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États limites et personnalité borderline

J.-D. Guelfi, L. Cailhol, M. Robin, C. Lamas

Le terme borderline concernait initialement des symptômes physiques au cours de diverses affections
psychiatriques. Il a ensuite décrit des cas frontières entre schizophrénie et névroses, qualifiant le
fonctionnement de patients apparemment névrotiques traversant des moments psychotiques brefs ou
des patients ayant une grande instabilité des affects et des comportements. Enfin, l’état limite a pu
désigner une forme particulière d’organisation de la personnalité, intermédiaire entre névrose et
psychose. Cette diversité des champs sémantiques couverts par l’expression a persisté jusqu’à ce que la
classification américaine du Diagnostic and statistical mental disorders III (DSM-III) en 1980 propose
de définir la personnalité borderline comme une entité autonome, impliquant une instabilité identitaire
responsable de perturbations relationnelles évocatrices et une dysrégulation des affects et des
comportements avec impulsivité. Les principales complications sont le risque suicidaire, les
automutilations et les addictions. Les travaux d’inspiration psychodynamique ont mis en évidence chez
ces patients de fréquentes perturbations de l’attachement, favorisées par des expériences traumatiques
précoces. Les perspectives cognitivocomportementales ont approfondi les notions de schémas cognitifs et
comportementaux dysfonctionnels. Le principal traitement de fond est de nature psychothérapique. Les
traitements psychotropes sont utiles pour réduire nombre de symptômes-cibles anxieux, dépressifs ou
impulsifs. Plusieurs techniques psychothérapiques individuelles ou de groupe ont prouvé leur efficacité. Les
résultats obtenus dépendent largement de la qualité de l’alliance thérapeutique qui influence elle-même
la bonne observance des traitements.
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Mots clés : Personnalité borderline ; État limite ; Trouble de la personnalité ;

Personnalité émotionnellement labile ; Type impulsif ; Type borderline

Plan ¶ Psychopathologie. Étiopathogénie 8

Perspectives psychanalytiques 8
¶ Introduction 1 Théorie de l’attachement, expériences traumatiques de l’enfance 9
Perspective cognitive 9
¶ Perspectives historiques. Critères diagnostiques 2 Abord neurobiologique du trouble 9
Perspectives historiques, psychiatriques et psychanalytiques 2 Aspects socioculturels 10
Perspectives critériologiques récentes 3
¶ Traitement 10
¶ Épidémiologie 3 Objectifs thérapeutiques 10
Prévalence de la personnalité borderline 3 Cadre de soin 10
Comorbidités sur les axes I et II du DSM 3 Traitements biologiques 10
Antécédents 3 Psychothérapies 10
Constellation familiale 4 ¶ Conclusion 11
¶ Description clinique 4
Choix des critères diagnostiques 4
Description clinique 4
Perspectives catégorielle et dimensionnelle 5 ■ Introduction
Diagnostic différentiel 6
Les termes de personnalité borderline et d’état limite dési-
¶ Évolution. Stabilité du diagnostic 6
gnent deux entités cliniques d’origines théoriques distinctes qui
Évolution. Stabilité des critères diagnostiques 6
ne se recouvrent que partiellement. Le terme de personnalité
Impact sur le fonctionnement psychosocial 7
borderline est issu d’une démarche psychiatrique critériologique,
Impact sur les troubles des axes I et II 7
dans une logique catégorielle. Le terme d’état limite peut soit
Suicide 8 désigner la traduction française du terme borderline dans
Pathologies somatiques associées 8 certains écrits, soit décrire un type d’organisation de la person-
¶ Particularités du diagnostic à l’adolescence 8 nalité initialement isolé à partir de particularités relevées par
divers psychanalystes dans la relation thérapeutique. Ailleurs,
enfin, il désigne une entité « entre névrose et psychose. »

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 37-395-A-10 ¶ États limites et personnalité borderline
La confusion originaire entre ces concepts est probablement
due au fait que la personnalité borderline et/ou l’état limite
représentent aujourd’hui un centre de réflexion autour de la
démarche classificatoire des troubles mentaux, aussi bien au sein
du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ou
DSM [1] que de la Classification internationale des maladies ou
(CIM) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [2]. Les
efforts réalisés au cours des 30 dernières années pour améliorer
la fidélité des diagnostics à l’aide de critères descriptifs ont
permis de mieux cerner ce trouble : personnalité borderline
pour le DSM, personnalité émotionnellement labile pour la
CIM-10, soit de type impulsif, soit de type borderline. Les
études empiriques récentes ont suscité un renouveau des
recherches cliniques et mis en évidence les difficultés soulevées
par les trop fréquentes associations avec d’autres troubles de la
personnalité ainsi que les nombreuses comorbidités avec les
troubles de l’humeur.
■ Perspectives historiques. Critères
diagnostiques
Perspectives historiques, psychiatriques
et psychanalytiques
L’historique du concept situe ce dernier à la frontière des
perspectives psychiatriques et psychanalytiques. La liste des
termes utilisés pour désigner et décrire cette pathologie entre
1884 – date de la première utilisation du terme borderline dans
la littérature médicale par Hugues – et nos jours, est longue.
Perspectives psychiatriques anciennes
Le terme borderline a été utilisé pour la première fois aux
États-Unis pour qualifier des cas de symptômes physiques
survenant dans des affections psychiatriques, puis il est tombé
dans l’oubli lors de la Seconde Guerre mondiale.
De leur côté, les psychiatres français et germaniques ont isolé
à diverses reprises des tableaux se situant, par leur aspect ou leur
évolution, aux limites de plusieurs cadres nosographiques. Les
troubles borderline ont été considérés, au moins initialement,
du point de vue nosographique, comme étant de nature schi-
zophrénique. Les auteurs s’accordent pour identifier deux types
d’états mixtes ou schizonévrotiques : des formes de passage d’un
état à l’autre, dans une conception hiérarchique de la person-
nalité, et des formes d’existence relativement permanente,
d’« instabilité stable ».
Perspectives psychanalytiques
C’est le souci de distinguer névrose et psychose qui a relancé
aux États-Unis, dans les années 1940, le concept de pathologie
borderline. L’article de Chaine et Guelfi publié en 1999 [3] et
celui de Gunderson de 2009 [4] résument cet historique avec des
bibliographies importantes. La démarche anglo-saxonne trouve
ses origines dans la constatation, au cours de certaines cures
analytiques, chez des patients apparemment névrotiques, d’un
transfert particulier altérant gravement la relation patient-
thérapeute, semblable à celui des patients psychotiques. Il
s’agissait donc, pour les thérapeutes, de percevoir dès que
possible, dans le fonctionnement mental de ces patients, des
distorsions de la dynamique de la relation, devant faire craindre
l’installation ultérieure de ce qui a été considéré comme une
« psychose de transfert ».
Stern, en 1938 (in [4]), a consacré l’entrée du terme borderline
dans la nosologie avec un article intitulé : « Investigations
psychanalytiques et abord thérapeutique dans un groupe
borderline de névroses » en soulignant le sentiment d’insécurité
diffuse de ces patients, leur hyperesthésie affective et leur
défaillance de l’estime de soi, attribués à une carence narcissique
fondamentale.
L’une des premières descriptions d’état limite a été proposée
par Helen Deutsch en 1935 avec la notion de personnalité as-if.
2 Psychiatrie
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Cet auteur a défini en 1942 les distorsions des relations d’objet
internalisées observées chez ces sujets et caractérisées par un
manque d’authenticité dans leur relation à autrui, mais donnant
superficiellement l’illusion de la normalité. Ce courant d’idées
a ultérieurement été poursuivi avec Winnicott et le concept de
faux-self. Plus tard, Eisenstein a insisté sur le risque de décom-
pensations psychotiques transitoires chez certains patients
fragiles. L’utilisation du même terme borderline, pour désigner
à la fois les patients ayant présenté une symptomatologie
psychotique transitoire et rapidement résolutive et des patients
fonctionnant de façon stable à un niveau considéré comme
intermédiaire entre névrose et psychose, est longtemps restée
source de confusion.
En 1959, c’est Schmideberg qui a décrit le premier l’état
limite comme une organisation « stable dans l’instabilité »,
limitrophe des névroses, des psychoses psychogènes et de la
psychopathie, en insistant sur le défaut de modulation émo-
tionnelle et de tolérance à l’angoisse et sur les affects dépressifs
de ces patients, sur leurs comportements excessifs et leurs
tendances à l’agir destinés à lutter contre le vide intérieur, leur
intolérance aux frustrations et leur trouble du jugement (in [4]).
En 1968, Grinker, Werble et Drye [5] ont réalisé une première
analyse multifactorielle des données recueillies chez 51 patients
limites. Ils ont cherché à vérifier l’hypothèse selon laquelle les
fonctions du Moi pourraient être appréhendées à partir du
comportement de ces patients. Ils ont ainsi identifié un syn-
drome spécifique stable avec une bonne consistance interne,
présentant quatre composantes fondamentales : l’agressivité, le
mode de relation à autrui de type anaclitique, le trouble de
l’identité et une forme particulière de dépression. Ce travail a
également conduit à caractériser quatre sous-groupes : les états
limites psychotiques, le noyau de l’état limite, les personnalités
as-if et les états limites névrotiques. Plusieurs auteurs ont
ensuite approfondi les concepts de dépression d’abandon (dont
Masterson en 1971) et de relations d’objet chaotiques.
En 1974, Kohut (in [4]), s’intéressant tout particulièrement au
développement du narcissisme qu’il a dissocié du développe-
ment libidinal, a rendu compte de l’inaptitude fondamentale
des personnalités limites à réguler l’estime de soi et a dégagé la
notion du Soi grandiose.
