Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Les troubles anxieux font partie des pathologies psychiatriques les plus fréquentes en
population générale, avec une prévalence totale d’environ 10 %. En plus des états anxieux
aigus, il existe cinq diagnostics principaux de troubles anxieux chroniques : les phobies
(spécifiques, sociales et l’agoraphobie), le trouble panique et le trouble anxieux généra-
lisé. Une anxiété excessive est présente dans chacun de ces syndromes, mais le diagnostic
spécifique est basé sur les caractéristiques sémiologiques comme l’objet de la peur, ses
mécanismes et les stratégies de mises en œuvre pour la contrôler. L’intensité des symp-
tômes est variable d’une catégorie à l’autre et d’un sujet à l’autre, mais certaines formes
de troubles anxieux peuvent être extrêmement sévères et invalidantes, notamment dans
certaines phobies. Les complications et les comorbidités, dépressives et addictives, font
également la gravité de ces pathologies, qui doivent être dépistées en particulier chez
les sujets jeunes pour pouvoir les traiter efficacement. Les stratégies thérapeutiques qui
ont fait la preuve de leur efficacité dans les troubles anxieux sont surtout les thérapies
comportementales et cognitives et certains antidépresseurs sérotoninergiques.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles anxieux et phobiques 60-726-A-10
précédemment peuvent être présents simultanément présence rassurante d’un professionnel permettent très
et très fortement, créant un emballement général de rapidement de réduire l’intensité de la crise. Si l’examen
l’organisme et de la pensée. Les signes peuvent être très est en faveur d’une crise d’angoisse sans facteur orga-
variés mais, en général, les patients présentent des symp- nique, il est important de l’expliquer au patient. Insister
tômes physiques et émotionnels qui leur sont propres : sur l’origine psychologique de son état, sans pour autant
plutôt cardiaques pour les uns (palpitations, bouffées de le nier ni le banaliser, permet au patient de comprendre ce
chaleur, peur d’un infarctus), plutôt respiratoires pour qui lui arrive. Lui rappeler que la crise va céder naturelle-
les autres (tachypnée, impression et peur d’étouffer) ou ment et qu’en aucun cas sa vie n’est en danger est souvent
encore sensoriels (vertiges, céphalées, peur d’une attaque fondamental.
cérébrale). Des méthodes simples permettent également de réduire
Cet état peut être déclenché par : les symptômes psychiques et physiques : défocaliser
• un stress brutal, comme un accident ou une altercation ; l’attention du patient des impressions de menaces,
• une confrontation à une situation phobogène (ren- l’inciter à se détendre et à se relaxer, et surtout modi-
contre avec l’objet redouté chez un sujet présentant une fier son rythme respiratoire. Celui-ci doit être le plus lent
phobie ou un autre trouble anxieux) ; et le plus superficiel possible en s’aidant d’une respira-
• un facteur toxique (psychostimulant, psychodyslep- tion abdominale plutôt que thoracique. Les respirations
tique, alcool, autres drogues), ou organique (cardiores- amples et profondes et l’hyperventilation favorisent en
piratoire par exemple) ; effet l’hypocapnie.
• ou une période de fatigue ou de perturbation émotion- Dans la très grande majorité des cas, ces mesures per-
nelle, par exemple au cours d’une dépression. mettent d’arrêter la crise. La prescription médicamenteuse
Mais certaines attaques de panique peuvent aussi sur- en urgence doit être évitée autant que possible. Le patient
venir spontanément sans aucun facteur déclenchant ni ne doit pas en effet conserver en mémoire une issue
contexte favorisant. Si elles se répètent de manière impré- uniquement « médicalisée » de sa crise, en écartant les
visible et qu’elles perturbent la vie quotidienne, elles actes les plus symboliques et les plus techniques (perfu-
peuvent alors relever d’un trouble anxieux chronique sions, injections, etc.). C’est ainsi qu’un meilleur contrôle
appelé trouble panique, qui sera évoqué plus loin. du patient sur son anxiété pourra être obtenu, dans la
Dans les formes les plus intenses, les sujets peuvent perspective d’éventuelles récidives, évitant de le rendre
avoir des impressions de déréalisation (perception défor- dépendant des structures de soin les plus lourdes.
