanence notre sécurité. Si, à la question « Suis-je
en sécurité ? », il estime que la réponse est « Non », parce qu’il
perçoit un danger, il va instantanément mettre tout en œuvre pour
nous sortir du danger, en augmentant, entre autres, notre quantité
d’énergie disponible pour faire face à la menace.
Grâce à son intelligence infinie, la Vie a développé chez les
reptiles et les mammifères – y compris chez nous, humains – trois
grandes réponses instinctuelles qui sont autant de recours pour
nous préserver au mieux du danger : combattre, fuir ou se figer.
Le combat, ce n’est pas compliqué : face à une menace, si notre
système nerveux estime que nous avons des chances de l’emporter,
il va nous engager dans la lutte.
Dans la nature – ou bien dans les documentaires animaliers –, il
est courant de voir des mâles se bagarrer pour déterminer qui sera
ou restera le leader du groupe.
Dans le cas de la voiture au pneu crevé, la partie primitive et
instinctuelle de notre cerveau qui gère notre survie va vite
comprendre qu’il serait mal avisé de vouloir jouer au plus fort avec
un véhicule en marche.
Cette option sera donc d’emblée écartée.
Encore une fois, ce n’est pas « nous » qui décidons, c’est notre
partie instinctive qui gère, avec son intelligence antédiluvienne, et
qui prend les commandes en cas de menace.
La fuite, comme son nom l’indique, implique de prendre nos
jambes à notre cou pour nous mettre hors de danger.
Elle se mettra en place si le combat n’est pas envisageable et si
les conditions sont réunies pour pouvoir échapper au danger en
fuyant.

Dans le cas de la voiture détraquée, il se peut que notre cerveau


réagisse en mode fuite et nous fasse nous écarter, nous et notre être
cher, le plus possible de la trajectoire de la voiture.
Comme pour le combat, ce n’est pas nous qui décidons de fuir ou
pas. Ça se fait. Ou pas. Selon des critères que nous ne maîtrisons
pas mais qui sont inscrits dans notre mémoire corporelle du fait de
leur pertinence validée par l’histoire de nos ancêtres et notre histoire
personnelle.
Le figement, ah ! le figement... Tout un poème, celui-là.
Cette réponse est activée automatiquement lorsque ni la fuite, ni
le combat ne sont possibles.
Pour mieux comprendre cette réponse, observez ce qui se passe
lorsqu’un chat attrape un lézard.
Au bout d’un moment, une fois que le chat s’est amusé avec lui, le
lézard semble mort. Il ne bouge plus. Il semble ne plus respirer. Le
chat, qui aime beaucoup « jouer » avec ses proies, va s’en
désintéresser, notamment s’il a le ventre plein.
Si vous continuez à observer le lézard, vous verrez qu’il reste
comme ça, « gelé », pendant un moment. Ensuite, comme par
magie, il « revient à la vie », fait quelques « pompes », puis s’enfuit
très rapidement.
Voilà un cas très concret de réponse de figement – et de
défigement consécutif.
Le figement est une réponse d’une grande utilité dans la nature. Il
crée de la distraction chez l’adversaire pour pouvoir mieux nous
enfuir, voire attaquer l’adversaire lorsque celui-ci aura baissé sa
garde, croyant que sa proie est morte.

Dans ce mécanisme, ce n’est pas comme si le lézard jouait à faire


le mort. Lorsqu’il est dans cet état, il est vraiment gelé – il est
ailleurs, en quelque sorte. Sa capacité à ressentir la douleur est
considérablement réduite, ce qui lui permet, s’il est croqué malgré
tout, de souffrir le moins possible.
Chez les humains, la réponse de figement survient lorsque nous
sommes trop submergés par l’événement et que la seule réponse
pour l’organisme est de se rétracter et de nous couper de nous, de
notre corps, de notre vécu, qui est beaucoup trop intense et
douloureux pour rester avec, en présence. Nous devenons alors
comme « gelés ». Pendant la réponse de figement, non seulement
nous sommes coupés de notre corps ou d’une partie de celui-ci,
mais nous nous retrouvons coupés des autres et de
l’environnement. C’est, pour ainsi dire, un graaaaand moment de
vide et de solitude.
Dans le cas de la voiture, il est fort possible que la terreur, un
sentiment de profonde impuissance et la confusion prennent le
dessus et que la réponse de fuite soit inhibée, pour enclencher à la
place la réponse de figement.
Alors, nous resterions là, hébétés, sidérés et privés de nos
facultés, le temps que l’événement touche à sa fin et que le danger
disparaisse.
Vous l’aurez compris, cette réponse n’est pas de notre fait. C’est
un mécanisme instinctif et inconscient qui a son intelligence.
Quelle que soit la réponse employée, face à une menace à notre
survie – on parle en général de « stress », ce mot étant employé
pour désigner à la fois la source du danger (la voiture, en
l’occurrence) et notre vécu subjectif (les sensations physiques et
l’émotion de terreur) –, notre corps génère une quantité incroyable
d’énergie pour nous donner toutes les chances de combattre ou de
fuir.

Si nous combattons ou fuyons, cette énergie est mobilisée dans le


combat lui-même ou pendant la fuite. Une fois cette énergie
colossale utilisée, l’organisme peut retrouver son équilibre.
Dans le cas du figement, le reliquat d’énergie reste piégé à
l’intérieur de notre corps pendant la phase de congélation.
Pour retrouver son équilibre initial, ou « homéostasie », le corps a
besoin d’évacuer le trop-plein d’énergie ; sinon, cette énergie
demeure à l’intérieur de lui indéfiniment, générant différents
symptômes que nous explorerons par la suite.

L’HYPOTHÈSE DU TRAUMATISME
Qu’est-ce que ça veut dire, évacuer le trop-plein d’énergie ?
Le brillantissime docteur Peter Levine, psychologue et
psychothérapeute américain créateur de la méthode de résolution de
traumatismes Somatic Experiencing®, s’est intéressé, entre autres, à
l’éthologie. Il découvrit par ses recherches que les animaux ayant
« figé » face à un danger mortel passaient un temps certain à se
défaire de ce trop-plein d’énergie en tremblant et en exerçant des
mouvements en apparence désarticulés avant de revenir parmi leurs
congénères.
Des éthologues lui expliquèrent que c’était leur façon d’évacuer le
stress et qu’une fois cette phase achevée les animaux ayant vécu
une menace de mort ne présentaient ensuite aucun symptôme de
détresse.
Chez nous, humains, c’est une autre paire de manches.

Il apparaît qu’en tant qu’espèce nous avons beaucoup plus de mal


à évacuer ce trop-plein d’énergie. Une des raisons est liée au fait
que nous avons développé un cerveau rationnel très puissant,
capable d’abstraction, localisé dans notre cortex préfrontal. Grâce à
ce cerveau, nous avons construit et inventé des merveilles. Nous
avons développé des cultures, affirmé des différences, élaboré des
pensées, conçu et créé bien des choses, réfléchi sur le monde et sur
nous-mêmes. Cela a fait de nous une espèce qui s’est distinguée du
reste du monde animal, jusqu’à se vivre comme séparée du vivant et
de la création.
Le développement de notre esprit rationnel, parfois très éloigné
des réalités physiques, et notre culture associée nous ont aussi
amenés à inhiber les réponses d’autoguérison que notre corps
mettrait en place naturellement si nous lui en laissions l’opportunité
et si nous soutenions ce processus.
Après avoir vécu une grosse frayeur, vous avez sûrement déjà
entendu une phrase du style « Calme-toi ! Ce n’est rien ! », lorsque
vous trembliez de peur et que vous claquiez des dents.
Les tremblements et le claquement de vos dents étaient
l’activation innée du processus corporel d’évacuation du stress.
L’intelligence de la Vie faisait à travers vous exactement ce qu’il
fallait, naturellement, pour que vous retrouviez votre équilibre. Mais,
lorsque vous avez entendu « Calme-toi ! Ce n’est rien ! », votre
cerveau rationnel a compris qu’il ne devait pas être inquiet parce que
« ce n’était rien ». Il a alors inhibé la réponse corporelle
d’autorégulation et gardé ainsi le trop-plein d’énergie provoqué par le
stress à l’intérieur du corps… indéfiniment. Dans l’attente que cette
énergie puisse enfin être libérée.
Les conséquences de cette inhibition font que nous avons
collectivement oublié le chemin pour libérer le trop-plein d’énergie, et
les émotions connexes de terreur et de rage, générées lorsque nous
vivons un moment d’effondrement intérieur face à une situation de
menace intense.
Cette énergie et ces émotions stockées ne disparaissent pas avec
le temps et, si nous ne leur permettons pas de s’évacuer, elles se
traduisent plus tard par divers symptômes.
En voici une liste non exhaustive, issue des travaux du docteur
Peter Levine et du docteur Bessel van der Kolk, psychiatre de
renommée travaillant sur le traumatisme et ses impacts sur le corps :
hypervigilance (être toujours sur ses gardes, sursauter
facilement),
hyperactivation (augmentation de la fréquence cardiaque et
respiratoire, agitation, tensions, impatience musculaire),
sensibilité extrême à la lumière et au son,
hyperactivité,
hyperréactivité,
sentiments et comportements d’impuissance et de
découragement,
sommeil difficile,
cauchemars et terreurs nocturnes,
impression d’être submergé et de ne pas arriver à sortir la tête
de l’eau,
rumination continuelle,
crises d’angoisse,
troubles obsessionnels compulsifs (TOC),
pleurs fréquents,
capacité réduite à gérer le stress,
montagnes russes émotionnelles,
réactions de sursaut,
activité sexuelle diminuée ou excessive,
problèmes de concentration ou de mémoire,
fatigue chronique,
diminution de l’élan vital,
sensation d’avoir l’esprit vide, comme si on était absent ou « à
côté de ses pompes »,
impression de ne rien ressentir, d’être comme mort,
difficulté à tisser des liens et à entretenir des relations
épanouissantes,
dépression,
peur de mourir, de devenir fou ou d’avoir une durée de vie
raccourcie,
sentiment de danger imminent,
maladies psychosomatiques telles que maux de tête, problèmes
de nuque et de dos, soucis digestifs…,
problèmes du système immunitaire et du système endocrinien,
maladies chroniques et auto-immunes.
Certains de ces symptômes vous sont peut-être familiers. Si tel
est le cas… bienvenue au club !
Il est possible qu’à la suite de la lecture de cette liste vous
éprouviez un état de fébrilité, de confusion ou que vous vous sentiez
offusqué. Cela est parfaitement normal. Nous avançons pas à pas
dans une thématique délicate qui peut éveiller craintes et inconfort.
Prenez donc quelques instants pour vérifier votre état intérieur. Si
ce n’est pas la forme olympique, que vous avez l’impression de
manquer d’air, d’être oppressé ou tendu à un ou plusieurs endroits
de votre corps, nous vous invitons à poser ce livre, à boire un bon
verre d’eau et à revenir à votre lecture un peu plus tard, lorsque
vous vous sentirez à nouveau en forme.

Souriez !... vous n’êtes


pas filmé

1.  30 % de la population, selon les recherches d’Elaine N. Aron et de ses


collègues. (Lionetti, F., Aron, A., Aron, E. N., Burns, G. L., Jagiellowicz, J., &
Pluess, M., « Dandelions, Tulips and Orchids : Evidence for the Existence of Low-
Sensitive, Medium-Sensitive and High-Sensitive Individuals », Translational
Psychiatry, 8(1), 2018.
2.  Centre national de ressources textuelles et lexicales.
CHAPITRE 4
À LA RENCONTRE
DU TRAUMATISME

Bienvenue de nouveau et bravo pour votre courage de vous


remettre à l’ouvrage.
Nous voici donc avec une liste de symptômes peu réjouissants
reliés à un mot fortement connoté : le traumatisme.
Peut-être que la première chose que vous vous dites, c’est : quel
rapport avec moi, puisque je n’ai pas été traumatisé ?

QU’EST-CE QUE LE TRAUMATISME ?


Collectivement, nous partageons nombre d’idées reçues à propos
de ce qu’est un traumatisme.
Il est courant d’associer ce mot à des événements
catastrophiques ou d’une grande violence, comme le fait d’avoir
vécu la guerre, une attaque terroriste, l’exil ou la torture, un grave
accident de voiture, la mort subite d’un proche ou des violences
physiques ou sexuelles. Mais d’autres événements considérés
comme banals peuvent également avoir déclenché un traumatisme :
une chute de vélo, une extraction pénible de dent, une anesthésie,
des disputes continuelles de ses parents, une humiliation publique
par un adulte sont autant de situations ayant pu faire déborder notre
système nerveux.
Chacun des événements décrits ci-dessus est un contexte
potentiellement traumatisant, mais le traumatisme n’est pas
l’événement en lui-même.
L’événement traumatique a bien lieu dans notre histoire, mais le
traumatisme en tant que tel est un processus qui se vit au présent,
détectable au travers de ses symptômes, qui nous permettent de le
voir ou de l’entendre, même si en soi il n’est ni visible ni audible.
Le traumatisme survient lorsque notre organisme est submergé et
dépassé par une expérience où il perçoit que sa survie est menacée
et qu’il vit un effondrement intérieur par le truchement du figement.
Lorsque le trop-plein d’énergie généré par l’organisme pour se
protéger ne peut être évacué par la fuite ou le combat, nous
expérimentons un sentiment de profonde impuissance et de terreur.
Au niveau corporel, cette charge énergétique s’imprime en
particulier dans nos muscles, qui ont été à un moment hypertendus
pour fuir ou combattre, sans que le mouvement vienne pour
exprimer et expulser ces tensions. Elle s’imprime aussi dans nos
fascias, ces structures qui enveloppent et relient entre eux tous nos
organes, nos muscles, nos os et autres tissus. Les fascias sont
comme une toile de fond qui interconnecte toutes les cellules de
notre organisme et, lors d’un traumatisme, c’est toute la structure qui
se tend, et qui enregistre l’information de figement.
Pour nous libérer de cette empreinte, il est vivement conseillé de
faire un travail corporel en profondeur avec un professionnel averti
sur la question du traumatisme et de son impact sur le corps.
Si toute cette énergie et ces émotions d’une immense intensité ne
trouvent pas une voie pour s’évacuer, elles restent imprimées en
nous, dans notre corps, dans notre psyché, dans notre monde
émotionnel, actives, cherchant par tous les moyens à être évacuées.
D’où l’apparition de multiples symptômes qui sont autant de
formes merveilleuses qu’a développées la Vie pour relâcher la
pression.

Le traumatisme n’est pas ce qui nous arrive depuis


l’extérieur, mais ce que nous vivons intérieurement
comme résultat de ce qui nous est arrivé.

Chaque personne réagit de manière très différente face aux


événements à potentiel traumatique. Ainsi, certaines ont traversé
des épreuves terribles sans avoir déclenché de traumatisme alors
que d’autres ont vécu des situations estimées moins graves par
notre culture et notre environnement, et en ont sérieusement pâti.
Quelle qu’ait pu être votre réponse face à un événement
submergeant, elle ne dépendait pas de vous, de votre partie
consciente. Elle relevait de votre système nerveux autonome. Ce qui
implique que ce n’est pas vous qui avez décidé de vivre les
événements de telle ou telle manière.
Si un ou plusieurs traumatismes se sont développés chez vous,
c’est parce que cela a été la réponse la plus intelligente que votre
organisme a pu trouver pour vous empêcher d’être écrasé par
l’événement en cours.
Et nous pouvons l’en remercier.

TRÈS IMPORTANT : si, actuellement, vous vivez une


situation traumatique où votre sécurité et votre intégrité
physique, morale ou émotionnelle sont menacées, vous
devez impérativement quitter cette situation et vous
mettre à l’abri. Aucune technique, approche ni méthode
ne vous sera utile tant que vous serez exposé à un
danger. Pire, elles pourraient vous amener, par excès de
contrôle, à inhiber la réaction instinctive saine de
combat, de fuite ou de figement-défigement nécessaire à
votre sauvetage.
Si vous ne vous en sentez pas la force, cherchez de
l’aide. Vous n’avez pas à vivre cela seul.

LES TRAUMATISMES
DE DÉVELOPPEMENT :
CES GRANDS OUBLIÉS
Peut-être n’avez-vous jamais vécu de situation que vous
considérez traumatisante et que, malgré tout, vous vous retrouvez
bien dans certains ou beaucoup des symptômes mentionnés dans la
liste.
Comme cela se fait-il ?
Il existe une autre source de traumatisme aux conséquences
douloureuses, qui est moins facilement identifiable et qui prend
racine à l’aube de notre existence : les traumatismes relationnels
précoces. Ils sont générés par des manquements vécus lors de la
période d’attachement, qui débute à la gestation et se poursuit tout
au long de notre toute petite et petite enfance.
Dans ce cas, il s’agit principalement de traumatismes « passifs »
provoqués par des choses qui ne nous sont pas arrivées,
contrairement aux situations traumatiques évoquées dans le chapitre
précédent.
Par exemple, nous avons pu manquer de la présence aimante et
bienveillante de nos parents lorsque nous avions peur et besoin de
réassurance, nous avons pu avoir un parent coupé de lui-même et
de ses émotions, même s’il était présent physiquement, ou bien un
parent très anxieux et dépassé par les événements, incapable de
nous aider à réguler nos propres états intérieurs – que nous-mêmes
ne pouvions gérer en raison de notre très jeune âge et de
l’« immaturité » de notre système nerveux ultrasensible de petit
bébé.
À chaque manquement, nous avons pu vivre un moment
d’immense détresse et de grande solitude, qui a organisé le
déclenchement du processus traumatique. D’autant plus si ces
manquements se sont répétés sur la durée.
Imaginez un instant un tout petit bébé allongé dans son lit.
Soudain, il est tenaillé par la faim ou il entend un bruit qui l’effraie.
Naturellement, il va exprimer son besoin de nourriture ou de
réassurance par des gémissements puis des pleurs, voire des cris,
si son besoin n’est pas satisfait. Si sa demande reste sans réponse,
l’enfant se sent totalement submergé et s’effondre intérieurement.
Puisqu’il ne peut pas remettre en question les manquements des
personnes qui l’ont à charge – qui représentent pour lui la
référence –, il finit par croire que ses besoins sont infondés et que, si
quelque chose cloche, c’est chez lui. Cela s’accompagne aussi en
général d’un sentiment de culpabilité et de honte.
De l’extérieur, les personnes responsables de l’enfant pourront
interpréter ses pleurs et ses cris comme un « caprice » puis le
figement et l’effondrement qui l’amènent à se taire comme un
apprentissage de la leçon et le développement de sa capacité à se
calmer tout seul ; ils passeront vite à autre chose.
Ces événements sont vécus si fréquemment qu’ils sont
considérés comme anodins. Alors que dans le corps ultrasensible du
bébé, muni d’un système nerveux très fragile et en construction, de
telles expériences sont en réalité des drames.
Lorsque la réponse au besoin vital de l’enfant est inexistante ou
insuffisante et qu’il manque de la réassurance de la part de ses
proches, il se voit privé de la possibilité de réguler son système
nerveux affolé. Celui-ci, pour supporter l’insupportable, va
fragmenter les parties les plus endolories qui ont reçu le choc sur les
plans physique, mental et émotionnel puis les mettre de côté, en les
« gelant » et en les isolant du reste de sa personne pour préserver
son intégrité globale.
Ainsi, une ou plusieurs parties du bébé demeureront exilées et
laissées pour compte à l’intérieur de lui, inaccessibles et à la fois
actives tout au long de sa vie, avec leur charge énergétique
traumatique figée dans l’âge où il se trouvait au moment où il a vécu
ce traumatisme.
Le manque de réponse au besoin de l’enfant ajouté au manque de
réassurance de la part de ses proches pour lui permettre de se
réguler et d’assimiler ce manque constituent des causes très
fréquentes de traumatisation dans la petite enfance et ont un impact
majeur sur la construction du système nerveux d’un bébé, en le
dérégulant en profondeur.
Les enfants ayant vu leurs besoins essentiels constamment
inassouvis auront, plus tard, le plus grand mal à être en phase avec
leurs propres besoins.
Le lien entre les traumatismes de l’enfance
et les problèmes de santé à l’âge adulte :
l’étude ACE
L’étude des expériences défavorables de l’enfance (ACE) est
l’une des plus grandes enquêtes sur l’impact de la maltraitance
et de la négligence pendant l’enfance sur la santé et le bien-
être plus tard dans la vie.
L’étude originale des ACE a été menée par l’Institut Kaiser
Permanente de 1995 à 1997 avec deux vagues de collecte de
données. Plus de 17 000 personnes ayant subi des examens
physiques ont répondu à des sondages confidentiels
concernant leurs expériences dans l’enfance, leur état de santé
et leurs comportements actuels.
Les chercheurs ont étudié la relation entre ces 10 ACE :
violence physique,
abus sexuel,
violence psychologique,
négligence émotionnelle,
négligence physique,
personne souffrant de troubles mentaux, déprimée ou
suicidaire à la maison,
membre de la famille toxicomane ou alcoolique,
témoin de violence domestique contre la mère,
perte d’un parent par décès ou abandon par divorce parental,
incarcération de tout membre de la famille pour un crime.
Les chercheurs ont constaté que ces expériences avaient un
impact profond sur les résultats de santé plus tard dans la vie.
L’étude ACE a révélé que le stress est un mécanisme
biologique. Les expériences traumatisantes n’arrivent pas
simplement aux enfants, elles se produisent dans leur cerveau
et leur corps. Le stress amène le corps à libérer du cortisol. Une
exposition prolongée à des niveaux dangereusement élevés de
cortisol – connus sous le nom de « stress toxique » – a un
impact sur la capacité du cerveau à apprendre. Ainsi, les élèves
victimes de traumatismes courent un risque accru d’échec
scolaire et sont souvent sous-performants ou ont des difficultés
en classe.
Les études se poursuivent à ce jour, ainsi que la collecte des
données sur les ACE et leurs impacts sanitaires. Certaines
recherches ont commencé à élargir la définition des ACE pour
inclure l’impact du racisme, de l’oppression et de la violence
communautaire.
Les chercheurs ont également trouvé des corrélations entre les
expériences suivantes et les résultats de santé à long terme
des personnes les ayant subies :
racisme,
pauvreté,
oppression systémique,
exposition à la violence communautaire,
microagressions,
discipline scolaire trop punitive.
Pour les enfants souffrant de quatre ACE ou plus :
risque 10 à 12 fois plus élevé de consommation de drogues
intraveineuses et de tentative de suicide,
2 à 3 fois plus de risques de développer une maladie
cardiaque et un cancer,
32 fois plus susceptibles d’avoir des problèmes
d’apprentissage et de comportement,
Aux États-Unis, 8 des 10 principales causes de décès sont
en corrélation avec l’exposition à quatre ACE ou plus1.
Les traumatismes relationnels précoces ou de développement que
nous venons de mentionner, et qui sont remarquablement décrits par
Aline LaPierre et Laurence Heller dans leur livre Guérir les
traumatismes du développement2, sont beaucoup moins connus du
grand public.
Nous pouvons estimer avoir eu une enfance « normale et
heureuse » et pourtant avoir été victimes de traumatismes de
développement.
Plus tard, les enfants dont le système nerveux aura été déréglé
commenceront à avoir, malgré eux, certains des symptômes liés au
traumatisme : certains pourront sursauter facilement, être à fleur de
peau ou prendre tout personnellement, faire des cauchemars ou
avoir peur de s’endormir, angoisser « pour un rien », exploser de
rage dans un contexte qui ne l’explique pas ou, au contraire, ne plus
avoir de sensibilité.

Face à ces réactions, les parents et l’environnement pourront


renvoyer à l’enfant qu’il en fait trop, qu’il fait du cirque, de la
comédie, que c’est un p’tit monstre, qu’il est trop pénible, difficile,
compliqué.
Ainsi, l’enfant apprend à craindre ses propres réactions qu’il ne
contrôle pas puisqu’elles sont commandées par son système
nerveux autonome. Un cycle infernal s’enclenche alors : par peur
d’avoir peur ou de surréagir, le petit met, par sa crainte, son système
nerveux encore plus en hypervigilance et en surtension, le rendant
encore plus à fleur de peau, hyperréactif ; il devient donc l’objet de
remarques, de punitions, de yeux levés au ciel, ce qui mine
davantage son image de lui-même et rend son sytème nerveux plus
sur le qui-vive, et la boucle infernale est bouclée.
Par ailleurs, l’enfant intériorise encore plus l’idée que quelque
chose ne va pas fondamentalement chez lui. Qu’il est trop. Qu’il est
de trop, cultivant secrètement une honte d’être ainsi fait, comme s’il
avait commis une faute profonde sans toutefois savoir laquelle.
En somme, il développe du mépris envers lui-même dans le but
de préserver ses parents et sa relation d’attachement avec eux.
C’est au cours de ces expériences que s’impriment en nous les
« croyances racines » à l’origine de la construction de notre
personnalité, de notre ego. Les « Je ne mérite pas d’être aimé »,
« Je ne suis pas assez », « Je suis trop », « Je suis seul »… Ce
point est essentiel, nous y reviendrons.

Peu importe si vous avez connaissance d’avoir vécu une


situation traumatisante ou si vous l’ignorez totalement,
vous pouvez « sentir » sa présence par le biais des
symptômes qu’elle fait émerger en vous.
La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez en faire
quelque chose, parce que c’est ici et maintenant que le
traumatisme se vit. Une fois détecté, vous pouvez agir
sur lui, dans le présent, car c’est là que tout se joue à
chaque instant !
C’est plutôt une bonne nouvelle, non ?

En plus des traumatismes que vous avez pu vivre


personnellement, il existe deux autres sources qu’il est important de
considérer :
les traumatismes transgénérationnels,
les traumatismes collectifs.
LES TRAUMATISMES
TRANSGÉNÉRATIONNELS
De nombreux chercheurs sont d’accord pour exprimer que les
traumatismes non résolus dans une famille, y compris – voire
surtout – ceux qui ont été tus dans les générations qui nous ont
précédés, peuvent être hérités par leur descendance, même si celle-
ci n’a pas connaissance de ce qui a eu lieu dans le passé.
Des sortes de loyautés inconscientes peuvent s’établir avec les
victimes ou avec les individus qui ont été à l’origine du traumatisme,
et un ou plusieurs de leurs descendants peuvent rejouer leur histoire
ou tenter de la résoudre, et hériter de leurs symptômes.

Certains chercheurs émettent même l’hypothèse que dans les


maladies dites « génétiques », c’est la mémoire du traumatisme non
résolu à l’origine de la maladie qui est transmise à travers les
générations, pas la maladie en tant que telle. Cette dernière serait
simplement l’expression organique du conflit cherchant toujours à se
résoudre.
Ce qui est hérité serait alors la charge du stress non encore libéré
à travers le système nerveux après le figement, lors de la situation
traumatisante, ainsi que les stratégies mises en place, les émotions
vécues, les attitudes de l’environnement, l’histoire qui se raconte
dans la famille… c’est-à-dire tout ce qui se vit autour et du fait de
l’événement originel. C’est ce que tend à mettre en évidence
l’épigénétique3 aujourd’hui.
La psychogénéalogie est la discipline qui étudie cette transmission
inter- et transgénérationnelle des conflits et mémoires traumatiques,
et des méthodes telles que les constellations familiales4 sont de
formidables révélateurs et outils de transformation de ces charges
qui circulent dans la sève de nos arbres généalogiques.
Et, de nouveau, bonne nouvelle : c’est ici et maintenant que ça se
passe, que ça se rejoue, dans nos relations et situations de vie
d’aujourd’hui.
« Euh… c’est quoi, la bonne nouvelle ? »
C’est que nous pouvons transformer le traumatisme ! Maintenant !

Rassurez-vous…
Vous n’êtes pas vos
traumatismes !

LES TRAUMATISMES COLLECTIFS


Pour ce qui est des traumatismes collectifs, il suffit de penser à la
crise du coronavirus : des millions d’individus se sont retrouvés, du
jour au lendemain, confinés pendant des semaines avec une
menace pour leur vie planant au-dessus de la tête, sans pouvoir
agir. Avec une crise économique majeure à la clé, un « retour à la
normale » masqué et plein de mesures de précaution où chacun voit
les autres comme de potentiels agents pathogènes et se considère
comme tel.
Cette situation a pu provoquer de grosses angoisses avec une
impossibilité de réagir, d’exprimer physiquement le stress ou de
libérer la charge énergétique contenue. C’est le cocktail parfait pour
créer un traumatisme collectif.
Si nous pensons maintenant aux guerres mondiales, aux zones de
bombardements, aux vagues de jeunes hommes qui partent au front
et que l’on ne reverra jamais et autres conflits à échelle collective, ils
ont généré des traces indélébiles dans le collectif. Dans le Nous.
Des traces qui ont besoin d’être traitées à la même échelle,
collective, si nous ne souhaitons pas en vivre les effets délétères et
les symptômes en tant que communauté humaine.
D’ailleurs, l’une des hypothèses que nous partageons avec des
chercheurs tels que Peter Levine ou Thomas Hübl est que, dans sa
grande intelligence et générosité, la Vie remet sans cesse en scène
les scénarios des conflits non résolus, nous offrant ainsi de
nouvelles opportunités d’en transformer l’issue.
Par exemple, en nous faisant revivre un contexte collectivement
traumatisant – enfermement, privation de liberté de mouvement, de
contact, ambiance générale de peur et de menace face à un danger
invisible –, la crise du coronavirus que nous vivons, et en particulier
le confinement, a pu faire ressurgir des mémoires de traumatismes
collectifs passés, comme les dernières guerres ou des épidémies,
tout en nous offrant l’opportunité de transformer nos manières de
réagir face au stress.
En particulier, cette crise multidimensionnelle est l’occasion pour
nous, collectivement, d’ajuster nos relations à la peur, mais aussi à
l’information, au chaos, au vide, à la solitude et à notre espace privé
– notre maison, notre chambre, notre corps.
La libération de la parole, à travers les réseaux sociaux, le fait de
renouer des liens, l’expression de la créativité, la mise à profit du
temps disponible pour apprendre, se former, créer ou encore
l’intériorisation féconde sont des exemples de sublimation ou de
transformation de la charge énergétique traumatique de manière
résiliante.
Pour certaines personnes, le chemin sera plus long et pénible,
notamment car il y a une vraie méconnaissance de la dynamique
traumatique dans notre société et tout particulièrement en France,
où cette dimension reste encore peu explorée et accompagnée. À
l’apparition des symptômes post-traumatiques, ceux-ci risquent
d’être subis de plein fouet, et vécus en outre comme des
dysfonctionnements honteux, plutôt que comme la résultante de
cette traumatisation individuelle et collective qui nécessite un soin et
une attention particuliers.
Certains groupes de populations ont vécu collectivement des
traumatismes dont ils portent encore les stigmates. Tout au long de
l’histoire, des groupes entiers de personnes ont été opprimés et
violentés du fait de leur appartenance à un genre ou une religion
donnés, ou encore à cause de leur couleur de peau ou de leur
orientation politique ou sexuelle.
À titre d’exemple, l’oppression subie par les femmes au cours des
siècles, notamment les violences physiques et sexuelles, constitue
une charge traumatique collective immense dont nous voyons
encore la manifestation dans toutes les sphères de la société.
Aujourd’hui, cette charge apparaît dans l’espace public, à la vue de
tous, sans doute parce que le moment est venu de guérir
collectivement de ces violences et injustices.

La peur est un des symptômes primordiaux du traumatisme


collectif avec, comme corollaire, l’impression d’une menace
potentielle ou imminente qui fait rester sur ses gardes, qui génère de
la méfiance et détériore les relations entre les individus. Le
sentiment de honte et d’humiliation partagée, une forme de crise
identitaire et l’impression d’être vulnérable en font également partie.
Une société collectivement traumatisée peut, du fait du figement et
de la peur dans lesquels elle se trouve, se soumettre à des régimes
répressifs voire totalitaires, prônant le sécuritarisme comme seul
moyen de rétablir l’ordre et la sécurité. Dans sa sidération, le collectif
peut aller jusqu’à accepter des normes très contraignantes et
disproportionnées, jusqu’à se voir supprimer ses droits civiques les
plus inaliénables, acquis au prix de luttes séculaires. Un peu comme
au jeu de l’oie où, si on tombe sur le drapeau pirate tout près du but,
on se voit dégringoler à la case départ !
Les traumatismes collectifs s’héritent aussi, génération après
génération. Si nous nous penchons sur notre histoire collective plus
ou moins récente, nous observons que toutes les communautés,
tous les peuples ont vécu à un moment donné une situation
hautement traumatisante. Guerre, migration forcée, famine,
épidémie, crise financière, crise sociale. Tout ce « capital
traumatique » est toujours là. Nous baignons dedans. Nous en
avons hérité et nous pouvons le constater par les symptômes de
détresse collective et les niveaux de souffrance dans lesquels nous
nous trouvons, en tant que communauté. Il n’y a qu’à regarder le
taux de suicide, de dépression, la consommation de médicaments et
de substances de tout genre pour avoir une petite idée de notre
niveau de traumatisation collective.

C’est l’angoisse ?
ARRÊTEZ TOUT
et respirez !

LE TRAUMATISME PRIMORDIAL
Il existe un autre type de traumatisme, plus fondamental que les
précédents : le traumatisme lié à la blessure originelle, celle de
prendre forme, sur terre. Un traumatisme profond, lié à la douleur
d’exister, à la souffrance de l’incarnation. Il est vécu à la fois au
niveau individuel et au niveau collectif puisque nous le partagerions
tous en tant qu’êtres humains du fait de venir sur terre.
Thierry Vissac5, enseignant et chercheur spirituel, propose un
travail merveilleux autour de cette blessure primordiale qu’il appelle
« la faille ». Il raconte que nous avons à l’intérieur de nous un
espace de vérité, de liberté, un espace vierge, pur, une essence que
nous tenons souvent à l’écart alors qu’elle est notre vraie nature,
notre vraie ressource, intouchable et immaculée. Cet espace
précieux a été mis de côté, contraint et opprimé. Nous nous en
sommes éloignés lors de notre incarnation pour ne pas souffrir la
douleur de ne pas avoir été reçus et accueillis dans l’immensité de
l’amour que nous étions. Nous nous sommes sentis trahis,
abandonnés, laissés pour compte par nos parents et nos proches.
Pour nous en protéger, nous nous sommes privés de l’accès à cet
espace unique de vérité et d’amour qui, néanmoins, demeure en
nous, quoi que nous fassions et aussi loin de lui que nous puissions
nous sentir.
Voilà le traumatisme primordial ou ontologique – qui concerne
notre être – que nous porterions également, chacun, au fond de
nous.
D’accord, le tableau dressé jusqu’à présent n’est pas très joli mais
point de découragement, le soleil n’est pas bien loin !

Je suis une algue6


Nous vous proposons un petit exercice tout doux tout bon qui va vous
permettre d’intégrer en douceur tout ce qui a été dit ci-dessus. Si vous
appréciez une musique douce et qui égaie votre cœur, nous vous invitons à
la mettre. Vous pouvez aussi faire cet exercice en silence.
Mettez-vous debout, avec suffisamment d’espace autour de vous pour bien
vous étirer dans tous les sens.
Commencez par imaginer que vous êtes une algue dans une mer toute
calme. Un léger courant vous entoure et vous caresse. Juste assez pour
vous faire bouger tout doucement dans un sens puis dans l’autre.
Puisque vous êtes une algue, vous n’avez pas d’os, ni de muscles, vous
ondulez simplement.
Vos mouvements sont très souples et lents. Vous bougez tendrement et
rondement.
Vous pouvez commencer en faisant de petits mouvements souples avec vos
doigts, vos mains, vos coudes, puis vos bras qui vont et viennent avec le
courant.
Observez comment votre respiration évolue au fil du temps.
Intégrez les épaules avec le plus grand soin et avec attention, permettez-leur
de faire de douces rotations et des mouvements « alguesques » tout doux.
Faites très attention à votre cou, à votre tête et à votre nuque. Laissez-les
onduler à la vitesse d’un escargot, encore plus lentement qu’ailleurs. C’est
une partie si fragile et importante de votre corps qui accumule beaucoup de
tensions. Nous ne voulons rien forcer et encore moins faire craquer.
Tout doux, c’est le mot-clé.
Suave…
Information très importante : le bâillement, les petits frissons, les courants
d’énergie qui se baladent d’un côté à l’autre du corps sont tous vos amis ! Il
faut les aimer aussi !
Si ce n’est pas encore fait, intégrez votre bassin au mouvement. Vous pouvez
le laisser aller en rondeur dans tous les sens, faire des 8 et conclure par des
ronds dans un sens puis dans l’autre.
Ne forcez surtout pas. Soyez à l’écoute de ce qui est bon pour votre bassin et
pour vous.
Poursuivez avec vos jambes. L’une après l’autre. Permettez-leur d’osciller
tout doucement avec le courant. Vos pieds aussi. L’un à la suite de l’autre. En
faisant des petits ronds, des mouvements désarticulés.
Une fois que tout votre corps sera « alguifié », quand vous sentirez que le
mouvement a envie de s’arrêter, suivez votre élan et cessez tout mouvement.
Restez comme ça, debout, pendant quelques instants et laissez-vous sentir
votre état général.
Percevez-vous des sensations, aussi minimes soient-elles, dans une ou
plusieurs parties de votre corps ? Permettez-leur d’être là, avec vous en
témoin.
Comment « goûte » votre corps sur un plan global à cet instant précis ?

1. Source : Head Start – Early Childhood Learning and Knowledge Center


(ECLKC), https://eclkc.ohs.acf.hhs.gov/publication/trauma-adverse-childhood-
experiences-aces
2. Laurence Heller et Aline LaPierre, Guérir les traumatismes du développement,
InterÉditions, Paris, 2020.
3. L’épigénétique est la science qui étudie l’influence de l’environnement sur
l’expression des gènes.
4. Les constellations familiales sont une méthode de thérapie familiale
transgénérationnelle créée dans les années 1990 par Bert Hellinger, ancien prêtre
allemand devenu psychothérapeute, basée sur la mise au jour de l’inconscient
familial. Leur objectif est de résoudre les conflits afférents au système familial par
le biais d’une mise en scène dans l’espace et d’interactions entre les individus
représentant des rôles pour la personne dont la problématique est traitée.
5. www.istenqs.org
6. Exercice issu de l’Internal Somatic Psychology et adapté dans la forme
proposée ici par la psychopraticienne en Somatic Experiencing® Florence Dewulf.
CHAPITRE 5
ET APRÈS
LE TRAUMATISME…

LES DÉCLENCHEURS : TICKET EXPRESS


VERS LE PASSÉ
Vous l’avez compris, la mécanique du traumatisme se déroule en
permanence, en sous-marin, « en dessous » de nos expériences du
quotidien, la charge emmagasinée cherchant à se libérer d’une
manière ou d’une autre.
Ainsi, comment cela se passe-t-il au présent ?
Dans notre vie de tous les jours, les événements qui nous arrivent
peuvent « déclencher » notre système nerveux et le faire passer en
mode « alerte au danger ».

Un déclencheur est une stimulation intérieure ou extérieure


corrélée à une charge traumatique. Lorsqu’un déclencheur se
manifeste, la charge traumatique reliée va se réveiller, nous
replongeant immédiatement dans le passé, avec les émotions et le
ressenti que nous avions lorsque nous avons expérimenté ce vécu
traumatique.
Parfois, les déclencheurs sont clairement identifiables et identifiés
et nous savons pourquoi nous éprouvons une montée de stress.
Pour les personnes au système nerveux autonome réglé en mode
ultrasensible, il y a tout un tas de situations qu’elles identifient
clairement comme déclenchantes. Passer à la caisse d’un
supermarché bondé, sortir en boîte de nuit, aller (ou vivre) en ville,
l’approche des fêtes de fin d’année, des vacances d’été ou d’une
autre période symbolique, être invectivé par quelqu’un ou aller chez
le coiffeur peuvent être des situations déclenchantes qui seront
estimées neutres par d’autres personnes.

“À l’approche de mes lunes (mes menstruations), plus


précisément au jour 22 de mon cycle, je sais qu’une sorte de
force revendicatrice et justicière s’empare de moi. Lorsque je
suis dans mon “jour 22”, je peux remettre absolument tout en
cause. Quand je suis en contact avec cette force de vie-mort-
vie, je sais qu’un “rien” me déclenche et, si je n’y fais pas
gaffe, c’est les autres, mon entourage le plus proche, qui
trinquent. J’ai alors besoin de laisser la place à cette énergie
et d’entendre son besoin tout en la contenant, au lieu de la

laisser faire à tort et à travers. „


Carol

D’autres fois, les déclencheurs sont moins clairs : une personne


croisée dans la rue, une odeur, une phrase entendue à la volée, un
bruit, une tonalité de lumière, une scène de film, une pensée furtive,
un changement d’atmosphère, un échange avec quelqu’un peuvent
déclencher notre système nerveux et le faire passer en mode alerte.
En réalité, tout, à l’extérieur comme à l’intérieur de nous, peut être
un potentiel déclencheur, appuyer sur le bouton ON, c’est-à-dire
« Alerte rouge ! » sans même que nous ayons pu identifier sa
source, ni compris la relation entre le déclencheur et le traumatisme
associé. Notre système nerveux a sa propre sagesse et sa mémoire
bien à lui et il fait son travail du mieux qu’il peut avec les moyens du
bord. Même si nous ne comprenons pas tout.
Pour certains d’entre nous, la vie a pu s’écouler plus ou moins
paisiblement et, un beau jour, patatras ! Un événement survient et
c’est la déferlante de symptômes inexplicables. Une personne qui ne
pleurait jamais peut se sentir émue à tout bout de champ, quelqu’un
qui était à l’aise en société peut soudain vivre de la phobie sociale et
quelqu’un de plutôt serein voir apparaître des TOC (troubles
obsessionnels compulsifs) et se mettre, par exemple, à nettoyer
chaque surface des centaines de fois de peur d’y avoir laissé de la
saleté.
Ainsi, nous pouvons, à un instant T aller très bien, et, comme ça,
sans explication apparente, nous trouver mal, confus, agités,
submergés, etc., la seconde d’après.
Cela arrive lorsque notre système nerveux, qui évalue en
permanence notre sécurité, mais qui est réglé en fonction
ultrasensible, détecte un signe de danger à l’intérieur de nous ou
dans l’environnement et nous y fait réagir.
Lorsqu’il se heurte à un déclencheur, il se sent menacé et active la
réponse d’hypervigilance, de tension musculaire et d’autres
manifestations de stress, même si en réalité nous ne sommes pas
véritablement en danger. On dit alors que nous sommes
« déclenchés » ou « activés ».
Le souci, c’est que, lorsque nous sommes déclenchés, nous
croyons que la source de notre mal-être et de nos problèmes se
situe dans l’ici et maintenant.
« Bien sûr que c’est maintenant que ça se passe ! direz-vous
probablement. “Mon chef me parle mal tous les jours”/ “À chaque
fois, je me fais avoir dans mes relations” / “J’ai plein de dettes” / “Je
ne sais plus comment parler avec mes enfants”, etc. Ce sont de
bonnes raisons d’avoir mal ! »
Bien sûr, ces situations ne sont pas agréables à vivre, mais la
manière et l’intensité avec laquelle nous les traversons ne datent
pas d’aujourd’hui. D’ailleurs, si vous considérez une situation qui
vous affecte présentement et que vous allez au-delà de l’histoire qui
se raconte à l’intérieur de vous, si vous vous reliez à votre ressenti
intérieur, ne trouvez-vous pas un goût de déjà-vu ? Ou plutôt, de
déjà-vécu ?…
Malheureusement, lorsque nous sommes déclenchés, nous
sommes coupés de la source ou de l’origine de notre mal-être et,
nous trompant de cible, nous mettons toute notre énergie pour faire
cesser ce que nous estimons la cause de notre malheur – normal,
puisque personne n’apprécie de souffrir. Nous trouvons d’abord qui
ou quoi blâmer, puis nous nous agitons dans tous les sens pour
déterminer au plus vite des solutions à l’extérieur de nous, ou bien
nous tâchons de nous débarrasser de ce mal-être en l’évitant, en
nous distrayant, en nous anesthésiant ou en cherchant des
« pompiers » – des personnes qui nous proposent de s’en occuper à
notre place et de nous guérir de nos symptômes.
Or, tant que nous n’aurons pas déterminé la véritable origine de
notre souffrance qu’est le traumatisme, elle continuera à se
manifester, encore et encore, par le truchement de circonstances et
de déclencheurs divers et variés.
Toutes les manifestations de souffrance actuelle ont une origine
profonde. Il est très important d’en définir précisément la source pour
qu’elles ne rejaillissent pas plus tard, plus intensément, si nous ne
traitons que les symptômes.