Ce sont les travaux de Kernberg [6, 7] qui constituent la plus
importante des contributions psychodynamiques à la définition
de l’état limite. Cet auteur a effectué une analyse complexe des
aspects structurels du Moi dans ce trouble et a relié ces concepts
à une théorie générale multidimensionnelle de l’organisation de
la personnalité. Il a classé de façon hiérarchique des niveaux
d’organisation allant de la normale aux névroses et aux psycho-
ses, les états limites étant situés en position intermédiaire. C’est
aussi au cours des années 1970, en France, que Bergeret a
développé une théorie générale de la structuration limite de la
personnalité, craignant que le « groupe des états limites ne
devienne rapidement un vaste fourre-tout ».
Cet auteur a considéré l’état limite comme une « troisième
lignée psychopathologique » intermédiaire entre névrose et
psychose, sans symptôme névrotique ni décompensation
psychotique franche. À partir de ce qu’il a nommé « le tronc
commun de l’état limite », il a décrit un certain nombre de
formes cliniques évolutives, plus ou moins proches des névroses
ou des psychoses, des formes aménagées de type caractériel ou
pervers et des formes de sénescence [8].
Widlöcher [9] a préféré le terme d’organisation à celui de
structure. Il a distingué les états limites du conflit névrotique
par leurs modalités de représentation de Soi et des objets
(perçues et traitées comme telles par le patient névrotique,
fonctionnant comme des parties de Soi, des « introjects » chez
le patient limite). Il a différencié l’organisation limite des
organisations psychotiques grâce à des critères négatifs (absence
de confusion entre le monde extérieur et intérieur et absence de
dissociation de l’appareil psychique).

Perspectives critériologiques récentes
À partir des travaux de Grinker et al. [5] de nombreux auteurs
comme Kernberg, Gunderson et Singer, Perry et Klerman ou
encore Millon se sont attachés, à partir de revues de la littéra-
ture concernant le trouble borderline, à dégager des constella-
tions de traits ou des critères fondamentaux considérés comme
étant les plus spécifiques possibles du désordre concerné. Les
critères diagnostiques proposés sont, selon les options de leurs
auteurs, soit purement descriptifs, soit psychodynamiques.
Les premières études publiées qui avaient utilisé des critères
diagnostiques pour décrire les échantillons cliniques sont celles
de Gunderson à partir de 1975, d’Akiskal en 1981 et de Pope en
1983 (in [4]).
Les études de suivi au long cours des personnalités borderline
ont été inaugurées par celle de Grinker et al. (1968-1977) qui
ont mis en évidence que l’évolution schizophrénique était rare,
contrairement aux troubles de l’humeur et par celle de Pope et
al. (in [4]).
Les études les plus longues et rigoureuses sont celles de
McGlashan publiée en 1986 [10], de Stone [11] et de Zanarini et
al. [12-20], développées ci-après.
■ Épidémiologie
Prévalence de la personnalité borderline
En population générale
Jusqu’aux années 1990, la prévalence estimée des troubles de
la personnalité en population générale était largement spécula-
tive, souvent extrapolée à partir d’échantillons cliniques recrutés
pour d’autres études. Les principales études épidémiologiques en
population générale menées depuis lors trouvent une prévalence
des troubles de la personnalité variant entre 9 % et 15,7 % avec
une médiane à 10,56 % : Torgersen et al., en 2001 [21], Len-
zenweger et al. [22], Samuels en 2007 et Crawford en 2005, tous
cités par Lenzenweger en 2008 [23]. En dépit des différences
entre les méthodes d’évaluation employées, environ une
personne sur 10 présenterait un diagnostic de trouble de la
personnalité.
La prévalence du trouble borderline varie dans la littérature
entre 0,5 % et 5,9 %. Une des données des études récentes est
l’absence de différence de prévalence entre les hommes et les
femmes selon Lenzenweger [22]. Les taux plus élevés retrouvés
chez les femmes en population clinique pourraient être liés à
des biais méthodologiques ou refléter un meilleur accès aux
soins des femmes présentant une personnalité borderline.
En population clinique
Dans une revue de la littérature parue en 2008, Zimmerman
et al. [24] ont souligné les dangers d’extrapoler les données
épidémiologiques obtenues en population générale aux popula-
tions cliniques, notamment en termes de comorbidités. Les
services spécialisés drainent de fait davantage de patients
présentant des troubles comorbides. Ces auteurs identifient
16 études épidémiologiques de 500 patients ou plus en popula-
tion clinique. La plus large étude, celle de Oldham en
1991 citée par Zimmerman et al. [24], retrouve une prévalence de
11 %, proche de celle des études épidémiologiques en popula-
tion générale, mais sans doute sous-estimée d’après les auteurs.
La fréquence des troubles de personnalité dans cinq des huit
études menées sur la base d’entretiens non structurés est
inférieure à 20 % alors que dans sept des huit études utilisant
un instrument de diagnostic semi-structuré, plus de 40 % des
patients présentent un trouble de personnalité. Ces résultats
sont concordants avec l’idée que les cliniciens sous-estiment la
fréquence du diagnostic de trouble de personnalité par rapport
aux données des entretiens structurés. Concernant la personna-
lité borderline, ces études retrouvent une fréquence variant
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États limites et personnalité borderline ¶ 37-395-A-10
entre 18 % et 42,7 % [24]. Ce diagnostic est un des deux plus
fréquents troubles de la personnalité diagnostiqués dans la
plupart des études.
L’étude MIDAS (Rhode Island Methods to Improve Diagnostic
Assessment and Services) représente la plus vaste étude en
population clinique (854 patients) utilisant un entretien semi-
structuré comme mode d’évaluation (Structured Interview for
the DSM-IV Personality Disorders ou SIDP-IV de Pföhl et al.).
Environ 45,5 % des patients consultant présentent au moins un
trouble de la personnalité et plus de 60,4 % de ceux-ci plus d’un
trouble de la personnalité, 25,2 % répondant aux critères de
deux troubles ou plus. Cette étude fait état de 9 % de person-
nalités borderline dont 32,5 % seulement sans autre diagnostic
de trouble de personnalité associé [25].
Comorbidités sur les axes I et II du DSM
Les troubles comorbides, tant sur l’axe I que sur l’axe II du
DSM, sont très fréquents chez ces patients. Dans l’étude CLPDS
(Collaborative Longitudinal Personality Disorders Study), le
nombre moyen de troubles comorbides sur l’axe I sur la vie
entière (tous troubles de personnalité confondus) est de 3,4 et
le trouble borderline est celui pour lequel existent le plus de
troubles comorbides selon Mc Glashan [22]. Les plus fréquents
des troubles de l’axe I sur la vie entière sont les troubles de
l’humeur unipolaires et les troubles anxieux, en particulier l’état
de stress post-traumatique, le trouble panique et la phobie
sociale. L’abus de substances et les troubles du comportement
alimentaire sont également communs (Zanarini et al., 1998 et
Marino, 2001 cités in [22]). La sévérité et la récurrence d’un
trouble dépressif majeur et d’un trouble dysthymique sont
prédictives de l’existence d’un trouble borderline associé. Ces
données sont concordantes avec la notion clinique selon
laquelle un trouble dépressif à début insidieux, récurrent et
évoluant vers la chronicité et l’aggravation conduit souvent à
poser un diagnostic de trouble de la personnalité chez de jeunes
adultes.
Sur l’axe II, les troubles de la personnalité paranoïaque,
évitante, dépendante et à conduite d’échec sont les plus
communs (Zanarini et al., 1998, McGlashan et al., en 2000,
cités in [22]), avec un nombre moyen de 1,4 troubles de person-
nalité associés à un autre trouble de la personnalité et une
fréquente association entre personnalité borderline, personnali-
tés antisociales et personnalités dépendantes. Les hommes
présentant un trouble borderline de la personnalité sont
davantage susceptibles de présenter une comorbidité avec l’abus
de substance ainsi qu’avec les troubles de personnalité, soit
schizotypique [26], soit narcissique et antisociale tandis que les
femmes présenteraient davantage de troubles du comportement
alimentaire et de pathologie post-traumatique selon Johnson
et al. [27].
Antécédents
L’importance des facteurs environnementaux dans la com-
préhension du trouble borderline a été soulignée par de nom-
breux auteurs, par exemple Frank et Paris en 1981 [28], Herman
et al. en 1989 [29], et confirmée, à quelques nuances près, par les
études épidémiologiques récentes. Environ 90 % des patients
rapportent un antécédent d’abus dans l’enfance et/ou de
négligence émotionnelle avant 18 ans selon Zanarini [13]. Ces
antécédents traumatiques sont significativement plus fréquents
(en particulier les abus sexuels, notamment dans l’enfance) et
surviennent à un âge plus précoce chez les patients borderline
que ce que l’on observe dans d’autres troubles de la personnalité
selon Yen [30] . En outre, la sévérité des abus sexuels dans
l’enfance et des autres formes de maltraitance est significative-
ment corrélée à la fois à la sévérité de la psychopathologie
borderline et au dysfonctionnement psychosocial [13, 19].
Sur le plan développemental, les patients borderline sont
davantage susceptibles de se remémorer des difficultés de sépara-
tion que les patients ayant d’autres troubles de la personnalité ;
3
 37-395-A-10 ¶ États limites et personnalité borderline
ils sont également davantage susceptibles de rapporter une
réactivité marquée de l’humeur et une faible tolérance à la
frustration dans l’enfance.
Constellation familiale
On retrouve, chez les apparentés au premier degré de patients
borderline, une prévalence élevée de troubles et symptômes
borderline, en particulier des sentiments de colère inappropriée,
une instabilité affective, une impulsivité et un mode de rela-
tions intense et instable [15].
■ Description clinique
Choix des critères diagnostiques
Un axe de recherche figurant dans nombre de publications
actuelles est celui du choix des critères diagnostiques les plus
fiables pour porter le diagnostic de pathologie borderline [30, 31].
Les critères diagnostiques les plus aboutis de ce type de
personnalité sont ceux retenus dans le DSM-IV [1]. Toutefois, les
critères diagnostiques de recherche de la CIM-10, plus restrictifs,
permettraient d’obtenir des échantillons de patients moins
hétérogènes [3].
Tous les critères n’ont pas une valeur identique pour le
diagnostic clinique en raison de leur spécificité variable.
