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CABINET Forum Med Suisse 2007;7:225–230 225

La phobie sociale:
étiologie, diagnostic et traitement
Torsten Berghändler, Rolf Dieter Stieglitz, Noortje Vriends
Psychosomatik, Bereich Medizin, Universitätsspital Basel

gétatifs associés à l’anxiété se manifestent typi-


Quintessenz quement par des tremblements, des accès de
쎲 La phobie sociale est le trouble anxieux le plus fréquent. sudation, une tachycardie, etc. Sur le plan co-
gnitif, on observe des troubles de la pensée et de
쎲 Le trouble anxieux social est tu, bien qu’il soit handicapant et implique un
la perception. Les patients présentent des dys-
coût élevé.
fonctionnements classiques, caractérisés par des
쎲 Chez le médecin, cette affection s’exprime souvent par une symptomatologie idées fausses du genre: «je suis sûr que je ne vais
physique ou par des plaintes psychiques concomitantes. pas arriver à finir une seule phrase correcte-
ment» – «je vais me mettre à trembler et les gens
쎲 Un diagnostic précoce et la mise en route rapide du traitement épargnent
vont le voir» – «les gens vont s’apercevoir que
aux patients de longues souffrances, ainsi que des problèmes croissants dans
j’ai peur» – «ce que je vais dire est certainement
leur vie privée et professionnelle.
ridicule». L’évitement des situations qui déclen-
쎲 Il existe toute une série de tests psychométriques pour effectuer le diagnos- chent la réaction de peur agit comme un facteur
tic différentiel. de renforcement négatif et favorise la chronici-
sation du trouble. L’anxiété sociale peut finale-
쎲 La pharmacothérapie, qui repose sur les antidépresseurs modernes, est très
efficace, mais requiert une surveillance somatique et une prudence particulière ment devenir un handicap très important, tant
après l’arrêt du traitement médicamenteux, en raison des risques de rechutes. dans la vie professionnelle que dans la vie
privée.
쎲 La thérapie comportementale cognitive est très utile, en particulier à moyen Les situations typiquement susceptibles de dé-
et à long terme. clencher une réaction phobique sont celles où
il faut parler, manger ou boire en public, écrire
Summary en public, contacter des inconnus, des représen-
Social phobia: aetiology, diagnosis and treatment tants de l’autorité ou des personnes de l’autre
sexe, où le sujet est en position de demandeur
쎲 Social phobia is the most common anxiety disorder. (par ex. échange de marchandise) ou lorsqu’il
쎲 Social phobia is disabling and costly; patients try to hide it. se sent observé, par exemple durant le travail,
lors d’une fête, comme conférencier ou encore
쎲 Social phobia often presents with somatic or comorbid psychic symptoms. durant l’utilisation des transports publics, etc.
쎲 Early diagnosis and treatment avert prolonged suffering and private and/or Au plan clinique, on distingue aujourd’hui plu-
professional impairment. sieurs formes de phobies sociales:
– phobie sociale primaire:
쎲 There exist a large number of well-evaluated psychometric questionnaires. – forme généralisée: trois situations ou plus
쎲 Pharmacotherapy with the more recent antidepressants is highly effective déclenchent la réaction anxieuse;
but requires somatic monitoring. There is a risk of relapse if the treatment is – forme non généralisée: une à deux situa-
broken off. tions déclenchent la réaction anxieuse;
– trouble de la personnalité anxieuse évitante;
쎲 Cognitive-behavioural therapy is highly effective in the medium- and long- – trouble déficitaire social primaire (rare).
term course.
Les syndromes suivants sont parfois caractérisés
par un tableau clinique en partie comparable, ils
Introduction ne sont pas considérés comme faisant partie des
troubles anxieux sociaux:
La symptomatologie de la phobie sociale ou du – symptomatologie de phobie sociale sous
trouble anxieux social se manifeste par une peur forme de stigmates extérieurs de type bégaie-
persistante et intense face au regard des autres ment, acné sévère, maladie de Parkinson,
et à leur jugement négatif éventuel, alors qu’au- hyperthyroïdie grave;
cun trouble ne se manifeste lorsque le sujet se – autres troubles psychiques s’accompagnant
trouve dans un environnement familier, où il de symptômes typiques de phobie sociale.
se sent en pleine confiance. Les symptômes vé-

Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 217 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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De nombreux sujets dépressifs présentent des concernant le comportement à adopter dans un


signes cognitifs que l’on retrouve chez les per- contexte culturel étranger n’ont pas forcément
sonnes souffrant d’un trouble anxieux social. Ces valeur de maladie. D’un autre côté, si une pho-
signes résultent de l’altération dépressive de bie sociale cliniquement significative n’est pas
l’estime de soi et de la certitude que les autres traitée, elle évolue en règle générale vers un
portent sur eux un jugement négatif. Les patients mode chronique avec un handicap social crois-
à traits schizophréniques présentent aussi des sant. Certains se mettent à éviter l’école et d’au-
comportements évitants vis-à-vis de certaines tres donnent leur congé au travail. Les activités
situations en société, mais qui reposent souvent en société perdent tout intérêt et les comorbidi-
sur un fond psychotique. tés évoquées ci-dessus vont commencer à appa-
raître. Cette spirale infernale peut aller jusqu’au
tentamen, voire au suicide.
Epidémiologie L’âge moyen à la mise en route du traitement est
d’environ 30 ans. Le délai entre le début des
Près d’une personne sur sept souffre une fois ou symptômes et l’initiation du traitement est en
l’autre au cours de son existence d’une phobie moyenne de 10 à 20 ans. La cause de ce laps de
sociale. La phobie sociale est ainsi le trouble temps élevé tient peut-être à la nature de la ma-
anxieux le plus fréquent et constitue d’autre part ladie: les personnes souffrant d’une phobie so-
la troisième affection psychique la plus fré- ciale appréhendent la mise en route d’un traite-
quente. Les premiers symptômes de phobie so- ment, car elles pensent que l’aveu de leurs peurs
ciale se manifestent classiquement dans l’en- serait trop pénible et risquerait de susciter des
fance ou l’adolescence, la phase à haut risque se jugements négatifs de la part des autres. Une
situant toutefois entre la 10e et la 17e année de autre raison pouvant expliquer cette longue pé-
vie [1]. riode sans traitement réside peut-être dans le fait
Les patients atteints d’un trouble anxieux social que la phobie sociale est souvent difficile à recon-
se démarquent souvent par un statut socioéco- naître. Comme les patients atteints de phobie so-
nomique faible et un bas niveau d’instruction; la ciale se plaignent plutôt à leur médecin traitant
souffrance et par conséquent la motivation pour de symptômes physiques ou de symptômes se-
se soumettre à un traitement semble cependant condaires, tels qu’un abus d’alcool, le trouble
plus grande dans les professions plus différen- anxieux n’est finalement reconnu comme tel que
ciées. Les sujets qui présentent une phobie so- chez un patient sur quatre [2].
ciale sont plus rarement mariés. Les femmes ont
davantage de risque de présenter une phobie so-
ciale, le rapport entre femmes et hommes étant Comment une phobie sociale
d’environ trois à deux. se déclare-t-elle?
Dans la phobie sociale, tout comme dans la plu-
part des troubles anxieux, les comorbidités sous Le développement d’une phobie sociale résulte
forme de troubles psychiques associés sont plu- de l’interaction complexe entre de nombreux
tôt la règle que l’exception. Les études épidémio- facteurs prédisposants, déclenchants, ainsi que
logiques et cliniques citent des taux de comorbi- de persistance.
dités allant de 50 à 80%. Les comorbidités les
plus fréquemment signalées sont les autres trou- Facteurs de vulnérabilité
bles anxieux, les états dépressifs, l’abus d’alcool On sait des observations chez les jumeaux que la
et les troubles sexuels. La phobie sociale précède phobie sociale est transmise à 30–50% par voie
en général ces comorbidités dans le temps. En- génétique. L’incidence des peurs sociales est par
viron la moitié des sujets atteints de phobie so- ailleurs environ trois fois plus élevée chez les
ciale présente de plus un diagnostic de person- proches parents des patients atteints de phobie
nalité évitante et cette proportion serait même sociale.
beaucoup plus élevée dans le sous-type généra- Chez les enfants, une prédisposition due à leur
lisé selon certaines études [1]. Dans l’hypothèse tempérament consistant à réagir à des situations
du continuum de cette affection, la personnalité nouvelles avec une certaine retenue et de façon
évitante devrait être considérée comme une un peu timide est appelée «behavioral inhibi-
forme particulièrement sévère de phobie sociale tion». Ce type de personnalité stable et ancré
(cf. ci-dessous). génétiquement peut favoriser l’apparition d’une
Comme dans tous les troubles névrotiques, le phobie sociale, au même titre qu’une «timidité
médecin devra faire la distinction, devant une normale».
phobie sociale, entre une simple variante de la La phobie sociale peut être la conséquence d’un
norme et une situation franchement patholo- vécu inopportun ou d’une scolarité perturbée: les
gique, par l’appréciation du retentissement expériences basées sur de mauvais modèles en
clinique de l’affection en se fondant sur les cri- termes de comportement social (par ex. orienta-
tères du CIM-10 (cf. ci-dessous). Une timidité tion par les normes, isolement social) influencent
«normale», le trac de l’acteur ou les hésitations aussi bien les schémas cognitifs que la compé-
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tence sociale. L’environnement familial fait lui


