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Les mémoires du corps

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Du même auteur

Le Corps ne le sait pas encore. Mémoires cellulaires  : chemin de


conscience, Éd. Quintessence, 2002.

La Descente dans le corps. Mémoires cellulaires, Art sacré, avec


Éric FRANCQUEVILLE et Brigitte PAGANI, Éd. Quintessence, 2007.

Votre corps a une mémoire, avec la collaboration de Valérie


PÉRONNET, Éd. Marabout, 2019.

Au risque d'être soi, avec la collaboration de Lyse HARINCK, Éd.


Eyrolles, 2019.

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Myriam Brousse

Les mémoires du corps


Se libérer de la répétition des traumatismes

Avec la collaboration de Sioux Berger

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Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction

réservés pour tous pays.

© 2021, Groupe Elidia

Éditions du Rocher

28, rue Comte-Félix-Gastaldi – BP 521 – 98015 Monaco

www.editionsdurocher.fr

ISBN : 978-2-268-10478-2

EAN Epub : 9782268104935

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«  Le destin ne signifie pas que ta vie a été strictement
prédéterminée. En conséquence, tout laisser au sort et ne pas
contribuer activement a` la musique de l'univers est un signe
de profonde ignorance. Il existe une harmonie parfaite entre
notre volonté et l'ordre de Dieu. Le destin n'est pas un livre qui
a été écrit une fois pour toutes. C'est une histoire dont la fin
n'est pas décidée, qui peut prendre beaucoup de voies
différentes. »

Les quarante règles de Shams de Tabriz (1185-1248)

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Introduction

« Au milieu du chemin de ma vie, je me suis retrouvé dans une forêt


sombre, et le chemin avait disparu. »

DANTE, La Divine comédie

Le livre que vous tenez entre vos mains est une histoire vraie. Il
raconte mon histoire et le chemin que j'ai parcouru pour accéder à tous
les messages que la matière issue de mes ancêtres, dont je suis
composée, avait à me transmettre. Il raconte l'histoire de centaines de
patients qui ont fait ce chemin pour aller mieux et se libérer d'un destin
particulièrement pesant. Aujourd'hui, alors que je vieillis et que je perds
la vue, je poursuis encore et toujours cette route remplie d'obstacles pour
continuer à découvrir le message de ma conscience donné par ma cécité
débutante.
Je sais que le secret se trouve dans les mots du corps. Frédéric le
raconte à merveille. Il a cinquante ans, il est aveugle et il danse le rock
comme un dieu. Lorsqu'on lui demande comment il fait pour guider sa
partenaire alors qu'il est plongé dans le noir, il répond avec un grand
sourire : « Je fais confiance à mon corps. Et je suis à l'écoute de toutes
les résonances en moi  : celles de la musique, celles de ma partenaire,
celles des autres corps autour de moi, et celles de l'univers qui nous
entoure. Je ne guide rien  ! Je me laisse seulement porter par mes
ressentis profonds. Tout est dans le ressenti. »
Ce même ressenti permet à tous mes sens de s'ouvrir. Tout à coup, je
vois ce que je ne voyais pas. Les intuitions que j'ai développées au début
de ma carrière et dans mes premiers livres prennent une plus grande
profondeur et une plus grande clarté. Plus j'avance dans ma vie, et plus
cette vérité me frappe : la mémoire de notre corps, celle que l'on appelle
la « mémoire cellulaire », n'est pas comme on pourrait croire ce qui nous
enferme et nous enchaîne à notre passé, mais c'est précisément la clé
pour nous débarrasser de nos déterminismes et nous dévoiler une vie à

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construire en conscience. Voici l'histoire que je voulais vous raconter  :
celle de votre liberté.

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Ma vie, mon chemin

« Il n'existe que deux façons de vivre votre vie. L'une comme si rien
n'était un miracle, l'autre comme si tout était un miracle. »

Albert EINSTEIN

Je m'appelle Myriam et j'ai quatre-vingt-sept ans. Chaque jour, le


soleil se lève et je marche vers ma renaissance. Mon histoire est celle
d'une vie passée à transmettre. Avant de me plonger avec vous dans la
mémoire des cellules, avant de donner la parole à toutes ces personnes
que j'ai rencontrées et que j'ai guidées, autant qu'elles m'ont guidée, je
voudrais vous raconter mon histoire. Ceux et celles qui ont lu Votre corps
a une mémoire vont peut-être se dire : « Bien, sautons ce passage, nous
le connaissons déjà.  » Mais la vie et mon corps, avant tout, ont ajouté,
depuis, de précieux épisodes qui sont autant de pierres à l'édifice de cette
acceptation sereine que je ressens au fond de moi.
Face à l'enchaînement de tous ces événements qui se font écho, ma
conviction est chaque jour plus profonde : le sens de notre vie séjourne
juste là, sous nos yeux, dans le cœur de la matière. C'est un peu comme
le puzzle d'une enquête longue de quatre-vingt-sept ans… Plaçons les
pièces bout à bout et écoutons le rythme de la vie : elle résonne comme
le ressac des vagues. Ça va, ça vient, et dans ce roulis de souffrances et
de joies, j'avance.
Je m'appelle Myriam et j'ai deux ans lorsque je perds ma maman,
emportée par un cancer à vingt ans. Un jour, je ne l'ai plus vue. Personne
ne m'a expliqué sa disparition. Qu'avait-elle donc fait de mal pour
disparaître ainsi ? De cette maman chaleureuse et aimante, je conserve le
souvenir de bras qui se tendent vers moi et qui me réconfortent. Je revois
aussi une fontaine et une petite place accueillante, et je ressens un

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agréable chatouillis, une sensation exquise au fond de mon ventre dès
que je pense à cette scène.
Et puis… Plus rien. Seulement un vide glacial autour de moi. Un
père indifférent, une grand-mère austère et une tante hostile. Et partout,
un silence de mort qui en dit long. Il en dit long ? Mais je ne sais pas ce
qu'il veut dire. Je ne sais rien de la mort de ma mère. Je ne sais rien de
ma naissance.
Le temps s'écoule dans cet univers froid. J'ai sept ans et je suis
toujours la petite Myriam ballottée de mal-être. On me place chez les
Ursulines, en pension, et j'ai un peu la sensation que l'on se débarrasse de
moi. Je ne sais pas pourquoi j'encombre, mais j'encombre. Je ne trouve
pas ma place. Au fil des années, mon corps s'imprime d'autant de
messages indicibles et de non-dits. Parce que j'ai maltraité un animal
familier, on dit de moi que je suis une « méchante ». Moi, c'était de la
colère que je ressentais dans mon corps. Je n'en avais pas conscience,
mais mes mains, elles, savaient ma hargne. Ce petit chat avait une
maman et pas moi… La colère se mêlait à l'amour. Et je l'ai serré si fort
qu'il en est mort. J'avais tant d'amour à donner, mais personne n'en
voulait. Il fallait aussi que je dise ma colère face à cet animal qui se
réchauffe sous le ventre de sa maman. Il n'est pas abandonné, lui. Mais
cela, personne ne le sait, personne ne le comprend. Alors ils ont sans
doute raison. Je suis cette petite fille méchante qui porte le malheur avec
elle lorsqu'elle tend les bras pour avoir un peu de chaleur. Je suis celle
qui dérange.
J'ai vingt ans et je suis toujours Myriam, embarquée dans la vie avec
ce même corps qui vivait dans sa chair la mort de sa mère et le regard
glacial de sa tante. Mon corps et moi, nous sommes déjà cabossés par les
souvenirs, mais j'essaie de me persuader que tout cela est derrière moi à
présent. Alors je survis dans les vagues de la vie, avec cette peur
chevillée au ventre. Dès que je ressens cette agréable chaleur au fond de
mon plexus, je revois maman, je revois la fontaine, je revois la petite
place, et aussitôt j'ai la conviction que tout va s'effacer, disparaître, pour
laisser place à cet univers glacial dans lequel j'ai été brusquement
plongée. Pourtant je tente de surmonter ma peur lorsque je rencontre
l'amour de ma vie  : il est pilote. Le hasard, que l'on peut aussi appeler
destin, nous conduit l'un vers l'autre : je gagne un billet de tombola pour
un baptême de l'air. Il ne devait pas être là, mais il remplace un pilote
malade. Et nous voici face à face. Amoureux. Nous nous fiançons. La
robe de mariée est si belle  ! Je suis prête à tendre les bras  ! Je suis

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remplie de cette chaleur qui m'a tant manqué, la fête va pouvoir
commencer.
Mais non, je n'y ai pas droit. Le téléphone sonne et on m'annonce que
mon fiancé vient de se tuer. On m'apprend brutalement que son avion, un
Mystère IV, vient de s'écraser. Est-ce le hasard? Je ne pense pas. J'en
perds la voix. Je ne peux plus parler.
À nouveau, ce vide glacial en moi. Ce bonheur et cette chaleur, ce
n'est pas pour moi. Rappelle-toi  : tu es une méchante fillette. Personne
ne veut de toi, et surtout pas la vie. C'est sans doute ma faute, c'est sans
doute ce qui résonne dans ce silence glacial qui a entouré toute mon
enfance. Que signifie ce silence ? Je n'en ai aucune idée, mais je sais que
je ne veux plus vivre et me soumettre à cette peur. Je décide alors
d'entrer au Carmel. Je n'ai pas la foi, mais je cherche ce que le destin
veut me dire.
Le Carmel est l'ordre le plus strict et le plus absolu. On ne parle pas.
On fait vœu de silence. Entre le destin et moi, entre Dieu et moi, qu'y a-t-
il ? Un bras de fer s'engage. Du fond de ma cellule, j'ai envie de lui dire :
«  Alors, est-ce que tu existes vraiment? C'est le moment de me le
montrer.  » Je ne prie pas, je n'entre pas en contact avec Dieu, et je
cherche le sens de ma vie. Et je vais y rester cinq longues années. En
moi, je fais le vide et je reprends des forces. J'essaie de panser mes plaies
en gommant toute la sensation des plaisirs de la vie, en m'oubliant dans
les rituels du couvent. Ne plus rien ressentir. M'effacer et écouter le
silence.
Un matin, le vide en moi est saisi par une nouvelle énergie qui me
pénètre et me réchauffe, et en moi quelque chose a crû. Je décide alors de
quitter le Carmel. Je reprends mon chemin. Avec une nouvelle vision. Il
y a bien une énergie supérieure présente à tous mes pas. Je ne demande
qu'à la découvrir.
Cette fois, je vais «  me battre  », «  réagir  ». La peur et la colère se
sont transformées en « rage de vaincre ». Je veux prendre cette place que
personne ne m'accorde. Je pars à la conquête de ma vie, je veux devenir
cette wonder woman à laquelle personne n'a jamais cru. Je vais montrer à
tous quelle fille indépendante je suis. Après tout, je n'ai besoin de
personne pour y arriver  ! Je deviens fille de salle à l'hôpital. On
m'attribue les plus basses tâches. Nettoyer, laver. Ma vie patauge dans la
pisse et la merde. Ce travail est infect, mais, face à ceux qui souffrent, je
réalise que je veux aider les autres et leur tendre la main : je crois que
c'est mon destin, alors que c'est le début de mon chemin. Ce travail m'a

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ouvert le cœur et permis de comprendre que j'étais née pour aider les
autres.
Magnifique, me direz-vous ! Myriam, tu as trouvé ta voie !
Ne nous réjouissons pas trop vite  : ce n'est que le début. Le tout
début. De fille de salle, je deviens assistante médicale. C'est un peu
mieux : j'analyse les selles des patients… « Touille-merde » en quelque
sorte : c'est ainsi que l'on me surnomme alors. Puis j'entame des études
de médecine, je deviens mère, chef d'entreprise  : enfin, je suis dans la
« vie active ». Bravo, Myriam! Tu as atteint ton but ! Eh bien non… Le
chemin n'est pas du tout achevé. Il m'a fallu bien des années pour réaliser
que la petite fille qui dérange, désormais indépendante, avait encore
quelques pas à accomplir dans cette vie. Car je suis toujours cette petite
Myriam de deux ans, je suis encore cette jeune Myriam de vingt ans. Et
si parfois je ne veux pas l'entendre, mon corps, lui, le sait bien.
D'ailleurs, s'il ne parle pas, je vais mourir. Comme ma grandmère. Dans
ma quarantième année.
L'aube se lève sur mes quarante ans et mon corps me dit : « Voici la
fin du chemin si tu ne romps pas le silence entre nous. » Ma chair parle
avec ses mots, ceux du sang. Je me retrouve à l'hôpital. La chaleur et le
froid ont été remplacés par une douleur intense au fond de mon ventre,
une douleur inimaginable. Celle d'un cancer des ovaires. Je baigne dans
mon sang. Les médecins ne me donnent pas un an à vivre.
Je ne ressens plus le chatouillis chaleureux. L'image des bras tendus
s'est effacée. Je ne ressens plus ce froid glacial qui émanait de mon père
ou de ma tante. Je n'ai même plus peur. Je ressens seulement une
immense douleur. Et tout s'effondre autour de moi, la « battante » que je
pensais être, mes réussites, mes espoirs… Pfft… Disparus dans un bain
de sang.
Alors, si je dois mourir, eh bien, je n'ai qu'à mourir après tout. Si le
seul sens de la vie est la souffrance, autant en finir, et vite. Après tout,
c'est peut-être mon destin. Mais ce ne sera pas le cas. Ce n'est qu'une
pierre sur le chemin.
C'est à l'hôpital, au seuil de la mort, que je reçois la visite d'un maître
tibétain envoyé par une de mes amies. Et il me pose cette question
étrange : « Est-ce que tu veux vivre ? » Je ferme les yeux et j'ai envie de
dire non. Et de me laisser couler. Après tout, que faire d'autre ? Je pense
avoir «  tout essayé  » pour m'en sortir. Je pense avoir ouvert toutes les
portes. En fait, je vais apprendre plus tard que je n'en ai ouvert aucune.

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Mais à cet instant, c'est le visage de ma fille qui me pousse à sortir une
dernière fois la tête de l'eau.
Je pense alors à elle. Je pense à l'enfance que j'ai eue. Je me dis qu'il
m'est absolument impossible de la laisser seule. Je ne veux pas qu'elle ait
ce destin. Et je m'entends répondre :
« Oui, je veux vivre. » Le sage tibétain me demande alors de lui faire
une promesse : « Si tu guéris, tu transmettras ce que tu as appris. » Mes
chances de survie étant quasi nulles, je promets sans réaliser que je suis
en train de choisir mon propre chemin.
Le maître me dit alors qu'il reviendra chaque jour, et qu'il me posera
la même question : « Est-ce que tu veux vivre ? » Et si je réponds non, il
repartira, tout simplement. Il m'indique aussi que je devrai suivre ses
instructions sans poser de questions.
Je comprends dans les jours qui suivent qu'il n'est pas si facile de
choisir et donc de décider de vivre. Je fais l'apprentissage de mon corps,
cette «  chose  » que je pensais être simplement un véhicule fonctionnel
pour me déplacer sur la terre. Mon guide m'apprend au quotidien à être à
l'écoute de ma douleur. Il m'invite à abaisser les doses puissantes
d'antalgique que je prends. Dans la douleur se trouve la réponse,
m'explique-t-il  : mon corps me parle, je dois simplement apprendre à
l'écouter. Certains jours, la douleur est bien trop forte et je ne veux plus
vivre. « Essaie de revenir à la vie en en trouvant le sens », me répète-t-il.
Et il répète inlassablement : « Trouve le sens, la réponse se trouve dans
ton corps. Enfin, quand tu iras bien, tu transmettras ce que tu as appris. »
Pas à pas, je reprends ma route, et je prends la vie à bras-le-corps, je
regarde la douleur bien en face. J'apprends, j'accepte d'avoir mal, et je
pose des mots sur mon passé. Enfin j'accepte de me tendre les bras, et
voici ce que je vois.
Je m'appelle Myriam et j'ai deux ans. Je suis une enfant illégitime
que tout le monde tolère. Mon père n'est pas mon père. Mais lorsque ma
mère disparaît, je suis celle dont personne ne veut. Celle qui dérange.
L'étrangère qui laisse sur son passage un lourd silence.
J'effectue ce voyage au bout de mon corps jusqu'aux confins de la
souffrance, et c'est là que je trouve l'apaisement. Et je comprends
pourquoi je me suis retrouvée là, comme ma mère et ma grand-mère
avant moi, aux portes de la mort. Et, contre toute attente, je sors de
l'hôpital.
Mais je ne suis pas guérie, loin de là. La route est encore longue.
D'ailleurs, je vais découvrir que c'est le chemin en lui-même qui est

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passionnant, et que c'est lui qui donne le sens à la vie.
Mon maître m'enseigne ce qu'est le mental des cellules et me le fait
mettre en pratique au quotidien. Il me raconte l'aventure de la conscience
de Mère et de Sri Aurobindo. Puis, lorsqu'il estime que je peux
«  marcher seule  », il me quitte et me laisse avec un énorme chantier.
Dans un premier temps, je lui en veux de m'abandonner ainsi, je ressens
même de la colère : encore quelqu'un qui s'en va alors qu'il m'a tendu les
bras. Et puis, peu à peu, j'accepte de prendre ma vie en main dans le
premier sens du terme. Mon corps et moi, main dans la main. C'est un
peu comme une renaissance. Chaque jour, je regarde les choses en face
et, lorsque je ne veux pas les voir, je sais que mon corps est mon ami et
mon guide. Il me parle, il me dit le plus important, c'est-à-dire ce que je
ne veux pas entendre, et ce que je n'ai pas voulu écouter pour me
« protéger ». Je sais à présent que c'est cela qui m'a détruite en partie et
qui m'a conduite aux portes de la mort. Seule, face à moi-même, je me
pose chaque jour la même question : « Veux-tu vivre ? », et je réponds
oui, et j'ouvre grand les yeux. Je vois cette douleur immense
« engrammée1 » en moi, inscrite en moi, dans chacune de mes cellules :
la mort de ma mère. Cette chaleur qui s'échappe pour laisser place à un
froid glacial. Je laisse la douleur m'enseigner sa mémoire, car mon corps
en est rempli.
Je vois toutes les tentatives désespérées que j'ai réalisées pour trouver
un sens à tout cela, pour me persuader qu'il existait une fatalité. Toute
personne qui m'aime est frappée par la mort, toute tentative de
communication avec l'homme, avec Dieu, est vouée à l'échec. Tous mes
efforts se sont soldés par un échec et par la maladie, alors que j'avais la
conviction qu'en me battant seule je parviendrais à être
« compétitive », à ne pas être comme les femmes de ma famille avant
moi.
J'ai compris peu à peu que tant que je serais dans cette colère, cette
volonté de « prendre ma revanche » et de dire « non à la vie », c'est ainsi
que j'obtiendrais en réalité tout ce que je ne voulais pas : sombrer dans la
fatalité du prétendu destin. Je ne savais pas encore la force du chemin qui
m'habitait.
Depuis ma naissance, mon corps est là et il s'appelle Myriam. Toutes
les cellules de mon corps sont autant de parcelles de moi-même que je
dois explorer. Cette quête est un fabuleux chemin.
À cette étape de mon histoire, j'aurais pu me dire  : «  Voilà, j'ai
découvert ce qui n'allait pas, je peux reprendre ma route, à présent.  »

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Mais la vie va me guider pour descendre encore plus profond dans
l'exploration de la matière.

« Si vous voulez tout à fait guérir, il faut guérir le souvenir du corps. »
MèRE

J'ai quatre-vingt-deux ans et je suis toujours Myriam… Il y a


quarante ans de cela, je devais mourir d'un cancer des ovaires. Lorsque
j'avais deux ans, ma mère est morte sans qu'on me le dise, et sans que je
sache pourquoi. Mon corps connaît parfaitement ce calendrier familial. Il
est gravé dans ma chair. Mais il n'y a pas de fatalité si l'on sait se pencher
sur lui et l'écouter. J'ai donc quatre-vingt-deux ans et je me réveille un
matin envahie par une extrême faiblesse. Me revoici donc à l'hôpital,
quarante ans plus tard… Le verdict n'est pas très surprenant : hémorragie
interne. À nouveau, mon sang s'échappe. À nouveau, je ressens cette
colère. Et je commence par dire non. Non à cet hôpital  ! Non à une
transfusion  ! Je refuse que le sang d'inconnus habite mon corps  ! Et je
me regarde lutter, comme si mon corps était un ennemi alors qu'il
demandait juste la parole…
Rapidement, bien plus rapidement qu'il y a quarante ans, j'accepte
cette situation. J'accepte de ne pas comprendre et j'accueille ce message
de mes cellules avec bienveillance. On va bien voir ce qu'elles ont à me
dire  ! On me pose alors une transfusion. Et il se produit encore un
miracle lorsque le sang de ces personnes anonymes se glisse dans mes
veines. Le sang, « porteur d'âme » m'avait dit mon maître tibétain. Mes
bras s'ouvrent et se tendent. Mon âme entre en communion avec les
donneurs. La vie circule à nouveau dans le fait que j'accepte enfin de
recevoir. Et mon corps me guide en douceur vers un bien-être inouï.
C'est un peu comme s'il m'avait dit à cet instant : « Tu as appris à donner,
c'est bien  ! Apprends à présent à accueillir.  » Je me souviens alors des
paroles du sage tibétain qui m'avait dit quarante ans auparavant  :
« Laissez-vous guider par ce qui, en vous, est plus grand que vous. »
Clouée sur un lit d'hôpital à quatre-vingt-deux ans, j'aurais
simplement pu penser  : «  Et voilà que ça recommence, décidément, la
mort est dans mon sang.  » Et j'aurais pu ronger mon frein, bouillir de
colère et en vouloir à cette fatalité qui revient en permanence pour me
conduire à la mort. Je suis allée simplement au-delà. Oh! Pas très loin !
Tout près, juste là, dans la matière dont je suis composée. L'univers de
mes cellules, et je les ai écoutées. La vie avait simplement encore

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quelque chose à me dire, pour que je puisse avancer sur ce chemin de
connaissance. Recevoir et donner, n'est-ce pas cela, l'amour  ? N'est-ce
pas cela le sens d'une vie ? Il est temps que je m'abandonne au don qui
m'est fait. Par cette expérience dans la matière, j'ai découvert que je
conservais au fond de moi un refus. Je disais non à ce don du sang. C'est
lorsque j'ai lâché prise que j'ai senti que la vie revenait avec force : plus
je descendais au plus profond de la matière opaque du corps et plus la
lumière de la conscience s'offrait à moi. J'avais franchi un pas de plus
vers l'amour.
Mais la petite Myriam n'a pas encore achevé son récit  ! Jusqu'au
bout, la vie me réserve des surprises et m'invite à me découvrir.

« Le passé est un immense corps dont le présent est l'œil. » Pascal
QUIGNARD, Sur le jadis. Dernier royaume, II

Après avoir caressé la mort si souvent, je pensais réellement être


arrivée au bout du chemin. Mais le cycle de la vie est infini pour celui
qui veut bien lui prêter une oreille attentive. Eh oui, j'ai quatre-vingt-
quatre ans et mon avenir est à la fois derrière moi et devant moi. Je ne
sais pas si vous connaissez cette sculpture célèbre de Michel-Ange, la
Pietà. La Vierge tient dans ses bras le corps de son fils inerte, descendu
de la croix. Une sculpture magnifique. On peut passer devant et
simplement admirer sa beauté. On peut aussi s'y arrêter et écouter la voix
du créateur : Marie est toute jeune et elle tient dans ses bras son fils qui
semble bien plus vieux qu'elle. Dans le marbre, Michel-Ange défie les
lois du temps. Le sculpteur semble nous dire : « Où est le début? Où est
la fin ? Où se trouve le passé ? Où se trouve l'avenir ? »
Et j'y réponds à ma façon  : «  Dans l'infini langage des cellules.  »
Pour comprendre mon présent, je me plonge dans mon passé et
j'accueille l'avenir. Voici que la vie m'invite à nouveau à m'immerger
dans ce passé obscur. Mon corps n'en a pas terminé. J'ai deux ans lorsque
ma mère meurt. Personne ne m'en informe. Autour de moi tout devient
hostile, je suis l'enfant qui dérange. La petite bâtarde dont personne ne
veut. J'en veux à ma famille qui me délaisse, j'en veux à ma mère qui m'a
quittée. Mais cette colère, depuis ma naissance, je l'étouffe et je refuse de
la considérer, ça fait trop mal. Peu à peu, j'arrive à mes quatre ans et peu
à peu je perds la vue, jusqu'à devenir totalement aveugle d'un œil. Je
contemple désormais le paysage de la vie avec la moitié de mon visage.

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Plus de quatre-vingts années se sont écoulées, et je pensais avoir fait
le tour du sujet avec mon corps, en affrontant un cancer, avec deux
séjours à l'hôpital, en grandissant peu à peu, épreuve après épreuve, en
devenant cette femme indépendante qui « trace sa route ».
Mais non, le chemin n'était pas terminé.
À quatre-vingt-quatre ans, je suis atteinte de la cataracte sur mon seul
œil valide. C'est assez fréquent à cet âge. Mon médecin me propose une
opération, «  rapide et bénigne  »… J'accepte. Tout se passe bien. Mais
mon œil supporte mal les suites de l'intervention, et voici que ma rétine
se voile peu à peu. Quelques jours après l'intervention, j'entre dans une
grande colère, et un vaisseau sanguin a lâché, mon œil est fragilisé. Que
peut-on dire face à cette nouvelle adversité  ? Un vaisseau qui lâche,
encore une hémorragie, encore un malheur qui s'abat sur moi. Le langage
courant dirait «  les yeux injectés de sang  » ou encore «  Mais pourquoi
tant de haine ? » Et moi, c'est surtout une immense colère que je ressens.
Cette même colère que je ressentais lorsque j'avais deux ans.
J'ai bien entendu établi le lien entre la perte de ma mère et la perte de
mon premier œil. Ça, c'était une réflexion mentale, trop mentale. Mais
qu'en pensait donc réellement mon corps ? Qu'avait-il à m'apprendre sur
moi que je n'avais pas encore découvert? Quelles vibrations étais-je
capable de ressentir au fond de mes cellules ?
Moi qui tenais tant à mon indépendance, j'apprends désormais à m'en
défaire : ma vue est si faible que je dois compter sur les autres pour me
guider, je dois apprendre à devenir dépendante.
Dans cette colère, ma première réaction est donc de refuser
d'accepter la réalité. Moi, la reine de l'indépendance, moi, la petite fille
qui dérange, et qui voudrait disparaître, je suis poussée par mon corps
à… déranger. J'avoue que j'ai un peu de mal à l'accepter. Apprendre à
déranger, apprendre à dépendre des autres. Pas facile de s'abandonner à
ce point. Un pas de plus vers cette acceptation, ce oui que nous avons
tant de mal à prononcer. Lorsqu'un événement survient, on commence
toujours par le non  : non, je ne veux pas voir ma souffrance  ; non, ce
n'est pas vrai  ; non, je ne veux pas l'accepter. On peut choisir de
demeurer dans ce non. La vie alors se bloque. Arrêt sur image dans la
souffrance étouffée qui grandit. Plus je l'étouffe et plus elle grandit.
Mais on peut choisir de laisser vibrer cette souffrance et, si on
apprend à l'écouter, alors le «  oui  » peut être un pas de plus vers notre
épanouissement. Dans le oui, après le tunnel de l'épreuve, on perçoit une

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lumière, on se sent grandi  : vient alors un frémissement de joie,
commencement de libération.
Et c'est à cet instant de ma vie que je comprends : mon destin, c'est
mon chemin.

« Ayant poussé la porte étroite qui chancelle, Je me suis promené dans le


petit jardin Qu'éclairait doucement le soleil du matin, Pailletant chaque
fleur d'une humide étincelle. Rien n'a changé. J'ai tout revu… » Paul
VERLAINE, Après trois ans

Depuis ce jour de mes quarante ans où je me suis retrouvée à la


frontière si fine qui existe entre la vie et la mort, je vois la vie comme un
jardin : les jardins ne sont pas un lieu fixe que l'on regarde, ils sont une
invitation à un voyage. Ils sont toujours changeants, toujours en
mouvement, chaque cellule des plantes évolue et prend vie, prend mort,
tout murmure que la raison d'être est là, c'est la matière. «  Tout vibre,
tout remue, rien n'est à l'état de repos2.  » Impossible de se sentir en
colère contre un jardin, n'est-ce pas ? Il est, c'est tout. Il prend plaisir à
être, et nous prenons plaisir à le regarder évoluer au rythme des saisons.
Nous savons que ces arbres, bien plus vieux que nous, ont vécu tant de
choses… Eh bien mon corps est identique à ce jardin, il en est le
prolongement, il ne fait qu'un avec lui, et les cellules qui me composent
ne font qu'un avec celles de mes ancêtres. Il me suffit de plonger en moi
pour écouter ce qu'elles ont à me dire. Il n'y a plus de frontière entre la
nature et moi, plus de frontière entre la vie et la mort, plus de frontière
entre passé, présent et futur, entre mon arbre généalogique et moi. Je suis
dans l'Être.
J'ai pris peu à peu conscience de cette unité de l'univers au fil des
années. J'ai poussé mes recherches toujours plus loin et j'ai testé
différentes méthodes et de multiples philosophies  : la kinésiologie, la
psychologie, le yoga, la psychanalyse, l'hypnose, la psychogénéalogie,
les rites, les religions… Toutes ont apporté une pierre à mon édifice,
mais je n'étais pas satisfaite dans ma quête. J'avais le sentiment que tous
ces chemins pouvaient m'apaiser un instant, mais en aucun cas me faire
passer au-delà de ce tourniquet. Je ne voyais pas comment arrêter le
disque rayé des répétitions. Et je me disais, comme le dit une chanson
populaire de Zazie : « Je tourne en rond, je tourne en rond. »

17
« Je suis un homme au pied du mur, Comme une erreur de la nature, Sur
la terre, sans d'autres raisons, Je tourne en rond, je tourne en rond. »
ZAZIE

Et puis c'est à nouveau une rencontre qui m'a permis de trouver


comment arrêter le disque. J'ai réalisé que
« comprendre » était un pas énorme, mais j'ai pris conscience que le
chemin ne s'arrêtait pas là. Ressentir dans la chair allait me permettre de
stopper le disque rayé, grâce à la matière, grâce au corps. Cette rencontre
a eu lieu peu à peu. Lorsque j'étais malade, mon maître m'a fait travailler
à mon insu dans le mental des cellules. Puis, en 1974, afin que je puisse
saisir ce qu'il m'avait fait faire pour me guérir, il m'a demandé de lire les
treize volumes de l'agenda d'une personne que l'on surnommait Mère. Ce
fut une révélation. Mère, Mirra Alfassa, tenait son surnom de sa vie dans
un ashram. Elle était européenne et recherchait sans cesse pourquoi
l'humain se comportait toujours en schémas répétitifs sans pouvoir en
sortir. Avant de partir en Inde, Mère s'est écriée  : «  J'ai trouvé  ! Le
passage est dans le corps.  » Elle est alors partie pour pouvoir
expérimenter librement ses découvertes. Je reparlerai dans le chapitre 22
de ce livre des découvertes incontournables de Mère et Sri Aurobindo,
notamment au sujet de l'évolution de l'humanité.
Grâce à l'enseignement de Mère, j'ai pu construire une méthode pour
aider mes patients dans la découverte progressive d'eux-mêmes, comme
je me suis découverte également au fil de ma vie. Quelle joie de se
libérer pas à pas des chaînes de nos mémoires ancestrales et de réaliser
que l'être humain peut évoluer, et va évoluer !
Mais cette libération implique un long et lent travail de descente dans
la matière. Il faut peu à peu traverser toutes les couches successives de
protection que nous avons mises en place pour ne pas « voir » la vérité.
Nous sommes un oignon et nous n'avons pas trop envie de l'éplucher, car
nous savons bien que notre corps va réagir et parler. D'ailleurs, il parle
déjà. Nous avons mal au dos, mal au ventre, nous tombons malades ou
nous ressentons tout simplement un vide immense, une tristesse latente.
Le plus souvent, les gens viennent me voir pour un symptôme
douloureux ou un chagrin inexprimable. Mais ils sont tiraillés : « Je veux
guérir, et je ne veux pas  », «  Je préfère rester concentré sur mon mal-
être » [la bonne excuse], « J'ai besoin de ma souffrance pour exister  »,
«  J'existe quand j'ai mal, et puis j'avance un peu, car en moi  »je sais»,

18
mais je recule presque aussitôt pour ne pas voir ce qui se trame dans le
fond »… Bref, « je tourne en rond, je tourne en rond ».
Mère disait  : «  On naît avec un bourbier à nettoyer avant de
commencer sa vie. »

1. « Engrammé » signifie ici gravé, comme tatoué dans la chair.