Les modifications apportées aux critères diagnostiques dans le
DSM-IV par rapport à ceux du DSM-III-R sont relativement
minimes. Elles reposent sur les données des études cliniques
synthétisées par J. Gunderson en 2009 [4].
Elles concernent :
• l’instabilité affective (n° 6) qui se traduit, par exemple, outre
l’instabilité et l’anxiété, par une dysphorie épisodique pronon-
cée ;
• le critère n° 8 qui précise la nature du trouble de l’identité
« avec instabilité du sens de soi ou de l’image de soi » ;
• le critère n° 9 enfin, ajouté à la liste pour faciliter le diagnos-
tic différentiel, notamment avec la personnalité schizotypi-
que, et pour augmenter le nombre de critères suffisamment
« spécifiques ».
L’étude de la structure de la personnalité borderline par
analyse factorielle des critères diagnostiques du DSM a donné
des résultats variables, chez les adultes et chez les adolescents.
Si Fossati et al. [32] ont trouvé que les critères diagnostiques
correspondaient à une dimension unique, la majorité des autres
auteurs comme Clarkin et al. en 1993 [33], Sanislow et al. en
2000 et 2002 [34, 35] ont identifié, selon les cas, trois ou quatre
facteurs. Chez les adolescents, Becker et al. en 2006 [36] ont aussi
trouvé quatre facteurs, mais de nature différente de ceux isolés
par Sanislow et al. chez les adultes.
Pour ces derniers, le premier facteur identifié se réfère à une
perturbation relationnelle. Il est fait de relations instables, du
trouble de l’identité et du sentiment de vide. Le second facteur
correspond à une dysrégulation comportementale avec impulsi-
vité et suicidalité. Le troisième facteur, de dysrégulation
affective, regroupe l’instabilité affective, les colères inappropriées
et la peur de l’abandon.
Dans l’analyse de Becker et al. chez les adolescents [36], les
gestes ou menaces suicidaires et l’impulsivité apparaissent dans
deux facteurs distincts.
Les résultats de ces travaux sont certes en faveur de l’hétéro-
généité du trouble borderline, mais ils sont cohérents sur le
plan clinique et accréditent l’existence, dans cette pathologie,
de plusieurs dimensions fondamentales : la dysrégulation
émotionnelle, la dysrégulation comportementale avec impulsi-
vité et la perturbation identitaire avec trouble des relations
interpersonnelles.
Il existe suffisamment d’arguments pour justifier l’autonomie
de cette entité clinique au sein de la classification des troubles
mentaux. Cependant, plusieurs auteurs dont Gunderson plai-
dent pour son passage sur l’axe I dans le DSM-V en raison de
leurs richesse et diversité symptomatiques habituelles.
4 Psychiatrie
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“ Point important
Critères DSM-IV de la personnalité borderline
Dans la perspective du DSM-IV, la personnalité borderline
correspond à un « mode général d’instabilité dans les
relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects
avec une impulsivité marquée... » comme en témoignent
au moins cinq des manifestations suivantes.
1. Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou
imaginés. Inspiré par les travaux de Masterson, ce critère a
été qualifié par Gunderson d’« intolérance à la solitude, il
est la manifestation d’un style d’attachement précoce de
type insecure ».
2. « Mode de relations interpersonnelles instables et
intenses caractérisées par l’alternance entre des positions
extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation. »
Ce critère est directement issu des travaux de Kernberg et
de Klein sur le clivage intrapsychique.
3. « Perturbation de l’identité : instabilité marquée et
persistante de l’image ou de la notion de soi. »
4. « Impulsivité dans au moins deux domaines
potentiellement dommageables pour le sujet » (par
exemple : dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite
automobile dangereuse, crises de boulimie).
5. « Répétition de comportements, de gestes ou de
menaces suicidaires, ou d’automutilations ». Ce critère est
prototypique lorsqu’il s’agit d’un comportement
récurrent.
6. « Instabilité affective due à une réactivité marquée de
l’humeur. » Ce critère a été isolé dès les premiers travaux
de Grinker. Il a abouti au concept de dysrégulation
affective qui est le critère diagnostique central du trouble
pour Linehan.
7. « Sentiments chroniques de vide ». Ceux-ci sont
cliniquement évocateurs et permettent de distinguer les
patients borderline des autres patients ayant des troubles
de l’humeur (J. Gunderson, D. Westen).
8. « Colères intenses et inappropriées ou difficultés à
contrôler sa colère ». Ce critère est aussi dérivé des
conceptions de Kernberg.
9. « Survenue transitoire dans des situations de stress
d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs
sévères. »
Avec F. Chaine nous avions préconisé, en 1999 [3], le main-
tien possible des deux appellations : du terme borderline lorsque
l’on souhaite se référer aux critères diagnostiques standardisés
d’une catégorie diagnostique autonome, et de l’expression état
limite lorsqu’on se réfère aux traductions cliniques hétérogènes
que cette organisation pathologique peut revêtir. Cet effort de
dénomination distincte pourrait être susceptible d’atténuer
l’ambiguïté liée à l’hétérogénéité des notions aux origines de ces
concepts.
Description clinique
Le tableau symptomatique présenté par les patients « limites »
est marqué par l’extrême polymorphisme des manifestations.
Aucun de ces éléments ne s’avère pathognomonique. Leur
co-occurrence, la fluctuation et la diversité des symptômes
observés chez un même patient, leur labilité contribuent à un
diagnostic de présomption.
La proposition, dans le système catégoriel du DSM, de critères
diagnostiques pour la personnalité borderline vise à modéliser
l’approche des troubles de la personnalité en présentant une

définition fondée sur le traitement statistique de données
comportementales issues de la clinique.
L’utilisation de questionnaires et d’entretiens structurés ou
semi-structurés : Diagnostic Interview for Borderline-Revised ou
DIB-R de Gunderson et al., Structured Clinical Interview for the
DSM-IV Personality Disorders, ou SIDP-IV de Pföhl et al.,
Structured Clinical Interview for Diagnosis (axis II) ou SCID-II
de First et al., Diagnostic Interview for the Borderline Disorder
IV ou DIBD-IV de Zanarini et al., International Personality
Disorder Examination ou IPDE de Loranger et al. permet
d’améliorer la fidélité interjuges, notamment lors des études
cliniques multicentriques.
La personnalité borderline est définie dans le DSM-IV-TR
comme « un mode général d’instabilité des relations interper-
sonnelles, de l’image de soi et des autres avec une impulsivité
marquée qui apparaît au début de l’âge adulte et qui est présent
dans des contextes divers » [1]. L’ensemble des critères recouvre
les quatre principaux domaines d’expression de ce trouble de la
personnalité.
Les perturbations des affects retrouvées chez ces patients
s’expriment parfois sous forme de manifestations de rage
intenses et inappropriées, de difficultés à contrôler leur colère.
Ces mouvements s’inscrivent dans le contexte d’un sentiment
de mise à distance, de négligence ou de menace d’abandon de
la part des personnes proches. Ces accès de colère, suivis de
honte et de culpabilité, contribuent à l’impression entretenue
par l’individu « d’être mauvais ». Ces épisodes ont souvent pour
arrière-plan une instabilité affective liée à une réactivité
marquée de l’humeur (épisodes dysphoriques, irritabilité ou
anxiété) dont les oscillations sont souvent déclenchées par des
modifications minimes de l’environnement et témoignent de
l’extrême sensibilité de ces individus aux facteurs de stress
interpersonnels. Les sentiments de vide, de vacuité fréquem-
ment exprimés conduisent ces sujets à une recherche perma-
nente d’occupations. Les patients évoquent une incapacité à
éprouver toutes choses « comme les autres » ou du moins en
empathie avec autrui et un sentiment d’agir de façon mécani-
que, sans être authentiquement concernés. Ce sentiment de
vide, d’ennui et de lassitude reste privé de toute signification
apparente.
Les perturbations cognitives regroupent deux types de manifes-
tations. L’instabilité marquée et persistante de l’image de soi
(perturbation de l’identité) se manifeste au travers de revire-
ments brutaux des systèmes de valeur, des objectifs et de la
perception de soi. Des symptômes dissociatifs et une idéation
persécutoire transitoire peuvent survenir dans les périodes de
stress intenses, mais sont en général rapidement résolutifs.
Les perturbations des relations interpersonnelles, souvent majeu-
res, constituent le troisième volet de ce tableau clinique. Le
mode de relation instable conduit à des relations chaotiques,
sujettes à des revirements brutaux où la dévalorisation de
l’autre, à la mesure de l’idéalisation antérieure, vient prévenir
les craintes, réelles ou imaginaires, d’abandon. Cette menace
d’abandon, écho à l’intolérance à la solitude de ces patients,
conduit ceux-ci à des efforts effrénés pour éviter toute sépara-
tion, pouvant aller jusqu’à des passages à l’acte autoagressifs.
L’impulsivité, plus ou moins marquée, se manifeste dans
différents domaines : consommations de toxiques, épisodes
boulimiques, conduites sexuelles à risque, dépenses excessives,
conduite automobile dangereuse, etc. La fréquence et la répéti-
tion des passages à l’acte suicidaire, des automutilations
s’inscrivent dans un agir relationnel et paraissent coupées de
toute signification. L’angoisse constitue une manifestation
centrale du trouble, constante, d’intensité variable. Elle est
fluctuante, allant de la « crise aiguë d’angoisse » avec son
cortège de manifestations somatiques à un sentiment de malaise
existentiel diffus, faisant écran dans le champ relationnel entre
le patient et son entourage. Elle est « crainte de la perte du sens
de la vie, de sa cohérence interne » selon la formule de Widlö-
cher [9] , angoisse de l’abandon, d’une perte de l’appui de
l’entourage, écho à sa dépendance à l’environnement.