mée de la réalité) ou de dépersonnalisation (impression de Le médicament ne s’impose que lorsque la crise se pro-
ne plus être soi-même et de se transformer), mais seule- longe malgré les méthodes énoncées ci-dessus, ou lorsque
ment sur une durée brève. les symptômes sont très intenses (agitation psychomo-
Le concept de crise de spasmophilie, ou de tétanie, trice très importante par exemple). La voie orale est à
n’existe qu’en France et a été longtemps présenté comme privilégier, car elle assure la meilleure biodisponibilité et
une affection organique. En fait, il s’agit le plus sou- rapidité d’action pour les produits anxiolytiques, et elle
vent de crises d’angoisse ou d’attaques de panique se permet de limiter le caractère technique de l’acte.
manifestant surtout par des signes musculaires liées à Les traitements disponibles dans le traitement aigu de
l’hyperventilation, celle-ci induisant une hypertonie du l’anxiété sont essentiellement les benzodiazépines, par
fait de l’hypocapnie. Ces crises sont souvent déclenchées exemple l’alprazolam 0,25 ou 0,50 mg ou le diazépam
par des stress ou des contrariétés, mais peuvent aussi cor- 5 ou 10 mg selon le poids du sujet et l’intensité des
respondre à un véritable trouble panique nécessitant des symptômes. L’effet anxiolytique, s’accompagnant éven-
soins. tuellement d’un effet sédatif, en fonction de la dose et de
Face à une attaque de panique, l’examen somatique la sensibilité du patient, est obtenu en 15 à 20 minutes
dans l’urgence est à adapter à la situation et aux premiers environ. La voie intramusculaire est à réserver aux cas
signes d’orientation, pouvant se limiter à une ausculta- exceptionnels où la voie orale n’est pas accessible (agi-
tion et à une prise de tension artérielle mais pouvant tation majeure, contracture de la mâchoire, troubles de la
aussi comporter quelques examens complémentaires : déglutition), avec par exemple du diazépam 10 mg.
électrocardiogramme, examens sanguins et recherche de Après disparition de l’angoisse, il est nécessaire de
toxiques au moindre doute. Dans la plupart des cas, refaire une évaluation diagnostique, d’expliquer au
l’éloignement des facteurs anxiogènes extérieurs et la patient la nature de ses troubles, et de proposer un suivi ou
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
60-726-A-10 Troubles anxieux et phobiques
Diagnostic différentiel
Repérage et démarche
Le trouble panique étant surtout défini par la récur-
diagnostique rence des attaques de panique, son diagnostic renvoie
aux points abordés au chapitre précédent, en ayant
Une fois la question d’un possible trouble anxieux
soin principalement d’avoir écarté un trouble qui ne
posée, l’objectif doit être de le caractériser, en ce qui
serait que symptomatique d’un épisode dépressif, d’une
concerne son type, son évolution et sa gravité, puis de
dépendance alcoolique (crises d’angoisse lors des phases
fixer une stratégie thérapeutique adaptée. Le type de
d’intoxication et de sevrage), d’autres prises de toxiques,
trouble anxieux est surtout défini par l’objet de la peur
ou d’une maladie somatique comme une hyperthyroï-
et par les comportements qui en découlent. On classe
die, un trouble du rythme cardiaque, une épilepsie
les troubles anxieux en cinq grandes catégories, résumées
temporale, un phéochromocytome, ou encore une mala-
dans le Tableau 1 [1] et qui vont être abordées successi-
die de Ménière. Par ailleurs, il ne faut pas confondre
vement dans les paragraphes suivants. Depuis quelques
l’agoraphobie avec les phobies sociales (cf. plus loin),
années, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et les
même si les situations en cause peuvent être en partie les
troubles liés au stress, notamment les troubles de stress
mêmes : l’agoraphobe peut avoir peur de la foule mais
post-traumatiques (TSPT), ne sont plus classés au sein des
du fait d’une sensation d’enfermement, pas du regard des
troubles anxieux mais font partie de catégories diagnos-
autres.
tiques à part. Ce choix a été fait sur la base de données
cliniques, physiopathologiques et épidémiologiques les
distinguant des troubles anxieux et phobiques. Épidémiologie et évolution
Le trouble panique, avec ou sans agoraphobie, touche
Trouble panique environ 2 à 3 % de la population à un moment ou à un
autre. Il touche 2 à 3 fois plus les femmes que les hommes,
et agoraphobie et l’âge moyen d’apparition se situe entre 20 et 30 ans.