2. Loi cosmique, Le Kybalion.

19
2
Comprendre la mémoire cellulaire

« Un conte de fées dans les cellules de la terre. »

MèRE

Un conte de fées  ? Vraiment? N'est-ce pas plutôt le récit que nous


font ceux et celles qui cherchent, comme moi parfois, une justification à
nos malheurs, à nos maladies, aux très nombreuses coïncidences vécues,
parce que ça nous rassure  ? On peut en effet voir les choses ainsi, et
hausser les épaules lorsqu'on entend, dans notre famille, des mauvaises
nouvelles à répétition, toujours les mêmes… On peut continuer à dire
qu'« on n'a vraiment pas de chance », que
« c'est le destin ».
Et si nous relisions plutôt notre histoire à la lumière de celle de
l'humanité, sans effacer aucune des années vécues  ? Des millions
d'années, et nous voilà. Nous ne sommes pas issus de nulle part : nous
sommes le fruit de l'évolution humaine. Nous n'avons plus de poils sur
tout le corps, nous ne vivons plus dans une grotte, nous ne portons plus
une lourde armure et nous ne montons plus à cheval… Et pourtant,
toutes ces évolutions sont engrammées en nous. Certaines réactions de
nos corps, qu'on le veuille ou non, proviennent bien de souvenirs
anciens, et personne ne nous les a apprises, nous les connaissons dans
notre chair, nous les y conservons, et nous les transmettons.
Prenons tout d'abord l'exemple de la mémoire archaïque  : lorsqu'un
nouveau-né vous emprisonne le doigt dans sa toute petite main, c'est un
geste issu de la mémoire archaïque. Les médecins appellent ce geste le
grasping. Ils constatent simplement qu'à sa naissance, le bébé serre
automatiquement sa main sur un objet alors qu'il ne sait pas encore
l'attraper. C'est un réflexe inné. Mais d'où provient ce réflexe  ? Si l'on
observe un bébé singe et sa maman, on constate que ce grasping a dû

20
être très utile pour le petit d'homme à une époque lointaine. Observons la
guenon : lorsque celle-ci veut transporter son petit alors que celui-ci est à
terre, il lui suffit de passer à quatre pattes au-dessus de lui et le bébé
s'agrippe automatiquement à ses poils, puis monte aussitôt sur son dos
grâce au grasping. Il se laisse ensuite transporter, sans lâcher sa mère. Si
notre corps porte encore l'empreinte des temps préhistoriques, imaginez
quel impact peut avoir sur lui le vécu concret de notre naissance  ! Il
existe bien d'autres réflexes dits archaïques. Quand un nouveau-né vient
au monde, les médecins vont également tester le réflexe de Moro. Rien
de plus facile. Il suffit de placer le bébé dans un sentiment de danger.
Émettre un bruit un peu trop fort, ou saisir brusquement son pied. Le
tout-petit va alors cambrer le dos et placer ses bras en croix avec tous les
doigts bien ouverts. Il va se mettre à crier pour appeler sa mère… Et
autrefois, à la Préhistoire, cette maman ne manquait pas de passer sur lui
afin qu'il s'agrippe rapidement à son pelage. Bras en croix, doigts
ouverts, bébé
était prêt à détaler avec sa mère.
Ces deux exemples montrent à quel point notre corps se souvient de
ce qui a été inscrit dans la chair. Plus tard, l'enfant ira à l'école pour y
apprendre la Préhistoire, la découverte du feu et nos ancêtres les Gaulois.
On pense qu'il oublie tous ces réflexes innés qui ne servent plus. Mais
notre corps, lui, n'a pas besoin d'aller à l'école pour connaître tous ces
moments de l'histoire de l'humanité. Il le sait, un point c'est tout. Et il
n'oublie pas. Chaque événement, chaque période, chaque moment vécu
par nos ancêtres est engrammé dans chacune de nos cellules, mais nous
n'en avons pas conscience.
En grandissant, c'est le mental qui prend le dessus, pour essayer de
comprendre le monde, et il arrive avec ses explications  ; mais nos
cellules, elles, n'ont rien oublié. Elles ne demandent qu'à parler, si on leur
prête une oreille attentive. La plupart du temps, nous cherchons plutôt à
les réduire au silence. Antidépresseurs, antidouleurs, alcool, drogue,
boulimie de travail… Nous nous appliquons à faire taire notre corps
lorsqu'il a quelque chose à nous dire. Il frappe souvent à la porte du
mental par le biais d'un mal-être ou de la maladie. Nous ne l'écoutons
toujours pas ! Il frappe à nouveau à la porte et la maladie s'aggrave, car
le message n'est pas entendu.
Le docteur Kousmine, dans son ouvrage Sauvez votre corps1, a
étudié des cas de cancers pendant plusieurs décennies. Son livre est un
recueil de ses notes tout au long de ses recherches. Elle a réalisé

21
notamment des arbres généalogiques sur des centaines de familles, et elle
a fait le constat suivant  : lorsque dans une génération un cancer se
déclare, si les « habitudes de vie » ne sont pas modifiées à la suivante, le
cancer va se déclarer à nouveau, et ainsi de suite, de génération en
génération, tant que le problème n'est pas résolu. Kousmine montre ainsi
que le corps utilise automatiquement la tumeur comme un système
d'alarme, comme s'il avait « mémorisé » le comportement à adopter.
Nos cellules ont une mémoire  : elles ont mémorisé les différents
moments de l'évolution de la vie sur la terre. Le règne minéral, végétal,
animal.
Nos cellules ont une mémoire  : elles retiennent les expériences
collectives, notre appartenance à un groupe, mais aussi à une famille.
Ces appartenances contiennent toutes des blessures. Chaque blessure non
résolue est un peu comme un flambeau douloureux que l'on se passe de
génération en génération.

Angèle ou le fardeau du silence

Lorsque Angèle me raconte son histoire, elle m'explique tout de suite


qu'elle est fille unique. Elle est fille unique, elle a cinquante-cinq ans, et
elle a eu six enfants. Elle souhaite me rencontrer car elle ne parvient pas
à s'entendre avec sa seconde fille. Les disputes répétées l'affectent
réellement. Elle me parle de cette boule qu'elle a au fond de la gorge, et
de ce moment de sa vie où elle s'est retrouvée avec les bras tétanisés,
« comme la semaine dernière après la dispute avec ma seconde fille ».
Lorsqu'elle me raconte plus en détail les dates marquantes de sa vie,
nous nous apercevons ensemble que sa seconde fille suit exactement le
même chemin qu'elle  : une deuxième grossesse très rapprochée de la
première, non désirée, mais acceptée.
En l'écoutant parler, j'ai la conviction qu'Angèle n'est pas réellement
fille unique. Ne serait-elle pas plutôt la «  seconde  »? Ébranlée par ces
interrogations, Angèle décide de poser la question à sa mère, même si
elle pense qu'« on n'apprendra rien de nouveau ».
Aussitôt, elle se saisit de son téléphone et elle compose le numéro de
sa maman pour poser cette question étrange  : «  Suis-je fille unique?
Suis-je l'aînée ? » La réponse ne se fait pas attendre. « Non, tu n'as pas

22
été la première. Il y a eu un enfant avant toi. » Et la vieille dame raconte,
avec de nombreux détails, sa fausse couche, seule, dans un hôtel du sud
de la France. Angèle a du mal à le croire. Elle est donc la seconde,
comme sa fille, avec qui elle a du mal à s'entendre. Mon travail avec
Angèle consiste alors, dans un premier temps, à lui faire prendre
conscience, non pas avec le mental mais dans son corps, ce que sa
pensée lui cache. Elle va réaliser peu à peu que sa fille porte aussi ce
lourd bagage, gravé dans sa chair.

Karine et le bébé à deux têtes

Karine a trois enfants. Mais avant la naissance du petit dernier, elle a


dû Subir une IVG et une fausse couche.
Elle ne voyait pas réellement la nécessité de parler de ces
événements avec son troisième fils, âgé de sept ans. Autant qu'il ne le
sache pas… Pourtant, en découvrant l'importance de la mémoire des
cellules, elle se dit qu'elle devrait peut-être lui révéler ces événements
douloureux, et poser des mots sur certains non-dits. Son fils étant très
angoissé sans raison apparente, elle pense que cela pourrait sans doute
aider le petit garçon. Elle attend le moment opportun et elle décide de se
lancer. Et voici la phrase qu'elle formule  : «  Tu sais, Nicolas, avant ta
naissance, j'ai perdu un bébé. Il était tout petit, cela s'appelle une fausse
couche.  » En réalité, Karine sait qu'elle parle tout en camouflant une
partie de la vérité, mais elle ne se sent pas de parler aussi de l'IVG.
Le petit garçon ne semble pas très surpris de cette annonce, et il
répond aussitôt : « Ah bon, tu es sûre ? Mais le bébé, il n'avait pas plutôt
deux têtes ? »
Inconsciemment, son fils était donc bien au courant des deux
grossesses interrompues, et pourtant, personne ne lui avait jamais rien
expliqué auparavant.

Je vous ai parlé de la mémoire archaïque, mais nous pouvons


également prendre quelques exemples dans l'inconscient collectif. Et
certaines expériences ont montré que le corps est même capable de
prendre des décisions, pour préserver l'espèce, sans que notre cerveau ait
son mot à dire! Saviez-vous par exemple qu'après chaque grande guerre,
les médecins ont constaté qu'il naissait un nombre de garçons plus

23
important que la normale? Un peu comme si les cellules du corps des
hommes et des femmes avaient été informées d'une mise en danger de
l'espèce. Et pourtant, du moins le croit-on, nos cellules ne «  parlent
pas », ne « communiquent pas »… Or elles dialoguent entre elles !
Un autre exemple  : avez-vous remarqué à quel point les jeunes
enfants, par tranche d'âge, se passionnent tour à tour pour les étoiles, les
dinosaures, puis les chevaliers ? Dès la fin du xIxe siècle, Rudolf Steiner
(auteur notamment de La philosophie de la liberté, 1894) explique
clairement le lien entre l'histoire de l'humanité et le cycle de la vie.
L'enfant semble vouloir revisiter chaque étape de l'univers et de
l'humanité, alors qu'il ne s'est pas encore assis sur les bancs de
l'université. Il semble savoir « inconsciemment » ce qu'il doit découvrir
et par quel chemin passer.
Je ne résiste pas à l'envie de vous raconter également cette
expérience menée en 2013 par des chercheurs en épigénétique2 : Biran
G. Dias et Kerry J. Ressler ont choisi d'envoyer des décharges
électriques désagréables à des rats, en associant cette gêne à une odeur
précise. Ainsi les rats s'éloignaient dès qu'ils ressentaient cette odeur,
même sans la décharge électrique. Jusqu'ici, rien de surprenant, une sorte
de réflexe de Pavlov du corps face à un traumatisme. Mais quelle ne fut
pas la surprise de ces scientifiques lorsqu'ils découvrirent que les
descendants de ces rats, qui n'avaient jamais côtoyé leurs parents, avaient
la même réaction traumatique qu'eux, et cela sur plusieurs générations…
L'information était donc passée par la matière et non par l'éducation.

Le pain à l'envers

Au cœur de l'Auvergne, il est une tradition-superstition à laquelle on


ne peut pas déroger : placer le pain à l'envers sur la table porte malheur.
Et si par hasard le pain se retrouve les quatre fers en l'air, il est important
de faire un signe de croix à l'aide d'un couteau sur sa croûte, afin de tuer
le mauvais sort. Curieux rituel. Lorsqu'on interroge ceux qui ont « peur
du pain », ils répondent : « Ça porte malheur, on le sait, c'est tout. » Mais
ils ne savent pas pourquoi ils agissent ainsi. Au restaurant, entre amis
autour d'une table, il est amusant de faire le test. Si le pain se retrouve à
l'envers, il y a toujours quelqu'un qui va tendre le bras pour le retourner.

24
Sans même s'apercevoir de son propre geste. Une sorte de réflexe,
d'instinct, appris des générations précédentes. «  Ça ne se fait pas, c'est
tout. »
Ils sont nombreux, les gestes que nous répétons «  sans savoir
pourquoi  ». Ils sont nombreux, ces gestes que nous réalisons sans
pouvoir nous en empêcher, comme s'ils étaient dictés par un passé
silencieux, que notre corps et nos cellules auraient enregistré, mais que
notre mémoire consciente aurait oublié. L'histoire du pain à l'envers
illustre bien le cycle des répétitions inconscientes que nous réalisons,
poussés par un je-ne-sais-quoi physique plus fort que nous.
Mais alors, d'où provient cette malédiction du pain à l'envers? Il faut
remonter au Moyen Âge pour avoir la réponse  : afin d'éviter les
règlements de compte sauvages et les tueries dans les provinces, les
seigneurs instituèrent une nouvelle charge, celle du bourreau. Celui qui
acceptait de prendre cette charge recevait une petite pension et un
insigne précis. Vêtu de rayures, car «  rayé  » de la société, il portait un
vêtement vert et rouge, pour évoquer le diable et le sang. Il était celui qui
exécute, il était aussi celui qui fait régner la justice. Il était à la fois
nécessaire à la paix des villages et porteur de mort. Personne ne voulait
entrer en contact avec lui, c'est pourquoi les commerçants lui gardaient
sa nourriture à part, et le boulanger lui gardait son pain, à l'envers sur
l'étalage, afin que personne ne confonde sa miche avec celle des autres.
Et si par malheur on touchait ce pain mis à l'écart, on traçait une croix
sur la croûte.
Cette charge était si lourde à porter que les familles de bourreaux se
mariaient le plus souvent entre elles. En 2007, Fernand Meyssonnier s'est
éteint. Il était issu d'une famille de bourreaux. Lorsque la peine de mort a
été abolie, en 1981, il s'est retrouvé au chômage. Impossible pour lui de
continuer à perpétrer et répéter cette funeste tradition familiale. Il s'est
alors mis à collectionner… des objets de torture.

1. J'ai lu, 2003.


2. L'épigénétique étudie comment s'exprime le patrimoine génétique en
fonction du contexte vécu.

25
3
Descendre dans la matière

« Tout vit, tout agit, tout correspond. »

Gérard DE NERVAL

La matière  : c'est là que tout se passe. Voici quelques exemples


d'expériences scientifiques qui en sont la preuve.
Des chercheurs de l'université de Genève ont analysé le sang de
personnes ayant subi un traumatisme important  : viol, tremblement de
terre, guerre, maltraitance. Ils ont découvert que ces épisodes
malheureux ne laissent pas seulement des cicatrices sur notre peau. Notre
ADN s'en trouve modifié. Or cette modification se retrouve jusqu'à trois
générations ou plus après le drame. Et très souvent, c'est la troisième
génération qui porte la trace la plus importante, alors que le souvenir
conscient s'est parfois effacé. La matière présente une capacité de
mémorisation absolument infinie, car elle se passe de mots.
À ce sujet, une étude a été réalisée en Suisse par des chercheurs de
l'université de Genève, avec le Dr Ariane Giacobino, sur une famille où
une jeune fille avait été violée par son propre père. Personne ne l'avait
su, et l'épouse ne se doutait pas que le père était incestueux. Un fils était
né de ce viol. On a retrouvé des traces de modification de l'ADN sur la
fille et la petite-fille du fils né du viol. L'étude montre également que si
la petite-fille travaille sur son vécu et sur son passé, l'ADN peut être
modifié à nouveau et se transmet sur les trois générations. Incroyable,
non ?
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, résume ainsi ces expériences : « Les
neurosciences montrent que lorsque les parents sont et restent
traumatisés, ce choc se transmet, même en silence. »
En écrivant ces lignes, je me revois dans mon cabinet recevant un
couple de jeunes patients qui venaient de se marier. Ils étaient tous deux

26
en grande souffrance car ils se disaient très amoureux l'un de l'autre, et
pourtant le jeune marié ne comprenait pas pourquoi le soir de ses noces
et plusieurs mois après, la jeune femme se refermait totalement au
moment du passage à l'acte sexuel  : elle refusait cet acte sans qu'elle
sache pourquoi, mais son corps, lui, le savait. Elle pleurait en disant :
«  Je ne peux pas, je ne peux pas et je ne comprends pas.  » Malgré
toute sa tendresse et sa patience, le jeune marié n'arrivait à rien. Il
pleurait aussi. Après les avoir bien écoutés, j'ai demandé à la jeune
femme de questionner sa mère, pour savoir si elle voulait bien lui parler
de sa première relation sexuelle. Dix jours après, elle est revenue
totalement bouleversée et elle m'a dit  : «  C'est incroyable, quand j'ai
demandé à ma mère comment elle avait vécu la première relation
sexuelle de sa vie, ma grand-mère, qui était présente dans la cuisine, m'a
entendue, et elle s'est écriée : »Mais de quoi parlez-vous? C'est moi, c'est
moi qui ai été violée.» Et ma grand-mère a raconté son viol en pleurant.
Elle ne l'avait jamais dit à personne. Ma mère est tombée des nues, car
elle ne connaissait pas cette histoire, et elle n'avait aucun problème dans
ce domaine. »
La jeune mariée, au moment de se donner à son mari, ressentait dans
son corps toute la méfiance et toute la peur d'une relation physique. Cette
peur était enregistrée au plus profond de sa matière. Après un an de
travail, ils m'ont envoyé une carte magnifique avec un beau bébé.
DESCENDRe DANS LA MATIèRe

Francine et ses patients

Francine est médecin, pneumologue et allergologue. Elle vient avant


tout à ma rencontre pour aider ses patients. En effet, après des années de
pratique en médecine traditionnelle allopathique, elle se pose une
question récurrente : lorsqu'on dit à quelqu'un qu'il faut arrêter de fumer,
pour sauver sa vie, pourquoi s'obstinet-il et ne suit-il pas ce conseil?
Pourquoi une personne en surpoids met-elle sa santé en danger alors que
son médecin lui explique qu'il est impératif pour sa survie de perdre 30
kg? Face à ces réactions, Francine se sent démunie. Aucun médicament
ne vient à bout de ces comportements totalement déraisonnables. Alors
qu'elle commence à s'intéresser à la mémoire cellulaire, Francine voulait

27
avant tout comprendre, analyser, décortiquer, pour ensuite « convaincre »
ses patients. C'était déjà un grand pas. Mais ce n'était pas suffisant, car
aucun patient n'allait
«  adhérer à toute cette théorie  », pas plus qu'aux sages conseils
médicaux du type « bougez, arrêtez de fumer, et perdez du poids ». Elle a
compris qu'il était important de passer de la théorie à la pratique, et de
vivre tout cela dans son propre corps. Plus facile à dire qu'à faire, me
direz-vous, et pourtant c'est arrivé.
C'est au cours d'un stage en groupe que Francine a réalisé à quel
point il était important pour elle de lâcher le mental, de décrocher de
l'analyse.
Je l'avais confrontée à une autre patiente, qui, dans cet exercice,
représentait simplement le propre obstacle que nous sommes pour nous-
mêmes. Au cours de l'exercice, Francine devait se heurter physiquement
à elle-même, et repousser l'autre. Elle a tout à coup réalisé à quel point
elle utilisait la force dans ce moment particulier. Cette force s'est
exprimée avec une telle puissance, que Francine a été prise d'un malaise.
Elle s'est ensuite mise à pleurer sans réellement savoir pourquoi. Son
corps, lui, savait. C'était « sorti » : le passé de sa famille, le vécu de sa
naissance, il avait commencé à s'exprimer! Depuis, les choses se mettent
peu à peu en place pour Francine. La philosophie du « marche ou crève »
ne domine plus sa vie. Elle a déposé cette force épuisante sur le bord de
la route. En voulant aider ses patients, elle a réalisé au plus profond de
son corps qu'elle pouvait aussi et surtout s'aider elle-même  : elle a
ressenti la force de la matière lorsque le mental a cédé. Son approche
avec ses patients s'est transformée.

28
4
S'autoriser à changer

« Venez jusqu'au bord. Nous ne pouvons pas, nous avons peur.

Venez jusqu'au bord. Nous ne pouvons pas, nous allons tomber.

Venez jusqu'au bord. Et ils y sont allés. Et il les a poussés.

Et ils se sont envolés. » Christophe LOGUE

Plonger en soi n'est pas un chemin facile. On avance, on recule, on


repousse cette étape par tout un tas de prétextes qui viennent de la tête
alors que notre corps nous invite à progresser en nous envoyant des
messages… Vous vous dites peut-être  : « Après tout, je ne vais pas si
mal, je ne suis ni droguée, ni à la rue, alors plonger en eaux troubles pour
un petit mal de dos, ce n'est pas vraiment nécessaire… », ou encore : « Je
suis bien trop vieille pour réfléchir et ressentir tout ça, ça va me faire une
belle jambe de savoir que j'ai gâché ma vie… », ou bien encore : « De
toute façon, si c'est la fatalité, cette histoire de répétitions et de cellules,
eh bien, autant ne pas le savoir, qu'est-ce que j'y peux…  » et surtout  :
« C'est sûr, ça fait un moment que je suis fatigué et déprimé, mais c'est
une mauvaise passe… »
Bref, votre tête freine des quatre fers et une foule de questions
bouillonnent dans votre marmite. Ah! Les fameuses bonnes excuses qui
vous sont si utiles pour ne surtout pas avancer… Arrachons plutôt le
sparadrap d'un coup sec et regardons la plaie bien en face.

Après tout, je ne vais pas si mal…

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Aller mal, c'est tellement bon… Et j'en sais quelque chose ! Enfant,
j'avais des otites à répétition et je souffrais atrocement. Mais grâce à
cette douleur, je pouvais espérer me faire un tout petit peu cajoler. Et
c'était si rare. Patrick, qui vient consulter, se plaint quant à lui
continuellement de son surpoids. Il est vrai qu'il passe son temps à
grignoter entre les repas, c'est plus fort que lui. Mais lorsqu'il était
enfant, n'est-ce pas grâce à cette mauvaise habitude qu'il parvenait à
échapper à son père, qui, à l'heure du dîner, ne manquait pas d'être cruel
avec lui  ? En prétextant qu'il n'avait pas faim, il évitait ainsi son
courroux. Grignoter entre les repas lui a donc permis de survivre pendant
des années face à une situation qui était pour lui invivable.
Certaines douleurs nous aident à en supporter d'autres, bien plus
profondes, bien plus indicibles. Le plus souvent, nous n'en connaissons
même pas la source, mais nous nous disons qu'il vaut mieux ne pas trop
«  gratter  » pour voir ce qu'il y a en dessous, même si nous savons au
fond de nous que ce serait la meilleure chose à faire. Nous préférons
donc avancer avec la béquille de notre choix  : surpoids, maladie
chronique, phobies… et nous nous persuadons qu'il ne peut pas en être
autrement.
En effet, ôter la béquille demande du courage, même si nous
détestons cette béquille. Paradoxalement, nous devons apprendre à ne
plus la détester et accepter ce qui est. Oui, nous avons une béquille. C'est
un fait. Regardons-la, considérons-la. Nous pouvons commencer par la
remercier de nous avoir aidés dans des moments difficiles. Face à un
vide affectif, face à un père maltraitant, lorsque nous étions enfants,
notre corps nous a aidés, il a trouvé une parade, et nous pouvons lui dire
merci. Mais à présent nous sommes adultes. Patrick n'est plus confronté
à son père agressif tous les soirs, mais il continue à grignoter, et son
surpoids le fait souffrir. Il a compris avec sa tête, mais son corps ne le
sait pas encore. C'est l'ignorance qui crée la souffrance, dit Bouddha. Son
médecin l'a averti  : «  Si vous continuez ainsi, vous allez tomber
malade.  » Et pourtant il continue. Alors, ce qui l'a aidé autrefois à
survivre lui nuit aujourd'hui, et le mal empire.
Lorsque la petite Myriam que j'étais est entrée dans l'âge adulte, les
otites n'ont pas suffi à exprimer mon mal-être et le cancer a pris le
relais… Jusqu'à ce que la vibration de bonheur et de légèreté s'empare
imperceptiblement de mon corps. Et pour y arriver, c'est un vrai chemin.

30
« Ça ne fonctionnera pas sur moi, je ne
connais pas mes ancêtres ! »

«  De toute façon je ne connais pas mes ancêtres.  » Telle est la


réaction de Stéphanie, qui entend parler pour la première fois de la
«  mémoire cellulaire  ». La démarche pique son intérêt, mais elle est
certaine que « ce n'est pas pour elle », puisqu'elle est née de père inconnu
et que sa maman est décédée. Impossible, par conséquent, d'interroger
ses aïeux ! Il est vrai que Stéphanie ne pourra plus jamais entendre avec
des mots l'histoire de sa naissance, elle ne connaîtra jamais le nom de
son père. Mais son corps détient toutes les mémoires de sa famille. Si
elle travaille sur sa grille de vie, dont nous expliquerons plus loin le
fonctionnement, elle pourra retracer les grands événements qui sont
survenus et en observer les répétitions. Maladies, accidents, mariages,
divorces, date d'indépendance financière, dates anniversaires… Si la tête
ne le sait pas, le corps parlera et l'information viendra.

« C'est la fatalité, qu'est-ce que j'y peux ? Je


préfère ne pas savoir ! »

«  Franchement, s'exclame Bernadette, si tout cela est vrai, cela


signifie qu'on peut deviner ce qu'il va se passer dans les années à venir
et, si tout se répète, cela signifie que je vais mourir comme ma mère et
ma grand-mère  ? Non mais franchement, si vous saviez que la date de
votre mort était écrite sur un morceau de papier glissé dans une
enveloppe, si cette enveloppe était posée là, sur la table, est-ce que vous
l'ouvririez  ? Je préfère ne pas savoir combien il me reste de temps à
vivre  ! Sinon, on est pire qu'un condamné à mort  !  » La peur que l'on
peut ressentir face à la découverte des répétitions vécues par sa propre
famille et gravées dans sa propre vie peut effectivement être très
importante. Comme le dit Bernadette, « ça fait froid dans le dos ».
Mais dans notre démarche, le but n'est certainement pas d'essayer de
deviner le destin ! Ce n'est pas le but! Le but est de trouver à travers ce

31
destin, notre chemin. En effet, la fatalité nous accable si l'on s'en tient à
la constatation des répétitions. Couche après couche, nous nous mettons
en relation avec les sensations du corps qui révéleront la souffrance
initiale. Tout ce qui ne vient pas à la conscience nous revient sous forme
de destin. Et seul le corps peut aider la conscience si nous voulons tracer
notre propre chemin.
Alors, oui, il y aura des moments délicats, des instants d'intense
émotion, mais si on accepte de toucher totalement cette difficulté en la
ressentant, si l'on apprend à écouter le corps, nous verrons de la lumière
au bout du tunnel, et ce ne sera certainement pas la fatalité !

« En gros, c'est ma faute si je suis malade ? »

Véronique ressent un élan en elle qui la pousse à faire un travail,


mais elle se dit aussi : « Si je suis malade, en gros, c'est ma faute, car je
n'ai pas su écouter mon corps. Donc, qu'est-ce que ça va m'apporter à
part culpabiliser à mort sur ce qui m'est arrivé ? Quoi d'autre, en fait, que
de m'enfoncer un peu plus ? J'ai eu un cancer, et en plus, c'est moi qui me
le suis créé. Il y a de quoi se mettre en colère et crier à l'injustice. Non
seulement ça m'arrive à moi, mais en plus c'est moi qui dois faire tout le
boulot pour remonter à la surface, reprendre ma respiration, puis plonger
dans mon corps pour voir ce qui s'y trame et ce qu'il a à me dire. Il y a de
quoi hurler, jeter l'éponge. Et poursuivre son destin en se bouchant les
oreilles. »
Mais si vous en êtes là de votre réflexion, il serait dommage de vous
arrêter en si bon chemin, car vous avez déjà ouvert la porte la plus
délicate  : celle de l'acceptation. Si vous ressentez de la colère, cela
signifie que tous ces mots que vous venez de lire résonnent en vous. Et
bien plus fort que vous ne voulez vous l'avouer, puisque votre corps fait
«  caisse de résonance  » et semble vous dire  : «  Allez, bon sang,
pousse donc cette porte, arrête de réfléchir, et arrête de subir, prend ton
destin en main, et va chercher le sens de tout cela au fond de toi. Car au
fond de toi tu sais très bien que tout cela n'est pas arrivé par hasard.
Alors, oui, ton ressenti est le bon. Et maintenant, prends la responsabilité
de ton corps en l'écoutant de plus en plus, il connaît le chemin. À
présent, avance, et plonge plus avant dans ce que te signifie ta chair. Un

32
cancer? OK. Lequel ? À quel endroit de ton corps ? À quel moment de ta
vie ? Quel coup de frein sur ta vie as-tu dû opérer à cause de la maladie?
Quel écho cette maladie fait-elle dans ton histoire familiale ?
Tu ne sais pas ? Vraiment pas ? Tes parents ont-ils été malades ? Tu
ne veux pas l'écrire ? Tu ne veux pas noter toutes les similitudes que tu
connais très bien mais que tu ne veux pas voir ? »
J'ai tout à fait conscience que ces quelques lignes peuvent vous
sembler un peu violentes. Respirez. Cette sensation est tout à fait
normale. La descente dans le corps ne s'opère pas en un jour. Il n'y a pas
de miracle, pas de baguette magique, et surtout pas de petite pilule rose
cache-misère. Le grand secret, c'est la prise de responsabilité.

« Je suis trop vieille, à quoi bon ? »

Je suis une vieille dame, et je pourrais tout à fait penser


«  À quoi bon  ?  » En effet, nous nous voyons de jour en jour tout
perdre : la vue, la marche, l'ouïe… C'est dans le corps que l'on perd tout
cela. Alors vous avez raison : à quoi bon ? Si vous effectuez ce chemin,
quel que soit votre âge, vous ne considérerez plus les événements vécus
de la même façon, vous les lirez avec tellement de connaissance que le
mot regrets ou les expressions du type «  j'ai raté ma vie  », seront
totalement obsolètes. On avance. Vous avancez et peu à peu vous vous
libérez et vous vous redressez. Tout fait sens : nous en reparlerons dans
les derniers chapitres de ce livre. Pour faire basculer cet « à quoi bon », il
faut avoir le courage de découvrir une autre façon d'envisager la mort.
Vous allez peu à peu vous rendre compte que votre travail au cœur
des cellules n'a pas simplement pour but de vous sentir « juste un petit
peu mieux dans la vie  ». Cela va bien plus loin si vous acceptez
simplement chaque goutte de votre existence.

« Ça fait déjà deux ans que je travaille sur


moi, j'ai l'impression que rien n'avance ! »

33
Marius a cinquante ans. Il est venu consulter pour des problèmes
d'érection. Cela fait deux ans que nous travaillons ensemble et Marius se
décourage, car il n'a pas pris le temps d'observer tous les petits pas que
nous avons accomplis. Tout d'abord, nous sommes allés rechercher la
cause première de son mal-être, et nous avons découvert ensemble
comment son désir avait été castré à l'âge de trois ans et à l'âge de dix
ans. Mais le travail n'est pas terminé. Marius doit à présent faire un long
chemin de rééducation en osant enlever la béquille qu'il utilise depuis des
années : le viagra. Derrière cette petite pilule magique se cache la peur
de décevoir sa femme, et derrière son impatience se cache la suite de la
route  : celle où il va peu à peu laisser le désir revenir dans son corps.
Mais il doit tout d'abord accepter de se voir sans désir, puis de laisser
venir le désir par lui-même. C'est une étape indispensable. Patience,
donc…

34
5
Découvrir la méthode

« Savoir pour le corps, c'est pouvoir faire. »

MèRE

À l'insu de notre mental, des informations circulent, se cristallisent


dans notre corps et la mémoire cellulaire ne s'intéresse qu'à cela. C'est la
seule mémoire réelle et fiable.
Aussi ai-je mis au point une méthode, une manière d'accompagner les
personnes qui viennent me voir. Je les aide à écouter leur corps et à
libérer leur mémoire pour qu'elles puissent aller mieux. J'ai compris et
vérifié mille fois à quel point notre mémoire était inscrite dans notre
chair. Pour cette méthode, j'ai choisi différentes approches : ce sont les
outils. Nous en parlerons plus en détail dans les chapitres suivants.
Le but de la méthode est de plonger au plus profond de cette
mémoire pour découvrir quelle est la souffrance originelle qui est
engrammée et gravée dans notre corps de chair.
La méthode est concrète et réelle, car elle se vérifie dans le corps et
par le corps uniquement. La tête s'empare du vécu, mais elle ne peut rien
faire d'autre que de se raconter des histoires pour expliquer et se rassurer.
« Notre corps ne ment jamais », écrit la psychanalyste Alice Miller.
Avec la méthode, on écoute le patient et on lui fait raconter son
histoire en essayant d'être déjà attentif aux répétitions des événements de
sa vie. Lui-même n'en a pas encore pris conscience. Chaque petit pas que
nous allons effectuer ensemble représente une partie de la méthode, et
aucun petit pas ne peut être remplacé par un autre. Autrement dit, tous
les outils que nous allons développer dans les chapitres suivants sont
complémentaires, et aucun n'est «  meilleur  » qu'un autre. Ils vont
simplement constituer un faisceau de preuves qui va vous révéler ce que

35
votre corps veut vous dire. À votre rythme, vous allez progressivement
voir, accepter et accompagner votre transformation.
Nous allons découvrir ensemble les outils  : la grille de vie, la bio-
résonance cellulaire… Vous pouvez considérer ces outils un par un. Et
vous ferez de petits pas en avant. Mais pour entrer réellement dans la
méthode, il vous faudra les accepter dans leur globalité, car c'est avec ce
faisceau de preuves que vous accomplirez un grand pas. Ces preuves
sont autant d'indices de ce que votre corps a à vous dire. La méthode va
plus loin encore et peut vous permettre d'accomplir un pas de géant  :
vous allez plonger dans la matière à condition d'écouter tous les ressentis
qui y conduisent. Cela vous libérera du mental et vous fera entrer dans
une plus grande conscience.
Le praticien est un accompagnant qui, dans les dédales de cette
mémoire du corps, va vous guider grâce aux outils pour que vous-mêmes
trouviez, sans vous perdre, le sens profond de votre mémoire du corps. Il
va vous empêcher de tourner en rond! Tout un livre ne remplacera pas ce
tête-à-tête si important avec un praticien. Mais il est cependant possible
de commencer à réfléchir sur soi tout en douceur, et d'apprendre à
écouter son corps afin de connaître peu à peu son chemin pour se libérer
de ce destin-fatalité qui semble nous coller à la peau.
Pour mieux me faire comprendre, je vais prendre un exemple très
simple, et vous allez essayer de vous situer dans cette évolution qui est
en marche. Voici la vie d'Anne, quarante ans. Elle souffre de mycoses et
elle vit au xxIe siècle dans un pays dit « développé ».
Voilà, on ne peut pas faire plus terre à terre  : Anne a des mycoses.
Dans la bouche, dans le vagin, sur les pieds. Ça gratte, ça démange, c'est
épuisant.

Épisode 1 : refus d'obstacle

Anne se gratte, mais préfère « faire avec ». Elle ne se rend pas chez
le médecin. Elle attend que les mycoses aient envahi tout son corps et
c'est alors qu'elle rend les armes :
«  C'est bon, tu as gagné, je vais t'écouter.  » Enfin, façon de parler,
puisqu'elle se rend chez le médecin avec une attente précise  : elle

36
demande à son docteur de faire taire son corps. Il lui prescrit des
pommades et des médicaments antifongiques qui font leur petit effet en
matière de silence. Mais ce n'est que partie remise. Dès qu'Anne stoppe
les pommades et les pilules, et se croit guérie, patatras, voilà que ses
mycoses reprennent de plus belle. Et cette fois c'est pire, elles ont même
atteint le visage. De pommades en cachets, Anne se désespère et son
corps parle de plus en plus fort.

Épisode 2 : refus d'obstacle partiel

Sur les conseils d'une amie, Anne se rend chez une naturopathe en lui
demandant de lui prescrire des plantes médicinales douces pour régler
son problème. Le naturopathe s'exécute, mais l'avertit : si Anne ne trouve
pas la cause profonde de ses mycoses, les plantes ne pourront pas l'aider,
car elles ne sont qu'une béquille.

Épisode 3 : acceptation partielle

Anne se rend chez le psychologue et explique son problème. Après


un an à discuter de sa vie, elle parvient à expliquer ses mycoses par le
stress qu'elle subit au quotidien dans son travail. Son boss la harcèle.
Anne change de travail. Elle est soulagée, elle dort mieux, mais les
mycoses sont toujours là.

Épisode 4 : et si le corps parlait ?

Au détour d'une conversation avec cette même amie qui lui avait
conseillé de consulter une naturopathe, une phrase fait sens  : «  Les
mycoses, ce sont des champignons. Tu ne t'es jamais demandé ce qui

37
pourrit en toi ? » Cette remarque résonne très fort en elle. Anne ressent
une immense colère. Elle en veut terriblement à son amie. Puis elle
réalise que son corps tente désespérément de lui dire quelque chose.
Jusqu'à présent, elle avait tout fait pour le faire taire ou elle avait parlé à
sa place.

Épisode 5 : la peau crie plus fort encore

Anne se décide enfin à écouter sa peau. Elle s'inscrit à un cours de


yoga, passe du temps chez l'esthéticienne et s'offre des séances de
massage. Cela lui fait un bien fou ! Les mycoses sont apaisées quand elle
sort des séances, mais elles reviennent peu à peu, par vagues.

Épisode 6 : les mémoires du corps

Anne décide de se plonger dans la mémoire de ses cellules. Elle se


documente, elle lit beaucoup et elle commence à interroger son
entourage sur les événements de sa famille, la vie de ses ancêtres. Elle
les note, mais elle sent que ces avancées ne sont pas suffisantes. Sa tête
réfléchit… et son corps la démange.