aussi partie du vécu. Le développement d’une
phobie sociale est fortement associé à une patho-
logie psychique chez les parents et à un style
d’éducation soit dénigrant, soit surprotecteur.
L’insécurité et une compétence sociale amoindrie
sont d’autres facteurs de vulnérabilité spécifiques,
lorsque l’apprentissage des aptitudes sociales fait
défaut. Il manque alors des concepts visant à éla-
borer des comportements positifs dans certaines
situations sociales, par ex. s’imposer [3].

Evénements déclenchants
Un petit nombre ou même une seule expérience
négative vécue dans certaines circonstances par-
ticulières (où une performance est requise) peut
déclencher une phobie sociale (par ex. peur au
cours d’un examen ayant entraîné l’échec).

Facteurs de persistance
La persistance d’une phobie sociale est très bien
illustrée par le cercle vicieux de la peur (fig. 1 x). Figure 1
Un exemple: K. a un rendez-vous important avec Cercle vicieux de la phobie sociale.
son chef. Il est très agité et voudrait à tout prix
éviter de se rendre ridicule (A). K. est spéciale-
ment attentif à ses battements de cœur et au fait Une fois pris dans ce cercle vicieux, les phobiques
qu’il devient rouge (B). Il a peur de ne pas répon- sociaux tentent souvent d’éviter ces «expériences
dre aux exigences et que son chef remarque son frustrantes» en adoptant un comportement dit de
appréhension (C). Ces pensées lui font peur (D) sécurité. Un exemple de comportement de sécurité
et cette peur aggrave ses symptômes physiques caractéristique chez les personnes qui craignent de
avec la mise en route d’une série de processus prendre la parole en public est de lire leur manus-
physiologiques (E). Ces réponses physiologiques crit de manière absolument rigide lors d’une confé-
déclenchent chez K. une hypersudation (F) et rence, dans le but d’éviter les bégaiements ou la
lorsqu’il tend à son chef une main moite, ses perte du fil de la présentation. Les comportements
craintes semblent se confirmer avec induction de sécurité conduisent cependant souvent à une
d’un véritable cercle vicieux (B) … impression désagréable sur le partenaire d’inter-
action (par ex. lecture sur un ton monotone et en-
nuyeux) et rendent plus difficile, le cas échéant, de
Tableau 1. Critères diagnostiques de la phobie sociale (selon CIM-10 [4]). faire des expériences positives nouvelles.
Comme dans la majorité des troubles anxieux,
Critère Contenu
les comportements d’évitement jouent également
A Soit 1, soit 2:
un rôle décisif dans la persistance de la phobie so-
1. Peur nette d’être au centre de l’attention ou d’avoir un comportement ciale. Ils stabilisent en effet la réaction d’anxiété et
gênant ou rabaissant
mettent la personne concernée dans l’impossibi-
2. Evitement net d’être au centre de l’attention ou d’avoir une attitude gênante lité de faire des expériences correctrices.
ou rabaissante dans des situations déclenchant la peur.
B Au moins deux symptômes d’anxiété dans les situations redoutées au moins
une fois depuis l’apparition du trouble, tel que défini dans F40.0, critère B,
Diagnostic et diagnostic différentiel
avec au moins l’un des symptômes concomitants suivants:
– rougeur du visage ou tremblements
– peur de vomir L’importance du diagnostic différentiel d’une
– besoin d’uriner ou de déféquer ou peur de l’avoir. phobie sociale est soulignée par les études épi-
C Pression émotionnelle importante par suite des symptômes anxieux ou démiologiques et les données sur l’évolution de
de l’attitude d’évitement. Conscience du caractère exagéré et irraisonné l’affection. Un diagnostic différencié de la phobie
des symptômes ou du comportement d’évitement. sociale permet d’identifier à temps et de manière
D Les symptômes se limitent exclusivement ou essentiellement aux situations correcte le trouble, constitue un point de départ
déclenchantes ou aux pensées qui les évoquent. pour la décision thérapeutique et fera office de
E Critères d’exclusion les plus fréquents: les symptômes du critère A ne sont référence pour les interventions thérapeutiques
pas causés par un délire, des hallucinations ou d’autres symptômes issus à venir. Les phobies sociales se trouvent dans le
des groupes des troubles psychiques d’origine organique (F0), schizophrénie chapitre F4 «Troubles névrotiques, liés au stress
et troubles apparentés (F2), troubles affectifs /(F3) ou troubles obsessionnels- et somatoformes» de la nomenclature du CIM-10
compulsifs (F42) et ne sont pas la conséquence de comportements acceptés avec le code F40.1 [4]. Les critères diagnostiques
dans un contexte culturel particulier.
du CIM-10 sont représentés dans le tableau 1 p.
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Tableau 2. Outils diagnostiques de la phobie sociale (exemples).