Vous êtes partant pour un


court-circuitage du blues
ambiant ? Alors flashez ce
code1 !

Ce qui est à l’origine de notre stress actuel n’est pas le


fait d’avoir trop de travail ou de vivre une situation
éprouvante, mais puise sa source dans un endroit bien
plus lointain : le traumatisme.
Les situations contextuelles du moment ne sont que les
déclencheurs de ces mémoires traumatiques.

Dans la mesure où nous sommes munis de ce cerveau rationnel


qui réfléchit et qui cherche à donner un sens à notre vécu, cette
partie de nous va vouloir localiser l’origine du mal-être. Puisqu’il n’a
pas accès à la mécanique du cerveau reptilien et du système
nerveux dans son ensemble, il va utiliser ses propres outils
d’analyse en cherchant, de préférence, un responsable à l’extérieur.
C’est alors que se déclenche la dynamique de projection et qu’une
histoire se raconte à l’intérieur de nous pour justifier notre vécu. « Je
vis de l’agitation parce qu’Untel n’a pas encore répondu à mon
message », « Je ne me sens pas bien parce que je n’ai pas fini la
tâche que je devais accomplir », « J’angoisse parce que mon mari
ne pense jamais à fermer les volets de la maison la nuit », etc.
Nous vivons alors du stress au quotidien, avec ses multiples
réactions de protection et leurs conséquences dans notre monde
intérieur et dans nos relations avec les autres, alors que parfois rien
dans la réalité objective ne semble le justifier.

On réagit si fort ! Trop fort ?…


Alors que nous sommes conscients que notre réaction est parfois
disproportionnée par rapport à ce qui se passe réellement et
renvoyés à cette image de trop en faire, une culpabilité insidieuse se
développe, couplée à un sentiment de honte.
Et ça, ce n’est vraiment pas drôle. Parce qu’en plus de se sentir
nuls, inadéquats, on se sent très seuls et impuissants.
Et, comme nous l’avons évoqué brièvement plus haut, le pompon,
qu’ont identifié des chercheurs tels que Peter Levine, c’est que,
d’une manière totalement incroyable, la vie cherche à nous faire
revivre les situations traumatisantes que nous avons vécues par le
passé, pour que nous arrivions enfin à les résoudre et à évacuer le
trop-plein d’énergie et d’émotions retenues depuis lors. Ce
processus se nomme la « compulsion à la répétition », qui peut être
très culpabilisante pour les personnes qui la vivent.
Cependant, tant que nous ne mettons pas de la conscience là-
dessus, nous subissons encore et encore les mêmes scénarios par
le truchement d’expériences et de relations qui nous font vivre de la
souffrance. Lorsque ces situations se répètent, nous nous
considérons victimes de la vie, alors qu’elles viennent à nous
précisément pour nous permettre d’arriver à les résoudre.
Ce que le psychanalyste Carl Gustav Jung exprime parfaitement à
travers sa fameuse phrase : « Tout ce qui ne vient pas à la
conscience… Ce qu’on ne veut pas savoir de soi-même… Ce que
nous évitons de reconnaître en nous-mêmes, nous le rencontrons
plus tard sous la forme du destin. »
La compulsion inconsciente à la répétition serait donc une
stratégie très intelligente pour résoudre nos conflits passés, ce qui
explique pourquoi nous revivons encore et encore les mêmes
difficultés, les mêmes accidents, le même type de relation difficile,
alors que nous avons déjà travaillé sur nous, compris plein de
choses, etc.

Tant que nous ne libérons pas les mémoires traumatiques


jusqu’au niveau le plus profond où elles sont inscrites en nous, à
savoir le corps, nous ne pourrons faire cesser ces répétitions si
désagréables.
Mais cela veut aussi dire que si on s’y prend bien, il est possible
d’en guérir, et ça c’est la nouvelle super fabuleuse !

LES ÉMOTIONS : CES MESSAGERS


MALTRAITÉS
Les émotions, c’est la vie ! La vie qui se cherche, qui s’exprime.
La vie qui s’ajuste.
Du latin ex, « au-dehors », et movere, « mouvement », les
émotions sont ce qui nous met en mouvement vers le dehors.
Elles sont l’expression des mouvements de l’âme, incarnée dans
un corps ayant des besoins.
Chaque émotion est la signature d’un besoin cherchant à être
satisfait, et comporte deux composantes : information et
énergie.

Naturellement, elles nous transmettent un message (information)


sur le besoin, en même temps qu’elles nous fournissent l’énergie et
les types de « mouvements » (intérieurs et extérieurs) permettant sa
satisfaction :
la peur fait battre notre cœur, contracte nos muscles et
écarquille nos yeux lorsque nous sommes confrontés à un
danger, pour nous aider à y faire face en fuyant ou combattant ;
la colère mobilise l’énergie de notre ventre et de nos mâchoires
pour poser une limite, dire « Stop ! » ou « Non ! » lorsque nous
sentons que notre intégrité est menacée ;
la tristesse affaisse notre poitrine et fait pointer nos larmes, afin
de nous accompagner dans le deuil de ce à quoi nous étions
attachés et dans le retour à soi pour renaître à un nouveau
nous-mêmes ;
le dégoût nous amène naturellement à rejeter ce qui ne nous
convient pas (nourriture, comportement, pensée) ;
la joie nous ouvre le cœur et fait se dessiner un sourire sur nos
lèvres, pour nous inviter à savourer la satisfaction de nos
besoins.
Tout cela est simple et si naturel. Pourtant, vivre avec nos
émotions au quotidien n’est pas un long fleuve tranquille ! Nous
pouvons avoir tendance à nous laisser emporter par nos émotions,
et perdre complètement notre raison, notre discernement, notre
tranquillité intérieure. Ou alors nous couper de l’émotion, car « C’est
trop fort ! ».
Peut-être que la relation à l’émotion est si difficile car la
satisfaction de nos besoins – de sécurité, d’amour, de
reconnaissance, de protection en tout premier lieu – n’a pas été une
chose facile dans notre histoire personnelle.
Ces signaux d’alerte que constituent les émotions – dites
« négatives » –, lorsqu’ils se déclenchent, nous font vivre une
expérience plutôt désagréable ; évidemment, ils sont là pour nous
faire réagir !

Ces sensations désagréables, nous les connaissons bien, depuis


notre plus tendre enfance. Ce sont des sensations que nous avons
senties tellement fort… parfois sans obtenir de réponse ni de
satisfaction du besoin qu’elles exprimaient.
Si bien que nous pouvons avoir tendance à les rejeter aujourd’hui,
car elles portent la charge négative de ces expériences
douloureuses. Nous oublions qu’elles sont la réaction
merveilleusement intelligente d’un système intelligent – Nous ! – au
cours d’un processus intelligent, celui consistant à répondre à des
besoins.
Ainsi, bien souvent, en nous coupant de nos émotions, nous nous
éloignons de ce qui nous permettrait de retrouver notre équilibre et
de nous sentir bien.
Peu à peu, nous nous éloignons de nos ressentis, de notre
précieuse sensibilité, reléguée au fil du temps dans les profondeurs
de notre inconscient.
Et, lorsque nous ne sentons pas d’émotion, nous croyons que tout
va bien !
La réalité est alors que nous sommes coupés de nous-mêmes.
Coupés du monde, de la vie. Sans compter que nous ne satisfaisons
toujours pas nos besoins.
Triste tableau !
C’est ce que nous avons, chacun, plus ou moins appris à faire. À
être. La version de nous la plus éloignée de nous-mêmes.

Le moyen le plus simple et le plus efficace pour faire la paix avec


nous-mêmes, nos émotions et retrouver le chemin de notre intégrité
et de la satisfaction de nos besoins est d’écouter notre corps au
cœur de l’émotion. L’intelligence du corps est toujours à l’œuvre, à
chaque instant.
Lorsque je ressens une émotion, je peux me dire :
« Et si j’écoutais simplement cette émotion qui m’habite, ce qu’elle
me fait, quelles sensations sont présentes dans le corps et quels
mouvements intérieurs ces sensations cherchent à me faire faire :
immobilisation, retrait, repli, ouverture, action… ?
Est-ce que je peux simplement être avec, respirer avec ces
ressentis ? Accompagner ces mouvements en moi, sans couper,
sans juger. Rester en contact avec moi-même, même au cœur de la
tempête.
Simplement, respirer avec mes sensations. Être avec. »

Le premier bénéfice est que, cessant de résister à ce qui est là – à


savoir l’émotion –, nous cessons de souffrir. Il n’y a plus de « lutte
contre » mais une « ouverture à ».
Par ailleurs, nous nous donnons l’opportunité de trouver un
chemin vers la sortie, vers l’accomplissement du processus, c’est-à-
dire la satisfaction du besoin et la joie.
C’est seulement en écoutant et en satisfaisant nos besoins que
les émotions se calment.
Il est de notre devoir et de notre responsabilité de nous prendre en
charge. Nos parents ont sûrement été imparfaits – puisqu’ils sont
humains – et nous n’avons pas été satisfaits pleinement dans nos
besoins et nos attentes. Mais aujourd’hui, devenus adultes, nous
avons la possibilité de répondre à nos besoins, sans attendre que
cela vienne de l’extérieur. Et, pour cela, nous avons besoin
d’apprendre à écouter notre corps qui s’exprime à travers nos
émotions.
Par ailleurs, nous sommes conscients que nous rapproprier notre
palette émotionnelle ne se fait pas sur commande. Si nous avons
mis de côté certaines de nos émotions et surinvesti d’autres, c’est
pour une bonne raison. Le chemin pour revenir à soi et apprivoiser
chacune de nos émotions nécessite beaucoup de patience et
d’amour. Et parfois de l’accompagnement bienveillant d’un autre, qui
puisse nous guider dans notre monde intérieur, y compris dans les
zones marécageuses dans lesquelles il serait trop hasardeux de
s’aventurer seul.
Apprendre à dire non, ralentir, prendre soin de soi, lâcher prise,
s’affirmer… c’est un engagement quotidien.

J’ai un besoin
Pour vous aider à prendre soin de vous, nous vous présentons ci-après un
tableau récapitulant quelques-uns des besoins fondamentaux de l’être
humain.
Vous pouvez parcourir la liste et cocher ceux que vous estimez satisfaits
dans votre vie. Et vous célébrer pour cela !
Pour ceux qui ne seraient pas satisfaits ou pas complètement, que pourriez-
vous mettre en place comme acte concret pour aller dans le sens de leur
satisfaction ?
Aussi, en vous familiarisant avec ces besoins, vous vous aidez à les
reconnaître comme tels. Et, lorsqu’une émotion naîtra en vous la prochaine
fois, vous pourrez alors plus facilement identifier le besoin associé, qui n’est
pas satisfait. Reconnaître alors ce besoin et le nommer pour vous-même est
une clé pour sortir de l’identification à l’émotion tout en restant en contact
avec le besoin pour le satisfaire.
Notre vie quotidienne nous défie tous les jours, nous offrant chaque fois une
nouvelle opportunité de prendre soin de nos besoins en écoutant et
respectant nos émotions.
Bonne pratique !

Survie
Abri
Air
Confort
Contact physique
Détente
Douceur
Eau
Environnement sain
Espace
Exercice
Loisir
Lumière
Mouvement
Nourriture (au sens large)
Protection
Repos
Sécurité
Soins
Temps
Tendresse
Toucher

Intégrité
Assurance
Authenticité
Connaissance de soi, valeurs, rêves
Détachement
Équilibre
Estime de soi
Honnêteté
Recherche de sens
Respect de soi
Respect de son rythme
Sens de sa place
Sens de sa valeur

Autonomie
Affirmation de soi
Apprivoisement
Appropriation de son pouvoir
Calme
Espace pour soi
Estime de soi
Interdépendance
Liberté
Maîtrise
Solitude
Tranquillité
Vitalité

D’ordre relationnel
Acceptation
Accueil
Adaptation
Affection
Amour
Appartenance
Attention
Bienveillance
Chaleur humaine
Changement
Communication
Compréhension
Concertation
Confiance
Connexion
Contact
Continuité
Contribution à la vie
Coopération
Délicatesse
Direction
Discrétion
Douceur
Écoute
Égalité
Empathie
Engagement
Équité
Fiabilité
Fidélité
Flexibilité
Humilité
Inclusion
Intimité
Leadership
Lien
Loyauté
Mutualité
Ouverture
Partage
Présence
Proximité
Réciprocité
Réconciliation
Réconfort
Respect
Sincérité
Solidarité
Souplesse
Soutien
Stabilité
Transparence

Expression de soi
Accomplissement
Action
Clarté
Cohérence
Compréhension
Concision
Connaissance
Conscience
Créativité
Croissance
Évolution
Guérison
Lucidité
Nouveauté
Participation
Réalisation
Récréation
Recul
Responsabilité
Simplicité
Spontanéité
Stimulation

Célébration
Abondance
Beauté
Bonté
Communion
Deuil
Espoir
Goût d’expérimenter l’intensité de la vie
Harmonie
Humour
Inspiration
Jeu
Lâcher prise
Ordre
Paix
Plaisir
Sacré
Sagesse
Sens
Sérénité
Silence
Spiritualité
Transcendance
LA CULPABILITÉ : LA RACINE DU « MAL »
La culpabilité est au cœur de nos scénarios de souffrance.
Culpabilité face à nos réactions émotionnelles, à certains de nos
comportements ou actes, culpabilité face à nos ressentis eux-
mêmes, d’avoir telle ou telle émotion, voire d’avoir telle pensée,
culpabilité d’être tels que nous sommes (trop comme ci, pas assez
comme ça) et même d’exister.
Elle est un poison au sein de notre vie intérieure. Nous le savons,
et pourtant nous l’entretenons malgré nous, parfois consciemment
mais le plus souvent inconsciemment, au fond…
Mais attention ! Vous pourriez vite vous sentir coupable d’éprouver
de la culpabilité ! Gare à l’escalade !
Comment sortir de ce cercle vicieux ?
Et d’abord, comment fonctionne la culpabilité ? À quoi sert-elle ?
Comme pour une mauvaise herbe, il va nous falloir descendre à
sa racine pour nous en défaire. Enfin… vous pouvez aussi juste la
couper à ras du sol, et ça ira jusqu’à la prochaine fois. Mais si vous
voulez vraiment vous libérer de la culpabilité, il va falloir saisir le
problème à la base, et cela va nous obliger à descendre ensemble
en profondeur et à faire appel à notre clarté d’esprit.
Tout d’abord, la culpabilité est un sentiment, c’est-à-dire « un état
affectif complexe et durable lié à certaines émotions ou
représentations » (Larousse). Certains auteurs considèrent que la
culpabilité est un mélange de peur et de colère, retournée contre soi.
Nous trouvons ce regard intéressant et allons l’explorer.
Elle est aussi liée à une croyance associée à un jugement, celui
que nous avons fait quelque chose de mal.
Prenons un exemple : si je viens de dire un mensonge, de tricher
à un jeu, de faire preuve de mesquinerie ou d’accomplir un acte
répréhensible et que je suis pris sur le fait, j’éprouve naturellement
une gêne, de la honte – pas forcément de la culpabilité –, qui me
confronte à mon acte, transgressif d’un certain ordre établi. Cette
gêne, ou honte, est un mélange entre le plaisir d’avoir satisfait mon
élan et la peur d’être jugé pour cela ou de subir des représailles.
S’il n’y a pas de jugement ni de représailles, la peur se dissipe et
la gêne ou la honte avec. Je peux poursuivre ma vie.
Si je porte un jugement – sur mon acte ou sur moi-même –, alors
je vais ressentir de la culpabilité. Ce sentiment peut être considéré
comme un mélange de peur (celle d’être jugé ou des représailles) et
de colère (contre moi-même, d’avoir agi de la sorte). La culpabilité
vient donc de mon jugement et de cette colère que je retourne
contre moi-même.
Peut-être aussi que je sens de la colère contre le juge (que je suis
envers moi-même), car une part de moi considère qu’il est injuste !
En effet, je n’ai jamais voulu faire de mal. N’est-ce pas ? J’ai
simplement voulu gagner au jeu, obtenir quelque chose
gratuitement, tirer un profit, m’éviter des problèmes, etc. Si j’ai fait ce
que j’ai fait – quand bien même c’est répréhensible –, c’est avec une
intention positive, pour moi, en négligeant les autres, mais pas pour
nuire.
Alors pourquoi culpabiliser ?!
Essayons de démêler tout cela.
Pour mieux comprendre, prenons un second exemple : imaginons
cette fois que, lors d’un échange avec un proche, je m’autorise à lui
exprimer quelque chose qui ne me convient pas dans notre relation.
Cela fait des mois ou des années que je ne dis rien, que je subis. Et,
du fait du travail sur moi que j’ai entrepris depuis un moment, de la
confiance que j’ai peu à peu construite, j’ai le courage, cette fois-ci,
de m’affirmer. Bien sûr, j’ai pris soin d’y mettre les formes, de tenir
compte du lien, de ne pas juger ou faire de reproche, en parlant au
« je », en exprimant seulement mes ressentis, etc. Bref, je fais tout
ce qu’il faut pour que ça soit bien reçu.
Et là, patatras, malgré mes précautions, mon ami est terriblement
blessé ! Il se défend ou m’attaque, ou alors il est dans le déni… Mon
message passe complètement à côté. En fait, non, il a tapé en plein
dans le mille, mais l’autre n’est pas capable de recevoir ce retour de
ma part.
Il est fort probable que, dans une telle situation, je me sente mal,
avec un mélange d’émotions (surprise, peine, frustration, colère,
déception, honte…). Et il se peut que la bonne vieille culpabilité
repointe son nez :
« Euh… quelqu’un m’appelle ?!
– Non, non, c’est bon, tu peux aller t’recoucher.
– Si, si, j’ai bien entendu quelqu’un m’appeler.
– Grrr !… »
Bah voui ! On ne s’en débarrasse pas comme ça !

Même si j’ai tout fait bien comme il faut, je me juge ! « J’aurais dû


ci, j’aurais pas dû ça… » Et v’là qu’ça rumine pendant trois heures…
ou trois jours !
Nous voyons bien que la culpabilité peut surgir même si j’ai tout
fait en conscience et au mieux. C’est complètement irrationnel ! Et
c’est justement ça le problème ! C’est pourquoi il nous faut
descendre plus profondément.
La culpabilité, en fin de compte, est la croyance que « c’est ma
faute ». Que c’est moi qui ai fait quelque chose de mal. C’est-à-dire
la croyance en un Mal, d’une part, et l’idée que C’est moi qui ai fait
ce Mal. Mais est-ce que c’est vrai, tout ça ?
Si j’ai menti, triché ou blessé, je suis responsable de mon acte,
oui. Je peux « répondre de » – c’est le sens du mot
« responsable » : « capable de répondre de » – cet acte, c’est moi
qui ai agi, pas quelqu’un d’autre. Et je suis responsable de moi. Je
peux ensuite prendre ma responsabilité et m’excuser, tenter de
rectifier les choses, de restaurer l’équilibre en apportant une
compensation, etc.

Nous ne disons pas ici : « Vous n’êtes responsable de rien,


continuez de faire tout pareil, c’est parfait ! » Non, ce livre est
justement là pour vous aider à vous transformer, à reprendre votre
pouvoir, et cela passe par reprendre votre responsabilité. D’ailleurs,
nous vous renvoyons à l’exercice « Prendre sa part » qui, justement,
vous encourage à prendre votre responsabilité lors d’un conflit ou
d’un accrochage afin de vous libérer de la charge que vous
porteriez.
Donc responsable, oui. Mais coupable ?
Cela supposerait que c’est un moi conscient qui, délibérément,
serait à l’origine d’un acte en connaissance que « c’est mal ». Un
moi qui ferait le Mal. Un moi porteur du Mal. Est-ce que c’est cela
que je suis ? Vous croyez vraiment ça ?
Ou est-ce que je suis plutôt un moi conditionné, fruit d’une
éducation, d’une culture et surtout d’expériences douloureuses, et
qui cherche comme il peut à s’en sortir, à trouver de la sécurité, du
réconfort, de l’apaisement ?
Suis-je vraiment cet être fondamentalement mauvais – porteur du
Mal – ou un être fondamentalement bon, qui parfois, sous le stress,
ou du fait de blessures, de souffrances, va adopter des
comportements égoïstes, négligents ou maladroits ?
Et est-ce que c’est vraiment Moi qui suis à l’origine de mes actes,
lorsque j’agis ?

Ces questions nous amènent à deux réflexions fondamentales.


D’une part, suis-je porteur d’un Mal ? Et, d’autre part, suis-je à
l’origine de mes actes ? Suis-je à l’origine de mes émotions ? de
mes pensées ? de mes réactions ? En fin de compte : suis-je à
l’origine de moi-même ?
Ce sont deux questions profondes, et essentielles. Car si nous
parlons de culpabilité ici ce n’est pas seulement de la culpabilité que
je ressens lorsque j’ai fait ci ou ça. Celle-ci est simplement le réveil,
momentané, de la Culpabilité. Que je connais bien, qui est là, tapie
au fond de moi, depuis… longtemps ! Tel un fauve qui sommeille, et
qui peut surgir et rugir en un clin d’œil ! Et c’est cette Culpabilité que
nous souhaitons adresser. Une culpabilité profonde, lointaine,
existentielle. La culpabilité d’être inadéquats et d’avoir fait quelque
chose qu’il ne fallait pas.
Le péché originel ?!
Oui, c’est justement de cela qu’il s’agit. Au-delà de toute
considération religieuse ou culturelle – qui n’est pas notre prisme,
nous nous plaçons ici dans une lecture symbolique –, nous
remarquons que nous semblons en effet tous porter une forme de
culpabilité existentielle.
Denis Marquet explique très bien la genèse de la culpabilité
existentielle dans son livre passionnant Osez désirer tout2. En
explorant justement la Genèse (de la Bible), et en considérant
qu’elle nous parle non pas d’un homme et d’une femme (Adam et
Ève) qui auraient vécu un jour, mais de nous tous, ici et maintenant
(avec notre Masculin et notre Féminin), il met au jour le processus
par lequel nous nous détournons de notre Nature profonde en nous
divisant, et en voulant maîtriser le monde, par l’extérieur, générant
chaos, souffrance, honte et culpabilité.
Sans détailler ici son analyse lumineuse, prenons le temps de
résumer l’essentiel. Tout d’abord, force est de constater que nous ne
sommes pas à l’origine de nous-mêmes. Biologiquement ce sont nos
parents qui nous ont transmis la vie, psychologiquement c’est notre
éducation, notre culture, les événements qui nous ont affectés, et
spirituellement c’est… ? Mystère… C’est-à-dire que nous recevons
notre être, nous recevons le fait d’être, nous recevons nos émotions,
nos pensées… nous recevons Tout.
Et cela est difficile – voire terrible – pour nous, profondément, de
ne pas être à l’origine de notre vie, de la Vie qui nous traverse, de
nos élans, nos envies, nos émotions, de nos qualités ou de nos
limites, difficile de ne pas avoir le contrôle sur nous-mêmes. Difficile
aussi d’être imparfaits, inachevés, en perpétuelle mutation, au gré
du vent.

C’est alors qu’intervient la Tentation, symbolisée par le serpent, de


goûter au fruit défendu, fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et
du Mal, qu’il nous vend comme nous permettant de devenir comme
Dieu, croyant que cela pourrait combler ce vide existentiel de ne pas
être l’origine de notre être.
C’est ce que nous voulons tant : construire notre vie comme nous
l’entendons, façonner notre personnalité, être qui nous voulons être.
Vivre ce que nous voulons, maîtriser ce qui se passe. Faire nos
choix. C’est ce que nous croyons être la liberté, et le chemin de
l’accomplissement.
Ainsi, nous décidons de croquer le fruit, transgressant la mise en
garde de Dieu.
Et c’est la Chute ! Nous sommes jetés hors du paradis – là où
nous ne manquions de rien pourtant, où nous pouvions goûter à
l’abondance des fruits de l’arbre de Vie. Par cette décision de nous
séparer de Dieu – à travers le refus de l’écouter, c’est-à-dire de
recevoir notre Vie de cette Source intérieure qu’Il Est –, nous
« manquons la cible » – c’est ce que signifie le mot de la Bible que
l’on traduit par « péché ». Nous vivons alors exilés de notre Nature
profonde, de notre plénitude intérieure.
Nous sommes alors en relation avec le monde coupés de nous-
mêmes, en regardant les choses depuis l’extérieur, avec un œil qui
chosifie, au lieu de regarder depuis notre être intérieur, depuis l’œil
du cœur.
Et nous nous voyons alors comme de petites créatures,
impuissantes, vides d’intériorité. Et nous avons honte (une honte
analogue à celle d’être vus tout nus). Nous nous cachons alors… de
Dieu, que nous considérons avoir trahi ; et la honte que nous
sentions se transforme en culpabilité. La culpabilité existentielle de
nous être détournés de notre Source intérieure.
Nous nous sentons coupables d’avoir déserté notre être véritable,
qui est Un avec Dieu, sa Source.
Si nous vivons la vie depuis notre centre-cœur, qui reçoit tout à
chaque instant, sans interférer avec le Réel, cette conscience
sensible et vivante qui ne demande qu’à vivre, être touchée, affectée
et affecter, alors point de honte, point de jugement, point de
culpabilité. C’est l’innocence, la joie, le paradis.
C’est seulement lorsque nous remontons dans notre tête, croyant
pouvoir maîtriser ou contrôler la vie, nous coupant de notre senti, du
vivant, lorsque nous regardons depuis là-haut, depuis la tour de
contrôle, en nous séparant de nous-mêmes, de notre sensibilité, de
l’autre, du monde, et de notre Source que nous vivons l’enfer. Et la
culpabilité d’en être à l’origine !
Mais la bonne nouvelle est que, à chaque instant, nous pouvons
nous en libérer, et retrouver notre Innocence, notre Joie, notre
énergie première, en retournant dans notre corps, dans notre cœur,
et en nous laissant toucher, être touchés, en acceptant de nous
ouvrir et d’éprouver les sentiments qui nous traversent, en prenant le
risque d’être vraiment affectés, et même transformés, par la vie,
l’environnement, l’autre, le risque de plonger dans le grand chaudron
du Sensible et du Vivant…

Maintenant, reprenons notre second exemple, celui de l’ami qui


est blessé du fait de ce que je lui exprime. Sentir la culpabilité est
aussi un moyen de ne pas sentir la douleur de l’autre, qui fait mal si
l’on accepte de s’y ouvrir par empathie, un moyen de ne pas sentir
notre impuissance face à cette douleur, ce qui est vraiment difficile
pour nous.
Ou, dans un exemple où j’ai menti, triché ou volé, sentir la
culpabilité m’évite de sentir la honte, qui est plus profonde, plus
intime. Cette honte nous est insupportable. Alors la culpabilité prend
sa place.
Aussi parce qu’en restant dans la culpabilité, basée sur le
jugement (« C’est moi qui… »), nous entretenons le fantasme d’être
à l’origine de nous-mêmes, de nos actes, etc. – alors que nous
sommes simplement traversés par nos actes –, et la boucle est
bouclée. Le fantasme d’être à l’origine des choses et la peur
d’éprouver ce qui nous traverse – la douleur, la honte… –
entretiennent la culpabilité, qui nous permet de continuer de croire
que nous sommes à l’origine des choses, tout en nous éloignant de
nous-mêmes, ce qui génère de la culpabilité, etc.
Nous ne sommes pas à l’origine de nous-mêmes, nous ne
sommes pas à l’origine de nos élans ou de nos émotions. Ils nous
traversent. C’est ainsi. Nous pouvons lutter contre cela, ou
l’accepter, vivre la résistance, la souffrance et la culpabilité, ou
l’Humilité, l’Innocence et la Joie.
Nous sommes en réalité innocents, neufs à chaque instant.
Vierges de toute faute.
Nous sommes simplement le lieu où la Vie se goûte, à travers ce
corps vivant. Nous sommes l’Amour qui se cherche, à travers
l’acceptation de nous-mêmes dans notre imperfection, ici et
maintenant, l’Amour qui se cherche dans la découverte de notre
singularité, et la célébration de notre unicité.
Nous sommes cet espace de conscience au centre de nous-
mêmes qui peut accueillir toute cette Vie, toutes ces sensations, ces
perceptions qui nous parviennent, ou qui peut dire non, se fermer,
quand c’est trop fort. Et c’est aussi OK.
Nous ne sommes coupables de rien, mais seulement
responsables de ce joyau qu’est la Vie qui nous traverse, et ce joyau
qu’est la conscience qui nous est offerte.

Vous êtes totalement


parfait dans votre
imperfection.
Et vous êtes merveilleux
comme vous êtes
MAINTENANT !

Maintenant, fermez les yeux et prenez le temps de sentir résonner


tout cela. Simplement.

Approfondissement
Voici un mantra à écrire sur un Post-it et à coller sur votre miroir de salle de
bains. Vous pouvez aussi vous en faire un tatouage ;-)

Non, je ne suis pas coupable !


De rien !
Je suis même Innocent !
Je suis par contre Responsable,
De moi-même.
C’est-à-dire de la Vie qui me traverse.

LES STRATÉGIES DE PROTECTION :


NOS BOUÉES SALVATRICES
Avec un peu de chance et grâce à l’intelligence du vivant, le petit
être que nous sommes va développer une panoplie de stratégies
d’adaptation pour protéger ce qu’il a de plus précieux, son essence,
c’est-à-dire la partie la plus sensible et vulnérable, et préserver le
lien d’attachement avec les siens.
Ainsi, il gardera sa véritable nature dans son for(t) intérieur –
fermé à double tour – au profit d’un ou plusieurs personnages plus
convenables et mieux acceptés par les siens : le « faux self »,
auquel il finira par s’identifier, oubliant dès lors qui il est vraiment.
D’aucuns deviendront invisibles et se fonderont dans le décor,
d’autres seront de sages petits enfants en comblant tous les
souhaits de maman, d’autres encore deviendront brillants et
surinvestiront la sphère intellectuelle pour faire plaisir à papa – ou
l’inverse –, certains se projetteront dans un ailleurs, en allant « dans
la lune » ou dans des mondes parallèles ou imaginaires, d’autres
s’affirmeront en essayant de devenir les plus forts et d’autres encore
chercheront à devenir parfaits, beaux, irréprochables.
Parfois un peu de chaque selon les circonstances et les
interlocuteurs.
Grâce à ces stratégies, chacun a pu s’adapter à son
environnement et gérer l’insupportable, à savoir le fait de ne pas voir
ses besoins primordiaux comblés, dont celui de l’amour
inconditionnel.
Si vous êtes là, en train de lire ces lignes, c’est que ces stratégies
marchent très bien ! Vous avez réussi le « premier miracle », selon
Richard Moss3, nécessaire au développement d’un être humain,
celui de construire une personnalité individuelle, un ego, capable de
dire « Je suis moi » en s’identifiant à son corps, ses émotions et ses
pensées, tout en évoluant dans un environnement.
Et à la fois, malgré l’intelligence du machin, il est ici question :
de coupure,
de mise à l’écart de notre véritable nature,
de la constitution d’une charge énergétique colossale qui
cherche à se libérer et que nous retenons pour éviter qu’elle
explose et détruise tout sur son passage, par son immense
puissance,
par voie de conséquence, de l’apparition de symptômes qui sont
l’expression de cette nécessaire décharge pour évacuer la
pression.
Nous sommes là, finalement, en train de décrire d’une autre
manière ce que Sigmund Freud a découvert sur le fonctionnement
psychique, à travers les trois structures qu’il a identifiées :
un réservoir pulsionnel, le Ça (que Freud réduisait au seul
principe de plaisir, mais que d’autres psychologues ou
psychanalystes tels que Groddeck ont plus largement associé à
l’énergie vitale qui nous traverse, et dans laquelle nous pouvons
retrouver l’« énergie traumatique » que nous cherchons à
libérer) ;
l’intériorisation des interdits parentaux, le Surmoi, inhibant ou
freinant l’expression des pulsions (ou des tentatives de
résolution des traumatismes) ;
la résultante des deux, le Moi, en lien avec le principe de réalité,
intégrant l’élan vital et les contraintes de l’environnement
(réelles ou supposées).
Vous imaginez la quantité d’énergie que cela requiert de maintenir
muselée toute l’énergie en surplus créée lors de l’apparition de
traumatismes ? Elle est tout simplement colossale. Pas étonnant
qu’un des symptômes des traumatismes soit la fatigue chronique et
la perte de vitalité.
Si nous pouvions mesurer la quantité d’énergie vitale que nous
déployons à chaque instant pour éviter que ces bombes à
retardement explosent, nous pourrions probablement faire
fonctionner une centrale nucléaire pendant des années !
Vous vous demandez parfois où elle est partie, votre énergie ?
Elle vous fait cruellement défaut ?
C’est comme si vous manquiez de jus et de goût pour avancer ?
Ou bien une fatigue insidieuse qui s’insinue dès le matin, vous
donnant l’impression qu’un train vous est passé dessus ?
Pourtant, elle est là. Tout près. Dedans.
Juste (très) occupée à verrouiller pour préserver votre intégrité.
Pour tenir tout ensemble.
Vous pouvez convoquer une partie de cette énergie, tout en lui
permettant de continuer à accomplir sa fonction de protection.
Si votre énergie est mobilisée à faire tenir tout ce petit monde,
c’est pour une bonne raison : pour que vous continuiez d’exister, en
un seul morceau, instant après instant !

Approfondissement
Maintenant, l’idée est d’accéder à votre énergie vitale, en sécurité.
Adressez-vous à elle en exprimant votre souhait de goûter sa saveur.
Observez ce qui se passe en vous, suite à votre requête.
Allez-y, ne soyez pas timide… vous pouvez y aller, ça ne mord pas. Par
exemple, au niveau du cœur… sentez, c’est vivant… ça respire… c’est
chaud, et ça pulse…
Et dans le bas-ventre… au niveau du vagin ou des testicules. Sentez-vous
quelque chose ? Du désir, du plaisir ? Ou autre chose ?
Vous pouvez prendre le temps de goûter simplement les sensations. C’est là,
disponible, c’est à vous, c’est gratuit, c’est bon…
Bon, on vous laisse…

Un autre des symptômes que nous avons évoqué dans la liste est
celui de l’évitement. En effet, les personnes dont le système nerveux
réagit au quart de tour comprennent instinctivement que certaines
situations et relations déclenchent du stress plus que d’autres. Elles
vont tout naturellement chercher à éviter ces situations et ces
relations et, ainsi, circonscrire de plus en plus leur expérience.
Par exemple, peut-être n’avez-vous pas osé ou pris le temps,
dans l’exercice précédent, de descendre dans le bas-ventre, de
vraiment goûter les sensations. En effet, même pour ce qui pourrait
être agréable, nous avons appris à nous couper du senti. Si c’est le
cas, point de souci ! Vous êtes sur le chemin de retour à vous et
chaque chose arrive en son temps. Soyez-en certain.

1. « Le rire, en diminuant la concentration de cortisol (l’hormone du stress) dans le


sang, permet de déstresser instantanément.
De plus, lorsqu’on rit, notre corps déclenche une sécrétion d’hormones dont la
sérotonine et les endorphines qui procurent un effet de bien-être et aident à
réguler les humeurs.
Un bon fou rire avant d’aller dormir permet de s’endormir plus facilement, un bon
remède contre l’insomnie ! » petitpaume.com/article/rire-bon-pour-la-sante
2. Denis Marquet, Osez désirer tout. La Véritable Philosophie du Christ, éditions
Flammarion, Paris, 2018.
3. Ancien docteur en médecine, enseignant depuis trente ans une spiritualité non
dogmatique.
CHAPITRE 6
PLUS OU MOINS SENSIBLES

SERIONS-NOUS TOUS TRAUMATISÉS ?


Vous commencez probablement à vous dire que nous sommes
tous traumatisés !
Eh bien… oui. Nous sommes en effet tous traumatisés.
Cependant, ce n’est pas pour tout le monde pareil.
Il y a différents niveaux de traumatisation et nous sommes affectés
par les conséquences du traumatisme, chacun, à divers degrés. Du
fait des événements à l’origine du traumatisme mais aussi, vous
l’avez compris, de la manière dont nous avons individuellement su
ou pu gérer les choses, jusqu’à présent.
Le propos ici n’est pas tellement de nous situer les uns par rapport
aux autres sur une échelle mais plutôt de reconnaître que nous
sommes tous sujets à la coupure, à l’hyperréactivité, à la
submersion. Et c’est pour faire face à ces mécanismes dont nous
sommes l’objet au quotidien, malgré nous, individuellement et en
tant que société, que ce livre a été imaginé. Et ce pour vous aider à
reprendre votre place, peu à peu, dans votre vie !
Nous vivons dans un monde traumatisé, structuré et construit sur
des symptômes d’hyperréactivité et de coupure, de nous-mêmes,
des autres, de l’environnement, de plus grand que nous.
Bien sûr, comme ce monde est le seul que nous ayons jamais
connu, nous trouvons normal, par exemple, d’être tout le temps
pressés, en train de courir, en étant débordés, stressés, déprimés,
« burn outés », les yeux rivés sur nos écrans, à guetter la moindre
notification, le moindre bip, à nous évader de nos cœurs et de nos
corps en nous noyant dans du divertissement, de la nourriture, de
l’alcool, des jeux, de la sexualité, des rencontres éphémères, des
drogues, de la consommation facile, rapide, exigeant et s’exigeant
de la performance, nous suradaptant, « pétant des câbles », blâmant
l’autre, se blâmant soi, voulant tout contrôler, contrôler tout le
monde, tout surveiller, et cætera, et cætera, et cætera. C’est comme
ça que ça marche, non ?!

C’est n o r m a l…
Est-ce bien le cas ?
Est-ce bien normal, tout ça ?
Pour l’instant, nous ne pouvons qu’imaginer, de loin, à quoi
ressemblerait un monde détraumatisé, puisque nous ne connaissons
pas cela par notre vécu direct : nous sommes nés dans un monde et
dans une famille vraisemblablement traumatisés.
Comme Obélix, nous sommes tombés dedans en n’étant même
pas nés. Nous baignons dans ce jus un peu « traumacide » (ou trop
acide !) depuis toujours, mais, contrairement au héros gaulois, nous
pouvons en guérir !
À ce stade, vous pourriez vous dire : « S’il est vrai que nous
sommes tous traumatisés, pourquoi est-ce que tout le monde ne
démarre pas au quart de tour, n’est pas hyperémotif,
hyperempathique et tout et tout ? Dans ce cas, il ne devrait pas
exister de gens moins sensibles, voire carrément insensibles. »
En fait, l’hypersensibilité, plutôt qu’un trait de caractère, serait un
bouquet spécifique de symptômes reliés au traumatisme.
Parmi ces symptômes fréquemment associés à l’hypersensibilité
peuvent se trouver :
l’hypervigilance : le fait d’être tout le temps sur ses gardes, de
ne pas parvenir à se poser et à se détendre en profondeur,
d’avoir l’impression vague ou précise que quelque chose de mal
ou de dangereux peut arriver ;
l’hyperempathie : ne pas savoir où « moi » s’arrête et où
commence l’autre du fait de frontières floues aussi bien
corporelles que psychologiques faisant que la personne
hyperempathique a du mal à faire la distinction entre ses
propres émotions, pensées et sentis et ceux des autres ;
l’hyperémotivité : la manifestation d’une ou plusieurs émotions
submergeantes qui peuvent prendre les commandes sur le
reste ;
une susceptibilité à fleur de peau : vivre de manière très
intense, personnelle et submergeante des faits présents comme
si leur portée actuelle était beaucoup plus importante qu’elle ne
l’est en analysant la situation sereinement.

Certaines personnes sont restées plus au contact que d’autres


avec un système nerveux réglé en mode ultrasensible, qui les fait
réagir avec toute cette intensité.
D’autres personnes, pour faire face et se relever de leurs
traumatismes, ont dû se couper à un tel point que peu de choses les
atteignent. Mais cela ne veut pas dire qu’elles sont moins sensibles
par nature. Simplement, le monde et la vie les piquaient beaucoup
trop pour qu’elles restent en lien avec elles-mêmes ; les parties
séparées et exilées par le traumatisme sont donc hors de portée et
pas facilement déclencheables.
D’autres encore ont eu un environnement suffisamment favorable
dans le passé ou dans leur vie actuelle, ce qui leur a permis de
mieux intégrer certains de leurs traumatismes. Ces personnes ont
un système nerveux plus régulé et régulable et peuvent parvenir à
rester en présence d’elles-mêmes et des autres – sans se couper –
la plupart du temps, en s’adaptant de manière opportune aux
événements.
Certaines personnes vivant à fleur de peau aimeraient parfois
traverser le monde en toute insensibilité, pour être moins heurtées et
souffrir moins.

L’extrême de la désensibilisation, quoique paraissant plus


confortable, implique d’être coupé de pans entiers de soi, des
autres, de la vie, de sa saveur, de sa subtilité. Et par conséquent de
la joie, du plaisir, de la jouissance de la vie.
Tous les extrêmes auraient à y gagner d’être ramenés au centre,
non sans avoir d’abord compris que si nous sommes d’un côté ou de
l’autre de l’échelle de déclenchement c’est que c’est ce mode-là qui
était le plus écologique et utile pour nous au moment où il s’est mis
en place.
Au-delà de ces grands extrêmes, nous avons tous des moments
où nous sommes prêts à bondir ou surréagissons, d’autres où nous
vivons une profonde perte d’espoir, un grand sentiment de solitude
et l’impression que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, d’autres
où nous sommes carrément insensibles et d’autres encore où nous
nous sentons de retour à la vie et en lien.
Nous partageons tous les mêmes souffrances, en tant que famille
humaine, et ce qui semble nous rendre si différents, à savoir nos
manières parfois diamétralement opposées de réagir face à une
situation donnée, n’est que des réponses différentes que chacun a
déployées, dans un contexte unique, du fait de son histoire unique,
et de sa sensibilité unique pour faire face au mieux à la souffrance
éprouvée.
Qu’en est-il alors de la sensibilité dans toute sa splendeur ? Celle
qui nous rend plus humains, qui nous permet de nous relier aux
autres et au monde ? Qui nous permet de nous sentir pleinement
vivants ?

Cette merveilleuse sensibilité est une sorte de sixième sens que


nous avons tous intérêt à cultiver. Elle n’aurait pas à être assimilée à
une catégorie de personnes et n’est pas non plus l’apanage des
personnes ultrasensibles.
Il est très important de faire la distinction entre « l’hyperitude » qui
déclenche les réactions en chaîne du trop et cette sensibilité
magnifique qui nous permet d’être en présence du vivant et de
participer à sa fête.
Le traumatisme, par sa nature de créatrice de coupure, tend à
nous faire croire que nous sommes tous séparés et différents. Il
serait si bon de pouvoir sortir de la dichotomie hyper- et
hyposensibles et nous apercevoir qu’en fin de compte, nous
partageons tous le fait d’être sensibles, d’avoir souffert, d’avoir
manqué, d’avoir vécu des choses beaucoup trop submergeantes
pour notre système nerveux. La différence, c’est que chacun a eu
des réponses de survie qui lui ont été propres. Nous sommes
finalement tous logés à la même enseigne du traumatisme avec des
stratégies de survie et d’adaptation différentes.
Si nous ressentons vraiment dans nos tripes ce point commun que
nous partageons avec chaque humain – y compris avec ceux qui
nous rebutent –, nous pourrons alors développer de la compassion
et de l’amour envers autrui et envers nous-mêmes.
Le sentiment de reliance et d’appartenance à la même famille
humaine est un des biais les plus puissants qui existent pour rompre
le cercle vicieux de la séparation et de la douleur entraîné par le
traumatisme. Autant en profiter, non ?

LA THÉORIE POLYVAGALE
Stephen Porges, dans sa théorie polyvagale, décrit en détail le
processus par lequel notre système nerveux autonome évalue en
permanence notre degré de sécurité de notre corps, de notre
environnement et de notre relation aux autres. Pour mieux illustrer
sa théorie, il propose l’image d’une échelle à trois niveaux.

Premier niveau : le système parasympathique


vagal ventral
Lorsque nous sommes en sécurité, c’est notre système
parasympathique vagal ventral qui est actif. Ce système, situé tout
en haut de l’échelle – car c’est le dernier ayant été développé sur
l’échelle de notre évolution –, est responsable de la communication
et de l’engagement social. Il nous permet de nous calmer et de nous
apaiser, il inhibe le réflexe de fuite et de combat en trouvant des
solutions créatives et des appuis dans l’environnement et auprès
des autres. Il a un rôle précieux d’ajustement dans le face-à-face, la
socialisation et la création de lien.
Plus concrètement, lorsque mon système vagal ventral est actif, je
me sens bien, serein, optimiste, plein de vie. Je peux voir les bons
côtés de la vie, être en relation avec les autres et avoir accès à ma
créativité. Je suis ouvert et en lien avec moi, les autres et mon
environnement.
Lorsque ce système est actif, je peux également réaliser des
projets et avoir l’impression d’avoir les choses en main. Plus
important encore, j’ai l’impression d’avoir le choix et d’être libre de
choisir. Ma santé est bonne, mon cœur est sain avec une tension
artérielle régulée, un sommeil de qualité et un système immunitaire
qui me protège des maladies.
C’est juste trop bon et nous rêverions tous de pouvoir rester
branchés sur ce mode à chaque instant.