Épisode 7 : le corps montre le chemin

Anne pousse la porte d'un cabinet en mémoire cellulaire. Elle est


rassurée, car elle prend conscience que toutes les étapes par lesquelles
elle est passée auparavant étaient nécessaires pour qu'elle arrive ici,
maintenant, à ce moment précis où elle est prête à regarder bien en face
ce que son corps a à lui dire. Sans parvenir à expliquer pourquoi, Anne
se sent pour la première fois sur son propre chemin.

38
Épisode 8 : pas à pas dans la chair

Anne se rend aux différentes séances et elle a le sentiment que, grâce


aux outils de cette méthode, son corps avance à grands pas. Chaque
découverte fait écho à d'autres expériences de son passé. Mais elle en
veut à ses parents pour la naissance et l'enfance difficiles qu'ils lui ont
fait subir. Il y a des crises plus fortes que d'autres, même si, globalement,
plus elle en apprend sur elle, plus sa peau semble apaisée.

Épisode 9 : adieu colère

Anne réalise que ses parents n'y sont pour rien… Ils sont seulement
responsables de ce qu'elle a bien voulu vivre. Elle prend conscience que
c'est elle qui a choisi de descendre dans la matière pour faire vivre une
expérience à son âme. Cette expérience était indispensable afin qu'elle
trouve son chemin. Elle commence peu à peu à se demander : « Mais qui
suis-je au fond, quand je ne me gratte pas les bras, quand je ne cours pas
après les médecins, quand je ne suis pas en colère contre mon amie,
quand je ne reproche pas à mes parents et à mon boss de me faire
souffrir ? » Grâce au travail de mémoire cellulaire, elle découvre la cause
réelle de ses symptômes  : lorsqu'elle était enfant, Anne a assisté,
impuissante, à une scène violente au cours de laquelle sa mère tentait
d'avorter. Anne commence à aller beaucoup mieux.

Épisode 10 : le ressenti de la matière

En elle, Anne se sent prête à ouvrir le livre des mystères. Elle accepte
ce ressenti de vibration qui relie chaque élément de la matière. Elle ouvre
les yeux et elle regarde autour d'elle les camarades de son ancien jeu. Ils
courent tous dans la même direction. Un destin similaire, la route de la

39
fatalité. Chaque jour, ils consomment. Ils sont en colère contre
quelqu'un, ils achètent, ils courent après un dû, ils en veulent parfois à la
terre entière. Ils s'épuisent. La plupart du temps, ils consomment toujours
plus d'énergie sans jamais réfléchir une seconde au sens de cette énergie.
Le reste du temps, ils allument la télévision, ils dorment ou ils prennent
des cachets pour dormir, ce qui revient à peu près au même. Et ils rêvent
au paradis : le paradis des vacances, le paradis de la retraite, le paradis
dans l'au-delà.
Et Anne se demande alors  : «  Cette énergie qui nous est offerte et
dont je fais partie, cette vibration si forte que je ressens, et si je l'utilisais
autrement, afin d'accompagner mon évolution et l'évolution de toute
l'humanité ? »
Voilà, tout cela, c'est le fruit de la méthode. Anne vient d'en prendre
conscience, en suivant doucement le fil où l'ont conduite les différents
outils. À l'instant où j'écris ces lignes, je ne peux pas savoir quel épisode
de votre vie vous êtes en train d'écrire  : il n'y a que vous qui pouvez
décider d'avancer. C'est à vous de choisir. Soit vous subissez le destin,
soit vous avancez sur votre chemin. Le secret est en vous.

40
6
Voir, accepter, transformer

« Tu ne peux pas tout enseigner à un homme, tu peux

seulement l'aider à le trouver en lui. »

GALILéE

Lorsqu'il vient me voir pour la troisième fois, Simon est très agacé
car il trouve que «  ça ne va pas assez vite  ». J'essaie alors de lui faire
comprendre que mon rôle est de le guider, pas de lui donner une formule
magique ou une pilule miracle. Il doit accepter de passer chacune des
étapes au rythme de son corps. Le cheminement du travail s'effectue peu
à peu et il est impossible de « sauter » une des étapes : ces trois étapes
sont voir, accepter, transformer. Voici ce que contiennent ces différents
stades.

Se voir « en train de »

Au cours de notre vie, nous avons tendance à répéter des actes qui
engendrent des souffrances et des symptômes. Dans cette étape, nous
allons peu à peu prendre conscience de ce que nous faisons d'une façon
automatique.
Par exemple, Luc vient consulter, il est épuisé, et il explique qu'il ne
peut pas s'empêcher de boire. C'est plus fort que lui. Il doit donc d'abord
se voir en train de boire
pour passer à l'étape suivante.

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Accepter et ressentir

À ce stade, nous acceptons de prendre conscience de nos actes


machinaux, nous ressentons ce que cela nous fait, et nous l'acceptons
pour peu à peu transformer notre souffrance. Si nous voulons sortir de
notre schéma ou d'un comportement, il faut d'abord y entrer à fond !
Pour reprendre l'exemple de Luc, il doit accepter son alcoolisme et se
plonger dans son ressenti : qu'est-ce que ça lui fait dans sa vie réelle et
concrète ? Se sent-il isolé ? A-t-il mal à l'estomac ? Est-il repoussé par
les autres ? Que se passe-t-il dans son corps lorsqu'il boit ?

Transformer et réinformer

Lorsque nous touchons à notre blessure initiale, nous ouvrons des


portes sur notre propre liberté. Nous mettons en place une autre façon,
choisie, de se comporter pour initier la transformation et apprendre à
notre corps à agir d'une autre façon.
Nous trouvons notre chemin. Nous ne subissons plus notre destin.
Ici, il n'y a pas de carte topographique à lire car nous sommes la carte.
Nous allons ressentir au fond de nous cette énergie vitale libérée, bien
plus puissante que toute l'énergie que nous mettions pour camoufler
notre blessure. En nous s'opère alors un basculement profond, que nous
appelons un « retournement ». Une petite flamme émerge… Mais encore
une fois, ce retournement ne s'effectue pas en une heure, et le travail est
long. Jour après jour, on a la sensation de remonter à la surface et d'être
envahi par une lumière infiniment plus grande que nous. Chacun à sa
façon, nous reprenons notre route et nous choisissons notre voie.
Dans le cas de Luc, je suis allée chercher avec lui la première fois où
il avait bu. En poussant plus loin, nous avons découvert que Luc agissait
comme son père et son grand-père, qui buvaient aussi. Nous avons
recherché les causes profondes de cette addiction, qui prenait sa source
dans un problème sexuel familial. En nous penchant sur sa sexualité et

42
sur les causes profondes de son absence de désir, il a peu à peu cessé de
s'alcooliser.

Marie n'accepte pas ce qui lui arrive

Marie a quarante-cinq ans. Elle a deux enfants : Jean, âgé de douze


ans, et Louis, dix ans. Louis est handicapé depuis sa naissance. Il ne
parle pas, communique très peu, et il épuise ses parents par un
comportement totalement insociable. Marie arrive dans mon cabinet et
elle parle beaucoup. Elle me raconte son histoire, celle de sa famille.
Chacun de ses mots est empreint d'une grande colère. Ce qui lui arrive
est injuste, elle en veut également à son mari et aux éducateurs qui ne
reconnaissent pas les capacités intellectuelles de son fils. Elle refuse
d'ailleurs de le placer dans un institut spécialisé, car elle ne veut pas qu'il
soit «  stigmatisé  ». Elle se bat depuis huit ans pour qu'il poursuive un
cursus scolaire normal, dans une école normale. Marie est totalement
épuisée car elle a le sentiment que toutes les portes se referment et que
personne ne veut l'aider. Je résume la situation avec elle : son fils ne sait
ni lire, ni écrire ni parler, il a besoin d'une aide permanente à ses côtés
pour canaliser son comportement insociable, mais elle est en colère car
aucun établissement ne veut de lui en sixième. À ce stade, je demande à
Marie d'accepter sa colère. Je lui demande d'accepter le fait que c'est de
cette façon qu'elle accueille la mauvaise nouvelle  : «  Mon fils est
handicapé. J'ai décidé d'accueillir cette nouvelle avec colère et je refuse
cet état de fait. Je vais me battre. »
En progressant en douceur dans le travail en mémoire cellulaire,
Marie va comprendre peu à peu qu'il y a plusieurs façons de se battre.
Lutter contre la réalité en est une, c'est la première «  réaction  ». Marie
prend conscience qu'elle épuise son énergie vitale à se battre contre son
mari qui ne pense pas comme elle, contre l'Éducation nationale ou les
psychologues qui lui disent ce qu'elle ne veut pas entendre. Accepter est
un chemin, et ce n'est pas le plus facile. Plus Marie progresse dans cette
voie et plus son fils s'épanouit à son tour. Il ne sait toujours pas lire, et il
ne saura sans doute jamais. Mais il est aujourd'hui capable de nouer des
liens avec d'autres enfants, il prononce quelques mots et il se passionne
pour le jardinage, passion que sa maman avait jusque-là dénigrée car
l'important était qu'il « apprenne à lire », envers et contre tout.

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« C'est plus fort que moi, il faut que je… »

Observez vos habitudes, notez celles qui vous dérangent. Par


exemple, le fait d'acheter de façon compulsive.
• C'est plus fort que moi, il faut que je………………………………
• Que ressentez-vous dans votre corps au moment précis où vous ne
pouvez pas vous empêcher de ………………………………?

44
7
Lâcher la tête, laisser parler le corps

« Tenir bon. Jusqu'à l'écœurement, Jusqu'au retournement, chair broyée,

Os rompus, chute dans le Rien, seul à même De réinventer le Tout. Tenir


bon. »

François CHENG

Imaginons que vous êtes dans une sorte d'immense aquarium rempli
aux trois quarts. Vous êtes une grenouille et vous nagez la brasse à la
surface. À l'intérieur de cet aquarium, il y a une échelle. Vous connaissez
la réaction de la grenouille que l'on dépose au fond d'un récipient… S'il
se met à pleuvoir, elle va gravir les barreaux de l'échelle et elle va sortir
se promener. Eh bien vous, vous allez effectuer le trajet inverse. Il s'est
mis à pleuvoir des épreuves sur votre vie et vous voulez comprendre
pourquoi. Vous êtes tout en haut, sur le premier barreau de l'échelle.
Vous tournez et retournez les événements dans votre tête. Vous tentez
désespérément de les analyser. Vous nagez en rond dans l'aquarium, sans
oser plonger pour aller remuer la vase au fond. Vous savez avec votre
tête que ça ne va pas, et pourtant ça n'avance pas. Tant que vous n'invitez
pas votre corps à participer, ça n'avancera pas…
En fait, vous êtes comme un gamin de la campagne qui aurait appris
qu'à New York les buildings sont immensément hauts. Il le sait. Mais il
n'a pas ressenti leur hauteur. Il n'a jamais ressenti dans son corps le
vertige. Aujourd'hui, vous en êtes peut-être à ce stade où vous savez les
choses et les événements grâce à votre tête. Vous êtes capables
d'expliquer tout ça : A + B = C. Vous parlez comme un livre, mais votre
corps ne suit pas. Vous dites : « Oui, je sais » avec la tête, et votre corps
continue à dire : « Non, pas du tout! » de toutes ses forces.
Vous allez descendre chaque barreau de l'échelle jusqu'à ce que votre
corps vous donne la clef. C'est lui qui la détient. Laissez-vous porter à

45
l'intérieur de vous-mêmes.
Mais alors, comment descendre à l'intérieur de la matière  ? Nous
allons plonger dans ce que Mère appelle le « bocal », il va nous falloir
avancer peu à peu, voir et traverser chaque couche, puis se cogner enfin
au mur, pour toucher là où la douleur est engrammée.
C'est à ce moment de votre exploration que l'aide d'un praticien est
indispensable. Je dis bien « praticien » et non
«  thérapeute  », car la personne qui vous accompagne en mémoire
cellulaire n'est pas là pour vous soigner, mais pour vous faire
expérimenter par la pratique cette descente dans le corps.
Sur chacune des couches sont gravées et empilées des blessures que
nous parvenons parfois à décoder. Par exemple, on sait qu'on a été
victime d'un père maltraitant… On le sait avec sa tête : on reste alors à la
surface du bocal, dans la première couche, celle du mental intellectuel,
sans réussir à effacer ce tatouage indélébile qui nous fait si mal et qui fait
que nous réagissons toujours avec autant d'émotion dans notre quotidien
face à la maltraitance. Rien qu'avec la tête, uniquement avec la tête,
impossible de «  désengrammer  » totalement une souffrance et de
« désimprimer » cette blessure.
Voici les différentes étapes par lesquelles vous allez passer peu à peu.

Les mortelles habitudes

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Vous constatez vos schémas répétitifs, ce que la Mère nommait les
« mortelles habitudes » : oui, dans votre vie, des épisodes similaires se
répètent et vous réagissez toujours de la même façon. Vous faites le lien
avec les schémas répétitifs de votre lignée familiale. Vous en prenez la
responsabilité.

Le mental intellectuel

Votre tête pense, réfléchit, rationalise, explique. Face à un


événement, elle dira  : «  J'ai peur parce que… Je suis en colère parce
que…  », et vous saurez alors que vous vous trouvez dans la partie du
« mental intellectuel » de votre bocal.

Le mental émotionnel

Les larmes vous envahissent et vous donnent envie de


«  tout jeter au panier  », vous regardez la situation bien en face et
vous vous sentez désespérés, découragés. Vous ne pouvez même plus
parler tellement vous pleurez. Vous êtes dans le mental émotionnel. Pour
vous apaiser, vous allez effectuer des allers-retours du mental intellectuel
au mental émotionnel. Infernal yoyo. Vous vous sentez comme une
mouche prisonnière dans ce bocal. Vous avez l'impression d'être plongés
dans une véritable « guerre dans le désert » : tout se bouscule en vous,
tout remonte à la surface, et vous avez le sentiment qu'il n'y a aucune
issue. Pourtant il va falloir en sortir. Mais surtout pas par le haut!
Plongez plus profond dans votre douleur et laissez parler le corps.
Courage, la lumière est au fond du bocal. Derrière l'émotionnel va surgir
l'émotion vraie.

Le mental sensoriel

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Les larmes s'apaisent. Comment est cette émotion quand vous la
ressentez  ? Fermez les yeux. Comment est-ce dans le corps  ? Chaud?
Froid ? Piquant? Acide ? Doux-amer ? Surtout, mettez de côté les « Je
pense que c'est dû à… » Vous l'aurez compris, cela vous ferait remonter
tout au sommet du bocal. Le praticien va vous guider pour ressentir
comment votre corps vous parle. À ce stade, il se peut que des flashs de
souvenirs remontent à la surface. Laissez-les affleurer sans chercher à les
analyser.

Le mur

Étape clef  : vous allez vous trouver face à une cristallisation de ce


qui n'a pas été traversé. Cognez-vous à ce mur ! Vous allez découvrir la
boîte noire qui est dans le mental… physique.

Le mental physique

Vous vous habituez peu à peu à être à l'écoute des messages de votre
corps. Où avez-vous mal ? À quel endroit précis ? Le dos? Le ventre ?
Vos mains tremblent-elles  ? À quel moment cette douleur s'est-elle fait
ressentir (cadre, situation, date…) ?
Vous voici à présent au fond du bocal et, avec une infinie patience,
vous réussissez enfin à décoder ce que votre corps veut vous dire, pour
vous trouver sur le chemin qui vous est propre.

La libération

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Que cherchez-vous au juste, tout au fond de ce bocal  ? Parce que,
avouez-le, le fait de remuer toute cette vase en vous, ce n'est pas
franchement agréable. Oui, mais, comme l'écrit si bien Marcel Proust,
«  on ne guérit d'une souffrance qu'à condition de l'éprouver
pleinement ». Vous y voilà ! Il vous a donc fallu la rejoindre, l'écouter, la
décoder et la revivre. Mais votre but n'est pas de rester tout au fond de ce
bocal  ! Votre but ici est d'en sortir  ! Vous avez balayé toutes vos
croyances limitantes, vous avez réconcilié la tête et le corps en traversant
l'empreinte de vos mémoires. À présent, le corps connaît. Vous l'avez
aidé à poser des mots sur ses blessures. Il est prêt à guérir. Il est donc
prêt à sortir des
« mortelles habitudes », car savoir pour le corps, c'est pouvoir faire,
et c'est se mettre en action.
Et voilà que le miracle se produit  : tout au fond de ce bocal, vous
allez trouver bien plus qu'un simple remède à vos petites misères.
L'empreinte douloureuse de vos mémoires freinait votre énergie vitale et
voilà que celle-ci est relancée peu à peu. Vous voici prêts, le corps et la
tête alignés, réunis. Et voici que vous découvrez votre pépite. Là, tout au
fond de ce bocal. Cette pépite est unique. C'est elle qui fait que vous êtes
vous, et pas un autre. Vous incarnez alors votre chemin dans une action
juste. Vous vous sentez libérés, car vous êtes vousmêmes! Vous cessez de
vous sentir tiraillés, vous comprenez ce que vous êtes venus faire dans la
matière. Vous allez avoir la chance de passer de l'autre côté : du côté de
la lumière.
Je voudrais clore ce chapitre avec une image, celle de l'art japonais
nommé kintsugi. Ceux qui le pratiquent réparent des vases brisés avec de
l'or. Ils ne cherchent surtout pas à camoufler la cicatrice des objets
cassés, ils la mettent en valeur avec de la poudre dorée. Cette technique
traduit toute une philosophie de vie et vous enseigne à accepter vos
épreuves, les réparer, pour vous relever emplis de lumière. Ce sont vos
blessures qui vous indiquent le chemin. Vous pouvez leur dire merci.
Grâce à elles, vous avez la chance de passer de l'autre côté, du côté de la
voie ensoleillée1.

Sylvie sait tout… avec sa tête

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Sylvie a fait dix ans de thérapie. Grâce à cela, elle a réussi à mieux se
comprendre et à expliquer certains événements traumatisants de sa vie, et
notamment le fait d'avoir été abandonnée deux fois par deux maris. Elle
place des mots sur sa souffrance et pourtant elle ne parvient pas à sortir
d'une dépression. Elle a le sentiment de ne pas avancer. « J'ai sans doute
été plus mère que femme, c'est pour cela qu'ils m'ont quittée… Je vois
tout cela, je comprends, et alors ? Je n'avance pas… Je vois aussi que ma
relation avec ma propre mère n'était pas simple », ajoute-t-elle. Au cours
des séances qu'elle effectue avec son praticien en mémoire cellulaire,
Sylvie réalise à quel point elle est déconnectée du langage de son corps.
Avec la tête, elle explique ses abandons successifs par une enfance
malheureuse et une mère peu présente, mais elle ne laisse pas son corps
s'exprimer. Au cours d'un travail de groupe, son praticien lui demande de
se positionner dans l'espace par rapport à des personnes qui pourraient
représenter son père, sa mère, ses enfants et ses maris successifs. Elle
s'exécute, « sans réfléchir ». Elle se place spontanément contre son père,
laissant les autres personnages qui représentent sa famille de côté. Son
praticien lui demande alors d'observer sa façon de se positionner par
rapport aux personnes qui ont compté pour elle dans sa vie. Elle est alors
physiquement surprise du couple qu'elle vient de former. Les larmes
montent… Nous allons pouvoir creuser un peu plus cette émotion et la
relation fusionnelle qu'elle a entretenue avec son papa. La tête parlait de
la mère, mais le corps, lui, s'est placé contre le père…

Sandrine ne parvient pas à respirer par le


ventre

Sandrine me rencontre car elle veut sortir d'une situation de violence


qui se répète depuis son enfance. Père violent, ex-mari violent, nouveau
compagnon violent… Elle n'en peut plus de ce schéma répétitif et veut
sortir de ses «  mortelles habitudes  ». Au cours d'un exercice, je lui
demande de respirer par le ventre tout en se visualisant en train de dire
non à toute nouvelle situation insupportable. Sandrine réalise qu'elle est
incapable de laisser l'énergie de son souffle passer dans l'abdomen.
«  Quand je veux descendre dans mon ventre, mon souffle est bloqué,
explique-t-elle, ça s'arrête au cœur.  » Je l'invite alors à réfléchir sur les

50
différents problèmes de santé qu'elle a vécus récemment, et notamment
un arrêt cardiaque…

Lâcher la tête

Un exercice en apparence tout simple consiste à faire vœu de silence


pour une journée. Coupez les téléphones, Internet et la télévision, laissez
même de côté votre super roman à suspense, et annoncez à vos proches
que vous vous isolez en vous. Sans la parole extérieure, il est alors
possible de se centrer sur soi et de laisser monter en vous cette
souffrance enfouie. Je sais, lorsqu'on essaie cet exercice pour la première
fois, c'est souvent la panique à bord. Vous stoppez net l'agitation
extérieure qui nous fait perdre le chemin. C'est le moment d'écrire sur
vous, de laisser affleurer les souvenirs et d'observer quelle en est la
vibration dans votre corps.

1. LA MèRE, La Voie ensoleillée, Éd. Adi Shakti, 1991.

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8
Bâtir ma grille de vie

« Devant ma table vint s'asseoir Un pauvre enfant vêtu de noir,

Qui me ressemblait comme un frère. […] Qui donc es-tu, spectre de ma


jeunesse,

Pèlerin que rien n'a lassé ? Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l'ombre où j'ai passé.

Qui donc es-tu, visiteur solitaire, Hôte assidu de mes douleurs ? »

Alfred DE MUSSET, La Nuit de décembre

Lorsque je rencontre un patient pour la première fois, je commence


toujours par l'écouter et le laisser parler. La façon de raconter l'histoire de
sa vie, mais aussi celle de sa famille, est déjà très révélatrice  : un
événement insignifiant peut devenir extrêmement marquant ou
traumatisant, tandis qu'un autre, bien plus grave, peut être minimisé ou
passé sous silence. Peu à peu, nous bâtissons ensemble la grille de vie.
Cet outil, utilisé en mémoire cellulaire, a été initialement créé par Marc
Fréchet, psychologue clinicien. Il a travaillé pendant vingt ans en
cancérologie, au centre Paul Brousse de Villejuif. J'ai eu la chance de le
rencontrer au cours d'une conférence que je donnais. À l'issue de celle-ci,
il est venu me voir et il m'a dit :
«  Madame, ça fait vingt ans que je vous cherche  ! J'ai autant de
choses à partager avec vous que vous en avez avec moi.  » Depuis ce
jour, et jusqu'à sa mort, nous avons travaillé ensemble, main dans la
main. Et nos travaux se sont effec-
tivement révélés très complémentaires.
Dans les événements de vie de ses patients, Marc Fréchet avait
constaté des « répétitions précises et déconcertantes ». Pour les étudier, il
avait établi une grille dans laquelle il repérait avec ses malades les
«  cycles biologiques cellulaires mémorisés  », autrement dit des

52
phénomènes récurrents à des dates précises et étrangement coïncidentes :
il avait observé que les événements importants se répétaient de façon
cyclique. Il avait également identifié ce qu'il appelait le «  cycle
d'autonomie  », c'est-à-dire les années de vie qui se déroulent de la
naissance jusqu'à l'indépendance financière, et qui forment un premier
cycle. À ces deux moments importants, la naissance et l'indépendance
financière, deux cordons sont coupés.
De mon côté, mes travaux m'avaient conduite à approfondir tout
l'espace de notre vie qui se situe avant la naissance et que nous nommons
« projet sens ». Nous avons donc réuni toutes nos recherches : projet sens
et cycle d'autonomie.
Le projet sens est d'une durée de vingt-sept mois : neuf avant votre
conception, neuf pour votre croissance dans le ventre de votre mère et
neuf après votre naissance.
Nous en reparlerons plus en détail dans le chapitre qui suit, car c'est
une partie à la fois cruciale et délicate de votre vie. En effet, ce moment-
clé marque chaque être humain de son empreinte, et on retrouve ensuite
cette empreinte dans les événements ultérieurs de la vie. Nous verrons
également que cette empreinte de naissance va jouer un rôle très
important tout au long de votre vie.
Mais démarrons pas à pas. Nous allons pour l'instant dresser un
constat des événements de votre vie après votre naissance. Il est bien
entendu nécessaire de se plonger dans ses souvenirs et de noter les dates
correspondantes. Prenez des notes, interrogez vos proches, racontez-
vous !
Une petite remarque avant de vous lancer dans de telles
investigations : il est important de noter uniquement les faits et non les
interprétations des faits passés.
Par exemple, une de mes patientes me disait que sa sœur de deux ans
avait voulu pousser son couffin hors du balcon lorsqu'elle était toute
petite. Après avoir interrogé les personnes présentes à ce moment de sa
vie, il s'est avéré que la maman était sortie sur le palier, un coup de vent
avait fermé la porte et la sœur en question était restée seule avec le bébé
dans l'appartement, sans savoir comment rouvrir la porte. Par la suite, en
racontant cet événement, la maman avait ponctué celui-ci de ses propres
craintes. Elle avait indiqué qu'elle avait eu « peur pour la petite dans son
couffin », car
« on ne sait pas ce qu'il peut passer par la tête d'un enfant de deux ans
sans surveillance », d'autant plus que « la fenêtre donnant sur le balcon

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était restée ouverte ». Cet incident était donc resté dans les annales de la
famille et résumé par « ta sœur a failli te jeter du balcon ». Ma patiente
avait donc retenu une version très interprétative de l'épisode. Par
conséquent, si l'on s'en tient aux faits, rien que les faits, sans les
interpréter, on notera seulement :
« La porte de l'appartement avait claqué, et ma sœur et moi sommes
restées enfermées à l'intérieur, avec maman à l'extérieur. » Bien entendu,
un fait, même infime, peut être particulièrement marquant. On notera
donc dans sa grille de vie ce qui nous a marqués, mais en restant au plus
proche du simple constat. Le praticien vous aidera à ne pas réinventer
votre vie avec des interprétations déconnectées de la réalité.

Comment ne pas s'embrouiller dans les


dates ?

Une astuce simple consiste à indiquer, année après année, les


différentes périodes scolaires, en partant par exemple du bac, ou d'un
diplôme obtenu. Indiquez ensuite les différentes classes afin de vous y
retrouver : septembre 1987, CM2. Pour chaque événement, notez le mois
et l'année.

Je raconte mon histoire

Pour préparer votre travail avec le praticien, voici ici une liste de
questions et de pistes auxquelles vous pouvez répondre avant de
poursuivre vos investigations :
— Quelle est votre date d'indépendance, c'est-à-dire la date à laquelle
vous avez été indépendants financièrement par rapport à vos parents ?
— Quels sont les voyages importants qui ont marqué votre
existence ?

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— Par rapport à votre famille, notez la naissance de vos frères et
sœurs, fausses couches ou avortements si vous en avez connaissance,
divorces, décès, séparations, mariages et remariages, de vos parents ou
de vos frères et sœurs.
— Concentrez-vous ensuite sur les lieux que vous avez habités  :
indiquez les déménagements, l'achat d'un bien, les cambriolages, les
incendies ou inondations…
— Listez également les accidents de la vie  : accidents de la route,
accidents domestiques.
— Au cours de votre scolarité, quels sont les événements majeurs à
mentionner  ? Indiquez les différentes rentrées scolaires, réussites ou
échecs.
— Le volet santé de votre vie est également important : indiquez les
dates d'accidents, de maladies…
Surtout, prenez votre temps ! Cette liste de dates ne se dresse pas en
un quart d'heure. Vous allez la compléter peu à peu avec l'aide d'un
praticien : une date et un souvenir en font très souvent ressurgir d'autres.

Isabella, une fEMMe indépendante ?

Isabella vient me voir parce qu'elle souhaiterait améliorer ses


relations avec ses enfants. Depuis qu'ils sont adultes, elle leur reproche
de trop dépendre d'elle. Elle a le sentiment d'être pour eux un tiroir-
caisse. «  Quand ils m'appellent, j'ai toujours l'impression qu'ils ont
besoin de quelque chose, leurs visites ne sont jamais désintéressées  »,
m'explique-t-elle. Au cours des premières séances, nous établissons
ensemble sa grille de vie, et je lui pose naturellement la question toute
simple  : «  Quelle est votre date d'indépendance  ?  » En général, mes
patients réfléchissent un peu, surtout lorsqu'ils ont presque soixante ans,
comme Isabella. Ils repassent par leurs années d'apprentissage, l'achat ou
la location d'un premier logement, puis ils trouvent bon an mal an une
date assez précise. Pour Isabella, cette question toute simple ouvre la
boîte de Pandore : elle commence par me donner une date très vite (celle
de ses vingt ans), en ajoutant aussitôt qu'elle a «  toujours été très
indépendante  ». Mais elle nuance aussitôt en m'expliquant que ses
parents ont continué à subvenir à ses besoins pendant qu'elle élevait

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seule ses enfants… Et même lorsque, par la suite, elle avait retrouvé du
travail. En réalité, ses parents ont cessé de subvenir à ses besoins depuis
seulement six ans…
Je lui pose donc à nouveau cette même question : « Quelle est votre
date d'indépendance?  » «  Cinquante-quatre ans  », avoue-t-elle du bout
des lèvres. Et elle poursuit  : « Vous voulez dire que… mes enfants, en
réalité, ils font comme moi?  » Je lui réponds alors  : «  Moi, je ne dis
rien… C'est simplement la date posée sur une grille qui vous parle. »

Le tableau développé sur les pages suivantes vous montre comment


est structurée la grille de vie. Bien entendu, le nombre d'années incluses
dans une grille de vie n'est pas limité.

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Interroger les mois qui entourent ma naissance

« J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans. »

BAUDELAIRE

Le projet sens

Dans le chapitre précédent, vous avez noté les événements marquants


de votre vie, et certains vous ont permis de faire remonter à votre
souvenir d'autres moments, et ainsi de suite… N'hésitez pas à conserver
sur vous ces notes, car vous allez voir que plus vous travaillez en
mémoire cellulaire, plus certains événements « remontent à la surface ».
Ce travail est indispensable, mais il ne représente qu'une infime partie de
ce que nous allons à présent réaliser : nous allons nous pencher sur les
vingt-sept mois qui ont entouré votre naissance et qui composent «  le
projet sens ».

Le projet

Votre existence débute par un projet, neuf mois avant


votre conception. Sur la grille sont indiqués en colonne les neuf mois
qui forment ce projet et qui précèdent votre naissance. Vous n'êtes pas
encore conçus charnellement, et pourtant, vous existez déjà dans l'esprit

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de vos parents. Que ce soit sous la forme d'un désir ou d'un non-désir,
vous existez : le non-désir est un projet. Vous captez la vibration de vos
parents et vous êtes attirés car vous avez la même vibration que la leur.
Vous concrétisez votre projet ici, avec ces parents précis. Vous êtes le
miroir de vos parents et vous vous y confrontez.
Ces mois qui ont précédé votre naissance ont été importants pour
vous, et l'état d'esprit dans lequel étaient vos parents a forcément marqué
la mémoire de votre corps.

La conception

Le mois de la conception est signalé par la lettre C sur la grille de


vie : c'est le mois où vous avez été conçus dans un rapport sexuel entre
vos deux parents. À partir de là, vous vous êtes « in-carnés », c'est-à-dire
que vous commencez à entrer dans la matière, même si vous n'êtes pas
encore nés : vous avez pris corps.

La réalisation

Les neuf mois dans le ventre de votre mère sont l'étape de la


réalisation. Mon projet se concrétise  : dans ma peau de fœtus, je fais
«  corps  » avec toutes les vibrations qui m'entourent. En mémoire
cellulaire, nous nous intéresserons à ce que vous avez pu vivre en tant
que fœtus, alors que vous n'étiez qu'une peau de sensation, et uniquement
une peau de sensation. Elles sont toutes imprimées, gravées, tatouées
dans la chair. C'est pour cette raison qu'il est indispensable de se pencher
sur ce moment qui détermine vos ressentis aujourd'hui.
Votre chair a mémorisé absolument tous les instants vécus par vos
parents. Par exemple, si un accident ou un deuil est survenu, vous l'avez
vécu aussi, vous avez ressenti toutes les joies et les peines de votre
entourage.

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La concrétisation

Les neuf premiers mois de vie hors du ventre sont également très
importants : il s'agit de la période de concrétisation. Je vais confirmer la
vibration ressentie avant ma naissance. Je vais ainsi manifester ce que je
pense être l'attente de mes parents. Si par exemple mes parents ne me
désiraient pas, il se peut que je sois un enfant très calme et très discret,
pour répondre à la vibration de mes parents et la confirmer.

Des cycles de vingt-sept mois

Ces vingt-sept mois que nous venons de décrire constituent le projet


sens. Au cours de votre vie, vous allez inlassablement repasser sur les
moments de ce cycle, jusqu'à votre date d'indépendance. Celle-ci est une
nouvelle naissance et votre corps va revivre à nouveau tous les
événements mémorisés depuis votre naissance. Et ainsi de suite, jusqu'à
votre mort. Ainsi, si une souffrance a été imprimée dans le corps lorsque
vous aviez trois mois, votre corps vous rappellera ce douloureux épisode
à chaque fois que votre cycle repassera sur ce moment.
Ces vingt-sept mois sont la clé de voûte de toute votre vie et se
répètent en boucle tout au long de celle-ci. Tous les vingt-sept mois, vous
entrez en résonance avec le projet, puis la réalisation, puis la
concrétisation. Et ainsi de suite…
La boucle est sans fin et elle vient se superposer à celle de votre
cycle d'autonomie, de votre naissance à votre indépendance financière.
Tout ce qui est inscrit dans la peau de sensation est inscrit dans la
chair. Toute sensation remonte de la chair  : par exemple, une maman
tombe dans l'escalier lorsqu'elle est enceinte. L'enfant va avoir peur de
tomber alors qu'il n'est jamais tombé, qu'il n'a jamais eu d'accident
incluant une chute. C'est en fait sa chair qui a mémorisé cet événement et
la peur de sa mère est gravée en lui. Beaucoup d'autres enfants n'auront
peur de tomber que lorsqu'ils en auront fait l'expérience. Mais cet enfant

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qui a vécu une chute in utero aura peur de tomber avant même d'avoir
ressenti l'impact d'une chute.
Un praticien en mémoire cellulaire vous aidera à faire entrer en
résonance les événements de votre vie, en vous aidant à découvrir dans
quelle vibration vous êtes venus au monde. Si de grands vides persistent
dans votre grille, et si personne ne peut vous donner des informations sur
votre naissance, ce n'est pas grave, car la vie étant faite de répétitions, un
thérapeute pourra vous aider à observer un peu plus loin dans votre grille
ce que le corps vous pousse à répéter et ce qu'il a à dire. Par la bio-
résonance, que nous verrons dans un chapitre suivant, le corps
l'exprimera.

Un exemple de projet sens

Pour vous aider à réfléchir sur ces mois qui entourent votre
naissance, nous allons prendre un exemple.
Si vous êtes nés fin septembre 1940, vous avez été conçu en janvier
1940 et le projet qui vous entoure débute encore neuf mois avant, en mai
1939.
Que s'est-il passé dans ces dix-huit mois qui ont précédé votre
naissance ? Où vos parents vivaient-ils ? Étaient-ils ensemble, séparés, se
connaissaient-ils  ? Par la bio-résonance, on pourrait rechercher les
vibrations qui étaient les vôtres et vous pourriez ainsi les reconnaître et
les nommer.
Dans l'exemple que nous avons pris (septembre 1940), le contexte de
la guerre est bien entendu très important  : les pères ont été mobilisés,
certains faits prisonniers, d'autres
« portés disparus ». Vous avez capté absolument tout de cette période
clé, car telle était la vibration dans laquelle vous avez choisi d'arriver.
Que s'est-il passé dans les neuf mois qui ont suivi votre naissance ?
Comment ces vibrations se sont-elles concrétisées ?
Votre vie se déroule ensuite mois par mois, et, à chaque fois que,
dans votre grille, vous «  repassez  » sur une période, vous repassez par
exemple sur la déclaration de guerre… Par exemple, vous avez entendu
in utero les cloches sonner et elles annonçaient la déclaration de guerre.