Interviews diagnostiques Systèmes experts pour le diagnostic (DIA-X) Wittchen, Pfister [6]
Interview clinique structurée pour DSM-IV (SKID-I) Fydrich et al. [7]
Interview diagnostique en cas de troubles psychiques (DIPS) Margraf et al. [8]
Echelles du degré Liebowitz Social Anxiety Scale (LSAS) Liebowitz [9]
de sévérité Echelle de la phobie sociale (SPS) Mattick/Clarke [10]
Des informations plus précises sur ces techniques se trouvent dans les références [5, 11, 12].

On distingue une forme généralisée et une forme On utilise pour le diagnostic de la phobie sociale,
non généralisée. Le type généralisé (plus de deux en particulier en vue de la planification du traite-
situations morbides) commence habituellement ment, des tests comportementaux, des observa-
plus tôt et tend à persister avec une augmentation tions directes et des journaux de patients. Plu-
des situations phobiques et des comorbidités et la sieurs techniques, plus spécifiquement axées sur
présence plus fréquente de handicaps sociaux. Il le traitement, ont été publiées au cours de l’année
est en principe plus facile à identifier. Les phobies écoulée. Elles s’adressent surtout aux fonctions
sociales non généralisées (une à deux situations cognitives, aux aspects comportementaux et à la
morbides) surviennent classiquement à un stade prise en charge de la phobie sociale. Des exem-
plus tardif de la vie, mais peuvent évoluer vers une ples sont présentés dans Wittchen et al. [11].
forme généralisée. Les comorbidités et les handi- Comme un comportement phobique social repré-
caps sont moins fréquents dans cette forme, qui est sente d’abord un phénomène psychopatholo-
aussi plus difficile à identifier, dans la mesure où gique non spécifique, il faut absolument penser
les situations déclenchantes sont moins nombreu- au diagnostic différentiel avec d’autres troubles.
ses. La distinction entre ces deux formes revêt Cela concerne en particulier d’autres formes de
un intérêt clinique, même si elle est encore contro- trouble anxieux (agoraphobie, attaques de pani-
versée du point de vue purement scientifique. que, anxiété généralisée, troubles compulsifs).
Pour poser le diagnostic, il existe toute une série D’autres troubles psychiques s’accompagnent de
d’instruments servant à bien davantage que la comportements de type phobie sociale nécessi-
seule évaluation de la phobie sociale. Il s’agit de tant une différentiation claire: les dysmorphies
check-lists, ainsi que de questionnaires struc- physiques, les troubles dépressifs, les troubles
turés et standardisés (cf. dans l’aperçu d’Ange- schizophréniques et les comportements phobi-
nendt et al. [5]). Le tableau 2 p résume quel- ques sociaux secondaires dans le contexte d’une
ques-uns des outils à disposition. maladie organique. Un problème diagnostique
Les interviews diagnostiques bénéficient du plus pour lequel il n’y a pas de solution satisfaisante
grand degré de fiabilité (fiabilité «interrate») et à ce jour concerne la distinction entre la phobie
les problèmes de comorbidités sont mieux éva- sociale et le trouble de la personnalité évitante et
lués de cette façon qu’à l’aide d’une anamnèse peu sûre de soi. Il existe ici d’importantes super-
spontanée. On citera tout de même, parmi les in- positions, en raison surtout du début relative-
convénients de la méthode, un temps d’appren- ment précoce et de manifestations survenant dans
tissage relativement important et le fait qu’une des situations très différentes. On est confronté,
telle interview dure relativement longtemps. d’une manière générale et plus particulièrement
Il existe par ailleurs un grand nombre de métho- dans la phobie sociale, au problème qu’il s’agit
des qui ne contribuent pas en priorité au diag- d’un phénomène de type continuum; autrement
nostic, mais qui servent à évaluer la sévérité des dit un tableau pouvant aller de simples fluctua-
troubles ou à collecter des informations impor- tions légères, encore dans les limites de la norme,
tantes dans l’optique du traitement. Le tableau 2 à l’un des tableaux symptomatiques franchement
présente quelques-uns des instruments disponi- morbides décrits précédemment, en passant par
bles en langue allemande. différentes variantes de la norme à caractère plus
ou moins pathologique (fig. 2 x).