Il s’agit d’un trouble chronique, pouvant connaître des
Le trouble panique est défini par la répétition, plus ou périodes de rémission et d’aggravation mais évoluer sur
moins fréquente, d’attaques de panique [1, 2] . Certaines des années, voire plus de 10 ou 20 ans. Les principales
d’entre elles, souvent au début, sont spontanées et inat- complications du trouble panique et de l’agoraphobie,
tendues, c’est-à-dire non facilitées par une peur préalable outre la souffrance quotidienne et le handicap fonction-
et par une confrontation à une situation anxiogène. Par nel qu’ils peuvent engendrer (évitement de lieux ou de
ailleurs, le diagnostic de trouble panique ne peut être moyens de transport, nécessité d’un accompagnement
porté que si les attaques de panique sont à l’origine, permanent), sont les épisodes dépressifs et les usages abu-
pendant un mois au moins, d’une crainte persistante de sifs de médicaments et d’alcool. Ces produits sont utilisés
la survenue d’une nouvelle attaque, de préoccupations à visée anxiolytique et/ou antidépressive initialement,
concernant les risques liés à ces attaques (peur de mourir, mais engendrent rapidement une dépendance (alcool,
de devenir fou, etc.), ou plus généralement d’un change- benzodiazépines) et les troubles s’aggravent mutuelle-
ment de comportement. Le symptôme fondamental qui ment. Des syndromes dépressifs sont retrouvés chez un
est ainsi décrit est l’anxiété anticipatoire, que l’on résume tiers à la moitié des patients, et des problèmes de dépen-
souvent par l’expression « la peur d’avoir peur ». Les dance chez plus d’un quart. Les risques suicidaires sont
patients touchés ne redoutent en effet pas une situation importants, surtout en cas de complication dépressive ou
particulière, mais plutôt leurs propres réactions de peur et d’alcoolisme associé.
cette forme extrême que représente l’attaque de panique.
L’agoraphobie était définie initialement par la peur des
grands espaces et/ou de la foule. La définition actuelle est
Traitements
élargie à la crainte de toutes les situations dont on ne peut Le traitement aigu de l’attaque de panique a été vu plus
pas s’échapper facilement en cas de malaise, d’incident, haut. Le traitement du trouble panique doit être un trai-
ou d’attaques de panique, ou dans lesquelles on ne peut tement de fond, préventif de la survenue des attaques de
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles anxieux et phobiques 60-726-A-10
Tableau 2.
Principales indications des thérapies cognitivocomportementales (TCC) et des médicaments, utilisés séparément ou en association, dans
les troubles anxieux.
Thérapies cognitivocomportementales Chimiothérapie
Trouble panique Relaxation Certains antidépresseurs a (escitalopram,
Exposition intéroceptive venlafaxine LP, paroxétine, citalopram,
Restructuration cognitive clomipramine)
Agoraphobie Désensibilisation, exposition graduée Aucun
(sauf anxiolytiques ponctuels)
Phobies spécifiques Désensibilisation, exposition graduée Aucun
(sauf anxiolytiques ponctuels)
Phobies sociales Restructuration cognitive Paroxétine, venlafaxine LP, escitalopram b
Exposition en groupe
Entraînement aux compétences sociales
Trouble anxiété généralisée Relaxation Escitalopram, venlafaxine, paroxétine
Restructuration cognitive Benzodiazépines (1 à 4 semaines)
Exposition cognitive Buspirone
Méditation en pleine conscience
a
Indication : prévention des attaques de panique avec ou sans agoraphobie.
b
Indication : trouble anxiété sociale caractérisé lorsqu’il perturbe de manière importante les activités professionnelles ou sociales.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
60-726-A-10 Troubles anxieux et phobiques
Certains « sociophobes » ne redoutent qu’une seule Ces méthodes peuvent se pratiquer en individuel, mais
catégorie de situations ou seulement quelques-unes, le les thérapies de groupe sont les plus efficaces, permettant
Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders des jeux de rôle et une entraide des patients.
(DSM-5) définit notamment une forme de phobie sociale
centrée uniquement sur la peur de parler en public [2] .