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Votre mère frémit de terreur et vos parents savent que le père va partir.
Vous ressentez tout cela, la voix de votre mère qui en parle, la frayeur du
lendemain… Plus tard, vous ne comprenez pas pourquoi vous ressentez
une telle terreur à chaque fois que les cloches sonnent.

Les questions que je peux poser

Voici à présent quelques pistes et exemples pour vous aider à vous


pencher sur les vingt-sept premiers mois. Notez tout ce que vous savez
des faits qui sont survenus au cours de cette période :
– Quels ont été les événements majeurs qui ont précédé votre
conception ?
— Quels ont été les événements majeurs durant la grossesse
(accident, chute, maladie, votre maman a dû rester alitée, tentative
d'avortement, décès, guerre, voyage, agression, déménagement, choc
affectif…) ?
— Comment s'est déroulée la naissance en elle-même  ? Les
médecins ont-ils eu recours à une césarienne, aux forceps  ? A-t-il fallu
déclencher l'accouchement? Êtes-vous né en siège  ? Avec le cordon
ombilical autour du cou ?
— Après votre naissance, avez-vous été pris dans les bras par votre
mère  ? Avez-vous été séparé immédiatement de votre maman? Votre
père vous a-t-il regardé ? Avez-vous été mis en couveuse ? Avez-vous eu
des problèmes de santé ?

Charlotte ne savait rien de sa naissance, et


pourtant…

Lorsque Charlotte vient me voir, elle ne sait absolument rien de sa


naissance, et elle ne peut glaner aucune information autour d'elle,
puisque sa mère est morte quand elle avait quatre ans, dans des

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conditions assez floues, et que son père s'est volatilisé, la laissant à la
charge de sa tante. Son carnet de santé a été égaré. Charlotte m'explique
qu'elle souffre en permanence de ce qu'elle appelle son «  détachement
intérieur  ». Rien ne semble l'atteindre, surtout lorsque les événements
sont douloureux. Ainsi, lorsque sa tante décède brutalement, elle ne
verse pas une larme et ressent au fond d'elle un vide si immense, elle a
l'impression de «  contempler un paysage étranger  », et ressent «  une
envie irrépressible de dormir  ». En étudiant les répétitions qui se lisent
dans sa grille de vie, nous travaillons sur la notion d'attachement et nous
établissons plusieurs hypothèses liées à sa naissance : celui-ci a dû être
assez brusque, peut-être déclenché ou par césarienne. On sait alors que
l'enfant n'a pas la possibilité de décider de sa venue, puisque le corps
médical décide pour lui. Normalement, c'est le fœtus qui « déclenche » le
moment de sa sortie. Dans le cas d'un accouchement provoqué, cela n'est
pas le cas. Le lien d'amour entre la mère et l'enfant a donc du mal à
s'établir de façon naturelle, et la mère souffre parfois de dépression
postpartum. Pour en avoir le cœur net, Charlotte décide alors de se
rendre chez le médecin de famille qui a suivi sa mère dans les années qui
ont suivi sa naissance. Il lui fait alors deux révélations sidérantes. La
première : l'accouchement a bien été déclenché. La seconde : sa maman a
fait une profonde dépression et elle a tenté par deux fois de mettre fin à
ses jours avant de mourir en ingérant bien trop de somnifères.

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Plonger dans les neuf mois de la grossesse

« Les hindous affirment que dans le ventre de sa mère l'enfant


chante »Ne me laisse pas oublier qui je suis», mais après la naissance, ce
chant devient »Oh ! j'ai oublié !» »

Jack KORNFIELD, Après l'extase, la lessive

Concernant les mois vécus dans la matrice, il est important de


réaliser à quel point ceux-ci peuvent peser lourd sur votre mémoire, car
chaque instant vécu marque vos cellules. N'oubliez pas : le fœtus est une
peau de sensation.
Plongeons ensemble dans cette période de votre vie.

Le jour de la conception

Eh oui, l'intimité de vos parents a quelque chose à voir avec la vôtre :


chaque instant vécu imprègne votre peau de fœtus et on peut vérifier cela
dans la grille de vie. La conception, c'est d'abord une date dans votre
vécu et vos cellules s'en souviennent. Il vous faut donc inscrire ce mois
auquel vous ne pensez jamais, et remonter au premier jour de votre
existence dans la matière, neuf mois avant votre naissance.
Y penser vous met peut-être un peu mal à l'aise. Car, oui, vos parents
ont fait l'amour pour que vous veniez au monde. Et vous n'avez sans
doute jamais réfléchi à cette question toute simple : comment était-ce ?
Vous pouvez être nés d'un acte d'amour, d'un acte de devoir conjugal,
d'un

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« plan cul », d'un viol ou d'une éprouvette… Comment était-ce ? Que
savez-vous de ce jour  ? Était-ce un moment de bonheur pour vos
parents ? Où vivaient-ils ? Où avez-vous été conçus ?
Noémie savait qu'elle avait été conçue sous une toile de tente pendant
les vacances. En repensant à ce moment, elle a réalisé que son frère
«  était présent  » ce jour-là et qu'il dormait à quelques centimètres du
matelas gonflable de papa et maman ! « Si mon frère s'était réveillé, je ne
serais sans doute pas née », ajoute-t-elle.
À ce stade, vous êtes un embryon. Mais vos cellules sont déjà la
matière qui va vous composer. En elles vont s'engrammer chaque instant
de votre développement ainsi que toutes les émotions que vos propres
parents ont vécues…

Le premier mois de grossesse

C'est parti, la vie est là avec toute son énergie créatrice. Pendant sept
jours, l'embryon que vous êtes va effectuer un voyage pour se fixer. Puis,
les cellules se divisent et vous devenez un fœtus, rattaché au placenta,
autre partie de vous-mêmes.
Émilien ne l'a jamais su, et pourtant, il découvre en travaillant sur sa
mémoire cellulaire qu'un jumeau devait se «  fixer  » lui aussi à ce
moment de la grossesse, et que cela n'a pas été le cas. Il place des mots
sur un deuil qu'il n'avait jamais réussi à faire auparavant.

Le deuxième mois

C'est le mois au cours duquel l'arbre cardiaque se construit et que la


colonne vertébrale s'ébauche.
En posant des dates précises sur les mois de grossesse de sa mère,
Véronique réalise que, dans ce deuxième mois, sa mère a dû fuir les
assauts allemands pendant la guerre et se cacher des bombardements
presque toutes les nuits. En construisant sa grille de vie et en détaillant

72
les mois de grossesse, Véronique découvre que ses problèmes cardiaques
sont survenus très exactement à la date anniversaire de ce mois terrible
pour sa maman…

Le troisième mois

Le sexe de l'enfant devient visible. L'appareil digestif se met en


place. La formation du pancréas se réalise. C'est lui qui va intervenir
dans la fabrication de l'insuline. Cette étape est donc décisive.
Jérôme, un de mes patients, a ainsi réalisé que ses problèmes de
« crises de foie », comme il les nomme, puisaient sans doute leur origine
dans le refus qu'avait sa mère de s'alimenter correctement pendant les
premiers mois de grossesse. Alors que son ventre s'arrondissait, sa peur
de grossir guidait ses choix alimentaires de la façon la plus drastique. Sa
mère avait peur de décevoir son père par une silhouette trop lourde et
arrondie, et elle lui en voulait également énormément de tous les efforts
qu'elle devait faire pour continuer à lui plaire. Cette colère rentrée
rejaillit sur Jérôme. Lui-même est très maigre, il se plaint de n'avoir
jamais pu manger ce qu'il voulait, et en particulier des aliments trop
riches. Selon les médecins, il n'a pourtant
«  rien de grave  ». Mais il explique  : «  Mon foie ne supporte rien,
mon pancréas non plus… » Et il ajoute : « Je n'ai rien de grave, mais je
vomis de la bile, surtout quand on me met la pression… » Jérôme réalise
peu à peu qu'il va devoir travailler avec son corps sur un ressenti très
profondément ancré en lui : sa colère à l'égard de son père.

Quatrième mois

Tout le système rénal se met en place. Les défenses immunitaires se


développent grâce au thymus, une glande toute particulière, qui va relier
la mère à l'enfant. Ainsi, lorsque l'enfant vient au monde, il est en

73
cohésion totale avec elle, non seulement au niveau de ses défenses
immunitaires, mais aussi au niveau de son inconscient.
C'est aussi au cours de cette période que se forme la glande thyroïde.
Sylvie vient consulter pour un mal-être général qu'elle ressent depuis
toujours. C'est pourtant une femme brillante, mère de quatre enfants. Elle
endosse avec brio ses responsabilités professionnelles et personnelles. Et
pourtant, elle se sent mal, jamais à sa place, toujours en porte-à-faux.
Elle souffre également de très nombreuses intolérances alimentaires et
cache son corps dans un costume strict et noir, qui ne met pas du tout en
valeur son joli corps. Elle me raconte peu à peu son histoire. Elle sait
depuis toujours qu'elle n'était pas une enfant désirée, mais elle n'avait pas
posé et pesé tous les mots nécessaires sur les mois de la grossesse. En
effet, lorsqu'elle m'annonce que sa mère a réalisé au quatrième mois
qu'elle était enceinte, elle n'avait pas indiqué en face de ce mois « déni de
grossesse  », et c'est pourtant ainsi que cela s'appelle. Au cours de ces
quatre premiers mois, Sylvie n'a pas eu le droit d'exister en tant que
petite fille. Comment le pourrait-elle aujourd'hui en tant que femme  ?
Pas à pas, Sylvie va devoir plonger dans la mémoire engrammée de ses
cellules pour réparer et « réinitialiser » la souffrance de son corps. Elle
pourra ensuite se permettre d'exister.

Cinquième mois

Les alvéoles des poumons se développent et les neurones du cerveau


se mettent en place définitivement.
Yvonne est suivie par de nombreux médecins pour un emphysème
pulmonaire. Elle fait totalement confiance à l'équipe médicale pour la
guérir, mais elle vient consulter pour comprendre pourquoi elle est
atteinte de ce mal précisément et pas d'un autre. En un mot, elle veut
comprendre, progresser et ressentir. Nous bâtissons ensemble sa grille de
vie et nous observons que, au cinquième mois, sa mère a subi un choc
émotionnel très intense, qui lui a « coupé le souffle ». Par ailleurs, nous
constatons aussi qu'Yvonne est née juste après la naissance de sa sœur,
qui a survécu malgré le cordon bloqué autour de son cou. Sa petite sœur,
quant à elle, est née neuf mois après  ! De toute part, Yvonne se sent
étouffée…

74
Sixième mois

La respiration est en place. S'il naît à la fin du sixième mois, l'enfant


peut être viable. Mais il est bien entendu préférable que le bébé reste
bien au chaud dans le ventre de sa mère et se fortifie peu à peu jusqu'au
neuvième mois. À cette période de leur grossesse, certaines femmes
peuvent ressentir une certaine angoisse, surtout si des contractions se
font sentir.
C'est le cas de Maryline, qui a dû passer les trois derniers mois
allongée, afin d'éviter des contractions trop présentes. Sa fille, qui est
aujourd'hui âgée d'une trentaine d'années, vient consulter car elle ressent
des crises d'angoisse répétées lorsqu'il s'agit de sortir et d'affronter le
monde extérieur. Elle réalise peu à peu à quel point elle a enregistré la
peur de sa mère qui lui disait sans cesse dans ce sixième mois de
grossesse : « Surtout ne sors pas, surtout ne sors pas ! »

Septième mois

Le bébé est viable, mais sa construction se poursuit, et elle est


précieuse. Grâce aux petits os de son oreille interne, le bébé réagit aux
sons de la voix de ses parents. Ses réactions sont très variées et il
manifeste très clairement son anxiété ou son contentement au passage de
certains morceaux de musique. Grâce à cette oreille interne, il saura aussi
être à l'écoute de lui-même.
Bernard chante horriblement faux. Bien entendu, ce n'est pas pour
cette raison qu'il souhaite faire un travail en mémoire cellulaire… Il vient
consulter pour un burn-out. Depuis toujours, Bernard n'a jamais su
s'arrêter de travailler. Il a toujours été un hyperactif, préférant aider les
autres et s'oublier lui-même. C'est au détour d'une consultation que
Bernard m'explique avec humour à quel point il est incapable de retenir
la moindre mélodie. Je lui demande alors s'il aime la musique, et s'il y a
des chansons qu'il apprécie plus particulièrement. « Ah oui, répond-il, ça
paraît idiot, mais les seuls titres que je suis capable de chanter juste, ce
sont ceux de Frédéric François. Je sais, c'est ridicule, mais c'était le seul

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chanteur que ma mère écoutait quand j'étais bébé. J'ai dû  »manger» du
Frédéric François dans son ventre ! » C'était aussi les rares moments où
il ressentait que sa mère se détendait enfin, pensait un peu à elle et
profitait d'un petit instant de joie simple face à un mari maltraitant.

Huitième mois

Dans ce huitième mois, une force de vie pousse l'enfant à se


retourner, à mettre la tête en bas pour naître. Ce moment est effrayant
pour le bébé. C'est le moment où il va commencer à ressentir la perte du
bien-être de la matrice, car il est poussé à l'extérieur. Il doit dire « oui » à
cette force qui le dépasse.
Certains futurs nouveau-nés choisissent de ne pas se retourner et de
ne pas prendre seuls la difficile décision de naître. Autrefois, les enfants
nés par le siège mettaient leur vie en danger, ainsi que celle de leur mère.
Aujourd'hui, la médecine peut les aider, mais le message reste le même :
« J'ai peur de venir au monde. » Dans toutes les étapes de leur vie où
ils doivent se «  retourner  » pour affronter un changement, cela va se
vérifier dans la grille.
Dans la famille de Mathilde, il y a des bébés nés par le siège à toutes
les générations. Et ce sont tous des garçons. Étrange message qui se
porte entre les enfants à naître et qui apporte son lot de souffrances dès la
naissance, car celle-ci est difficile. Un travail sur la mémoire cellulaire
peut nous éclairer et guider les mamans de cette famille. Avec Mathilde,
nous découvrirons ensemble comment ces garçons à naître arrivent au
monde avec un poids immense sur leurs épaules  : assurer la lignée
masculine et sauvegarder le nom. L'enfant ne ressent pas qu'il est
accueilli pour lui-même, pour son existence propre, mais dans un but
précis qui le dépasse. Il peut ainsi ressentir différentes angoisses bien
légitimes : « J'ai peur de ne pas être à la hauteur », « J'ai peur de ne pas
être aimé pour ce que je suis », « J'ai peur d'être séparé de ma mère et de
ne plus lui appartenir puisque c'est la famille qui me veut. Me veut-elle
vraiment  ?  », «  J'ai peur que ma naissance soit basée sur un
mensonge »…

76
Neuvième mois

Et voilà, c'est la fin du voyage et le début d'un autre. Il va falloir


passer dans cet au-delà terrestre, en ressentir à la fois les premières
douleurs et toute la magie.
Cette arrivée sur la terre peut se dérouler plus ou moins bien. Si
l'accouchement a dû être déclenché, le bébé n'a pas eu le temps de se
préparer et tout va un peu trop vite pour lui. Si une césarienne est
nécessaire, il lui manquera une partie du voyage et son arrivée se fait
brutalement. Il sera arraché du ventre de la mère, et toute séparation aura
plus tard le goût de l'arrachement. Bien entendu, ces actes sont parfois
nécessaires et il ne s'agit pas ici de critiquer les progrès de la médecine.
Mais nous savons aujourd'hui que chaque étape prévue par la nature
apporte à l'enfant et à la mère une part nécessaire à la vie. Par exemple,
les contractions effectuent un massage sur le corps de l'enfant et lui
transmettent un message clair. Trente-cinq kilos de pression sur un petit
corps de trois kilos : « Tu ne peux pas faire autrement, tu dois sortir, mais
je suis là et je vais t'aider.  » Comme pour tout passage dans un «  au-
delà », ces moments font terriblement peur car ils sont douloureusement
inconnus. Mais le fait de se remémorer ces instants et de poser des mots
sur eux permet d'apaiser ensuite la souffrance s'il y a eu des événements
mal vécus.
L'enfant va respirer pour la première fois et il va se mettre à pleurer.
Les médecins vont vérifier son fonctionnement
« mécanique ». Ils déclareront que « tout va bien ». Ils s'attarderont
peu sur l'état d'esprit de la maman face à son bébé, et c'est dommage.
L'enfant s'est-il senti accueilli sur la chair de sa mère ? Son petit corps a-
t-il ressenti le corps de chair de sa mère sur son sein ? La mère a-t-elle
souffert ? Est-elle en colère contre l'attitude de son mari, de sa mère ou
de tout autre membre de la famille ? Est-elle déçue car elle avait un peu
trop idéalisé ce moment? Toutes ces émotions et leurs raisons profondes
n'échappent absolument pas au nouveau-né qui en ressent la totalité et
mémorise à jamais ces instants. Avec lui, impossible de faire semblant.
Lucia vient consulter pour des problèmes respiratoires à répétition.
Allergies, asthme, elle souffre depuis son enfance. Elle me raconte le
jour de sa naissance  : quarantehuit heures de travail, un moment qui a
failli coûter la vie à la maman comme à la fille. Lorsqu'elle a enfin vu le

77
jour, les médecins ont coupé le cordon immédiatement, le plus
rapidement possible. Lucia n'a pas pu être déposée sur le corps de sa
mère. Ils n'ont pas pu faire autrement. C'était certes médicalement
nécessaire, mais c'était aussi un geste qui a privé brutalement le cerveau
de Lucia d'oxygène, et son premier souffle est ensuite empreint de cette
douleur. Le corps de Lucia a gardé cet instant en mémoire : respirer, c'est
souffrir.

Annabelle déteste Noël

Annabelle vient consulter parce qu'elle est traumatisée par un


accident de la route. Elle s'en est cependant sortie sans séquelles. Et
pourtant, plus rien n'est «  comme avant  ». Elle m'explique que,
auparavant, elle se pensait «  invincible  », «  intouchable  ». Mais
aujourd'hui tout l'effraie. La moindre image négative au journal télévisé
est un drame pour elle. Elle a le sentiment d'être devenue une éponge.
Nous réalisons ensemble sa grille de vie. Une date revient en
permanence : le 25 décembre.
Pour qualifier cette date, les mots qui lui viennent immédiatement à
l'esprit sont « famille » et « surprise ». Annabelle a horreur des cadeaux
surprises.
Au fil des séances, nous nous apercevrons à quel point Annabelle
était elle-même un « cadeau surprise » fait de joie et de malheur, puisque
sa date de conception était… un 25 décembre. Et c'est aussi le jour où
SOn père trouva la mort dans un terrible accident de voiture.

78
11
Ne pas chercher un coupable

« Il n'y a ni victoire ni défaite dans le cycle de la nature :

il y a du mouvement. » Paolo COELHO, Le Manuscrit retrouvé

En acceptant de faire le travail de mémoire du corps, certains


événements de votre vie sont peut-être remontés par une sensation dans
votre corps, hors de votre mental. Accouchement difficile, mère enceinte
imprudente et inconsciente, père violent ou absent… À travers vos
émotions et vos sensations, vous avez sans doute ressenti de la colère, ou
vous en avez peut-être voulu à votre père pour son attitude ou à un
médecin pour les choix qu'il a faits. Je voudrais ici vous donner un
conseil  : surtout, ne cherchez pas le coupable. Ce n'est pas le bon
chemin. N'oublions pas que si nous sommes venus dans cette famille-là,
c'est parce que nous avons été attirés par des vibrations identiques à la
nôtre afin que cette généalogie nous serve de miroir. Mais je dois
accepter que ce que je vois dans l'autre, c'est aussi en moi. Par exemple,
observez que si vous agissez avec la colère au ventre, vous rencontrerez
uniquement de la colère dans votre entourage.
La vie n'est pas un long fleuve tranquille et les événements qui se
sont produits tout au long des premiers mois de votre vie présentent
forcément des heurts, tout comme les journées qui vont suivre votre
naissance. Ces personnes qui vous ont marqués sont à vos yeux
responsables, mais le sont-elles vraiment? C'est ainsi que vous les voyez.
Très souvent, ces personnes se sentent coupables elles-mêmes.
Interrogez-les.
Si vous acceptez de revisiter ces mémoires dans votre corps, en les
voyant, puis en acceptant de les revivre en l'état avec toutes les émotions,
les sensations et jusqu'à la douleur physique qu'elles comportent, elles
s'évacueront. Exprimez votre colère, vos peurs, vos regrets. Pleurez,

79
faites sortir l'émotionnel, lâchez tout ce qui comprime le corps et
l'empêche de vous guider vers ce qui fait que vous êtes
« vous », séparés de vos parents.
Mais acceptez qu'il n'y ait pas de coupable, car la naissance est une
rencontre entre un enfant et des parents. Vous avez répondu à leur
vibration. Vous n'êtes donc pas tombés dans votre famille par hasard. Les
obstacles que vous avez rencontrés jusqu'ici vous en ont appris
énormément sur vous-mêmes, surtout si vous acceptez d'ouvrir les yeux
et de voir, même si vous en souffrez, cette montagne qu'on appelle
reproche. On reproche à l'autre ce qu'on a vécu, et hop, on referme le
couvercle des émotions sur de la haine, de la colère ou de l'indifférence.
Mais on n'a rien résolu. Alors la vie se chargera de placer à nouveau sur
notre route les mêmes obstacles, jusqu'à ce que nous comprenions. Nos
parents sont responsables de leurs actes, comme nous le sommes des
nôtres. À nous de prendre les rênes de notre propre responsabilité et
d'agir enfin. Vous pouvez passer votre vie entière à chercher un
coupable, et vous en trouverez toujours un, puisque c'est ce que vous
cherchez. Posezvous plutôt la question : « Et moi, dans tout ça, face à ça,
comment ai-je envie d'agir pour permettre en moi la transformation ? »
Vous venez de lire ce paragraphe et cela vous semble sensé. Vous
vous dites : « C'est vrai, j'ai tendance à reprocher à ma mère d'être trop
envahissante, mais je ne fais rien pour qu'elle ne m'envahisse pas ; c'est
vrai, j'ai tendance à reprocher à la pluie ma mauvaise humeur, et pourtant
ce n'est pas sa faute  ; et je reproche aussi à mon mari de ne jamais
m'aider, alors que je ronchonne au lieu de formuler clairement mon
besoin…  » En quelque sorte, vous reprochez au destin d'être votre
bourreau !
N'allez cependant pas plus loin dans votre réflexion, car je vois
poindre en vous un nouveau coupable : vous. Vous vous dites peut-être :
« Je ne suis même pas fichue de dire non à ma mère », « Je ne suis même
pas foutu d'être de bonne humeur alors que j'ai un toit sur la tête et un
frigo bien rempli  », «  Je suis une pauvre fille trop faible pour oser
demander quoi que ce soit à mon mari »…
Et voilà que la roue de la culpabilité continue à tourner dans le vide.
Beaucoup d'énergie gaspillée, et toujours le même destin  : aucune
transformation possible. C'est alors que le destin peut devenir pour vous
un chemin vers la libération ! Donc, je le redis et je le répète : il n'y a pas
de coupable, ce n'est pas la peine d'en chercher un. Constatez simplement
ce qui est. Vous réalisez à quel point votre naissance a été un moment

80
douloureux  ? Dites un grand oui à cela. Le grand oui est une porte
ouverte à la transformation. Votre mère vous a fait souffrir et vous n'avez
jamais osé le lui dire ? Dites un grand oui à cette souffrance ! Vous êtes
tristes  ? Dites oui à la tristesse sans chercher à la réfréner. Dites non à
l'absence de transformation en vous. Plus vous chercherez à comprimer
et réprimer vos émotions en les jugeant, plus elles iront en augmentant.

Réparer pas à pas : voir et accepter

Je vous propose ici de remplir quelques phrases pour regarder en


face, puis accepter :
• Je constate que je suis (par exemple : « Je constate que je suis en colère
ou triste » ; « Je constate que j'ai peur »…)
• Je vois
que……………………………………………………………………
……
• Je ressens que
……………………………………………………………………

Le jour où vous ressentez la colère ou la peur remonter


« encore » en vous, écrivez l'une des phrases suivantes et répétez-la :
«  C'est vrai, je suis en colère face à cette mauvaise nouvelle, je
pourrais l'accueillir autrement, mais c'est ainsi que je l'accueille. »
«  C'est vrai, j'ai peur de ce qui pourrait se produire demain, je
pourrais accueillir l'avenir différemment, mais c'est ainsi que je
l'accueille. »

Jeanne : « Mes parents sont des MOnstres »

81
J'ai rencontré Jeanne lors d'un séminaire que j'animais. Elle avait
consciencieusement rempli sa grille de vie et nous avions repassé
ensemble les moments-clés de son enfance et de sa naissance. Elle
voulait assister à ce séminaire pour « renaître à elle-même » et s'affirmer
dans sa famille où elle avait l'impression de ne pas avoir sa place. Elle
disait souffrir fréquemment de maux de gorge et, très souvent, les repas
ne « passaient pas », comme si elle avait quelque chose à dire qu'elle ne
digérait pas. Après avoir raconté un énième épisode douloureux de son
enfance, au cours duquel sa mère lui avait infligé une punition corporelle
totalement injuste, elle s'est écriée  : «  Je m'aperçois que mes parents
étaient des monstres  ! C'est entièrement leur faute si je suis comme ça
aujourd'hui  !  » Je lui ai demandé d'accepter le fait qu'elle ait eu une
enfance difficile, empreinte de maltraitance. Elle l'a accepté très
facilement. Je lui ai demandé ensuite d'accepter le fait qu'un enfant tout
petit ne peut pas réagir face à un adulte tout-puissant. Elle a également
accepté ce fait. Mais son chemin s'est arrêté là et s'est bloqué dans son
estomac et dans sa gorge : « J'en veux à mes parents et je ne parviens pas
à le leur dire…  » Et surtout  : «  Je m'en veux de ma faiblesse, la
culpabilité bouillonne en moi. »
En acceptant ses émotions, Jeanne peut choisir entre son destin
(tourner en rond), ou opter pour son propre chemin : prendre la décision
d'en parler. Soit elle reproche à ses parents leurs actes et elle se reproche
à elle-même sa passivité jusqu'à la fin de ses jours. Soit elle commence
par accepter ce qui est : cette colère qui ne veut pas sortir et qui détruit
son corps.
Si elle opte pour le premier choix, elle développera une énergie
colossale à ressasser. Elle sera à nouveau confrontée aux mêmes schémas
de maltraitance, le destin s'en chargera.
Si elle opte pour le second choix, le chemin sera douloureux, mais il
y aura une lumière au bout du tunnel  : elle utilisera son énergie vitale
pour avancer.

82
12
Percevoir la vibration de la vie

« La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de


confuses paroles ; […] Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les
sons se répondent. »

BAUDELAIRE, Correspondances

Dans son livre Ma vie avec Mozart1, Éric-Emmanuel Schmitt raconte


comment le musicien l'a sauvé d'un suicide à quinze ans en faisant vibrer
des notes autour de lui. Depuis, l'écrivain lui écrit souvent. « Quand ça
lui chante, il me répond, toujours surprenant, toujours fulgurant  »,
explique-t-il. Voici un extrait d'une de ses lettres : « Cher Mozart, peux-
tu m'aider à retrouver cette musique que tu m'envoyas durant mon
enfance ? Je la cherche depuis des années. »
La vibration : c'est, même avant le toucher, la première sensation que
ressent le fœtus dans le ventre de sa mère. Il n'est que vibration, ressentie
dans sa peau de sensation. Les sons vibrent et résonnent, les êtres vibrent
et résonnent. Les pensées, les mots, les gestes, tout résonne autour de
nous dans l'univers. Notre matière va entrer en résonance avec ces
vibrations et celles-ci vont s'imprégner en nous.
Saviez-vous que la musique de Mozart est utilisée dans les hôpitaux
pour aider les nouveau-nés à restaurer certains neurones endommagés ?
La sonate Köchel 448 est plus particulièrement utilisée en
neuropsychiatrie. Mais pourquoi Mozart et pas un autre  ? Alfred
Tomatis, médecin ORL, avec qui j'ai longuement travaillé, a montré dans
son ouvrage Pourquoi Mozart2 qu'il existe une harmonie très spécifique
aux mélodies créées par ce célèbre compositeur. Dans ses sonates
comme dans ses concertos, la recherche du musicien va toujours dans le

83
sens de l'union parfaite entre l'instrument solo et l'orchestre  : vous,
l'instrument solo, en harmonie vibratoire idéale avec le reste du monde.
Le docteur Alfred Tomatis estime que Mozart ne joue pas d'un
instrument… C'est bien plus que cela. Il explique que Mozart joue « du
corps humain, il est un virtuose du système nerveux végétatif ».
Ainsi, Mozart parle en écho à nos expériences passées, celles où
l'esprit n'avait pas encore rencontré le langage. Les vibrations de sa
musique sont donc directement compréhensibles et ressenties par notre
corps. Voici la plus belle des partitions musicales ! Chaque événement de
votre vie est provoqué par une vibration précise de votre corps à un
instant précis, et celui-ci va entrer en résonance avec le monde extérieur
par cette vibration.
Prenons l'exemple de Hugo, qui a vécu des moments extrêmement
douloureux au cours de son enfance car il se trouvait face à un père à la
fois manipulateur et maltraitant. Lorsqu'elle était enceinte, sa mère a eu
« peur de se faire gronder » par le père, qui était toujours très irritable et
qui ne s'attendait pas à avoir un enfant. Le corps du fœtus a donc
mémorisé cette souffrance et cette vibration. Retrouvons à présent Hugo
dans la cour de récréation. Ses instituteurs ne comprennent pas pourquoi
Hugo se trouve être systématiquement le « bouc émissaire » de la classe,
celui sur qui tout retombe toujours. Plus tard, dans son cycle de vie, on
retrouve des événements similaires  : il a le choix entre différents
emplois, mais il choisit systématiquement celui qui le placera face à
«  des collègues ou un supérieur qui le manipulent  », ou encore un
« patron manipulateur » contre lequel il va devoir lutter… Les choix de
Hugo le portent toujours vers des vibrations identiques.
Avant de réaliser sa grille de vie et de faire un travail global en
mémoire cellulaire, Hugo a tendance à prendre ces événements comme
de la « malchance » et il ne les appréhende pas dans leur globalité. Pris
séparément, il ne semble pas forcément y avoir de lien entre eux. Mais
lorsqu'on remet tout à plat, on s'aperçoit qu'en fait le corps de Hugo se
place dans une vibration telle qu'il va systématiquement chercher à
retrouver la vibration ressentie dans le ventre de sa mère, et cette
vibration dit : « Je vais me faire gronder… » Tant que Hugo ne sera pas
entré en résonance avec ses propres vibrations, il accueillera en victime
les vibrations du monde extérieur et il ne pourra pas être acteur de son
destin. Nous allons avec lui faire une recherche sur ses vibrations : avec
quoi entre-t-il en résonance ? L'étude des harmoniques peut nous y aider.

84
Imaginons que notre vie soit comme une corde tendue sur laquelle
nous résonnons et qui entre en vibration avec les événements extérieurs :
lorsqu'on pince, lorsqu'on frotte ou lorsqu'on frappe… On entendra alors
de façon globale un seul son qui revient (par exemple le do) et celui-ci va
se propager et se diviser en une multitude d'autres sons qui le composent
et que l'on appelle les harmoniques. C'est ce que l'on va rechercher.
Un événement fondamental de notre vie est vu de façon globale, mais
en réalité il est composé d'une multitude d'autres événements qui entrent
en résonance. C'est ce qui va créer la richesse et la force de la
compréhension et du sens de l'événement premier. Marc Fréchet a basé
son outil qu'est la grille de vie sur les harmoniques, comme en musique.
En se superposant, ces harmoniques créent la richesse de ce son
global et son timbre. Ces sons harmoniques forment des intervalles très
précis, pour une même note : si on divise la corde par deux, on obtient
l'octave. En divisant la corde par deux tiers, on obtient la quinte, aux
trois quarts on obtient la quarte, aux quatre cinquièmes on obtient la
tierce. Si l'on considère cette vibration musicale dans notre grille de vie,
on va se pencher plus précisément sur les dates différentes où une même
note a vibré.
Avec l'aide d'un praticien, vous pourrez vous pencher sur les liens à
trouver dans les harmoniques, qui sont fondés sur le constat que les
événements de la vie suivent une logique musicale. Par son écoute et sa
connaissance des questions à poser, le praticien en mémoire cellulaire
vous guidera dans cette notion un peu plus complexe et utilisera
également tous les autres outils de la méthode.

Comment rechercher les harmoniques ?

Pour être plus clair, focalisons-nous sur un événement précis à


étudier. Par exemple, la rencontre de Hugo avec un nouveau patron
manipulateur. On va considérer l'âge auquel cet événement s'est produit :
Hugo avait trente-deux ans. À trente-deux ans, Hugo ressent cette
vibration de «  maltraitance et manipulation  », mais il ne sait pas
pourquoi il vit cela. Il attend systématiquement que les autres le sauvent
de cette situation. Nous allons alors observer les autres événements qui

85
se font écho  : chacune de ces harmoniques montre ce qui a pu être
répétitif, ou passé sous silence…
— Avec la tierce, je vais aller rechercher ce qui est
« inattendu » dans cet événement. Pour ce faire, je vais diviser l'âge
de l'événement à observer (trente-deux) par trois puis soustraire ce
résultat de son âge : j'obtiens vingtet-un ans.
32 : 3 = 10,6 puis 32 10,6 = 21 ans et 4 mois
Tiens, tiens, à l'âge de vingt et un ans, Hugo a rompu brusquement
ses fiançailles avec une jeune femme car le père de celle-ci a fait
pression sur elle juste avant le début de la fête.
— Avec la quarte, nous irons écouter le silence et le sens caché, ce
qui n'a jamais été dit. Pour ce faire, nous diviserons l'âge de Hugo par
quatre et soustrairons ce résultat de son âge au moment de l'événement
étudié.
32 : 4 = 8 puis 32 8 = 24 ans
À cet âge, Hugo s'apercevra un peu plus tard qu'un oncle dont il ne
connaissait pas l'existence est décédé. Il essaie aujourd'hui de
comprendre pourquoi son père entre dans une colère sombre lorsqu'on
tente de lui parler de son « frère caché ».

— Avec la quinte, nous rechercherons la quintessence de


l'événement, c'est-à-dire son sens profond  : la quinte est sens. Pour ce
faire, nous diviserons l'âge de Hugo par cinq et soustrairons ce résultat
de son âge au moment de l'événement étudié.
32 : 5 = 6,4 puis 32 6,4 = 25 ans et 6 mois
Cet âge correspond au moment du divorce de ses parents. Hugo n'a
jamais vraiment su pourquoi ils ont divorcé à cette époque bien précise,
alors que tout allait mal depuis des années. Toujours est-il que son père
lui a annoncé solennellement que ce divorce était… sa faute.