Axes thérapeutiques
Passager Chronique
Peu d’évitement Fort évitement Pharmacothérapie
Peu de handicap Handicap important Le traitement médicamenteux de la phobie so-
ciale repose en premier lieu sur les antidépres-
Timidité Phobie sociale généralisée seurs. Ceux-ci permettent une bonne, voire une
Phobie sociale spécifique Personnalité anxieuse évitante
très bonne amélioration de la symptomatologie,
en particulier dans les formes modérées et sévè-
Figure 2 res [13]. Le succès thérapeutique dépend notam-
Le continuum des troubles phobiques sociaux. ment de la dose administrée et de la durée du
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traitement. Le délai d’entrée en action peut aller ailleurs l’apprentissage psychothérapeutique et


jusqu’à douze semaines; on préconise la pour- se caractérisent, après leur arrêt, par un taux de
suite du traitement pendant plus qu’un an après rechutes extrêmement élevé.
l’obtention de la réponse au niveau symptoma- Les bêtabloquants à faibles doses sont souvent
tique (dans les traitements sans psychothérapie utilisés dans les cas d’anxiété sociale spécifique
adjuvante). Durant ce laps de temps, on peut en (la peur de tenir une conférence). On ne dispose
effet encore observer une amélioration de la pas de preuves établissant une efficacité signifi-
réponse thérapeutique [14]. Une pharmacothé- cative, si ce n’est quelques rapports de cas posi-
rapie combinée à une auto-exposition, soutenue tifs isolés.
par exemple par le médecin traitant, augmente Les dernières études sur l’oxytocine ont donné
l’efficacité du traitement et diminue le risque de des résultats prometteurs. Il n’est pas encore
rechute à l’arrêt des médicaments [15]. L’asso- possible de porter un jugement définitif sur cette
ciation de la pharmaco- et de la psychothérapie approche thérapeutique; il semble en tous les cas
peut s’accompagner d’une augmentation du taux que l’association avec une thérapie comporte-
de réponse dans les cas sévères et d’une entrée mentale cognitive soit indispensable.
en action plus rapide. On ne commencera une
psychothérapie qu’après avoir obtenu une ré- Psychothérapie
ponse à la pharmacothérapie et, en tous les cas, Certaines méta-analyses ont montré que c’est la
pas avant douze semaines, de manière à pouvoir thérapie cognitivo-comportementale qui produit
évaluer l’efficacité du médicament. On recom- les effets les plus marqués et les plus durables
mande en outre, lors d’un traitement combiné, dans le traitement de la phobie sociale [17]. Son
de diminuer les doses médicamenteuses de façon excellente efficacité a été démontrée aussi bien
graduelle au cours de la psychothérapie, afin dans le cadre d’une thérapie individuelle que
de favoriser l’attribution par le patient de l’effi- dans une thérapie de groupe. Elle consiste en ex-
cacité au processus d’apprentissage psychothé- positions à des situations réelles déclenchant la
rapeutique. réaction de peur, en une observation consciente
En Suisse, les inhibiteurs sélectifs de la recapture du regard des autres et en la correction des an-
de la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de la re- ciens schémas cognitifs pathologiques. Les pa-
capture de la sérotonine et de la noradrénaline tients apprennent à maîtriser des situations com-
(ISRN) et un inhibiteur réversible de la mono- portant un degré de difficulté croissant et à faire
amino-oxidase (IMAO) sont enregistrés avec cette le constat que des situations ressenties précé-
indication. Ils ont une bonne efficacité, surtout demment comme redoutables sont devenues
dans les formes modérées à sévères (tab. 3 p). banales et sans importance. Les succès obtenus
avec cette approche sont considérables avec un
Tableau 3. Antidépresseurs dans le trouble anxieux taux de bonnes réponses de près de 90% dans
social (données selon [16]). les cas de phobie sociale primaire. Une partie des
programmes basés sur la thérapie comporte-
Paroxétine Deroxat® 20–50 mg/j
mentale figure aujourd’hui dans certains ma-