Deuxième niveau : le système sympathique


Grâce à la neuroception – mécanisme de surveillance permanent
se déroulant en dessous de notre conscience et par lequel notre
système nerveux autonome veille à notre sécurité à chaque
instant –, si un danger est perçu, en quelques fractions de seconde
et sans que nous en soyons conscients, notre organisme change
notre état physiologique pour nous donner les moyens de combattre
ou de fuir.
C’est l’activation du système sympathique (on se demande bien
pourquoi il a été nommé ainsi !) qui nous amène à la mobilisation,
c’est-à-dire à éviter ou repousser le danger présent par la fuite ou le
combat. Lorsque cet état, situé au milieu de l’échelle, s’active, mon
rythme cardiaque augmente en flèche avec ma tension artérielle,
mon souffle devient plus court et, en surface, mes muscles se
tendent. Je deviens alors anxieux ou colérique, je ne peux pas tenir
en place à cause du grand afflux d’énergie, d’adrénaline et de
cortisol généré pour faire face au danger. Tout mon corps est tendu
en quête d’informations supplémentaires sur la menace perçue, ce
qui fait que je n’entends plus bien les voix amicales qui m’entourent.
Je peux même avoir l’impression que mes interlocuteurs me veulent
du mal et qu’il faut m’en défendre. Lorsque le système sympathique
est activé, je perçois le monde comme un endroit dangereux dont il
faut que je me protège.
Dans cet état, je peux vivre une crise d’angoisse, un accès de
colère, avoir des difficultés à bien faire les choses et à me
concentrer et déclencher des conflits avec mes proches ou moins
proches.
Je peux également avoir Ruminator qui se met à tourner en
boucle dans ma tête, jugeant ceci et critiquant celui-là. Je peux
devenir acide, avec des remarques amères et sortir des « petites
piques innocentes » qui appuient pile où ça fait mal.

Je peux, par ailleurs, être dans un état de grande euphorie et


d’hyperactivité.
Les répercussions sur la santé incluent une tension artérielle
élevée, des maux de tête, des douleurs à la nuque, aux épaules et
au dos, des soucis d’endormissement et de sommeil, des troubles
digestifs, des problèmes de mémoire et de concentration et un
système immunitaire qui fonctionne moins bien, me rendant plus
vulnérable aux maladies.
Le système sympathique est utile pour nous permettre d’échapper
au danger et de nous battre si besoin. Il nous permet aussi d’être
très alertes et de réagir promptement.
Troisième niveau : le système parasympathique
vagal primitif ou dorsal
Si, par le truchement de la neuroception, le système nerveux
autonome s’aperçoit que les réponses précédentes ne marchent
pas, son dernier recours – qui est la voie de réponse la plus
ancienne, que nous partageons avec les reptiles – sera d’enclencher
le système parasympathique vagal primitif ou dorsal, ou « le
dorsal » pour faire plus simple. Ce mécanisme, situé tout en bas de
l’échelle, s’active quand nous sommes piégés et que nos actions ne
suffisent pas à nous mettre en sécurité. Grâce au système vagal
dorsal, je vais me fermer sur moi-même, m’effondrer et me dissocier.

La dissociation est un mécanisme de défense d’une grande


intelligence qui implique une séparation fonctionnelle entre des
éléments qui sont habituellement réunis. Autrement dit, c’est une
sorte de moment de déconnexion pendant lequel on s’absente de
soi, des autres et de l’environnement. Ce moment peut être plus ou
moins long selon les besoins et le degré de dérégulation de notre
système nerveux.
La dissociation peut autant impliquer une forme de détachement
de ce qui se passe dans l’instant, comme quand quelqu’un nous
parle ou qu’on lit quelque chose et qu’on pense à autre chose en
même temps, qu’un refoulement de ressentis physiques et
émotionnels.
Ce mécanisme de protection a pour objectif de mieux tolérer une
situation stressante ou d’ennui en nous amenant dans une sorte
d’ailleurs, distancié et coupé de nous-mêmes, des autres et de
l’environnement.
En gros, si une situation est trop perturbante ou peu stimulante, la
dissociation est la solution parfaite pour partir tout en restant là.
Magique, non ?
Lorsque le système vagal dorsal s’active en mode ++, je me sens
tout seul au monde, noyé dans le désarroi, privé d’espoir. J’ai
l’impression que je n’ai pas de valeur et c’est comme si je n’existais
plus. Je me sens confus, abandonné, totalement impuissant, épuisé.
Dans ces moments-là, je perçois le monde comme sombre, vide et
dépourvu de sens. La mort semble toute proche et peut apparaître
comme une solution douce et tentante. Je me sens seul, si seul et
laissé pour compte. Je peux avoir l’impression d’être à un autre
endroit de la galaxie et d’ignorer comment revenir sur Terre, croyant
que personne ne viendra jamais me chercher, abandonné à jamais.
Lorsque ce mécanisme est activé, mon corps et mon esprit sont
en mode survie. Je peux expérimenter la dépression, des troubles
de la mémoire, de la compréhension et de la concentration. Je
m’isole et je manque totalement d’énergie pour accomplir les
moindres tâches. Mon corps peut être la proie de maladies
chroniques n’ayant pas d’origine clairement définie comme la
fibromyalgie, des problèmes de digestion et de sommeil, je peux
avoir une tension artérielle faible et des problèmes de poids.

L’état vagal dorsal est très utile et précieux car c’est un état dans
lequel nous pouvons nous régénérer en profondeur, puisque notre
énergie est consommée au minimum. D’ailleurs, si vous observez un
chat ou un chien blessé, vous verrez qu’il va se recroqueviller sur lui-
même et ne plus bouger pendant le temps qu’il faut à son corps pour
se guérir. Il y a de fortes chances que son vagal dorsal soit alors
activé pour se régénérer.
En ce qui concerne la dépression, vécue comme une malédiction
et une honte par beaucoup de personnes qui la vivent ou qui la
côtoient chez un proche, elle est en réalité un mécanisme salvateur
de relâchement total de la pression à laquelle la personne a été
soumise pendant des années. Quoique très inconfortable dans son
vécu, elle nous contraint dans la voie à suivre en vue du
rétablissement de notre équilibre.
Le sens de la dépression est de nous faire vivre un processus de
mort et de renaissance. Lorsqu’elle frappe à la porte, la tentation est
de vite vouloir l’évacuer pour passer à autre chose, alors que l’enjeu
est de la traverser en conscience. Pour se retrouver véritablement
sur la rive opposée, un accompagnement sérieux par un
professionnel compétent et qualifié s’impose. Autrement, le risque
est de passer à côté de la transformation à laquelle nous étions
invités et de signer pour un nouveau CDI !

Passer d’un état à l’autre


La lecture de ces deux derniers états peut faire peur, mais chacun
des trois états est extrêmement précieux et intelligent et remplit
toujours la fonction de préserver notre survie, lorsque celle-ci semble
menacée.
Les problèmes commencent quand nous demeurons bloqués
longtemps dans un état, notamment l’état sympathique et vagal
dorsal, plutôt que de naviguer entre tous.

Approfondissement
Pour illustrer le va-et-vient d’un état à l’autre et l’intérêt de chacun, imaginez
la situation suivante.
Vous êtes profondément endormi et soudain la sonnerie du réveil se met à
dringuer à un volume beaucoup trop violent pour vous. Cela vous réveille
d’un coup, ainsi que votre système sympathique qui détecte une menace !
Instantanément, votre cœur bat la chamade, votre souffle devient tout court et
accéléré et votre estomac se noue.
Grâce à l’énergie mise immédiatement à disposition par votre système
nerveux qui a littéralement entendu l’alarme, vous vous mettez en action en
cherchant désespérément le bouton pour éteindre cette sonnerie infernale.
Vous y arrivez enfin ! Ouf ! Vous soufflez un bon coup et le niveau de votre
stress baisse un peu.
Par bonheur, votre conjoint a eu la merveilleuse idée de vous laisser un café
tout chaud et un petit mot doux sur la table. De suite, un grand sourire
apparaît sur votre visage tandis que votre système vagal ventral se met en
place et vous permet de voir les choses plus positivement. Vous êtes en
chemin pour aller là où vous êtes attendu.
En chemin, vous croisez un voisin que vous n’appréciez pas du tout mais qui
vous adore, vous, tout particulièrement.
À sa vue, votre système sympathique s’active d’un coup et vous permet de
vous faufiler le long des voitures pour éviter qu’il vous voie. Vous y parvenez !
Vous vous sentez triomphant et votre système vagal ventral se remet en
route. La vie est franchement bien faite… et vous êtes encore si souple !
En arrivant à votre destination, votre manager, en présence duquel vous vous
sentez un peu intimidé, vient vers vous d’un pas décidé. Il n’a pas l’air de bon
poil. Votre cœur s’accélère grâce à votre système sympathique qui aimerait
vous mettre à l’abri mais vous savez pertinemment que vous ne pouvez pas
vous enfuir. Vous restez donc là, coi et interdit, grâce à votre système
parasympathique vagal dorsal, en essayant de vous faire le plus petit
possible pour vous fondre dans les murs et passer inaperçu. C’est mort !
Vous avez été vu et plus que vu et votre manager s’arrête face à vous.
Il récrimine contre vous. Vous parle d’un ton sévère. Vous entendez les mots
mais vous avez l’impression de ne pas comprendre réellement ce qu’il dit.
Vous avez l’impression de devenir tout petit, de disparaître presque, en sa
présence et encore plus face à ses récriminations. Vous êtes blême, votre
cœur bat très lentement et votre respiration est quasi imperceptible. Vous
pourriez presque tomber dans les pommes tant vous sentez que vos jambes
se dérobent.
Cet état cotonneux vous permet, malgré tout, de tenir le coup.
Le blâmeur s’en va… Ouf ! Arrive alors Sylvie, avec qui vous vous entendez
plutôt bien. L’énergie revient. Elle vous dit quelque chose qui vous agace,
même si vous ne savez pas trop pourquoi. Irrité, vous vous en prenez à elle,
ce qui est possible car vous êtes « remonté » en « mode sympathique ».
Vous déchargez alors l’énergie accumulée contre votre manager après le
passage de savon.
Sylvie s’en va, dépitée d’avoir été traitée ainsi alors qu’elle n’avait rien fait de
mal.
Confus, vous allez vous rincer le visage aux toilettes. Cela vous fait du bien.
Vous respirez un bon coup, buvez un peu d’eau et prenez cinq minutes pour
vous apaiser. Vous revenez alors en système vagal ventral. C’est alors que
vous réalisez que vous avez été injuste avec Sylvie et vous retournez
quelques instants plus tard lui présenter des excuses. Votre réconciliation
vous fait beaucoup de bien et vous réconcilie avec le genre humain.
Observez comment dans une simple matinée il est possible de traverser tous
les états. Tout cela dans le but de nous protéger. C’est tellement bien fait, la
nature !

Chacun d’entre nous a son style de prédilection, qui n’est, bien


sûr, pas commandé consciemment. Selon notre vécu, nous
pouvons, en cas de déclenchement de notre système nerveux en
mode alerte rouge, aller plus facilement en mode sympathique et
avoir tendance à être agités, hyperréactifs, et en mode fuite ou
attaque, ou bien aller directement en mode vagal dorsal et nous
sentir tout de suite démunis, privés de nos moyens et au fond du
gouffre.
Ce scénario type s’est mis en place dans notre petite enfance,
dans la relation avec nos parents, en réponse à leur manière de
gérer leur stress en lien avec nous.
Par exemple, avec un parent déjà saturé, à la limite du
débordement, nous avons pu faire comme si tout allait bien, comme
si nous étions en mode vagal ventral, inhibant nos élans ou
émotions, afin de ne pas le déclencher et de nous épargner des
conséquences fâcheuses s’il se mettait en mode sympathique pas
très sympa !
Ou, au contraire, nous avons pu avoir tendance à provoquer, titiller
un parent coupé, absent, en mode vagal dorsal, afin de le faire
réagir, de le ramener là, présent avec nous, pour nous. On dira de
nous que nous n’étions pas sages, ou provocateurs, alors que nous
recherchions simplement le lien.

Approfondissement
Et vous, est-ce que vous aimeriez découvrir quel est votre « style
privilégié » ? Pour ce faire, nous vous invitons à prendre quelques instants
pour vous souvenir de la dernière fois où vous vous êtes senti mal. Essayez
de vous rappeler les détails. Qu’étiez-vous en train de vivre juste avant que le
mal-être arrive ? Comment vous sentiez-vous ? Avec qui étiez-vous ?
Passiez-vous un bon moment, un moment neutre ou bien n’étiez-vous déjà
plus tout à fait dans votre assiette ? Maintenant, essayez de vous souvenir de
la situation qui a déclenché votre état intérieur désagréable. Qu’est-ce qui a
basculé ? Et lorsque c’est arrivé, quelle a été votre réaction ?
Avez-vous plutôt senti votre sang ne faire qu’un tour et vous avez riposté
(réponse en « mode sympathique », option « combat ») ? Vous êtes-vous
extrait vite fait bien fait de la situation en fuyant (réponse toujours en « mode
sympathique », option fuite) ? Ou bien avez-vous senti que la terre se
dérobait sous vos jambes et que vous perdiez tous vos moyens, piégé, figé et
coupé de vos sensations, privé de votre capacité à réfléchir et à vous mettre
en mouvement (réponse en « mode vagal dorsal ») ?
Notez la réponse dans votre cahier.
Maintenant, cherchez un autre exemple où vous vous souvenez de vous être
senti mal, peut-être dans un contexte différent. Que s’est-il passé à cette
occasion et, surtout, quelle a été votre réaction ? Qu’est-ce qui se racontait à
l’intérieur de vous ? Que les autres étaient agressifs, voire dangereux et qu’il
fallait vous défendre ou vous protéger (mode sympathique) ? Ou bien vous
êtes-vous senti isolé, loin de tous et de tout, avec l’impression qu’aucun
espoir n’existe (mode vagal dorsal) ?
Faites l’exercice en cherchant encore deux ou trois souvenirs
supplémentaires et voyez la tendance qui se dégage.
Peut-être que vous réaliserez que vous descendez systématiquement tout en
bas de l’échelle, en vagal dorsal, dès qu’un danger est perçu par votre
système nerveux. Ou bien que vous êtes plutôt quelqu’un de très
« sympathique » et que vous démarrez plutôt au quart de tour ou que vous
faites tout pour éviter les situations qui vous angoissent.
Parfois, nous avons un type privilégié de réaction dans un contexte
spécifique – par exemple en surréagissant avec la famille – et un autre type
dans un autre contexte – en devenant presque invisibles au travail ou en
groupe.
Il est très utile d’apprendre à se connaître et à identifier dans quels étages de
l’échelle nous avons l’habitude de passer du temps. Cela, comme vous
l’aurez certainement compris, explique beaucoup de choses et se produit
ainsi pour de très bonnes raisons.
D’ailleurs, si vous le souhaitez, vous pouvez prendre quelques instants pour
réfléchir au pourquoi du développement d’un style de réaction plutôt qu’un
autre. Est-ce que c’était ce mode qui était le plus utilisé dans votre famille ?
Est-ce que la réaction sympathique était la seule façon de se faire entendre
quand vous étiez enfant ? Est-ce que l’effondrement était la seule solution
face à un ou aux deux parents trop explosifs ou contraignants ? Peu importe
la réponse que vous trouverez, sachez que ce mode qui s’est le plus
développé chez vous vous a été très utile. Maintenant, il est peut-être temps
de devenir expert des deux autres étages, qu’en dites-vous ?

Même si nous ne contrôlons pas l’activation de notre système


nerveux autonome, nous pouvons être vigilants à la manière dont
notre corps est en train de répondre à une situation.
Là est notre premier grand pouvoir d’action.
Le second se trouve dans la possibilité de développer notre
capacité à naviguer entre ces états, en nous entraînant à entrer et
sortir de ceux-ci.
Un petit tour d’échelle1
Voici un exercice pour vous entraîner à faire des allers-retours entre les
différents systèmes.
Prenez le temps de vous familiariser avec les trois systèmes de l’échelle :
– le vagal ventral, en haut, où vous vous sentez bien et en lien avec les
autres ;
– le sympathique, au milieu de l’échelle, où vous vous sentez menacé et avec
beaucoup d’énergie pour vous battre ou fuir ;
– le vagal dorsal, en bas de l’échelle, où vous vous sentez désemparé et
coupé.
Lorsque vous vous trouverez dans une situation où vous vous sentez mal à
l’aise, agité, pas au top, prenez le temps de voir quels sont les symptômes
physiques qui se manifestent en vous : est-ce que votre cœur et votre
respiration sont emballés ? Sautez-vous comme une puce ou vous sentez-
vous agité et dans la pulsion de bouger ? Vous sentez-vous tendu dans le
dos, le cou, la tête ? Si oui, vous êtes en mode sympathique ! Génial !
Maintenant, prenez le temps d’écouter l’histoire qui se raconte depuis cet
endroit-là : peut-être entendrez-vous une ou des voix à l’intérieur de vous qui
vous disent de vous méfier de ci ou de ça, qu’Untel vous veut du mal,
qu’Unetelle l’a fait exprès pour vous nuire, etc.
D’accord ! Une fois l’histoire relevée, sans la juger, demandez-vous : si vous
étiez en mode vagal dorsal, comment vous sentiriez-vous dans votre corps ?
Quelle serait l’histoire qui se raconterait depuis cet endroit ?
Puis demandez-vous : comment se sentirait votre corps si vous étiez
maintenant en haut de l’échelle, en mode vagal ventral ? Quelle est l’histoire
qui se raconterait pour le même événement ?
Merveilleux ! Vous avez recueilli toutes les histoires.
Ainsi, lorsque vous croyez dur comme fer que la réalité est telle que vous la
percevez (« la preuve, c’est que… »), il existe en parallèle au moins deux
autres histoires qui peuvent être racontées.
Cet exercice vous sert à faire connaissance avec votre système nerveux
autonome et à vous entraîner à passer d’un état à l’autre grâce au pouvoir de
votre imagination. Il vous permet, en outre, de développer votre humilité, de
relativiser votre vision des choses et de vous ouvrir aux autres et à leur
perception de la réalité.
Et rappelez-vous : il est très important de ne pas juger ces différents états.
Chacun est nécessaire et utile sinon la nature ne les aurait pas mis en place.

LE TAUX DE SATURATION : « AU
SECOURS !
JE ME NOIE ! »
Le taux de saturation est un aspect essentiel pour comprendre ce
qui nous arrive en lien avec la submersion et le trop. Pour mieux
vous représenter ce qu’il implique, imaginez que vous remplissez un
seau à ras bord de balles de golf, puis les interstices de billes, puis
les interstices restants de sable.
Le seau est maintenant bien plein.
Puis imaginez que vous versez de l’eau dans ce seau déjà bien
rempli.
Si vous suivez la logique, à votre avis, que va-t-il se passer ? Le
contenu va rapidement déborder et splatchouler de partout.
Imaginez maintenant que les balles de golf et les billes sont autant
de traumatismes, plus ou moins gros, stockés en nous. Et que le
sable représente les tensions accumulées au cours des semaines
ou de la journée. Plus nous avons de traumatismes, plus vite nous
atteignons notre taux de saturation, devenons hyperréactifs et
hypersensibles et… débordons, perdons les pédales, explosons,
implosons, etc.
Pourquoi ? Parce que « ça » prend toute la place dans notre
monde intérieur, pardi ! Et que notre énergie est largement mobilisée
pour essayer de gérer tout ce petit monde alors que chacun de ces
traumatismes a son cortège de déclencheurs qui s’activent à tout-va,
parce que le monde est le lieu parfait pour titiller les boutons qui
nous font exploser.
Pas méchamment, bien sûr : encore une fois, le but est de nous
fournir à chaque fois une nouvelle chance de nous libérer de chaque
traumatisme. Mais quand ces super opportunités arrivent en
permanence, les unes après les autres, et que nous sommes
submergés par la submersion, c’est tout sauf simple !
Si, en plus, nous sommes dans un contexte particulièrement
stressant pendant un laps de temps prolongé, alors, vous l’aurez
compris, c’est festival international avec sa cohorte de réactions en
chaîne et autres désagréments.
Pas de panique, c’est normal. Ça nous arrive à tous !
Il est juste très important de développer l’intention d’être
conscients de notre corps et de ses réactions pour en prendre soin,
au lieu de déplacer le problème en blâmant autrui ou nous-mêmes.
Nous avons la possibilité de sentir les changements de notre
système nerveux autonome lorsqu’il se met en mode fuite/combat ou
en mode survie et de prendre soin de nous pour nous réguler et
revenir à un état d’équilibre.

1. Exercice proposé par Deb Dana, praticienne et psychothérapeute travaillant


avec Stephen Porges sur l’application de la théorie polyvagale en thérapie.
CHAPITRE 7
L’INÉLUCTABLE COUPURE

POURQUOI UNE COUPURE ?


La mécanique du traumatisme est directement corrélée avec la
fragmentation et la coupure. Pour faire face à un stress écrasant et
ne pas s’écrouler, l’organisme va isoler du reste du corps les parties
porteuses de la charge insupportable. Ces îlots resteront à la dérive
dans l’attente d’être rapatriés, pour enfin réintégrer le continent.
Lorsque le temps passe et qu’il n’y a pas de prise en charge, la
coupure devient fonctionnelle et se manifeste au travers de
comportements, de stratégies de défense et de compensation. Dans
le cas où le manque de soin apporté à ces parties isolées persiste,
la coupure s’installe en profondeur et devient structurelle, se
manifestant par des symptômes physiques.
En effet, lorsque nous vivons un événement hautement stressant
et submergeant, la composante psychique, c’est-à-dire l’émotion
ressentie, est associée à une partie du corps physique (un tissu, un
organe, un groupe de cellules) et à une zone du cerveau qui fait
relais entre les deux. Au moment du stress +++, l’organisme « pète
les plombs », littéralement. Il fait disjoncter le circuit spécifique
associé au ressenti vécu, à la zone du cerveau et à la partie
organique pour préserver tout le reste. La ou les parties impactées
deviennent à ce moment-là comme gelées et notre conscience n’est
plus affectée par le ressenti insupportable, afin de nous permettre de
continuer à exister.
Avez-vous déjà fait une balade sans gants dans un climat très
froid ? Lorsque vous touchez quelque chose avec vos mains, quel
est votre degré de sensibilité ? Elle est totalement réduite. Vos
doigts sont engourdis, ankylosés et vous pourriez, en cas de froid
extrême, les casser tellement ils sont insensibles.
De la même manière, le traumatisme congèle des zones entières
de notre corps, de notre monde émotionnel et de notre esprit ; il
nous rend, en quelque sorte, insensibles à ces endroits-là. Et ce
pour nous protéger et nous permettre de continuer avec tout le reste.

Comme notre conscience, ce champ organisateur de notre


psychisme et de notre biologie ne prend plus en charge ces parties
exilées de nous, ces dernières finissent par fonctionner en autarcie.
Elles développent alors leurs propres lois, déconnectées, et
éventuellement en contradiction avec l’intérêt de l’organisme dans
son ensemble. Voilà la genèse de la maladie.

Scanner
Pour vérifier cela de manière directe, nous vous proposons de prendre
quelques instants en tête à tête avec votre corps.
Vous pouvez faire cet exercice debout, assis ou allongé. Voire en faisant le
poirier ! Non, peut-être pas…
L’idée est qu’en conscience vous fassiez une sorte de scanner des pieds
jusqu’à la tête, tout en lenteur.
Vous vous apercevez sans doute que certaines zones sont sensibles, et
d’autres moins, quand elles ne sont pas carrément absentes de votre
perception. Pourtant, la vie circule.
C’est que quelque chose se passe, sans nous ! Peut-être car nous sommes
coupés de ces zones suite à un ou des traumatismes.

LA COUPURE DE SOI
Lorsque nous nous sentons en danger, nous pouvons nous
couper de l’environnement, des autres mais aussi de nous-mêmes,
à plusieurs niveaux.
Sur le plan physique, nous pouvons être coupés de notre corps.
Ne pas avoir de ressenti corporel global ou bien, si nous faisons un
scanner de celui-ci, avoir l’impression qu’il nous manque des bouts.

Un point corporel
Si vous souhaitez faire le point sur votre niveau d’éveil ou
d’endormissement corporel, prenez quelques instants pour le parcourir
sensoriellement de haut en bas et de bas en haut.
Afin d’obtenir une image plus claire, il est important de prendre tout votre
temps pour faire cet exercice et explorer, un à un, chacun de vos membres –
séparément – et chacune des parties de votre corps.
Prenez aussi le temps de voir s’il y a une différence de ressenti entre le côté
gauche et le côté droit.
Vérifiez quelle est l’intensité du ressenti corporel que vous avez et sa
profondeur.
Questionnez-vous sur le niveau de votre partie corporelle avec laquelle vous
êtes en contact : s’agit-il de la peau, des muscles, des organes, des os ? Est-
ce une sensation vague ou plutôt aiguë ?
Si vous ressentez une douleur ou une tension, ne vous focalisez pas dessus.
Prenez juste note que c’est là.
Et si vous ne ressentez rien à un ou plusieurs endroits, sachez que c’est
tellement normal !
Lorsque vous referez cet exercice, vous vous apercevrez peut-être que
certains jours vous aurez accès à certaines parties de votre corps tandis qu’à
d’autres vous ne réussirez pas à les ressentir du tout.
Parfois, il y aura des zones où, malgré vos visites continuelles, rien ne se
manifestera… pour le moment.
Il s’agit juste d’un scanner et l’idée est simplement de prendre conscience
corporellement d’où vous en êtes au niveau de vos ressentis et des coupures
avec ceux-ci.

Nous pouvons aussi nous sentir coupés de notre corps dans le


sens où il ne répond plus de rien. Soit il s’agite tout seul sans que
nous contrôlions ses mouvements, voire ses actions. Soit il peut être
figé, pétrifié – comme nous en avons déjà parlé –, et, là encore,
nous n’y avons plus accès.
La coupure à l’intérieur de soi se vit également sur le plan
psychique.
Lorsque notre système nerveux est activé, ce sont de nombreuses
sous-parts de notre personnalité qui s’activent à la place du « Grand
Je », siège de notre conscience.
La Thérapie des États du Moi, issue des travaux de John et Helen
Watkins, psychologues et psychothérapeutes américains de renom,
fait référence à ces parts de soi comme autant d’aspects de la
personnalité qui se créent et se mettent en place pour remplir une
fonction adaptative et dont la mission ultime est de nous protéger.
Ces États du Moi, tels des habitants d’un royaume, ont leurs
propres personnalité, âge, sexe, craintes, espoirs et intérêts, et ils
agissent séparément les uns des autres par différents degrés de
dissociation ou de coupure.
Cela peut paraître un peu foufou mais combien de fois vous êtes-
vous entendu dire : « Une part de moi aimerait vraiment faire ça
mais une autre partie me dit que c’est hors de question et que je ne
devrais pas » ? Comme s’il s’agissait de voix avec des intérêts et
des personnalités diamétralement opposés. Eh bien, ce sont ces
États du Moi, comme autant de fragments de nous, qui s’expriment
et malheureusement ne communiquent souvent pas bien ensemble.
Lorsque nous sommes coupés de nous et que nous plongeons
dans le vagal dorsal, nous perdons notre centre, notre conscience
de nous-mêmes, comme s’il n’y avait plus de capitaine à la barre, et
nous errons sur l’océan, une île après l’autre – d’état du moi en état
du moi –, en ayant perdu le cap – notre intention. La vie semble
dépourvue de sens, nous pouvons nous sentir impuissants, l’estime
de soi dans les chaussettes, infiniment peu utiles ou précieux.
La coupure psychique se manifeste notamment sur le plan des
émotions.
Depuis notre tendre ou pas tendre enfance, nous avons appris par
mimétisme et par mille et une manières instinctives et inconscientes
qu’il y a des émotions qui sont plus acceptées que d’autres.
Certaines personnes, qui ont grandi dans une famille où la colère est
le pain quotidien et où la tristesse est considérée comme une
marque de faiblesse, apprendront par exemple à entrer en relation
avec la première et à éviter à tout prix la seconde.
En grandissant, ces personnes auront le plus grand mal à vivre et
à ressentir la tristesse et, lorsqu’elles vivront quelque chose de triste,
c’est l’émotion de la colère qui prendra le dessus, même si ce n’est
pas adapté à la situation.
D’autres, dans un cas similaire, auront eu tellement peur de la
colère qu’elles la réprimeront et l’inhiberont de leur spectre
d’émotions disponibles. Ce seront alors la peur ou la tristesse qui
prendront le relais dans les circonstances où ces personnes ne se
voient pas respectées ou sont témoins d’une injustice.
Nous pouvons ainsi avancer dans la vie en étant amputés d’une
partie de notre énergie vitale – puisque les émotions sont de
l’énergie pure qui cherche à exprimer un message et à satisfaire un
besoin. Dans la mesure où nous muselons certaines émotions et
que celles-ci sont le porte-parole de besoins précis, si nous les
inhibons encore et encore, les besoins corrélés ne peuvent pas être
satisfaits. Se développe alors en nous un sentiment de profonde
impuissance et de frustration qui nous connecte à nouveau avec
notre émotion « facile » et accessible, et le cercle vicieux s’amorce.

Exploration émotionnelle
Savez-vous où vous en êtes par rapport au ressenti des émotions ? Avez-
vous plutôt affaire à la colère, à la tristesse, à la peur, au dégoût, à la joie ? Y
a-t-il des émotions que vous ne sentez pas du tout présentes en vous ou très
rarement ?
Si vous souhaitez explorer plus finement votre palette émotionnelle,
parcourez lentement la liste des émotions présentées ci-après. Prenez le
temps de ressentir en vous comment chaque émotion s’exprime, vibre,
résonne.
Chaque mot correspond à un ressenti spécifique. Vous entraîner à les
identifier en vous permettra plus tard, lorsque vous les ressentirez, de mettre
un mot dessus, première étape pour prendre de la distance avec votre
ressenti et ne pas vous laisser happer par lui.
Vous pouvez aussi vous servir de crayons de différentes couleurs pour faire
la distinction entre les émotions que vous vivez régulièrement, celles que
vous côtoyez rarement et celles que vous avez l’impression de ne jamais
vivre.

Note : la dernière colonne regroupe des sentiments dits « intriqués », dont


vous pouvez essayer de sentir la résonance en vous.
Cependant, nous vous recommandons d’éviter d’utiliser ces termes pour
exprimer votre état au quotidien, car ils peuvent impliquer la personne à qui
vous vous adressez, ou traduire un jugement.

Peur
affolé
alarmé
angoissé
anxieux
apeuré
bloqué
chaviré
circonspect
craintif
déchiré
effarouché
effrayé
embarrassé
en désarroi
fébrile
inquiet
mal à l’aise
paniqué
préoccupé
prudent
réticent
sceptique
soucieux
soupçonneux
sur la réserve
sur ses gardes
suspicieux
terrifié
tremblant
vulnérable

Colère
à bout
agité
amer
choqué
contrarié
crispé
emporté
en avoir assez
en avoir marre
énervé
exaspéré
excédé
fâché
frustré
horrifié
impatient
mécontent
outré
révolté
scandalisé
sombre
soupçonneux
surexcité
sur les nerfs
survolté
susceptible
tendu
titillé
tourmenté
tracassé

Tristesse
abattu
accablé
affligé
assommé
attristé
avoir le cœur gros
bouleversé
chagriné
confondu
consterné
contrarié
dans tous ses états
déchiré
découragé
défait
de mauvaise humeur
démotivé
démuni
dépité
déprimé
désabusé
désappointé
désenchanté
désespéré
désillusionné
désolé
ébranlé
ému
en désarroi
en détresse
ennuyé
éteint
impuissant
inconfortable
mal à l’aise
malheureux
mécontent
morose
peiné
perturbé
pessimiste
préoccupé
secoué
seul
sombre
soucieux

Joie
à l’aise
amusé
animé
apaisé
attendri
bien disposé
calme
captivé
centré
comblé
confiant
confortable
content
décontracté
détendu
déterminé
disposé
emballé
encouragé
engagé
en paix
enthousiaste
étourdi
éveillé
exalté
fasciné
fier
heureux
impliqué
joyeux
libre
mobilisé
motivé
nourri
optimiste
ouvert
plein de gratitude
rassuré
rayonnant
réceptif
réjoui
satisfait
stimulé
vivant

Surprise
abasourdi
ahuri
assommé
bouche bée
déboussolé
décontenancé
dépaysé
désemparé
désorienté
déstabilisé
éberlué
embêté
estomaqué
impressionné
interloqué
interpellé
intrigué
le souffle coupé
perplexe
pris au dépourvu
pris de court
renversé
saisi
secoué
sidéré
stupéfait
tombé des nues
troublé

Dégoût
dégoûté
écœuré
plein de répulsion
rebuté
révulsé

Sentiments intriqués
abandonné
abusé
acculé
accusé
attaqué
blâmé
coupable
délaissé
détesté
dévalorisé
diminué
dominé
écarté
écrasé
étouffé
floué
harcelé
humilié
ignoré
inadéquat
incompétent
indigne
insulté
intimidé
invisible
isolé
jugé
largué
manipulé
materné
menacé
méprisé
minable
mis sous pression
négligé
obligé
pas aimé
pas compris
pas considéré
pas écouté
pas respecté
pas utile
piégé
rabaissé
rejeté
ridiculisé
stupide
trahi
utilisé
...

Qu’observez-vous à la fin de ce parcours émotionnel ? Y a-t-il quelque chose


qui vous surprend ? Du nouveau dans votre manière de vous percevoir ?
Comment vous sentez-vous après avoir fait cet exercice ?
Y a-t-il des émotions que vous aimeriez ressentir plus, ou d’autres qui vous
rebutent ?
Toutes les impressions, les ressentis et les réactions sont les bienvenus.
N’hésitez pas à écrire dans votre carnet. Le tout est de faire votre
cartographie intérieure et de savoir où vous en êtes dans votre niveau
d’expression de ces énergies vitales, toutes aussi importantes les unes que
les autres.

Nous pouvons aussi perdre le contact avec notre intellect, notre


pensée rationnelle. Il s’agit là d’une coupure sur le plan mental.
Qui ne s’est jamais retrouvé dans une situation de stress avec le
cerveau en compote, incapable de réfléchir, ou même d’aligner deux
mots ?

“Je me souviens d’examens pendant mes études où, ne


sachant comment résoudre le problème, je pouvais rester de
loooongues minutes devant ma copie, à chercher dans tous
les sens une issue, sentant de grosses gouttes de sueur
dégouliner sur mon visage. Puis, voyant l’heure tourner,
pétrifié par le stress de rendre copie blanche, je perdais tous
mes moyens, m’enlisant dans un cercle vicieux terrible, où je
n’étais même plus capable de comprendre l’énoncé. C’étaient

vraiment de sales moments… „


Nicolas
Lorsque nous sommes submergés, nous ne nous sentons pas
bien du tout et personne n’aime se sentir mal. Afin de nous
préserver de la palette de sensations désagréables que l’activation
de notre système nerveux en mode danger déclenche sur tous les
plans de notre être, notre organisme, dans sa grande intelligence, va
chercher à nous épargner la souffrance qui en découle.
Ainsi, il va nous amener à nous couper de cette douleur grâce à
plusieurs stratégies, dont les addictions.
Le docteur Gabor Maté, physicien spécialiste du sujet aux États-
Unis, explique qu’une addiction est un comportement dans lequel
une personne trouve un plaisir ou un soulagement temporaire – et
par conséquent vit du manque lorsque ce comportement lui fait
défaut – et qu’elle ne peut pas abandonner malgré les
conséquences négatives pour elle-même ou pour son entourage.
C’est une soif de plaisir et de soulagement à court terme en dépit
du préjudice à long terme.
Il peut s’agir de n’importe quel comportement allant de la
consommation de drogues et de substances de toutes sortes au
sexe, aux jeux d’argent, aux achats, au surf sur Internet, aux jeux
vidéo, à l’alimentation, à la pornographie, au travail, aux sports
extrêmes – n’importe quoi, y compris la méditation et le « travail
spirituel ».
Nous pouvons également être coupés de nos besoins, ne sachant
plus vraiment ce qui est nécessaire et bon pour nous. Lorsque cette
coupure avec nos propres besoins survient, il n’est pas rare de
développer, pour tenter d’être aimés, une capacité importante de
connexion et de perception des besoins d’autrui, et nous cherchons
à satisfaire ces besoins avant même que les personnes concernées
aient pu les ressentir et les prendre en charge.
De cette déconnexion avec soi et ses besoins peut découler une
coupure avec nos désirs et une incapacité à rêver et à se projeter
dans l’avenir, puisque nous ne savons plus réellement qui nous
sommes et ce que nous voulons. À ce moment-là, c’est comme si
nous perdions notre boussole intérieure et que nous ne sachions
plus comment naviguer sur l’océan de notre vie. Nous pouvons avoir
l’impression d’être perdus, dans le brouillard et coupés de notre
intuition.
Une sorte de vague mal-être peut s’installer en toile de fond, nous
avons l’impression de ne pas avoir la main sur notre vie tout en nous
en voulant de ne pas arriver à profiter de la vie, surtout lorsqu’on a
« tout pour aller bien ».

LA COUPURE DE L’AUTRE
Lorsque nous sommes en relation avec quelqu’un et que nous
sommes « activés » par un déclencheur, dont nous pouvons être
conscients ou pas, l’autre, que nous considérions auparavant
comme un sujet à part entière, avec un esprit, une conscience, un
cœur, animé de bonnes intentions, et avec qui nous interagissions
paisiblement, devient subitement une menace, un danger potentiel.
Intérieurement, je ne vis plus cette personne comme ce sujet
respectable et unique mais elle devient comme un objet pour moi.
L’objet de la projection de mon passé, où mon interlocuteur devient,
à son insu, la surface de projection de mon histoire ancienne. Sans
que ni lui ni moi en soyons conscients, il « joue pour moi » mon père
autoritaire, ma mère désinvolte ou absente, mon frère maltraitant,
mon maître moqueur. Au moment où je suis activé et que je projette
mon passé sur lui, je suis coupé de lui. Je n’interagis plus
directement avec lui mais avec les fantômes irrésolus de mon passé.
Qui, aimablement, viennent se présenter à moi par le truchement de
l’autre, pour que j’arrive enfin à prendre soin de ce passé.
Ainsi, le mécanisme de coupure nous pousse à nous couper de
l’autre et à en faire un objet pour que nous puissions résoudre nos
scénarios de vie. C’est quand même bien conçu !
La difficulté vient du fait qu’à ces moments-là nous sommes aussi
pris par le phénomène projectif, et coupés d’une partie de nous-
mêmes, comme hypnotisés, et que nous n’avons pas conscience de
ce processus de projection. Nous croyons que l’autre, en face de
nous, est en train de nous porter préjudice – ce que nous avons
vécu dans le passé – et, si nous nous laissons embarquer, nous
allons rejouer le même scénario qu’à l’époque, avec les mêmes
stratégies de défense. Nous ne sommes plus du tout un sujet,
adulte, en interaction avec un autre sujet, au présent, mais l’objet
d’un scénario.
L’empathie, la compréhension et tous les atouts de notre
conscience sont hors de notre portée et nous faisons des
dommages.
L’autre en face, sauf rarissime exception, va également se sentir
touché, déclenché, par résonance – parce que l’activation des
systèmes nerveux en mode survie est hautement contagieuse – et
va à son tour plonger dans un scénario à lui et nous utiliser comme
surface de projection de son passé.
Et nous voilà partis pour un tour d’incompréhension et de non-
écoute.
Et voilà pourquoi, dans les relations, notamment dans les couples,
nous pouvons vivre la même dispute encore et encore et encore et
encore, sans jamais avancer véritablement.
La coupure dans le couple
Voici un exemple de ce qui peut se raconter à l’intérieur de
deux personnes en relation, ou plutôt ce qui se raconte chez
chacune individuellement lorsqu’il y a coupure et au sujet de la
coupure, et qui fait sans doute également obstacle à la relation.