D’autres patients les redoutent presque toutes, on parle Phobies spécifiques
alors de phobie sociale généralisée. Lorsque la crainte est
focalisée sur le fait de rougir en public, avec une peur obsé- Les phobies spécifiques sont des troubles très fréquents
dante que les autres s’en aperçoivent, on utilise le terme dans la population générale, touchant environ 5 % des
d’« éreutophobie » qui est une forme particulière et répan- individus. Autrefois dénommées « phobies simples », elles
due de phobie sociale, notamment chez les adolescents et correspondent à des peurs intenses, excessives et durables
jeunes adultes. de situations ou d’objets bien définis, et ne correspon-
dant pas à une agoraphobie ou une phobie sociale [1, 2] .
La peur ressentie par le sujet n’est donc pas en lien avec
Épidémiologie la présence d’une autre personne, ni avec l’anticipation
d’un malaise ou d’un incident pouvant survenir dans la
La plupart des enquêtes réalisées dans le monde entier
situation redoutée. Il s’agit d’une peur « brute », sans
retrouvent des taux de prévalence sur la vie compris entre
élaboration mentale particulière. Le contact ou même
3 et 6 %. L’âge moyen de début de la phobie sociale est
la vue de l’objet redouté, la photo d’une araignée par
d’environ 15 ans, même si certains sujets se décrivent
exemple, peut suffire à provoquer une réaction anxieuse
comme phobiques depuis la première enfance. Il s’agit
intense, voire même une tentative d’échappement. Les
d’un trouble chronique, avec parfois quelques fluctua-
phobies spécifiques les plus fréquentes concernent les ani-
tions de sévérité dans le temps mais le plus souvent sans
maux (souris, serpents, insectes, oiseaux, chiens, etc.), le
rémissions véritables en l’absence de traitement.
sang et les blessures ou les procédures médicales comme
L’existence d’une phobie sociale augmente de manière
les injections, la hauteur ou le vide, les lieux clos (mais
significative le risque de dépression : environ 60 % des
alors sans les mécanismes de l’agoraphobie), l’obscurité,
patients consultant pour phobie sociale souffrent ou
ou d’autres conditions naturelles comme les orages. La
ont souffert de dépression. Les autres troubles associés
plupart de ces situations rappellent, de près ou de loin,
fréquemment sont les autres troubles anxieux et les pro-
des dangers réels, et il est probable que ces phobies
blèmes d’abus ou de dépendance à l’alcool. Certains
dérivent de peurs ancestrales ayant été utiles à la sur-
phobiques utilisent en effet l’alcool à visée anxiolytique
vie de l’espèce. Dans certains cas, cependant, on retrouve
et désinhibitrice lors de prestations publiques ou de
aussi des antécédents de traumatismes réellement vécus
rencontres, et risquent alors de perdre plus ou moins
pouvant expliquer l’apparition de la phobie chez une per-
complètement la maîtrise de leur consommation.
sonne donnée (le souvenir d’avoir été mordu gravement
par un chien, ou d’avoir failli tomber d’un toit ou d’un
Traitements pont, etc.).
Dans la mesure où il s’agit de peurs bien circonscrites
Lorsque la phobie sociale est intense et gênante, diffé- à des objets bien définis, leur retentissement dans la
rents traitements peuvent être proposés, médicamenteux vie quotidienne est assez faible en général, soit parce
et/ou psychothérapeutiques [3, 5] . Des -bloquants sont que les objets en question ne sont pas souvent rencon-
souvent prescrits chez les sujets présentant une anxiété trés (serpents, orages), soit parce que la personne peut
de performance, mais de manière ponctuelle avant la assez facilement les éviter (oiseaux, hauteur, etc.). Il arrive
confrontation à une situation redoutée. Ils peuvent en cependant que certaines phobies occasionnent de véri-
effet réduire certains signes périphériques de l’anxiété tables handicaps, avec des conséquences non négligeables
(palpitations, tremblements, symptômes neurovégéta- pour la santé ou l’adaptation sociale : incapacité à accepter
tifs) et donc indirectement diminuer l’appréhension et une prise de sang ou un examen d’imagerie par réso-
l’anxiété psychique. Il peut s’agir d’une solution efficace nance magnétique (IRM) (claustrophobie), impossibilité
dans les formes peu sévères ou d’un appoint utile aux de travailler à un étage élevé, peur de certains animaux
psychothérapies. domestiques courants, etc.