— Avec l'unisson, la sixième note, nous observerons simplement la


même ligne dans la colonne faisant face à l'événement. Nous tenterons
d'observer les liens directs entre les deux événements se faisant face  :
Hugo rencontre à l'âge de huit ans un exhibitionniste en sortant de
l'école. L'homme s'approche dangereusement de l'enfant. Celui-ci est
« sauvé » par un passant qui fait fuir l'exhibitionniste.

86
— Avec la septième, nous irons rechercher le «  révélateur  »  : ce
pourra être une porte de sortie, une rencontre qui apporte une bouffée
d'air, un rendez-vous décisif avec un thérapeute… Pour ce faire, nous
diviserons l'âge de Hugo par sept et soustrairons ce résultat de son âge au
moment de l'événement étudié.
32 : 7 = 4,6 puis 32 4,6 = 27 ans et 7 mois
Pour Hugo, cela correspond à l'âge où il rencontre sa future femme.

— Avec l'octave, nous rechercherons ce qui, dans le ressenti profond


du corps, est de « même vibration, même odeur, même saveur », comme
si l'événement s'était amplifié malgré nous, qu'il ait été réellement vécu
ou non. Pour ce faire, nous diviserons l'âge de Hugo par huit, et
soustrairons ce résultat de son âge au moment de l'événement étudié.
32 : 8 = 4 puis 32 4 = 28 ans
À vingt-huit ans, Hugo conçoit son premier enfant. Il ressent une joie
immense, mais également une peur intense et une envie profonde de fuir
cette nouvelle responsabilité. Il a à la fois envie de «  reconnaître  » cet
enfant, et de faire comme s'il n'existait pas…
Si un praticien ne fait pas les liens entre tous ces événements, il est
impossible d'en prendre conscience soi-même. La présence en miroir est
indispensable. Puis, un jour, le patient pourra oser faire des liens par lui-
même. Mais ce ne sera jamais aussi sûr que dans un face-à-face.

87
1. Albin Michel, 2015.
2. Fixot, 1991.

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13
Observer les répétitions dans ma vie

« Ô tout ce que je ne dis pas Ce que je ne dis à personne

Le malheur c'est que cela sonne Et cogne obstinément en moi »


ARAGON, Ce que je ne dis à personne

Vous descendez peu à peu dans votre histoire et vous ressentez que
c'est toujours cette même douleur, cette même émotion qui revient dans
votre chair, quel que soit l'événement vécu. La chose la plus difficile à
intégrer, c'est que c'est le corps qui parle et non la tête. C'est comme si
vous aviez un bleu dans le corps, et c'est ce bleu qui parle et qui fait mal.
Quel est ce bleu  ? D'où vient-il  ? Comment interfère-t-il dans les
événements de votre vie  ? Quand est-il arrivé pour la première fois  ?
Quelle est l'histoire de ce bleu, de cette souffrance physique? Est-elle à
vous ou appartientelle à vos ancêtres ? Tout cela est inscrit dans la chair,
et pas dans la tête. Le travail de la mémoire cellulaire est de révéler et de
reconnaître le message du corps : c'est lui le disque dur complet de votre
mémoire.
Au fond, même si les incidents s'enchaînent dans votre vie et ne
portent pas le même nom, en vous, c'est bien un ressenti identique, et
vous ne parvenez pas à le verbaliser. Ce qui est certain, c'est que cela
cogne fort en vous et que cela se répète sans que vous sachiez très
exactement pourquoi. À ce propos, je vous recommande la lecture du
livre d'Anne Ancelin Schützenberger, Aïe mes aïeux1 ! Vous y trouverez
de très nombreux témoignages issus de ses recherches en tant que
psychothérapeute, au sujet des schémas répétitifs dans les familles. J'ai
d'ailleurs travaillé avec cette professeure émérite, qui m'envoyait souvent
des patients afin de poursuivre l'enquête « dans le corps » par la mémoire
cellulaire. Ces schémas, Mère les appelait les « mortelles habitudes ».

89
Nous allons donc poursuivre nos investigations en nous intéressant à
vos répétitions. Nous allons à la fois être à l'écoute de votre histoire et à
l'écoute des réactions de votre corps. Si vous avez rempli votre grille de
vie, vous allez constater que, de colonne en colonne, des événements se
retrouvent face à face. La première colonne de votre grille de vie se
déroule de dix-huit mois avant votre naissance jusqu'à votre date
d'indépendance. Par exemple, à l'âge de cinq ans vous avez vécu un
déménagement traumatisant et, vingt ans plus tard, alors que vous êtes
dans la cinquième année de votre nouveau cycle de vie, vous avez
indiqué que votre chien est mort ou que votre meilleure amie s'est
mariée.
C'est à cet instant précis qu'il faut, surtout, ne pas chercher à trouver
l'âge du capitaine en vous faisant des nœuds dans la tête et en voulant à
tout prix trouver des liens qui, en apparence, n'existent pas. Ici, notre
esprit doit clairement laisser la place à la descente dans le corps et à ses
ressentis les plus profonds. C'est pourquoi je vous invite à ne pas trop
réfléchir en constatant des parallèles peu évidents. Bien entendu, certains
peuvent être franchement clairs. Par exemple, s'il est noté sur votre grille
de vie que vous avez divorcé par trois fois, vous pouvez vous autoriser à
vous questionner sur la place du divorce dans votre vie  ! Mais le plus
souvent, certains éléments sont un révélateur d'une souffrance non
résolue et votre corps vous envoie des messages pour le moins
énigmatiques… À ce stade, ne cherchez pas à faire un lien immédiat
entre la mort d'un chien et un déménagement, ou entre un billet de loterie
et le décès d'une grand-tante. Seul votre corps pourra vous dévoiler
l'ultime secret, celui que votre tête refuse de regarder en face car vous
n'avez pas posé les mots sur les maux. Visualisez simplement que nos
cellules sont comme un disque vinyle  : sur elles sont gravés des
microsillons qui ont engrammé dans l'infiniment petit l'ensemble de
notre vécu, mais aussi celui de nos ancêtres. Et si un grain de sable se
cache dans ces microsillons, il y aura une rayure sur le disque et il va
«  sauter  » et se «  répéter  » lorsque le diamant repassera sur cette date
importante de votre cycle de vie.
Prenons un exemple : Martine est une enfant prématurée, née à sept
mois. Pour son bien, elle a été arrachée aux bras de sa mère et placée
dans une couveuse. Bien que celle-ci soit chauffée, la couveuse ne peut
pas remplacer la chaleur du corps de la mère et le sentiment de sécurité
qui se construit au cours des neuf mois de gestation. Martine arrive donc
au monde dans un environnement froid et médical. Sur la grille de vie de
Martine, nous retrouvons à cette période clé de la naissance prématurée

90
des vibrations similaires dans des événements qui, en apparence, n'ont
rien à voir. Sur les deux cycles qu'elle a vécus, Martine a indiqué « une
noyade », puis, vingt-cinq ans plus tard, « un cambriolage ». Il ne semble
pas y avoir de lien, et pourtant, lorsque Martine entre en contact avec les
ressentis de son corps, les mots qui lui viennent pour expliquer ces deux
événements sont  : «  eau glacée  » et «  le cambrioleur m'avait enfermée
sur le balcon, j'ai cru mourir de froid »… Le corps réagit toujours de la
même façon, face à des situations qui en apparence ne sont pas
identiques. Un peu comme si on appuyait systématiquement sur le
bouton « froid ».

Faire le constat de mes répétitions

Face à plusieurs événements notés sur votre grille, posezvous la


question  : «  Comment ça me fait, à l'intérieur  ?  » Ça me fait «  de la
peur  »  ? Ça me fait «  de la colère  »  ? Quels sont les événements sur
lesquels vous avez les mêmes ressentis physiques ?
• Je ressens ……………………. quand je repense à…………………….
• Je ressens ……………………. quand je me revois ……………………

Comment repérer mes « mortelles


habitudes » ?

Il y a les répétitions «  catastrophe  », maladies qui s'enchaînent,


séparations violentes, accidents… Mais il est tout aussi important
d'apprendre à repérer les « petites habitudes » dont nous voudrions nous
défaire et qui nous
« pourrissent la vie ». Ce peut être un problème d'alimentation, avec
des prises de poids régulières et un jeu de yoyo avec les kilos, une
addiction au sucre, à la cigarette, à l'alcool, au jeu, au travail…

91
Comment les repérer ? Notez simplement le nombre de fois où vous
vous dites « il faut » dans votre journée.
Par exemple : « Il faudrait que je me mette au sport », « Il faudrait
que j'arrête de manger entre les repas », « Il faut que j'arrête de crier sur
mes enfants »…
Vos «  mortelles habitudes  » se cachent derrière les «  il faut  ».
Observez simplement les reproches que vous vous faites sans jamais rien
modifier de vos actions. Notez-les :
• Il faut que
…………………………………………………………………………
• Il faut que
…………………………………………………………………………
• Il faut que
…………………………………………………………………………

Notez à présent vos « de toute façon ». Vous allez prendre conscience
de vos croyances limitantes et répétitives, qui bloquent ainsi le ressenti
profond du corps.
Par exemple : « De toute façon, c'est toujours sur moi que ça
tombe  », «  De toute façon, on me fait toujours des reproches  », «  De
toute façon, tous les hommes sont des lâches », « De toute façon, j'adore
le sucre », « De toute façon, je ne serai jamais mince »…
• De toute
façon………………………………………………………………….
• De toute
façon………………………………………………………………….
• De toute
façon………………………………………………………………….

Plus tard, lorsque vous serez arrivés tout au bout de la lecture de ce


livre, je vous proposerai de relire vos «  il faut que  » et vos «  de toute
façon », et de les transformer en choix, lorsque vous vous sentirez prêts.
• Je choisis de prendre soin de mon corps…
• Je choisis
de………………………………………………………………………

92
• Je choisis
de………………………………………………………………………
• Je choisis
de………………………………………………………………………
Attention! Notez bien que l'univers n'entend pas les négations. Ainsi,
si vous écrivez «  Je choisis de ne pas fumer  », l'univers entendra «  Je
choisis de fumer ». Formulez votre choix de façon positive : « Je choisis
de respirer chaque jour de l'oxygène. »

Virginie a peur de devenir folle

Qu'elles soient évidentes ou cachées, les répétitions sont toujours le


symptôme d'un message que porte le corps et, si l'on n'y répond pas, la
souffrance demeure et se répète comme pour se faire entendre.
Lorsqu'une personne constate elle-même qu'il y a dans sa famille une
répétition de faits malheureux, la peur d'un destin fatal s'installe, et on a
le sentiment qu'on ne peut pas y échapper. C'est le cas de Virginie qui
vient me voir pour me parler de ses craintes par rapport à ses enfants et
sa famille. En effet, la folie s'abat sur celle-ci depuis plusieurs
générations. L'arrière-grand-mère de Virginie est devenue folle à l'âge de
quarante-cinq ans, l'une de ses filles (la tante de Virginie) n'y a pas
échappé non plus. Étrangement, Virginie n'a pas peur pour elle-même,
mais elle craint qu'il n'arrive malheur à ses enfants. Et elle ajoute : « Je
sais, ce n'est pas rationnel, mais je ne peux pas m'empêcher d'y penser, ça
semble être une fatalité. » Grâce au travail de mémoire cellulaire, nous
établissons que le corps de Virginie souhaite délivrer le message
suivant  : un secret. Ce secret est indiqué dans sa grille de vie de
différentes façons car des événements « brusquement découverts », des
«  éléments cachés  » semblent se répéter à des dates précises de son
cycle, toujours au mois d'octobre.
Je demande à Virginie de questionner sa mère à ce sujet : que s'est-il
passé selon elle au mois d'octobre et qui aurait pu lui être caché. Celle-ci
refuse de lui répondre… Il y a donc bien quelque chose de secret là-
dessous. C'est au café du village qu'elle apprend par une voisine ce que
tout le monde semble savoir, sauf elle  : son arrière-grandmère a été
adoptée, un mois d'octobre.

93
Furieuse de n'en avoir rien su, Virginie retourne auprès de sa mère et
lui demande la raison de ce silence. Après tout, une adoption, ce n'est pas
une honte  ! Celle-ci lui explique que l'enfant adoptée était issue d'une
union «  peu recommandable  », et que cela aurait été mal vu dans leur
famille, issue de la bourgeoisie classique et traditionnelle. «  D'ailleurs,
ajoute-t-elle, ton arrière-grand-mère n'a jamais rien su de sa naissance, et
ta tante non plus. Je l'ai moi-même appris comme toi, par hasard. »
N'est-ce pas l'essence même de la folie ? Avoir le sentiment de ne pas
être compris dans un monde où
«  tout le monde se comprend  »  ? On ne peut rien cacher à nos
cellules. Virginie poursuit aujourd'hui son travail de réparation dans ce
sens, afin que les répétitions liées au silence cessent de la tourmenter…

ÉMile est toujours au Mauvais endroit au


Mauvais MOMEnt

Émile a le sentiment que toute sa vie se résume en quelques mots :


être au mauvais endroit au mauvais moment. Après avoir dû témoigner
dans un sordide fait divers au cours duquel sa petite amie a été
violemment assassinée, Émile est aujourd'hui le témoin clé dans un
scandale sanitaire et écologique de grande envergure. Et lorsqu'il se
repasse le film de sa vie, il voit bien qu'il peut ajouter à ce cocktail
explosif un passage aux prud'hommes pour soutenir un collègue contre
un harcèlement, et quelques scènes terribles d'accidents de la route,
particulièrement glauques, qui se sont déroulées sous ses yeux. Et puis…
Il y a bien aussi le décès suspect de son père, qui meurt noyé au beau
milieu d'un lac en tombant d'une barque. La justice avait conclu à un
accident. Oui, Émile trouve que cela «  fait beaucoup  » pour un seul
homme et une seule vie. Son corps manifeste très fort cette overdose de
violence en réclamant de l'alcool. Émile est épuisé. Il a de plus en plus
de mal à lutter. À cette étape de sa vie, il doit peu à peu accepter de voir
les liens qui unissent tous ces événements entre eux et le fait que tous ces
événements qui « tournent autour de la justice » ne sont pas arrivés par
hasard. S'il l'accepte, il va peu à peu se rapprocher de la blessure
originelle engrammée dans son corps. Par flashs, en rêve, il se revoit sur
la barque. Il revoit son père qui tombe à l'eau. Oui, lui dit son corps, son
père est bien tombé seul. Il avait bu ce jour-là. Comme à son habitude.

94
Mais ce n'est pas un miracle soudain, il s'agit plutôt d'une succession
de verrous qui cèdent les uns après les autres. On traverse petit à petit les
strates de son corps pour toucher la douleur source.
Émile tourne la scène du lac dans sa tête encore et encore. Mais rien
n'avance. Et puis un jour le corps parle à nouveau. Il parle de courant. De
flux. Cela lui donne la nausée. Le dégoût de l'eau. Son addiction à
l'alcool. Et le voilà enfin à la source : celle où il se voit, regardant son
père qui se débat. La barque s'éloigne, dans le courant. Il ne rame pas, il
ne bouge pas. Il est le spectateur. Aurait-il pu ramer, à cinq ans ? Aurait-
il pu lutter contre la rivière ? Ce n'est pas impossible. Mais il n'en avait
pas envie. C'est ainsi que Émile se retrouve toujours au mauvais endroit
au mauvais moment  : témoin de la noyade de son père, témoin d'un
meurtre ou témoin d'un accident de la route. Le travail d'Émile n'est pas
achevé. Il a dû accepter le constat des répétitions : il va devoir travailler
aujourd'hui sur cet épisode-clé qui a entraîné ces schémas répétitifs.

1. DDB, 2015.

95
14
S'initier à la bio-résonance cellulaire

« Il n'y a pas mieux que le regard et le toucher

pour savoir où on en est. » Tahar BEN JELLOUN

Comme je l'ai expliqué précédemment, les outils que j'utilise


forment un faisceau de preuves qui permettent à la méthode de
vous guider vers votre chemin. La bio-résonance cellulaire est
l'outil de rencontre avec le corps. Il a été conçu et développé
par Véronique Brousse, conceptrice de la bio-résonance
cellulaire et auteur de Si mon corps m'était conté1. C'est
pourquoi je souhaite, pour ce chapitre, lui laisser la parole afin
qu'elle vous en explique l'essence.

Cette citation de Bouddha reflète exactement la parole du corps  :


« Meilleur que mille mots privés de sens est un seul mot raisonnable qui
peut amener le calme chez celui qui l'écoute. »
La bio-résonance cellulaire est un outil qui permet de redonner au
corps la parole en écoutant la fréquence vibratoire qui est unique pour
chacun. Pour cela, le praticien va se mettre à l'écoute de votre état
énergétique afin de déceler votre baromètre intérieur mental, inconscient
et corporel. Ces trois états sont indissociables, et ils entrent en résonance
les uns avec les autres. Lorsque le corps manifeste un symptôme, il nous
invite et nous convoque à chercher les liens subtils et invisibles entre ces
trois états. Mais la tête, qui est toujours là de façon rationnelle pour nous
protéger de ce qui est douloureux à vivre, va brouiller les pistes, et
surtout nous maintenir dans notre zone de confort, celle qui nous
empêche d'accéder à notre transformation intérieure.
La bio-résonance cellulaire part du principe que les mots sont
vibration, qu'ils vont entrer en résonance avec la fréquence dont nous

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sommes porteurs et que l'on a à mettre en lumière dans notre vie, afin de
manifester notre propre mélodie de vie, parfaitement accordée avec nos
trois plans : mental, inconscient et corps. Grâce à cet outil, nous allons
pouvoir entrer en dialogue avec le corps qui va nous livrer son message.
Sans la bio-résonance cellulaire, ce message est incompréhensible pour
le mental.
Pour utiliser une image, c'est un peu comme si vous tentiez de
regarder Canal+ sans avoir de décodeur pour décrypter ce qui se passe…

Concrètement, comment ça marche ?

Le praticien va demander à la personne qui vient consulter de se


placer «  dans l'intention de son objectif  »  : «  Qu'est-ce que je souhaite
rééquilibrer dans ma vie ? » Il lui demande de fermer les yeux, d'entrer à
l'intérieur de lui-même avec calme. Comme le corps n'entend que les
mots, le praticien peut être amené à aider la personne à formuler
simplement son objectif, pour permettre à l'émotion de se manifester.
C'est cette émotion qui va ouvrir la porte du corps et permettre au
message de se délivrer.
À travers son écoute subtile, le praticien va récolter dans un premier
temps le message du corps. Il pose sa main sur l'avant-bras et il se met à
l'écoute des variations de la circulation de l'énergie dans le corps. C'est
comme une danse intérieure, un mouvement permanent, qui oscille en
fonction de notre «  état vibratoire2  », c'est-à-dire de la circulation de
notre énergie dans le corps, qui peut être comparée à la circulation
sanguine. Cette onde est comme le battement du cœur  : on n'est pas
toujours à son écoute, et pourtant il bat en permanence.
Le praticien récolte les fruits de son écoute, dans le silence. Peu à
peu se dessine le sens de votre histoire, qu'il va pouvoir commencer à
conter.
Pour être plus claire, je vais prendre un exemple  : Sonia vient en
consultation pour exprimer une grande colère face à sa sœur, qui, selon
elle, «  prend toute la place  » dans la famille. Je vais donc demander à
Sonia de formuler en une phrase son ressenti et de se replacer
mentalement dans un épisode de sa vie au cours duquel elle estime que

97
sa sœur a particulièrement «  pris toute la place  ». Puis je poserai ma
main sur son avant-bras et je commencerai à m'intérioriser pour me
mettre à l'écoute de l'onde de résonance du corps. Elle va m'emmener
vers le sens profond de son histoire  : c'est le corps qui mène la danse.
C'est un fabuleux guide pour lequel une vérité est une vérité et un
mensonge est un mensonge  : il n'y a pas de compromis. Si nous ne
cherchons pas au bon endroit l'origine de la colère de Sonia, il nous le
fera savoir.
Par la suite, lorsque nous souhaiterons explorer de façon plus
approfondie les causes, l'histoire de Sonia, nous continuerons à
interroger son corps. Et, bien entendu, nous utiliserons en synergie
l'ensemble des outils qui sont à notre disposition. Par exemple, le corps
est souvent capable de nous guider sur l'écho d'un événement dans la
grille de vie. Il peut « pointer du doigt » des répétitions auxquelles nous
n'avions pas «  pensé  » et faire des liens étonnants que la tête (notre
mental penseur) n'accepte pas toujours. Il le fait en signalant par
exemple, par le test, âge auquel la répétition de la colère se manifeste à
travers un événement différent mais de même nature.
La bio-résonance cellulaire n'est pas un outil «  magique  » ou
«  obscur  ». Elle se base sur des faits simples. Face à un événement de
notre vie, si celui-ci est en résonance avec un autre vécu enfoui dans
l'inconscient de notre corps, alors le corps se manifestera en
reconnaissance à quelque chose de déjà connu. Le praticien est formé à
cette écoute subtile, il sait reconnaître ce qui est le message du corps ou
la réponse parfaite et protectrice du mental.

EMManuelle se sent coupable

Emmanuelle vient consulter et pose sur sa souffrance un message très


clair : « J'ai du mal à sortir de chez moi. » Elle est en effet très casanière
et a beaucoup de difficultés à se rendre au travail. Elle multiplie
d'ailleurs les arrêts maladie. Lorsqu'elle est chez elle, elle se sent en
revanche parfaitement bien et épanouie, un peu comme si son mal-être
s'envolait. Lorsqu'elle vient me voir, Emmanuelle a déjà réalisé un gros
travail sur elle-même avec différents psychiatres et elle est capable
d'expliquer son comportement car elle estime reproduire à l'identique le

98
schéma parental  : une mère au foyer et un père qui part au travail. Ce
schéma ne lui convient pas, mais elle refuse tout autant l'autre voie qui
serait de « sortir travailler ». La situation est donc bloquée. Je demande
alors à Emmanuelle de se placer mentalement dans ce moment
douloureux pour elle, celui où elle appelle son employeur pour dire
qu'elle ne viendra pas travailler. J'interroge alors son corps et je cherche
le changement d'indicateur indiqué par le corps, à l'évocation de son
objectif. Étonnamment, le corps ne montre pas de signes distinctifs qui
pourraient donner au praticien le feu vert pour aller plus loin. Pour cette
écoute, le praticien est muni d'un tableau de référence qui va lui montrer
ce qu'on appelle le degré de stress et de motivation du corps, à l'énoncé
de ce qu'Emmanuelle doit faire. Cette vérification donne au praticien
l'indication que le corps d'Emmanuelle est certes très motivé pour
travailler sur ce sujet, mais que l'objectif n'impacte pas suffisamment le
corps, car la réaction vibratoire corporelle ne montre pas suffisamment
de stress intérieur, pour que le corps aille chercher par lui-même l'énergie
nécessaire à la transformation.
Je reprécise donc, avec ses mots à elle, l'objectif pour pouvoir
reprendre mon investigation dans le corps. Le postulat de départ, qui
était « J'ai du mal à sortir de chez moi », est enrichi, suite à un dialogue
pour préciser sa pensée, avec les mots-clés qui vont solliciter le corps
davantage et amener une sensation corporelle nécessaire pour un bon
travail.
Au fil de la séance, le corps me conduit vers une problématique liée à
la culpabilité et au chagrin.
Au premier abord, ces mots, qui émanent de la réaction corporelle
d'Emmanuelle, ne parlent pas du tout à sa tête. Elle ne « voit » pas, cela
ne « fait pas sens » pour elle.
En poursuivant la recherche, on découvrira que le chagrin est en fait
provoqué par un deuil non fait dont elle porte encore la culpabilité : celui
d'une sœur jumelle. Peu à peu, les événements se recoupent et tout se
met en place. Le dialogue est renoué avec sa mère, qui lui explique avoir
perdu du sang dans les premiers mois de la grossesse, signe de la perte
de cette jumelle. Emmanuelle comprend alors qu'elle se sent coupable
d'exister en dehors du nid alors que l'autre a disparu.

Mon corps me parle

99
Le travail en bio-résonance cellulaire ne peut se faire qu'avec un
praticien confirmé. Mais entre chaque séance, il vous est possible d'être à
l'écoute de votre corps et de noter ses ressentis. Si, à l'issue d'une grosse
journée de travail, vous avez souffert d'un mal de dos atroce, notez-le.
Une migraine s'est invitée dans votre journée alors que « tout allait bien
en apparence  », notez-le. Et indiquez toujours dans quelle situation
exacte votre corps a souhaité s'exprimer alors que vous ne vous y
attendiez pas. Cela pourra vous aider pour la suite de votre travail sur
vous.

1. Éditions Quintessence, 2013.


2. Chaque personne possède son propre taux vibratoire, suivant son état de
conscience : si vous êtes tristes, malades, stressés, vos énergies fluctuent et
vibrent à des fréquences différentes.

100
15
Se laisser conduire dans mon ressenti

« Voilà ce chêne solitaire Dont le rocher s'est couronné, […] Il vit, ce


géant des collines !

Mais avant de paraître au jour, Il se creuse avec ses racines

Des fondements comme une tour. » Alphonse DE LAMARTINE, Le Chêne

Pour entrer dans ce chapitre, qui peut sembler assez théorique tant
que l'on n'a pas vécu soi-même la descente dans le corps et dans la
matière, je vous propose d'imaginer un arbre. Il est au départ une graine.
Mais avant la graine, sur l'herbe, dans le sol, il n'y avait rien. Fermez les
yeux et visualisez le sol nu. Puis la graine se loge dans la terre et l'arbre
émerge peu à peu. Il grandit. Ses racines sont de plus en plus
profondément ancrées. Ses feuilles s'épanouissent  ; à présent il vous
dépasse. Vous le regardez toujours et vous voyez avec bonheur les fruits
naître après les fleurs. Ce sont des pommes, délicieusement sucrées.
Vous tendez le bras et vous en cueillez une. Vous tenez la pomme dans
votre main.
Je vais à présent vous poser deux séries de questions :
Aujourd'hui, vous êtes face à cet arbre. Mais auparavant, alors que la
terre était nue, il n'y avait rien. Pourquoi cet arbre a-t-il poussé?
Comment est-on passé du néant à cette matière?
Une énergie vitale, présente dans l'arbre, a envoyé ce feuillage hors
de terre, puis vers le ciel.
Deuxième série de questions  : vous tenez cette pomme entre vos
mains. Tenez-vous l'arbre entre vos mains  ? Tenezvous son énergie
vitale ?
La réponse est non. Je tiens une partie de l'arbre et je peux arracher
une feuille, une branche, je tiendrai toujours une partie de l'arbre, et dans
chaque cellule de l'arbre je tiendrai dans mes mains cette énergie vitale.

101
Mais si je le déracine tout entier, je tiendrai alors dans mes bras un arbre
mort et je ne tiendrai toujours plus entre mes mains cet élan vital qui
l'incarne.
Cette énergie, qui est impalpable, c'est l'essence de cet arbre. Et
pourtant je ne peux pas la cerner avec la matière. Elle n'est rien et
cependant elle est tout. Sans elle, pas d'arbre, pas de pomme. Pas de
pousse ni de mouvement.
Mais alors, en nous? Où est cette énergie ? La réponse se loge au fin
fond de notre corps. Je vais à présent vous demander de vous imaginer
vous, et non plus l'arbre. Vous étiez au départ une toute petite cellule,
composée d'un spermatozoïde et d'un ovule. Avant cela, vous n'étiez
«  rien  » en apparence. On ne pouvait pas vous voir, on ne pouvait pas
vous cerner dans la matière, et pourtant vous existiez déjà dans cette
énergie vitale qui a fait que vous avez grandi. Une force présente dans
vos cellules a fait battre votre cœur, vous a fait marcher quand il était
temps. À présent, grâce à cette même force, votre respiration soulève
votre poitrine, que vous le vouliez ou non… Et vous lisez aujourd'hui ces
lignes.
Fermez les yeux et visualisez-vous à quatre ans, puis à quinze ans.
Vous avez grandi, indépendamment de votre état d'esprit, de votre
volonté. Et votre corps n'est plus celui que vous habitiez lorsque vous
aviez six ans. Et pourtant, vous êtes toujours là  : cette énergie qui fait
battre votre cœur est bien présente, quoi que vous fassiez. Si l'on vous
fait une prise de sang, vous pouvez tenir devant vous l'éprouvette
contenant le liquide rouge. Et vous pouvez dire, comme lorsque vous
avez cueilli la pomme de l'arbre : « Ce n'est pas moi. C'est simplement
une part de moi, un morceau de la matière dans laquelle évolue l'énergie
vitale.  » Un jour, vous allez mourir et vos proches serreront dans leurs
bras une partie de vous. Mais ils ne pourront pas cerner cet élan vital
venu de nulle part et reparti vers ce nulle part qui nous effraie tant.
Avant de m'engager avec un patient dans une descente au plus près
du ressenti des cellules, je passe beaucoup de temps à écouter son
histoire. Ensemble, nous nous avançons lentement là où la douleur est
engrammée dans le corps, et je les guide peu à peu vers la prise de
conscience de cette énergie qui circule en eux. Ils ne sont pas «  cette
maman qui souffre » ou « ce policier qui n'en peut plus de sa carrière ».
Tout cela, toutes ces expériences vécues sont comme les pommes de
l'arbre. Elles sont une partie de l'arbre, mais elles ne sont pas l'arbre.

102
Lorsque quelqu'un arrive en consultation, nous réalisons pas à pas sa
grille de vie et le patient prend doucement conscience de ses schémas
répétitifs. À chaque consultation, nous avançons un peu plus vers la
douleur première. Le patient arrive avec une ou plusieurs situations
récemment vécues. Un événement l'a froissé ou blessé. La personne se
raconte et le praticien perçoit les mots importants, ceux de l'émotion. Je
lui demande alors de se plonger dans ce contexte douloureux et d'y
« rester ». Elle me résume son ressenti en quelques mots : pas plus, sinon
c'est la tête qui reprend très vite le dessus en expliquant, en se racontant
des histoires, en partant dans une autre direction, moins douloureuse.
Le patient est la plupart du temps allongé et je lui demande de faire
un travail de respiration profonde afin de lâcher prise tout en restant au
plus près de son ressenti face à l'événement vécu. Le corps doit se
détendre afin que la personne ne reste pas dans le contrôle. Bien entendu,
le mental reprend régulièrement le pouvoir et c'est un travail de longue
haleine, mais c'est mon rôle de raccompagner en douceur vers un ressenti
profond et corporel. J'utilise la bio-résonance, la grille de vie.
Je lui demande peu à peu de descendre dans la sensation, l'éprouvé et
le ressenti du corps. Cette sensation qui est en lien avec l'âme, l'esprit. Là
où se loge l'énergie vitale : cet espace qui ne meurt jamais en soi, l'élan
de vie. C'est une notion qui émerge lentement et qu'il n'est pas facile de
résumer avec des mots et un livre, car elle doit être ressentie avec le
corps, comme lorsque vous tenez la pomme de l'arbre entre vos mains.
Peu à peu, j'emmène la personne à cet endroit de son corps où il y a cette
douleur originelle et, avec de la patience, on ne reste pas bloqué face à
cette douleur, puisqu'elle n'est après tout qu'une «  pomme  » parmi
d'autres. Je le redis, vous n'êtes pas votre souffrance : c'est une partie de
vous et de votre histoire familiale, mais ce n'est pas vous.
Ensemble, nous allons chercher dans le corps cet espace qui ne meurt
jamais. Nous apprenons à sentir la respiration qui crée dans la matière
cette énergie indépendante de ce que la tête veut décider. En fonction de
là où en est la personne, je descends un peu plus. Je m'adapte. Il y a ceux
qui me disent : « Je vous avertis, je ne crois en rien. » Il y a ceux qui me
disent : « Je crois en Dieu. » Peu importe. Je les emmène simplement à
contacter cet espace de liberté en eux : un espace formé par cette énergie
qui ne s'arrête ni aux limites du corps ni aux limites de notre tête. Dans
cette énergie se loge notre être profond. Il ne demande qu'à s'exprimer
dans l'espace qu'on lui accorde peu à peu.

103
Lentement, en descendant dans le ressenti du corps, il est possible de
passer d'un monde où tout est dualité (moi et mon corps, moi et mon
esprit, moi et mon vécu, je suis heureux, je suis malheureux, je suis
vivant ou mort) à un monde d'unité, uniquement composé de cette
énergie originelle.
Si je cesse de m'identifier à mon corps qui va disparaître, à mes
croyances, au fait que je sois institutrice ou avocat, au fait que je n'aie
pas été désiré, alors peu à peu la douleur va s'estomper car tout cela ne
compose pas mon être profond. Tout cela représente seulement une
expérience que je suis venu faire dans la matière.
Peu à peu, je descends dans la sensation et l'éprouvé du corps. Je suis
comme l'arbre : je ne suis pas plus cette pomme que cette autre pomme,
et pas non plus cette branche ou cette fleur. Je suis un, je suis l'énergie
qui circule dans l'arbre. Et plus je commence à me distancier par rapport
à toutes ces expériences que je suis venu vivre, plus je ressens un espace
de liberté grandir en moi. Peu à peu, je trouve le sens profond et je
m'écarte de celui qui m'a été dicté jusque-là par une croyance, une
éducation, un ancêtre ou une blessure. Je ne reste pas «  collé et
embourbé » dans mon expérience.
Mais tout cela ne se réalise pas en un jour… Les personnes qui
viennent me voir arrivent souvent avec un vécu très dur. Allongées, elles
racontent et elles descendent dans la matière jusqu'à se retrouver
bloquées, recroquevillées, face à leur blessure originelle. Quel que soit
l'événement vécu dans leur journée, c'est toujours ce même ressenti
corporel qui revient. La personne se sent alors comme paralysée, en face-
à-face avec cette blessure. Alors on y retourne, autant de fois qu'il le faut
pour revisiter encore et encore cette douleur physique. Tant que la
personne se sent bloquée, il faut y retourner, jusqu'à ce qu'elle accepte de
regarder la réalité bien en face.
Avec de longues heures de pratique s'opère alors le retournement.
C'est le moment où la personne dit oui à ce qui est. Elle doit détacher
cette pomme douloureuse, la tenir entre ses mains et dire oui à ce qui est
horrible pour elle.
«  Oui, j'accepte le fait d'être venu faire l'expérience ici-bas de la
maltraitance.  » «  Oui, j'accepte le fait d'être venu vivre une expérience
d'abandon. »
Le retournement a lieu lorsqu'on dit oui à cette vibration dans
laquelle on est entré à notre naissance. Mais ce retournement et ce oui
sont extrêmement difficiles, car, le plus souvent, le patient n'en peut plus

104
de cette saleté de vibration qui revient et se répète dans sa vie. Et
pourtant, la seule façon de s'en sortir, c'est de l'accepter.
On voudrait pouvoir fuir cette vibration dans laquelle on a décidé
d'entrer, mais c'est impossible. Tant qu'on ne lui a pas dit oui, elle nous
revient comme un boomerang. Plus on la rejette et plus elle réapparaît.
Mon rôle est d'accompagner, en rappelant aux personnes quels petits
pas ont été accomplis peu à peu vers ce grand oui. Je leur rappelle à quel
point tout cela était difficile pour eux il y a encore six mois. Peu à peu,
certaines personnes vont réussir à parler avec tendresse de leurs
expériences passées.
Et si le patient se sent bloqué, mon rôle est de l'amener à l'accepter
aussi, tranquillement. Il doit regarder le mur en face duquel il se trouve :
c'est le «  temps du mur  ». Patience. Ce moment est important car c'est
celui pendant lequel on apprend à « s'aimer soi-même ». Les choses se
font peu à peu, je ne décide rien et le patient non plus. Nous laissons le
corps s'exprimer et il nous guide car lui seul connaît le chemin secret de
la souffrance.
Tant que je me dis : « Tout ce vécu, c'est moi, et j'en ai honte », je me
juge. Mais si je sais que ce n'est pas moi, que c'est juste une expérience,
alors je me mets debout progressivement et je ressens une expérience de
liberté inédite, je me sens un, je ne suis plus déchiré par ce que je vis. Je
découvre un espace de liberté dans lequel je vais pouvoir m'élever et
m'épanouir.
Tant qu'on croit qu'on est son corps, tant qu'on croit qu'on est
l'expérience que l'on vit, on tourne en rond et on souffre. Mais lorsqu'on
sent que l'énergie continuera à vivre après notre corps, en dehors de notre
ego, alors le retournement commence à s'opérer. « L'homme est un être
spirituel venu faire une expérience dans la matière  », écrit Teilhard de
Chardin.