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États limites et personnalité borderline ¶ 37-395-A-10
Perspectives catégorielle et dimensionnelle
L’établissement de critères pour définir la catégorie « person-
nalité borderline » à partir du DSM-III s’est organisé autour des
réflexions théoricocliniques sur la pathologie, dans le but de
soumettre ensuite ces critères à une analyse statistique qui
viendrait apporter des arguments en faveur de leur validité. La
création de cette entité catégorielle a permis l’organisation et la
clarification de la pensée médicale, en adéquation avec la
démarche de prise de décision propre au praticien. En revanche,
la désignation en catégories, qui vise, au mieux, l’homogénéité
des éléments d’une classe diagnostique, des frontières claire-
ment établies entre classes, ainsi qu’une exclusion des catégories
entre elles, trouve précisément dans le cas de la personnalité
borderline ses limites. Les études qui ont tenté d’explorer les
frontières de la personnalité borderline ont en effet mis en
évidence une continuité entre ce trouble et plusieurs autres
désordres. De plus, il existe une importante hétérogénéité des
critères diagnostiques. Ainsi, il existe 125 façons distinctes de
répondre à ce diagnostic si l’on s’appuie sur les critères polythé-
tiques du DSM-IV.
Les troubles de la personnalité sont, par ailleurs, pour la
plupart d’entre eux, en continuité avec le « normal ». Or, plus
la catégorie décrit une réalité continue, moins la démarche
catégorielle est valide. Dans ce cas, elle est soumise à la
nécessité de fixation d’un seuil (ici un seuil de cinq critères
minimum sur neuf, mais également un seuil permettant de
définir la présence de chacun des critères), afin de marquer la
limite entre des catégories distinctes. Les études empiriques
réalisées à partir des neuf critères isolés dans la classification
américaine rapportent une absence de réelle signification
clinique du seuil retenu selon Kendell en 2002 [37]. De plus, la
démarche catégorielle représente une perte d’information
clinique importante, puisqu’à la description quantitative se
substitue la simple présence ou absence d’une manifestation
clinique.
L’intérêt d’une perspective dimensionnelle est actuellement
discuté par de nombreux auteurs. Par exemple, une évaluation
de la personnalité borderline selon une approche dimension-
nelle retiendrait une liste de critères considérés comme les plus
évocateurs plutôt qu’un diagnostic « présent » ou « absent ». À
la différence du système catégoriel, le système dimensionnel
décrit des caractéristiques psychologiques ou comportementales
entre deux extrêmes, comme peuvent l’être par exemple les
modalités cliniques de la réactivité émotionnelle. Dans ce
contexte, de nombreuses études recherchent, essentiellement au
moyen de l’analyse factorielle, les dimensions que l’on peut
regrouper ou à l’inverse distinguer les unes des autres. Les
principaux modèles proposés sont uni- ou multidimensionnels
(revus par Fossati et al. en 1999) [32]. Le modèle bifactoriel
regroupe, d’une part, une perturbation des comportements et
des affects, d’autre part, une instabilité identitaire et relation-
nelle [25]. Les différents modèles à trois facteurs regroupent, soit
l’impulsivité, l’instabilité identitaire et relationnelle, l’instabilité
affective dans un cas, soit l’instabilité relationnelle, comporte-
mentale et affective dans un autre, soit encore la perturbation
des relations interpersonnelles, la dysrégulation affective et
l’impulsivité [34]. De son côté, De Clercq et De Fruyt [38] ont
décrit la convergence entre certains traits de personnalité du
« Modèle à cinq facteurs » et les symptômes de la personnalité
borderline retrouvés en population générale : c’est le cas de la
coexistence de hauts niveaux de névrosisme (anxiété, dépressi-
vité, faible estime de soi) et de faibles niveaux d’agréabilité
(confiance, altruisme) et de caractère consciencieux (autodisci-
pline). Un des modèles d’analyse dimensionnelle des troubles de
la personnalité est actuellement testé par l’American Psychiatric
Association à l’aide du Dimensional Assessment of Personality
Pathology (DAPP). Élaboré par Livesley, il explore 30 dimen-
sions de la personnalité. Celles-ci sont, par exemple, le niveau
d’anxiété, l’intensité de l’expression émotionnelle, l’impulsivité,
le manque d’empathie, le degré de narcissisme. Une échelle en
quatre niveaux décrit ensuite dans quelle mesure chaque trait
considéré est caractéristique du patient (Helzer et al. 2008 [39]).
5
 37-395-A-10 ¶ États limites et personnalité borderline
Dans ce modèle, les frontières entre les différents troubles de
personnalité sont effacées. Les traits de personnalité prototypi-
ques de la personnalité borderline seraient : l’anxiété, l’impulsi-
vité, la réactivité émotionnelle, l’intensité émotionnelle,
l’anhédonie pessimiste, le besoin d’attachement, les actes
autoagressifs, la dysrégulation cognitive et les idées
autoagressives.
Le manque de familiarité des cliniciens avec l’approche
dimensionnelle, le caractère moins évocateur des dimensions
cliniques que les termes connus des catégories des troubles
psychiques constituent les principaux inconvénients de l’utili-
sation de celle-ci par les médecins [1].
Le groupe de travail pour la révision du DSM a préconisé
pour le DSM-V une diminution du nombre des troubles de la
personnalité spécifiés (cinq au lieu de dix) et une description
clinique combinant des altérations du fonctionnement et des
relations interpersonnelles avec une configuration particulière
de traits de personnalité. Le remplacement de critères diagnos-
tiques comportementaux par des traits devrait entraîner une
meilleure stabilité temporelle des diagnostics. La description
dimensionnelle de la personnalité retenue par le groupe de
travail comprend six dimensions principales (correspondant à
37 facettes spécifiques). Quatre de ces dimensions correspon-
dent à la personnalité borderline (avec dix facettes) : l’émotion-
nalité négative avec six facettes, l’antagonisme avec deux
facettes, la désinhibition avec une facette et la schizotypie avec
une facette. Les six facettes proposées pour décrire l’émotionna-
lité négative de la personnalité borderline sont : la labilité
émotionnelle, les autoagressions (automutilations et idées ou
gestes suicidaires), l’insécurité liée à la séparation, les tendances
anxieuses, l’estime de soi basse et la dépressivité de l’humeur. Le
diagnostic ne peut être retenu que si les critères généraux d’un
trouble de la personnalité sont réunis, ce qui implique un échec
adaptatif stable dans le temps avec un degré extrême d’au
moins un des principaux traits de personnalité figurant dans la
liste des critères diagnostiques spécifiques. La gravité de
l’altération du fonctionnement figurait déjà dans les critères
généraux du DSM-IV (cf. infra).
“ Point important
Critères diagnostiques généraux des troubles de
la personnalité dans le DSM-IV
A. Modalité durable de l’expérience vécue et des
conduites qui dévie notablement de ce qui est attendu
dans la culture de l’individu. Cette déviation est manifeste
dans au moins deux des domaines suivants :
• la cognition ;
• l’affectivité (c’est-à-dire la diversité, l’intensité, la labilité
et l’adéquation de la réponse émotionnelle) ;
• le fonctionnement interpersonnel ;
• le contrôle des impulsions.
B. Ces modalités durables sont rigides et envahissent des
situations personnelles et sociales très diverses.
C. Ce mode durable entraîne une souffrance cliniquement
significative ou une altération du fonctionnement social,
professionnel ou dans d’autres domaines importants.
D. Ce mode est stable et prolongé et ses premières
manifestations sont décelables au plus tard à
l’adolescence ou au début de l’âge adulte.
E. Ce tableau n’est pas mieux expliqué par les
manifestations ou les conséquences d’un autre trouble
mental.
F. Ce mode durable n’est pas dû aux effets physiologiques
directs d’une substance (par exemple drogue) ou d’une
affection médicale générale.
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Diagnostic différentiel
Du fait du polymorphisme du trouble, le diagnostic clinique de
trouble borderline est sans doute un des plus complexes de la
nosographie psychiatrique et la publication des critères dia-
gnostiques pour les troubles de la personnalité n’a que peu
amélioré la fidélité interjuges des diagnostics. La question des
fréquentes comorbidités, notamment avec les autres troubles de
la personnalité, a déjà été envisagée ci-dessus (cf. supra).
Les relations entre troubles thymiques et trouble limite de la
personnalité suscitent également débats et controverses. Diffé-
rentes hypothèses ont été formulées à ce propos depuis les
travaux d’Akiskal en 1981 [40] et ceux de Gunderson et al. en
1999 [41]. Akiskal a ainsi remis en question la pertinence de
l’individualisation du trouble limite de la personnalité. Ce
concept ne constituerait pas, selon cet auteur, une entité
autonome, mais s’intégrerait plutôt aux troubles de l’humeur et
se caractériserait par une labilité affective marquée. Akiskal
défend l’hypothèse du caractère secondaire des manifestations
attribuées au trouble de la personnalité. L’existence d’un trouble
thymique et notamment d’un épisode dépressif majeur serait à
l’origine d’un remaniement des traits de personnalité consti-
tuant un trouble de la personnalité alors considéré comme
secondaire. Cette hypothèse repose sur sa théorie des tempéra-
ments affectifs (hyperthymique, cyclothymique, dysthymique,
irritable) constituant selon lui des variations subcliniques du
spectre des troubles affectifs, à forte composante génétique,
mais susceptibles de remaniements sous l’influence de facteurs
environnementaux pouvant conduire à l’expression aussi bien
de troubles thymiques caractérisés que de troubles de la
personnalité. Pour Gunderson [41], en revanche, il existerait une
association étiologique commune, non spécifique, entre trouble
limite de la personnalité et épisodes dépressifs majeurs. Ainsi, la
dysrégulation affective, disposition non spécifique observée chez
les patients borderline, constituerait un facteur de vulnérabilité
à une dépression de type anaclitique. Le même auteur a
défendu également l’hypothèse d’une indépendance entre les
deux entités. La survenue fortuite et simultanée de ces deux
troubles conduirait à des interactions et à une influence
mutuelles modifiant la symptomatologie observée. En outre, les
caractéristiques cliniques de la dépression chez ces patients
seraient sensiblement différentes, marquées chez les borderline
par l’absence de culpabilité et d’autoaccusations, laissant place
à l’expression de sentiments de colère et de rage à l’égard de
l’objet ou à la manifestation d’un vécu de désespoir et
d’impuissance à l’encontre de cet objet perçu comme inaccessi-
ble. Ce point de vue est aussi celui d’auteurs comme Fran-
kenburg, Zanarini ou Preston (in [41]). Kernberg [6] décrivait aussi
en 1975 l’aspect particulier des affects dépressifs chez ces
patients avec leur « rage vaine, d’impuissance ou de désespoir
liés à l’effondrement d’un concept de soi idéalisé ».