Par ailleurs, des études ont été effectuées sur des médi- Les seuls traitements efficaces des phobies spéci-
caments pouvant représenter des traitements de fond des fiques sont les thérapies comportementales, qui visent
phobies sociales. Seuls des ISRS (escitalopram, paroxétine) à une désensibilisation (extinction) de la peur par une
ou la venlafaxine ont pu montrer une efficacité supé- méthode de confrontation progressive et assistée, avec
rieure au placebo et durable dans le temps dans cette ou sans relaxation [3] . Les résultats peuvent être très
indication [4] . Il est donc justifié de prescrire ce type de bons en quelques séances, mais il existe des cas dif-
traitement dans les formes sévères, même si une prise ficiles liés en général à l’ancienneté des troubles, qui
en charge psychologique est, par ailleurs, essentielle. Les commencent en général dans l’enfance. Une thérapie
doses efficaces sont les mêmes que pour le traitement effectuée après 50 ans d’évolution et d’évitements sera
des dépressions. Les effets apparaissent progressivement naturellement beaucoup difficile qu’en cas d’apparition
dans les premières semaines et les premiers mois, et le récente. Les technologies modernes utilisant la réalité vir-
traitement doit être poursuivi au moins 6 à 12 mois tuelle permettent aujourd’hui de compléter les méthodes
pour stabiliser les résultats obtenus. Ce traitement pré- d’exposition en imagination et in vivo par des expositions
sente un intérêt même en l’absence de trouble dépressif, « in virtuo », intéressantes pour certaines situations diffi-
mais est d’autant plus indiqué en cas de comorbidité ciles à affronter au quotidien (avion, lieux élevés, etc.).
dépressive. Les traitements médicamenteux, et notamment les
Les TCC sont les traitements les plus importants, seuls antidépresseurs, ne sont pas efficaces, et donc pas justi-
ou en association aux traitements médicamenteux. Il fiés dans le traitement des phobies. Les benzodiazépines
s’agit, d’une part, de corriger les fausses croyances ou les peuvent avoir un effet apaisant transitoire sur la peur ou
erreurs de raisonnement sous-tendant les peurs de l’autre l’angoisse, mais n’ont aucun effet à long terme sur la pho-
(thérapie cognitive) et, d’autre part, d’entraîner le patient bie elle-même. Elles peuvent donc être recommandées
à s’exposer progressivement au regard de l’autre et à mieux ponctuellement si nécessaire, notamment avant qu’une
s’affirmer (thérapie comportementale) [6] . Comme pour thérapie comportementale puisse être débutée, mais en se
les autres phobies, une réduction franche des peurs est méfiant des risques de consommation prolongée et donc
ainsi obtenue par le mécanisme de la désensibilisation. de dépendance.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Troubles anxieux et phobiques 60-726-A-10
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
60-726-A-10 Troubles anxieux et phobiques
sont efficaces sur le court et long terme, et sont donc a états de stress aigus) et les troubles du spectre obsession-
priori préférables au traitement médicamenteux. Ce sont nel et compulsif [2] . Par ailleurs, l’anxiété concernant
des thérapies courtes (12 à 25 séances hebdomadaires), spécifiquement et uniquement la santé ou le corps
dans lesquelles le patient est responsabilisé et actif. Des se retrouve dans le trouble hypocondriaque, dans les
méthodes complémentaires, basées en particulier sur la dysmorphophobies et dans les nosophobies que l’on rat-
pratique de la méditation de pleine conscience, sont aussi tache aux TOC. Par ailleurs, la catégorie des troubles dits
utiles pour prévenir les rechutes. fonctionnels (nommés troubles à symptômes somatiques
Le traitement médicamenteux n’est pas systématique dans le DSM-5 et anciennement troubles somatoformes)
et doit prendre en compte les comorbidités, l’évolution et peut comporter une dimension anxieuse importante,
la sévérité du trouble, et l’effet des mesures non médica- mais avec d’autres mécanismes psychiques spécifiques
menteuses. qui ne permettent pas d’en faire des troubles anxieux à
Les benzodiazépines ont des effets anxiolytiques quasi part entière.