Hélène se laisse conduire dans son corps,


jusqu'à sa blessure originelle

Les parents d'Hélène sont très amoureux et ils ont une relation
sexuelle avant le mariage. Au moment d'annoncer sa grossesse au papa,

105
la maman d'Hélène est confiante et elle rayonne de bonheur. Mais la
réaction du futur père n'est pas du tout celle qu'elle attendait. Il réagit très
mal et elle décide d'avorter. Hélène va naître plus tard, mais dans un
contexte très particulier de mort et de confiance effritée. Quelques mois
après cet événement en effet, les parents d'Hélène, toujours amoureux,
décident finalement de se marier et Hélène est attendue après le mariage.
Encore une fois, cela ne se passe pas comme prévu, puisque le père
dit à nouveau non à ce bébé, alors que la future maman est enceinte d'un
mois. Comble de la déception, le futur papa annonce qu'il est amoureux
d'une autre. Mais la maman décide cette fois-ci de garder le bébé. Hélène
vit dans le ventre de sa mère ce contexte très difficile : trahison, manque
de confiance et IVG en toile de fond…
Hélène vient consulter car, au cours de sa vie d'adulte, elle entretient
des relations difficiles, violentes, presque sado-masochistes avec des
hommes qui ne sont jamais vraiment libres et qui la quittent
systématiquement.
L'un d'eux est libanais : il a passé son enfance dans un pays en guerre
et c'est avec lui qu'Hélène s'est mariée. Ils ont décidé d'avoir un enfant et,
alors qu'elle était enceinte d'un mois, son mari lui a asséné que «  ce
n'était finalement pas une bonne idée », et il l'a quittée sur-le-champ.
Depuis, l'enfant a grandi. Hélène a rencontré d'autres hommes, mais à
chaque fois le même schéma se répète. Hélène a d'ailleurs décidé de
pratiquer une IVG suite à une relation qui tournait très mal, afin de ne
pas revivre encore et encore la même situation. Mais elle s'en veut
cruellement et elle ne supporte pas de voir partir son fils unique chez son
père, un homme violent et peu fiable. Chaque fois que son enfant part et
revient, elle ressent dans son corps une blessure inouïe, un sentiment de
désespoir profond.
Hélène connaît l'histoire de sa naissance. Elle sait ce qu'elle a vécu
dans le ventre de sa mère. Mais elle prend conscience peu à peu que,
pour que cela s'arrête, elle doit le vivre dans son corps.
Au cours d'une séance, je lui demande de se replonger dans ce
moment, atroce pour elle, où SOn fils revient après un séjour chez son
père.
En se repassant le film, son corps progresse peu à peu, il se plonge
dans cette douleur. À chaque séance, Hélène raconte un nouvel
événement qui l'a fait souffrir, et nous descendons au plus près de cette
blessure originelle. À chaque fois, Hélène se recroqueville, ressent du
froid et se sent bloquée devant un mur.

106
Avec la bio-résonance, je teste son corps : celui-ci me guide vers la
période du premier mois de grossesse. Hélène comprend, car elle connaît
son histoire. Mais à présent, il va falloir peu à peu apprendre à l'accepter.
Hélène doit revivre encore et encore ce sentiment de rejet, de trahison, et
prendre à bras-le-corps ce copiécollé complet avec l'histoire de sa mère.
Le test de bio-résonance nous indique la joie d'avoir cet enfant, puis une
perte totale de confiance dans l'avenir. Hélène se sent vide, glacée, un
ressenti de mort l'envahit et elle revit l'IVG qui a précédé sa propre
conception.
L'histoire de son fils réveille systématiquement en elle cette vibration
d'origine. Elle sait, elle connaît, mais elle est bloquée.
Fondamentalement, pour que le retournement s'opère, elle doit peu à peu
dire oui à ce qui est, oui à une vibration identique, dans laquelle elle a
accepté d'arriver. Et pourtant, Hélène n'en peut plus de ce qu'elle est
venue expérimenter. Elle se dégoûte, elle voudrait fuir et il est très
difficile d'aller jusqu'à accueillir cela.
Pour l'aider, je lui rappelle quel chemin elle a déjà accompli. À
présent, Hélène parle avec douceur de son père et de sa mère, elle
commence à faire le deuil et à accepter l'IVG qu'elle a elle-même
réalisée… Elle accueille lentement cette vibration-là. Même si le temps
de l'acceptation est long, c'est l'étape dans laquelle est contenu le
« s'aimer soi-même » qui va la libérer.
Alors il faut répéter la descente et se retrouver face au mur encore et
encore, à chaque fois qu'un événement réveille une mémoire. Les choses
se font doucement : on ne peut pas décider d'un lâcher-prise.
Hélène va ressentir peu à peu de la compassion pour elle-même.
Cette expérience, cette vibration, ce n'est pas elle. Hélène va lentement
se détacher, jusqu'à ne plus avoir honte, ne plus se juger, elle va
progressivement découvrir cet espace de liberté dans lequel elle pourra
élever son fils sereinement.

Apprendre à se regarder vivre

Lorsque vous avez le sentiment qu'une situation identique revient


dans votre vie, marquez un temps d'arrêt et observezvous. Prenez
conscience de votre quotidien. Observez les sensations de votre corps à
ce moment précis. Notez si vous ressentez du froid, un nœud dans le

107
ventre… Et si ce nœud revient, pour une situation qui vous semble
pourtant radicalement différente, notez-le également. Le corps, lui, vous
indique que les situations sont en fait identiques.

Prendre conscience de l'énergie

Dans la journée, je fais une pause et je respire. Je pense à ma main, à


mon bras, à mon pied, j'effectue un «  scan  » total de mon corps. Mon
sang qui circule, mon cœur qui bat, ma respiration. Je ressens l'espace
vivant, indépendant de moi. J'apprends à le sentir plusieurs fois par jour.
Dans mon corps il y a cet espace de liberté, indépendant de mon
expérience et de ma façon de me juger. La descente dans le corps, c'est le
chemin vers cette liberté.

108
16
Découvrir mes blessures originelles

« Il est des douleurs qui ont perdu la mémoire et qui ne se souviennent
pas pourquoi elles sont des

douleurs. » Antonio PORCHIA

Nous avons vu dans les chapitres précédents comment notre


naissance et les mois qui ont entouré celle-ci pouvaient avoir un impact
très fort sur le déroulé de notre vie. Faire peu à peu remonter à la
conscience ce qui est engrammé sous forme de souffrances dans le corps
nous permet de nous libérer. Nous allons à présent nous pencher sur la
période de notre enfance. Au cours de cette période, nous avons tous
rencontré une figure maternelle et une figure paternelle. Qu'elles aient
été absentes ou présentes, nous avons construit notre rapport au masculin
et au féminin à cette période.
Votre enfance est comme un grand château de cartes qui s'est érigé
peu à peu, en se construisant sur trois instincts archaïques. Lorsque nous
arrivons au monde, nous sommes pourvus de ces instincts, mais ils vont
se développer selon notre vécu, et il se peut que l'un des trois soit blessé.

L'instinct de survie ou de conservation

C'est celui du bébé qui hurle lorsqu'il a faim, qui tend les bras
lorsqu'il a peur. Cet instinct est situé au niveau du ventre. Il est
fondamental pour notre évolution et il se base sur le lien maternel que
nous avons construit au tout début de notre vie. C'est une période où le
bébé va «  prendre  » à sa mère la nourriture  : il exprime ses besoins.

109
Repos, chaleur, aliments, il demande qu'on y prête attention. Il s'attend à
ce qu'on réponde à ce besoin. Ce stade de son évolution va lui permettre
de construire le « je  » qui est en lui. Plus tard, il saura dire «  moi » et
connaîtra ses besoins primaires… Ou pas : lorsque la fonction maternelle
est défaillante, il arrive qu'on ne réussisse pas à reconnaître ce dont on a
réellement et profondément besoin. On pourra avoir le sentiment diffus
de ne pas trop savoir qui on est. Adulte, on se néglige. On s'occupe mal
de soi-même et on fait passer les choix des autres avant les siens. Avez-
vous tendance à vous laisser embarquer dans les besoins de l'autre ? Vous
a-t-on imposé des biberons que vous ne vouliez pas, pour respecter un
horaire précis, alors que vous n'aviez pas vraiment faim? Votre mère
était-elle absente ? Ou trop présente, devançant chacun de vos désirs ?
Il se peut que votre instinct de survie soit blessé.

L'instinct relationnel

Dans la deuxième année de l'enfant, le bébé va peu à peu sortir de sa


« bulle » et s'intéresser aux besoins de l'autre. On apprend à coopérer. À
cette étape de la vie, le rôle du père est d'inciter l'enfant à se séparer peu
à peu de sa mère. Je précise que la notion de « père » ou de « mère » est
à entendre au sens plus large de «  fonction paternelle  » et «  fonction
maternelle ». Ainsi, une maman qui vit seule avec son enfant pourra elle
aussi développer cette fonction paternelle. Un professeur, un ami, un
parrain, une nourrice peuvent également remplir l'une ou l'autre fonction.
Mais il est important de retenir, pour cette période importante du
développement, que lorsque la fusion entre la mère et l'enfant est trop
forte, ce dernier ne parvient pas à vivre sereinement le passage à
l'instinct relationnel. Or ce passage nous permet de comprendre qu'en
dehors du « je », il y a un « tu », et que l'on va alors pouvoir entrer en
phase avec l'autre. Le rôle du père est donc crucial à ce moment de la
vie. S'il est défaillant, l'enfant aura ensuite du mal à trouver la juste
distance par rapport à l'autre. Soit trop près, soit trop loin  : ce sera
difficile pour lui. L'instinct est blessé et la relation à l'autre peut nous
sembler effrayante, car on ne sait pas de quoi l'autre a besoin. On
entretient alors des échanges superficiels ou on se sent seul.

110
L'instinct de syntonie

Il se développe aux alentours des sept ans de l'enfant. Cet instinct va


nous pousser à nous intéresser à ce qui se passe autour de nous d'une
façon plus large, et notamment dans le couple de nos parents. Cet instinct
nous permettra ensuite d'évoluer face aux autres et dans le monde.
Comment les deux figures, maternelle et paternelle, sont-elles vécues
lorsqu'elles sont réunies ? Si vos parents étaient tout le temps en conflit,
il se peut que vous ne vous sentiez pas forcément très à l'aise dans le
monde ou pour agir face au monde. Quand cet instinct est blessé, on peut
avoir le sentiment d'être «  hors-jeu  » ou on réalise qu'on se place soi-
même hors-jeu et on en souffre. Quoi qu'il arrive, on ne va pas accorder
de valeur à nos actions dans le monde, pas plus qu'à celles des autres.
Il se peut aussi que vous ressentiez un sentiment de blessure
générale… Sans réellement parvenir à définir une dominante. Pour vous
aider à y voir plus clair, n'hésitez pas à noter ce qui a fait écho en vous
lorsque vous lisez ces lignes :
• Je sens que mon instinct de conservation est blessé
car………………………………………………………………………
…………………….
• Mon instinct relationnel semble blessé car ma souffrance la plus
fréquente est………………………………………………………….
• Je souffre par rapport à mon instinct de syntonie
car………………………………………………………………………
……………………….

Chantal se nourrit très Mal

Chantal est une jeune femme très maigre. Elle m'explique qu'elle ne
fait pas de véritables repas, elle ne cuisine pas et elle grignote en
permanence des cacahuètes. Elle me raconte que lorsqu'elle était enfant,
elle avait pris l'habitude de manger des bouts de bâton. Elle souffre de
maux de ventre et de problèmes à l'intestin. Au fil des séances, elle me

111
raconte que son père a été prisonnier pendant la guerre et qu'il se
nourrissait avec des baguettes de bois. Nous travaillons ensemble sur la
période où SOn instinct de conservation s'est développé, et nous en
arrivons à la conclusion qu'il a subi une blessure importante. Chantal en
prend conscience et je lui donne quelques exercices pratiques pour
qu'elle rééduque cet instinct perdu. Je lui demande par exemple de se
rendre dans un supermarché, de circuler dans les rayons, puis de choisir
ce qu'elle a envie de manger. Pour cela, elle doit interroger son ventre.
Elle pose sa main sur celui-ci et circule entre les étalages afin de faire
son choix avec son corps.
Le premier jour, elle rapporte seulement un yaourt et un minuscule
pot de compote. Le second une banane… Petit à petit, en mettant sa main
sur son ventre, elle réapprend à ressentir ses besoins profonds. Elle a
aujourd'hui acheté plusieurs livres de cuisine et elle invite des amis à
dîner chez elle !

Trop près ? Ou trop loin ?

L'instinct de conservation et l'instinct relationnel se sont développés


par rapport à la fonction maternelle et paternelle que nous avons eue
entre zéro et trois ans. Ces deux instincts peuvent être blessés par le
« trop » ou le « pas assez » : une mère trop présente ou trop absente, un
père trop autoritaire ou pas assez. Un exercice corporel simple peut vous
permettre de mieux appréhender ces blessures, si elles existent. En
ateliers, je demande parfois à deux personnes de se placer dos à dos.
L'une d'entre elles pourra ainsi représenter le rapport à la mère ou au
père. En fermant les yeux, les patients sont à l'écoute de ce que le dos
leur dit : comment est le corps de l'autre ? Trop pesant? Trop léger ? Puis
les deux participants se retournent et rouvrent les paupières. Ils peuvent
alors apprécier la distance qu'ils ont placée avec l'autre. Lorsque les deux
participants sont trop proches, ceux-ci ne peuvent pas se voir, ils ne
semblent pas dissociés de leur partenaire de jeu.

112
17
Dire au revoir à sa mère

« L'amour de certaines mères est comme une corde passée au cou de


l'enfant : au moindre mouvement de celui-ci vers la vie, le nœud coulant
se resserre. »

Christian BOBIN, Ressusciter

Notre mère nous accueille dans son corps, elle permet ainsi notre
entrée dans la matière, ou pas. Parfois, malgré cette énergie vitale qui se
développe en elle, la mère, au fond d'elle, ne veut pas vraiment vivre ce
moment, consciemment ou inconsciemment. Dans ce cas, on attendra
toute notre vie cette mère qui aurait dû nous désirer pleinement, mais on
ne la rencontrera jamais…
Au cours des neuf mois, dans le ventre, l'enfant ressent toutes ces
émotions cachées, mais, en même temps, le fœtus ne ressent aucun
manque : il n'a ni chaud, ni froid, ni faim. Ses besoins sont comblés sans
qu'il ait à quémander. Et ce n'est pas la mère qui va décider de la fin de
cette union parfaite : l'énergie vitale va pousser l'enfant au-dehors, qu'il
le veuille ou non! La mère va alors accompagner l'enfant qui se donne
naissance. Les contractions le poussent vers le dehors et c'est une
expérience sensorielle très forte : celle de la séparation. Cette rupture est
extrêmement prégnante, car l'enfant va devoir laisser le monde bien
chaud où il se trouvait pour entrer dans le suivant. Cette séparation est
donc comme une mort-renaissance, elle est brutale et nous allons devoir
accepter cet événement tout au long de notre vie. Peu à peu, on pourra
dire oui à la vie, et c'est tout le travail que nous avons à faire dans la
matière. « Le passage est dans le corps », dit Mère. Comme la naissance,
la vie est faite de ruptures, de frustrations, de moments où l'enfant
ressentira le vide en lui alors qu'il n'avait ressenti jusque-là que le
« plein ». C'est pourquoi le rôle de la mère n'est pas de combler le vide,

113
car ce vide fait partie de la vie, mais plutôt d'apprendre au tout-petit à
évoluer dans la rupture.
Le nourrisson va se laisser guider dans sa nouvelle vie par la figure
maternelle. C'est elle en premier qui va prendre soin de son corps, le
nettoyer, le nourrir.
Ce petit « embryon spirituel », comme le disait Maria Montessori, est
avant tout un corps, et c'est en en prenant soin que la mère va lui
permettre de réaliser qu'il est une personne à part entière. En effet, le
nouveau-né n'a pas conscience de ses propres limites physiques. Au
départ, tout ce qui est autour de lui est une partie de lui. Le bébé n'est pas
«  rassemblé  » dans son corps. La fonction maternelle devrait le guider
pour lui apprendre à identifier ses besoins et les réguler. Si le soin du
corps est doux et chaleureux, l'enfant évoluera en toute confiance. Pour
cela, la mère accompagne sans étouffer. Par exemple, elle donne à
manger lorsque l'enfant en exprime le besoin. Mais si au contraire, elle
regarde l'heure alors qu'il est en train de pleurer, si elle lui fait
comprendre : « Non, tu ne peux pas avoir faim, il n'est pas encore quinze
heures », l'enfant perd les sensations de son corps et il aura du mal, plus
tard, à les écouter. Et lorsqu'elle lui propose un biberon « parce qu'il est
quinze heures et qu'il doit avoir faim », c'est la même chose : l'enfant ne
peut pas s'emparer de cette sensation si importante de savoir, plus tard,
prendre soin de soi. Dans le «  trop  » comme dans le «  pas assez  » se
niche pour nous le même manque : celui de ne pas être respecté en tant
que personne.
Si, lorsque nous étions un bébé, on s'est occupé de nous avec
bienveillance, on saura ensuite prendre soin de soi. On sera donc capable
de dire «  je  » et de prendre nous-mêmes le relais de la fonction
maternelle.
Mais quand la figure maternelle nous a surprotégés, ou au contraire si
elle nous a négligés, il se peut que nous ressentions une difficulté à être à
l'aise avec notre corps, et que nous ne parvenions pas à nous sentir « un »
en tant que personne séparée du ventre maternel. Sentiment de manque
ou peur de manquer  : je ne suis pas à l'aise avec moi-même. Nous
mettons en place cette recherche permanente d'une
« bonne mère » et nous la projetons absolument partout.
Il se peut aussi que nous ressentions un sentiment de révolte, de
déception ou de colère : nos proches se doivent de deviner nos besoins
alors que nous ne les formulons pas. Nous sommes dans l'attente que
l'autre les devine. Nous attendons qu'il s'occupe de nous, qu'il nous

114
dorlote  ; ou nous souffrons au contraire du syndrome inverse, car nous
détestons être maternés, un peu comme si nous disions :
« Mais je n'en veux pas, de cette mère-là, ce n'est pas celle-là qui me
convient, je suis un étranger pour elle. »
Il se peut que nous ayons aussi tendance à vouloir que l'autre ait les
mêmes besoins que nous : nous allons par exemple offrir à un proche ce
qui nous ferait plaisir, un peu comme si on disait : « Mais si, je t'assure,
tu as faim ! », alors que l'autre n'a rien demandé.
En lisant ces lignes, vous vous dites que vous n'avez pas eu une mère
parfaite ni une petite enfance idéale ? Rassurez-vous, vous n'êtes pas le
seul ou la seule  : la mère idéale n'existe pas  ! Cette mère idéale, c'est
celle que nous imaginons et recherchons. Elle n'existe pas, mais c'est
celle qui pourrait combler nos besoins, et nous allons faire un travail
pour découvrir pourquoi en mémoire cellulaire. Vous avez simplement
vécu ce que vous aviez à vivre. Acceptez cette enfance, prenez-la telle
qu'elle est, avec ses défauts.
La fonction maternelle est toujours défaillante si nous attendons
qu'elle nous comble totalement, comme lorsque nous étions dans le
ventre. Nous pouvons dans ce cas attendre la mère parfaite toute notre
vie, ou attendre désespérément que notre mère change et entretenir une
position de victime.
Pour guérir nos blessures d'enfance, on a tendance à exister dans
l'«  effet mère  » et, comme ce jeu de mots l'indique, l'éphémère n'est
qu'une illusion. Impossible de combler ce vide, le combat est perdu
d'avance. Il n'est pas le chemin. Que l'on attende un paradis perdu ou que
l'on soit en colère contre celui-ci, nous ne parvenons pas à avancer.

Et en tant que maman, on fait comment ?

La maman, comme l'enfant, doit accepter les ruptures qui se jouent à


la naissance, puis au cours de la vie, jusqu'à la mort. L'enfant va
demander à sa mère de combler ces ruptures, ce qui est impossible, car
l'énergie créatrice de la vie nous pousse vers l'avant, de passage en
passage. Lorsqu'elle était petite, ma fille m'appelait «  la machine à
solutions » et, lorsqu'elle avait un problème, elle me demandait toujours

115
une solution, une aide, une astuce. Mais ensuite, quand je la lui donnais,
elle me le faisait payer. Comme toutes les mamans, j'ai voulu apaiser et
réparer. Combler. Puis je me suis rendu compte que je n'étais pas la
solution. En agissant ainsi, je bridais l'autonomie de mon enfant. Donner
la solution, c'est forcer l'autre à l'accepter. Cela gomme la rupture, mais
cela efface aussi sa personne. J'ai par la suite proposé des pistes, car
l'adulte est aussi là pour guider. Mais c'était à elle de choisir. On peut
dire à son enfant : « Pour aller mieux, il y a ça ; maintenant, c'est toi qui
décides si tu veux le prendre ou non. »

Sophie est en colère contre sa Mère

Sophie a un ressentiment très profond vis-à-vis de sa mère. Elle


estime avoir été négligée lorsqu'elle était enfant. Elle m'explique qu'elle
a dû Se plier aux désirs maternels, elle reproche aussi à sa mère ses bien
trop nombreuses absences. Sa colère est très forte et elle estime « ne plus
rien lui devoir » : elle ne veut plus lui parler.
Je lui explique que tant qu'on est dans la colère, on est dans la
dépendance. Sophie doit accepter peu à peu le fait qu'alors qu'elle crie
haut et fort son indépendance, sa colère la relie en fait à sa mère. Cette
colère doit avant toute chose « sortir » et s'exprimer par le corps. Au fil
des séances, elle se sent la force d'aller dire en face à sa maman ce
qu'elle raconte en rongeant son frein. Elle prend rendez-vous avec elle et
lui raconte tout  : ses souffrances, son mal-être… Sa mère l'écoute
attentivement. La réponse de la maman va faire retomber le soufflé de la
colère d'un coup, car elle lui répond  : «  Je le sais. Tout ce dont tu
m'accuses, je le sais. Mais je n'ai pas su faire autrement.  » Lorsque
Sophie revient me voir, sa colère a disparu.
Le fait d'avoir été entendue lui a fait prendre conscience que cette
colère était en effet en elle et non à l'extérieur. Elle a repris sa place dans
le duo mère-enfant en considérant sa maman autrement. Oui, celle-ci a
été défaillante, mais elle lui a montré la voie de la rupture. À Sophie
aujourd'hui de trouver en elle son propre chemin, et c'est tout le travail
de la mémoire du corps  : vivre sa douleur au fond de ses tripes et pas
seulement le « savoir avec sa tête ».

116
18
Dire au revoir à son père

« Dites-moi d'où il vient Enfin je saurai où je vais

Maman dit que lorsqu'on cherche bien On finit toujours par trouver Elle
dit qu'il n'est jamais très loin Qu'il part très souvent travailler

Maman dit « Travailler c'est bien » Bien mieux qu'être mal accompagné !

Pas vrai ? Où est ton papa ? » STROMAE, Papa où t'es ?

La mère et l'enfant sont physiquement unis avant la naissance et ils


restent fusionnels après, puisque c'est le plus souvent la mère qui nourrit
le bébé. L'image du père semble être complètement effacée, annihilée par
la force de ce lien. Cette liaison semble toute-puissante, car elle est
physique, charnelle : elle part du ventre. Mais on a beau faire, on a beau
dire, pour faire un enfant, il faut être deux, un masculin et un féminin qui
s'unissent  : le géniteur est indispensable. Quoi qu'on fasse, même si le
spermatozoïde provient d'une éprouvette, le père existe. J'ai par exemple
accompagné une patiente qui vivait de multiples relations. Je lui ai
demandé pourquoi. Elle me disait vouloir comprendre. Elle avait le
sentiment profond de ne pas être née d'un sexe d'homme! En effet  :
c'était un « bébé-éprouvette ». Dans sa vie d'enfant, elle s'est beaucoup
heurtée à l'absence physique du père.
Le père est celui qui va trancher, couper, séparer  : dans certaines
civilisations, c'est d'ailleurs lui qui coupe le cordon. Il est celui qui
sépare, c'est sa mission. Le père accompagne l'enfant dans ce passage
obligé de la séparation. Et il va également aider l'enfant à se différencier
de la mère en lui donnant son nom. C'est lui qui l'inscrit
traditionnellement sur le registre de l'état civil. Le père va peu à peu lui
donner une place dans la société.
En grandissant, l'enfant tentera toujours de retourner d'où il vient, là
où il se trouvait bien : dans le ventre de sa mère. Issu de la chair et de la

117
matière, il s'épanouit peu à peu dans la parole et dans l'esprit. Le père
l'aidera à poursuivre sa différenciation.
L'enfant réalise qu'il est unique, avec sa propre identité. C'est le père
qui va emmener l'enfant vers la communication et le langage. En l'aidant
à mettre de la distance, le père l'ouvre à d'autres possibles. Tout au long
de la vie de l'enfant, il tranche, il sépare et donne accès au langage.
Le bébé crie et hurle quand il a faim. Lorsque l'enfant va grandir, le
père va lui permettre de transmettre autrement ce qu'il a à dire, autrement
que par le ressenti physique. Il lui montre comment exprimer ses besoins
pour pouvoir sortir de l'attente infantile, cette attente qui induit un tu dois
deviner mes besoins… et à laquelle la mère répond toujours. En posant
un cadre, le père tranche le cordon une seconde fois. Il dit «  non  » à
l'enfant, il lui indique les limites à ne pas dépasser. Il met de l'ordre.
Si ce rôle est rempli avec fermeté et justesse, l'enfant sentira qu'il
peut s'épanouir librement dans le cadre posé. Il saura qu'il peut
s'exprimer : l'enfant a le droit de réaliser ses propres expériences, mais le
père a « sécurisé le périmètre ». Si les limites sont inexistantes, l'enfant
ira chercher au-dehors la figure paternelle. C'est le cas par exemple de
certains jeunes délinquants qui veulent se confronter à l'ordre public.
S'ils ne trouvent pas de limites chez eux, ils vont les quérir à l'extérieur.
Un enfant qui a reçu un cadre solide avance avec confiance sur le
pont suspendu de la vie. Il n'a pas peur, mais il n'est pas non plus « tête
brûlée ». Celui qui a grandi sans cadre n'osera pas s'élancer sur le pont,
ou bien il se mettra au contraire en danger. Et lorsque les limites sont
trop rigides, l'enfant n'avancera pas du tout. Il s'immobilisera.
Bien entendu, la fonction paternelle peut être remplie par plusieurs
personnes autour de l'éducation d'un enfant. L'école, un parrain, une
grand-mère, la mère elle-même, qui doit alors prendre conscience de
l'importance de la séparation. Il lui faudra lâcher le duo mère-enfant et
poser elle-même une triangulation père-mère-enfant.
Pour une mère célibataire, il est très difficile de remplir à la fois les
fonctions paternelle et maternelle. J'ai conscience que ce n'est pas
toujours facile de remplir plusieurs rôles lorsque le père est absent. Mais
il est important de visualiser cette main qui prend celle de l'enfant et
l'accompagne au-dehors pour découvrir le monde. Cette main l'élève et
lui insuffle l'énergie vitale de l'esprit.

118
Un père absent : comment se manifestent les
manques ?

Lorsque la fonction paternelle a été défaillante, il se peut que vous


adoptiez certaines attitudes dans votre vie quotidienne et que vous en
souffriez.
— Vous ne supportez pas qu'on vous dise non ou au contraire vous
dites oui à tout. Vous n'osez pas dire non sans culpabiliser.
— Vous avez des difficultés à entrer en relation.
— La communication est souvent difficile.
— Vous ressentez des difficultés dans le monde professionnel,
notamment avec la hiérarchie.
— Au fond, votre père ne vous a jamais vraiment donné la
permission et vous avez le sentiment d'attendre en permanence un
accord, une validation.
— Vous avez tendance à refuser tout cadre.
— Il vous arrive fréquemment de vous confronter à la loi.
— Vous vous mettez volontiers en danger.
— Vous n'arrivez pas à poser des actes concrets sur vos projets.
En somme, le rôle du père est vraiment celui du respect du cadre et
de la limite. Quand le père dit non, c'est non !

Sabine a une conduite à risque

Sabine me raconte sa vie avec un air absent. Elle décrit son jeune
couple, la naissance de leur premier enfant. Tout semble aller au mieux
et pourtant, si elle est venue me voir, il doit bien y avoir une raison…
Elle m'explique qu'elle vient avant tout pour son enfant, elle souhaite être
«  une bonne mère  ». Je lui demande de me décrire la relation qu'elle a
avec son enfant. Tout semble aller pour le mieux. Pourtant, Sabine
ressent au fond d'elle une peur de mal faire chevillée au corps. Elle me
raconte qu'elle a été élevée par sa mère et sa grand-mère. Le père était

119
absent et son parrain, le frère de sa mère, faisait office de figure
paternelle par intermittence. Elle parle alors d'un lien fusionnel avec la
maman et de l'autoritarisme dont son parrain faisait preuve. En effet,
celui-ci posait de temps à autre un cadre, mais uniquement lorsqu'il était
exaspéré par les caprices de la petite fille. Les punitions qu'il lui
infligeait étaient jugées souvent injustes par l'enfant car elle ne savait
jamais « quand elles allaient tomber » ni
«  pourquoi elles allaient tomber  ». Elles étaient même parfois
violentes. Douche froide, fessée, tout y passait. Et puis des semaines
s'écoulaient sans que son oncle intervienne. La petite fille reprenait alors
sa place principale, toute-puissante face à sa mère.
Je lui demande alors  : «  Sabine, de quoi avez-vous peur pour votre
enfant? Ce n'est pas la même situation : il a un père qui semble être très
présent ? »
C'est alors qu'elle me répond sans détour : « J'ai peur de ma conduite
à risque. Lorsque j'entre en conflit avec ma mère, c'est terrible. Je me
mets à boire. Je ne veux pas faire subir ça à mon enfant. »
Ensemble, nous allons devoir travailler sur la figure paternelle. La
blessure est profonde, et elle apparaît dans son corps sous cette forme :
destruction par l'alcool.

Béatrice ne s'y retrouve pas

Béatrice est en colère contre son mari. Il manque d'autorité face aux
enfants et leur laisse «  tout faire pour avoir la paix  ». Je lui demande
alors comment sont répartis les rôles dans leur couple. Elle semble
étonnée de la question. Mais elle me répond de but en blanc :
« Ah! Si vous voulez parler des tâches ménagères, je n'ai pas fait dix
ans d'études dans une école d'ingénieurs remplie de garçons pour passer
la serpillière et changer les couches ! »
Je lui demande alors si elle a embauché une nourrice et une femme
de ménage. Elle me répond sèchement, de plus en plus en colère  :
«  Certainement pas  ! Mon mari peut s'en charger! Il n'y a pas de
raison ! »
Je lui demande alors si elle se sent plus à l'aise lorsqu'elle affirme son
autorité… Et sa colère reprend :

120
«  Certainement pas  ! Je suis la mère de mes enfants  ! J'attends de
mon mari qu'il affirme son autorité ! »
Avec Béatrice, nous allons travailler ensemble sur le rôle du père.
Peu à peu, elle se rendra compte que sa colère est amplement associée à
l'absence d'autorité masculine dans sa propre enfance.

121
19
Découvrir en moi la part masculine et la part
féminine

« Le père doit dire au petit garçon »Tu viens de mes couilles», sinon le
petit garçon est persuadé qu'il vient uniquement du sexe de sa mère et
inconsciemment, il imagine

qu'en retournant dans le ventre de la femme,

il pourra devenir un homme. »

Guy CORNEAU

Dans la nature, deux pôles distincts existent sans lutte, à égalité, dans
toute leur complémentarité. Le soleil et la lune sont à l'image de cette
nature féminine et masculine  : l'un émet et l'autre reflète. Le soleil a
besoin de la lune pour briller. La lune a besoin du soleil pour être
éclairée. S'il n'y avait pas la nuit, nous ne pourrions pas percevoir le jour.
On retrouve la féminité et la masculinité dans les quatre éléments, à parts
égales. L'air et le feu sont émissifs. L'eau et la terre sont des éléments de
réceptivité. Ces éléments sont remplis de mémoires. Et lorsque le yin et
le yang sont réunis dans un équilibre parfait, alors seulement il y a
possibilité de création. L'homme et la femme font partie intégrante de
cette énergie créatrice. L'homme est solaire, émissif, il agit. La femme
est lunaire, elle reçoit.
En vous, les valeurs du féminin sont celles de l'accueil, de la
réceptivité et de la méditation. La femme est une coupe qui accueille en
elle le sexe de l'homme. En vous, la part du masculin existe aussi, que
vous soyez un homme ou une femme. Les valeurs masculines sont
l'émissivité, l'impulsion, l'action au-dehors de la maison. L'homme donne
et la femme reçoit.
En nous, ces deux polarités existent et tant que nous n'accepterons
pas qu'elles puissent être complémentaires, tant que nous considérerons

122
que « l'une est mieux que l'autre », nous nous dénigrerons nous-mêmes et
nous n'avancerons pas.
Prendre le masculin pour ce qu'il est, et le féminin pour ce qu'il est,
est-ce dégradant? Si nous cessons de poser un jugement sur ce qui
compose le monde, le yin, part féminine, et le yang, part masculine, nous
avançons d'un grand pas. Les valeurs masculines sont depuis des siècles
valorisées aux dépens de la part féminine. Et lorsque la femme se libère
et prend sa place dans des métiers traditionnellement masculins, c'est un
nouveau corset invisible qu'elle s'inflige en endossant les valeurs
masculines et en niant sa part féminine. Le monde ne peut pas avancer
ainsi. La libération de la femme est au contraire d'accueillir totalement sa
part féminine.
Lorsque la femme accueille sa part masculine, elle dit oui à cette
énergie. Mais c'est d'abord elle qui accepte que l'énergie circule. La part
féminine se place en premier dans la création. C'est elle qui va la mettre
en scène. Elle fait autorité. Si l'on pose un non avant d'avoir dit oui, alors
ce non ne peut pas se transformer en énergie créatrice. Ce non devient
destructeur. C'est ce qui se passe partout dans le monde lorsque la part
masculine prime sur la part féminine. Agressivité, rigidité, tension… Au
contraire, si la part féminine, yin, accueille le yang, elle le fait avec
émotion, intuition, unification et communication  : c'est l'autorité subtile
du yin, avant le pouvoir plus ferme du yang. Le oui, avant le non.
Lorsque l'homme reconnaît en lui sa part masculine, il la fait vivre
d'une façon juste  : l'homme de par sa nature doit se situer dans son
masculin sans ignorer le féminin en lui. Il reconnaît la complémentarité.
Mais l'homme a beaucoup de difficulté à reconnaître son masculin, car
son premier contact charnel se fait à travers le corps de la femme, au
cours de la naissance.
Autorité, pouvoir : deux dominantes, qui ne font qu'un, pour donner
naissance au partage, dans la complémentarité.