■ Évolution. Stabilité du diagnostic
Évolution. Stabilité des critères
diagnostiques
La stabilité des troubles fait partie de la définition même des
troubles de la personnalité selon le DSM. Pourtant, nombre
d’études de suivi, menées avec les critères du DSM, montrent
que moins de 50 % des patients diagnostiqués avec un trouble
de la personnalité voient ce diagnostic maintenu dans le temps.
Cet amendement de la symptomatologie au cours du temps a
pu être comparé par certains auteurs comme Paris à l’évolution
des personnalités antisociales et des conduites addictives. Ces
études présentent cependant des biais méthodologiques impor-
tants (taille des échantillons, méthodes d’évaluation du trouble
de personnalité non standardisées, absence de cotation en
aveugle lors des réévaluations, absence de prise en compte des
comorbidités, absence de groupes contrôles, etc.).
Toutefois, les données des principales études longitudinales
publiées au cours de la dernière décennie apportent un éclairage

nouveau et concordant sur la faible stabilité du diagnostic de la
personnalité borderline et sur les possibles améliorations des
manifestations symptomatiques comme du fonctionnement
psychosocial au fil du temps.
Les études menées en population générale ne permettent pas
d’apprécier la stabilité du diagnostic de trouble de la personna-
lité du fait du faible nombre absolu d’individus identifiés
comme présentant un trouble de la personnalité. Toutefois,
l’étude CICS (Children In the Community Study) met en
évidence une décroissance de 48 % du niveau d’intensité des
traits de personnalité entre l’adolescence et l’âge adulte [42]. Ce
déclin dans le temps est retrouvé lors de l’étude LSPD (Longi-
tudinal Study of Personality Disorders) avec une décroissance du
niveau d’intensité des traits de personnalité lors des 4 ans de
suivi [43].
Le résultat le plus marquant des études longitudinales en
population clinique est constitué par le taux important de
rémission des patients borderline : 88 % des patients expérimen-
tent au moins une rémission en 10 ans selon Zanarini et al. en
2006 [20]. Par ailleurs, ces rémissions paraissent stables dans le
temps avec seulement 6 % de récurrences. Ces rémissions sont
définies dans l’étude CLPDS (Collaborative Longitudinal
Personality Disorders Study) comme au moins 12 mois consé-
cutifs avec « pas plus de deux critères du trouble d’origine » et
interviennent dans les 6 premiers mois pour 10 % des patients
borderline, le plus souvent à l’occasion de changements de
situation. Moins de 50 % des patients maintiennent le nombre
de critères nécessaires au diagnostic à 2 ans selon Shea et al. en
2002 [44], Grilo et al. en 2004 [45], Zanarini et al. en 2005 [18, 19],
Skodol en 2008 [46]. Ce profil d’évolution distingue clairement
le trouble borderline de la personnalité des troubles de l’humeur
avec une progression relativement lente, mais durable vers la
rémission. Toutefois, il semble que l’évolution soit hétérogène
selon les patients, avec un aspect dichotomique de leur réparti-
tion : un quart de ces patients ne présentera ainsi jamais de
rémission [14]. Cette constatation rejoint celle de Shea, Gunder-
son et al. observant, chez les patients bénéficiant de soins
psychiatriques intensifs, la persistance d’une symptomatologie
active [44].
Dans une approche dimensionnelle, les troubles de la person-
nalité apparaissent beaucoup plus stables. Bien que le nombre
moyen de critères décroisse au cours du temps, la mesure
continue du nombre de critères rencontrés montre des corréla-
tions fortes lors des évaluations des deux premières années de
suivi. Ces résultats suggèrent que les troubles de personnalité
pourraient être caractérisés par une constellation de traits
inadaptés, stables dans leur structure, mais variant dans leur
sévérité ou leur expression au cours du temps [46]. Certains
critères seraient plus stables que d’autres comme l’instabilité
affective, les colères intenses et inappropriées [10]. Les critères les
moins stables seraient les efforts frénétiques pour éviter l’aban-
don et les automutilations. Ces données sont en accord avec les
conclusions de l’équipe du MSAD (McLean Study of Adult
Development) [14, 18] et celles de Skodol en 2008 [46] qui
retrouvent une décroissance de l’ensemble des symptômes
étudiés ; ces symptômes demeurent cependant plus fréquents
parmi les patients borderline que chez ceux ayant d’autres
troubles de personnalité. Les différents secteurs du trouble ne
sont pas concernés de la même manière par cette décroissance.
Les symptômes affectifs, notamment, persistent chez 79 % des
patients au terme du suivi. Ces affects dysphoriques pourraient
constituer un trait central du trouble limite de la personnalité.
Le champ de l’impulsivité est marqué par un taux de résolution
plus élevé, mais hétérogène selon les sous-types de symptômes
(persistance des symptômes de binge eating, des explosions
verbales). Les symptômes cognitifs et interpersonnels occupent
une position intermédiaire. Cette hétérogénéité de l’évolution
symptomatique a conduit à proposer de distinguer deux types
de symptômes chez les patients états limites : d’une part les
automutilations, les tentatives de suicide, les pensées « quasi
psychotiques » comme les manifestations aiguës de la patholo-
gie, nécessitant parfois hospitalisation ou traitement de crise ;
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États limites et personnalité borderline ¶ 37-395-A-10
d’autre part, des éléments plus stables, relevant de facteurs
tempéramentaux, et persistants, comme le sentiment de vide, de
colère, de méfiance, l’intolérance à la solitude et la crainte de
l’abandon.
Impact sur le fonctionnement psychosocial
Les individus ayant un trouble persistant de la personnalité
ont un fonctionnement global moins bon que ceux n’ayant
jamais présenté de troubles de personnalité ou ceux ayant un
trouble de personnalité en rémission. Le pronostic de ces
derniers apparaît comme intermédiaire. Les troubles de person-
nalité débutant à l’âge adulte sont également associés à un
moins bon fonctionnement global [47]. L’étude MSDA fournit
des données similaires avec une amélioration significative du
fonctionnement global au cours du suivi [19], mais un fonction-
nement restant cependant en deçà de celui de patients présen-
tant d’autres troubles de personnalité, notamment en termes
d’adaptation professionnelle. Le statut symptomatique des
patients borderline semble avoir un fort impact sur le fonction-
nement psychosocial, alors que le fonctionnement socioprofes-
sionnel des patients en rémission s’améliore au fil du temps,
ceux qui n’ont jamais connu de rémission demeurent à un
niveau bas dans la plupart des domaines. Il faut noter que le
fonctionnement psychosocial des patients en rémission conti-
nue de s’améliorer avec le temps, suggérant une évolution allant
au-delà d’un simple retour au niveau antérieur aux manifesta-
tions symptomatiques [19] . Le secteur des relations sociales
semble être le domaine de fonctionnement où les difficultés
sont les plus stables [48].
En outre, les expériences de violence à l’âge adulte sont
fréquentes parmi ces patients ; 46 % d’entre eux disent avoir été
victimes de violence (violences physiques du partenaire, viols,
violences intraconjugales). Les abus sexuels dans l’enfance
comme la négligence parentale constitueraient des facteurs de
risque de ces expériences à l’âge adulte de violences physiques
ou sexuelles [13]. D’une manière générale, ces patients seraient
davantage exposés à la répétition d’événements de vie négatifs
que des patients présentant un autre trouble de la personnalité
ou une maladie maniacodépressive [49]. Ces événements de vie,
en particulier les événements interpersonnels, sont prédictifs de
la dégradation du fonctionnement psychosocial dans le temps.
Impact sur les troubles des axes I et II
Un pourcentage important de patients borderline continue de
présenter des épisodes aigus de troubles de l’axe I [16]. Même
après 6 ans de suivi, 75 % des patients borderline présentent les
critères d’un trouble de l’humeur, 60 % d’un trouble anxieux,
34 % d’un trouble du comportement alimentaire et 19 % d’un
abus de substances. Cette prévalence de troubles sur l’axe I est
influencée par la rémission ou non du trouble de personnalité.
Le pourcentage de patients en rémission présentant les critères
de troubles de l’axe I décroît avec le temps alors que le taux de
ces manifestations symptomatiques demeure constant chez les
patients sans rémission, à l’exception de l’abus de substances
qui diminue de 64 % à 41 % au cours du suivi. De plus,
l’absence d’abus de substances constitue un puissant facteur
prédictif de la rémission du trouble borderline. En outre,
l’existence d’un trouble de la personnalité influence l’évolution
de certains troubles de l’axe I. Ainsi le temps avant rémission
d’un épisode dépressif majeur est augmenté chez les patients
présentant un trouble de la personnalité selon Grilo et al. [50],
alors que la présence ou la sévérité de ces troubles de la
personnalité ne semble pas affecter l’évolution des troubles du
comportement alimentaire. La coexistence d’un état de stress
post-traumatique chez les patients borderline n’accroît pas
significativement le niveau de psychopathologie borderline ou
de morbidité psychiatrique, mais accroît le dysfonctionnement
global et la fréquence des hospitalisations ainsi que les tendan-
ces suicidaires et l’impulsivité [51, 52].
Concernant les troubles associés sur l’axe II, la plupart
diminuent avec le temps [16, 17]. Cette décroissance est observée
7
 37-395-A-10 ¶ États limites et personnalité borderline
tant chez les patients borderline en rémission que chez les
patients ayant un autre trouble de la personnalité, à l’exception
des troubles de personnalité de type évitant (59 %), dépendant
(45 %) et à conduite d’échec (27 %). L’absence de ces comorbi-
dités augmente significativement les chances de rémission.