Sertraline Zoloft®, Gladem® 50–200 mg/j nuels (par ex. Stangier et al. [12]).
®
Escitalopram Cipralex 10–20 mg/j La psychothérapie interpersonnelle pourrait être
Moclobémide Aurorix® 300–600 mg/j utile [18], de même que certaines techniques ad-
Venlafaxine Efexor® 75–225 mg/j juvantes, telles que l’hypnothérapie, la réalité
virtuelle, la relaxation musculaire progressive
(PMR), l’«applied relaxation» (AR). Il n’existe
Le spectre des effets indésirables détermine le pour l’heure aucune étude sur les techniques
choix de la substance et la compliance du patient. psychodynamiques. Le traitement faisant appel
Avec l’inhibiteur réversible de la MAO moclo- à un entraînement de la compétence sociale est
bémide (Aurorix®) on sera particulièrement recommandé dans l’anxiété sociale. Les patients
attentif aux interactions médicamenteuses. Les qui souffrent d’une anxiété sociale sous-estiment
antidépresseurs requièrent une surveillance de souvent le niveau d’adéquation sociale de leur
certains paramètres de laboratoire et un suivi comportement; objectivement, ils ont en effet
sur le plan de la médecine interne. souvent un comportement modèle [18].
Les benzodiazépines s’avèrent très puissantes Les approches psychothérapeutiques mettent
dans le traitement des troubles anxieux sociaux, davantage de temps pour agir. Elles sont, en règle
mais présentent également des inconvénients générale, spécifiques au trouble, ont des effets
majeurs. On évoquera évidemment le risque de rémanents plus durables après l’arrêt du traite-
dépendance en cas d’utilisation prolongée; on ment et présentent un taux de rechute plus fai-
recommande de ne pas dépasser une durée ble [17]. La thérapie comportementale cognitive
d’administration de six semaines en continu. Ce est efficace dans les formes légères à sévères et
groupe de substances n’est donc indiqué que ses coûts sont habituellement plus faibles que
dans le cadre d’un traitement aigu sur une pé- ceux d’un traitement médicamenteux. La théra-
riode limitée. Les benzodiazépines freinent par pie individuelle permet un travail cognitif plus
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personnalisé. La thérapie de groupe est plus éco- tentative d’automédication ou un comportement


nomique et, de plus, le soutien et le feed-back des de sécurité et d’évitement.
autres membres du groupe constituent pour les Les troubles anxieux concomitants n’interfèrent
patients un apport objectif très précieux. Les pas avec un traitement spécifique de la phobie
techniques de psychothérapie spécifique ne sont sociale. Les patients présentant un trouble de la
cependant pas disponibles partout ou ne sont pas personnalité, peu confiantes en elles et évitan-
applicables, pour différentes raisons, chez tous tes peuvent bénéficier d’une thérapie cognitivo-
les patients (par ex. par manque de temps) comportementale en groupe, mais nécessitent
en règle générale aussi une psychothérapie indi-
viduelle.
Traitement des comorbidités

Les troubles dépressifs concomitants d’intensité Phobie sociale spécifique


modérée à sévère devraient être correctement (peur avant une conférence)
traités avant de démarrer une psychothérapie
spécifique de la phobie, sous peine de compro- Le traitement psychothérapeutique du trac avant
mettre, voire d’annuler, les chances de succès du une conférence correspond en gros à celui de
traitement de la phobie sociale proprement dite la phobie sociale généralisée. L’utilisation de la
[19]. Un traitement pharmacologique de la dé- vidéo peut être très utile. Les cours de réthorique
pression peut déjà en soi atténuer les symptômes ou les cours donnés par ex. par l’association
de la phobie sociale. Les dépendances ont égale- «Toastmasters International» (www.toastmas-
ment la priorité sur le plan thérapeutique; la ters.ch) sont des solutions alternatives pour ac-
consommation de drogues constitue souvent une quérir des exercices d’entraînement.

Références
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