Comment vivre sa part féminine et sa part


masculine ?

123
Il est important d'accueillir en nous les deux parts qui composent
notre couple intérieur  : notre part féminine et notre part masculine. Si
nous ne sommes pas en accord avec elles, nous ne pourrons pas, ensuite,
former un couple harmonieux avec l'autre. Interrogeons-nous : l'une des
deux parts est peut-être étouffée ? Pour le savoir, je dois observer ce que
je vais rechercher en l'autre. Sa part féminine? C'est peut-être alors ce
que j'étouffe en moi.
Mais attention, ne confondons pas «  part féminine  » et féminité,
«  part masculine  » et virilité. Pour bien faire la différence, prenons
l'exemple de Nathalie, qui a épousé Patrick  : sur ses talons aiguilles,
Nathalie se sent hyperféminine. Pourtant, lorsque Patrick l'épouse, c'est
sa part masculine qu'il recherche : une femme de pouvoir, qui va gérer la
maison d'une main de fer. Mais le couple bat de l'aile, car Nathalie quant
à elle recherche cette part féminine étouffée en elle, et en ce sens Patrick
la déçoit car il refuse d'assumer cela en lui… Deux parts masculines se
heurtent, le couple ne peut pas se construire car ni Nathalie ni Patrick ne
font couple en eux.

Éloïse dirige une équipe d'hoMMes

Éloïse est une jeune femme brillante. Elle a réussi des concours
prestigieux et elle a aussitôt décroché un poste où elle dirige plusieurs
équipes composées uniquement d'hommes. Au début de sa carrière, sa
première réaction a été d'étouffer avant tout sa part féminine pour se
«  fondre dans la masse  ». Elle endosse non seulement un tailleur-
pantalon qui neutralise sa féminité, mais elle gère également son équipe
en sollicitant principalement la part masculine de son caractère. Par
exemple, elle prend le pouvoir sur son équipe, au lieu de l'accompagner.
Quand il y a une décision à prendre, elle ne se met pas dans l'écoute.
Lorsqu'elle vient assister à un séminaire en mémoire cellulaire, elle
explique qu'elle est lasse de ce sentiment de « lutte permanente », cette
sensation qu'elle doit en faire plus qu'eux pour s'imposer.
Au cours du séminaire, elle ressent à quel point son couple intérieur
est blessé, et elle prend conscience qu'elle peut apporter bien plus à
l'équipe en étant simplement elle-même, et non une femme déguisée en
homme. Quelques semaines plus tard, elle me donne des nouvelles et me
parle de son travail en tant que manager. « C'est merveilleux, me dit-elle,

124
j'avais peur de cette image, et à présent que je l'assume totalement, je fais
couple avec mon équipe. J'apporte mon autorité, mon intuition, mon sens
de la communication. Le courant passe beaucoup mieux ! »

«  Le bon chemin pour les enfants n'est jamais celui des parents,
jamais  », écrit Christian Bobin dans La Folle Allure1. La manière dont
vous avez vécu le couple de vos parents a une influence sur votre vie
d'adulte : le couple que vous formez avec les autres, le couple que vous
formez avec vous-mêmes. Comment était le couple de vos parents  ?
Comment était ce « nous » qui vous a entourés dès votre conception, et
tout au long de votre enfance ? Fusionnel ? Conflictuel ? L'un des deux
avait-il une emprise trop forte sur l'autre ? Comment était leur sexualité ?
Harmonieuse  ? Violente  ? Ces questions, vous n'avez peut-être jamais
osé vous les poser, mais pourtant, vous êtes nés de ce couple. C'est là que
vous avez pris corps.
Il est donc important de se replonger dans ces moments de votre vie
et d'en accepter les faits, si crus soient-ils. Par exemple, si vous avez
l'habitude de dire « je n'ai pas de père », il est important d'accepter que
cela ne peut pas être vrai. Vous n'êtes pas nés dans un chou ni dans une
rose ! Si vous avez été conçus grâce à un donneur, votre conception a eu
lieu dans un hôpital, mais auparavant, un homme s'est masturbé pour
faire don de son sperme, et cet homme existe. Au moment de la
conception, la rencontre sexuelle entre vos parents crée votre première
cellule. Cette cellule s'imprègne de l'état d'esprit de vos parents au
moment précis où l'acte sexuel a eu lieu. Puis elle va se dupliquer et se
dupliquer encore, et elle va transmettre cette même information à
chacune des cellules qui vous composent aujourd'hui. Ce code souvenir
s'activera ensuite inconsciemment, chaque fois que vous entrerez dans
une phase de conception, par exemple, lorsque vous voudrez avoir des
enfants, lorsque vous bâtirez un projet dans votre vie. Notre entrée dans
la matière se fait par un acte sexuel et cet instant est gravé dans la
matière dont nous sommes composés.
Le travail en mémoire cellulaire permet d'aller rechercher le plus loin
possible, dans la matière du corps, tout ce qui est inscrit dans notre
histoire et qui fait sens.
Avec l'aide d'un thérapeute, des mots peuvent être posés sur cet
instant de votre existence, et c'est votre corps qui va vous guider : vous
pouvez par exemple observer quelle est votre façon de faire l'amour, ou
comment sont les couples que vous formez  ? Peut-être identifiez-vous

125
certaines ressemblances avec le couple de vos parents. Par exemple, vous
êtes une jeune femme plutôt réservée, et vous avez tendance à vous
effacer face à votre partenaire. Votre maman avait tendance à se
comporter exactement de la même façon. On observe donc ici la
répétition d'un même schéma. Votre couple actuel semble calqué sur le
schéma parental. Si tel est le cas, vous avez chaussé une paire d'escarpins
qui ne vous appartient pas. Dire adieu au couple de ses parents, c'est dire
adieu à leur façon de fonctionner et de s'entendre, que ce soit
sexuellement ou moralement, et peu à peu laisser son corps s'exprimer
selon une façon qui nous est propre. Une fois les répétitions observées, le
travail va consister à faire savoir au corps qu'il peut fonctionner
autrement que sur un schéma préétabli par le couple du père et de la
mère.

Sandrine et les hoMMes Maltraitants

Parce que son mari la battait, Sandrine s'en est peu à peu
affectivement éloignée, mais elle n'a jamais osé le quitter et elle affirme
qu'elle reste avec lui « pour le bien-être de sa fille ». Au fil des années,
Sandrine a eu l'impression de progresser en se détachant
sentimentalement de son mari. Elle s'est sentie libre le jour où elle a
réalisé qu'elle ne l'aimait plus et c'est à cette époque qu'elle a rencontré
Jérôme. Il est devenu son amant, mais l'idylle a rapidement tourné au
cauchemar, car cet homme s'est avéré extrêmement jaloux, et il a même
levé la main sur elle à plusieurs reprises, dès qu'il avait le moindre
soupçon quant à sa fidélité. C'est alors que Sandrine a décidé d'entamer
un travail en mémoire cellulaire : elle s'est en effet rendu compte à quel
point ces hommes maltraitants qui occupent une place importante dans
sa vie sont l'exact reflet de l'attitude de son père, et qu'elle-même
reproduit celle de sa mère qui ne l'a jamais quitté pour « le bien-être de
sa fille ». En ayant conscience des répétitions, Sandrine a fait un premier
pas. C'est dans son corps qu'elle trouvera son propre chemin, pour enfin
ne plus calquer le schéma de sa vie sur le couple de ses parents. Elle a
désormais accepté le fait que ces rencontres avec des hommes violents
ne sont pas le fruit du hasard.

126
1. Gallimard, 1997.

127
20
Aller de la sexualité à l'amour

« Voilà l'innocence, voilà la perfection, voilà la beauté de l'âme dans


celle du corps. Voilà celui que j'aime, que je sers et que je prie. L'amour
divin est dans une de ses caresses, et je vois le ciel dans ses yeux bleus. »

George SAND

L'homme est un être spirituel venu faire une expérience dans la


matière. L'énergie n'a d'autre but que de se répandre dans chaque forme
de la création, c'est de la circulation de cette énergie que naît l'amour, car
l'amour est un mouvement. Cette énergie s'exprime dans toutes les
formes de la vie et entre autres dans la sexualité, qui est elle-même un
mouvement énergétique. Elle est présente dans la sexualité du couple de
vos parents, puis du couple que vous formez à votre tour. Nous sommes
comme un arbre : notre colonne vertébrale prend racine vers l'anus et le
sacrum, et s'élève jusqu'à notre tête. Au fil des expériences amoureuses,
nous allons hisser notre énergie le long de cette colonne, gravir les
marches de l'expérience et transformer cette énergie vitale en spiritualité.
Dans mon enseignement, je parle souvent de ce passage nécessaire de la
sexualité à l'amour en évoquant l'échelle de Jacob. Dans la Bible, il est
dit : « Jacob eut un songe. Et voici, une échelle était appuyée sur la terre,
et son sommet touchait au ciel.  » Cette vision onirique de Jacob
représente la connexion entre le monde physique et le monde spirituel, et
comme un passage progressif entre l'ignorance et la connaissance, entre
l'obscurité et la lumière. De degré en degré, chaque échelon représente
une progression, un effort consenti à se maîtriser, à se surpasser, en vue
d'accéder à un plan de conscience supérieur.
L'échelle de Jacob est aussi en nous. Elle est un pont, un passage.
Elle représente alors ce même chemin de la matérialité vers la
spiritualité, de l'humain au divin, de l'ombre vers la lumière

128
Sur cette «  échelle de Jacob de la sexualité  », nous allons avancer
lentement, reculer parfois, puis monter à nouveau. En réalité, nous allons
y consacrer toute notre vie.
Au bas de notre colonne vertébrale, là où se situent notre sexe et
notre sacrum, l'être humain découvre dans l'enfance le plaisir animal de
la sexualité. Cette pulsion est extrêmement importante et il ne faut ni la
dénigrer ni la négliger. Elle constitue un socle à partir duquel nous nous
élevons. Par exemple, si l'enfant est arrêté dans ses pulsions par le regard
désapprobateur d'un adulte, il se peut que cette part en lui soit niée et,
malheureusement, c'est un peu comme s'il sautait la marche zéro d'un
escalier. Cette marche doit donc être vécue et ressentie sans jugement,
comme toutes les autres.
Lorsque cette première étape a été pleinement vécue, l'enfant prend
conscience de son plaisir. Il se rend compte peu à peu qu'il s'agit d'une
expérience intime  : l'expérience sexuelle devient alors consciente. Et
puis viennent les premières amours et le passage par la marche numéro
2, celle du plexus. Le ressenti est très fort, mais il est celui de la
possession : « Je t'aime et tu es à moi, pour toujours, je ne suis rien sans
toi.  » On veut posséder, on veut se remplir de l'autre, et on croit alors
avoir trouvé l'amour vrai… On a en réalité atteint simplement la
troisième marche, ce que j'appelle l'amour « tartine de confiture ». C'est
fort, c'est puissant, c'est violemment vécu dans la chair, mais toute la
puissance de l'amour spirituel ne s'est pas encore découverte à cette étape
de notre vie. Nous pouvons encore porter notre énergie bien plus haut
dans notre colonne…
On grandit, on vit, on prend des coups et on se rend compte que cette
passion d'un temps, qui comble nos sens de façon éphémère, n'est pas
une fin en soi… Elle passe, elle trépasse et elle nous laisse un petit goût
amer. Et puis on se rend parfois compte qu'il y a plus, on avance à petits
pas dans l'expérience, on s'élève encore, et l'on passe par la marche du
cœur. Avec son ou sa partenaire, on a alors envie de construire. Un foyer,
des enfants, des projets. Une grande complicité et une grande confiance
s'établissent. Les trois premières marches sont dépassées. Le ressenti est
plus doux, plus durable… Mais il est plus difficile aussi, moins
instantané… Peu à peu, l'ennui s'installe. Alors l'envie est grande de faire
ce voyage dans l'expérience à l'envers. Un pas en avant et un pas en
arrière. On teste une maîtresse, un amant, ou on divorce, on rompt pour
tout recommencer à zéro… Et c'est reparti pour un tour. Contre vents et
marées, on cherche parfois à avancer vraiment et à ne pas répéter dix fois

129
les mêmes expériences amoureuses. La petite coquille de noix que nous
sommes est ballottée par les vagues, mais elle s'accroche et elle gravit
encore une marche. À travers la relation sexuelle, nous voici presque tout
en haut de notre colonne vertébrale. Mon cœur se sent inspiré et il m'aide
à éveiller mes centres spirituels. Je sens qu'il est possible de relier ce que
je vis à quelque chose de plus grand que moi. La force sexuelle n'est plus
vécue comme une performance, mais comme un moment précieux, que
je choisis pour me guider vers le haut. Cette force créatrice, je ne la
cherche pas, elle vient tout simplement à moi lorsque je suis prêt à
l'accueillir dans mon couple. Et je ressens alors ce rayonnement intense
autour de moi, dans un amour inconditionnel. La condition est de passer
du désir animal et de la possession pour aller dans un véritable dialogue
où chacun a sa place, sa différence. Chacun exprime ses besoins
personnels dans le respect mutuel l'un de l'autre. C'est une écoute, une
union, une communion… Tout le contraire de la possession. C'est le
chemin du « donner – recevoir », véritable chemin de l'amour.
Pour illustrer notre propos de façon plus imagée, je vous propose
l'histoire de Gwenaëlle. Observons-la grandir et évoluer concrètement
dans sa vie amoureuse… Son expérience spirituelle passe d'abord dans
sa chair.

Saison 1. D'amour et d'eau fraîche…

Épisode 1

Gwenaëlle a trois ans. Alors qu'elle regarde un dessin animé, elle met
la main dans sa culotte et se fait une papouille. Quel bonheur! L'extase
physique est totale, mais elle est très vite arrêtée dans son élan par la
voix outrée de son père qui lui dit d'«  arrêter ça tout de suite  ».
Gwenaëlle ne comprend pas. Elle stoppe son geste aussitôt. Dommage,
la découverte de son corps l'aurait bien aidée à évoluer peu à peu dans
son éveil à l'amour. Mais son père le lui répète :
« Tu n'es pas un animal… »

Épisode 2

130
Gwenaëlle a six ans. Elle a pris conscience que certains plaisirs ne
pouvaient pas s'afficher en public. Le soir, pour s'endormir, elle se fait
des caresses seule dans son lit.

Épisode 3

Gwenaëlle a bien grandi. Elle adore les romans-fleuves où les filles


tombent amoureuses d'un garçon blond aux yeux bleus. D'ailleurs,
lorsque Romain, en 3e C, lui effleure la main à la cantine, elle découvre
que l'amour, c'est bien plus qu'un peu de réconfort physique solitaire.
Cette fois ça y est, elle en est certaine, elle connaît l'amour avec un grand
A.

Épisode 4

Gwenaëlle a vingt-cinq ans. Elle a testé pas mal de trucs et elle a


oublié Romain aux yeux bleus. Elle a fait l'amour à l'arrière d'une
voiture, dans un buisson, avec et sans préservatif, et puis elle s'est lassée.
Au fond, ce n'était pas beaucoup plus amusant que les caresses en
solitaire. Gwenaëlle a le sentiment que ça ne la mène à rien. Elle se sent
tout au plus comme une lapine avec un lapin. Et l'amour dans tout ça ?

Saison 2. Passion « tartine de confiture »

Épisode 1

Gwenaëlle a enfin rencontré Jonathan. C'est l'amour fou. Enfin, elle a


le sentiment que quelqu'un la comprend. Son fiancé répond à toutes ses
attentes. Il la comble de bonheur. Auprès de lui elle se sent belle, elle
savoure les mots tendres qu'il lui susurre à l'oreille, qui agissent comme
des bonbons. Elle en avait tant besoin  ! Elle se sent boostée et chaque
jour est un dessert : « Je te mangerais, tellement je t'aime », lui dit-il. Et
il la dévore des yeux. C'est comme une drogue qui fait tourner la tête.
Gwenaëlle en veut toujours plus de cet amour-là  ! Cette fois c'est sûr,
elle le tient cet amour avec un grand A. Mais les jours passent. Et la

131
tartine de confiture perd un peu de sa saveur. L'amour serait-il en train de
se faner? Alors on ajoute quelques grains de jalousie, des disputes, des
réconciliations sur l'oreiller, et on cherche à relancer la roue de la passion
qui s'affadit. Mais la sauce ne prend plus. Jonathan ne lui dit plus qu'elle
est belle et Gwenaëlle se sent moche. Elle a besoin de son regard. Elle le
cherche, elle multiplie les tenues pour l'étonner, le surprendre. Mais le
surprendre au quotidien semble être une mission impossible et épuisante.
La tartine a un goût amer. Gwenaëlle et Jonathan se séparent et la jeune
femme pleure toutes les larmes de son corps. Cet amour était toute sa
vie, sans lui elle n'est plus rien. Est-ce cela devenir adulte ?
Elle se roule en boule sur le canapé, avec un pot de Nutella sur les
genoux et une grosse cuiller à soupe pour se sentir écœurée d'elle-même.

Épisode 2

Gwenaëlle a vingt-huit ans. Enfin son corps et son cœur palpitent à


l'unisson. Elle a rencontré l'homme de sa vie, sa moitié, son autre moi.
Ensemble, ils se sentent complémentaires. Et Gwenaëlle n'a pas besoin
de son regard pour se sentir belle. À ses côtés, elle se sent en confiance
et elle rayonne, elle s'épanouit. Il s'appelle Marc et ils ne se quittent plus.
Ils se marient. La cérémonie est parfaite, un vrai conte de fées. Sauf qu'il
va falloir écrire la suite… Et Gwenaëlle sait désormais que ça ne va pas
être facile. Les débuts sont délicieux. Les jeunes mariés s'envoient des
messages toute la journée et ils font l'amour tous les jours. Puis, au bout
de deux ans, le désir commence à s'émousser. Les disputes s'immiscent
dans le couple. Les jalousies aussi. Et voici le bon vieux disque avec son
refrain  : amour et confiture, ça va, ça vient. Que faire? Se séparer? La
belle tartine semble encore une fois avoir perdu de sa saveur. Tandis que
Gwenaëlle réfléchit à une rupture en en discutant avec ses copines, Marc
quant à lui opte pour le coup de canif sur le contrat, et il va voir ailleurs.
Surprenant  : ça rebooste un peu le couple… Mais pour un temps
seulement. Marc rentre de plus en plus tard, change de maîtresse, et ne
desserre pas les mâchoires à table. C'est le moment que choisit
Gwenaëlle pour lui annoncer qu'elle veut rompre. La terre s'effondre
autour de Marc. Il devait pourtant s'y attendre. Mais pourtant, ce n'est pas
ce qu'il veut. Au fond de lui, il sait que c'est une erreur. Un peu comme si
on prenait le chemin de l'amour à l'envers. On pleure, on se dispute et on
décide malgré tout de passer ce cap ensemble. Et Gwenaëlle ressent
toujours un amour profond pour Marc. La prolongation de cet amour

132
pourra peut-être se réaliser en élargissant la famille. Gwenaëlle et Marc
décident donc d'avoir des enfants.

Épisode 3

Deux beaux bébés viennent combler les parents. Malgré la fatigue et


les journées intenses, Gwenaëlle et Marc sont heureux. Sont-ils toujours
amoureux? Pour tout dire, ils n'ont pas trop le temps d'y réfléchir, mais
entre eux une solide complicité s'installe. Quant aux fameuses galipettes
de leurs premières années… elles sont parties bien loin dans les limbes
des souvenirs. Entre eux, c'est plutôt «  chaque dimanche soir après le
Journal, quand on n'est pas trop fatigué ».

Saison 3. Gravir les marches ensemble

Épisode 1

Les enfants ont grandi et ils vont bientôt quitter le nid. Ils
n'accaparent plus toute l'attention de leurs parents. C'est mieux!
Gwenaëlle et Marc ont plus de temps pour eux, mais ils se retrouvent
face à face. Encore une fois, la vie leur demande de faire des choix.
Évoluer ensemble ou se séparer pour tenter de retrouver ailleurs ce qu'ils
ont déjà vécu. L'amour tartine et confiture, puis la déception, puis la
rupture. Ensemble, Gwenaëlle et Marc décident de poursuivre leur route.
Gwenaëlle s'inscrit à un cours de tantra, Marc lève les yeux au ciel, mi-
amusé, mais il écoute ce que lui propose sa femme. Peu à peu, il se prend
au jeu. On éteint le téléviseur et les écrans, et on préfère un bain aux
chandelles ou un cours de danse à deux, afin de renouer avec deux corps
et deux âmes qui n'ont jamais cessé de s'aimer.

Épisode 2

La flamme qui renaît peu à peu semble bien différente de celle des
premières années. Une complicité inédite, une quête de moments rares.
C'est l'été. Une soirée sublime, un souffle chaud délicieux : les chœurs de

133
l'Aida de Verdi dans les arènes de Vérone en Italie. Marc et Gwenaëlle
écoutent les chants et le public qui reprend. Les voix s'élèvent ensemble
vers le ciel. La résonance est extraordinaire. Marc et Gwenaëlle chantent
aussi. Il leur semble alors que leur amour vibre à l'unisson dans une
vibration universelle qui les dépasse. Ensemble, ils ont envie de s'ouvrir
au monde et de partager, de donner.

Sylvie s'est fait larguer…

Sylvie est en pleine dépression. Après dix ans d'une vie sans nuage,
son mari vient de la quitter du jour au lendemain, comme ça, sans raison
apparente.
Pourtant, elle me raconte qu'entre eux, c'était vraiment

134
« torride ». Toutes ses amies enviaient cette relation passionnelle qui
durait depuis des années. Je lui demande alors de me raconter les jours
qui ont précédé le départ de son mari. Et Sylvie m'avoue alors que,
quelques jours avant, il n'a pas pu… « Enfin vous comprenez », me dit-
elle. Elle semble gênée d'entrer dans les détails pratiques, mais c'est
visiblement une panne sexuelle qui a déclenché la rupture. Et Sylvie de
préciser : « Il est parti du jour au lendemain avec une blondasse. C'est à
cause d'elle. Il faut toujours se méfier des blondasses. » Je lui demande
alors si elle envisage l'amour d'une autre façon que cette expérience
qu'elle a vécue avec son mari. Elle me répond alors : « L'amour, c'est la
passion, c'est le feu. Tout le reste, ce n'est pas de l'amour. » Avec Sylvie,
nous allons travailler dans son corps sur cette énergie qui semble bloquée
au creux du ventre. Tant que celle-ci reste concentrée ici, Sylvie vivra
des expériences similaires, jusqu'à ce que la souffrance lui impose
d'évoluer.

Lucile est rongée par une culpabilité


inconsciente

Lucile vient me voir alors qu'elle est atteinte d'un cancer du sein et
que sa situation la pousse à vouloir mieux comprendre son propre
parcours de vie. On lui a déjà enlevé le droit, et à présent c'est le gauche
qui est atteint. Son corps est donc mutilé et blessé dans une partie très
intime, et ensemble nous allons chercher à faire remonter à la conscience
ce qu'il a à nous dire. Au cours d'une séance, Lucile se revoit tout à coup
dans le salon chez ses parents. Elle a environ trois ans et elle se frotte sur
un coussin. Son père entre brusquement dans la pièce. Son papa ne dit
rien mais Lucile ressent l'impact de son regard sur son geste. Une énergie
au bas de sa colonne émerge alors que ce souvenir remonte  : une
sexualité figée à la racine.

Sept marches d'expérience : comment savoir


où j'en suis ?

135
Observez simplement votre sexualité. Comment la vivezvous  ?
Certains schémas se répètent-ils  ? Quelles questions vous posez-vous  ?
Comment était vécue la sexualité dans votre petite enfance ?
En répondant à ces questions, acceptez de voir les expériences
vécues.

136
21
Accepter ce vide en moi

« Le poème n'est point fait de ces lettres que je plante comme des clous,
mais du blanc qui reste sur le papier. » Paul CLAUDEL, « Les Muses »,
Cinq Grandes Odes

Bénédicte est jalouse, ou plutôt possessive. Enfin elle ne sait pas


trop. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle ressent une colère très vive quand
son compagnon ne répond pas à ses attentes. Et les moments où il ne
remplit pas les critères de satisfaction sont très nombreux sur la liste de
Bénédicte : lorsqu'il ne décroche pas son téléphone, alors qu'elle a déjà
essayé d'appeler trois fois ; lorsqu'il n'a pas envie de raconter son après-
midi et que le doute s'installe  ; mais aussi lorsqu'il est installé sur le
canapé et qu'il lit tranquillement le journal. Il est pourtant là, sous ses
yeux, à sa merci. Et Bénédicte ressent toujours cette même colère
profonde. Une colère qui lui dit : « Non, ce n'est pas non plus cela que je
veux.  » Et elle ajoute  : «  Je le voudrais tout à moi, pour toujours, et
pourtant lorsque c'est le cas, il m'agace ! Vous ne pouvez pas savoir ce
qu'il m'insupporte ! »
L'histoire de Bénédicte n'est pas très originale  : il y a trente ans,
lorsqu'elle a vu le jour, elle a été séparée de sa mère. Oh! Elle n'a pas été
abandonnée, non, elle est née, tout simplement. Et dans la naissance, elle
a vécu, comme tous, la séparation. Et celle-ci est toujours gravée
douloureusement dans sa chair. Bénédicte a lu beaucoup de livres, elle
«  sait tout cela  »  : la séparation, le vide à accepter… Elle tente de se
raisonner, mais en vain  : au fond d'ellemême, dans tout son corps, elle
ressent la douleur lancinante. Mais cette séparation de la naissance,
impossible à effacer, cela la met en colère, elle ne l'accepte pas. Cette
quête perpétuelle et usante pour la combler étouffe sa vie et balaie toute
l'énergie créatrice qui va avec. Alors Bénédicte concentre tous ses efforts
pour affronter, contre vents et marées, ce qui ne peut pas être changé et

137
ce vide en elle résonne encore plus fort lorsqu'elle entame une relation
avec quelqu'un. Elle va même jusqu'à penser  : «  Heureusement, plus
tard, lorsque j'aurai des enfants, ce sera ça, l'amour vrai, car au moins, ce
lien est indéfectible. » Mais des enfants à venir, qui feraient face à une
telle attente, auraient fort à faire avec ce cordon «  intranchable  » qui
empêche toute séparation.
À la voûte de la chapelle Sixtine, deux doigts se font face. La main
de Dieu et la main de l'homme. Entre les deux, ce vide créateur
d'énergie : comme un aimant, les deux pôles séparés vont tout faire pour
se rapprocher. C'est de là que naît l'énergie du monde  : deux entités
séparées qui cherchent à se rejoindre. Ainsi va la vie : la nuit et le jour, le
soleil qui donne et la lune qui reçoit, le contact et le manque, le yin et le
yang, le donner et le recevoir. L'être humain fait partie de cette énergie. Il
ressent donc ce vide en lui. Dès sa naissance, il ressent dans sa chair que
l'énergie est un tout, et l'énergie naît de la séparation.
Ce vide n'est pas une conséquence fâcheuse de l'amour. Ce vide
permet de rencontrer l'amour. Refuser de l'accepter et décider qu'il en
serait autrement, c'est un peu comme vouloir affirmer que la vague ne
fait pas partie de l'océan, l'un n'est rien sans l'autre.
Accueillez ce vide en vous. Vous refusez cette idée  ? Accueillez ce
refus. Mais lorsque vous attendrez quelque chose, de vous-mêmes ou des
autres, observez comment les énergies se bloquent en vous et autour de
vous. Ce vide, si on le ressent à l'extérieur de soi, c'est d'abord parce
qu'on l'a en soi.
Lorsqu'on a une attente, c'est toujours celle de remplir un vide  :
j'attends d'avoir mon diplôme, j'attends de monter sur un podium,
j'attends de l'autre qu'il m'aime. Je me focalise sur cette réussite et je
projette énormément de choses dans celle-ci. Tant que je suis focalisé sur
cet objectif, tout va bien. Mais lorsque le succès survient, cette sensation
amère de vide revient toujours. « Non, ce n'était pas cela, j'en attendais
trop…  » Je remonte alors sur mon cheval et je place mes attentes
ailleurs, toujours plus loin : dans un nouvel amour, sur un enfant, dans un
nouveau job… Et si j'échoue, j'en veux à la terre entière. Et si je réussis,
la déception ne tarde pas… Je me sens si fatigué de courir, sans jamais
profiter de l'instant présent. Tout au long de son existence, on attend la
vie, on attend le mouvement qui va permettre à la vie de se manifester, et
c'est dans cette manifestation que naît l'amour, dans le donner et le
recevoir. La course ne pourra s'arrêter que lorsqu'on aura mis en place le
donner et le recevoir de l'amour.

138
L'attente permanente est une forme de colère contre le vide.
Connaissez-vous l'histoire du moine qui voulait méditer sur une barque
pour ne surtout pas être dérangé ? L'histoire raconte que c'était un grand
sage… Et pourtant… Il avait choisi le lac le plus calme et le plus vaste
qui soit.
Il attendait beaucoup de ce moment, en harmonie totale avec le
silence de la nature. Il avait ramé jusqu'au milieu du lac, il s'était installé
confortablement et il avait fermé les yeux de satisfaction. Il y était. Ce
moment parfait tant attendu était enfin arrivé. Mais au bout de quelques
minutes, un bruit sourd contre sa barque troubla sa méditation. Il essayait
de se concentrer, mais en vain. La colère montait en lui. Qui avait le
culot de venir le déranger ? Qui osait gâcher ce moment tant attendu? En
lui, il fulminait. C'était foutu, peine perdue. Il ouvrit alors les yeux, prêt à
déverser toute sa colère sur cet être grossier qui osait venir le gêner, lui,
le moine en train de méditer. Dans le clapotis de l'eau, il ne vit qu'une
bûche qui heurtait régulièrement sa barque. «  Cette colère, c'est
seulement la tienne », lui disait la nature.
Je crois que s'il avait croisé ce moine, Jean Cocteau lui aurait dit  :
« Vous me copierez cent fois le verbe »exploiter le vide1». »

Que faire face à l'angoisse du vide ?

Que faire lorsque je suis en colère, empli de déception, parce que je


ne me sens jamais comblé  ? Une seule chose  : plus je ressens ce vide,
plus je dois donner, pour relancer l'énergie créatrice qui est en moi.
Malgré mon grand âge, lorsque je ne me sens pas bien, lorsque ma
journée semble figée par les attentes, je sors. Et je donne. Je vais par
exemple discuter cinq minutes avec le SDF qui bouquine sur sa
couverture en bas de chez moi. Je n'attends rien. Il n'attend rien de moi
non plus. Je passe simplement par-dessus mes rancunes et je vais au-
devant des autres. Et lorsque je relance l'énergie, j'ai toujours la surprise
agréable d'un retour. Il ne provient pas forcément de là où je l'attendais.
Ce n'est pas un don calculé… Je donne, et c'est tout. Sans attente
spécifique. Et en moi la sensation de vide s'efface pour laisser place à
une formidable énergie. L'amour est mouvement  : quand je donne, je
reçois, et quand je reçois, je donne.

139
Clarisse adore le shopping

Clarisse ne peut pas s'en empêcher : elle achète et elle achète encore.
Et lorsque ses placards débordent, elle revend certains objets, certains
vêtements  : acheter, revendre, cela occupe une grande partie de son
temps et de son énergie. Et Clarisse ne peut pas s'en empêcher, elle passe
d'un désir à l'autre sans jamais s'arrêter. Elle a déjà essayé de stopper…
De temps à autre elle fait une cure de désintox  : «  Cette fois c'est
terminé », pense-t-elle, mais son élan est très vite arrêté. Que faire à la
place ? À quoi se consacrer? Un sentiment de vide l'oppresse alors et lui
donne le vertige. Alors elle préfère retourner dans la boucle  : achat,
vente, heures supplémentaires pour payer d'autres achats, etc.
Peu à peu, Clarisse prend conscience de l'importance du vide dans sa
vie. Surtout, ne pas chercher à le combler. Au contraire, le ressentir, en
savourer la douleur dans sa chair et, peu à peu, aller chercher au fond
d'elle qui elle est vraiment, derrière cette quête effrénée à l'objet
nouveau. Je lui demande de se rendre comme d'habitude dans les
magasins, de caresser un vêtement, de le désirer, puis simplement de le
reposer. Je lui demande de ressentir en elle ce qui vit et ce qui fait mal.