Suicide
Dans la plupart des études épidémiologiques, la fréquence du
suicide dans cette population rejoint celle de patients présentant
un trouble de l’humeur ou une pathologie schizophrénique et
atteint près de 10 %. Ce risque suicidaire concernerait essentiel-
lement des patients âgés de 30 ans et plus et ne surviendrait pas
nécessairement au cours des périodes de crise [53]. L’étude MSAD
met en évidence un taux de suicides de 3,8 % au cours des
6 ans de suivi tandis que les chiffres de l’étude CLPS sont plus
proches des donnés plus anciennes avec 9 % de suicide, tous
troubles de personnalité confondus, dans les deux premières
années de suivi, 44 % de ceux-ci ayant déjà commis plusieurs
passages à l’acte suicidaires. Les critères : instabilité affective,
troubles de l’identité et impulsivité en cas de diagnostic de
personnalité borderline lors de l’évaluation initiale sont
significativement prédictifs de comportements suicidaires
ultérieurs selon Yen et al. [54].
Pathologies somatiques associées
Les patients borderline en rémission présentent significative-
ment moins de manifestations psychosomatiques (syndrome de
fatigue chronique, fibromyalgies ou syndrome de la jonction
temporomandibulaire) et sont également moins susceptibles de
présenter des pathologies somatiques (obésité, diabète, hyper-
tension, douleurs lombaires, incontinence urinaire) que les
patients sans rémission [55] . Ils présentent également une
meilleure hygiène de vie en termes de tabagisme, sédentarité,
consommation de café et de psychotropes.
■ Particularités du diagnostic
à l’adolescence
Selon le DSM-IV-TR, le diagnostic de personnalité borderline
est classiquement posé à l’âge adulte, mais il peut également
l’être à l’adolescence, sous certaines conditions : « les différentes
catégories de troubles de la personnalité peuvent s’appliquer aux
enfants et aux adolescents dans les cas relativement rares où les
traits de personnalité inadaptés du sujet semblent envahissants,
durables et dépassent le cadre d’un stade particulier du dévelop-
pement ou d’un épisode d’un trouble de l’axe I. Il faut savoir
que les traits d’un trouble de la personnalité apparaissant dans
l’enfance se modifient habituellement avec le passage à l’âge
adulte. On ne peut diagnostiquer un trouble de la personnalité
chez une personne de moins de 18 ans que si les caractéristi-
ques ont été présentes depuis au moins un an » [1].
Le concept de personnalité borderline à l’adolescence a été
développé relativement récemment, bien que les premiers cas
décrits remontent à 1958. Les études de validation empirique du
concept sont apparues, avec Ludolph notamment, en 1990
(in [51]). Depuis, elles n’ont cessé d’évaluer la pertinence de ce
trouble chez l’adolescent, tentant de montrer qu’il partage avec
celui de l’adulte une phénoménologie commune. La prévalence
du trouble à l’adolescence est évaluée, selon les études, entre
6 % et 18 % en population générale, ce qui est largement
supérieur à celle décrite chez l’adulte. Un pic de prévalence est
observé en début d’adolescence (12-13 ans), décroissant ensuite
avec l’âge selon Bernstein et al. [56] , Chabrol et al. [57] et
Torgersen et al. [21]. Les adolescents ayant une personnalité
borderline représenteraient plus de la moitié des adolescents
hospitalisés en psychiatrie [58]. Selon les études, le sex-ratio de
la personnalité borderline adolescente varie de 1, dans les études
en population générale, à un tiers en population clinique [51].
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La CIM-10 ne reconnaît aucun trouble de la personnalité en
dessous de l’âge de 18 ans (OMS, 1993). La classification
française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent
(CFTMEA) individualise quant à elle la pathologie limite avec
dominance des troubles de la personnalité, celle à dominance
schizotypique ainsi que celle à dominance comportementale
selon Misès et Quemada [59].
L’analyse de la validité convergente a montré que l’homogé-
néité des critères diagnostiques de la personnalité borderline est,
chez l’adolescent, modérée, plus faible que chez l’adulte [58]. De
plus, la force des liens qui unissent les critères de la personnalité
borderline adolescente entre eux est également inférieure à celle
retrouvée chez l’adulte [35, 60]. Les études portant sur le degré de
souffrance et de dysfonctionnement global de l’adolescent ayant
une personnalité borderline rapportent d’importantes difficultés
fonctionnelles (sociales, scolaires, professionnelles, judiciaires),
aussi bien en population générale, qu’en population clinique
selon Westen, Shedler et al. [61] et Levy et al. [62].
L’analyse de la validité discriminante de la personnalité
borderline avec les autres troubles de la personnalité montre, à
l’adolescence, une tendance au recouvrement avec les autres
entités diagnostiques de l’axe II, mais également de l’axe I,
encore plus importante que chez l’adulte. La coexistence de
troubles de la personnalité chez les adolescents s’étend plus aux
clusters A (personnalité schizoïde, schizotypique et paranoïaque)
et C (personnalité obsessionnelle-compulsive, dépendante et
évitante) que chez les adultes : la psychopathologie adolescente
paraît donc plus diffuse que chez l’adulte [63].
En ce qui concerne la comorbidité de la personnalité border-
line adolescente avec les troubles de l’axe I, l’étude de Becker
(n = 123) rapporte une occurrence de la dépression dans 65 %
des cas, de la dysthymie dans 30 % des cas, du trouble des
conduites dans 55 % des cas, de l’abus d’alcool dans 47 %, de
l’abus de substances dans 40 %, et de l’anxiété dans 24 % des
cas [36].
Les taux de persistance dans le temps du trouble n’excèdent guère
33 % [56]. Il ne semble pas y avoir de continuum entre le trouble chez
l’adolescent et chez l’adulte [62, 64]. Les données disponibles sont
insuffisantes pour identifier les facteurs d’évolution favorable ou
défavorable.
■ Psychopathologie.
Étiopathogénie
Perspectives psychanalytiques
Dans une perspective psychanalytique, le noyau central de la
pathologie limite est situé autour de l’angoisse de perte de
l’amour de l’objet, à l’origine d’une constante « dépressive »
selon Bergeret [8] . Une définition classique de l’état limite
associe des modes de fonctionnement névrotiques et psychoti-
ques, variables en proportion selon les sujets. L’état limite
correspond à cette juxtaposition, sans s’y réduire, puisque son
organisation psychopathologique intègre en même temps des
mécanismes de défense que sont, notamment, le clivage et
l’identification projective. L’association entre la projection et le
clivage produit une coexistence exclusive et sans compromis entre,
d’une part, des mouvements hyperadaptatifs à la réalité externe et,
d’autre part, des éléments hyperprojectifs la déformant nettement. Le
conflit est externalisé, la réalité externe et ses objets d’étayage
y sont surinvestis, marquant une forte dépendance à l’environ-
nement, à l’origine d’une lutte contre les fantasmes destructeurs
qui lui sont associés. La réalité interne est défaillante et
l’absence de fantasmatisation en est le témoin. L’association
entre la représentation et l’affect fait défaut.
Les tests projectifs (Thematic Apperception Test [TAT] et
Rorschach) révèlent, en plus des éléments précédents, une
représentation de soi marquée par une précarité des enveloppes,
témoignant d’une différenciation partielle entre dedans et
dehors. Les relations d’objet sont caractérisées par une difficulté
d’accès à l’ambivalence, et l’objet est, tour à tour, idéalisé ou
dévalorisé.

Bond a décrit, grâce au questionnaire des styles de défense,
que des patients borderline adultes utilisaient plus le clivage et
l’acting, et moins la suppression et la sublimation que les
témoins [65]. Skodol a proposé l’idée que la capacité à régresser
(aptitude du patient à adopter des conduites et attentes infan-
tiles dans des situations de désorganisation), décrite par les
premiers auteurs, pourrait représenter une perspective dimen-
sionnelle pertinente [66]. De plus, une approche centrée sur les
conflits, telle que l’ont réalisée Perry et Cooper [67] a mis en
évidence la valeur discriminante de l’existence d’un conflit
séparation-abandon dans la personnalité borderline, notamment
avec les catégories « bipolaire de type II » et « personnalité
antisociale. »
Théorie de l’attachement, expériences
traumatiques de l’enfance
La réflexion autour de la place des expériences traumatiques
dans la constitution de la personnalité borderline a inspiré
notamment les travaux des théoriciens de l’attachement. De
fait, l’existence d’un lien spécifique entre un vécu de mal-
traitance infantile (et particulièrement celui de l’abus sexuel) et
le développement d’une personnalité borderline selon Paris en
1993 [68] fait l’objet d’un relatif consensus. Plus précisément,
pour Zanarini et al. [13] 92 % des sujets borderline rapportent
des antécédents de négligences, 25 % à 73 % rapportent un
abus physique, et 40 % à 76 % un ou des abus sexuels. Pour
Fonagy [69, 70], le développement d’une personnalité borderline
résulterait de la conjonction d’un bas niveau de capacité
réflexive et d’expériences traumatiques.
Le sujet borderline, qui ne parvient pas à vivre une expérience
traumatique de l’intérieur autrement que par le chaos, cherche à
internaliser un objet externe, mais ne peut l’envisager dans un second
temps que comme quelque chose de menaçant qu’il faut expulser. On
retrouve fréquemment chez les figures d’attachement de ces
enfants des comportements contradictoires, menaçants ou
hostiles, ou encore exprimant l’impuissance, en réponse aux
sollicitations de l’enfant en situation de détresse [30, 71, 72]. Ces
comportements désorganisants ne permettent pas la constitu-
tion d’une représentation cohérente de soi et des autres et
entretiennent la mise en place de comportements de contrôle
aggravant en retour le sentiment d’impuissance de la figure
d’attachement.
En outre, certains travaux revus par Agrawal en 2004 [73] ont
également établi l’analogie entre les caractéristiques comporte-
mentales de ces patients (vérifier la proximité, envoyer les
signaux de recherche de contact et d’attention, rechercher l’aide
pour ne pas s’en servir, s’accrocher à l’autre) et certains patterns
d’attachement (ambivalent/préoccupé).