« Moi, quand je me coupe de toi, je ferme la bouche, je ne dis


plus rien. Plus un mot. Tu peux continuer à en découdre, cause
toujours, je suis déjà partie bien loin, si loin que ni toi ni
personne ne pourra jamais m’atteindre. Mon regard devient un
peu fixe. Maintenant, avec l’expérience, tu arrives à le saisir. À
me voir partir, me projeter vitesse grand V sur une autre
galaxie. Me terrer dans ma planète meurtrière et meurtrie,
désolée et désolante, où rien ne pousse, rien ne vit. Même pas
moi, sa seule habitante. Quand j’y suis, c’est à peine si je
survis. Juste un vent gelé et une obscurité qui engloutit tout, au
milieu d’une terre dévastée, crevassée et des sons aigus et
stridents.
Et tu sais quoi ? Dans ces moments-là, même si je ne dis plus
rien, ou pis encore, si des horreurs de destruction sortent de ma
bouche en cherchant par tous les biais à couper et à te quitter,
mon vœu le plus cher et le plus caché est que tu viennes m’y
retrouver. Désarmé et vulnérable. Pas en me faisant la leçon ou
en m’encourageant à revenir. Non, en me rejoignant ici, avec
ton humanité imparfaite et qui souffre aussi.
C’est alors que je peux te percevoir à nouveau. Sentir que tu es
là, vraiment, pas qu’avec les mots. Les mots sont des barrières
qui m’éloignent de toi dans ces moments-là. Tu l’as compris à
tes dépens, malgré tout leur bon sens.
Quand je suis partie, je rêve de ta présence à mes côtés, sans
rien attendre de moi. Pas même que je revienne. Pas besoin
parce qu’on serait à nouveau ensemble.
Lorsque ce miracle arrive, que tu viens me retrouver tout
simple-tout doux sur ma planète-île-pourrie-de-la-mort-qui-
pique, l’air passe à nouveau. Je peux enfin sentir que tu tenais
ma main tout le long. Ça vibre en moi que tout n’est pas perdu.
Ensemble. Ensemble on est deux. Et je revis. Merci. Merci
d’avoir compris. De t’être incliné et d’avoir dit oui. Oui à qui je
suis et à ce que je vis, en ne l’identifiant pas à Qui Je Suis.
Merci de me permettre, par ta présence aimante de revenir à la
vie. » Carol
« Moi, je croyais ne pas être sujet à la dissociation.
“Non, ce n’est pas mon mode, ça. Moi je suis un adepte du
système sympathique en mode combat, confrontation, conflit”,
“Ce n’est pas glorieux, mais, au moins, me racontais-je, je suis
toujours là, présent (ou presque)”. Comme une revendication
de la suprématie de la conscience. “OK, je suis parfois coupé
de mes émotions, ou de mon corps, mais je suis au moins
présent… à l’espace… ou… à ce à quoi je pense.”
Pour moi, le fait d’être présent, même à une toute petite partie
de moi-même, du monde, une pensée, était préférable à être
absent. Et je pouvais bien voir le “problème” que constituait la
coupure, la dissociation chez l’autre lorsque cela lui arrivait.
Notamment chez ma compagne. Et je jugeais ça, cette
mécanique de la dissociation, et je pouvais aussi juger l’autre,
qui la vivait, comme s’il était faible. Je pouvais bien voir la paille
qu’il avait dans l’œil, mais je ne voyais pas la poutre que j’avais
dans le mien !
Alors que je me racontais toutes ces histoires, j’ai réalisé que
j’étais presque tout le temps dissocié de mon ventre, et d’une
grande partie de mon corps, de mes sensations corporelles.
Lorsque j’ai réalisé cela, ç’a été un choc ! Moi qui me croyais
présent, j’étais en fait pratiquement tout le temps absent, au
moins d’une partie de moi, éventuellement grande.
Et pourtant, mon esprit, ma conscience étaient souvent
présents. Comment cela se faisait-il ? Qui/Quoi est
présent/absent ?
Une réponse qui m’est venue est que nous avons trois façons
d’être dissociés :
– coupés de notre centre cognitif : nous ne sommes pas
présents “dans notre tête” ; soit nous pensons machinalement,
automatiquement, soit nous sommes “ailleurs” ;
– coupés de notre centre psycho-affectif : nous ne sommes pas
présents “dans notre cœur” ; soit nous éprouvons des
sentiments/émotions sans vraiment “y être”, soit nous ne
ressentons rien ;
– coupés de notre centre physique : nous ne sommes pas
présents “dans notre corps/ventre” ; soit nous avons une gêne,
une douleur, un symptôme sans vraiment être en contact avec,
soit nous ne sentons rien / ni notre corps ni notre
environnement.
Me concernant, je vois que le premier centre dont je me coupe,
c’est le centre physique, corporel. Le truc de la coupure, c’est
qu’elle intervient à notre insu. Ainsi, je découvre, à un moment,
que mon ventre est tendu, les abdominaux sont contractés.
J’imagine que lorsque je vis une situation confrontante, qui me
met mal à l’aise, la première chose qui va se contracter est mon
ventre pour ne plus sentir. Et je monte dans la tour de contrôle,
le mental.
Et comment cela se vit dans la relation ?
Je rationalise, j’argumente, j’explique…
C’est ce que je fais là, vous voyez.
J’essaye de maîtriser. Et j’ai appris à faire ça depuis longtemps.
J’ai même poussé la chansonnette jusqu’à devenir ingénieur !
Et du coup, je sais ! Je comprends. Un tas de choses ! Vous
voyez… Monsieur Je-sais-tout. Insupportable !
Lorsque je suis coupé de mon corps, je n’ai plus de limites ;
l’esprit ouvert, je suis relié à l’infini. Aux concepts, aux lois, aux
vérités… mais certainement pas à l’autre !
J’ai raison… mais je suis tout seul !
Alors, je cherche l’autre… je l’interpelle, l’attends, m’impatiente,
m’énerve, le provoque, le confronte, le taquine, le titille, l’irrite,
le fais fuir… Non ! Pas possible, il s’éloigne… C’est trop
angoissant ! Perdre le lien… C’est insupportable ! Nooooon !
Alors, je me bats, me défends, gauche, droite, crochet, esquive,
contact rapproché, Oh là ! Ça frictionne, j’argumente, c’est
chaud… j’y suis presque…
En contact. Là, ça y est. Je tiens. Je baisse les armes. On est
d’accord. Je lâche prise… je peux m’ouvrir. Un peu. Ça va. Je
respire. Je retrouve mon souffle, mon cœur. Ça se détend. Mon
ventre… j’ai un ventre. Je suis touché, vulnérable. Humain.
Sensible. Vivant. Merci. Plus besoin de se battre. Je suis en
sécurité. En lien. Maintenant. Avec moi-même. L’autre. La Vie.
Ouf !
Je peux rouvrir ma conscience. À l’espace, au réel, au présent.
Je suis là. J’existe. Tout va bien.
On peut continuer… » Nicolas
Imaginez ce que cela peut donner une Carol et un Nicolas
ensemble…

LA COUPURE DE L’ENVIRONNEMENT
Lorsque nous allons bien, nous sommes en relation directe avec
les autres, avec notre environnement, et nous sommes alertes,
attentifs et dans la capacité de nous adapter.
Lorsque nous sommes activés, une des premières choses qui
disparaît de notre perception et dont nous nous coupons, c’est notre
environnement (incluant les autres). Quand nous avons l’impression
d’être menacés, toutes nos ressources sont concentrées sur notre
survie. Et le monde extérieur devient une sorte de masse brouillée et
confuse avec laquelle nous perdons contact ou sur laquelle nous
projetons nos scénarios passés.
Comme nous percevons moins bien notre environnement, il est
courant de nous blesser ou de vivre des accidents dans ces
moments-là. C’est l’activation de la loi de Murphy qui dit que « tout
ce qui est susceptible d’aller mal ira mal ». Ce n’est pas parce que
nous avons été maudits mais parce que nous sommes en mode
coupure et que nous cessons d’être présents, en lien avec le réel. Si
vous vivez cela, la bonne nouvelle c’est que vous n’avez pas été
maudit ni marabouté (du moins nous l’espérons !) : vous êtes très
probablement activé.
Une autre des conséquences de cette coupure de l’environnement
est notre perte de sensibilité face à la beauté du monde, face aux
petits détails qui inondent notre champ de perception lorsque nous
sommes véritablement présents. Combien de fois parcourons-nous
des distances importantes en étant « dans la lune » ? Coupés du
présent, de ce qui est là. Notamment dans les trajets quotidiens.
Nous sommes ailleurs, occupés à penser à ce qui se produira
« si… », à ce que nous avons oublié… Et alors, la vie passe devant
nous, sans nous !
Nous pouvons aussi observer les résultats de la coupure avec
l’environnement sur un plan collectif en observant les effets
catastrophiques du réchauffement climatique et la très faible
réponse que nous, humains, avons réussi à apporter jusqu’à
présent. Comment cela se fait-il que nous soyons tous très au
courant de la fonte des glaces, de l’élévation du niveau de la mer,
des sécheresses, des problèmes d’eau, d’inondation, des incendies,
etc., et de leur lien avec notre activité et que nous ajournions encore
et encore les mesures drastiques à prendre pour éviter la
catastrophe ?
D’ailleurs, dans notre façon de nous exprimer lorsque nous
parlons d’« environnement » apparaît déjà cette dichotomie : il y a
nous, humains, et « l’environnement ». Comme deux choses
séparées. D’une part, nous mélangeons « l’environnement » – ce qui
est autour de nous – et « la nature » – dont nous faisons partie, qui
nous fonde, nous nourrit, dont nous sommes dépendants ; d’autre
part, nous nous coupons de cet environnement avec lequel nous
interagissons pourtant en permanence. Si nous ne nous incluons
pas dans l’environnement et ne reconnaissons pas que la nature
nous inclut, comme notre maison, il est normal que nous nous
sentions moins concernés et que nous détruisions impunément cette
maison.
Par ailleurs, comme l’expliquent les théoriciens de la
collapsologie, si nous étions véritablement en lien et au contact avec
ce que nous infligeons aux écosystèmes (avec nous, humains,
compris dedans) et que nous éprouvions la détresse et la souffrance
engendrées, nous vivrions un très grand effondrement. C’est pour
nous préserver de cet effondrement que notre système nerveux
nous coupe de ce ressenti terrible. En ankylosant notre perception et
notre ressenti, nous pouvons continuer à vivre nos vies en côtoyant
l’insupportable.
On voit comme les mécanismes de coupure peuvent être à double
tranchant : assurer la survie immédiate mais mettre en péril l’avenir.
Bien sûr, ces arguments n’ont pas vocation à nous dédouaner de
nos responsabilités. Ils sont là pour nous permettre de voir à quel
niveau ça disjoncte et nous inviter à remettre les bons câbles
ensemble pour arriver à nous défiger. Cela nécessite d’abord d’être
conscients que nous sommes collectivement figés ou congelés et
d’apprendre à décongeler petit à petit, individuellement et
collectivement, ce permafrost qui aurait, lui, tout intérêt à fondre.
Nous avons besoin de nous réapproprier nos ressentis, de
prendre la responsabilité de réchauffer nos cœurs – et non pas la
planète ! –, de revenir au contact, en présence, petit à petit,
doucement. Ce n’est qu’en étant avec ce qui se passe, ce qui passe
dans et à travers nous, que nous trouverons le courage d’agir, non
pas pour sauver des baleines bleues ou des forêts tropicales qui se
situeraient « en dehors de nous » mais parce qu’elles sont
traversées par ce même vivant qui nous traverse.
Le vivant, la Vie, se fraye toujours un chemin. Il se nourrit, se
protège, se guérit, palpite, frémit, parce que c’est dans sa nature de
se préserver. Nous avons le choix de suivre le courant ou de lutter
contre lui, en préservant, voire en cultivant notre coupure avec lui.
Mais si nous arrivons à nous connecter avec ce vivant, avec « la
Force », comme dirait Maître Yoda, alors cela deviendra la priorité et
il ne sera plus question de sauver la planète mais de nous laisser
agir par le vivant qui, lui, sait.

LA COUPURE DE LA SOURCE
Nous avons vu que, soumis à un stress important, nous pouvons
nous couper de l’environnement, des autres, et même de nous-
mêmes, corporellement et psychiquement. Mais il existe encore un
autre niveau de coupure, peut-être plus subtil que les précédents,
plus fondamental aussi, et qui est pourtant si commun et si profond
que nous ne le réalisons pas. C’est la coupure avec notre Source,
avec la Vie qui nous traverse, le plus-grand-que-nous qui est là
partout en nous et autour de nous.
Nous pouvons parler de coupure avec notre âme, tout d’abord, de
perte de contact avec qui nous sommes vraiment, en deçà des
conditionnements de notre personnalité. Cette coupure-là, bien
souvent, est permanente, et elle est aussi généralisée chez la
plupart des humains. Si bien que lorsque nous faisons référence à
notre âme en public, le sujet peut vite irriter, crisper, et basculer vers
un débat stérile sur l’existence ou non de l’âme. En tous les cas, ce
n’est pas l’objet de ce livre : le terme « âme » est employé ici pour
exprimer ce que nous sommes derrière le masque social et
psychologique. C’est nous, en vérité.
Nous pouvons néanmoins sentir notre âme dans certains
moments privilégiés de la vie. Par exemple lors d’une fête entre
amis, au moment où l’on sent un courant particulièrement
harmonieux entre tous, où tout glisse, est fluide, d’un coup on voit le
tableau : les visages, les rires, les regards, la Vie qui traverse… et
là, le temps s’arrête, on se sent simplement Vivant, Vibrant. Ou dans
certains silences, pleins, purs, avec des êtres chers, ou seul dans la
nature. Au coin du feu, ou devant l’océan.
Cette dimension plus profonde de notre être, que nous contactons
dans ces moments-là, est en fait toujours là, nous en sommes
simplement coupés le reste du temps.
Et puis il y a une dimension plus vaste encore, cette Réalité
intangible de laquelle tout procède, ce Mystère qui traverse tout-ce-
qui-est. L’Âme du monde, le Grand Esprit qui souffle à travers
chaque parcelle d’univers. Pouvons-nous nous relier à Cela ? Cela
qui crée les univers et fait danser les étoiles. Cet au-delà-du-monde
qui est au cœur du monde. De toute éternité, et dans chaque instant.
Qui fait les saisons et fait pousser les blés, qui chante à travers nous
au printemps et nous réchauffe au creux de l’hiver. Ce Souffle
mystérieux anime notre âme et jusqu’au plus petit atome de notre
corps. Grand Soleil Central, l’appellent certains, ou Grand-Mère.
C’est un Principe et une Matrice. Nous pouvons seulement le goûter
au creux du silence, du vide, au-delà de tout concept et de tout
contrôle. Il-Elle est notre Père-Mère.
Seulement voilà, au moment de la blessure originelle, au moment
où il fallait s’adapter au monde dans lequel nous arrivions, nous
avons relégué l’autre, cet Infini, aux oubliettes. Et il est devenu
Invisible.
C’est aussi pourquoi nous en sommes tous – à part quelques
exceptions – coupés. Mais nous en avons l’intuition, une part de
nous sait. L’Intuition de l’éternité. La nostalgie de l’Unité. C’est cela
qui nous pousse à une démarche spirituelle, authentique. Retrouver
qui nous sommes vraiment, d’où nous venons, quel est le sens de
notre vie, de la Vie. Vivre en harmonie avec toute chose, dans le
courant.

Si cela vous appelle, vous êtes au bon endroit car, autant il n’est
pas envisageable de se sentir complet sans intégrer sa dimension
d’éternité, autant ce chemin de complétude passe par mille et une
petites choses, au quotidien, pour réintégrer les parts de soi
fragmentées par nos traumatismes, plus ou moins lointains.
Nous pouvons observer la coupure sous plein d’autres coutures
encore : notre coupure des traditions ancestrales, du frétillement de
la barbe qui pousse, du territoire, du ressac, de la terre nourricière,
de notre intuition, de la complicité, du rayon de soleil qui éclaire son
ventre, de la sagesse, de la créativité, de la cardamome, de ceux qui
ont peur et qui sont seuls, de notre centre, des histoires, de l’arôme
du café tout frais moulu, de l’élan vital, des rythmes naturels, de
celui qui n’a pas mangé à sa faim aujourd’hui ni hier non plus, de ta
senteur de fauve et de jasmin après une bonne journée de travail, de
la chenille pas encore papillon, des bons mets, de nos aïeux, de la
pierre en forme d’œuf tout au fond de l’océan, des saisons, du rire
en cascade d’un enfant trouvé à cache-cache, de notre humanité, de
la sensibilité, de l’adolescente qui se fait vomir, de mon utérus, du
bruissement des feuilles quand il vente et qu’il pleut, du rouge et
aussi du vert bouteille, du sourire de grand-mère, de l’humus, du
volcan éteint, de celui qui crache chaque jour sa puissance et que tu
iras peut-être voir un jour, des joues creusées par tant de larmes, de
ses yeux si beaux uniques au monde, de papy qui se meurt dans sa
maison de retraite, de l’amour, de l’amour, de l’amour… de la Vie,
tout simplement.
PARTIE 3

... À UNE SENSIBILITÉ


ÉPANOUIE
CHAPITRE 8
L’APPROCHE RESSOURCES

PRINCIPES DE L’APPROCHE RESSOURCES


Nous voici arrivés au moment tant attendu (roulement de
tambours)… où nous aborderons le « Comment est-ce qu’on fait ? ».
Tout d’abord, nous aimerions vous féliciter d’être arrivé jusqu’ici.
Nous avons abordé des sujets pas faciles, voire de la pure dynamite,
dans les « épisodes précédents », et nous savons que ce n’est pas
une partie de plaisir de naviguer sur ces eaux troubles.

Nous espérons que vous avez bien compris que, malgré le côté
effrayant du mot « traumatisme » et de son cortège de symptômes, il
y a une infinie intelligence du vivant qui opère à travers nous pour
préserver le plus précieux en nous : notre essence, la vie elle-même.
Tout cela est très bien conçu, c’est une horlogerie fine qui dépasse
la plus avancée des technologies, mais qui requiert un mode
d’emploi pour ne pas que le disque, qui semble un peu rayé, tourne
à l’infini.
Savoir comme ça se passe, c’est déjà un premier grand pas.
Quelle est la suite ? Dans la mesure où chaque traumatisme
occupe beaucoup de place et d’énergie en nous, malgré la brillance
et l’astucieux de son existence, l’idée est de :
1. libérer de la bande passante en favorisant l’évacuation
progressive du trop-plein d’énergie figé avec chaque
traumatisme pour récupérer de l’espace intérieur ;
2. développer notre capacité à être avec ce qui se passe, y
compris avec les émotions longtemps contenues, pour être à
même de les réintégrer dans notre palette personnelle,
récupérer notre énergie vitale et développer notre capacité à
répondre à nos besoins, c’est-à-dire sortir de l’impuissance et
reprendre notre pouvoir personnel ;
3. favoriser le rapatriement de nos parties éparpillées pour qu’elles
puissent s’allier, s’intégrer et collaborer avec le grand « Je » au
centre de notre être. Et permettre à ce Moi Unique, constitué du
magnifique patchwork de nos singularités, de se déployer dans
le monde ;
4. développer notre capacité à nous réguler et à revenir à un état
équilibré lorsque nous sommes activés, en solo, à deux ou à
plusieurs… Plus on est de fous… plus on (gai-)rit !
Comment ?

Par une approche Ressources.


Quézaco ?!
Dans la perspective de nous libérer de la charge traumatique,
gonflés à bloc et avec la ferme intention d’en découdre, nous
pourrions penser qu’il faut descendre dans les profondeurs,
contacter l’événement traumatique – si on le connaît – et pratiquer
une technique x ou y qui va le faire partir. Ou, puisqu’on a compris
que le traumatisme était logé dans le corps, aller le déloger en
creusant, c’est-à-dire en explorant les émotions difficiles qui, en
effet, pointent vers des besoins non satisfaits, et du coup des
expériences traumatiques. C’est pas bête. Le problème, c’est qu’on
risque ainsi… la « re-traumatisation ».
Si l’on ouvre la boîte de Pandore et que l’on se retrouve submergé
par la charge traumatique, par la vague émotionnelle, l’angoisse, et
que l’on se sent seul, perdu, eh bien on en remet une couche. On
« re-traumatise ».
Et là, pour y revenir – car effectivement il y a à recontacter cette
charge, c’était une bonne intuition, mais pas comme ça –, eh bien
accroche-toi.

« Vous en reprendrez bien un p’tit ?…


– Euh… Merci. Mais, non merci. »
Alors, vous nous direz :
« Oui, mais j’ai des techniques, je suis pas né de la dernière pluie.
(Pfff !… ils nous prennent vraiment pour des débutants !) Ça fait
quinze ans que je pratique le yoga, la respiration consciente, la
méditation, j’ai fait des années de thérapie, des stages…
– Mmm ! Mmm ! »

Notre expérience nous montre – et les spécialistes du


traumatisme le savent – que le risque de plonger dans le « vortex
traumatique », comme disent les Anglo-Saxons, est grand.
Ce vortex, tel que décrit par Peter Levine, consiste en une sorte
de puissant tourbillon qui, tout comme dans la nature, attire
vigoureusement dans ses entrailles tout ce qui se trouve autour.
Ainsi, si nous approchons une charge traumatique de manière
rapide et directe, la personne concernée peut se retrouver aspirée
dans ce vortex et avoir beaucoup de mal à en sortir.
Et même dans un cadre thérapeutique où, par essence, le
thérapeute et le lien thérapeutique sont une ressource solide, il se
peut néanmoins que le patient glisse dans son vortex traumatique,
malgré les compétences du thérapeute et toutes ses meilleures
intentions.
L’approche Ressources, proposée par Peter Levine et reprise
ensuite par nombre de chercheurs et thérapeutes de différents
courants, consiste à générer un « vortex de ressources » qui soit de
force égale ou supérieure au vortex traumatique.
Peut être considéré comme ressource tout ce sur quoi nous
pouvons nous appuyer, en provenance de l’intérieur ou de
l’extérieur, qui va constituer un soutien pour retourner ou rester dans
un état d’ouverture, de bien-être et de lien – avec nous-mêmes, les
autres et l’environnement. C’est-à-dire tout ce qui va permettre que
nous soyons installés dans notre système vagal ventral.
Lorsque nous sommes dans le vagal ventral, c’est l’adulte que
nous sommes aujourd’hui, muni d’une panoplie de capacités, de
talents et de la sagesse de ses expériences passées, qui est à
l’œuvre. Cet adulte que nous sommes a la capacité de faire face à
son vécu enfantin avec ses ressources actuelles dans le présent.
Les ressources nous permettent donc de rester – ou de revenir
autant de fois que nécessaire – dans l’état vagal ventral, pour
prendre en charge la situation que le petit que nous étions n’a pas
pu gérer.
Comme exemples de ressources intérieures figurent : une
sensation corporelle plaisante, un souvenir agréable, une émotion
positive, une respiration ample et profonde ou simplement le fait
d’être en bonne santé, parmi tant d’autres ressources intérieures
que nous pouvons mobiliser, dont une bonne partie sont explorées
tout au long de ce livre.
Voici quelques exemples de ressources extérieures : une
personne que nous apprécions et avec qui nous nous sentons en
sécurité, un lit bien douillet, un bon repas qui nous rappelle de beaux
souvenirs, un sourire sincère partagé avec un inconnu, une fleur en
éclosion, la nature en général ou un lieu en particulier, etc.

Attention ! Nous ne sommes pas tous égaux face aux


ressources. Ce qui pour certains peut être ressourçant
peut s’avérer être un déclencheur pour d’autres. Et
inversement. Il est très important d’être à l’écoute de ce
qui est véritablement une ressource pour soi et laisser de
côté ce qui ne l’est pas.

En réalité, nous sommes entourés et baignés de ressources.


Peut-être ne les voyons-nous pas car nous n’avons pas évolué dans
un environnement (familial, culturel, sociétal) mettant l’accent sur les
ressources, c’est-à-dire que nous n’avons pas appris à porter notre
attention sur ce qui est positif et qui est déjà là, disponible, mais
plutôt sur ce qui manque, ce qui pourrait ou devrait être là.
Diriger notre regard volontairement sur ce qui est bon, bénéfique,
nourrissant nous permet d’accéder au bien-être associé,
directement, dans l’instant.
La démarche des ressources consiste ainsi plus à porter notre
attention sur celles qui sont là, déjà présentes, au-dedans et au-
dehors, qu’à « trouver » des ressources qui seraient cachées, ou à
en produire de nouvelles.
Par exemple, considérer notre bonne santé ou notre confort
matériel ne demande rien d’autre que porter notre regard sur ce qui
existe déjà, et cela devient une ressource dans le fait que cela peut
véritablement nous énergétiser, nous rassurer, nous soutenir pour
faire face à ce qui constitue un défi par ailleurs.
Ainsi, la personne ressourcée, installée dans son système vagal
ventral, peut progressivement et tout en douceur être présente à de
la charge traumatique sans que celle-ci la submerge.
La présence aimante et ressourcée – sans se couper à
nouveau –, la présence à cette charge traumatique est la clé de
la guérison.
La charge traumatique se manifeste principalement par des
sensations physiques, parfois par des images et des souvenirs, et se
présente avec les émotions corrélées au traumatisme vécu.
Pouvoir vivre et contenir cette intensité d’émotions et de
ressentis difficiles nécessite donc beaucoup d’appuis – les
ressources – et souvent la présence aimante d’un tiers, qui est
ce qui nous a le plus fait défaut lorsque le traumatisme est
apparu.
Tiens ! Mais cela fait penser aussi à un conte bien connu… Qui,
prévoyant, assure ses arrières et son chemin de retour ?
Le Petit Poucet !
Décidément, les contes traditionnels et les histoires populaires
regorgent de métaphores et de lectures symboliques multiples,
véhiculant une sagesse infinie !
Ainsi, avec l’Approche Ressources, on peut faire le voyage Aller
et Retour – voyez, ce sont les mêmes initiales ! –, sans tomber dans
le vortex ou se perdre dans la forêt !
Comme nous avons évoqué le Petit Poucet, filons la métaphore,
car les contes traditionnels portent effectivement une sagesse
profonde.
Si, dans notre démarche de libération traumatique, l’analogie est
le départ en forêt, il ne s’agit tout de même pas de partir en balade !
Et de revenir tranquillement, les mains dans les poches grâce aux
petits cailloux. Non, le défi et l’enjeu sont plus importants.
Que se passe-t-il pour le Petit Poucet et ses frères ? Après toutes
les péripéties, ils vont récupérer les bottes de sept lieues de l’ogre.
On peut considérer que ces bottes représentent le trésor qui, comme
dans tout voyage du héros1, doit être trouvé au péril de sa vie et
après maintes épreuves, et rapporté ensuite « à la maison », au
service de la communauté.

Mais alors, pourriez-vous dire en vous rappelant l’histoire du Petit


Poucet, il ne faut pas des ressources sûres (des petits cailloux) si
nous voulons vivre un voyage initiatique, mais des ressources
périssables ou fragiles (des miettes de pain), car celui-ci n’a lieu que
parce qu’il n’y avait plus de petits cailloux justement et seulement
des miettes de pain le jour où le Petit Poucet et ses frères ont vécu
l’aventure initiatique avec l’ogre.
C’est la magie des contes, de la vision poétique et de la lecture
symbolique. Nous ne devons pas penser avec la tête, mais avec le
cœur. « L’essentiel est invisible pour les yeux », nous rappelle le
Petit Prince.
Et si nous n’avions pas à choisir : la sécurité et la vie plan-plan
(les cailloux) ou la spontanéité et l’expérience initiatique (les miettes
de pain), le cerveau gauche (la raison) ou le cerveau droit
(l’intuition) ? Et si nous mettions un peu plus de « et » dans nos
vies ?! Le Petit Poucet emprunte bien, en fait, les deux voies ! Nous
pouvons imaginer que ces deux voies s’intègrent simultanément
dans la vie. Ou s’entrelacent. Parfois, j’ai à être rationnel – pour
organiser un événement – et d’autres fois à vivre avec mon cœur –
pour aimer !
Une autre façon d’interpréter ces deux parcours est de dire que la
première phase (les petits cailloux) consiste à ancrer des
ressources, et la seconde, à vivre l’expérience (avec les ressources,
à l’intérieur, bien intégrées).
C’est justement ce à quoi vous invite ce livre : à pratiquer les
exercices régulièrement, quand tout va bien, afin que lorsque vous
êtes défié par la vie – les expériences ne manquent pas ! –, les
ressources soient là, disponibles, les chemins neuronaux ayant été
bien creusés car bien parcourus.
Bon, très bien… alors, quand est-ce qu’on la commence, cette
approche Ressources ?!
Eh bien, la bonne nouvelle, c’est que nous l’avons déjà entamée
ensemble, en filigrane, au fil de cette traversée livresque. Nous
avons déjà placé quelques petits cailloux (non pas blancs mais
verts) !
Chaque fois que vous avez fait un exercice qui vous a fait
frissonner, bâiller, tressaillir intérieurement, vibrer, groover, à chacun
de ces instants d’expansion et de trémoussement intérieur, votre
système nerveux autonome s’est vu décharger d’une masse de trop-
plein d’énergie stockée.
Cela peut paraître déroutant et difficile à croire puisque vous
n’avez probablement aucune idée de ce qui se libérait concrètement,
mais l’idée de la démarche proposée dans ce livre n’est pas de tout
saisir ; elle est plutôt de laisser faire et de vérifier par la suite ce que
ça change concrètement dans notre vie.
Notre corps connaît le chemin, le tout est de le mettre sur la voie
et de ne pas l’interrompre lorsqu’il est sur sa lancée d’autoguérison.
Chacun des exercices déjà parcourus et ceux qui sont à venir,
notamment ceux qui sont à pratiquer quotidiennement, vous
permettront de créer les bonnes conditions pour activer ce
processus de libération. Si vous y ajoutez l’intention qu’il en soit
ainsi, les chances que ça marche se multiplient à l’infini.
Pour ce qui est des émotions et des besoins connexes, nous
explorerons ceux-ci plus en détail dans les pages suivantes et vous
inviterons à vous familiariser avec eux. C’est une gymnastique et
elle requiert du courage mais cela en vaut vraiment la peine !

DE L’ACTIVATION À LA RÉGULATION
Dans la vie de tous les jours, les situations où notre système
nerveux est déclenché en mode survie sont légion, notamment si
nous évoluons en mode « hyper ».
Notre corps est notre première boussole pour nous indiquer que
nous sommes activés. Puisque nous sommes tous différents, les
réactions face à cette activation varient selon le moment, le type de
charge traumatique activée et nos propres tendances.

Parmi les plus courantes se trouvent :


le ventre serré,
la contraction de la nuque et des épaules,
des palpitations,
le souffle court, accéléré ou quasi en apnée,
l’impression que la terre se dérobe sous nos pieds,
des tremblements plus ou moins forts,
une forme de torpeur et d’engourdissement d’un ou plusieurs de
nos membres,
des sueurs froides,
des difficultés de sommeil, insomnies,
une agitation telle que nous remuons sans cesse ou nous
faisons des choses pour nous occuper parce que nous
n’arrivons pas à tenir en place, par exemple faire le ménage de
manière compulsive ou faire défiler son fil d’actualité sans
vraiment prêter attention à ce qui est dit,
toutes sortes de sensations désagréables au niveau de la
poitrine, du plexus solaire, de la gorge – par exemple la gorge
nouée ++ comme si un chat y avait élu domicile.
Concernant notre ressenti global, nous pouvons avoir :
l’impression que tout va beaucoup trop vite et que nous n’avons
pas le temps,
l’impression que nous sommes submergés et démunis,
l’impression que nous n’allons jamais y arriver,
l’impression que nous sommes des victimes impuissantes des
circonstances,
l’impression qu’il n’y a pas de choix ni de possibilités, et que
nous sommes obligés de faire ceci ou cela, avec un sentiment
d’être piégés,
une impression de vide intergalactique qu’il faut à tout prix fuir
en se distrayant ou remplir, par exemple en mangeant, en
fumant, en buvant ou avec toute autre addiction,
l’impression que les autres sont des boulets ou des menaces,
l’impression que les autres n’apparaissent pas comme un
soutien potentiel pour nous aider mais nous semblent bien trop
lointains.
Sur le plan émotionnel, lorsque nous sommes activés, nous
pouvons avoir tendance à « habiter » ou plutôt à nous voir habités
par l’émotion avec laquelle nous sommes le plus familiarisés,
notamment si nous avons été coupés d’une ou plusieurs émotions
au cours de notre histoire de vie.
Ceux qui pratiquent la colère avec aisance vont facilement la
ressentir lorsqu’ils sont activés. Ceux qui ont la tristesse comme
émotion la plus habituelle, même s’ils vivent une injustice ou que
quelqu’un dépasse les bornes, vont être terrassés par la tristesse,
au lieu de se fâcher. Ceux qui ont la peur comme émotion pregnante
vont ressentir de l’appréhension lorsqu’ils sont activés.
En cas d’activation, sur le plan mental, nous pouvons :
être dans des ruminations incessantes,
rejouer dans notre tête ou lors d’un échange (plutôt en mode
monologue) des scènes passées,
nous projeter dans l’avenir avec des prévisions plutôt
angoissantes,
ne plus arriver à nous concentrer,
avoir des pertes de mémoire,
avoir du mal à comprendre ce qu’on nous dit ou ce qu’on lit,
avoir plusieurs voix contradictoires qui cherchent à s’exprimer à
l’intérieur de nous, dont la cacophonie génère de la paralysie,
être en présence d’un critique intérieur féroce qui juge chacune
de nos pensées, actions, omissions, erreurs,
nous sentir coupables et honteux,
nous trouver nuls, trop ou de trop,
avoir des idées noires.

À présent, nous vous invitons à prendre quelques instants en


compagnie de votre cahier, pour faire votre propre bouquet
d’activations sur les différentes sphères qu’elle touche.

Approfondissement
Dans un premier temps, vous pouvez faire une liste incluant toutes les formes
d’activation que vous vivez sans vous soucier de la catégorie à laquelle elles
appartiennent.
Ensuite (ou en premier si vous avez besoin d’ordre depuis le début de
l’exercice), vous pouvez dessiner quatre colonnes sur une page complète.
Dans la première colonne, vous pouvez inscrire le titre « Activation
corporelle », dans la deuxième « Activation d’impression générale », dans la
troisième « Activation émotionnelle » et dans la dernière « Activation
mentale ». Classez les éléments de votre liste initiale dans les colonnes qui
vont bien. Laissez libre cours à votre mémoire et inscrivez tout ce qui vous
passe par l’esprit à propos de vos modes d’activation.
Revenez compléter votre page autant de fois que vous le voudrez,
notamment lorsque vous détecterez des modes d’activation qui étaient
passés sous le radar jusqu’à présent.
Une autre manière de la compléter, qui nécessite une bonne dose de
courage mais qui est très éclairante, est de demander à vos très proches,
après explication de ce qu’est l’activation et comment elle se manifeste, de
vous faire un retour sur les modes d’activation qu’ils observent chez vous.
Vous serez probablement surpris, ou pas.
Laissez votre bouquet personnel d’activations reposer pendant quelques
jours, puis revenez-y. Lisez-le tranquillement, humez-le, goûtez-le. Qu’est-ce
que vous apprenez de vous en le redécouvrant ? Qu’est-ce qui vous saute
aux yeux ? Comment ça vous touche de vous lire dans cette vulnérabilité et
dans la brillance des réponses de votre être pour faire face à la menace ?
Surtout, soyez doux envers vous-même.
Tout cela est, et a le droit (et le besoin) d’être aimé.

Chasse aux signes d’activation


Pour toutes ces zones d’activation, avez-vous l’impression d’avoir une zone
plus manifeste et prégnante que les autres ?
Lorsque vous vous sentirez activé, cherchez à savoir en premier ce qui vous
a permis de savoir que vous étiez déclenché et explorez les autres zones
pour voir ce qu’elles disent.
Par exemple, si c’est une contraction physique qui vous a mis sur la piste de
l’activation, qu’en est-il en ce moment précis de ce qui passe par votre tête ?
Quelle émotion est la plus présente ? Comment ça se passe sur un plan
global ?
En faisant cet exercice encore et encore, vous vous familiariserez avec vos
réponses et votre fonctionnement intérieur.
Tout est bienvenu !

S’il y a bien quelque chose à savoir dans toute cette histoire, c’est
que les réactions qui surgissent d’un état d’activation sont rarement
génératrices de bonheur, d’amour et de joie.
Normal, non ? Quand nous sommes activés, nous sommes
coupés de nous-mêmes, des autres, de l’environnement. Nous
faisons un saut spatio-temporel dans le passé en nous sentant aussi
démunis que lorsque nous étions enfants et nous répétons les
mêmes réponses qu’alors. Le résultat est alors rarement heureux.
Bien souvent, lorsque nous agissons depuis cet endroit, nous
regrettons ensuite nos actions.
Collectivement, en tant que société traumatisée, nous pouvons
vérifier à quel point ce que nous perpétrons depuis l’endroit de la
coupure et de la séparation perpétue souffrance et douleur.
Comment, en tant que société reliée, pourrions-nous supporter que
certains de nos membres meurent de faim, que d’autres soient
obligés de s’exiler loin de leur terre natale sans pour autant être
accueillis ailleurs et que des espèces entières soient détruites parce
que leurs écosystèmes sont abîmés et exploités au nom du profit ?
Un mandataire à mon service
Pour vous donner toutes les chances de détecter les moments où vous êtes
activé, imaginez que vous mandatez une partie de votre conscience pour
qu’elle reste présente à vous et à vos réactions.
Lorsque votre émissaire intérieur détectera une variation dans une des
sphères mentionnées ci-dessus, mandatez-la pour qu’elle vous communique
l’information le plus rapidement possible.
Au début, cet exercice de « détacher une partie de soi » pour qu’elle surveille
vos variations intérieures peut paraître étrange, mais nous vous invitons à
poser l’intention, en toute simplicité, comme on demande un service à
quelqu’un, à entrer en contact avec cette partie et à lui demander, si cela lui
plaît, de vous tenir informé.
Donnez-lui sa chance.
Vous verrez que progressivement vous serez averti de plus en plus tôt de vos
changements d’état intérieur et vous lui en serez fort reconnaissant !

Et après ? Que faire une fois que nous nous apercevons que notre
système nerveux est activé ?
Déjà, vous pouvez être super fier de vous, car prendre conscience
de votre ressenti et être en mesure de voir que vous êtes déclenché
sans blâmer autrui ou les circonstances de ce que vous ressentez
est un pas de géant !
Ensuite, c’est à ce moment qu’interviennent les ressources. Ces
fameux appuis qui, comme vous l’aurez compris, vous permettront
de revenir d’un état d’activation en mode sympathique ou vagal
dorsal à un mode vagal ventral.
Ce processus de détente et de retour à un état plus serein de
votre système nerveux et de l’ensemble de votre vécu intérieur
s’appelle la régulation.
La régulation de notre système nerveux est ce que nous
cherchons à établir grâce aux ressources. Le fait d’installer ces
ressources par des pratiques quotidiennes fait que notre système
nerveux devient de plus en plus régulé. Et lorsque nous sommes
activés, les ressources d’urgence peuvent nous aider à nous réguler
pour revenir dans un état où nos ressources d’adulte sont
disponibles et où la charge traumatique peut être libérée.

Approfondissement
Une fois que vous aurez reçu l’information de l’altération de votre état
intérieur par le truchement de votre émissaire conscient, choisissez l’exercice
parmi ceux qui vous auront le plus parlé pour recréer de l’espace intérieur, ou
bien suivez votre cocktail personnel de désactivation du moment pour vous
réguler.

Un des objectifs de ce livre est de vous permettre de vous


empuissancer en vous donnant un maximum d’outils pour que vous
appreniez à vous réguler tout seul.
Il est possible de faire un grand bout de chemin en solo, mais la
libération de nos charges traumatiques profondes doit souvent
passer par l’accompagnement d’un professionnel sensibilisé à la
thématique du traumatisme, de préférence travaillant avec une
approche Ressources.
Si vous n’y arrivez pas tout seul, c’est normal. Ce n’est pas du tout
évident. Et les professionnels de l’accompagnement sont là pour ça.
Notons que, dans son intelligence, la Vie cherche, par tous les
moyens, à se réguler, libérer les charges, les tensions, les mémoires
pour circuler à nouveau, s’exprimer dans toute sa force, sa beauté,
sa puissance. La créativité est infinie dans les stratégies employées
pour remettre l’énergie en mouvement.
Par exemple, savez-vous quelle a été l’application la plus
téléchargée au cours des derniers mois dans le monde ? C’est
TikTok. Une appli de partage de vidéos utilisée massivement par les
jeunes pour créer et partager des chorégraphies. Nous pouvons voir
là une tentative du collectif d’exprimer ses élans de vie directement à
travers le corps.
En fait, tous les moyens sont bons pour exprimer le vivant, pour
accéder à de la Ressource, et la faire circuler en nous et autour de
nous.

Prenons aussi cet exemple d’une patiente qui, un jour, en


marchant dans les rues de Paris, prit conscience qu’un état morose
lui polluait la vie. Elle eut soudain l’idée d’imaginer que tous les feux
rouges passaient au vert ! Immédiatement, la vie recirculait, et
passait au vert ! Elle remarqua alors la petite fleur qui poussait là,
dans le bitume, le sourire d’un enfant, ou des amoureux qui
s’embrassaient au coin de la rue.
Nous pouvons tous décider, en posant une intention forte, de nous
brancher sur ce qui fait ressource, plutôt que sur ce qui nous
plombe.

“Ce matin encore, après un passage rapide sur les réseaux


sociaux, je suis tombé sur un message avec une vidéo
déprimante de mise en garde, et sur un billet très
enthousiasmant d’un ami évoquant le fait que la période
actuelle était très propice aux nouveaux projets et pour poser
des intentions. J’ai vu comment ces deux messages m’ont
touché émotionnellement. J’ai décidé de prendre l’information
du premier – ne pas non plus faire l’autruche – mais de rester
avec l’énergie du second, et c’est celui-ci que j’ai partagé avec

ma compagne. „
Nicolas

Notre corps résonne avec ce que nous lui donnons à manger


(nourriture mais aussi information et énergie). Permettons-lui de faire
son travail merveilleux en lui fournissant les bons carburants !

1. Le voyage du héros est un archétype (représentation d’un thème universel


structurant la psyché) établi par Joseph Campbell dans son livre Le Héros aux
mille et un visages (éditions Oxus). Cet archétype est structuré par le parcours
initiatique que tout être humain est appelé à accomplir pour devenir le héros de sa
propre vie en faisant face aux épreuves et en relevant les défis qui lui sont
donnés. L’auteur étaye sa thèse en décortiquant les contes et les mythes de
différentes civilisations où il retrouve les éléments clés de la matrice qu’il propose.
CHAPITRE 9
LA CONSCIENCE
CORPORELLE

Comme vous l’avez compris, le traumatisme est un processus très


intelligent qui, pour protéger notre intégrité, coupe et met de côté les
parties de nous qui sont affectées lors de l’expérience traumatique,
faisant que nous perdons contact avec ces parties restées
endormies ou congelées. Des parties entières de notre anatomie
peuvent demeurer engourdies, tellement loin de nous que nous
n’arrivons pas à les sentir, alors qu’elles auraient tellement besoin de
notre présence aimante.
Certaines personnes ont dû tellement se blinder face à la
souffrance qu’elles ne sentent presque pas l’inconfort et la douleur.
Ce n’est que lorsqu’une maladie grave se déclare ou à la suite d’un
burn out ou d’une dépression qu’elles réalisent l’ampleur de la
déconnexion d’avec leur corps et tous les signaux qu’elles n’ont pas
été en mesure de capter à cause de cette insensibilisation
corporelle.
Mais pas de panique ! Il est possible de renouer avec notre corps.
Chi va piano va lontano1.
Rappelez-vous l’exercice de scanner de votre corps où vous avez
pris le temps de ressentir votre corps de l’intérieur. Rappelez-vous
les espaces que vous avez pu ressentir et ceux qui semblaient
comme absents. D’ailleurs, si vous le souhaitez, vous pouvez refaire
le test à cet instant et voir ce qui a évolué depuis, car notre ressenti
est très variable et change avec nous !
Le processus de guérison des traumatismes nécessite de :
s’installer dans un état de présence, ressourcé et adulte,
rapatrier des parties de nous à la dérive, perdues dans un
ailleurs, dans le passé, au moment et à l’endroit où nous avons
vécu l’événement traumatique,
contacter et digérer la charge traumatique émotionnelle et
énergétique,
descendre jusqu’au niveau des sensations corporelles et les
accompagner instant après instant, y compris dans les
mouvements et expressions qui cherchent à se vivre à travers
nous.

Le processus thérapeutique va donc consister à réenclencher le


mouvement là où il y a eu figement dans le passé, comme si on
avait mis notre histoire sur pause. Ce faisant, nous récupérons
l’énergie emprisonnée dans cet espace-temps ainsi que celle
déployée pour nous empêcher d’être au contact de cet endroit
souffrant.
Mais, heureusement, nous n’avons pas besoin de savoir où,
quand, comment, ou ce qui nous est exactement arrivé, car tout
se rejoue ici et maintenant, dans le corps. C’est donc avec le
corps que nous avons rendez-vous pour guérir.
Il existe de nombreuses approches thérapeutiques où l’accent est
mis précisément sur l’expérience du corps vivant dans l’instant.
Nous avons à cœur de partager avec vous celles que nous avons
expérimentées et qui nous ont touchés et aidés à cheminer.
La liste n’est pas exhaustive et nous vous invitons à faire vos
propres recherches et vos propres expériences.
La Gestalt-thérapie, par exemple, est une approche thérapeutique
relationnelle qui s’intéresse à ce qui se passe dans l’ici et
maintenant de l’espace thérapeutique.

À travers l’écoute consciente de ce qui émerge dans l’instant, le


praticien va accompagner le consultant pour terminer des Gestalt –
mot allemand signifiant « forme » –, c’est-à-dire à poursuivre et
finaliser des processus restés inachevés dans le passé. Pour ce
faire, le Gestalt-thérapeute va accompagner instant après instant
l’apparition des formes – affects, images, mouvements –, chez le
consultant et en lui-même, en soutenant le processus par sa
présence, en relation avec le consultant.
Nous nous situons là dans une approche phénoménologique du
réel, c’est-à-dire basée sur l’expérience directe vécue instant après
instant – en l’occurrence par le thérapeute et le consultant. Cette
approche phénoménologique, utilisée en Gestalt-thérapie, est une
« science rigoureuse », selon Edmund Husserl, fondateur de la
phénoménologie, qui étudie les phénomènes en se fondant sur
l’expérience directe vécue par le sujet. Cette démarche se distingue
par le fait qu’elle ne se rapporte pas à des normes, à une autorité, à
une morale extérieures, mais consiste à appréhender la réalité
directement « telle qu’elle se donne ».
D’autres approches mettent l’accent sur le vécu corporel intime du
patient. Ce dernier est invité à accueillir les sensations telles qu’elles
se présentent et à laisser se dérouler le processus instant après
instant pour permettre que Ça se régule, se libère.
Il existe aussi la méthode TIPI (Technique d’Identification
sensorielle des Peurs Inconscientes), la Somatic Experiencing® et
les différentes écoles s’y reliant, telles que l’approche NARM®
(Modèle Relationnel Neuro-Affectif) et l’Internal Somatic Psychology.
Ces pratiques ont été spécifiquement conçues pour traiter et
guérir les traumatismes.
Ainsi, toutes ces approches, et d’autres qui n’ont pas été
mentionnées, sont fondées sur l’intuition que le système organisme-
environnement est capable de s’autoréguler. Et c’est grâce à la
présence bienveillante du praticien, au miroir qu’il constitue, aux
retours qu’il fait de ce qu’il perçoit, y compris dans son propre corps
qui résonne avec l’expérience de son consultant, que celui-ci va
pouvoir s’autoréguler en lien avec son environnement.
Dans la suite du livre, nombre de pratiques que nous vous
proposons comportent une dimension corporelle. Il s’agit en effet de
réintégrer les différentes parties de notre corps, mais aussi les
différents « nous » logés dans ces parties de notre corps.
Essayons de comprendre : je suis tel que je suis aujourd’hui car je
suis en contact avec certaines parties de moi, « Moi » étant une
sorte de synthèse de tous ces moi.
Mais il y a aussi des moi que je ne connais pas encore – ou que
j’ai oubliés. Si demain je réintègre des parties de moi enfouies
aujourd’hui, je serai un nouveau moi. Plus grand, plus complet. Un
peu comme si je découvrais de nouvelles pièces dans ma maison :
dans la cave, au grenier ou cachées derrière le miroir de la salle de
bains ! Des pièces ignorées que, si je les retrouve, je vais pouvoir
aménager et habiter.
Qui serait partant pour agrandir un peu la maison ? Ça vous dit,
un petit toit-terrasse ? Ou une cuisine d’été dans le jardin ? Ou
encore une véranda derrière le salon ou un petit nid cocon dans le
coin, là-bas ?
Rapatrier ces parties de nous implique un travail corporel de
réintégration des ressentis dans ces zones de notre corps. Et là
attention, il faut bien comprendre une chose essentielle : ce n’est
pas ce que je fais avec mon corps qui est important mais ce que
je vis dans mon corps.
Si je suis dans une démarche de « faire » quelque chose « avec »
mon corps, je continue d’organiser la dissociation d’« avec » mon
corps, la coupure en moi. Il s’agit au contraire de retrouver le contact
intime avec le senti, avec l’expérience sensible.