immédiats, ce qui explique que beaucoup de patients Enfin, les classifications psychiatriques n’intègrent plus
souffrant de TAG les utilisent de manière ponctuelle ou le terme de névrose dans leur nosographie [1, 2] . Il s’agissait
durable. Elles n’ont cependant pas d’effet thérapeutique en effet d’un concept directement issu des théories psy-
à long terme, et leurs inconvénients ne peuvent être chanalytiques, qui faisait l’hypothèse de mécanismes
négligés : sédation, troubles mnésiques, risques de chutes psychologiques particuliers (refoulement, déplacement,
chez les personnes âgées, et surtout de sevrage et de conflits intrapsychiques, etc.) à l’origine des symptômes
dépendance. Leur utilisation doit donc être très prudente anxieux ou dépressifs. Ces mécanismes étant souvent dif-
et limitée à des phases d’accentuation de l’anxiété, ou ficiles à objectiver, et n’étant pas présents chez la majorité
d’attente d’une autre stratégie, en respectant les précau- des patients, les classifications privilégient la descrip-
tions habituelles : information du patient sur les risques tion factuelle des troubles, sans hypothèse étiologique
pris et sur la durée brève du traitement, arrêt progressif générale. On retrouve cependant des symptômes anxieux
avant 12 semaines de traitement maximum, et contre- durables dans certains troubles de la personnalité, qui cor-
indication en cas d’antécédent addictif. respondent en partie aux concepts anciens de troubles
Certains antidépresseurs (venlafaxine, paroxétine et névrotiques. C’est le cas notamment des personnalités
escitalopram) disposent d’une autorisation de mise sur le évitantes, fréquemment associées aux troubles anxieux et
marché (AMM) dans cette indication et peuvent consti- très similaires aux phobies sociales généralisées. Il en est
tuer en revanche des solutions thérapeutiques à long de même pour les personnalités dépendantes et obsession-
terme lorsque le trouble est intense et produit une gêne nelles compulsives.
majeure dans la vie du patient [4] . Comme dans la dépres-
sion, il faut compter environ trois semaines pour qu’ils
soient efficaces. Les posologies actives sont en général les Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare avoir eu, au cours
mêmes que dans la dépression. Une durée minimale de des trois dernières années, des collaborations scientifiques avec les
six mois est nécessaire en général, avec ensuite une réduc- laboratoires pharmaceutiques Biocodex, Otsuka et Janssen-Cilag.
tion progressive des posologies, mais des rechutes peuvent
conduire à des traitements prolongés, surtout si aucune
psychothérapie n’est mise en œuvre. Naturellement, les
antidépresseurs sont d’autant plus justifiés quand il existe
Références
une dépression associée, ce qui est le cas chez plus de la [1] Boulenger JP, Lépine JP. Les troubles anxieux. Paris: Lavoi-
moitié des patients. sier Médecine-Sciences; 2014.
Les autres médicaments permettant d’éviter les risques [2] American Psychiatric Association, DSM-5 Task Force. Diag-
de dépendance sont des anxiolytiques non benzo- nostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5.
diazépiniques comme la buspirone, l’étifoxine ou les 2013. Paris: Elsevier Masson; 2015.
anti-histaminiques comme l’hydroxyzine, mais avec un [3] Quintilla Y, Pelissolo A. Thérapeutiques en psychiatrie. Issy-
rapport bénéfice–risque à évaluer mal établi. les-Moulineaux: Elsevier Masson; 2015.
[4] Yadak J, Pelissolo A. Antidépresseurs et traitement des
troubles anxieux. In: Médicaments antidépresseurs. Paris:
Autres formes d’anxiété Flammarion Médecine-Sciences; 2012.
[5] Pelissolo A. Anxiété sociale et phobie sociale. EMC - Psy-
Des symptômes anxieux durables se retrouvent dans chiatrie 2016;13(4):1-6 [37-370-A-20].
certaines catégories diagnostiques différenciées des [6] Vederine FE, Pelissolo A. Trouble anxiété généralisée. Rev
troubles anxieux, comme les troubles liés au stress (TSPT, Prat Med Gen 2009;(813):11–3.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pelissolo A. Troubles anxieux et phobiques. EMC - Savoirs et soins infirmiers
2019;14(3):1-8 [Article 60-726-A-10].
夽
Pour citation, ne pas utiliser la référence ci-dessus de cet article, mais la référence de la version originale publiée dans EMC – Traité de
Médecine Akos 2019;14(1):1-8 [7-0150].
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(18)89532-1
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et
em-premium.com :
1 autoévaluation
Cliquez ici
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce docume