Les études portant sur l’état d’esprit vis-à-vis de l’attachement
et utilisant l’adult attachment interview (entretien structuré centré
sur la narration du vécu des événements et relations de
l’enfance) ont montré que le style d’attachement préoccupé
était prépondérant, alors qu’un état d’esprit non résolu vis-à-vis
du traumatisme était surreprésenté par rapport à une population
non clinique [74].
Perspective cognitive
Dans une perspective cognitive, la personnalité borderline est
essentiellement envisagée autour du modèle biosocial de
Linehan. Celui-ci postule, selon un point de vue neurodévelop-
pemental, que la personnalité borderline est due à une dysrégu-
lation émotionnelle et émerge dans l’interaction entre une
vulnérabilité biologique (facteur de risque d’impulsivité ou de
sensibilité émotionnelle notamment), et des facteurs environ-
nementaux. La dysrégulation émotionnelle correspond à une
sensibilité émotionnelle accrue, une incapacité à réguler les
réponses émotionnelles intenses, ainsi qu’une lenteur relative
du retour à un état émotionnel basal. Cette dysrégulation
conduit à des schémas cognitifs et comportementaux dysfonc-
tionnels lors d’événements émotionnellement significatifs. De
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États limites et personnalité borderline ¶ 37-395-A-10
plus, le développement de la personnalité borderline, selon ce modèle,
suppose l’existence d’un contexte développemental invalidant, dans
lequel l’expression du vécu émotionnel de l’enfant n’est pas tolérée,
et dans lequel il ne lui est donc pas appris comment comprendre,
nommer, réguler, et tolérer ses états internes. Des dimensions
cognitives sont actuellement étudiées, en référence aux schémas
cognitifs décrits par Beck et Freeman. Ainsi sont élaborés la
pensée « dichotomique » issue du clivage, et les schémas de
cognitions dysfonctionnelles, dans lesquelles le sujet borderline
se perçoit lui-même comme impuissant et vulnérable, et
envisage le monde autour de lui comme dangereux et mal-
veillant selon Beck et Freeman en 1990 [75] et Zanarini et al. en
1998 [12].
Abord neurobiologique du trouble
Vulnérabilité génétique et dysrégulation
neurobiologique
La recherche biologique s’est centrée sur la vulnérabilité
structurale, neurochimique et génétique. Le taux d’héritabilité
de l’impulsivité est évalué à 80 %. Une étude norvégienne
portant sur 221 jumeaux a montré que le taux de concordance
entre jumeaux borderline est de 38 % chez les monozygotes, et
de 11 % chez les dizygotes. Soixante-neuf pour cent de la
variance des symptômes seraient attribuables aux effets généti-
ques additifs, et 31 % aux effets de l’environnement non
partagé [76]. Le système sérotoninergique est envisagé comme
étant un substrat biologique de l’autoagressivité (gestes suicidai-
res, scarifications), de l’hétéroagressivité, ainsi que de l’instabi-
lité de l’humeur. Les études réalisées suggèrent une réduction
centrale de l’activité sérotoninergique dans le cas des troubles
de la personnalité, mais de façon non spécifique pour la
personnalité borderline.
L’allèle s du gène du transporteur de la sérotonine 5-HTT
(chromosome 17) est associé à un risque plus élevé de dépres-
sion chez les sujets qui ont été victimes de maltraitance
infantile, ainsi qu’à un risque plus élevé d’impulsivité selon
Caspi en 2003 [77].
Les données concernant le fonctionnement dopaminergique
dans la pathologie borderline sont encore exploratoires et les
résultats sont parfois contradictoires. L’hypothèse d’un fonc-
tionnement hypodopaminergique, en lien avec l’impulsivité et
les affects négatifs, a récemment été formulée. De plus, l’explo-
ration des interactions gène-environnement a montré que le
polymorphisme DRD4 de la dopamine chez l’enfant était
associé à un attachement désorganisé. Le déficit de l’haplotype
T7 de ce gène pourrait représenter un facteur favorisant la
résilience chez les enfants qui ont présenté des difficultés
d’attachement précoces. En outre, des corrélations significatives
existent entre taux de vasopressine et comportements agressifs.
Il s’agirait plus vraisemblablement ici d’une interaction avec le
système sérotoninergique. Le déséquilibre entre les systèmes
cholinergique et adrénergique, qui pourrait se développer après
une exposition prolongée à un stress représente un modèle
privilégié dans les traits dépressifs. Le système noradrénergique,
quant à lui, serait impliqué dans la régulation des affects, dans
leur dimension sociale, comme l’irritabilité ou la réactivité à
l’environnement. Concernant les liens entre les comportements
suicidaires et l’hyperactivité de l’axe corticosurrénalien (HPA),
les résultats sont encore contradictoires. L’activité du système
nerveux parasympathique a également été reliée à certains traits
ou comportements : dépression, anxiété, autoagressivité,
dysrégulation émotionnelle selon Crowell, Beauchaine et
Linehan en 2009 [78].
Données de la neuro-imagerie
Les apports de l’imagerie cérébrale dans la pathologie border-
line suggèrent l’existence de différences de maturation cérébrale
chez des adolescentes en électroencéphalographie [79, 80]. Chez
l’adulte ayant une personnalité borderline, un déficit du circuit
9
 37-395-A-10 ¶ États limites et personnalité borderline
frontolimbique (incluant le cortex orbitofrontal, le cortex
préfrontal ventrolatéral, l’amygdale, l’hippocampe, le gyrus
fusiforme, le cortex cingulaire antérieur, les ganglions de la base
et le thalamus) a été mis en évidence par Gatzke-Kopp et
Beauchaine en 2007 [81]. De plus, l’exposition de sujets border-
line à des stimuli émotionnels provoque une hyperactivation
amygdalienne [82] . Le modèle prévalent suggère ainsi une
activité limbique excessive, insuffisamment contrebalancée par
une régulation préfrontale elle-même dysfonctionnelle.
Aspects socioculturels
Concernant enfin les aspects socioculturels, les premières
parutions sur les corrélats psychopathologiques de la personna-
lité borderline étaient en faveur de prévalences comparables
selon les pays et les milieux socioculturels. Une étude récente
portant sur 34 653 Américains suggère au contraire une diffé-
rence de prévalence interethnique, avec une prévalence de
13,2 % de personnalité borderline chez les Américains natifs,
versus 2,5 % chez des femmes asiatiques et une prévalence
également supérieure chez les individus ayant des revenus
modestes [83].
■ Traitement
Deux recommandations professionnelles internationales
portent sur les patients borderline : celle de l’American Psychia-
tric Association (APA) en 2001 [84] et du National Institute for
Clinical Excellence (NICE) en 2009 [85] . Elles désignent les
psychothérapies de long cours comme traitement de choix du
trouble, alors qu’elles assignent aux psychotropes l’objectif de
réduire certains symptômes cibles.
Objectifs thérapeutiques
Hiérarchiser les objectifs thérapeutiques (trouble clinique,
personnalité, fonctionnement, insight) représente le premier
enjeu. L’instabilité du patient majore la complexité de cette
étape. En pratique, ce choix suivra l’évolution du patient,
passant de façon caricaturale d’une gestion par crise à une
gestion des comportements dommageables, pour évoluer vers
un travail au long cours sur la personnalité. À chaque étape, la
création d’une alliance thérapeutique, ainsi que la détermination
des besoins et des motivations au changement devraient
précéder les contrats de soin.
Cadre de soin
Le traitement des patients borderline s’envisage préférentiel-
lement en ambulatoire. Une approche séquentielle et éclectique
offre une solution pragmatique à la diversité clinique et à
l’évolution naturelle du trouble [71]. La détermination du cadre
de soins repose ainsi sur différents aspects : évaluation du
risque, état mental, niveau de fonctionnement psychosocial,
objectifs et motivations du patient, environnement social,
co-occurrences et dimension prédominante.
En pratique, le traitement hospitalier devrait être proposé
pour les cas à fortes co-occurrences (ex. : addictions, dépressions
sévères), lorsque les dispositifs de crise ou d’hospitalisation de
jour ne permettent pas de contenir les passages à l’acte. La
gestion à court terme du risque suicidaire par l’hospitalisation
se pondère par l’absence de données d’efficacité de celles-ci sur
ces comportements et le risque de régression. En ambulatoire,
le traitement psychothérapique peut s’effectuer en suivi indivi-
duel, en duo (psychiatre traitant et psychothérapeute) ou en
hôpital de jour. Il ne paraît pas souhaitable – en règle générale
– que la prise en charge psychothérapique et les prescriptions
médicamenteuses éventuelles soient assurées par une seule et
même personne.
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Enfin, certaines équipes ont adapté leurs prises en charge en
fonction de situations particulières telles que le milieu carcéral,
ou de populations spécifiques, telles que les adolescents ou les
toxicomanes.
Traitements biologiques
La prescription de psychotropes concerne des symptômes
cibles (automutilations, instabilité affective, impulsivité,
problèmes interpersonnels, colères, symptômes psychotiques ou
dissociatifs, anxiété). En outre, les fréquentes co-occurrences
peuvent nécessiter elles aussi des traitements médicamenteux.
Enfin, les profils d’effets indésirables, la compliance et les
risques de détournement d’usage de produits limitent l’utilisa-
tion des médicaments.
Outre les recommandations d’experts, nous disposons de cinq
méta-analyses publiées permettant de préciser les critères de
choix : Mercer, Douglass et Links en 2009 [86], Nosé et al. en
2006 [87], Ingenhoven et al. en 2009 [88], Binks et al. en 2006 [89],
Lieb et al. enfin en 2010 [90]. Quatre classes de médicaments ont
été étudiées sur les symptômes spécifiques dans des études
randomisées contrôlées : neuroleptiques, antidépresseurs, acides-
gras et anticonvulsants. Les benzodiazépines quant à elles
peuvent rendre des services ponctuels, mais elles possèdent des
risques addictifs ou désinhibiteurs dans cette population [84]. De
façon générale, les traitements sédatifs ne devraient pas dépasser
une prescription d’une semaine pour gérer une crise [85].