Nous touchons là un sujet très sensible justement. Est-ce que j’ai


un corps ou est-ce que je suis un corps ?
Il y a plusieurs manières de voir les choses :
Je peux dire « J’ai un corps » et dans ce cas je me différencie
de celui-ci. Cela peut être utile, de manière pédagogique, pour
parler de la dimension matérielle de mon être : mon corps. « J’ai
deux bras, deux jambes, une tête, un ventre. »
Mais si je reste dans cette objectivation ou chosification de mon
corps, j’entretiens une dualité corps-esprit non intégrée, je me
divise. Je crois contrôler (mon corps, mes sensations), mais je
suis en fait simplement coupé de mon vécu. Et c’est précisément
cette coupure qui constitue la racine de la souffrance dont nous
voulons justement nous libérer.
Je peux aussi considérer que « je suis ce corps » et, dans ce
cas, je m’identifie à celui-ci. Je vis directement et intensément
les sensations, émotions que je perçois alors de l’intérieur. Je
suis pleinement vivant, un, avec mon vécu sensible.
Et à la fois je peux vite être submergé dans ce contexte, et vivre
du débordement et de l’impuissance, incapable de maîtriser quoi
que ce soit, car privé d’une forme de conscience capable
d’organiser et de réguler le flot d’informations qui me
parviennent. Privé de ce champ de conscience organisateur,
intégrateur, je ne suis plus le sujet de mon vécu mais l’objet de
ce qui se présente à moi.
Enfin, je peux me percevoir comme un tout corps-conscience :
« je suis cette conscience corporéisée », ce « corps sensible
conscient ». J’intègre les dimensions matérielle et subtile de
mon être. Je suis complet. L’expérience que je vis dans ce
corps n’est plus lointaine, abstraite, mais intime, présente, tout
en étant vécue en conscience.
Mon expérience instant après instant est sensible, vivante,
vibrante, elle se déploie dans l’espace de ma conscience et se
poursuit simplement, sans qu’il y ait un moi interventionniste qui
contrôle volontairement mon vécu. Je suis mû par ce qui me
traverse et je reste à la fois le pilote de l’avion. J’ai conscience
de ce que je vis, et j’ai aussi conscience d’avoir conscience de
ce que je vis.
Il y a une Conscience, impersonnelle, qui est là, tel un Espace
d’accueil de ce qui se présente, et il y a des sensations, des
ressentis qui se déploient dans le champ de cette Conscience.
Et moi, je suis le lieu de la rencontre entre la Conscience et ce
corps. Le lieu où se vivent sensation, perception, émotion.
Voilà le type d’expériences corporelles auxquelles nous vous
invitons. Vivre depuis un corps sensible, du dedans, en conscience.
Cette approche du corps vécu de l’intérieur a un nom : l’approche
somatique, qui vient du grec soma, « corps vivant ».
Il existe plusieurs pratiques dites « somatiques » ou « d’éducation
somatique » qui explorent le vécu intime de notre corporéité, de
notre être au monde dans un corps vivant.

Les plus connues sont la méthode FeldenkraisTM, la technique


F.M. Alexander, le Pilates, le Body-Mind Centering® (BMC), l’eutonie
Gerda Alexander®… et, bien sûr, le yoga ! Mais attention, pas le
yoga gymnastique qui consiste plus à construire un corps de rêve
qu’à vivre une expérience intérieure ! Nous parlons ici du yoga dans
son acception originelle – yoga signifie « unité » – d’intégration du
corps et de la conscience.
Ces pratiques proposent une plongée dans l’expérience intérieure
par le mouvement, des postures, la respiration consciente, un
accompagnement par la voix.
Un corps vivant est un corps en mouvement et un corps
résonnant. Laisser les mouvements spontanés s’exprimer est la voie
royale pour permettre au corps de s’autoguérir. En effet, lorsque l’on
permet à la conscience-présence d’habiter notre corps, les charges
contenues dans nos muscles et tissus vont naturellement se libérer
à travers des mouvements, des vibrations, des sons, etc.
Des disciplines telles que le Seitaï ou Mouvement régénérateur, le
chant spontané, la danse libre et le Mouvement authentique sont
autant de pratiques permettant à l’Alchimie du Vivant d’opérer.
Les méditations de pleine conscience (Vipassana), ainsi que les
méditations dynamiques comme Tandava ou la pratique du shaking
(voir chapitre 10), tissent un lien rapproché entre corps et
conscience, permettant, elles aussi, de soutenir le processus
d’autoguérison.
Toutes ces approches ou méthodes sont autant de possibilités
d’approfondir votre relation avec vous-même, avec ce corps vivant et
conscient que vous avez, cette conscience incarnée et que vous
êtes, d’apprendre à mieux vous connaître et à vous réguler en
relation avec votre environnement.

Ce qui guérit est la Présence, l’intégration, dans l’instant,


du corps et de la conscience, c’est-à-dire une conscience
présente, dans un corps vivant, instant après instant.

1. « Doucement mais sûrement. »


PARTIE 4

EN AVANT
LA PRATIQUE !
« Plus l’on regarde
profondément à l’intérieur
de la nature vivante, plus
on se rend compte à quel point
elle est merveilleuse.
Je crois que l’on se sent alors
en sécurité. On lui appartient,
on peut la voir, on peut la vivre.
La conscience est tout
simplement le plus grand
cadeau du Créateur
aux hommes ; le fait d’avoir
une conscience et de pouvoir
prendre conscience de notre
création – et
de ne pas seulement traverser
aveuglément le Paradis. »
Albert Hofmann

Nous vous invitons maintenant à passer pleinement à la pratique.


Pour cela, nous vous proposons une série d’exercices, de
pratiques, de méditations et de clés concrètes pour faire émerger et
renforcer les ressources nécessaires au processus de
transformation des charges traumatiques.
Ces ressources sont pour beaucoup déjà là, présentes en vous et
autour de vous, et demandent à être vues, reconnues comme telles,
et mobilisées.
De la même façon que nous vivons la coupure à différents niveaux
dans notre vie, les ressources auxquelles nous pouvons accéder se
situent elles aussi dans nos relations : à nous-mêmes, à l’autre, à
l’environnement et à la Source.
CHAPITRE 10
LA RELATION À SOI

Je suis soutenu
Vous êtes soutenu. Je vous le promets, vous êtes vraiment soutenu.
Lorsque nous sommes activés, déclenchés, en mode hyperactif ou coupé,
nous pouvons nous sentir parfois bien seuls et en péril. Que nous soyons
égarés dans les circonvolutions de notre esprit ou sous l’eau, les fondations
font défaut, les repères manquent, et ce n’est pas très stable. Nous pouvons
nous sentir vacillants, perdus, abandonnés ; l’angoisse n’est pas loin…
Et pourtant, nous sommes réellement soutenus, mais nous avons perdu le
contact avec ce qui soutient.
Lorsque nous sommes pris dans l’émotion, ou agités dans notre tour de
contrôle mentale, c’est que la peur est là. La peur que ça ne tienne pas, que
ça parte en vrille, que tout s’écroule.
Et pourtant, ça tient. Regardez par vous-même…

Pratique
Là, tout de suite, pouvez-vous sentir votre corps ? Est-il en train de tomber ?
Ouf !
Il semble tenir.
C’est solide ? Je veux dire, en dessous, le plancher, le sol ? Ça tient ?
Vérifiez si vous pouvez mettre un peu de poids.
OK ! Vous pouvez soupirer… Ça va.
Commencez par vous appuyer sur ça. Le sol. Sentez la solidité.
Il y a peut-être une structure, des étages, un parquet… et, en dessous de tout
cela, il y a la terre. Et la terre, c’est du costaud ! Vous pouvez vous appuyer
dessus, ça tient. Ça sou-tient même. Elle, la terre, vous soutient même
pleinement. Elle vous porte, vous supporte, vous accueille, vous nourrit
même. Elle vous aime, inconditionnellement, cette terre dont vous êtes
l’enfant.
Et en particulier elle vous soutient (physiquement… mais peut-être aussi
psychiquement).
Vous sentez ?…
Maintenant, entre vous et la terre, il y a différents éléments solides – qui vous
soutiennent aussi – et puis peut-être un fauteuil, un canapé ou un autre
support. Voyez si vous pouvez trouver une posture dans laquelle vous
pouvez poser votre bassin pour vous sentir bien soutenu par la terre.
Maintenant, déposez-vous. Relâchez le ventre, et laissez-le se déposer lui
aussi dans votre bassin, ancré et stable.
Permettez à votre sacrum de s’emboîter dans votre bassin. Respirez. Ça se
cale tranquillement, ça se dépose.
Puis vos vertèbres se posent, s’ajustent l’une sur l’autre, naturellement.
Laissez-leur trouver leur juste place. Pour cela, autorisez les mouvements
intuitifs de se produire, permettant à l’intelligence du corps d’œuvrer. Vous ne
sentez peut-être pas pour le moment chacune de vos vertèbres
individuellement, dans ce cas procédez par tronçons. Plus tard, avec la
pratique, vous pourrez sentir chaque vertèbre précisément et même vous
promener dans vos vertèbres. En attendant, sentez si à chaque étage il y a
du soutien au-dessous, et offrez-vous de la détente. Vous pouvez alors
relâcher pleinement le ventre, l’estomac et le plexus.
Puis vous pouvez sentir votre cage thoracique reliée à vos vertèbres dorsales
et posée sur vos poumons ; et vos clavicules et vos épaules qui peuvent se
déposer dessus. Vos bras peuvent ainsi se relâcher. Prenez votre temps pour
goûter ce relâchement, grâce à ce soutien de la terre et à l’intelligence de
votre structure.
Au centre de la poitrine, votre cœur est lové au creux de vos poumons qui le
bercent, comme les bras d’une mère aimante.
Vos poumons eux-mêmes peuvent se relâcher sur votre diaphragme qui
orchestre alors la respiration. Tout le tronc tient, vit, respire, soutenu par la
terre, et se dresse naturellement vers le ciel.
Maintenant, les cervicales peuvent s’intégrer aux dorsales, et les trapèzes
peuvent se relâcher. Respirez.
Puis la tête, comme par magie, tient sur le cou, dans un bel équilibre. La
nuque peut alors elle aussi se relâcher. Ça fait du bien…
Tête, cou, tronc, bassin, tout s’ajuste, et est soutenu par la terre. Vous êtes
totalement soutenu, porté, et en sécurité. Vous pouvez vous détendre, sentir
ce corps soutenu, tout en restant délicatement dressé vers le ciel, éveillé,
ouvert vers l’infini.
Trop fort !

Les pieds sur terre, ouvert à l’espace


Secoué par des vagues émotionnelles ou perdu dans les méandres de mon
mental, je perds pied et je ne vois plus clairement mon but.
Dans ces moments-là, il peut être incroyablement efficace pour me recentrer
de simplement revenir à ma relation physique à la terre, au sol, puis à
l’espace qui m’entoure.
Là, tout de suite, considérez les parties de votre corps qui sont en contact
avec un support (le sol, un fauteuil, un canapé, un coussin…). Voyez si vous
pouvez trouver du confort par exemple en ajustant votre position.
Maintenant, sentez votre poids.
Tout va bien, vous avez un corps, qui a une masse, qui est soumise à la
gravité, dont la force est dirigée vers le bas.
Sentez si la terre vous soutient.
Voyez si vous pouvez relâcher votre poids.
La terre est solide, massive, elle peut vous porter.
Vous pouvez vous déposer.
Tout va bien, vous êtes en sécurité.
La sécurité commence toujours par votre relation à la terre, c’est-à-dire à
votre corps, son poids, qui peut se relâcher car il est porté par celle-ci, à
chaque instant.
Maintenant, respirez.
Vous êtes en sécurité et vous pouvez donc ouvrir votre regard à ce qui vous
entoure. Que voyez-vous ?… Observez…
Peut-être des objets, ou un environnement naturel, un espace urbain, des
habitations ou des végétaux, d’autres êtres humains, ou pas… c’est-à-dire
des formes, des couleurs… et tout cela se présente dans l’espace. Prenez
conscience de tout l’espace qui vous entoure.
Laissez votre regard se porter sur ce qui est le plus lointain pour vous.
Respirez avec ce que vous voyez. Puis portez votre regard sur ce qui est un
peu plus près… Prenez le temps d’être à cette nouvelle distance, regardez…
puis considérez le plan un peu plus proche et, progressivement, rapprochez-
vous de ce qui vous entoure, en regardant l’espace lui-même, juste là, autour
de vous. Considérez l’espace tout proche de votre corps, qui vous enveloppe.
Respirez doucement avec cet espace.
Vous y êtes. Vous êtes là. C’est vous qui êtes là, en son centre. Tout est
parfait. Vous êtes parfait tel que vous êtes. Merci d’exister, et de lire ces
mots. Moi, qui les écris, là, je vous salue. Nous coexistons. Ensemble. Ici et
maintenant.
Maintenant, reconsidérez le poids de votre corps, qui pèse sur la terre.
Respirez. Puis l’espace juste autour de vous. Puis ouvrez-vous
progressivement et lentement jusqu’à l’espace le plus lointain. Vous êtes au
centre d’une sphère dont le rayon va jusqu’à ce que vous pouvez observer de
plus loin. Et imaginez ce qui se trouve derrière… le ciel, peut-être des
nuages… et au-delà… l’atmosphère terrestre… Respirez… Il y a là-bas les
planètes et le soleil, puis les autres étoiles… L’espace est vaste…
immense… Il s’étend… jusqu’à l’infini ! Vous êtes au centre de l’infini. Et à la
fois juste là. Tout va bien.
Bienvenue au cœur du Mystère de la Vie !

Je retrouve mon souffle1


Beaucoup d’entre nous ont pris l’habitude de retenir leur respiration, sans
expirer l’air jusqu’au bout. Cet automatisme se renforce lorsque nous
sommes fatigués, contrariés, irrités, émus ou choqués. Il peut alors être
accompagné de moments pendant lesquels nous avons même le souffle
coupé.
Il est donc vital de réapprendre à souffler, à expirer afin de rééquilibrer notre
respiration, et ainsi nous relâcher, nous détendre et retrouver notre force
vitale.
Nous vous invitons à éteindre votre téléphone portable et à choisir un
endroit calme. Puis à vous installer confortablement, assis dans un fauteuil,
allongé sur un tapis ou sur un lit, ou dans une position de méditation. Puis à
fermer les yeux.
Sentez les points de contact de votre corps avec le support. Et prenez le
temps de percevoir le volume de votre corps, dans le volume de la pièce.
Sentez l’espace autour de vous.
Puis observez un instant votre respiration, là, comme elle est, sans intervenir.
Maintenant, videz complètement vos poumons en expirant lentement
jusqu’au bout.
Lorsqu’il n’y a plus du tout d’air, ouvrez la bouche et laissez entrer l’air
librement.
Répétez plusieurs fois cette séquence, jusqu’à sentir une détente.
Laissez ensuite votre respiration retrouver un rythme naturel. Observez les
va-et-vient du souffle dans tout votre corps. Vous pouvez vous accorder un
moment de repos.
Puis, lorsque vous sentez le moment, prenez le temps de vous relever
doucement.
Et reprenez le cours de vos activités en continuant à respirer calmement.
Lorsque cet exercice sera devenu familier, vous pourrez le pratiquer dans
n’importe quel endroit.

J’ai un corps !
Drôle de remarque, penserez-vous peut-être.
« Évidemment que j’ai un corps ! »
Oui, d’accord. Vous savez que vous avez un corps. Mais le ressentez-vous
vraiment ? Êtes-vous au contact de la partie arrière de votre genou droit ?
Ressentez-vous de dedans (et pas avec votre tête) votre nez ? votre pubis ?
votre cheville gauche ?
Ressentez-vous vos muscles ? vos os ? vos organes ? le sang qui bat de
partout ?
Si la réponse est non, c’est normal !
L’exercice suivant est d’une facilité déconcertante mais il a des répercussions
immenses sur la vie de ceux qui le font régulièrement.
Il est particulièrement conseillé aux personnes hyperempathiques qui ont un
peu de mal avec les frontières, qui se sentent souvent mélangées avec les
autres, dans leurs ressentis, émotions, pensées, besoins, etc.
Il est aussi très utile pour approcher le corps en douceur, notamment si celui-
ci paraît une sorte de terrain miné effrayant.

Pratique2
Faites de toutes petites tapes répétées avec le bout des doigts de votre main
droite sur la paume ouverte de votre main gauche. Continuez les petites
tapes autant de fois qu’il faut pour que vous commenciez à avoir une
sensation dans cette partie de votre corps.
Ensuite, arrêtez les petites tapes et prenez le temps de focaliser votre
attention sur la sensation. Que ressentez-vous ? Sentez-vous des
fourmillements ? une forme de vibration ? Est-ce que la zone reste
insensible ? Notez-vous de la chaleur ou du froid ? Prenez quelques instants
pour percevoir ce que vous ressentez.
Puis regardez votre main gauche et dites à voix haute : « Ceci est ma main ;
ma main m’appartient, ma main fait partie de moi. » Employez les mots qui
vous parlent le plus pour signifier que cette partie de votre corps vous
appartient et qu’elle appartient à une globalité.
Retournez votre main gauche et faites des petites tapes sur le dos de votre
main. Percevez les sensations instant après instant et observez comment
elles changent.
Continuez l’exercice avec chaque partie de votre corps.
Si vous avez peu de temps devant vous, vous pouvez faire cet exercice avec
une seule partie de votre corps, dont vous vous occupez avec soin. Et un
jour, lorsque vous disposez d’une bonne heure devant vous, nous vous
proposons de faire l’exercice avec tout le corps.
Une fois l’exercice terminé, prenez un temps pour déguster ce que ça fait
d’avoir un corps, avec différentes parties.
C’est plutôt génial d’avoir un corps vivant à soi, vous ne trouvez pas ?

Shaking
La pratique du shaking (de shake, « secouer » en anglais), ou mise en
vibration du corps, est une pratique de méditation dynamique diffusée en
Occident par Shri Rajneesh, encore appelé Osho, un enseignant spirituel
indien.
Cette pratique de libération des tensions psychiques et corporelles à travers
des mouvements spontanés impulsés par des tremblements prendrait ses
racines dans la tradition tantrique, et peut s’apparenter à diverses pratiques
psychocorporelles issues d’autres traditions dans le monde.
Alors qu’il voyait nombre d’Occidentaux en quête d’ouverture spirituelle
affluer dans son centre de méditation en Inde, Shri Rajneesh s’est aperçu
que, pour beaucoup d’entre eux, s’asseoir en silence en restant immobile
n’était pas la méthode la plus adaptée pour trouver le calme intérieur. Bien au
contraire ! Pour une personne n’étant pas familière avec les pratiques
méditatives, s’asseoir pour « faire le vide » pouvait constituer une perte de
temps voire un obstacle sur le chemin intérieur ; en général, cela déclenchait
l’affluence de pensées et d’émotions, provoquant plus d’agitation que de
calme.
Il a alors imaginé une pratique qui permet dans un premier temps de libérer
les tensions du corps – lieu d’ancrage des tensions psychiques prenant la
forme d’une suractivité mentale – avant de pouvoir entrer dans un temps de
présence à soi et au silence.

Pratique
Debout, avec un écartement des pieds d’environ la largeur des hanches,
initiez un mouvement de secousses depuis les pieds vers le haut du corps.
Vos jambes entrent alors dans un mouvement de vibration/tremblement qui
se répercute sur tout le reste du corps : bassin, tronc, buste, nuque, tête,
bras. Il ne s’agit pas de contrôler les mouvements mais au contraire de
permettre à la vibration de vous traverser, provoquant divers mouvements
tout le long de votre corps.
Vous pouvez garder les yeux ouverts ou fermés.
Pour démarrer, secouez-vous comme si vous aviez une fine couche de glace
tout autour de vous et que vous vouliez vous en défaire, ou comme si vous
vouliez vous débarrasser de puces qui vous assaillent !
Les secousses partent du sol à travers des flexions répétées du genou. Et ce
sont les pressions sur le sol et les flexions des genoux à un rythme régulier
qui créent une sorte de vague et entraînent la vibration.
Il est important, tout au long de la pratique, de garder les pieds bien ancrés
au sol, ce qui va constituer votre ancrage fixe pour que tout le reste du corps
puisse, lui, être mobile, se délier et libérer les tensions.
Le rythme et l’intensité des vibrations peuvent être modulés et évoluer au
cours de la pratique : microvibrations très rapides, vibrations plus amples
avec des mouvements désarticulés… permettant aux zones du corps d’entrer
en résonance, afin d’être mobilisées, ainsi que d’atteindre différents niveaux
de profondeur du corps. Explorez, jouez avec la vibration en « écoutant »
votre ressenti, et en relâchant toutes les zones : le ventre, les épaules, la
nuque, les mâchoires, etc.
Laisser les secousses vous prendre, vous envahir. Devenez le tremblement,
la vibration. Votre corps connaît le chemin…
Régulièrement, scannez votre corps en « amenant la vibration » là où elle a
besoin de s’inviter.
Et tout au long de la pratique, RESPIREZ BIEN ! C’est essentiel pour permettre
la libération des tensions (notamment sur l’expir) et l’oxygénation des tissus
et cellules en profondeur.
Vous pouvez pratiquer pendant la durée qui vous convient : 10 minutes,
20 minutes ou plus.
La pratique initiale développée par Osho, appelée Kundalini meditation (la
kundalini étant l’énergie vitale), consiste en quatre phases de 15 minutes
chacune ; le shaking constitue la première phase, suivie d’un temps de danse
libre, d’un temps d’immobilité les yeux fermés, assis ou debout, et enfin d’un
temps d’immobilité, toujours les yeux fermés, allongé au sol. Vous pouvez
facilement trouver sur Internet la séquence de musiques pour cette pratique
(pour les 15 minutes de shaking seules ou pour l’ensemble), l’entraînement
musical soutenant l’engagement corporel. Vous pouvez également pratiquer
avec vos propres musiques ou en silence, chez vous ou dans la nature.
Il existe aussi une version de shaking de 45 minutes… Avis aux personnes
prêtes pour une pratique très engageante !
L’idée n’étant pas de faire une performance mais d’amener cette vibration,
initiée au début volontairement et qui devient vite automatique, dans les
différentes zones du corps afin de mettre en mouvement les tensions et de
permettre leur libération.
Après la pratique du shaking, nous vous encourageons, si vous ne souhaitez
pas vous engager pour les quatre phases de la méditation Kundalini d’Osho,
à simplement vous allonger sur le dos et laisser faire ce qui se passe.

À la rencontre de ma sensation
J’ai un corps.
Non seulement j’ai un corps mais il se passe des tas de choses dedans.
Des gargouillis, des battements, des compressions, des espaces vides, des
grounflch, des pfhhhh, des tensions, des tiraillements, des guillis, des
frissons, des fourmillements, du chaud, du froid, du métallique, du rose
bonbon et du noir, des grondements et des chuchotements.
Il est vivant, ce corps, et comment !
Parfois, ce qui se passe dedans est agréable et je peux me laisser aller à ma
sensation en confiance. Mais d’autres fois c’est compliqué. La sensation peut
être douloureuse, éveiller des émotions désagréables et me submerger par
son intensité.
Et, la plupart du temps, ces sensations passent à l’as parce que je suis trop
« en dehors », tourné vers le « faire », vers le monde et les autres ou bien je
suis englué dans mes pensées ou parti dans un ailleurs. Je suis alors absent
de mon corps et de ses sensations.
Pourtant, la guérison de nos traumatismes est intimement liée à la libération
des charges traumatiques gravées en premier lieu dans notre corps.
Nous avons donc tout intérêt à tisser un lien joli avec lui, à le rapprivoiser,
tout en douceur et en amour, pour qu’il puisse déclencher sa magie, à savoir
son pouvoir d’autoguérison.
Nous pouvons aller à la rencontre de notre corps par le truchement de nos
sensations.
Comme dans un jeu de piste, contacter et rester en présence des sensations
qui se présenteront à nous nous permettra de tisser ce lien précieux et
indispensable avec notre corps, pour qu’il devienne notre allié.
Sachez que comme pour le Petit Prince avec son renard, apprivoiser son
corps oublié et laissé pour compte peut demander du temps. Parfois
beaucoup de temps.
Imaginez un chiot tout mimi abandonné dans une cave et nourri uniquement
de temps en temps avec des croquettes rances balancées par la porte, sans
contact et sans attention. Après quelques mois à ce régime, lorsque vous
rouvrez la porte pour aller à sa rencontre, vous ne vous attendez sûrement
pas à ce que le chiot saute de joie et qu’il vous léchouille le visage de
reconnaissance. Il serait plus logique d’imaginer que ce petit chien devenu
adulte sera méfiant et peureux ou hargneux et menaçant.
Imaginez maintenant votre corps avec toutes ses sensations, laissées pour
compte depuis tant d’années – bien sûr, cette coupure n’étant pas
intentionnelle mais une mesure de survie pour vous permettre de tenir bon
face à l’insupportable. Lorsque vous revenez muni de toutes vos bonnes
intentions et que vous ouvrez la porte pour le retrouver, il est fort probable
qu’il se referme, qu’il se méfie ou au contraire qu’il « ouvre les vannes » et
que vous soyez submergé d’un coup de sensations toutes plus inconfortables
les unes que les autres.
Sachez que cela est possible – voire fort probable ! – mais que le jeu en vaut
la chandelle.
Qu’il s’agit d’y aller piano piano (donc tout doux) et pas à pas. En revenant
encore et encore dans des espaces ressourçants grâce à un ou plusieurs
exercices de ce livre que vous avez expérimentés et aimés et qui vous
apportent du bien-être.
Il est très important d’oser faire des mélanges et de bien veiller à votre
ressenti.
Si ça devient submergeant ou trop inconfortable, arrêtez ! Ressourcez-vous
d’une manière ou d’une autre et, si vous le souhaitez, revenez-y. Encore et
encore.
Jusqu’à ce que miracle s’ensuive.
Aussi, nous tenons à vous rappeler l’importance de cultiver une intention forte
qui vous portera dans l’aventure de reconnexion avec votre corps,
notamment dans les moments de découragement et de doute.
Ces moments arriveront. C’est normal. Le tout est de le savoir et de voir
l’avantage immense de persévérer dans ce chemin : un bien-être profond,
une énergie retrouvée et la sensation d’être pleinement en vie.
Alors, cap ou pas cap ?

Pratique
Afin d’entrer en contact avec vos sensations, nous vous proposons de
vous programmer un temps de 15 minutes où vous savez que vous ne serez
pas interrompu.
Déconnectez-vous de tout ce qui bipe et qui clignote et installez-vous dans
un endroit confortable, où vous vous sentez bien, en sécurité.
Prenez vraiment le temps de bien vous installer. Vous pouvez être assis sur
une chaise, par terre ou être allongé. Le maître mot est : confort.
Vérifiez si une petite couverture ou un coussin supplémentaire derrière votre
dos ne seraient pas de refus et faites tous les ajustements nécessaires pour
être très à l’aise.
Si vous êtes bien ainsi, fermez les yeux. Autrement, vous pouvez les laisser
entrouverts pour éviter d’être distrait.
Respirez profondément.
Maintenant, rappelez-vous votre intention de contacter vos sensations.
De la même manière que vous dites à quelqu’un « je vais faire ceci », dites-
vous intérieurement : « Je viens à la rencontre de mes sensations. »
Ensuite, restez là, attentif à ce qui se passe à l’intérieur de vous.
Percevez-vous quelque chose ?
Si oui, à quel endroit du corps est-ce que « ça » se passe ?
Est-ce un endroit bien précis avec une sensation bien claire ou est-ce une
impression plus diffuse ?
Est-ce agréable ou désagréable ? Ou plutôt neutre ?
Si la sensation se situe à un endroit précis, vous pouvez placer dessus une
main, voire les deux. Vos mains sont invitées à être là en tant que témoins
aimants et réconfortants de ce que vous vivez. Elles sont uniquement là pour
vous accompagner dans votre ressenti.
Est-ce qu’elle bouge, cette sensation ? Est-ce qu’elle évolue, s’intensifie,
diminue, se transforme ?
Vous, de votre côté, vous n’avez rien à faire ou à vouloir de spécifique par
rapport à elle. Vous êtes juste là, en témoin respectueux et présent, pour la
voir et surtout la sentir vivre sous vos sens ébahis.
Si la sensation est très localisée, essayez de « dézoomer » et de voir
comment est le ressenti global de votre corps à ce moment-là, puis revenez
dans la sensation la plus présente dans votre corps. Voyez ce qui évolue
dans la sensation et dans votre ressenti global en faisant ces allers-retours.
Si aucune sensation n’apparaît, prenez le temps de rester là, ouvert et à
l’écoute. Même si vous avez l’impression qu’il ne se passe rien et que vous
perdez votre temps, le corps-renard vous voit et sait que vous essayez mais il
a besoin de ressentir à quel point vous êtes fiable pour s’ouvrir à vous.
Si une sensation est submergeante, que vous vous voyez partir dans vos
pensées ou que vous déconnectez, c’est tout à fait normal. À ce moment-là,
prenez le temps d’ouvrir les yeux, de redécouvrir la pièce où vous êtes
installé. Faites, si besoin, un ou deux exercices pour vous ressourcer et vous
réguler et, si l’envie vous prend, revenez à l’exploration sensationnelle.
Une fois écoulé le temps que vous vous serez consacré, prenez le temps de
remercier vos sensations, votre corps et de vous remercier vous-même
d’avoir osé faire cet exercice.
Revenez-y autant de fois que possible et désiré.

L’eau chaude, une bénédiction


L’eau est un miracle de la nature. Elle purifie, hydrate, nourrit, désaltère,
nettoie, fluidifie, apaise, réchauffe, réconforte, (re)met en mouvement, guérit,
calme, détend, dilue, informe, transmet, réveille, inspire… La liste est longue,
et nous pourrions la poursuivre.
L’eau, c’est la Vie ! Et en particulier, l’eau chaude.
Elle est utilisée depuis des millénaires pour soigner, guérir et régénérer
l’organisme. Pas étonnant que dans nombre de cités antiques se trouvaient
des thermes, lieu central du lien social et du prendre soin de soi (il n’est pas
anodin que les deux soient liés !).
Nous n’allons pas vanter tous les pouvoirs de l’eau ni vous dresser une liste
de toutes les techniques que vous pouvez pratiquer avec l’eau (chaude ou
froide). Nous vous en proposons une, simple et efficace, qui sert parfaitement
l’objectif évoqué tout le temps dans ce livre : détendre.
« Tiens, d’ailleurs, “dé-tendre”, c’est pour arrêter d’être tendre ?! Étrange…
– Non, bêta, c’est pour dé-tendre, enlever les tensions, quoi ! T’as pas
inventé l’eau chaude, toi ! »
L’eau chaude détend et permet en effet de relâcher les tensions. Et, comme
vous l’avez compris, nos traumatismes se logent dans notre corps, et tout
particulièrement dans les tensions musculaires. Ainsi, avec l’eau chaude,
nous allons pouvoir amener du relâchement et plus de fluidité dans ces
tissus, et ce en profondeur.

Pratique
Cet exercice peut se pratiquer tous les jours, facilement. Car il se fait à un
endroit où vous vous rendez en principe assez souvent : sous la douche !
Il va s’agir de passer le jet, avec l’eau chaude, sur des zones de votre corps
où vous sentez des tensions ou des douleurs.
L’idéal dans un premier temps est que votre pommeau de douche soit fixé au
mur – si vous attendez depuis des mois pour vous acheter le support, c’est le
moment ! Ce sera une petite victoire du quotidien !
Placez-vous alors sous l’eau chaude, tranquillement. Détendez-vous.
Si, au bout de 30 secondes, une petite voix vous dit que vous dépensez
beaucoup d’eau, c’est très bien, c’est que vous avez une conscience
écologique ! Rassurez-vous, vous ne « dépensez » pas l’eau. L’eau est là,
elle circule, en circuit fermé, sur la planète, depuis… 4,4 milliards d’années !
Elle coule, rejoint les océans, s’évapore, tombe, s’infiltre, est captée par les
hommes, traitée – grrr ! –, utilisée et elle s’écoule de nouveau. Tout va bien.
Merci à l’eau d’être là.
Nous avons en effet une chance incroyable, aujourd’hui, d’avoir de l’eau,
chaude, à domicile, en quantité ! Profitons-en. Il y a à peine cinquante ans,
c’était un rêve ! Et dans bien des endroits, on n’y pense même pas. Il ne
s’agit pas de la gaspiller, bien entendu, mais de l’honorer, et de bénéficier de
ses bienfaits. Est-ce que cet État du Moi avec une conscience écologique,
planétaire est rassuré ? On peut retourner sous la douche ?
Alors, vous êtes sous la douche, avec l’intention de vous faire du bien – ce
qui profitera aussi au plus grand nombre, car nous sommes tous reliés –,
conscient de votre chance d’avoir de l’eau chaude et vous en profitez. L’eau
coule sur votre peau, vous vous détendez, vous vous relâchez.
Prenez quelques instants pour faire l’état des lieux de votre corps en le
bougeant tout doucement. Vous pouvez faire des petits mouvements en
partant du haut du corps jusqu’aux pieds. Ce faisant, vous sentez les
tensions présentes et vous dirigez ces parties du corps sous le jet. Et,
simplement, vous recevez les bienfaits de l’eau. Il n’y a rien à faire. Juste
sentir. Ça se détend, tout seul. Vous pouvez avoir des soupirs qui montent,
c’est très bien, ça se relâche en profondeur. Prenez le temps, votre temps.
C’est un moment pour vous, vous êtes tout seul et vous prenez soin de vous.
Merveilleux.
Nous portons tous beaucoup de tensions dans les épaules, la nuque. C’est
parfait, le jet arrive juste dessus – sinon nous vous encourageons à faire en
sorte que ce soit possible. Vous pouvez aussi faire pression avec vos mains,
très légèrement, sur vos muscles et tendons. Juste un contact, une présence.
Respirez bien. Portez votre attention sur les sensations.
Vous pouvez ensuite prendre le jet et le diriger vers d’autres zones de votre
corps que le jet fixé au mur n’atteindrait pas, comme les jambes, le bas du
dos, le ventre… ouh là là, ça c’est bon ! Tout doucement. Baissez la pression
de l’eau pour la zone du ventre ; comme un petit bébé, il a besoin de
beaucoup de délicatesse. Un petit filet peut suffire.
Voilà, vous avez passé un moment de libération, de détente, qui vous permet
de commencer la journée – ou de la terminer – dans de bonnes conditions.
Petite astuce : si c’est la douche du matin, terminer avec un peu d’eau froide
redonne du punch pour repartir – sinon on resterait bien à la maison… sous
la douuuuche toute la journée ! –, pour repartir donc avec la patate, sans
pour autant re-tendre ce qui a été détendu en profondeur.
Testez, vous verrez, c’est trop fort !

J’ai besoin d’un câlin


Quand nous vivons du trop, nous sommes en lien direct avec notre vécu
d’antan d’être seuls, démunis, impuissants et effrayés. Ce qui nous a le plus
manqué lorsque nous avons vécu des événements traumatisants et qui se
fait sentir également aujourd’hui, c’est le lien. Le lien avec autrui. Sa chaleur.
Sa bienveillance. Sa compréhension. Le besoin d’être rassurés par la
présence de l’autre. Par son calme, par son amour.
Lorsque nous sommes activés, nous avons donc, en premier lieu, besoin de
rétablir du lien. Avec nous-mêmes et avec autrui.
Pour cela, quoi de mieux qu’un câlin ?
Et la personne la mieux placée pour un câlin, c’est soi-même.
Essayez pour voir : prenez-vous dans vos bras. Pour cela, vous pouvez
placer votre main droite sous votre aisselle gauche et votre main gauche sur
votre avant-bras droit. Enlacez-vous avec tout l’amour dont vous êtes
capable, comme vous enlaceriez l’être que vous aimez le plus au monde,
pour le rassurer.
Vous pouvez bouger vos mains de haut en bas en vous caressant tout
doucement. Vous pouvez vous serrer plus ou moins fort selon votre besoin
du moment. Vous pouvez aussi caresser une de vos joues avec la main.
Vous pouvez vous faire des petits bisous doux sur le dos ou sur la paume
des mains et sur vos épaules, vos bras et toute autre partie accessible à
l’autobisou.
Laissez-vous sentir ce que ça vous fait d’être ainsi enlacé par ces merveilleux
bras aimants.
Mmmmmh…
Si vous le souhaitez et que vous le pouvez, vous pouvez aussi proposer à un
proche de vous prendre mutuellement dans les bras. Les câlins ont un effet
immédiat pour nous rassurer et nous aider à nous réguler.
Certaines personnes d’une grande humanité ont même organisé des
« happenings » dans la rue en proposant des câlins gratuits (« free hugs ») à
ceux qui le désiraient. Le résultat est désarmant de beauté et de lien.
Si le contact physique avec autrui est trop éprouvant, alors restez avec vous-
même. Si c’est le cas, c’est certainement pour une excellente raison. C’est
parfait aussi !
Une main secourable
Lorsque vous vous apercevez que votre système nerveux autonome est
activé, grâce au repérage d’un ou de plusieurs « voyants » allumés au niveau
corporel, émotionnel, mental ou énergétique, vous pouvez vous aider à vous
réguler en vous prêtant une main secourable (voire les deux !).
Pour cela, prenez le temps de vous asseoir, de vous poser. Surtout si vous
avez l’impression qu’il faut vous dépêcher et qu’il n’y a pas de temps.
Respirez plusieurs fois en veillant à expulser tout l’air de vos poumons et en
inspirant tranquillement par le nez.
Si vous le souhaitez, fermez les yeux, autrement gardez-les ouverts, dirigés
sur un point fixe ou semi-ouverts pour éviter d’être distrait.
Informez-vous que vous êtes là pour prendre soin de vous. Ainsi, vous posez
votre intention et votre être sait de quoi il va en retourner.
Si un soupir ou un bâillement survient, bienvenue à eux !
Prenez le temps de regarder vos deux mains.
Ces merveilles de la nature peuvent faire ce que vous leur demandez de
faire. Pour cet exercice, nous vous proposons de les mandater pour une
mission très spéciale, si elles le veulent bien, évidemment : devenir les
témoins bienveillants dont la mission sera d’entrer en contact avec des
parties de votre corps pour les soutenir, leur permettre de se détendre et de
se déployer par leur simple présence ouverte et disponible.
Ensuite, placez-les sur votre cœur.
Vous pouvez également en placer une sur votre cœur et l’autre sur le plexus
solaire (le haut de l’estomac, entre les côtes).
Prenez le temps de ressentir ce qui se passe en vous lorsque vous avez vos
mains posées à ces endroits précis de votre corps.
Imaginez que non seulement vos mains viennent à votre rencontre, mais que
votre corps, à l’endroit où elles sont posées, vient également à leur rencontre.
Laissez la rencontre se faire...
Comment est-ce que ça se passe ?
Est-ce agréable ? Est-ce confortable ? Pas vraiment ?
Laissez-vous le temps de vous sentir influencé par votre propre présence et
par cette rencontre.
Si des soupirs, des bâillements ou d’autres réactions corporelles surviennent,
c’est une bonne chose. Si vous vivez de l’inconfort, alors ne vous attardez
pas trop à l’endroit où sont posées vos mains et vérifiez ce qui se passe si
vous les enlevez de là. Prenez note de tout cela. Il n’y a pas de bonne ou de
mauvaise réaction. Toutes les réactions sont bienvenues et ont leur raison
d’être.
Si vous le souhaitez, lorsque vous aurez eu l’impression d’avoir bien exploré,
vous pouvez mettre une main sur la nuque, à la base de la tête, et une autre
toujours sur le cœur ou bien sur le ventre.
Testez différents points et voyez comment vous goûtez cela, comment vous
réagissez et comment se passe la rencontre avec ces mains secourables.
À la fin de l’exercice, vous pouvez remercier vos mains en leur faisant un
bisou à chacune ; elles vous en seront reconnaissantes ! Et ravies de se
mettre à votre service une prochaine fois.

Trouver un lieu sûr dans son corps


Nous vous proposons d’envisager votre corps comme un royaume dont vous
êtes le souverain. Comme dans tout royaume, il y a des contrées réputées
hostiles. Vous en avez fréquenté certaines – par exemple en ayant des
douleurs fréquentes dans une partie ou une autre de votre corps –, et vous
avez juste entendu parler des autres. Certaines de ces zones hostiles sont
constituées comme des remparts qui empêchent d’accéder à des zones
inconnues, riches de trésors et de secrets.
Dans votre royaume, il existe aussi des contrées magnifiques ; vous
connaissez bien certaines d’entre elles et il y en a d’autres où vous n’êtes
jamais allé mais dont les légendes parlent comme d’endroits sublimes où il
fait bon se nicher.
Dans cet exercice, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de ces
lieux magiques, sûrs, où il est possible de se déposer et de se reposer.

Pratique
Installez-vous confortablement dans un endroit où vous serez au calme et
où vous ne risquez pas d’être interrompu.
Si cela vous convient, fermez les yeux. Observez votre respiration telle
qu’elle est en ce moment précis et permettez-lui de devenir plus ample, sans
forcer. Veillez à bien expirer jusqu’au bout et à laisser l’air entrer
naturellement quand vous serez arrivé au bout de votre souffle.
Ensuite, posez l’intention de trouver un lieu sûr dans votre corps. Demandez
à votre corps de vous montrer le chemin vers ce lieu sûr en se manifestant
par une sensation. Peut-être qu’une douce chaleur émanera de votre poitrine,
ou qu’un doux frissonnement parcourra votre échine ou que votre ventre vous
semblera tout doux et détendu. Comme beaucoup de sensations attendent
d’être entendues, il est possible que plusieurs points « s’allument » en même
temps. Pour éviter cela, nous vous proposons de définir plus clairement votre
intention en demandant uniquement une sensation pour identifier votre lieu
sûr. Peu importe laquelle.
Restez ouvert et laissez faire.
Lorsqu’une sensation apparaît, vous pouvez la remercier de vous avoir
indiqué le chemin. Puis déplacez votre conscience à cet endroit précis.
Demandez à cet endroit si vous pouvez y entrer. L’idée n’est pas de
s’attendre à ce qu’une voix apparaisse pour vous dire un grand oui ou un
grand non, mais plutôt de développer votre sensibilité et de « sentir »
intérieurement si cette partie du corps est d’accord pour que vous entriez en
elle ou non.
Si vous avez l’impression que la réponse est plutôt « non », remerciez-la de
son honnêteté et faites-lui savoir que vous respectez son choix. Puis, si vous
avez encore l’élan, demandez à une autre partie sûre de votre corps de se
manifester par le truchement d’une sensation et répétez la suite de
l’opération.
Sachez que si vous avez l’impression que ça dit « non » de partout, c’est tout
à fait normal. Cela prend du temps d’apprivoiser son corps et ses sensations.
Revenez-y. Encore et encore. Cela finira par payer un jour et vous
développerez votre amour de vous-même en chemin.
Si la réponse à votre demande d’entrer dans ce lieu sûr de votre corps est
positive, posez l’intention d’y entrer. Voyez ce que cela vous fait comme
ressenti d’être autorisé à entrer dans ce lieu sûr dans votre corps. Un lieu où
vous vous sentez bien, pleinement protégé et en sécurité. Où vous pouvez
tout déposer. Tout relâcher.
Explorez cet endroit et vérifiez si vous avez l’impression de pouvoir
totalement vous déposer et vous reposer.
Imaginez que vous êtes un chien ou un chat ou un autre mammifère pour
lequel vous sentez de l’affinité et pelotonnez-vous là.
Vous pouvez vous détendre et entrer dans un état de repos profond.
C’est bon… vous êtes arrivé à la maison.
Plus rien à tenir. Vous y êtes.
Prenez tout le temps que vous souhaitez et que vous pouvez dans cet
endroit.
Puis, tout en douceur, soignez la transition entre ce lieu sûr, délicieux, dans
votre corps-royaume intérieur et votre retour dans la vie. Vous pouvez vous
étirer comme un chat, tout lentement, bâiller, faire des petits mouvements,
respirer profondément ; enfin, à votre rythme, revenez dans le monde, en
sachant que vous avez un lieu incroyable en vous où vous pouvez être vous-
même et vous déposer.