Le jour où Maria a décidé d'offrir sa voix au


MOnde

Maria est amère. C'est pourtant une jolie femme, qui semble avoir
tout pour elle. Silhouette fine et élancée, belle voix grave et rassurante,
on est tout de suite sous le charme lorsqu'on la rencontre. Pourtant,
Maria estime que « ce n'est pas assez ». Lorsqu'elle était plus jeune, elle
a fait partie d'un conservatoire, elle a passé des auditions, elle était la
meilleure de son département. Mais elle ne l'était pas suffisamment pour
en faire une carrière. Elle dit pourtant qu'elle était faite pour ça.
Lorsqu'elle chante, elle se sent vivre. Je lui demande alors pourquoi elle
a arrêté de chanter. « Parce que dans le monde de la chanson, il y a peu
d'élus », m'explique-t-elle. Je l'interroge alors : « Cela signifie que, pour
vous, seuls les meilleurs ont le droit de chanter? – Non, répond-elle, je
n'ai pas dit cela, mais j'ai cette attente par rapport à moi-même. »

140
Et si Maria n'avait plus d'attentes  ? Si Maria se détachait de la
médaille  ? Que se passerait-il? C'est ce qu'elle tente de faire  : jeter
l'éponge, renoncer. Elle se sent alors aigrie face à ce qui n'est pas. Elle
ressent un grand vide. Elle pourrait décider de sortir de cet état et d'aller
donner au monde ce qu'elle ressent en elle. Peu à peu, son ressenti
évolue. Elle décide de se lancer. Aujourd'hui, Maria prête sa voix à la
lecture de livres pour aveugles. De fil en aiguille, on lui a aussi demandé
d'accompagner un pianiste pour chanter. En retour, Maria n'a pas reçu de
médailles. Elle n'en attendait pas. Elle a reçu bien plus. Les portes se
sont ouvertes autour d'elle et Maria prête aujourd'hui sa voix pour de très
nombreux enregistrements…

1. In Le Potomak.

141
22
Ouvrir et réveiller sa conscience

« Les miracles ne sont pas en contradiction avec les lois de la nature,


mais avec ce que nous savons de ces lois. »

SAINT AUGUSTIN

L'enseignement de Mère et de Sri Aurobindo

Lorsque j'ai survécu à mon cancer, j'ai découvert peu à peu les écrits
de celle qu'on surnommait La Mère. Mon maître, celui qui venait me
voir à l'hôpital pour me demander si je voulais vivre et guérir, m'a peu à
peu guidée dans le travail de Mère : ses découvertes, j'ai commencé par
les vivre dans ma chair, et c'est pour cela que j'ai souhaité les
transmettre, comme j'en avais fait la promesse.
C'est Mère qui m'a permis de comprendre mon propre corps et celui
du mental des cellules. Elle a écrit un journal dont je me suis nourrie
pour développer et expérimenter la méthode de la mémoire cellulaire.
J'ai également étudié les essais de Satprem qui a couché sur le papier
toutes les réflexions de Mère et l'expérience qu'elle a connue dans son
corps  : son voyage dans les cellules. Mère n'était pas un gourou, elle
n'avait rien d'une sainte, elle n'était pas non plus une mystique, c'était
seulement une femme d'expérience. Elle a simplement considéré
l'homme tel qu'il est, lorsqu'il est débarrassé de tous ses idéaux, de toutes
ses religions, de tous ses systèmes, quand il n'est plus qu'un cœur qui bat
dans un corps.
Mère est née à Paris en 1878 et elle est décédée en 1973 en Inde. Son
véritable nom était Mirra Alfassa, sa mère était égyptienne et son père

142
turc. Elle était la contemporaine d'Einstein et de Jules Verne et elle fut à
la fois mathématicienne, artiste peintre, pianiste. Elle était l'amie de
Gustave Moreau, de Rodin, de Manet… Son itinéraire spirituel a
commencé quand elle a vu Sri Aurobindo dans un songe. Il est étonnant
de voir à quel point Mère a exploré de très nombreux chemins dès le
début du xxe siècle, alors que la science moderne en était encore à ses
balbutiements  ! «  Nous sommes les enfants des étoiles, les frères des
animaux sauvages et les cousins des fleurs des champs  », écrit
l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan. Et Mère, bien avant les découvertes
sur l'ADN, s'interrogeait déjà sur cette mémoire cellulaire vibratoire, qui
garde la marque de toutes nos expériences passées. Elle avait
expérimenté beaucoup de choses physiquement, comme le yoga ou la
méditation, mais également dans le domaine parapsychique très en vogue
en son temps  : occultisme, hypnose, étude de la psychothérapie…
Cependant, tout cela lui semblait être encore une autre forme d'évasion.
Elle n'y avait pas trouvé le but qu'elle recherchait. Elle aurait pu se dire :
« J'ai pris contact avec des forces », ou encore : « Je suis un prophète » et
« Me voilà au sommet de ma route », mais ce n'est pas du tout ce qu'elle
a pensé, et encore moins ce qu'elle a fait. Elle se disait  : «  À quoi
bon  »sortir de son corps», à quoi bon vivre des expériences
extraordinaires si la vie ne l'est pas du tout  ? Et lorsqu'on considère
toutes les horreurs qui se produisent dans le monde, lorsqu'on regarde à
l'extérieur du corps, alors on peut facilement se dire  :  »Non, la vie n'a
vraiment rien d'extraordinaire !» Mais alors, où est le but ? »
La rencontre de Mirra Alfassa avec Sri Aurobindo en 1914 fut
décisive. Elle réalisa qu'il s'agissait du personnage qu'elle avait vu en
rêve. À l'époque, Sri Aurobindo était connu pour avoir défendu
l'indépendance de son pays, mais c'était également un maître, un
philosophe et un adepte du yoga intégral. Il avait eu une révélation alors
qu'il était emprisonné pour des faits politiques. Il ne savait pas s'il
sortirait vivant de sa prison. Chaque jour, il pouvait être exécuté. Et la
peur serrait sa gorge, le prenait aux tripes. Il ressentait dans sa chair à
quel point, au fin fond de ce désespoir, il ne lui restait plus rien. Il
caressait avec angoisse un vide intense. Et pourtant, c'est au fond de sa
geôle, dans ce puits sans fond de désespoir, qu'il a entrevu de la lumière,
alors qu'il était « en tête à tête avec son corps tremblant ».
La route, il l'a trouvée dans son corps : une lumière que rien ne peut
éteindre, malgré la privation de biens, de liberté, malgré la mort
imminente. Tout à coup, il a ressenti dans sa chair que quelque chose de
doux, de rassurant et de lumineux le dépassait, surpassait cette enveloppe

143
corporelle dans laquelle il se sentait enfermé. Eh oui, ce n'est pas en
faisant le tour du monde qu'il a trouvé l'issue, c'est au fond de sa chair.
Comment tenter d'expliquer avec des mots ce ressenti si puissant et à la
fois si rassurant et réconfortant ? Dans Un retour à l'amour1, Marianne
Willianson écrit ceci, qui pourrait résumer ce ressenti physique : « Notre
peur la plus profonde n'est pas que nous ne soyons pas à la hauteur.
Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de
toutes limites. C'est notre propre lumière, et non notre obscurité, qui
nous effraie le plus. »

« L'homme est un être de transition »

Pour Mère et Sri Aurobindo, la lumière, la seule issue possible, se


trouve dans le corps. Et c'est par lui que l'être humain d'aujourd'hui va
évoluer, pour devenir peu à peu un homme debout, en marche vers son
chemin de conscience. Sri Aurobindo résumait cette voie en quelques
mots : « L'homme est un être de transition. »
Pour Mère, cette transition passe par un chemin de conscience  : on
peut partir à l'aventure partout dans le monde, au bout du compte, on
reste sur sa faim. Mais si l'on va à tâtons dans la conscience de son
propre corps, on comprend que le seul pont possible, c'est justement ce
corps. Et si on ne cherche plus à s'en évader, alors on commence ce
voyage vers notre conscience. C'est dans les cellules que toute notre
évolution s'est déroulée. Il n'y a pas de raison que cela ne continue pas, et
même si cela nous fait peur, cela arrivera. Tout ce qui est nouveau pour
notre corps provoque une peur. Alors on résiste, on ne veut pas, on lutte,
on s'enfuit. Et ce qui fait peur, au fond, c'est de se dire que si ce sont les
cellules qui évoluent, alors toutes les cellules environnantes évoluent en
même temps, et il n'y a plus de
«  moi, je  », plus de différence entre moi et les autres. D'ailleurs,
l'animal ne se pose pas cette question qui nous effraie tant, il ne ressent
pas le monde extérieur comme séparé de lui. Si on accepte de vivre cette
plongée dans la matière, on devient un peu comme l'oiseau migrateur qui
sait parfaitement où il va, sans avoir besoin d'une carte.

144
Nous ne sommes pas aussi instinctifs que les animaux et nous avons
tendance à lutter et à nous épuiser face à ce qui évolue malgré nous.
Mère avait une conscience profonde de cette liberté qu'il nous est
pourtant possible de ressentir  : nous ne sommes pas une conscience
individuelle enfermée dans un «  sac de peau  ». Notre corps est en lien
avec chacune des cellules, avec toute la matière, avec toute la terre. Si on
met notre petit ego de côté, il est possible d'accéder à notre liberté. Bien
sûr, cela ne se fait pas sans immense déchirure, car évoluer est
douloureux et nous sommes enfermés, bloqués dans les sciences, dans
les mathématiques, dans la politique ou dans la religion, dans nos
« systèmes ».

Une évolution collective et déjà en route

Or nous assistons à l'effondrement de nos systèmes de pensée. La


terre s'essouffle, et nous avec. L'espèce va devoir choisir. Mais elle ne le
fera pas avec sa tête ni avec de nouvelles idéologies ! Elle le fera avec
son corps. Pour Mère et Sri Aurobindo, ce cri du cœur, c'est tout ce qui
restera.
Tout comme l'être préhistorique s'est peu à peu dressé sur ses pattes
et est devenu homme, l'humain va vivre une transition importante et cela
se passera à nouveau dans son corps. Il y a des millions d'années, bien
avant que nous devenions des homo sapiens, nous étions là, dans les
cellules. Nous sommes issus de l'évolution du monde minéral en monde
végétal. Puis le règne animal est arrivé dans l'évolution, et nous sommes
devenus humains.
Nous avons conscience de cette évolution et, dans l'étude des
sciences, dans les leçons d'histoire, nous l'acceptons. Le changement
d'hier ne nous effraie pas. Nous comprenons les découvertes des
historiens, et nous sommes capables d'accepter le fait que nous ayons
évolué depuis l'homme des cavernes. Mais nous avons l'impression que
le chemin s'arrête là. Voilà, nous sommes à présent des hommes et nous
sommes arrivés au but, au terme de notre évolution. Et pourtant celle-ci
se poursuit, inéluctablement; et l'éveil de notre conscience peut nous
permettre d'ouvrir les yeux  : nous poursuivons notre progression et
l'homme de demain ne sera pas celui d'aujourd'hui.

145
Si l'on devait reprendre les croquis que nous avons tous vus dans nos
livres d'histoire, nous dessinerions un big bang, une terre, puis des
cellules, des végétaux, des poissons, des amphibiens sortis de l'eau, puis
des animaux, ensuite un primate à quatre pattes et un primate sur deux
pattes, enfin : l'humain d'aujourd'hui. Nous voici : peu à peu, nous nous
élevons depuis la matière et nous nous dressons physiquement. Nous
aspirons à devenir des «  hommes debout  ». C'est vers le ciel que notre
conscience se dirige et c'est dans la matière qu'elle puise son énergie.
Mais pour évoluer, l'homme doit aller au bout de son expérience dans
cette matière et franchir à nouveau un cap, afin de progresser à nouveau
vers un éveil de la conscience bien plus grand que celui que nous
connaissons actuellement. Or, lorsque nous allumons notre poste de
télévision pour assister aux nouvelles, c'est un défilé de guerres, de
massacres et de catastrophes qui nous submerge. Encore des guerres, des
épidémies, encore des entreprises qui visent le profit aux dépens de
l'homme. Et pourtant, après les grandes guerres mondiales, l'ensemble de
l'humanité avait dit  : «  Surtout, plus jamais ça  !  » Mais non, notre
destinée se poursuit, comme si notre conscience collective n'évoluait pas
et s'obstinait à répéter les mêmes schémas d'horreur et de chaos, jusqu'à
ce qu'elle prenne enfin conscience. Avec l'épidémie de COVID-19,
aujourd'hui plus que jamais, les hommes sont poussés vers une réalité
physique terrible.
Alors, peu à peu, on parle de « crise morale » ou
« religieuse ». Mais on peut passer d'un système à un autre, cela ne
change pas grand-chose. Le xxIe siècle est en réalité en pleine crise
évolutive, pour un nouvel éveil de la conscience. Que l'on vive dans la
misère ou dans le luxe, tous les anciens idéaux, tous les chemins testés
semblent aboutir à une même impasse. Nous sommes en train de mourir
à l'humanité pour renaître à autre chose. La conscience doit passer dans
une autre dimension. Cela ne se fera ni en un jour, ni sans douleur. Peu à
peu, l'homme s'asphyxie et il asphyxie la planète. Ce n'est pas une
critique, mais un simple constat, et personne ne dira le contraire.
C'est ce que Sri Aurobindo a ressenti lorsqu'il était au fond de sa
cellule et qu'il ne savait pas s'il serait vivant le lendemain. Que reste-t-il
quand il n'y a plus rien, plus d'idéaux, quand on les a tous « essayés », et
qu'ils ont mené à une impasse ? Que se passe-t-il lorsqu'on n'a plus rien
pour s'accrocher  ? C'est tout le travail de la mémoire cellulaire, menée
jusqu'au bout. Au bout de la souffrance, lorsqu'on plonge dans son corps

146
pour trouver les blessures profondes et les ressentir dans sa chair ; et c'est
avant tout un immense vide que l'on ressent.
Quand il n'y a plus rien, que reste-t-il  ? Il reste cette énergie qui
circule en nous et hors de nous. C'est cela, la conscience. Ce n'est pas ce
qu'on pense ou ce qu'on aime au jour le jour. C'est quelque chose de
poignant, de très intense, de chaud, de puissant, qui se passe de mots  :
c'est cette énergie qui demeure, lorsqu'on a lâché prise sur tout. Peu à
peu, c'est à cette conscience-là que l'on arrive lorsque tout s'écroule.
Dans les cellules humaines se trouve cette évolution. Le corps
évolue. Nous le voyons à l'échelle de notre vie et à celle de l'humanité.
C'est le corps qui va nous pousser à changer notre pensée et non
l'inverse. Nous pouvons bien résister à notre évolution, lutter, imaginer
de grandes théories avec la tête, mais cela ne changera rien. La religion
ou la philosophie n'ont pas sauvé le dinosaure de sa propre fin. On peut
se droguer, amasser de l'argent ou se plonger à fond dans la religion, on
ne fait que s'évader et éluder la question pour ne surtout pas en avoir
« conscience ».
L'évolution n'est pas une affaire individuelle. Lorsqu'on arrive au
point irrévocable, soit l'espèce finit, soit elle évolue. Et c'est lorsque
l'homme n'a plus rien sur quoi s'appuyer qu'il trouve. C'est pour cela qu'il
faut rester optimiste  ! Plus le monde est déraisonnable, plus nous
sommes poussés vers cette conscience, qu'on le veuille ou non. Nous
sommes précipités dans la prochaine étape de notre évolution. Et ce ne
sera pas en améliorant notre prison actuelle, qu'elle soit dorée ou non,
que nous trouverons la porte. Il n'y a rien à trouver, d'ailleurs. La
conscience va simplement éclater dans quelques-uns, puis partout. Alors
ce sera un retournement.

1. J'ai lu, 2010.

147
23
Découvrir un nouveau visage de la mort

« Quel soulagement de mettre le pied sur le nouveau chemin, celui qui


vous mènera ailleurs ! »

MèRE

Et pour vous, la mort, c'est quoi ?

Notre corps se décompose après la mort, et les objets que nous avons
accumulés seront dispersés, ils s'useront, se casseront, puis disparaîtront
à leur tour… Tout passe…
Moi-même, je vieillis. Mon corps se dégrade et parfois je suis en
colère contre cette réalité qui m'entrave. C'est cru, c'est brutal. On perd la
fraîcheur de sa peau, l'éclat de ses cheveux, on a à peine le temps de s'y
faire que l'on doit renoncer à la rapidité de la marche, les dents tombent,
la vue baisse… Je ne suis pas différente de vous. Je me révolte souvent
et puis je m'apaise et je cherche le sens de ce qui m'arrive. Je le trouve
dans la matière, là où se cache la petite lumière, au-delà de toutes mes
blessures. C'est ici qu'elle réside car, comme l'écrit Teilhard de Chardin,
«  l'homme est un être spirituel qui vient faire une expérience dans la
matière ».
Lorsque nous effectuons un travail sur nous-mêmes et que nous
descendons dans la matière, c'est douloureux, car nous traversons de très
nombreuses couches de souffrance, mais, au bout du chemin, nous nous
retrouvons et nous découvrons en nous tout ce qui ne meurt pas.
En réalité, nous n'avons pas le choix : soit nous nous accrochons bec
et ongles à la jeunesse, à notre enveloppe charnelle, et le combat est

148
perdu d'avance, soit nous cherchons à comprendre le sens. Le chemin
n'est pas facile. Car, entre la « théorie » de la mort, dont on parle quand
on est jeune ou en bonne santé, et le face-à-face avec la faucheuse, il y a
un grand pas dans le concret. On peut trouver que l'« idée » d'éternité est
rassurante. Mais devant la déchéance du corps, on revient toujours à ce
concret des cellules. Et le corps nous aide et nous guide, par les
renoncements successifs que nous avons à faire tout au long de notre vie.
Notre attachement à ce «  sac de peau  » s'amoindrit peu à peu et, si on
lâche prise, on est invité à entrer en contact avec ce qui ne meurt pas en
nous. Il va nous falloir nous séparer de ce véhicule qu'est notre corps et
accepter le fait que nous faisons partie de l'univers : les saisons passent,
les bourgeons deviennent des fleurs, des fruits, et ceux-ci s'en vont
pourrir dans la terre. Tout ce qui s'est construit s'écroule pour se
reconstruire à nouveau. Et derrière cette roue qui tourne, qui tourne et
qui nous donne le tournis, il y a quelque chose d'immobile, d'infini, hors
de cet espacetemps qui nous hante. Il y a ce quelque chose qui demeure
malgré tout. Et vous appartenez à ce quelque chose.
Si l'on considère la mort comme un apprentissage faisant partie de la
vie, on comprend que, comme toute expérience, elle ne s'acquiert pas
avec la tête, mais avec celle que l'on vit dans son corps. Alors, habitons-
le intensément jusqu'à ce que nous soyons capables de le lâcher. La vie
tout entière est là pour nous faire vivre cette expérience ultime  : la
séparation de la conscience d'avec ce corps.
Bien sûr, tout cela est effrayant. Alors regardons plutôt de l'autre côté
de notre vie, lorsque nous n'étions pas encore incarnés, avant notre
naissance. Cela n'est pas effrayant parce que cela fait partie du passé et
que nous connaissons la suite : notre vie incarnée, une expérience dans la
matière. Pourtant, à notre naissance, le choc a été extrêmement fort : lors
de la séparation de notre corps avec le ventre, nous avons été catapultés
dans « un autre monde ». Nous étions un fœtus, nous ne respirions pas,
puis nous avons utilisé nos poumons, nous sommes devenus homme ou
femme, et nous nous élevons chaque jour un peu plus, les pieds enracinés
dans le sol et la tête dans les étoiles, jusqu'à ce que nous nous détachions
totalement.
« La vie et la mort sont en fait une seule et même chose », écrit Sri
Aurobindo. Toute mort n'est qu'un processus et une transformation de la
vie. Vie et mort représentent une même énergie : pas de nuit sans le jour,
pas de soleil sans lune, pas de vie sans mort, pas de printemps sans hiver.
Nous passons d'un état de conscience à un autre. Ce passage, comme

149
celui de la naissance, est difficile et il s'accomplit dans la solitude. C'est
ce que nous ressentons lorsque nous naissons, et c'est ce que nous
ressentons lorsque nous mourons.
Il n'y a rien à provoquer, aucune raison de résister à ce mouvement
de l'énergie. C'est ce qui est. Le seuil de la vie et le seuil de la mort sont
deux instants sacrés que l'on vit seul. On peut accompagner un nouveau-
né dans ce passage, aider sa conscience à s'engrammer dans la matière, et
accompagner un mourant, aider sa conscience à se détacher, mais on ne
peut rien forcer. À chacun sa façon de naître et de mourir.
Quand nous naissons, nous commençons à mourir et quand nous
mourons nous commençons déjà à renaître.

C'est bien joli tout ça, mais alors, sommes-nous éternels ? La réponse
n'est-elle pas sous nos yeux  ? Tout ce qui reprend vie doit d'abord
mourir. Le corps de la plante meurt, mais la simple graine reforme un
corps, et ainsi de suite. Et que se passe-t-il entre ces deux moments?
Entre ces deux corps ? De même qu'il existe un corps physique, il existe
aussi un corps spirituel. Nous devons donc simplement contacter en nous
ce qui ne meurt pas. La lumière se passe de mots. Écoutons ce qui en soi
est plus grand que soi.
« Vis comme en mourant tu voudrais avoir vécu. » Cette phrase est si
connue qu'on se souvient à peine de son auteur : Confucius. On la trouve
pleine de sens, et puis on la chasse dans le coin de sa tête pour retourner
à la vie, en occultant la mort.
Imaginons plutôt  : on vous annonce qu'il ne vous reste plus qu'un
seul jour à vivre. Que faites-vous ? Quels sont brusquement vos centres
d'intérêt ? Consacrez-vous votre journée à faire du shopping, à annoncer
à votre équipe que vous allez devenir manager de l'entreprise dans
laquelle vous travaillez depuis dix-huit ans, ou à vous mettre en colère
contre votre belle-mère ? Je ne pense pas ? S'il ne vous reste plus qu'un
jour à vivre, il ne vous reste plus rien. Rien de matériel, rien de ce qui
emplit notre ego au quotidien. Mais il vous reste l'Essentiel.
Wayne Dyer, un écrivain américain, perçait systématiquement l'une
des poches de son pantalon pour s'en souvenir au quotidien, et il disait :
«  Ce que tu fais, ce que tu possèdes, ce n'est pas cela l'Essentiel.  »
L'Essentiel, c'est lorsque je n'ai plus rien, et que je suis nu face à la mort.
Brusquement, vous savez parfaitement reconnaître l'Essentiel, et celui-ci
ne semble pas disparaître dans le néant. L'énergie de l'amour est plus
forte. Toute peur, tout frein vous est ôté. Vous appelez votre maman à qui

150
vous n'avez pas parlé depuis cinq ans, et vous vous exprimez. Vous dites
à vos enfants que vous les aimez, et vous vous émerveillez devant le lilas
en fleur. Son parfum vous semble soudain si important. Vous ne
réfléchissez pas, et pourtant vous savez parfaitement ce que vous avez à
faire dans une situation aussi terrifiante. En vous, vous possédez cette
lumière qui vous guide vers l'Essentiel.

Eh oui, après avoir tout balayé, il vous reste cette lumière. Cette
énergie ne se décomposera pas avec votre corps dans lequel votre esprit a
embarqué pour faire une expérience dans la matière.

Et selon la mémoire cellulaire, la mort, c'est


quoi ?

Lorsqu'on parle du corps, on se représente généralement simplement


notre véhicule sur terre, celui que nous habitons. Mais le corps est
constitué d'enveloppes successives.
Il y a bien sûr le corps physique, celui qui focalise habituellement la
plupart de notre attention. On lui accorde beaucoup d'attention au cours
de sa vie, au détriment des autres enveloppes. C'est le corps des cinq sens
que nous allons perdre au moment de notre mort, comme si l'on quittait
un vêtement usé. Lorsque la mort survient dans la vieillesse, la
diminution progressive des sens nous prépare à cela. Nos fonctions
corporelles nous abandonnent.
La conscience a pour objectif d'amener notre corps physique à se
mettre dans le mouvement de la transformation. Au moment de la mort,
le corps physique ne répond plus, nos cinq sens disparaissent. La vie ne
résulte pas du fonctionnement des organes, elle ne disparaît donc pas
après la dissolution du corps physique. L'énergie vitale imprègne
l'univers tout entier.
Ce qui se produit alors, c'est que la conscience, à son niveau le plus
subtil, continue son voyage sans le corps physique et traverse une série
d'états que les Tibétains ont appelé « Bardos ». On pourrait aussi dire que
la conscience quitte la matière et retrouve la source.

151
Si nous sommes conscients que notre corps n'est là que pour un
temps et que nous acceptons l'idée de cette incarnation comme un
passage, alors nous prenons conscience qu'avant d'être nous avons été, et
qu'après avoir été incarnés, nous serons. Quelles que soient nos
croyances, cela nous permet de quitter ce corps dans un détachement
tranquille, pour avancer vers la Lumière d'un lendemain et d'atteindre
une liberté ultime. Une liberté désentravée de notre corps physique. C'est
cela le but du travail en mémoire cellulaire.
La mort résulte d'une continuité de conscience. Celle-ci va aller
d'évolution en évolution vers des plans supérieurs qui exigeront à un
moment de lâcher prise par rapport à notre enveloppe physique.
L'évolution vers le plan supérieur entraîne toujours la mort de l'inférieur.
La mort restitue la matière à la matière, l'âme à l'âme. Chez une personne
initiée, ce chemin est entrepris consciemment. Le travail en mémoire
cellulaire nous invite sur ce chemin, celui de penser la vie comme un tout
pourvu d'un continuum de conscience  : un jour nous nous sommes
incarnés, nous avons dit oui pour entrer dans la matière de ce monde,
pour accomplir un chemin de transformation.
«  La vie est donc un cycle continu fait de vie, de mort et de
renaissance… Le but de ce cycle est de permettre à la conscience
agissante de prendre de plus en plus de force et d'éveil pour soi et pour
l'humanité. L'homme, de son vivant, peut faire la découverte du
fondement même de la conscience et, par là même, s'établir dans
l'absence de toute peur et la certitude de son immortalité », écrit Arnaud
Desjardin dans L'Audace de vivre.

Apprivoiser la mort

Appréhendez le sommeil d'une façon différente. Face à la mort, nous


sommes comme un enfant qui aurait peur d'aller se coucher : le sommeil
est une petite mort.
Pensez à votre naissance. Vous n'aviez pas le choix, il vous a fallu
passer « d'un monde à l'autre ». C'était effrayant, mais vous l'avez fait.
Pensez à votre projet sens. Avant votre conception, vous étiez une
énergie, et vous êtes entrés en vibration avec celle de vos parents. Après

152
la mort, votre corps disparaîtra, mais cette énergie demeurera car elle fait
partie du cycle de l'univers.
Visualisez la corde d'argent. Notre conscience est retenue par ce que
nous appelons la corde d'argent. C'est un lien subtil qui ne se rompt qu'au
moment de la mort, un peu comme un cordon ombilical, dont la
luminescence est argentée. C'est pour cela qu'au moment du décès,
autour du nombril, on peut voir une couleur de plus en plus brune, signe
que la corde d'argent a été coupée. Étonnamment, le nombril des femmes
sur le point d'accoucher prend cette même couleur foncée.

Aider un mourant

Être à côté du mourant pour l'aider à accepter ce passage afin qu'il


s'accomplisse le plus possible dans la paix.
Dans l'acte de mourir, la séparation d'avec le véhicule physique est
un choc réel, qui se fait seul, quelle que soit la qualité de
l'accompagnement. Il se vivra d'autant mieux si la conscience est là.
Osons la comparaison avec le lancement d'un satellite et sa mise en
orbite : le satellite a besoin de la force de la fusée pour se propulser. La
fusée, c'est notre conscience, mais aussi l'amour et la présence de ceux
qui nous accompagnent. Arrivée à la bonne «  altitude  », la fusée se
détache et le vaisseau continue seul sa trajectoire. C'est ce choc qui fait
peur et qui se fait seul. Dans le travail en mémoire cellulaire, nous
organisons des séminaires pour approcher ce travail de la mort et
apprendre à le faire pour soi et pour les autres.

Peut-on aider après la mort ?

Différentes pratiques ont lieu selon les croyances. Elles visent toutes
à porter le mort vers la vie d'après et/ou à aider les personnes en deuil.
Une attention toute particulière est cependant donnée par les
Tibétains aux personnes mortes de manière violente ou soudaine. Celles-

153
ci peuvent être piégées dans une souffrance, empêchant le processus de
reconnaissance.
Peu importe la pratique pour aider un proche qui vient de mourir,
n'oublions pas que la conscience est d'une clairvoyance aiguë. Le simple
fait de diriger des pensées positives vers le défunt lui sera du plus grand
secours.
Le plus grand travail, c'est d'ouvrir et d'éveiller sa conscience tout au
long de sa vie.

154
Conclusion

« Nous sommes pris dans un réseau inéluctable de mutualité, coincés


dans un seul vêtement de destinée. Tout ce qui affecte une personne
directement affecte tout le monde indirectement. » Martin LUTHER KING

Au moment où je rédige les dernières lignes de ce livre, les


événements qui touchent le monde entier unissent tous les êtres humains
dans un destin funeste. L'épidémie de COVID-19 a touché l'homme dans
sa chair et dans ses
« mortelles habitudes ».
Le confinement nous a tous obligés à ralentir pour écouter le silence
en nous et autour de nous  : dehors, la voix des oiseaux était plus forte
que celle des voitures et l'on a vu des biches s'aventurer sur les plages,
des hérissons traverser tranquillement les boulevards. Dans le calme
forcé du confinement, nous avons été poussés à nous regarder bien en
face dans le miroir. Finie, la course pour attraper un bus bondé ; effacé,
l'énervement dans les embouteillages. Toutes ces pressions du monde
moderne qui brouillent nos pistes intérieures ont été, tout à coup,
arrêtées. Certains d'entre nous se sont retrouvés totalement seuls, d'autres
se sont occupés de leurs enfants en mode non-stop. Quoi qu'il en soit,
tous, nous nous sommes retrouvés face à nous-mêmes, face à nos
blocages, à nos petits et gros travers, face à cette boule que l'on a au
ventre et que l'on refuse d'écouter. Impossible de nous échapper, de nous
évader. Enfermés, dos au mur, comme Sri Aurobindo dans sa cellule,
nous avons été forcés de ralentir pour réfléchir à l'essentiel. Je pense que
ce n'est pas un hasard si j'achève ce livre dans des circonstances aussi
étranges. Moi-même, pendant le confinement, j'ai été chahutée dans mon
corps et j'ai fait plusieurs séjours à l'hôpital. La grande souffrance dans
laquelle l'humanité est plongée a tout à coup été mise face à un énorme
projecteur. En mode pleins phares, on voit bien ce qui va mal.
L'humanité ne peut pas s'en sortir sans changer radicalement ses
« mortelles habitudes ». Cette épidémie nous montre à quel point nous ne
sommes pas sur la bonne voie. Il est important à présent que nous
cessions enfin de nous accrocher aux vieilleries de notre monde qui court

155
toujours après la croissance tout en se détruisant. Remplaçons le chemin
emprunté par toute notre généalogie, déposons sur la route du sable fin à
la place du plomb. Suivons notre chemin, celui inscrit dans notre corps.
Écoutons-le  : il chuchote tout autant que les oiseaux. Il nous suffit de
nous arrêter pour l'entendre. Mère écrivait  : «  Le passage est dans le
corps.  » Cette petite phrase peut sembler obscure, mais il suffit de la
prendre tout simplement au pied de la lettre.
Écoutons notre corps. Il nous guidera.

156
« Uscimmo a riverder le stelle. » (« Et nous sortîmes pour revoir les
étoiles. ») DANTE, dernière phrase de la Divine Comédie

157
Bibliographie

BROUSSE Véronique, Si mon corps m' était conté, Éd. Quintessence,


2013.
CHOPRA Deepak, Le Chemin vers l'amour, J'ai lu, 2009.
COELHO Paolo, L'Alchimiste, Éd. Anne Carrière, 1994.
COELHO Paolo, Le Pèlerin de Compostelle, Éd. Anne Carrière, 1996.
CORNEAU Guy, Père manquant, fils manqué, Éd. J'ai lu, 2010.
CORNEAU Guy, N'y a-t-il pas d'amour heureux?, Robert Laffont, 2003.
DESJARDINS Arnaud, L'Audace de vivre, Éd. de la Table ronde, 1999  ;
Pocket, 2011.
DIDIER Georges, Au cœur du père, Réel Éditions, 2012.
FORWARD Susan, Parents toxiques, Marabout, 2013.
GAWAIN Shakti et KING Laurel, Vivez dans la lumière, Éd. Souffle d'or,
1997.
GIACOBINO Ariane, Peut-on se libérer de ses gènes  ? L' épigénétique,
Stock, 2018.
GROF Stanislav, Royaumes de l' inconscient humain, Éd. du Rocher,
1992.
JANOV Arthur, La Biologie de l'amour, Éd. du Rocher, 2001.
JANOV Arthur, Le Corps se souvient, Éd. du Rocher, 2001.
KRISHNAMURTI Jiddu, Se libérer du connu, Éd. Stock, 1991.
PECK Scott, Le Chemin le moins fréquenté, Éd. J'ai lu, 2004. PECK
Scott, Les Gens du mensonge, Éd. J'ai lu, 1999.
MèRE, Agenda de Mère, Institut de recherches évolutives.

158
SALOMON Paule, Le Couple intérieur, Éd. Albin Michel, 1998.
SATPREM, Le Mental des cellules, Éd. Robert Laffont, 2003.
SATPREM, Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Éd. Buchet
Chastel, 2003.

159
Remerciements

Toute ma tendresse et ma reconnaissance à toi, mon compagnon,


pour ta présence attentive, ton soutien au quotidien, tes exigences à
parler vrai pour rejoindre le cœur des gens, pour ton élévation spirituelle.
Tout mon amour à toi, ma fille, qui as su recevoir et partager toutes
mes expériences et qui, aujourd'hui, as accepté de les transmettre à ton
tour.
Un immense merci à tous ceux qui ont partagé leur expérience lors
de l'élaboration de cet ouvrage.
Une profonde gratitude à l'égard de Françoise Tardy qui m'a prêté ses
yeux pour relire ce livre.
Un grand merci également aux membres du séminaire Renaître
(octobre 2019), qui ont accueilli ce projet avec enthousiasme et
bienveillance.
Merci à vous, Sioux, qui avez participé à la rédaction de ce livre pour
votre souci de dire en mots simples les fruits de ma recherche.

160
Table

Introduction

1. Ma vie, mon chemin

2. Comprendre la mémoire cellulaire

3. Descendre dans la matière

4. S'autoriser à changer

5. Découvrir la méthode

6. Voir, accepter, transformer

7. Lâcher la tête, laisser parler le corps

8. Bâtir ma grille de vie

9. Interroger les mois qui entourent ma naissance

10. Plonger dans les neuf mois de la grossesse

11. Ne pas chercher un coupable

12. Percevoir la vibration de la vie

13. Observer les répétitions dans ma vie

14. S'initier à la bio-résonance cellulaire

15. Se laisser conduire dans mon ressenti

16. Découvrir mes blessures originelles

17. Dire au revoir à sa mère

161
18. Dire au revoir à son père

19. Découvrir en moi la part masculine et la part féminine

20. Aller de la sexualité à l'amour

21. Accepter ce vide en moi

22. Ouvrir et réveiller sa conscience

23. Découvrir un nouveau visage de la mort

Conclusion

Bibliographie

Contacts

Remerciements

162
163
Contacts

Myriam Brousse

Fondatrice de l'École en Mémoire cellulaire

E-mail : brousse.myriam@wanadoo.fr
Corps et Sens (secrétariat)

28 boulevard Kellermann

75013 Paris
E-mail : corpsetsens75014@orange.fr

164
Achevé d'imprimer par CPI,

en novembre

N° d'imprimeur : XXXX

Dépôt légal : février 2021

Imprimé en France

165
Table des Matières
Du même auteur 2
Title 3
Copyright 4
Introduction 6
1. Ma vie, mon chemin 8
2. Comprendre la mémoire cellulaire 20
3. Descendre dans la matière 26
4. S'autoriser à changer 29
5. Découvrir la méthode 35
6. Voir, accepter, transformer 41
7. Lâcher la tête, laisser parler le corps 45
8. Bâtir ma grille de vie 52
9. Interroger les mois qui entourent ma naissance 65
10. Plonger dans les neuf mois de la grossesse 71
11. Ne pas chercher un coupable 79
12. Percevoir la vibration de la vie 83
13. Observer les répétitions dans ma vie 89
14. S'initier à la bio-résonance cellulaire 96
15. Se laisser conduire dans mon ressenti 101
16. Découvrir mes blessures originelles 109
17. Dire au revoir à sa mère 113
18. Dire au revoir à son père 117
19. Découvrir en moi la part masculine et la part
122
féminine
20. Aller de la sexualité à l'amour 128
21. Accepter ce vide en moi 137
22. Ouvrir et réveiller sa conscience 142

166
23. Découvrir un nouveau visage de la mort 148
Conclusion 155
Bibliographie 158
Remerciements 160
Contacts 164

167

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