L’absence d’autorisation de mise sur le marché dans cette
indication en France, pour l’ensemble des produits présentés,
doit faire donner une information claire au patient, éventuelle-
ment écrite [85], portant sur les bénéfices attendus et les risques
encourus. La révision régulière du traitement doit permettre de
supprimer avec prudence (suivi intensif et diminution progres-
sive) ceux qui n’ont pas ou plus d’utilité.
Les neuroleptiques et notamment les antipsychotiques de
seconde génération représentent une des classes médicamenteu-
ses les plus prometteuses en termes d’efficacité thérapeutique
avec un apaisement relatif des problèmes interpersonnels (aripi-
prazole), de l’impulsivité (aripiprazole), de la dépression (aripipra-
zole) et, dans une moindre mesure, des automutilations
(flupentixol, olanzapine), de l’anxiété (aripiprazole, olanzapine)
et de la psychopathologie générale (aripiprazole).
Les antiépileptiques constituent l’autre classe médicamenteuse
dont les effets sont le mieux documentés avec une efficacité sur
l’apaisement des problèmes interpersonnels (divalproate, topira-
mate), de l’impulsivité (topiramate, lamotrigine), de la colère
(topiramate, divalproate et lamotrigine), sur l’anxiété et le niveau
général de psychopathologie (topiramate) et, dans une moindre
mesure, sur l’instabilité affective (lamotrigine) et la dépression
(divalproate).
Les oméga 3 seraient d’une certaine utilité dans la prise en
charge de la dépression et des automutilations.
Aucune pharmacopée n’a prouvé son efficacité sur le trouble
identitaire, le sentiment de vide et la peur d’être abandonné.
Toutefois, ces résultats sont à nuancer car les faibles durées
des études, le faible nombre d’études par molécule, l’importance
du nombre de perdus de vue, l’absence d’études comparatives et
les critères restrictifs des inclusions dans l’ensemble des essais
contrôlés en limitent la portée.
Psychothérapies
Les traitements psychothérapiques se distinguent communé-
ment selon leurs références théoriques, leurs objectifs, leurs
techniques, voire leur philosophie. Outre les facteurs non
spécifiques, de nombreuses stratégies sont communes aux
psychothérapies adaptées au trouble de la personnalité border-
line [91]. Ainsi, les auteurs mettent en avant l’importance de
définir un contrat de soin au début de la psychothérapie,
incluant une discussion à propos des situations à risque, en
particulier les crises suicidaires. La posture relationnelle repose
Psychiatrie

le plus souvent sur une attitude de validation des ressentis du
patient, en face à face. Les modalités possibles des contacts (par
exemple : téléphone) entre les séances doivent aussi être
définies précocement dans la prise en charge.
Les études à notre disposition portent sur des dispositifs
psychothérapiques à une ou plusieurs modalités (par exemple :
consultations individuelles, groupes, dispositif de crise) et de
nombreuses techniques d’entretien. Trois travaux concluent de
façon concordante à leur efficacité : ceux de Binks et al. en
2006 [92], Leichsenring et Leibing en 2003 [93] et l’Inserm en
2004 [94].
La thérapie développée par Linehan à partir de 1991 [95] et
largement (cinq études randomisées) validée, est la dialectical
behavioral therapy (DBT) ou thérapie comportementale et
dialectique (TCD). Elle repose sur une approche intégrative
(comportementale, cognitive, et d’inspiration zen) fondée sur
un modèle de compréhension bio-psycho-sociale du trouble, où
la régulation émotionnelle est considérée comme le problème
principal. Seule la première partie du protocole, portant sur la
gestion des comportements autodommageables, et qui comporte
quatre étapes, a été validée.
La schema focused therapy (SFT) ou thérapie orientée sur les
schémas (TOS) de Young, a fait l’objet d’une étude contrôlée
publiée par Giesen-Bloo en 2006 [96] : elle postule que le sujet
traite l’information de son environnement à travers des schémas
cognitifs appris et inscrits dans la mémoire à long terme, dont
l’activation inadaptée est source de souffrance émotionnelle.
Ce principe des schémas cognitifs est retrouvé dans les deux
autres études portant sur la cognitive and behavioral therapy (CBT)
ou thérapie cognitive et comportementale (TCC) par Davidson
en 2006 [97] et Cottraux en 2009 [98] et le manual assisted
cognitive treatment (MACT) ou traitement cognitif manualisé
(TCM) de Weinberg en 2006 [99].
Enfin, il existe une forme de traitement bref et en groupe,
fondée sur la gestion émotionnelle, cognitive et la résolution de
problème, impliquant le système de soins et les proches. Il s’agit
de la systems training for emotional predictability and problem
solving (STEPPS) par Blum et al. [100] ou, en français, SERP
(formation d’inspiration systémique à la prédiction émotion-
nelle et à la résolution de problème).
Le premier modèle psychodynamique étudié est le
mentalization-based treatment (MBT) par Bateman [101] en
1999 ou traitement fondé sur la mentalisation (TBM), postulant
le défaut des patients à mentaliser leur état psychique ou celui
des autres, probablement par la difficulté à se construire une
théorie de l’esprit lorsque les attachements aux figures mater-
nantes ne sont pas sécures. Le second concerne la transference-
focused psychotherapy (TFP) de Clarkin en 2007 : ou thérapie
centrée sur le transfert (TCT) qui, postulant le clivage des
relations d’objet, oriente la psychothérapie sur le travail
transférentiel [102].
Une autre façon de distinguer les traitements consiste à
envisager leur complexité de mise en œuvre. Pour les uns, ils
comportent un cadre de thérapie en face à face et en individuel
(TOS, TCC, TCM et TCT) et pour les autres un cadre nécessitant
une équipe pour associer, à une fréquence hebdomadaire, des
séances de groupe, à des séances individuelles, dans un envi-
ronnement très soutenant (TCD et TBM).
Dans ces études, les psychothérapies apparaissent efficaces
dans la prise en charge de plusieurs aspects concernant la
personnalité borderline. La thérapie comportementale et
dialectique possède le plus haut niveau de preuve d’efficacité,
notamment concernant son action sur les comportements
autoagressifs. La thérapie fondée sur la mentalisation possède le
plus large spectre d’action. La thérapie cognitive manualisée et
la formation d’inspiration systémique à la prédiction émotion-
nelle et à la résolution de problème offrent la faisabilité la plus
importante. Sans doute existe-t-il des différences d’indication
probables en fonction des symptômes cibles et des ressources
sanitaires disponibles. Néanmoins, nous ne disposons quasi-
ment pas d’étude comparant les différentes modalités thérapeu-
tiques entre elles qui pourraient permettre de préciser leurs
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États limites et personnalité borderline ¶ 37-395-A-10
indications préférentielles respectives au sein même de la
pathologie borderline. De plus, un nombre insuffisant de
thérapeutes formés aux applications de ces techniques en limite
encore la portée.
■ Conclusion
La pathologie borderline est aujourd’hui de mieux en mieux
connue. L’utilisation de critères diagnostiques suffisamment
précis et les travaux réalisés depuis une trentaine d’années ont
permis de diminuer le nombre des incertitudes nosographiques
liées à la diversité des origines mêmes du concept. Ce cadre
diagnostique est hétérogène, certes, mais il mérite bien son
individualité, avec des caractéristiques cliniques propres.
Nous pensons qu’il est préférable de conserver l’emploi de deux
termes distincts : borderline et états-limites. Le premier permet de
désigner un trouble de l’identité avec instabilité fondamentale de la
vie émotionnelle affective, impulsivité, dysrégulation comportementale
et perturbations cognitives. L’autre terme met l’accent sur la diversité
des tableaux cliniques réalisés selon la prédominance de telle ou telle
manifestation clinique. C’est, selon les cas, soit l’instabilité
affective avec hyperréactivité émotionnelle (type « affectif »),
soit l’impulsivité (type « impulsif »), soit les colères (type
« agressif »), soit les angoisses d’abandon et l’intolérance à la
solitude (type « dépendant »), soit encore le type « vide ». Plus
rarement, ce sont, à certains moments, une idéation persécu-
toire ou des manifestations dissociatives (au sens de la classifi-
cation américaine) qui sont au premier plan du tableau
clinique.
La thérapeutique des états-limites est toujours longue et difficile.
L’instabilité et l’impulsivité expliquent les difficultés d’une prise
en charge globale, prolongée et cohérente. Le développement
d’une alliance thérapeutique suffisante améliore l’observance
des traitements proposés, médicamenteux et psychothérapiques.
L’amélioration de la prise en charge de ces patients nécessite
impérativement une augmentation du nombre des centres
spécialisés ainsi qu’une diversification de la nature des activités
de ces centres : centres de crise, accueils à temps partiel,
hospitalisations complètes, brèves à chaque fois que cela paraît
possible, psychothérapies individuelles et de groupe d’orienta-
tions théoriques différentes. Cela implique aussi une augmenta-
tion du nombre des psychothérapeutes spécifiquement formés
aux techniques qui ont fait la preuve de leur efficacité, quelle
que soit leur inspiration : psychodynamique, cognitivocompor-
tementale ou mixte, intégrative.
.
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Service du professeur F. Rouillon, Hôpital Sainte-Anne, Paris, 100, rue de la Santé, 75674 Paris cedex 14, France.
L. Cailhol, Psychiatre.
Urgences psychiatriques, Centre hospitalier général, 100, rue Léon-Cladel, 82000 Montauban, France.
M. Robin, Chef de clinique.
C. Lamas, Psychiatre adjoint.
Département de psychiatrie de l’adolescent, Service du professeur M. Corcos, Institut mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan, 75674, Paris cedex 14,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guelfi J.-D., Cailhol L., Robin M., Lamas C. États limites et personnalité borderline. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Psychiatrie, 37-395-A-10, 2011.

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