Ici, c’est chez moi


Cet exercice peut se faire seul ou être enrichi par la présence d’un tiers. Si
vous avez la possibilité de le faire avec quelqu’un, cela vaut le coup
d’essayer !
Si vous faites cet exercice accompagné, demandez à la personne d’être un
témoin silencieux et bienveillant de ce que vous allez vivre en sa présence.
Pour effectuer l’exercice, il vous faudra de la corde ou de la laine.
Pour nous sentir en sécurité, nous avons besoin de connaître notre territoire
et de savoir où se situent nos frontières. Ainsi, comme les animaux, nous
pouvons évoluer sereinement en sachant que cet espace nous appartient et
qu’autrui ne peut pénétrer qu’en y ayant été invité.
En tant qu’humains, nous n’avons pas l’habitude de marquer notre territoire
en urinant tout autour comme le font la plupart des mammifères. Nos limites
et nos frontières n’ont parfois pas été respectées, notamment lors d’épisodes
traumatiques, et il n’est pas rare de se sentir perdu quant au périmètre que
nous pouvons revendiquer comme « notre espace » et là où il s’arrête.
Afin de ressentir l’espace où nous sommes « à la maison » et d’être en
capacité de nous opposer à toute atteinte contre notre territoire, nous avons
besoin de ressentir corporellement ce que c’est que d’avoir cet espace
« privé » autour de soi.
Nous pourrons ensuite sentir cette bulle, où que nous soyons. Cet espace
personnel nous procurant sécurité, protection, mais aussi douceur, réconfort
et régénération. Il suffira de le convoquer pour en activer les bienfaits.
Pour ce faire, nous vous invitons à vous asseoir, de préférence par terre, et à
sentir quelques instants où votre frontière se situe. C’est-à-dire à sentir
l’espace où vous ne souhaitez pas que quelqu’un pénètre sans que vous l’y
ayez convié.
Vérifiez devant vous combien d’espace vous sentez avoir besoin. Combien
d’espace derrière vous ? Combien d’espace de chaque côté ?
Cet espace peut être de dimension très variable selon les directions, et aussi
d’une fois sur l’autre.
Prenez votre corde ou votre laine et matérialisez avec celle-ci les contours
que vous avez ressentis en étant assis. Cela va donner une sorte de cercle,
d’ovale ou une autre forme qui vous entourera entièrement.
Prenez le temps de vous mettre au centre et de réajuster ici ou là si besoin.
Veillez à bien refermer l’espace pour être contenu dans ses frontières.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise taille.
C’est votre espace nécessaire. C’est tout.
Comment vous sentez-vous, au centre de votre espace, protégé et contenu
par ces frontières ?
Si vous êtes accompagné d’un témoin, nous vous invitons à lui dire avec vos
mots que ceci est votre espace, votre territoire et que personne ne peut y
entrer sauf si vous l’y conviez.
Laissez-vous sentir la réponse accueillante et silencieuse de votre
accompagnant.
Si vous êtes tout seul, dites-vous, si possible à voix haute : « Ceci est mon
espace, mon territoire. Personne n’a le droit d’y pénétrer à moins que je l’y
invite. »
Prenez le temps de sentir ce que ça vous fait d’avoir dit cela.
Accueillez ce qui émerge.
Remerciez la personne qui vous a accompagné et remerciez-vous, vous-
même, d’avoir accompli cet acte si important dans l’histoire de votre retour à
vous !
Rencontrez vos limites, découvrez votre
infinitude
En tant qu’individu, nous avons des limites – physiques, mentales – qui sont
le propre de notre condition d’être incarné.
Être confronté à ces limites peut parfois être frustrant, pénible, voire
angoissant.
À l’inverse, ne pas les sentir, notamment au contact des autres, peut nous
faire vivre confusion, hyperempathie, fatigue, sensation d’intrusion…
Observez, ici, maintenant, ce que ça vous fait de considérer vos limites…
Sentez votre corps, ce qui se manifeste au niveau des sensations, de la
respiration…
Avoir des limites, c’est avoir un contenant, une membrane, une bulle de
protection. La limite est un élément essentiel et fondamental du vivant. L’unité
de base de la vie, la cellule, est délimitée par une membrane définissant son
espace et assurant son intégrité (survie, cohésion) et les échanges avec
l’extérieur (nutrition, évacuation).
Il en est de même pour un organisme comme l’être humain, avec sa peau
pour membrane.
Sentir sa membrane, c’est se sentir soi-même, ici, maintenant.
Et cela peut nous procurer un sentiment de sécurité, d’apaisement voire de
confort.
En outre, aller au contact de sa limite, c’est trouver le chemin vers l’extérieur,
vers le monde, tout en restant « chez soi ».
Reconnaître et accepter ses propre limites, c’est reconnaître et accepter
celles de l’autre. Et ainsi se donner l’opportunité d’entrer véritablement en
contact avec lui, tel qu’il est – pas tel que nous voudrions qu’il soit.
C’est la porte vers la vraie relation, qui n’est pas fantasme et projection, mais
rencontre, découverte, appréhension du sensible, de ce qui est là,
réellement.
Ainsi, être en contact avec ses limites, c’est à la fois s’assurer protection,
cohésion, confort et s’ouvrir à ce qui est au-delà.
Pratique
Nous vous invitons à percevoir votre assise – ou votre « allongitude ! » –
tel que vous êtes installé maintenant. À sentir vos appuis, votre contact avec
le sol, votre poids.
Ensuite, portez votre attention sur votre peau. Au niveau des bras, par
exemple. Sentez l’air, ou le contact de vos vêtements. Respirez. Vous pouvez
sentir l’air sur votre visage. Quelle est la température de votre peau au niveau
de vos joues, de votre front ? Sentez les différentes zones de votre visage en
laissant se relâcher les tensions, ou pas. Concentrez-vous sur toute la
surface d’implantation de vos cheveux sur votre crâne.
Votre nuque, les épaules, et rejoignez les bras, les poignets et les mains.
Sentez quelles sensations sont présentes sur votre peau – chaleur,
picotements… Détendez-vous dans ces sensations sur votre peau.
Continuez de sentir votre peau sur tout le reste du corps : la poitrine, le
plexus, le ventre, le dos, en haut, au milieu, jusqu’en bas. Puis la zone du
sexe, les plis de l’aine, les cuisses, au-dessus, derrière, les genoux, les
jambes jusqu’aux chevilles et aux pieds.
Parcourez ensuite rapidement tout votre corps de bas en haut en sentant
votre peau, sur toute la surface. Et, en vous installant au centre, dedans,
sentez maintenant toute votre membrane-peau, telle une enveloppe qui vous
contient. Vous êtes ici en sécurité. Voyez si ça peut être doux, confortable, si
vous pouvez vous installer et respirer tranquillement.
Placez votre attention au niveau du souffle dans la poitrine, le plexus, le
ventre. Vous êtes au centre, ça respire. Vous êtes protégé. En lien avec vos
ressources internes, corporelles, énergétiques, spirituelles.
Tout est là. Rien ne manque. Tout est rassemblé dans ce petit espace, ce
corps… mais ce n’est pas un corps, c’est Vous ! Une conscience corporéisée.
Vous êtes réunifié. Contenu par cette membrane-interface qu’est votre peau,
qui est une matrice qui vous connecte à tout, à l’air, à la lumière, aux
couleurs, aux sons, aux formes, aux êtres, à l’espace…
Vous êtes respiré par l’espace, qui entre et sort. Vous êtes vaste, et à la fois
présent ici. Vous êtes avec ce bruit là-bas et vous êtes ici, avec le contact de
l’air sur vos narines. Vous êtes avec le ciel et vos orteils. Vous êtes partout et
vous êtes là. Vous n’avez plus de limites et vous êtes aussi avec vos limites.
Vous êtes infini et vous êtes simplement vous-même.
Plus rien n’est grave… Et tout devient précieux.
C’est trop fort !
C’est l’angoisse
La peur est cette émotion très puissante qui apparaît lorsque nous nous
sentons en danger. Sa mission principale est de nous pousser à nous mettre
en sécurité.
Son message est : « J’ai besoin de protection, de sécurité, d’être contenu et
rassuré parce que je me sens menacé. »
Les crises d’angoisse surviennent généralement lorsqu’une peur pointe le
bout de son nez car nous nous sentons en insécurité et démunis. Notre
système nerveux, débordé, n’a plus accès à des ressources pour nous
permettre de revenir à un état plus serein. Lorsque la peur survient et que
nous nous sentons impuissants et paralysés – comme lorsque nous avons
été submergés dans le passé –, nous pouvons voir émerger une peur
supplémentaire : la peur d’avoir peur. Peur de la ressentir – parce qu’elle
n’est pas agréable à traverser – et peur de l’escalade qui fait perdre le
contrôle. Tous ces facteurs combinés créent le terreau fertile pour que la crise
d’angoisse se présente avec sa cohorte de spasmophilie, impression de
mourir et compagnie – plus terrible encore à vivre.
Quand nous avons peur d’avoir peur s’amorce l’escalade physiologique qui,
comme un feu nourri copieusement au bois, atteint son paroxysme avec la
crise de panique.
Souvent, le premier pas pour désamorcer la tension lorsqu’on sent les
prémices de la peur, c’est d’acter qu’elle est là. D’éviter de la nier.
« J’ai peur.
– Oui, tu as peur.
– Oui, j’ai peur. »
En cas de peur panique, nous vous invitons à faire avant toute chose un ou
plusieurs exercices ci-dessous pour les situations d’urgence, dans l’intention
de vous permettre de revenir à un état plus serein.
Lorsque nous avons peur et que nous avons réussi à calmer notre peur
jusqu’à un degré supportable, il est important d’accuser réception du
message qu’elle porte : « Il y a donc une menace ? un danger ? Dis-m’en
plus : petite (ou grosse) peur ? » Et la peur s’explique, elle raconte ce qu’elle
a perçu et le risque encouru.
On l’écoute, parce qu’on est poli et que, si on ne le fait pas, elle reviendra de
plus belle en devenant de plus en plus grosse et impressionnante pour être
sûre de se faire entendre. Pas folle, la guêpe ! Elle nous connaît bien, et elle
connaît notre propension à ne pas savoir relever les messages. Elle est
missionnée pour préserver notre sécurité, donc elle insiste jusqu’à être sûre
que le message est bien passé.
Elle raconte : « Je crains que Machin se moque de moi ! », « J’ai peur de ne
pas y arriver », « Regarde ! Y a un chien féroce qui se balade sans
muselière ! »
Alors on respire un bon coup – parce que la peur, ça ôte le souffle,
beaucoup !
On se met en sécurité si danger concret il y a. Ou on demande de l’aide si on
est coincé ou démuni. Ou bien on reste figé parce que c’est ça que notre
système nerveux arrive à faire pour faire face. C’est OK.
Mais une fois que l’énergie revient – parce qu’elle revient toujours, même si
ce n’est pas un afflux massif –, je vois si j’ai quelque chose sur lequel je peux
agir concrètement, notamment pour me mettre en sécurité.
Et je prends soin de moi, de mon état : je cherche à m’autoréguler.

La couverture magique3
Voici un exercice à faire en cas de peur.
Pour façonner votre couverture magique, il est très important d’effectuer cette
première partie de l’exercice lorsque vous allez bien, que vous êtes serein et
bien installé dans votre système vagal ventral (on vous fait un peu réviser la
théorie polyvagale !).

Pratique
Installez-vous confortablement et déposez-vous sur la terre en lui offrant
tout votre poids. Vous pouvez imaginer que les tensions dégoulinent jusqu’à
elle et que votre corps devient lourd, lourd, lourd et bien au contact avec le
sol.
Respirez profondément et lentement au moins à trois reprises en
commençant par l’expir.
Ensuite, imaginez que devant vous se trouve une couverture d’un matériau
délicieux et magique qui a le don de vous réconforter. Elle a été conçue et
créée spécialement pour vous par les êtres qui vous ont le plus aimé au
monde. Chaque fil qui a tissé cette couverture est constitué de leur amour
pour vous. Vous pouvez d’ailleurs les visualiser en train de tisser cette
couverture rien que pour vous. Ils sont tous là, autour de cette couverture, à
sourire en repensant aux moments privilégiés qu’ils ont eu l’occasion de vivre
avec vous, à tout l’amour qu’ils vous portent. Ils maillent leurs fils en les
tissant avec ceux des autres. Et cela donne une création merveilleuse et
inouïe.
Chacun y laisse sa trace, voire son visage, sur un morceau de la toile-
doudou, pour que vous puissiez mieux vous relier à eux lorsque vous en
aurez besoin.
Cette couverture-là, elle est à vous. Rien qu’à vous. Faite juste pour vous.
Vous pouvez la ranger dans votre cœur ou dans un endroit sûr.
Lorsque vous vous sentirez seul, angoissé, rempli de peur, pensez à votre
couverture ! Ressortez-la et couvrez-vous avec. Elle vous réconfortera
immédiatement.
Si vous le souhaitez, vous pouvez avoir près de vous une petite couverture
ou un morceau de couverture avec lequel vous pourrez vous envelopper pour
mieux sentir votre couverture magique.

Le coussin épaulant
Un autre moyen de vous apporter de la réassurance est d’avoir à votre
disposition un coussin suffisamment ferme pour que vous puissiez le mettre
sur votre épaule lorsque vous vous sentez apeuré et dépassé par les
événements.
Vous pouvez alors imaginer que le coussin se transforme en une personne
dont la présence vous rassure. Cela peut être un de vos parents ou bien
toute autre personne auprès de qui vous vous sentez en sécurité et dont
vous auriez aimé être protégé, notamment lorsque vous étiez enfant. Si vous
le sentez, autorisez-vous à redevenir un petit enfant pendant quelques
instants. Parce que, fondamentalement, nos peurs primaires et essentielles
se sont installées dès notre plus jeune âge lorsque nous n’avons pas reçu la
réassurance dont nous avions besoin pour nous réguler. Prenez le temps de
vous permettre d’être de nouveau ce jeune enfant qui a peur et qui se laisse
épauler par cette grande personne rassurante et aimante incarnée par le
coussin.
Même si, à la lecture, cela peut paraître étrange de se faire rassurer par un
objet inerte, notre corps, en ressentant la présence épaulante du coussin
aidé par notre imagination, pourra rétablir son équilibre car il se sentira
contenu.

Je me contiens4
Pour faire cet exercice, placez votre main droite sous votre aisselle gauche.
Puis votre main gauche au niveau du haut de votre bras droit, comme si vous
vous donniez un gros câlin, ce que vous êtes en réalité en train de faire.
Respirez un moment dans ce câlin qui vous contient, qui vous permet de
sentir vos limites, votre corps qui est le lieu de toutes les expériences.
Prenez le temps de sentir ce que ça vous fait de vous sentir ainsi contenu.

Vouuuuuu !
Bon, ce n’est pas le nom officiel de cet exercice mais c’est un joli moyen
mnémotechnique pour s’en souvenir quand les temps sont durs.
Pour le faire, il suffit de prendre votre souffle et d’exhaler en prononçant la
syllabe « Vouuuuuu » en laissant le son vibrer et partir depuis le plus profond
de votre diaphragme ou de votre ventre, si vous y arrivez. Laissez le son
« Vouuuuu » vibrer dans toute votre cage thoracique et dans vos lèvres
jusqu’à ce que vous soyez à bout de souffle.
Laissez l’inspir se faire toute seule, naturellement, et répétez le processus
autant de fois que nécessaire.
Et, encore mieux, combinez les deux exercices : dites « Vouuu » en vous
faisant un câlin contenant. Vous verrez, cela fait des merveilles ! Avec les
enfants, ça marche aussi du tonnerre.
Être entouré d’une personne (ou plusieurs) peut être très aidant et puissant
pour prendre soin de sa peur. Si vous le pouvez, lorsque vous sentez les
prémices de la peur arriver, appelez un proche, rapprochez-vous d’un ami,
cherchez un regard empathique dans la foule. Une simple présence
rassurante peut permettre à votre système nerveux de trouver le chemin vers
plus de stabilité et de calme.

Et si ça arrivait pour de vrai ?


Quand nous avons peur, notre imaginaire s’emballe, il projette les pires
scénarios en toile de fond pendant que nous essayons sans cesse de l’éviter
et de contenir notre peur.
Et si nous amenions nos craintes les plus folles au premier plan pour voir ce
qu’il est possible d’en faire ?
Voici un exercice présenté sous forme de dialogue, que vous pouvez faire
avec quelqu’un d’autre ou tout seul, si personne n’est dans les parages. Ou
les deux, alternativement !
« Oh là là ! Je sens une montée d’angoisse. J’ai peur qu’il arrive un truc…
– Ah oui ? Genre quoi ?
– Je ne sais pas. Rien de précis. Ça me prend aux tripes et à la gorge mais je
ne sais pas te dire de quoi j’ai peur.
–…
– Je sais, c’est bête.
– Pas sûr. Si j’avais une peur comme ça qui me prenait soudain au ventre, je
ne rigolerais pas tant. Je n’ai pas l’impression que tu fasses exprès d’avoir
peur.
– Oui, non, je ne fais pas exprès, c’est sûr ! Merci. De ne pas me juger. C’est
vrai que je ne contrôle pas. Ça vient, et je ne sais même pas pourquoi.
– Ça serait quoi la pire chose qui pourrait t’arriver, là ?
– Euh… Un gars complètement taré qui débarque avec un fusil pour nous
flinguer tous.
– Pas mal comme scénario. Et ça se passerait comment ? »
Imaginez la suite : qu’est-ce qu’il ferait, ce fou furieux ? Comment
s’enchaîneraient les faits ? Arrêtez-vous pile avant qu’il commence à faire
feu.
Si tout cela arrivait, sur quoi et sur qui pourriez-vous vous appuyer pour vous
en sortir, ici et maintenant ?
Y a-t-il un objet ou une personne autour de vous qui, selon vous, pourraient
vous aider ? Comment pourriez-vous « activer » ces aides, c’est-à-dire les
rendre utilisables dans la vraie vie ?
Pour le dire autrement, précisez comment cette personne ou cet objet
pourraient vous aider à vous protéger, à faire face à la menace, à vous
enfuir ?
Par exemple, si c’est une personne que vous choisissez comme alliée, que
lui diriez-vous ? Qu’est-ce que vous feriez ensemble ?
Si vous avez choisi un objet, comment vous saisiriez-vous de celui-ci ? Qu’en
feriez-vous ?
Toutes les réponses sont bonnes du moment qu’elles vous donnent de
l’énergie et que vous vous sentez acteur de la scène.
Laissez-vous inventer une fin heureuse. Même héroïque, si le cœur vous en
dit.
Pendant tout le processus, faites très attention à la façon dont votre corps
réagit, soyez attentif aux micro (et macro) mouvements. Comment est votre
niveau d’énergie au fur et à mesure que vous déroulez toute la scène ?
Comment vous sentez-vous après avoir rendu conscient votre scénario
catastrophe et en devenant acteur ?
Si jamais vous n’avez pas la possibilité de modifier le cours des choses avec
votre imagination et que la scène se termine mal quoi que vous fassiez, vous
pouvez vous rassurer : c’est OK et il y a une très bonne raison à ça. Cela
veut probablement dire qu’il y a encore à apprivoiser, à s’approcher de soi, en
douceur, à pas de loup, en apportant réassurance, encore et encore, jusqu’à
ce que vous soyez prêt. Jusqu’à ce que le jour vienne. Pas de hâte. Tout va
bien. C’est le chemin qui compte.

Note : même si vous n’êtes pas sujet à l’angoisse, nous vous conseillons de
vous familiariser et d’apprendre les exercices marqués de . Ce faisant,
vous serez en mesure d’accompagner quelqu’un traversant une crise
d’angoisse. Ainsi, comme on apprend les gestes de premiers secours, il
serait merveilleux que nous puissions apprendre ces gestes de premiers
secours émotionnels pour nous soutenir les uns les autres en cas de crise.

Ruminator
Ruminator, vous savez, c’est ce machin-chose qui fait tourner vos pensées
en boucle à l’infini, vous rendant aussi performant qu’un hamster sur sa roue,
avec mille pensées à la minute et aucun répit.
Ce machin qui vous réveille en plein milieu de la nuit et qui ne vous lâche pas
jusqu’à ce que vous soyez épuisé. Ce truc qui vous fait ressasser des
situations passées avec toute une série de scénarios aussi improbables que
variés.
Ce bidule qui vous fait faire des projections dans tous les sens, si possible
alarmistes et désarçonnantes.
La rumination… ce compagnon fidèle de nos jours et de nos nuits.
Elle fait partie des innombrables stratégies de protection qui se sont
développées en nous dans une tentative de nous aider. Cette stratégie
ruminatrice qui cherche par tous les moyens à contrôler l’incontrôlable – étant
donné que le passé est passé et que le futur n’est pas encore arrivé – n’est
pas du tout agréable. Mais, lorsque vous essayez de décrocher ou de vous
changer les idées, c’est peine perdue.
Bien souvent, nous nous détestons dans notre rumination. Nous détestons
aussi les coprotagonistes de l’histoire qui se raconte en nous. Et nous nous
sentons mal à l’aise.
La difficulté vient souvent du fait que nous voulons arrêter de ruminer, alors
que, comme toute stratégie de protection, la rumination a un rôle à jouer et
elle ne va pas nous lâcher de sitôt parce que nous n’avons pas envie qu’elle
soit là.
Comme pour les émotions, il est nécessaire d’écouter le message que porte
la rumination pour adresser le besoin dont elle est porteuse.
Grâce à la rumination, nous cherchons à nous rassurer en voulant contrôler
ce qui fut et ce qui sera. L’état ruminant fonctionne en mode automatique. La
machine se lance mais nous, en tant qu’être conscient et intelligent, n’y
participons pas vraiment.
Afin de mettre à contribution votre partie rationnelle et de calmer la partie
alarmée en vous, vous pouvez effectuer l’exercice suivant.
Si la rumination vous prend pendant la nuit, faites l’effort de sortir du lit et
prenez feuille et stylo, ou votre magnifique cahier d’exercices. Si vous êtes en
pleine journée et que vous ne disposez pas de votre cahier, n’importe quelle
feuille fera l’affaire.
Tout d’abord, faites savoir à Ruminator que vous êtes là pour l’aider à trouver
la meilleure solution possible, pour l’épauler, pas pour le virer. Vous pouvez
aussi le remercier d’être là et de faire son travail de vouloir votre bien-être.
Réfléchissez à la situation qui vous fait ruminer et trouvez-lui un titre, si
possible rigolo, théâtral ou cinématographique.
Par exemple, si je suis préoccupée par ce que m’a dit mon ex-mari et la
façon dont je ne lui ai pas répondu, je pourrai appeler mon récit : « Patate
chaude empoisonnée sous gravillons ».
Puis rédigez l’histoire exactement comme vous auriez aimé qu’elle se soit
passée et les conséquences que vous aimeriez qu’elle ait dans le futur. Dans
le cas de l’échange avec mon ex-mari, je pourrais commencer par quelque
chose comme :
« Ce matin-là, insouciante que j’étais à m’occuper de mon jardin, je
chantonnais aux côtés de mes arbustes, transplantant des fraisiers, tandis
que mon chien sautillait tout heureux autour de moi. Mon ex-mari arriva alors
chez moi, sans crier gare. Surprise, je me levai et lui dis, courageuse et droite
comme un “i” qu’il n’avait pas à faire irruption comme cela dans ma demeure
et qu’il était hors de question que nous échangions dans ces conditions
imposées par lui. Contrit, il se rendit compte de son impair et s’excusa,
confus. Il me demanda si je voulais bien échanger avec lui plus tard et dans
quelles conditions. Je pris tout mon temps pour réfléchir au meilleur contexte,
au moment idéal pour moi, et nous nous mîmes d’accord pour avoir une
discussion plus tard dans un café. Etc. »
Utilisez votre imagination !
Vous pouvez verser dans le fantastique et devenir un super-héros ou bien
rester dans le réel et mener la situation de main de maître en répondant le
mieux possible à vos différents besoins, y compris ceux qui semblent
complètement contradictoires. D’ailleurs, prenez bien note de ces besoins qui
paraissent inconciliables et voyez comment vous goûtez de trouver une issue
satisfaisante pour toutes les parties de vous.
Si vous ne savez pas exactement ce que chaque partie de vous voudrait et
ce qui serait « le mieux » dans cette situation, écrivez juste : « Et tous mes
besoins sont ainsi satisfaits. »
Terminez votre récit avec le mot « Fin » et retournez vous coucher ou à votre
vie dans le présent.

Les phrases qui puent


Nous vous proposons ici un petit florilège des phrases qui puent, ces phrases
populaires ou familiales qui nous ont programmés, conditionnés, limités… et
qui nous pourrissent la vie. Nous les avons entendues petits et nous
continuons parfois de les entendre.
Les voir, c’est déjà en prendre conscience, et prendre de la distance. Et il n’y
a qu’un pas pour leur tourner le dos !
C’est parti !
– « C’est pas grave. »
– « Tu devrais avoir honte ! »
– « T’es vraiment nul ! »
– « Il faut souffrir pour être beau. »
– « Arrête ton caprice ! »
– « Tu enfanteras dans la douleur. »
– « Bouh, le bébé qui pleure ! »
– « C’est rien… »
– « Mais ressaisis-toi, enfin ! »
– « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. »
– « Ne pleure pas. »
– « Il faut souffrir pour aller au paradis. »
– « T’es pas beau quand tu pleures. »
– « Si tu te mets en colère, tu seras puni. »
– « C’est pas compliqué à comprendre, pourtant ! »
– « Ce n’est pas un cerveau que tu as, c’est une passoire ! »
– « C’est ta faute ! »
– « Dépêche-toi, enfin… »
– « Tu comprends vraiment rien ! »
– « Je ne sais plus quoi faire de toi ! »
– « Ton frère, lui… » / « Ta sœur, elle… »
– « On ne fera jamais rien de bon de toi ! »
– « T’es trop sensible… »
Parmi ces phrases, lesquelles vous touchent le plus ?
Il y en a sûrement d’autres que vous adorez…
Vous pouvez les marquer sur votre carnet.
Et maintenant, amusez-vous à les triturer, à les déconstruire, à les inverser.
Prenons par exemple : « Ce n’est pas un cerveau que tu as, c’est une
passoire ! »
Cela pourrait donner :
– « Ce n’est pas une passoire que t’as, c’est un cerveau ! »
– « Waouh ! Le Cerveau ! »
– « Mais c’est pas une passoire du tout ! Ah nan, une passoire, ça ne
ressemble pas à ça du tout. »
– « Ce n’est pas s’asseoir que d’avoir un cerveau… Qu’est-ce que t’as ?! »
– « Tu veux mon cerveau ?! »
– « Pas c’soir ! »
– Etc.
Vous pouvez aussi écrire les phrases qui puent sur un bout de papier que
vous déchirez ou brûlez ensuite. Ou imaginer votre rituel qui vous permette
de les transmuter et d’en faire quelque chose d’autre, fertile pour vous et pour
la Vie.

Si vous êtes parent


Si vous êtes parent, voici la partie difficile : reconnaître que, malgré votre
bienveillance, certaines phrases qui puent sont passées à travers votre
passoire ! Et ont été adressées à vos enfants. Ouille !… Attention, pas de
culpabilité, notez simplement que c’est le cas, voyez que c’est quand vous
êtes à bout qu’elles sortent. Quand vous êtes activé.
Le sens de ce livre est justement de construire de la ressource pour que, la
prochaine fois qu’une de ces phrases automatiques se présente au portillon,
vous en preniez conscience afin qu’elle ne soit pas prononcée de nouveau :
« Non, désolé, ici, c’est tenue de soirée. Jean-baskets, c’est pas accepté ! »
Retenez-la et exprimez plutôt votre ressenti, pour ne pas poursuivre la chaîne
de dévalorisation, d’inhibition, etc., mais plutôt apprendre à vos enfants – et
vous réapprendre à vous-même par la même occasion – à exprimer leurs
émotions.

Rebootez-vous vous-même
Maintenant que vous avez lu tout ça, vous avez compris que nous sommes
tous dans le même bateau, traumatisés de la life ! Et en même temps, bah,
que c’est comme ça !
Mais à partir de maintenant, on va pirater le système ! Et pour pirater le
système, on l’utilise. Car, autant tout a été là pour nous faire vivre ces
traumatismes, autant tout est là pour nous aider à en ressortir grandis.
Pour redémarrer sur de bonnes bases, vous pouvez vous rebooter vous-
même.
Prenez votre ordinateur.
Ouvrez un logiciel de traitement de texte.
Faites une liste de vos pensées et croyances limitantes, les « Je suis seul »,
« Je ne mérite pas d’être aimé », « Je suis trop », « Je suis inadéquat »…
Prenez le temps de sentir ce qui résonne vraiment en vous.
Une fois que vous avez écrit ces phrases, enregistrez et fermez le fichier.
Et éteignez l’ordinateur.
Comment vous sentez-vous ?
Qu’est-ce que ça vous fait de savoir que le document est là, en mémoire,
dans votre système ?
C’est OK pour vous de le laisser là ?
Si oui, continuez le livre (ou faites autre chose) sans lire la suite de l’exercice.
Sinon, vous pouvez rallumer l’ordinateur.
Rouvrez le fichier.
Relisez les phrases.
Et maintenant, que décidez-vous d’en faire ?

Note : quoi que vous ayez fait (ou pas), c’est ce qui était bon pour vous !

Comment je (me) conduis


Notre façon de conduire reflète qui nous sommes, de même que notre façon
de parler, de manger ou de faire l’amour.
Avez-vous tendance à conduire de manière un peu nerveuse ? À stresser et
à être crispé au volant ? Ou avez-vous plutôt tendance à vous évader par la
pensée ?
Quel que soit le style de votre conduite sur la route, il peut être le signe de
votre tendance de fond – plutôt en hyperréaction (activation du système
sympathique) ou plutôt dans la coupure (activation du système vagal dorsal).
En explorant cette action quotidienne et plutôt irréfléchie, vous pourriez vous
entraîner à une nouvelle façon de vous connecter à l’espace et au temps en
ajustant votre manière d’être au volant.

Si vous avez une conduite plutôt nerveuse


Décidez que, pendant les cinq prochaines minutes de conduite, vous
ralentissez votre vitesse. Vous conduisez en mode cool, pépère, comme pour
une balade du dimanche.
Respirez bien. Car le fait de ralentir pourra éveiller chez vous, dans un
premier temps, plus de nervosité.
Passez ce cap en vous engageant à vous détendre, à ralentir… Peut-être
pourrez-vous passer un bon moment. Mettez de la musique classique ou
douce.
Et voyez ce qui se passe au bout de cinq minutes…

Si vous avez plutôt tendance à être angoissé par la route,


ou à penser à autre chose en conduisant
La proposition est d’être vraiment présent à ce qui se passe autour de vous.
Dans la voiture déjà, l’habitacle, et sur la route.
Est-ce que les réglages de la voiture vous conviennent ? Température,
orientation de l’air… ? Voulez-vous mettre de la musique ?
Regardez les voitures autour de vous (enfin surtout devant !), leur couleur,
leur marque. Observez l’environnement, les côtés de la route, le paysage, les
éléments de signalisation. Soyez attentif, présent. Voyez si vous pouvez vous
sentir en sécurité.
Si oui, engagez-vous un peu plus dans la conduite, soyez un peu plus acteur.
Voyez si vous pouvez changer de file, doubler, accélérer tout en restant en
sécurité.
Comment vous sentez-vous au bout de cinq minutes de conduite plus
présente, en sécurité ?

Notre voiture est un peu comme notre corps, c’est notre véhicule pour nous
déplacer dans l’espace et le temps.
Apprenons à sortir de nos modes habituels de conduite en explorant d’autres
façons de (nous) conduire, bien présents et en lien avec l’environnement.

Le décrochage intentionnel
Lorsque nous sommes submergés, notre relation au temps s’altère. Nous
avons l’impression que le temps est compressé, que tout presse et qu’il n’y a
pas assez d’espace pour réaliser ce que nous avons à faire.
Dans ces moments d’agitation et d’impression de « Je ne vais jamais y
arriver », plutôt que de continuer à pédaler dans la semoule, le mieux est de
faire une pause disruptive. D’organiser un décrochage intentionnel qui va
nous permettre de retrouver un état de détente. Cela paraît contre-intuitif
parce que le diktat de notre voix intérieure dit qu’on n’a pas le temps et qu’il
faut se dépêcher mais c’est précisément en s’arrêtant et en faisant tout à fait
autre chose – de préférence ludique ou sans but « utile » spécifique – que
nous pouvons revenir dans le vagal ventral et accéder à nouveau à notre
cortex préfrontal qui est la partie rationnelle de notre cerveau qui peut se
concentrer et réaliser des tâches.
« Lorsque ma sœur et moi étions agitées, activées et hyperréactives, ma
mère nous disait que nous étions “greffées en panthère”. Alors elle nous
envoyait jouer une demi-heure dans la cour avec les voisins. Même, ou plutôt
surtout, lorsque nous avions énormément de devoirs à faire et des examens
le lendemain, elle nous arrêtait net lorsqu’elle voyait que nous partions en
cacahuète. Plus grandes, lorsque nous avons passé l’âge de jouer avec nos
voisins, elle nous envoyait acheter une bricole dans le petit magasin du bout
de la rue. Cela marchait à tous les coups ! Lorsque nous revenions à nos
devoirs, nous étions rafraîchies, renouvelées et beaucoup plus concentrées
que si nous étions restées là, coincées devant nos livres et croulant sous la
pile de devoirs. » Carol
Quelques idées de décrochages intentionnels :
– avoir un cahier de gribouillis où vous faites des dessins, des arabesques ou
tout autre trait libre qui vous vient,
– remplir des cahiers de mandalas avec des crayons de couleur,
– compter le nombre de fenêtres qu’il y a dans la pièce où vous êtes, le
nombre d’objets orange ou ronds que vous observez autour de vous (ou
autre chose qui vous vient à l’esprit),
– se raconter des blagues entre collègues ou amis,
– faire des exercices corporels tels que celui de l’algue,
– danser sur une musique qui vous plaît,
– faire le ménage, plier le linge ou toute autre tâche qui implique votre corps.
Attention, river vos yeux sur un écran n’a pas du tout le même effet
décrochant. Nous vous recommandons d’éviter les écrans en cas de
submersion car ils surstimulent notre système nerveux par ailleurs bien
chargé. Nous avons besoin de revenir à nos sens ou de laisser aller notre
imagination, pas de nous charger de bruit et d’informations.
Ensuite, revenez à votre activité initiale et observez la différence.
Vous pouvez aussi vous saluer d’avoir fait cet exercice : bravo à vous !

Dialogue entre les parties de moi


À la terrasse d’un café, deux parties de moi boivent un verre ensemble.
Sur la petite table qui les sépare, ce livre.
La partie de moi qui tourne le dos au soleil se tient le dos un peu voûté.
Quelques cheveux désordonnés empêchent de voir la totalité de son visage.
Elle s’adresse à l’autre en soufflant, l’air dépité :
« De toute façon, j’ai déjà tout essayé. Rien ne marche vraiment. »
Ses épaules rentrent d’un cran vers l’intérieur.
Long silence entre elles.
L’autre partie de moi, droite comme un I, pense pratique et efficace, objectifs-
résultats. Elle a une tête bien faite, comme dirait ma mère. On voit, à sa
jambe qui commence à s’agiter de haut en bas, qu’elle s’impatiente face à
l’attitude de Dos-voûté.
Elle lui répond d’une voix suraiguë qui trahit son agacement :
« Arrête de te complaire ! C’est bon ! Remue-toi un peu ! Techniquement, tu
n’as pas pu tout essayer ! Et puis franchement, quand tu essaies, tu ne vas
jamais jusqu’au bout. Tu lâches toujours en cours d’affaire. Rappelle-toi le
yoga… et les séances d’hypnose avant ça, et les dizaines de choses que tu
as entreprises et lâchées en cours de route, après la phase “grand
enthousiasme”. »
Dos-voûté s’enfonce dans sa chaise. Elle est d’accord. Elle se dit qu’elle n’y
arrivera jamais. Une quarantaine d’exercices, c’est too much. Marre de devoir
faire des trucs ! Elle aimerait juste se terrer au fond d’un trou, d’une caverne
bien chaude et s’endormir à jamais. Mmmm… état cotonneux… Elle se sent
déjà partir. Comme si elle n’était plus tout à fait là.
Droite-comme-un-i s’énerve de la voir ainsi partir. Mais elle sait que, même si
elle lui crie dessus, quand elle part, c’est la fin de la partie. Elle se sent si
impuissante.
Pile à ce moment-là arrive une troisième partie de moi. Il s’agit d’un jeune
serveur tout guilleret. Tiens, je ne savais pas que j’avais un garçon de café en
moi !
Lui, il a le sourire vissé aux lèvres. Il dégage un truc chouette et innocent. Sa
venue amène un vent frais qui remue la pesanteur à couper au couteau de
l’instant précédent.
En bon serveur, il fait son job.
« J’vous amène queq’ chose à grignoter, mesdames ? »
Aucune des deux n’a faim.
Absolument pas découragé, Sourire-aux-lèvres prend le livre ci-présent, avec
un succinct « Je peux ? » auquel il n’attend pas de réponse. Il se racle la
gorge et lit à voix haute la quatrième de couverture.
« Non seulement il a le toupet de s’immiscer dans notre conversation et de
prendre le livre de manière tout à fait désinvolte, mais en plus il lit à la vitesse
d’un enfant de CE1. Il devrait avoir honte », pense Droite-comme-un-i.
Sourire-aux-lèvres semble enthousiaste. Au fur et à mesure qu’il avance dans
sa lecture, ses yeux pétillent de mille soleils.
« C’est trop bien, vot’ truc ! Ch’uis d’accord avec ce qu’ils disent là ! Y a
carrément moyen de prendre soin de soi et de sortir la tête de l’eau. Moi,
vous savez, la méditation, j’ai jamais pigé comment il fallait faire. J’ai essayé,
pourtant ! J’vous jure ! Mais nan, c’est pas pour moi. Par contre, quand j’étais
tout môme, ma mamie, elle me faisait faire de drôles d’exercices où il fallait
que mon coude droit touche ma jambe gauche tout en chantant une chanson,
puis de l’autre côté. Elle me faisait faire ça quand j’avais trop peur du noir la
nuit. Eh ben vous savez quoi ? »
Dos-voûté et Droite-comme-un-i ne prennent pas la peine de répondre.
« Eh bien ça marchait de ouf ! Au début, j’y arrivais pas, mais elle le faisait
avec moi et comme elle était toute rouillée de ses os, ça nous faisait rire. Et
ma peur ? Pouf ! Disparue en deux-deux. Entre nous, je le fais encore quand
j’ai la loose. Et le truc encore plus dingue, c’est que ça marche, même si ma
mamie elle est morte depuis ! »

Avez-vous déjà entendu causer ces différentes parties de vous ? Celle qui est
toute raplapla et qui n’y croit plus ? Celle qui s’agace et vous trouve lâche et
pas digne et pas assez ceci et trop cela ? Entendez-vous encore celle qui est
tout enthousiaste et qui sait qu’on n’est pas condamné à errer et à souffrir à
tout jamais, comme des victimes impuissantes ? Et bien d’autres parties
encore avec des discours et des visions bien à elles ?
Parfois, lorsque nous nous laissons aller à les entendre, nous avons
l’impression d’être à moitié fous. Cela pourrait sonner schizophrène d’avoir
autant de voix et de parts en soi avec des avis et des comportements et
intérêts si différents. Lorsque les avis intérieurs sont opposés, nous vivons un
conflit intérieur qui peut générer une forme de paralysie.
Pour remettre de la cohérence et de la fluidité dans notre royaume intérieur, il
est indispensable de changer notre regard sur nos « habitants ». Même si
nous les trouvons parfois (souvent) encombrants, ils ont tous – oui, oui,
tous ! – une très bonne raison d’être là. Chacun est porteur d’un message,
d’une connaissance, d’une sagesse particulière qu’il pourrait être en mesure
de partager avec vous. Des alliances incroyables peuvent être faites entre
des parties de vous dont vous ne soupçonnez même pas l’existence et celles
qui sont les plus démunies.
Pour vous donner un avant-goût de ce que cela peut être, faites l’exercice
suivant.

Pratique
Réservez-vous un espace-temps d’une demi-heure rien que pour vous, pour
être tranquille et sans distractions.
Installez-vous bien confortablement et déposez tout votre poids sur le sol.
Sentez combien ce sol vous soutient. Il est là pour vous, quoi qu’il arrive.
Imaginez qu’à l’intérieur de vous réside une personne fantastique avec
laquelle vous n’avez jamais fait connaissance. Cette personne pourrait et
voudrait devenir votre alliée, œuvrer avec vous pour vous épanouir et réaliser
vos rêves les plus fous. Nous ne connaissons pas encore ses talents mais
elle est là, prête à bondir lorsque vous vous adresserez à elle.
Prenez le temps de convoquer cette partie super douée et géniale qui réside
en vous. Pour cela, il suffit que vous désiriez entrer en contact avec elle.
Lancez l’appel et faites-vous confiance.
Pour vous aider, vous pouvez demander à cette partie merveilleuse de se
faire connaître en vous envoyant une image d’elle (si vous êtes du genre à
visualiser facilement) ou en se manifestant par une sensation corporelle.
Détendez-vous et laissez venir ce qui vient en sachant que ça vient.
Si c’est une sensation que vous percevez, adressez-vous à la partie géniale
en vous en lui demandant d’augmenter la sensation. Si la sensation
s’amplifie, alors ça y est, vous êtes en relation avec cette partie incroyable de
vous qui vient s’adresser à vous, d’abord, par le biais de cette sensation.
Vous pouvez la remercier de se manifester à vous ici et maintenant et lui
demander intérieurement si elle a envie de collaborer avec vous à présent.
Laissez-vous sentir si la réponse est oui ou non. A priori, si elle s’est
manifestée, c’est qu’elle en a peut-être envie mais c’est important de le
vérifier.
Restez avec cette sensation corporelle tout en sachant que vous êtes en lien
direct avec une alliée de taille. Observez comment vous vous sentez en sa
présence. Voyez si vous pouvez établir une communication avec elle, et si
oui, intéressez-vous à elle, à qui elle est, à ce qu’elle sait faire, à sa manière
de percevoir le monde, à ce qu’elle aime et ce qu’elle aime moins. Écoutez-la
et, si vous le souhaitez, demandez-lui de vous soutenir à l’avenir.
Si c’est une image qui vous est apparue, prenez le temps de découvrir à qui
ou à quoi ressemble cette partie. S’agit-il d’un homme ? d’une femme ? Quel
âge a-t-il ou a-t-elle ? Quelle est son expression ?
Comment vous sentez-vous en sa présence ?
Si vous le souhaitez, vous pouvez vous adresser à elle et lui demander quelle
est sa vision de la vie, quel est son talent (ou son super-pouvoir) et si elle a
quelque chose à vous dire ou à vous apprendre.
Vous pouvez aussi lui demander comment faire alliance avec elle et comment
l’appeler lorsque vous aurez besoin d’elle, de son énergie et de sa sagesse.
Une fois que vous aurez tissé ce lien, remerciez-la et félicitez-vous d’avoir
accompli ce bel exploit. Vous pouvez aussi dire à cette partie que vous vous
reverrez, si vous avez l’intention de lui rendre de nouveau visite plus tard.
Ensuite, tout en douceur, revenez pas à pas dans la conscience de votre
environnement et reprenez à votre rythme le cours de votre journée ou de
votre nuit.
Si l’ensemble de cet exercice vous a paru farfelu ou difficile à faire tout seul et
si vous sentez que vous avez envie d’approfondir, nous vous invitons à
prendre contact avec un thérapeute formé à la Thérapie des États du Moi ou
au modèle de l’Internal Family Systems. Ils vous accompagneront sur la voie
de la rencontre et de l’apprivoisement de vos parties intérieures.
Un moment merveilleux
Il est des moments dans notre vie qui sont teintés de magie. Des instants où
tout semble parfait, où rien n’a besoin d’être ajouté ni enlevé car tout est à sa
place. Des occasions où nous nous sentons si bien que nous pouvons
profiter pleinement de la merveille d’être en vie, en lien avec le vivant.
Lorsque nous vivons de tels instants, la vie nous apparaît belle et fertile et
nous nous sentons connectés à une infinité de possibles. Dans ces instants,
nous sommes dans notre système vagal ventral, lieu d’interaction et de lien
par excellence.
L’exercice suivant a pour objectif de vous accompagner dans la
remémoration de tels instants. En les revivant encore et encore, vous faites
l’expérience directe de l’activation volontaire de votre vagal ventral. Ce
faisant, vous creusez un joli sillon qui vous permettra, lorsque vous vous
sentirez agité, de retrouver le chemin jusqu’à ces instants ressourçants. Une
fois reconnecté à ces instants et au ressenti de bien-être associé, vous serez
en mesure de vivre les choses plus posément et de voir la vie d’une manière
plus constructive.
Installez-vous dans un endroit où vous vous sentez bien et en sécurité.
Prenez le temps de vous mettre à l’aise.
Lorsque vous aurez trouvé la posture qui vous convient, assis ou couché,
plongez à l’intérieur de vous en fermant les yeux ou en les gardant semi-clos
pour éviter d’être distrait.
Reliez-vous à votre respiration, cette compagne fidèle, témoin de chaque
instant de votre vie. Prenez conscience de sa présence constante et laissez-
la se déployer amplement. D’abord dans votre cage thoracique, puis dans
votre ventre, puis en lui permettant de voyager dans chaque partie de votre
corps. Laissez-vous respirer dans les bras, dans votre tête, dans votre
bassin, dans vos jambes et dans vos pieds. Laissez-la se balader de manière
fluide partout dans votre corps et prenez le temps de sentir ce que c’est
d’avoir un corps respirant.
Nourri de cela, convoquez le souvenir d’un moment de grand bien-être dans
votre vie. Un moment où vous vous êtes senti en paix, épanoui, joyeux,
heureux, bien entouré (ou avec vous-même). Il a pu s’agir d’un bref instant,
dans des circonstances toutes simples, voire inespérées. Ne cherchez pas
quelque chose de paradisiaque. Parfois, une simple glace partagée avec un
être aimé dans un parc avec un beau coucher de soleil est juste un moment
merveilleux, parce qu’à ce moment-là, tout était parfait pour vous.
Laissez-vous surprendre par la scène qui vous apparaîtra et accueillez-la
telle qu’elle vient.
Une fois que votre souvenir aura refait surface, prenez le temps de vous
remémorer les détails de cet instant. Vous rappelez-vous où vous étiez ?
avec qui ? ce qui se passait à ce moment-là ? Laissez remonter tous les
petits détails qui enrichiront votre connexion à ce souvenir.
Comment perceviez-vous les autres, le monde et vous-même à ce moment-
là ?
Comment vous sentiez-vous précisément ? Comment appréciiez-vous d’être
vous à cet instant précis ? Laissez remonter les sensations et permettez-leur
de circuler en vous.
Et voyez comment vous respirez maintenant.
Quelles émotions étaient présentes à ce moment-là ? Contactez-les et
laissez-les s’épanouir à présent, comme elles le firent autrefois.
Prenez tout le temps que vous souhaitez pour revivre les sensations et les
émotions corrélées à cet événement et laissez-vous toucher par la sensation
de bien-être qui en découle.
Si vous le souhaitez, vous pouvez attribuer un mot-clé à cet instant précis, ou
le relier à une image ou à un geste. Ainsi, lorsque vous aurez envie ou besoin
de vous y reconnecter, vous pourrez convoquer ce souvenir avec sa palette
de sensations agréables à l’aide du mot-clé, de l’image ou du geste associés
(cela s’appelle un « ancrage »).
Vous pouvez rouvrir les yeux et constater dans quel état vous vous sentez
maintenant. Puis vous préparer pour la suite de votre journée.

Mon lieu ressource


Si nous voulons permettre à notre système nerveux de se détendre et de se
déposer pour accéder à plus de bien-être, il est indispensable qu’il puisse se
sentir en sécurité. Le lieu où nous nous trouvons a une importance cruciale
dans l’installation de ce sentiment de sécurité.
Si nous nous trouvons dans un endroit bruyant, clos, où nous sommes
continuellement interrompus, entourés de personnes peu avenantes, avec
une lumière agressive, tous nos sens sont en alerte et le sentiment
d’insécurité prévaut sur le reste. Dans de telles conditions, notre
concentration diminue, nous devenons irritables et tous nos mécanismes de
protection sont aux aguets, voire nous perdons nos moyens.
À l’inverse, lorsque nous nous trouvons dans un bel endroit, avec une jolie
lumière, au contact de la nature, protégés et bien entourés, nous pouvons
nous détendre et profiter de la vie et de ces instants.
Malheureusement, dans notre vie de tous les jours, on ne peut pas toujours
choisir l’un ou l’autre. La magie de la vie, c’est que nous n’avons pas besoin
d’être physiquement dans un lieu paisible pour bénéficier de ses bienfaits.
L’exercice suivant a pour objectif de vous permettre de vous relier à un tel
endroit, que vous l’ayez visité dans la vraie vie ou dans votre imaginaire.
En le visitant fréquemment, vous serez de plus en plus en mesure de vous y
téléporter par l’esprit, indépendamment du lieu où vous vous trouverez
physiquement.

Pratique
Préparez-vous à vivre un grand moment de détente !
Programmez-vous une belle plage horaire vous permettant de vivre cet
exercice en toute lenteur et avec assez de temps pour revenir en douceur
dans la vie de tous les jours.
Coupez toutes les sources de distraction et prévenez vos proches que vous
avez besoin de ce temps tranquille, sans interruption.
Choisissez avec soin le siège ou la surface sur laquelle vous allez vous
installer. Faites le nécessaire pour vous sentir à l’aise, coconifié. Certaines
personnes apprécient d’avoir une petite couverture ou un coussin tout doux à
prendre dans les bras. D’autres aiment pouvoir bouger librement. Testez ce
qui est bon pour vous pour vous sentir bien.
Fermez les yeux ou gardez-les entrouverts pour éviter d’être distrait. Vous
pouvez aussi les garder totalement ouverts et fixer votre regard sur un point
précis. Vous pouvez tester les trois possibilités et voir celle qui vous sied le
mieux ici et maintenant.
Prenez quelques instants pour prendre acte de votre ressenti global. Vous
pouvez vous poser les questions suivantes : « Comment je me sens, là, tout
de suite maintenant ? », « Qu’est-ce qui est présent pour moi ? », « Est-ce
que la première chose qui attire mon attention, ce sont mes pensées ? Si oui,
que racontent-elles en ce moment précis ? »
Écoutez un peu ce qui se raconte à l’intérieur de vous sans donner le change
à vos pensées, juste en étant témoin de ce qui se dit au-dedans.
Si c’est votre ressenti corporel qui vous apparaît, prenez le temps de faire un
scanner rapide de votre état global : comment goûtez-vous d’être dans votre
corps à présent ?
Si c’est une ou plusieurs émotions ou sentiments qui apparaissent en
premier, vérifiez si vous arrivez à les nommer. Y a-t-il une sensation
corporelle associée à cette émotion ou à ce sentiment ? Prenez juste note de
ce qui est présent.
Si ce sont des images, des impressions indéfinissables ou toute autre chose
qui vient à votre conscience, soyez témoin de tout cela, même si c’est un
gloubi-boulga inintelligible. Puisque c’est là, ç’a sa place.
Ce petit tour du propriétaire accompli, faites appel à l’image d’un lieu
magnifique et ressourçant où vous pourrez vous reposer en toute tranquillité.
Il peut s’agir du souvenir d’un lieu que vous avez déjà visité, dont la beauté
vous a émerveillé. Il peut s’agir d’un endroit paradisiaque vu en photo ou
dans un film. Et il peut s’agir d’un endroit construit de toutes pièces par votre
imagination.
En général, les sites naturels peuvent être source de grand bien-être. Une
petite plage à côté d’une cascade, une jolie cabane avec un bel âtre crépitant
et une soupe qui bout dedans, au milieu d’une forêt d’arbres hauts, un lac au
sommet d’une montagne baignée par le soleil, une barque au milieu d’une
mer turquoise… Voilà quelques idées de lieux potentiellement ressourçants.
Si vous n’êtes pas fan de nature, vous pouvez imaginer un fauteuil tout
douillet dans un salon joliment décoré, nimbé d’une lumière suave ; la cuisine
d’une grand-mère où vous avez passé des moments délicieux, avec l’odeur
de bons petits plats qui mijotent mêlée aux arômes de lessive et d’enfance
rieuse. Un autre « lieu » ressourçant peut aussi être les bras d’un être aimé
auprès de qui vous vous êtes senti aimé et en sécurité.
Laissez-vous le temps de vous remémorer ce lieu ressource et imaginez que
vous y êtes.
À quel endroit précis êtes-vous situé ?
Dans quelle position ?
Y a-t-il de la verdure ou des animaux autour de vous ?
Si votre lieu se situe au grand air, sentez-vous le vent autour de vous ?
Comment est la lumière ? Fait-il jour, nuit ou entre les deux ?
Quel temps fait-il ?
Quels autres détails observez-vous ?
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cet endroit ?
Si vous le souhaitez, adressez-vous à votre lieu ressource comme s’il était
vivant. Demandez-lui de vous protéger, de prendre soin de vous, de veiller
sur votre bien-être. Il vous écoute…
Sentez ce que cela vous fait d’être dans cet endroit, protégé.
Vous pouvez vous y déposer, respirer, relâcher vos tensions.
Vous n’avez rien à faire.
Vous pouvez juste être.
Avec tout ce qui vous habite.
Rien à changer.
Rien à prouver.
Vous êtes totalement le bienvenu.
Ce lieu, c’est le vôtre.
Rien qu’à vous.
Vous y êtes en sécurité.
Respirez et profitez…
Une fois que vous avez fait le plein de détente et de bien-être, vous pouvez
trouver un nom pour cet endroit magique. Vous pouvez aussi faire un geste
précis qui sera associé à ce lieu afin de créer un ancrage.
Ainsi, chaque fois que vous ferez ce geste, vous vous rappellerez cet endroit
et vous pourrez y revenir pour vous détendre.
Vous pouvez remercier ce lieu de vous avoir accueilli et de vous protéger.
Puis, progressivement, reprenez conscience de votre ressenti corporel.
Intégrez petit à petit les sons environnants et, lorsque vous vous sentirez
prêt, ouvrez les yeux.
Prenez le temps de la transition.
Étirez-vous, bâillez, faites de petits mouvements et, tout en douceur, revenez
dans votre quotidien avec la conscience que, désormais, vous avez un lieu
ressource, rien qu’à vous, où vous pourrez vous nicher quand le besoin se
fera sentir.
Voilà comment je m’en suis sorti
Lorsque notre système nerveux est dérégulé et activé, il est fréquent de
contacter un sentiment d’impuissance. Combien de fois vous êtes-vous déjà
dit : « Je ne vais jamais y arriver » ?
Dans ces moments-là, nous avons l’impression d’être nuls, dépourvus de
talents et de choix, et nous nous enfonçons dans le désarroi du vagal dorsal.
Afin de retrouver notre énergie plus facilement et de nous reconnecter à nos
capacités à nous en sortir, à être créatifs et à aller de l’avant, installez
régulièrement la ressource décrite dans cet exercice.
Lorsque vous aurez l’impression d’être la victime impuissante d’un monde
hostile ou qui s’écroule, vous pourrez faire appel à cette ressource qui vous
rebranchera à votre énergie vitale et à votre capacité d’agir.
Si vous le souhaitez, vous pouvez faire cet exercice en présence d’un témoin
bienveillant et silencieux.

Pratique
Installez-vous bien confortablement, dans un endroit calme, où vous ne
serez pas interrompu.
Vérifiez que vous êtes installé de la manière la plus agréable et confortable
qui soit. Parfois, un petit coussin, un changement de siège, une petite
couverture sur les pieds ou sur le dos peuvent faire toute la différence.
Prenez ce temps d’installation, c’est une manière très importante d’apprendre
à vous donner de l’attention et du soin. Les maîtres mots sont « pas
d’urgence » et « prenez tout le temps nécessaire ». (Rien qu’en écrivant ces
mots, cela me fait soupirer d’aise…)
Fermez les yeux si vous êtes à l’aise ainsi ou gardez-les ouverts, fixés sur un
point ou entrouverts pour éviter d’être distrait tout en vous empêchant de
vous endormir, si telle peut être votre tendance lorsque vous vous posez
ainsi.
Observez votre respiration telle qu’elle est actuellement. Suivez son rythme,
sans chercher à le changer. Juste en étant avec.
Voyez si quelque chose se modifie du fait que vous assistez en présence à
son va-et-vient sans chercher à changer votre respiration ou si elle reste la
même.
Prenez le temps dont vous avez envie avec votre respiration.
Puis laissez venir à vous le souvenir d’un moment de votre vie où vous avez
réussi à vous en sortir. Peu importe si ce souvenir est récent ou ancien. Il
n’est pas important non plus de se rappeler tout à la perfection. Des études
récentes ont montré que notre mémoire fonctionne en faisant un patchwork
de souvenirs avec des impressions et une couleur énergétique semblable. Ce
qui vous vient est donc parfait tel que c’est.
Il est possible que deux ou trois souvenirs remontent en même temps. Si
c’est le cas, choisissez celui qui éveille le plus de fierté chez vous.
Si vous avez l’impression qu’il n’y a aucun souvenir qui vous vient parce que
vous sentez que vous n’avez jamais rien accompli d’extraordinaire, sachez
qu’il n’est pas question ici d’avoir réalisé un exploit mais plutôt d’avoir réussi
à vous sortir d’une situation ou à faire quelque chose que, d’ordinaire, vous
n’auriez pas fait. Cela peut autant être oser avoir dit bonjour à votre voisine
qu’avoir pu dire non sans revenir sur votre décision.
Il s’agit donc de tout moment où vous avez ou vous auriez pu vous sentir fier
de vous.
Une fois que vous avez trouvé votre souvenir, plongez dedans. Parvenez-
vous à vous rappeler comment ça s’est passé ? Comment s’est déroulée la
scène ? Prenez le temps, en vous la repassant, de recontacter les ressentis,
les émotions que vous aviez à chaque instant.
Peut-être que vous aviez des craintes à un moment, ou que vous vous
sentiez figé. Contactez ces sensations.
Ensuite, rappelez-vous ce qui a fait « clic » en vous, ce qui vous a poussé à
agir, malgré tout, et à faire que vous avez osé puis rappelez-vous que vous
vous en êtes sorti.
Repérez, si vous le pouvez, ce qui se produit dans votre corps lorsque vous
vous rappelez le moment déclic et votre passage à l’action.
Si tout se déroule trop vite dans votre souvenir, n’hésitez pas à le passer au
ralenti. Pour cela, vous pouvez imaginer que vous avez une télécommande et
que vous pouvez ralentir ou revenir en arrière à votre guise, ressentant
chaque émotion, chaque pensée lorsque l’image repasse devant vous.
Si vous êtes accompagné d’un témoin bienveillant, expliquez-lui par le menu
tout ce que vous percevez, tout ce que vous vous rappelez et toutes les
sensations qui se ravivent en vous.
Vous pouvez finir votre récit en disant à voix haute : « Voilà comment je m’en
suis sorti ! »
Restez le plus de temps possible avec ce sentiment de réussite et de fierté.
Voyez comment il influe sur votre ressenti corporel.
Comment ça se passe dans votre corps, maintenant que vous êtes connecté
à ce sentiment de fierté et que vous réalisez que vous y êtes parvenu, malgré
la difficulté de la situation ?
Si une sensation particulière apparaît dans votre ressenti corporel, accordez-
lui votre attention. Vous pouvez lui proposer aussi de s’étendre, de se dilater.
Laissez-vous ressentir cette expansion.
Il est possible que des pensées parasites viennent vous raconter que ce
n’était pas si important que ça, que c’était normal, qu’il ne faut pas se monter
la tête.
Cela est normal. Ces voix, représentantes d’autres parties de vous qui
cherchent à vous protéger, veulent vous mettre en garde. Si elles
apparaissent, vous pouvez les remercier, leur faire un bisou ou un câlin puis
leur dire que vous avez besoin de savourer ce moment de fierté et que vous
n’oubliez pas qu’elles sont là pour prendre soin de vous. Normalement, dès
que vous les avez écoutées, ces voix se replient tranquillement. Si ce n’est
pas le cas, alors voyez dans quelle mesure il est possible de laisser coexister
la voix de la fierté et de la réjouissance et les voix qui craignent une
déception et qu’on pourrait avoir tendance à qualifier de « rabat-joie ».
Une fois que vous aurez terminé votre bain de fierté, vous pouvez transiter en
toute douceur vers votre vie quotidienne, tout en restant connecté à vos
capacités personnelles.
Plus vous ferez cet exercice, avec différents souvenirs, plus vous rendrez ces
ressources disponibles et plus vous dégélerez les parties qui sont reliées à
l’impuissance et au sentiment d’être une victime, pour retrouver plus
facilement votre pouvoir d’acteur.

Je deviens celui que j’admire


Pensez à une personne qui vous inspire : un sage, une personne que vous
admirez, un personnage de roman ou de film que vous trouvez fabuleux. En
somme, quelqu’un qui saurait quoi faire dans la situation présente.
Est-ce que ça vous plairait de devenir cette personne pendant quelques
instants ? Si cette personne, ou ce personnage, était là, elle aurait sans
doute mille et une idées créatives pour faire face à ce que vous vivez.
Bibidi-babidi-boum !
Soudain, comme par magie, vous devenez cette personne ou ce personnage
que vous admirez tant.
Prenez le temps de sentir ce que ça fait d’être elle, de vous tenir comme elle,
de respirer comme elle.
Depuis cet endroit, posez-vous la question : « Qu’est ce que “je” pense de
cette situation ? Comment je la vis ? »
Laissez-vous ressentir ce que vous ressentez depuis cet endroit, en étant
celui que vous êtes devenu.
Constatez les pensées qui vous traversent.
Quel est votre élan ?
Pouvez-vous le laisser s’exprimer là, maintenant ?
Si oui, allez-y !
Sinon, accueillez simplement l’élan en vous et les autres forces qui résistent
ou qui voudraient aller dans d’autres directions.
Vous pouvez poursuivre votre journée en faisant le choix de la vivre depuis
cette personne inspirante ou remercier cette dernière intérieurement de vous
avoir aidé et continuer en tant que vous, empuissancé par ce que vous avez
avez appris de votre expérience.

Le réveil du guérisseur intérieur


Cet exercice est « l’arme ultime » de régulation quand vous êtes tout seul et
activé et que vous avez envie de laisser la magie opérer.
Il consiste à se mettre dans un endroit calme où vous pourrez, de préférence,
vous allonger.
Demandez à vos proches de ne pas vous interrompre pour votre (et leur) plus
grand bien ! Éteignez tous les bidules bipants et allongez-vous
confortablement sur votre lit ou assise préférée.
Laissez vos jambes décroisées et placez vos bras le long de votre corps.
Fermez les yeux si vous aimez cela et ensuite… roulement de tambour…
Demandez à votre corps de vous soigner. De vous réguler. De rétablir votre
calme. Votre équilibre. De prendre soin de vous.
Puis ?
Puis rien.
Vous laissez faire.
Faire quoi, exactement ?
Ce qui viendra.
Parfois, ce sont des tressaillements, des micromouvements, des bâillements,
des rototos, des grimaces, des fourmis dans les bras, les jambes ou dans
toute autre partie insoupçonnée de votre corps ; parfois ce sont de vieilles
douleurs qui réapparaissent et qui changent de forme si vous les laissez
faire.
Bref, tout peut arriver !
Nous vous invitons vraiment à vous laisser penser que votre corps est bien
plus qu’une machine spectaculaire. C’est un être vivant à part entière qui sait
comment se guérir et rétablir l’équilibre pour peu que vous lui fassiez
confiance.
Bien sûr, si l’expérience est submergeante, comme chaque fois, nous vous
proposons de faire une pause, de vous ressourcer autrement. Si les côtés
désagréables sont supportables, alors restez en présence, en étant confiant
que cet être-corps, auquel vous avez fait appel pour qu’il s’autoguérisse et
vous guérisse, est à l’œuvre et qu’il sait ce qu’il fait.
Aussi, si c’est inconfortable par moments, vous pouvez vous adresser à votre
corps-sagesse et lui dire : « Là, ça va trop fort pour moi. S’il te plaît, vas-y
mollo. » Et vous verrez, ça ira mollo. Parce que votre corps vous veut du
bien, contrairement aux apparences.
Une fois que vous sentirez que vous allez mieux, que vous vous serez
endormi ou que votre temps de break avec vous-même sera fini, prenez le
temps de remercier votre corps et vous-même pour cette expérience et
prenez bien soin de transiter vers la vie de tous les jours tout en douceur.
Jusqu’à la prochaine fois !
1. Cet exercice vital nous a été inspiré par Saverio Tomasella.
2. Exercice proposé par Peter A. Levine dans son livre (non traduit en français)
Sanar el trauma. Un programa pionero para restaurar la sabiduria de tu cuerpo,
Neo Person, Madrid, 2013.
3. Les exercices « La couverture magique » et « Le coussin épaulant » ont été
créés par le docteur Laura Calderón de la Barca, psychothérapeute, linguiste,
analyste culturelle et auteure mexicaine qui fait un travail remarquable autour du
traumatisme collectif et qui a gentiment accepté leur diffusion dans cet ouvrage.
4. Les exercices « Je me contiens » et « Vouuuuuu ! » ont été enseignés par le
docteur Peter Levine pour nous permettre de retrouver notre calme pendant la
tempête.
CHAPITRE 11
LA RELATION À L’AUTRE

Nous, des difficultés à communiquer ?…


Noooon !
Rappelons-nous que :
« Entre Ce que je pense
Ce que je veux dire
Ce que je crois dire
Ce que je dis
Ce que vous avez envie d’entendre
Ce que vous croyez entendre
Ce que vous entendez
Ce que vous avez envie de comprendre
Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous comprenez
Il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons
quand même1… »
Lorsque j’arrive à mes limites
Nous avons chacun nos stratégies de réaction face aux situations
submergeantes : la gestion de la difficulté en relation avec notre
environnement (vagal ventral), l’hyperréactivité et ses réactions de combat ou
de fuite (sympathique) ou la coupure, le figement (vagal dorsal).
Le plus écologique pour soi et pour la relation serait d’arriver à rester en lien,
en prenant notre place et notre responsabilité. De parvenir à exprimer notre
émotion sans provoquer ni juger l’autre, et sans projeter sur lui qu’il serait la
cause de notre activation.
De lui dire que nous nous sentons mal et que nous avons besoin de retrouver
notre calme, peut-être en suspendant la conversation, en prenant quelques
instants pour respirer, etc.
Dans le cas d’une activation partagée, une phrase qui peut vraiment apaiser
les choses peut être : « Je vois que nous sommes tous les deux montés dans
les tours, je te propose que nous prenions un moment pour redescendre, et
que nous continuions cette conversation lorsque nous serons calmés. »
Mais, parfois, nous ne parvenons pas à réagir ainsi avant que la mayonnaise
soit vraiment montée.
Dans une situation relationnelle déclenchante, où nous sommes soumis à de
fortes émotions, du fait de la teneur des propos ou de l’attitude de l’autre, par
exemple si nous nous sentons attaqués, non respectés ou ignorés, il peut
être difficile pour nous de rester en relation sans exploser ou nous couper.
Exploser nous fait sortir de nos limites, perdre notre centre, et basculer dans
des comportements que nous voudrions ne pas avoir, tels que de la violence,
verbale ou physique. Cela a des conséquences fâcheuses pour l’autre, bien
entendu, pour le lien également, mais aussi pour nous-mêmes.
Nous couper, en nous rendant absents à nous-mêmes, nous ferait continuer
de subir les conséquences des propos et émotions projetés par l’autre, sans
pouvoir nous en protéger. Ce n’est pas parce que nous ne sentons alors plus
la charge – parce que nous ne sommes plus vraiment là – que notre corps et
une bonne partie de nous-mêmes ne sont pas là, en train de recevoir toutes
ces énergies et informations toxiques pour nous.
Alors comment faire quand il est impossible pour nous de rester dans le lien ?
D’abord, il est essentiel d’être à l’écoute des signaux de notre corps. Lorsque
ça commence à bouillir, c’est que le processus est déjà bien avancé. Il faut
agir. MAINTENANT !
Deux scénarios se présentent.
En fonction de votre profil, du mécanisme de protection que vous employez
de manière préférentielle, l’enjeu sera plutôt d’aller vers le scénario no1 ou
le no2.

Scénario no1
Vous avez plutôt tendance à partir en mode vagal dorsal, à vous figer, à vous
couper intérieurement ? Essayez la méthode suivante.
Si vous êtes trop activé pour pouvoir réagir calmement, et que l’émotion de
colère est là – avant que ça coupe –, c’est pour vous aider à poser une limite.
Dites « Stop ! ». Allez-y ! Même si ça vous paraît violent, c’est le moment
justement de mettre une limite pour que ça ne monte pas plus dans les tours
et que vous soyez obligé de vous fragmenter, de vous dissocier.
Parfois, surtout si vous n’avez pas l’habitude de vous énerver ou de poser
clairement vos limites, c’est aussi ce qu’attend – inconsciemment – l’autre.
Que vous vous positionniez clairement. Que vous apparaissiez dans la
relation. En fait, cela fait un moment « qu’il vous cherche ». Et c’est ça qui
vous met en colère. Et si vous ne réagissez pas, vous entrez alors tous les
deux dans un cercle vicieux.
En exprimant vos limites, vous prenez votre place, vous lui apparaissez alors
clairement, ce qui va lui permettre ou le forcer à revenir chez lui, dans ses
limites, qu’il dépassait en investissant votre espace – physique ou psychique.
Vous avez réussi à prendre votre place, vous regagnez du terrain, votre
espace. Dans cet acte de libération d’une charge – qui s’est exprimée à
travers l’énergie de colère –, vous guérissez aussi une ou des mémoires
traumatiques d’intrusion, de manque de respect, etc.
Vous créez au présent de nouvelles stratégies face aux situations de conflit,
et vous récupérez énormément d’énergie et d’espace psychique pour la suite
de votre vie. Bravo ! Vous êtes trop fort !

Scénario no2
Vous avez plutôt tendance à déclencher le mode sympathique et à entrer en
conflit, à vous battre, à ne pas vouloir lâcher le morceau ? Essayez la
méthode suivante.
À ce stade, vous avez sans doute testé plusieurs stratégies (raisonner l’autre,
vous défendre, tâcher de vous calmer…) sans que cela ait fonctionné.
L’enjeu pour vous est de vous préserver, de prendre soin de vous et du lien,
sans y laisser des plumes. Il va s’agir de vous protéger sans vous laisser
emporter par la violence.
Lorsque vous arrivez à la limite, partez, quittez l’autre… en restant
psychiquement présent à vous, à vos sensations, en prenant soin de votre
vécu du moment.
Afin que l’autre puisse comprendre ce que vous faites, le mieux est de lui dire
que vous partez car vous n’en pouvez plus. Quittez les lieux physiquement et
éloignez-vous suffisamment pour retrouver de l’espace et votre centre en
vous autorégulant.
Cela peut vous paraître un échec, une humiliation, la perte de votre intégrité
face à l’autre. Mais il n’en n’est rien. C’est au contraire la solution sage pour
que la violence ne gagne pas le combat – ce ne serait pas vous qui
gagneriez mais la violence en vous.
En partant, vous préservez la paix et l’intégrité de chacun. Vous parvenez à
passer au-dessus de la pulsion à gagner un combat – qui est perdu d’avance
car c’est celui de la violence contre la violence – et vous rejoignez une plus
grande sagesse.
Vous dépassez ainsi votre pulsion animale, qui peut être utile lorsque vous
devez vous battre pour votre survie, mais qui devient très nocive pour tout le
monde dans une simple dispute.
En contenant la réaction automatique de combat, vous vous détournez de la
dynamique du conflit, afin de retrouver un espace d’apaisement pour vous et
pour l’autre.
Bravo ! Vous venez de transformer votre façon de réagir face au stress et
d’ouvrir une nouvelle voie pour les futures situations de conflit.
Vous permettez en outre à l’autre de se réguler seul et de faire face à lui-
même, chacun pouvant retrouver son espace.
Avec le temps, lorsque nous prenons mieux soin de nous et de nos limites,
ainsi qu’en développant une écoute toujours plus fine de nos ressentis, nous
devenons capables de percevoir plus tôt les signaux de malaise nous
indiquant que quelque chose ne nous convient pas.
Une fois qu’une certaine quantité de charge traumatique est libérée, notre
sensibilité s’affine, notre seuil de perception de nos sensations et émotions
est plus bas, et nous pouvons alors répondre à des signaux moins intenses
et plus facilement gérables.
Comme nous cessons de vivre constamment dans l’hyper ou l’hypo
(sensibilité, réactivité, etc.), nous devenons capables d’évoluer avec une
sensibilité plus intégrée, qui va pouvoir s’épanouir.

Dix minutes sans être interrompu


Cette pratique est issue de la méthode Imago®, une approche relationnelle
visant à favoriser, au sein des relations, la connexion avec l’autre plutôt que
la polarisation.
Nous connaissons tous les difficultés de la communication, nous avons plus
ou moins souvent des difficultés à nous faire comprendre et surtout à nous
sentir vraiment entendus par l’autre lors d’un échange, et accueillis dans ce
que nous exprimons.
Et force est de constater que pour nous aussi il n’est pas toujours facile de
recevoir sans réagir ce que l’autre exprime, qui peut parfois nous heurter –
parce que nous percevons un jugement, une interprétation de ce que nous
avons dit ou une déformation des faits. Ainsi, nous intervenons, ce qui ne
manque pas d’agacer l’autre et le fait réagir. Il peut alors hausser le ton ou au
contraire entrer dans un mutisme, ce qui nous irrite à notre tour, et l’échange
devient un échange de missiles où chacun se polarise, défend son territoire
ou alors le lien se coupe carrément.
Résultat : deux personnes frustrées, tristes ou en colère alors que… nous
cherchons tous simplement à être entendus et accueillis, c’est tout.
La pratique proposée ici est très simple – ce qui ne veut pas dire facile ! – et
peut être pratiquée avec n’importe qui, pourvu que nous soyons tous deux
d’accord sur les règles et prêts à nous engager.
Elle consiste à ce que chacun s’exprime, à tour de rôle, pendant un temps
donné, pendant que l’autre écoute, attentivement, SANS RÉAGIR (on vous a
dit que ce n’était pas facile !).
Règles
La BIENVEILLANCE est la seule règle ; le reste, ce sont les précisions qui en
découlent.
Bienveillance, respect, honnêteté, authenticité sont l’essence de ce
processus.

Précisions
– Lorsque je m’exprime, j’ai tout mon temps, je peux faire des silences,
prendre le temps de réfléchir à ce que je veux dire, sentir en moi ce qui se
passe, respirer.
Je suis libre. L’autre est là, disponible pour moi. Je veille à ne pas porter de
jugement, je reste proche des faits et de mon vécu intérieur et c’est cela que
j’exprime.
– Lorsque l’autre s’exprime, je m’engage à être présent, à écouter vraiment, à
le regarder et à renouveler mon attention vers lui encore et encore. Je
m’efforce de ne pas faire de mimiques (surtout pas de soupirs ou d’yeux aux
ciel), je garde LE SILENCE complet. J’écoute, je suis présent, pour l’autre, à
100 %. J’aurai mon temps à moi, après, ou je viens de l’avoir. J’offre ce que
j’ai de plus précieux à l’autre : ma présence.
– Entre les deux séquences, pas de blabla. On enchaîne. (On peut aller boire
un coup, mais pas de commentaires.)
– Si je suis la seconde personne à m’exprimer, bien entendu, le partage de
l’autre m’a touché, éventuellement beaucoup touché, et je vais vouloir faire
référence à ce qu’il a dit. C’est possible, je peux m’appuyer dessus pour
exprimer ce que je ressens si c’est important pour moi, par rapport à ce qu’il
a dit ou à la situation à laquelle il a fait référence. Mais pas pour me défendre
ou pour régler des comptes, en mode défouloir, avec l’assurance que l’autre
ne peut réagir. Ça, c’est le contraire de ce que vous voulez, vous vous
engagez à la bienveillance, et c’est un processus visant à vous connecter l’un
l’autre.
Il est facile de se laisser prendre par ce que l’autre a dit et de passer tout le
temps sur ça. N’oubliez pas que le temps est limité, peut-être aviez-vous
envie de vous exprimer sur d’autres sujets.

Astuce
En vue de cette session de communication authentique, préparez en amont
les éléments que vous souhaitez exprimer, et prenez des notes sur un bout
de papier (ou dans votre joli carnet). Au cœur du processus, l’émotion est
parfois là, et vous pouvez vite avoir les idées qui se brouillent.
Par ailleurs, cela structurera votre temps de parole.

Processus
1. Présentez à votre partenaire le processus et les règles.
2. Déterminez ensemble le délai de chacun.
3. Et c’est parti !
Nous recommandons un délai de 10 minutes par personne, qui laisse à
chacun le temps de s’exprimer, sans demander une attention dingue à l’autre.
Testez, et vous verrez ce qui est bien pour vous.
Dernier conseil (de Nicolas) : « Ne faites pas comme moi, pratiquez
régulièrement, plutôt que seulement quand ça va mal. »

Prendre sa part
Dans le même ordre d’idées que l’outil relationnel ci-dessus (« Dix minutes
sans être interrompu »), l’exercice suivant concerne la communication avec
l’autre.
Cette fois, l’accent est davantage mis sur notre responsabilité dans un
accrochage ou un conflit.
Il va s’agir de prendre sa part, de reconnaître ses torts, de demander pardon,
sans basculer dans la culpabilité.
Dans une situation de difficulté relationnelle (incompréhension, accrochage,
conflit), je me souviens que c’est toujours 50/50. J’ai toujours une part de
responsabilité, et l’autre aussi.
Mais l’autre, je ne peux pas le changer ! Alors je vais tourner mon attention
vers l’intérieur, et je vais réfléchir… pas au sens de penser, analyser, mais de
refléter. Pour cela, je dois être calme, sinon l’image se reflète mal sur le lac
de ma conscience, elle est déformée.
Donc je prends d’abord le temps de me calmer (vous avez dans ce livre
nombre d’astuces pour cela).

Phase no1
Une fois calme, je contemple ce qui s’est passé. Et je vais chercher,
honnêtement, quelle est ma part dans le conflit. Nous pouvons toujours nous
exprimer plus clairement, avec plus de bienveillance, mieux essayer de
comprendre, ouvrir notre cœur plus grand, mieux accueillir l’autre…
Vous pouvez essayer maintenant, avec une situation d’accrochage ou de
tension qui s’est produite récemment dans votre vie. Écoutez votre cœur, il
vous amènera vers une relation qui reste un peu (ou très) embrouillée.
Prenez le temps de rembobiner la situation avec la personne, et cherchez à
remonter au moment où des émotions sont intervenues, chez vous ou chez
l’autre. Elles sont le signe que l’un de vous ne s’est pas senti respecté ou que
l’un de vos besoins n’a pas été satisfait. Peut-être avez-vous dit quelque
chose qui a blessé l’autre ? Peut-être avez-vous été négligeant en ne prenant
pas soin d’un aspect essentiel pour l’autre ?
Laissez votre cœur vous parler. Vous savez, au fond, ce qui s’est passé.
La difficulté est de le reconnaître. Car vous avez peur d’être jugé. C’est
normal.
Ici, vous êtes tout seul… (enfin, avec nous)… Personne ne va vous juger.
Vous n’êtes coupable de rien. Vous avez fait de votre mieux – on ne peut pas
faire autrement ! –, à chaque instant, nous en sommes persuadés.
Mais vous pouvez peut-être reconnaître ce qui a fait réagir l’autre, et prendre
simplement la responsabilité de vos paroles, de vos actes.
Prenez votre temps. Reprendre sa responsabilité est aussi ce qui va vous
redonner votre pouvoir et votre liberté.
Nous vous encourageons à le dire intérieurement : « Dans la situation
avec…, je reconnais que je… » et complétez la phrase pour vous-même.
Respirez. Tout va bien.

Bravo !
Comment vous sentez-vous ?
Plus léger ?
Super !
Vous voyez, ce n’est pas si difficile.
Phase no2
Maintenant, ce qui serait formidable, si c’est possible pour vous, c’est de le
dire à la personne directement. Ou de le lui écrire (par texto, par exemple).
C’est une petite chose en fin de compte, mais c’est ÉNORME ! C’est de
l’Amour en Action ! En le reconnaissant sincèrement en vous-même, vous
avez fait le plus difficile !
Vous n’êtes pas en train de dire « C’est moi qui avais tort », vous êtes juste
en train de prendre votre part, de solder vos dettes dans le grand Livre des
comptes cosmique !
« Sophie, je te prie de m’excuser pour tout à l’heure, j’ai peut-être été un peu
dur avec toi. Je suis désolé. »
Voilà, c’est fait.
En reconnaissant votre part, vous vous libérez d’une charge. En fait, vous ne
le faites pas vraiment pour l’autre mais pour la Vie et pour vous-même, pour
votre relation avec la Vie.
Libéré de cette charge, vous êtes libre, et vous pouvez retrouver la joie, la
légèreté, l’innocence.
Si vous avez confiance dans le lien avec l’autre, alors vous pouvez
reconnaître votre part face à lui, car vous pouvez vous dévoiler en sécurité.
On peut le dire dans l’autre sens maintenant : si vous êtes capable de
reconnaître votre part face à l’autre, c’est que vous avez confiance dans le
lien avec lui. Et ça, c’est très important !
Et, à travers cette démarche humble de témoigner de votre vulnérabilité, vous
montrez à l’autre votre confiance dans votre lien, justement. Et ainsi, vous lui
ouvrez la voie ainsi que votre cœur pour qu’il en fasse autant, en se dévoilant
comme vous l’avez fait.
Cette attitude d’humilité et d’ouverture demande du courage, c’est-à-dire du
cœur à l’ouvrage. C’est un don de soi, qui n’attend rien en retour, et ainsi un
sésame pour entretenir les relations et un lien authentique à l’autre et à la
Vie.
Vous retrouvez ainsi l’innocence d’un enfant, qui vit le cœur ouvert, libre.
Renouer le lien
On se parle
Je ne me sens pas bien
Ça gribouille en moi
Je sens que je pars
Que je me coupe
Que ça parlote en moi
Que je te juge

Je prends mon courage à deux mains


Je te le dis
Je le remets au centre

Tu l’entends
Tu me reçois
Tu me dis que tu me reçois

J’entends que tu me reçois


Je vois – à ta posture, à tes gestes, à ton regard – que tu me reçois
Tu souris même…
Waouh, tu me souris alors que je t’ai parlé de ça !

Mes épaules redescendent d’un cran


Je respire
Retrouve le lien

On renoue à partir de la conscience de la perte de lien


On se retrouve à partir de l’inconfort et de la distance qui se creusait
On refait du Nous
Que c’est bon

À ton tour…
C’est à Nous.
Une pluie de douceur
Nous vous invitons dans cet exercice, qui se pratique à deux, à évoquer les
dons et qualités que vous voyez chez l’autre, et réciproquement.
Il s’agit de trouver une personne de votre entourage avec qui vous sentez
que vous pouvez vous dévoiler et vous exprimer en vérité. Vous allez
partager un moment intime, très doux et ressourçant pour chacun.
Prenez le temps de vous installer face à face, confortablement, et de prendre
un temps de contact à travers le regard, en silence. Vous pouvez aussi vous
toucher les mains si vous sentez l’élan mutuel.
Puis vous démarrez : vous allez exprimer tout ce que vous appréciez chez
l’autre, ce que vous percevez comme qualités, comme talents, ce que vous
aimez chez lui… Prenez votre temps pour laisser venir les choses. Regardez
l’autre profondément, laissez émerger des souvenirs, des situations dans
lesquelles il s’est illustré, des moments qui vous ont touché, ému. Laissez-
vous être touché par sa manière de s’exprimer, de se mouvoir, d’être en
relation. Qu’est-ce qui vous inspire, vous touche, vous donne envie de
développer comme qualités que vous voyez chez lui ? Qu’est-ce que vous
admirez ou simplement appréciez chez lui ?
Soyez exhaustif, prenez tout le temps nécessaire pour faire ce don, pour offrir
à cet être cher ce que vous percevez de positif chez lui, vous lui faites un
cadeau merveilleux en vous faisant miroir de ses qualités.
Pendant ce temps, l’autre est invité à recevoir tout cela, en silence, et à se
laisser sentir ce que ça lui fait d’accueillir cela. Lorsqu’il est dans cette
position, qu’il est vu, reconnu, célébré, peut-il recevoir vraiment, accueillir ces
cadeaux, recueillir ce don précieux ?
Puis vous changez de rôle. Votre interlocuteur va alors exprimer tout ce qu’il
apprécie chez vous, dire ce qui chez vous l’inspire, etc.
Laissez-vous le temps également de goûter à tout cela. De voir ce que cela
vous fait d’écouter sans répliquer ou contredire pour nuancer les compliments
de l’autre ou les invalider.
Lorsqu’il a fini et que vous avez pris le temps de la digestion, clôturez la
pratique en vous remerciant l’un l’autre de vous être prêtés à cet exercice
riche et profond. Saluez-vous et reprenez, ensemble ou séparément, le cours
de votre journée.

Variante
Vous pouvez aussi reconnaître, dans les qualités de l’autre, des qualités qui
sont aussi présentes chez vous, peut-être dans une moindre mesure, en
germe ou alors qui se manifestent sous une autre forme.
Vous pouvez alors dire : « En toi, je vois (aussi) ma capacité à… / mon talent
pour… / ma qualité de… / mon expérience dans… »
Et préciser éventuellement comment ça se manifeste pour vous. Par
exemple : « En toi, je vois le courage… Et chez moi, ça se vit dans… »
Le but étant de reconnaître les qualités de l’autre, et les vôtres. Offrez-vous à
la pratique.

1.  Bernard Werber, L’Encyclopédie du savoir relatif et absolu, éditions Albin


Michel, Paris, 1993.
CHAPITRE 12
LA RELATION AUX AUTRES
ET À L’ENVIRONNEMENT

Autour de moi, il y a un monde


Vous êtes activé, agité, tout rataplatouillé dans votre anatomie et dans votre
cœur ? Vous ne savez plus où vous habitez ni dans quel état vous errez ? Ce
petit exercice vous permettra de poser l’ancre et de revenir sur terre en
douceur.
Il est tout simple et réalisable n’importe où, mais ne sous-estimez jamais le
pouvoir de la simplicité !
Asseyez-vous confortablement. Vérifiez votre assise et, si besoin, asseyez-
vous encore plus confortablement. Prenez quelques instants pour balayer du
regard la pièce ou l’endroit où vous êtes installé.
Après ce premier balayage, choisissez une couleur.
Puis regardez de nouveau autour de vous et cherchez 10 objets de la couleur
choisie.
Le but du jeu est de rester assis et de prendre tout votre temps pour bien
explorer l’endroit. Vous pouvez bouger votre tête et votre buste pour
embrasser le plus de superficie possible.
Le tout, très lentement.
Laissez votre curiosité opérer.
Dès que vous trouvez un objet et même si ça paraît contre-intuitif, dites à voix
haute le nombre (entre 1 et 10) de votre trouvaille puis le nom de l’objet. Par
exemple, si j’ai choisi la couleur verte, je dirai : « 1. Une théière vert foncé. »
Puis ainsi de suite jusqu’à 10.
Rappelez-vous : le but n’est pas d’aller vite mais de débusquer les 10 objets,
peut-être dans des lieux improbables que vous n’aviez pas repérés
auparavant.
Il se peut qu’à un moment donné vous vous mettiez à bâiller ou que vous
ayez envie de vous étirer : tout cela est plus que bienvenu ! Votre système
nerveux est en train de vous dire merci et de se détendre par la même
occasion.
Efforcez-vous d’aller au bout des 10 objets et, s’il n’y a vraiment pas 10 objets
de la même couleur, choisissez une autre couleur et répétez l’opération en
repartant de 1. C’est chouette de terminer un exercice sur une réussite !
Et si vous n’avez pas envie de recommencer et que 8 était le maximum, alors
bravo ! Vous l’avez fait.
Maintenant, prenez quelques instants pour évaluer comment vous vous
sentez.
Est-ce que vous avez l’impression de vous sentir un peu plus présent, apaisé,
ancré ? Comment cela se ressent-il dans votre corps ?

Pour aller plus loin


Si vous avez envie de continuer à jouer, poursuivez avec l’exercice suivant
(parfois, enchaîner les deux exercices peut faire le plus grand bien).
Mêmes consignes que précédemment, sauf que, maintenant, l’enjeu est
d’identifier et de citer à voix haute 10 objets de textures différentes.
Ces exercices font appel au jeu – en nous lançant des petits défis – et à notre
curiosité, vertu suprême héritée de l’enfance qui implique de l’ouverture, donc
l’envie de se connecter ou de se reconnecter avec l’environnement et les
autres.
La curiosité, le jeu, l’humour, autant de clés magiques qui ont le don de nous
sortir de l’état de coupure : c’est juste magique !
À utiliser sans modération, par les tous temps et en tout lieu.
Approche sensible
« La sensibilité donne accès à une compréhension plus ajustée, plus fine et
plus profonde de la parole. Elle ouvre l’intellect sur le non encore vu, le non
encore entendu, le non encore expérimenté, sur ce qui n’a pas encore
émergé dans le cœur de l’être humain.
L’intellect par lui-même, coupé de la sensibilité, est grossier, il ne sait pas
saisir les subtilités de la relation ni accueillir ce qui est signifié au-delà des
mots. Il ne sait que faire référence au connu, au déjà expérimenté et aura
tendance à interpréter le présent en fonction des mémoires du passé. De ce
fait, il tend à répéter les mêmes schémas, les mêmes stratégies, les mêmes
logiques.
L’intellect rejoue l’ancien, la sensibilité du cœur nous éveille à la nouveauté. »
Père Philippe Dautais, revue Sources, été 2020.

Inspiré par ces parole de sagesse, nous vous invitons maintenant à prendre
un temps de pure sensibilité, de pure sensorialité. C’est-à-dire de partir à la
rencontre de ce qui est là, de ce qui vous parvient, de manière directe, non
filtrée par le cerveau et sa compulsion à tout nommer et étiqueter.
C’est à une expérience de contact direct avec le réel que nous vous invitons.
À une fulgurance. Celle du Réel, du Vivant, qui se déploie à chaque instant.
Voulez-vous nous suivre ?
C’est-à-dire… qu’il va falloir laisser le livre, laisser les mots, laisser le connu.

Pratique
Cela peut se faire ici, où vous êtes, comme vous êtes.
Ou bien vous pouvez avoir envie de vous mettre en mouvement, de marcher,
dans la nature, ou dans la ville.

C’est très simple, vous savez faire cela depuis que vous êtes bébé,
c’est très simple, car il n’y a rien à faire.
Juste sentir l’air sur votre peau, le picotement ici ou là,
écouter le bruissement des feuilles de l’arbre, et le son des voitures,
goûter la présence de votre ventre, qui se relâche,
voir, mais vraiment voir, cet insecte qui évolue, ce papillon qui vit pleinement
sa vie,
humer ce parfum, celui de l’herbe, ou du bitume.

Sans juger, sans même nommer, plonger au cœur du vivant,


plonger comme dans une forêt merveilleuse,
se laisser toucher, oui, se laisser toucher,
car il ne s’agit pas d’attraper,
mais d’être cueilli.
Simplement.

Personnes ressources et communauté


Une ressource essentielle et puissante dont nous disposons est la
communauté.
Nous avons peut-être perdu ce sentiment d’appartenir à un cercle, dans
lequel nous nous inscrivons, qui nous contient et à la fois reconnaît notre
place.
Avant, il n’y a pas si longtemps, c’était la famille (élargie) et les membres du
village ou du quartier qui faisaient communauté. Tout le monde se connaissait
et il y avait un sentiment d’appartenance fort. Mais depuis que nous « quittons
le pays », nous pouvons nous retrouver un peu seuls. En lien avec des amis
et de la famille, mais éloignés. Et nous ne ressentons peut-être pas le
sentiment d’être inclus, contenus par un groupe ressource.
Et pourtant nous sommes en relation avec bien plus de monde qu’il y a cent
ans.
Essayons de faire le tri entre les relations superficielles – par exemple, les
« amis Facebook » ! – et celles qui peuvent nous soutenir si besoin et quand
c’est nécessaire.
Procédons en deux étapes : d’abord les personnes ressources, puis les
cercles qui peuvent faire communauté.
À votre carnet !
Quelles sont les personnes ressources autour de vous ?
– D’abord, listez les personnes avec qui vous pouvez passer un moment
léger, ressourçant ou libérateur, en discutant ou partageant une activité,
une sortie, un sport, pour débrancher, souffler, libérer un peu la soupape.
– Et maintenant, listez les personnes vraiment ressources, celles que
vous pouvez contacter dans les moments difficiles ou pour parler des choses
en profondeur. (Ça réduit la liste !) La ou les personnes qui vont vous écouter
attentivement, ne pas vous juger ou vous donner de conseils, mais être
sincèrement disponibles, présentes, avec le cœur. Qui vous aiment et vous
accueillent tel que vous êtes. Il n’y en a en général pas beaucoup. Peut-être
une ou deux.
Si vous n’en trouvez pas, demandez-vous : « Ai-je le droit de recevoir cela –
de la considération, une attention véritable, une vraie présence
authentique ? »
Si oui, alors elles vont venir, ces personnes…
Sinon, nous vous encourageons à faire un travail sur cette croyance que vous
ne méritez pas de recevoir cela.
Très bien, l’étape des personnes ressources est terminée. Nous vous invitons
à relire votre liste, en prenant le temps de vous connecter quelques instants à
chaque personne.
Voilà un cercle – ou deux cercles, l’un plus proche et l’autre autour – de
personnes qui représentent votre communauté. Bravo, vous avez trouvé
votre communauté !
Passons maintenant aux autres communautés auxquelles vous appartenez.

Dans quels cercles vous reconnaissez-vous appartenir ?


– Commencez par des cercles larges, des personnes avec qui vous
partagez telles valeurs ou tel mode de vie ; par exemple, les « créatifs
culturels », ou les personnes engagées dans un développement personnel,
qui mangent bio, qui sont parties de la ville pour s’installer à la campagne,
etc.
Sentez ce que cela vous fait à chaque fois de considérer que vous
appartenez à un cercle.
Évidemment, cela ne vous identifie pas aux « végétariens » ou aux
« personnes qui regardent la série Machin-Truc le vendredi soir ! Nous
sommes uniques et c’est justement le patchwork de toutes ces spécificités, et
bien d’autres plus personnelles et intimes, qui font de nous qui nous sommes.
– Ensuite, un peu plus spécifique, identifiez le cercle des personnes avec qui
vous partagez une pratique, une discipline, une activité professionnelle,
culturelle, associative, un sport, un engagement de vie ; par exemple, les
adeptes de la communication non violente, de l’éducation bienveillante, les
enseignants, les YouTubers, les amateurs de course à pied ou de fabrication
de produits naturels, etc.
– Maintenant, listez les cercles particuliers dont vous faites partie (dont
vous connaissez les membres) : votre ou vos cercles professionnels,
associatifs, le groupe avec lequel vous pratiquez une activité régulière, ou les
membres d’une formation ou d’un stage avec qui vous avez gardé contact, ou
tout autre groupe dans lequel vous êtes vraiment engagé.
Sentez ici la ressource que constituent ces cercles pour vous.
Imaginez que vous avez un projet de reconversion professionnelle, par
exemple. Est-ce que vous pourriez convoquer l’un de ces cercles pour le
présenter ou pour susciter de l’aide ?
Est-ce que l’un de ces cercles pourrait être ressource en cas de difficulté ?
Ou par exemple vous permettre de trouver un hébergement lors d’un passage
dans une ville ?
– Puis pensez à vos cercles d’amis.
– Enfin, tracez vos différents cercles familiaux.
– Il y en a peut-être d’autres…
Voyez tous ces cercles, ces communautés dont vous faites partie.
Représentez-les en dessinant une belle rosace ou un mandala : placez-vous
au centre et dessinez des cercles plus ou moins grands, plus ou moins
spécifiques, resserrés, plus ou moins ressources, avec différentes couleurs.
Belle exploration à vous ! Et, si vous le souhaitez, vous pouvez partager le
fruit de votre créativité avec nous dans le groupe Facebook de C’est trop fort !
Je fais appel à mes ancêtres
« Chacun de nous […] est le résultat d’une évolution sélective
de plusieurs millions d’années, dont chaque étape a laissé
en nous une faculté : physique, perceptive, cognitive…
Nous avons gardé quelque chose de la faculté
d’absorption de l’éponge marine par exemple,
de la patience de la panthère qui attend sa proie,
du sens social des fourmis,
de l’orientation des abeilles.
Nous sommes des chefs-d’œuvre parce que ces facultés
coexistent en nous, à titre d’ascendances animales,
qu’elles tracent une généalogie verticale qui nous dresse
et fait de nous ce que nous sommes. »
Discours de Varech dans le roman Les Furtifs, d’Alain
Damasio1.

En tant qu’êtres humains, il est rare que nous soyons en contact avec la
conscience d’être issus d’une loooongue évolution. Nous oublions que nous
portons en nous la mémoire de toutes les ressources qu’ont déployées nos
ancêtres pour s’en sortir, et que ces ancêtres n’ont pas seulement été des
humains, mais également et surtout des animaux, dont nous sommes
également les descendants. Nous avons oublié qu’en nous se trouvent la
patience de la panthère qui attend sa proie, le sens social des fourmis et
l’orientation des abeilles…
Se connecter à ce souvenir, qui est un fait, est un moyen très efficace de
nous connecter à une ressource infinie, déjà présente en nous, qui ne
demande qu’à être actualisée par le pouvoir de notre intention.
Dans cet exercice, nous vous proposons de convoquer ces facultés animales
qui sommeillent en nous depuis la nuit des temps. Ces caractéristiques
auxquelles nous pouvons aspirer bien qu’elles nous semblent si lointaines et
inaccessibles. Et si elles étaient plus proches que nous l’imaginions ? Et si
nous pouvions non seulement les contacter mais aussi les mobiliser dans
notre quotidien, comme des ressources précieuses pour avancer vivement
dans la vie ?
Pour faire cet exercice, procurez-vous une bougie et de quoi l’allumer.

Pratique
Installez-vous confortablement en éliminant toutes les sources de
distraction.
Allumez votre bougie en ayant la conscience que, ce faisant, vous créez un
espace-temps sacré pendant et à travers lequel la magie peut opérer.
Prenez le temps de regarder la flamme danser devant vos yeux et laissez-
vous toucher par ce que sa vue fait émerger en vous comme sensation.
Tout en regardant la flamme de la bougie, respirez profondément, renouez en
douceur avec la conscience d’être en vie. Réalisez à quel point votre
respiration vous accompagne depuis votre premier instant de vie aérienne et
comment cette compagne fidèle sera avec vous jusqu’au bout de votre vie.
Laissez-vous pénétrer de ce souffle de vie. Constant. Fidèle.
Souvenez-vous que ce même air que vous respirez a été respiré par vos
parents, par vos grands-parents, par vos arrière-grands-parents, et ce depuis
l’aube de l’humanité.
À chaque inspir, sentez que l’air qui entre en vous vous relie directement à
chacun de vos ancêtres depuis ceux que vous avez connus jusqu’aux plus
lointains.
Chacun d’entre eux a respiré ce même air que vous.
Connectez-vous au fait que même si chacune de ces personnes a eu des
parts d’ombre et commis des erreurs, elle a aussi déployé des talents et des
facultés qui sont arrivés jusqu’à vous. Laissez-vous sentir ce que c’est que de
réaliser que des talents de centaines, de milliers d’ancêtres vous ayant
précédé ont déployé des qualités dont vous avez gardé la trace et le
potentiel.
Observez votre ressenti corporel. Les émotions que cette pensée vous
procure.
Si vous le souhaitez, vous pouvez vous adresser intérieurement ou à voix
haute à vos ancêtres pour leur demander de vous donner et d’activer en vous
tous leurs dons et talents dont vous pouvez avoir besoin dans votre vie.
Prenez le temps de sentir ce qui se passe en vous une fois cette requête
formulée.
Remerciez-les pour leur aide.
Puis continuez à suivre votre souffle et souvenez-vous…
Avant d’être des humains, nous avons été des animaux. De toutes sortes.
Chacun avec ses facultés, ses capacités d’adaptation, ses qualités
relationnelles, de coopération, de camouflage, de défense, de fuite,
d’organisation, de maternage ou de parentage, de séduction, de persuasion,
de dissuasion. Bref, autant de qualités que nous pouvons imaginer !
Si vous avez des images d’animaux spécifiques qui vous viennent en tête,
n’hésitez pas à saluer ces animaux et à leur demander d’activer en vous leurs
facultés, s’ils le veulent bien.
Si vous n’avez aucune image à l’esprit, vous pouvez tout simplement
demander à voix haute ou dans votre cœur à l’ensemble de la Vie sur terre de
réveiller et d’actualiser les différents dons et aptitudes dont vous avez besoin
dans votre vie.
Et remerciez-vous, remerciez la Vie. Même si vous avez l’impression que rien
ne se passe, il se passe toujours quelque chose.
Laissez-vous sentir ce que ça vous fait de demander l’activation de ces
facultés. Comment vous sentez-vous ? Avez-vous des ressentis spécifiques ?
Ressentez-vous une qualité plus fortement qu’une autre ? À quel endroit la
sentez-vous corporellement ? Comment est la sensation sur l’endroit
spécifique où vous sentez cette qualité ? Et comment est votre ressenti
global, aussi bien corporel qu’émotionnel et mental ?
Réfléchissez à une situation de votre vie où le ressenti que vous avez en ce
moment précis pourrait vous être précieux. Une fois que vous avez trouvé la
situation, imaginez comment la scène se déroule maintenant que vous êtes
en contact avec cette faculté.
Vous pouvez graver cette faculté en vous, pour la rendre plus facilement
disponible, en faisant un geste ou en donnant un nom ou une image à ce que
vous vivez. Plus tard, lorsque vous ferez ce geste ou que vous évoquerez ce
mot, vous serez facilement connecté à la sensation et au talent afférents.
Prenez le temps de vous laisser être et sentir tous ces talents. Ils sont en
vous désormais, disponibles.
Terminez l’exercice en vous remerciant de l’avoir effectué. Vous pouvez
remercier le feu qui a brillé pour vous et ensuite éteindre la bougie, en ayant
conscience que vous clôturez cet espace-temps sacré.

Toi et moi ne faisons qu’un


Lorsque j’expire, l’air qui était en moi, qui a parcouru ma chair et nourri mon
corps, ressort et se retrouve à l’extérieur, disponible pour que d’autres êtres
vivants puissent le respirer à leur tour. Ce faisant, ils s’imprègnent de moi, en
quelque sorte. Mon dedans se retrouve dehors, offert à la Vie, disponible.
Lorsque j’inspire, l’air qui était dehors a aussi transité par le vivant, encore et
encore. Il a été digéré par le chêne, respiré par le renard, inspiré puis expiré
par mon ami, par mon ennemi. Il s’est imprégné de chacun de ces êtres,
chacune des molécules de cet air que j’inspire porte en elle le souvenir de
son incessant voyage. Lorsque cet air arrive à moi, je m’imprègne aussi de
tout cela, de tous ceux-là, et le dehors devient dedans. Et la danse continue
ainsi, indéfiniment, généreusement, sans entraves, jusqu’à mon dernier expir.
J’aurai alors rendu l’air et l’âme.
Si je prends conscience de ce merveilleux processus qui se fait à mon insu, je
peux réaliser que je ne suis pas séparé des autres ni de mon environnement.
Ils transitent par moi à l’instant même où je lis ces mots, je transite par eux
dans le même instant. Nous ne faisons plus qu’Un…

1. Alain Damasio, Les Furtifs, éditions La Volte, Paris, 2019.


CHAPITRE 13
LA RELATION À LA SOURCE

Une main sur le cœur


Respirez. Tout va bien. Vous êtes vivant, et tout est en vous.
Nous vous proposons à présent de goûter à la Ressource, précieuse, infinie,
qui est au cœur de vous-même.

Pratique
Une fois installé confortablement, fermez les yeux.
Portez votre regard vers l’intérieur. Vers la poitrine.
Laissez-vous respirer dans cette zone, autour de votre cœur.
Et prenez le temps de ressentir ce qui s’y passe.
Percevez-vous des sensations ? Des petites vibrations ou des
fourmillements ?
De la chaleur ?
Voyez si l’amplitude de votre respiration se modifie.
Vous pouvez sentir aussi des sensations ailleurs dans votre corps.
Revenez dans la région du cœur.
Peut-être que des images ou des pensées vous traversent. Ou une émotion.
Vous pouvez accueillir tout cela, tout en continuant à respirer.
Maintenant, posez une main au centre de votre poitrine.
Et observez ce que cela produit.
Une amplification de ce qui était présent auparavant ? De nouvelles
sensations ?
Prenez tout votre temps.
Et à présent, réalisez que c’est vous qui êtes là, sous votre main. Vous êtes
là, dedans.
Vous pouvez prononcer, pour vous-même, à l’intérieur : « Je. »
Vous pouvez respirer calmement, tout est bien.
Vous pouvez goûter votre propre Présence. Tout simplement.
Et tout en restant en présence des sensations subtiles dans la poitrine, très
délicatement, jouez avec l’inclinaison de votre nuque. En redressant tout
doucement votre menton, ou en le rentrant. Et sentez ce que cela produit en
vous. Est-ce que ça change votre perception de vous-même ?
Imaginez le monde, là, devant vous. Et ajustez la position de votre tête,
toujours les yeux fermés, comme pour regarder vers l’horizon.
De nouveau, portez votre attention dans votre poitrine et respirez.
Vous êtes là, installé en vous-même, et devant vous : le champ des
possibles.
Et au cœur de vous : la Ressource. La Source à partir de laquelle tout
devient possible.
Que désirez-vous ?
À quoi aimeriez-vous que votre vie ressemble ?
Quel est votre potentiel ?
À quoi ressemblerait la meilleure version de vous-même ?
Prenez le temps de goûter qui vous devenez.
Voyez que vous agissez en étant simplement Qui Vous Êtes.
Ancrez cet état dans vos cellules en sentant dans votre corps les sensations
présentes. Dans vos membres, dans votre ventre, dans votre poitrine avec
votre main sur le cœur. Dans votre visage.
Sachez que vous pourrez vous relier à cet état ressource chaque fois que
vous le voudrez, en replaçant votre main sur votre cœur et en sentant votre
propre Présence, ou en refaisant cette méditation complète.
Vous pouvez maintenant revenir là où vous êtes et prendre quelques notes,
ce qui vous est apparu comme désir ou intentions pour l’avenir, par exemple.
Puis poursuivez votre journée.
La boîte divine1
Lorsque nous sommes en détresse, nous nous sentons perdus, seuls et
désemparés.
Dans ces moments-là, même si nous retournons dans tous les sens les
questions qui nous taraudent, nous nous enlisons sans arriver à être créatifs
et à trouver des réponses profondément satisfaisantes.
L’exercice suivant nous invite à lâcher prise et à nous relier à plus grand que
nous pour obtenir des réponses d’un autre endroit que notre nous submergé.
Pour faire cet exercice, vous pouvez soit vous procurer une jolie boîte, soit
vous la confectionner ou bien en recycler une et la customiser à votre goût.
Le tout est de la rendre belle et à votre image. Accordez-lui une belle place
dans votre maison car elle est importante, cette boîte divine.
Lorsque vous avez une question à laquelle vous ne parvenez pas à trouver
de réponse, ou que vous trouvez des réponses si contradictoires entre elles
que vous ne pouvez pas trancher, alors écrivez la question sur un papier que
vous déposez dans votre boîte divine.
En la notant sur un papier, vous permettez à la question de sortir de vous :
elle prendra moins de place que si elle reste à tourner en rond dans votre
tête.
En la plaçant dans la boîte divine, vous vous remettez à plus grand que
vous : la Vie, l’Amour, le Divin, la Source, le Moi Supérieur, le Vide
Créateur… Peu importe comment vous appelez ce « plus-grand-que-nous » !
En déposant le papier dans la boîte, sachez que votre question sera
entendue et qu’elle recevra une réponse.
Quand ? Comment ? Par qui ?
Nous n’avons pas les réponses à ces questions.
Ce que nous savons, c’est que les réponses arrivent par le biais le moins
attendu et qu’elles dépassent toujours de beaucoup le prisme, plutôt limité,
par lequel nous tournions en bourrique avant de lâcher prise.
Alors, vous vous laissez tenter ?
Lettre à votre âme
Chère âme,

Tu entends dans ce livre parler de sensibilité, de souffrance, de réveils et de


transformation.
Tu connais bien cela, depuis bien longtemps.
Ton histoire est plus longue et riche que les pages de ce livre ne sauraient en
témoigner.
Tu as traversé bien des épreuves et ton cœur sait que le chemin est long et
sinueux, que tout évolue par cycles, et qu’un pas en avant peut aussi signifier
une descente dans les profondeurs.
Tes mouvements pulsent au rythme de l’Univers, ta boussole est sensible aux
moindres fluctuations de l’environnement et ton pas se fraye un chemin,
toujours, où la vie t’attend.
Lorsque tu es pleinement vivante, tu dialogues avec l’infini. Le mot « trop »
n’a alors pas de sens pour toi. Ni « assez ».
L’instant devient éternité, fête et tu deviens Dieu, ou plutôt l’une de ses
cellules.
Vibrant au diapason de la mystérieuse symphonie, tu danses la Vie qui te
traverse.
« Hypersensible », « sensé », « limites », « inadéquat », « raisonnable »,
« bien » ou « mal » peuvent te sembler vides de sens, des considérations
vainement intellectuelles.
Tu es une étoile incarnée.
Lorsque ton monde intérieur s’obscurcit par quelque nuage ou vent violent,
tout peut devenir désagréable, les bruits alentour, ce que tu vois, ressens ou
penses.
Le voile devant ton soleil te fait croire que tu es petite, chétive et seule…
toute seule, perdue.
Tu sens alors ton cœur battre et déjà ta gorge se serrer, c’est l’angoisse.
Tu as appris à te couper, à réagir, à te raconter une histoire où à chercher à
maîtriser, mais tu as aussi compris l’importance de rester entière, avec toutes
les facettes de toi-même.
Tu peux accepter d’être vulnérable, de douter et d’avoir peur. Tout cela fait
partie de la Vie.
Ton corps est fait de terre et d’eau et l’humilité est la bienvenue.
Mais tu es aussi animée du Souffle de l’Esprit, qui t’accompagne et te guide.
Tu peux lui faire confiance.
Cette petite « fl’âme » que Tu Es traverse le temps et l’espace. Tantôt brasier
ou feu de joie, tantôt toute petite flamme ou braise sous les cendres, tu es
éternelle.
Les uns diront que tu es ci ou ça, comme ci ou comme ça, qu’il vaudrait
mieux que… ou que tu devrais… Toi seule peux te connaître. Toi seule vis
dans cette peau, dans ce corps. Ton cœur seul peut te guider. Et il sait voir
les signes et percevoir les messages. Fais-lui confiance.
Et tu sais aussi que le Mystère t’emplit et que c’est bien comme ça. Qu’il ne
s’agit pas de tout maîtriser mais plutôt, lorsque la Vie t’invite, d’accepter la
danse.
Alors, tout devient simple. Tu es simplement vivante, tu respires, sachant que
tu ne sais rien et, le cœur léger, tu te donnes pleinement à l’élan qui te
traverse.

1. Exercice proposé par Saverio Tomasella.


Épilogue
Comment savoir si ça a marché ?

Lorsque nous nous lançons sur un chemin de transformation


personnelle, il est très important d’avoir des repères qui vont nous
permettre de savoir si nous avançons ou pas.
Voici quelques points de repère qui vous permettront de voir si
vous avancez sur le chemin de l’autorégulation et de la libération
des charges traumatiques.
Bien souvent, nous réalisons un beau jour que nous avons
beaucoup plus d’espace intérieur et de sérénité face à des choses
qui nous activaient facilement auparavant.

Notre sentiment d’urgence diminue. C’est-à-dire que nous courons


moins partout comme s’il y avait le feu, nous employons mois
souvent des phrases comme « Je n’ai pas le temps », « On ne va
jamais y arriver », « C’est pressé », « Je dois me dépêcher » ou bien
« Dépêche-toi ! ». Nous avons de plus en plus l’impression que le
temps peut être utilisé à bon escient et qu’il est bon de prendre le
temps pour avoir le temps.
Nous avons moins l’impression d’être victimes des autres et des
situations, et notre croyance que nous sommes responsables de tout
ce qui arrive aux autres et de ce qu’ils vivent diminue aussi. Nous
reprenons notre pouvoir d’acteurs et notre responsabilité face à nos
choix.
Nous avons l’impression d’avoir le choix et d’être en mesure de
prendre des décisions conscientes, de prendre en compte toutes les
parties de nous sans oublier les autres.
Nous renouons le contact avec notre corps grâce à nos
sensations et nous arrivons à entendre de plus en plus vite ses
signaux nous indiquant nos besoins à satisfaire.
Nous développons de la compassion envers nous-mêmes, de
manière globale et pour nos parties exilées et endolories. Nous
pouvons également ressentir de la compassion pour autrui en
comprenant sa souffrance.

Des symptômes divers et variés se résolvent d’eux-mêmes,


comme le sommeil, le transit et tant d’autres.
Nous développons de la confiance ainsi que la capacité à nous
engager dans le lien avec autrui, grâce à notre système vagal
ventral. Nous devenons aussi de plus en plus capables de nous
mouvoir entre les différents étages de l’échelle de réaction de notre
système nerveux autonome (vagal ventral – sympathique – vagal
dorsal) sans trop nous attarder dans le deuxième ou le troisième
étage.
Tous les changements vécus de l’intérieur se voient reflétés dans
nos relations avec l’autre, avec la communauté et avec notre
environnement, se traduisant par plus de présence, plus de
connexion et de moins en moins d’absences.
Les manifestations souffrantes d’hypersensibilité telles que
l’hyperréactivité, l’hypervigilance ou la susceptibilité s’estompent,
pour laisser la place à une sensibilité plus ajustée, intégrée. C’est-à-
dire que nous ne sommes plus agis par notre sensibilité mais celle-ci
devient une richesse que nous vivons tout en pouvant l’accueillir, la
contenir et la transformer pour la mettre au service du vivant, de nos
intentions, etc.
Conclusion

Notre premier élan, en vous accueillant dans cet espace de


conclusion, est de vous dire : Waouh ! Vous avez fait tout ce
voyage jusqu’ici ! Vous êtes trop fort !!
Nous sommes conscients que les thèmes abordés tout au long de
cet ouvrage sont délicats et que les exercices proposés sont
engageants et qu’ils peuvent éveiller craintes, douleurs et
résistances.
Pourtant, vous avez tenu bon et vous avez continué à avancer. À
votre rythme.
Vous êtes arrivé jusqu’ici en un seul morceau !
Bravo !
Et merci. Merci d’avoir eu le courage de franchir le seuil d’une
nouvelle phase de votre transformation. Merci d’avoir dit oui. De
vous être dit oui.
Peut-être qu’en revenant sur votre parcours, une petite voix vous
dit que vous auriez pu « mieux faire ». Mais peu importe si vous
avez sauté des exercices ou des pans entiers de ce livre, vous avez
persévéré et vous êtes arrivé jusqu’ici, et, pour cela, vous avez toute
notre admiration !
Pour vous accompagner dans la célébration du chemin parcouru
et vous permettre d’être témoin de votre propre transformation, nous
aimerions vous rappeler quelques éléments clés abordés ensemble.
En les lisant, prenez le temps de sentir combien ces concepts ont
eu un impact sur votre manière de vous percevoir, de percevoir les
autres et le monde. Observez ce qui a pu changer dans votre vie
depuis que vous les avez intégrés, grâce aux exercices que vous
avez pu faire et aux prises de conscience que vous avez eues.
Ce faisant, vous ancrerez plus en profondeur votre vécu,
nourrissant le terreau dans lequel s’enracinera la suite de votre
transformation.
Changeons notre histoire dans le présent.

« Je suis en danger ! Je suis submergé ! C’est trop fort !…


Alors je me défends, je m’enfuis ou je courbe l’échine, je me
coupe, je m’absente. »
Voilà la situation type que nous pouvons vivre lorsque nous
sommes activés par un déclencheur, que nous revivons dans le
présent le reflet d’une situation passée, avec sa charge et la
reproduction de scénarios bien huilés. Et sa cohorte de symptômes,
comme l’hypervigilance, une susceptibilité à fleur de peau,
l’hyperémotivité, l’hyperréactivité, l’hyperempathie… l’hyperitude !
C’est-à-dire une hypersensibilité souffrante.
Notre hypothèse est que cette hypersensibilité souffrante serait
l’une des conséquences de la mécanique du traumatisme, avec ses
stratégies de protection que sont les voies sympathique et vagale
dorsale.
Le traumatisme n’étant pas ce qui s’est produit dans le passé mais
la dynamique qui est à l’œuvre au présent du fait du passé et des
stratégies de protection adoptées avec le figement et l’inhibition des
réactions d’autorégulation post-figement.
Nous avons vu qu’il existe différents types de traumatismes : ceux
liés à quelque chose qui nous est arrivé et ceux liés à quelque chose
qui ne nous est pas arrivé, qui nous a manqué ou dont nous héritons
par voie transgénérationnelle ou collectivement.
Nous partageons tous certains traumatismes, dont le traumatisme
originel, lié à l’angoisse et à la solitude existentielles.
De ce fait, nous sommes tous traumatisés, à des degrés plus ou
moins importants. Mais nous partageons tous le mécanisme de
coupure et ses conséquences.

Nous avons également identifié quatre niveaux où la coupure


opère : dans la relation à soi, à l’autre, à l’environnement et à la
Source.
Mais la bonne nouvelle, c’est que le traumatisme est un processus
qui se vit ici et maintenant. Nous avons donc le pouvoir, dans le
présent, d’agir et d’en guérir.
Vous l’aurez compris, ce n’est pas un processus magique. Il
nécessite un engagement fort, du courage et un large faisceau de
ressources dans lequel puiser tout au long de notre traversée.
Tout comme la coupure se vit sur les différents plans, les
ressources se situent à ces niveaux-là. La ressource première est en
vous.
Dans ce livre, nous vous avons donné des exercices pour que
vous puissiez exercer votre pouvoir personnel, assumer votre
responsabilité d’être humain en apprenant à vous autoréguler et
ainsi sortir de l’attente de la venue d’un sauveur.

Mais prendre sa responsabilité c’est justement, parfois, être


capable de demander de l’aide.
Que vous ayez vécu récemment une situation traumatisante ou
que vous expérimentiez ses symptômes chroniques, vous n’êtes pas
obligé de vivre cela seul.
Si vous cherchez à être accompagné, vous savez maintenant que
les thérapies s’inscrivant dans une approche Ressources et de
conscience corporelle vous permettront d’accéder à ces espaces
douloureux en sécurité pour que l’Alchimie de l’autoguérison opère.
La communauté, l’environnement et la Source au cœur de nous
peuvent également être des ressources précieuses au service du
processus de guérison individuelle et collective.
Il existe aussi des espaces de travail au service de la
détraumatisation collective. Avant de vous y rendre, il est nécessaire
d’avoir solidement ancré des ressources en vous et d’être
suffisamment guéri et conscient de vos blessures pour pouvoir les
contenir et être capable d’entrer en relation avec l’autre sans entrer
dans les projections habituelles.
En nous libérant de notre charge traumatique collective, nous
pouvons nous ouvrir à des perspectives plus vastes, telles que
contribuer à la construction d’un nouveau monde, au service de la
Vie.
Ainsi, l’objet ultime de ce livre n’est pas uniquement de vous aider
à guérir des blessures du passé, mais aussi de vous donner les
moyens de libérer votre énergie de vie, pour contribuer à la création
de ce nouveau monde.
Dans celui-ci, chacun, présent à ce qu’il vit et en lien avec son
environnement, prend sa place et offre ses talents en exprimant sa
sensibilité unique.
Ensemble, nous devenons vecteurs d’un Nouveau Nous, matrice
et manifestation de l’infinité du champ des possibles.
Et ça… c’est trop fort !
Remerciements

Nous tenons à remercier en premier lieu tous les patients, clients,


consultants que nous avons eu l’honneur d’accompagner dans leurs
processus de transformation. En nous accordant leur confiance, ils
nous ont permis d’entrer en contact avec le plus précieux et intime
de la nature humaine. Ils nous ont permis d’apprendre à développer
notre écoute, notre ouverture et notre sensibilité tout en participant
au cycle vertueux du donner et du recevoir. Puisse ce livre leur
rendre hommage et les soutenir ainsi que tant d’autres, dans leur
évolution.
Merci à Saverio Tomasella, sans qui ce livre n’aurait jamais pu voir
le jour. Grâce à son soutien bienveillant et à ses précieux
encouragements nous avons pu vivre cette incroyable aventure.
Nous sommes reconnaissants que notre ouvrage paraisse dans la
collection portant son nom.
Merci aux éditions Leduc, et particulièrement à Sandrine Navarro,
de nous avoir fait confiance, d’avoir cru en nous et en la thèse que
nous proposons. Et merci à Bleuenn Jaffres pour son précieux
travail de relecture et de correction.

REMERCIEMENTS PERSONNELS

De Carol
Merci à Florence Dewulf, Milaya Lodron, Gwenola Gicquel, le
docteur Guillaume Poupard et le docteur Laura Calderón de la
Barca, pour m’avoir mise sur la piste du traumatisme et m’avoir
accompagnée dans ces eaux troubles mais tellement porteuses
d’espoir dans les différents stades de mon cheminement.
Merci à Peter Levine, Stephen Porges, Laurence Heller, Thomas
Hübl, Deb Dana, Otto Scharmer, Gabor Maté et les innombrables
chercheurs qui travaillent sur la question du traumatisme individuel
et collectif avec une vision pleine d’espoir et une approche
psychocorporelle et spirituelle intégrant tous les aspects de l’être. Je
veux leur rendre hommage pour leur œuvre d’utilité publique, faisant
le vœu que leurs travaux soient connus et reconnus,
particulièrement en France où ce sujet reste encore peu traité.
Merci à mes « activateurs personnels », messagers de mon
histoire, qui, m’offrant d’innombrables occasions de déclencher mon
système nerveux, me fournissent généreusement la possibilité de
guérir de mes traumatismes.

Merci à mes amis, qui me soutiennent depuis toutes ces années


sur mes différentes voies et qui aiment que j’écrive. Je pense
notamment à toi, Zélia, qui ne cesse de m’encourager dans ce sens.
Merci à toi, vieille peau ! Merci Jorge, Chantal, Martine, Doro, Alex,
Alejandra, Antoine, Valérie, Carmen, Le Chef et tant d’autres pour
votre amitié précieuse.
Merci à mes parents, qui ont fait ce qu’ils ont pu avec leurs
propres traumatismes. Lorsque je regarde leur histoire, je
m’émerveille de leur résilience et de l’amour qu’ils ont réussi à nous
donner, notamment dans ces endroits où ils en avaient si peu reçu.
Merci à vous pour le don de la Vie. Et pour tout le reste aussi. Je
vous aime.
Merci à toi, Wen, ma sœur adorée, pour ton amour constant et ton
soutien indéfectible. Notre histoire commune ne fut pas facile mais
ensemble, en retricotant avec courage, nous avons su triompher de
cela et retisser notre lien jusqu’à pouvoir nous appuyer dessus, en
sécurité. Je ne cesse de remercier la Vie et toi pour cela.
Merci à mes filles, Mila et Chloé, qui me soutiennent activement
dans l’écriture et qui sont les trésors de ma vie. Que j’aurais aimé
connaître le sujet de ce livre et libérer le gros de mes traumatismes
avant de vous avoir… Bien évidemment, cela ne fut pas le cas. Et
« grâce » à cela, nous avons cheminé et grandi ensemble, en
tâtonnant, parfois douloureusement. La beauté de la chose, c’est
qu’il n’est jamais trop tard. Aujourd’hui, je vois à quel point de vieux
mécanismes inscrits dans notre fonctionnement s’effacent au profit
de l’amour, de la confiance, de la joie et du respect profond des unes
pour les autres.
Mes filles, vous êtes des merveilles. Ne laissez jamais rien ni
personne vous convaincre du contraire.

Et merci à toi, mon amour, d’avoir coécrit ce livre avec moi. Ce fut
un honneur et un plaisir infini de collaborer avec toi. Puissions-nous,
à notre niveau, permettre que ce message soit relayé afin que
chacune et chacun qui le désire puisse s’engager dans la voie pour
restaurer leur capacité à être heureux.

De Nicolas
Merci à toi, Carol, de m’avoir patiemment attendu depuis la
galaxie 571, afin que, le jour venu, nous unissions nos cœurs et nos
voix. Merci de m’avoir propulsé, par l’intermédiaire de Saverio, dans
l’écriture de mon premier livre et, ce faisant, permis de realiser ce
déjà vieux rêve. Merci pour ta patience, ta delicatesse et ton
engagement sans cesse renouvelés dans cette aventure. Puissions-
nous continuer d’œuvrer, à travers nos mots et nos accompagne-
ments, pour le Bien commun.
Merci à vous, mes chers parents, tout d’abord, et c’est l’essentiel
de m’avoir transmis la vie, c’est-à-dire l’opportunité de goûter au
miracle d’être. Merci, au travers des blessures et vides que vous
n’avez pu empêcher, de me permettre de laisser filtrer en ce monde
quelques rayons de Lumière de « chez moi ». Merci, même si ce fut
parfois au prix de douloureuses heures, de m’avoir transmis le sens
de l’exigence, du travail bien fait et de la persévérance, au service
du Bien, du Vrai et du Bon. Merci pour les valeurs que vous
défendez et la liberté que vous incarnez, chacun à votre manière, et
qui me portent aujourd’hui plus que jamais.
Merci, Jérémy, mon frère, toi qui vas devenir papa, et à qui j’ai
sans doute fait subir quelques traumatismes lorsque nous étions
petits. Puisses-tu trouver dans ce livre quelques compensations !
Merci d’avoir été mon compagnon de route pendant nos années
d’enfance, pas si simples. Et merci à toi d’avoir toujours gardé le
lien.
Merci à mes enfants, Maël et Adèle, mes précieux trésors,
sources privilégiées d’émerveillement et d’activation, mes maîtres
spirituels du quotidien. Vous m’inspirez autant que vous me donnez
du fil à retordre. Merci, par l’amour sans cesse renouvelé que vous
me portez et que je vous porte, de me permettre d’ouvrir toujours
plus mon cœur, même – et surtout – lorsque c’est trop fort ! Ce livre
est aussi le fruit de ce processus alchimique que je vis à vos côtés.
Merci, Caroline, d’avoir partagé ce bout de chemin avec moi, de
m’avoir permis d’être père et d’avoir construit ensemble une famille.
Et, avec l’audace un peu réactive mais très inspirée qui te
caractérise, merci d’avoir eu le courage de me quitter, mettant fin à
la répétition incessante de nos scénarios souffrants hérités du
transgénérationnel. Je sais aujourd’hui que, sans avoir les clés
transmises dans ce livre, nous ne pouvions pas. Merci et bravo à
nous pour nous être séparés dans le lien et dans l’amour, nous
ouvrant tous deux à de nouveaux horizons, dans le lien et l’amour.
Merci à tous mes enseignants, mes guides et mentors, et bien sûr
mes amis – parfois c’est un précieux mélange de tout cela – qui, de
près ou de loin, m’ont inspiré et soutenu dans l’écriture de ce livre
car ils sont ou ont été d’inestimables ressources pour moi : Marie-
Hélène Doré, Martin Aylward, Daniel Odier, Dominique Bourdin,
Bertil et Mimmi Weyde, Philippe Dargère, Dominique Vincent, Jean-
Marie Delacroix, Brigitte Chavas, Monique Fradot, Bernadette Blin,
Éric Amieux, Christophe Boyer, Nathalie Bentolila, Milaya Lodron,
Pan Erhardt, Loïc Kérisel, Hugues Iwanowski, Aurélie Sers, et tant
d’autres auxquels je pense sans les nommer ici.
Sans oublier mon maître, Jeshua, et la figure de Marie qui
m’inspirent encore et encore.
Bibliographie
Bonnie Badenoch, The Heart of Trauma: Healing the Embodied
Brain in the Context of Relationships, W. W. Norton & Company,
New York, 2017.
John Bowlby, A Secure Base, Routledge Classics, Abingdon-on-
Thames, 2012.
Deb Dana, The Polyvagal Theory in Therapy. Engaging the
Rhythm of Regulation, Norton Professional Books, New York, 2018.
Steve Haines et Sophie Standing, Le Trauma, quelle chose
étrange, éditions çà et là, Bussy-Saint-Georges, 2019.
Laurence Heller et Aline LaPierre, Guérir les traumatismes du
développement. Restaurer l’autorégulation, l’image de soi et
restaurer l’image de soi et la relation à l’autre, InterÉditions, Paris,
2020.
Thierry Janssen, La Solution intérieure. Vers une nouvelle
médecine du corps et de l’esprit, éditions Fayard, Paris, 2006.
Marie Lise Labonté, Le Déclic. Transformer la douleur qui détruit
en douleur qui guérit, Les Éditions de l’Homme, Montréal, 2004.
Peter A. Levine, Trauma et Mémoire. Un guide pratique pour
comprendre et travailler sur le souvenir traumatique, InterÉditions,
Paris, 2016.
Peter A. Levine, Réveiller le tigre. Guérir le traumatisme,
InterÉditions, Paris, 2019.
Peter A. Levine, Guérir par-delà les mots. Comment le corps
dissipe le traumatisme et restaure le bien-être, InterÉditions, Paris,
2020.
Denis Marquet, Osez désirer tout. La Véritable Philosophie du
Christ, éditions Flammarion, Paris, 2018.
Denis Marquet, Aimez à l’infini. La Véritable Philosophie du Christ,
éditions Flammarion, Paris, 2019.

Docteur Gabor Maté, Quand le corps dit non. Le stress qui


démolit, Les Éditions de l’Homme, Montréal, 2017.
Pat Ogden et Janina Fisher, Sensorimotor Psychotherapy.
Interventions for Trauma and Attachment, W. W. Norton & Company,
New York, 2015.
Olivier Piedfort-Marin et Luise Reddemann, Psychothérapie des
traumatismes complexes. Une approche intégrative basée sur la
théorie des états du moi et des techniques hypno-imaginatives,
éditions Satas, Molenbeek-Saint-Jean, 2017.
Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups.
Histoires et mythes de l’achétype de la Femme sauvage, éditions
Grasset – Le Livre de Poche, Paris, 1995.
Stephen W. Porges, The Pocket Guide to The Polyvagal Theory.
The Transformative Power of Feeling Safe, W. W. Norton &
Company, New York, 2013.

Richard C. Schwartz et Martha Sweezy, Internal Family Systems


Therapy, second edition, The Guilford Press, New York, 2020.
Daniel J. Siegel, The Developing Mind: How Relationships and the
Brain Interact to Shape Who We Are, The Guilford Press, New York,
1999.
Bessel van der Kolk, Le corps n’oublie rien. Le cerveau, l’esprit et
le corps dans la guérison du traumatisme, éditions Albin Michel,
Paris, 2018.
Docteur Christian Zaczyk, Guérir de ses traumatismes avec le
Brainspotting, éditions Odile Jacob, Paris, 2019.
Index des exercices
On fait de la place !
Je suis une algue
J’ai un besoin
Un petit tour d’échelle
Scanner
Un point corporel
Exploration émotionnelle
Chasse aux signes d’activation
Un mandataire à mon service
Je suis soutenu
Les pieds sur terre, ouvert à l’espace
Je retrouve mon souffle
J’ai un corps !
Shaking
À la rencontre de ma sensation
L’eau chaude, une bénédiction
J’ai besoin d’un câlin
Une main secourable
Trouver un lieu sûr dans son corps
Ici, c’est chez moi
Rencontrez vos limites, découvrez votre infinitude
C’est l’angoisse
La couverture magique
Le coussin épaulant
Je me contiens
Vouuuuuu !
Et si ça arrivait pour de vrai ?
Ruminator
Les phrases qui puent
Rebootez-vous vous-même
Comment je (me) conduis
Le décrochage intentionnel
Dialogue entre les parties de moi
Un moment merveilleux
Mon lieu ressource
Voilà comment je m’en suis sorti
Je deviens celui que j’admire
Le réveil du guérisseur intérieur
Nous, des difficultés à communiquer ?… Noooon !
Lorsque j’arrive à mes limites
Dix minutes sans être interrompu
Prendre sa part
Renouer le lien
Une pluie de douceur
Autour de moi, il y a un monde
Approche sensible
Personnes ressources et communauté
Je fais appel à mes ancêtres
Toi et moi ne faisons qu’un
Une main sur le cœur
La boîte divine
Lettre à votre âme
Des livres pour mieux vivre !

Merci d’avoir lu ce livre, nous espérons qu'il vous a plu.

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