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Jeu pathologique
E. Teruel, M. Lejoyeux, A. Basquin

Le jeu pathologique est défini comme un comportement répété et persistant de jeu d’argent exposant à
des conséquences sociales, professionnelles et individuelles négatives. Selon la classification américaine
du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) IV, le jeu pathologique est une forme
de trouble du contrôle des impulsions. Les principaux critères diagnostiques sont : la préoccupation par
le jeu, le besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour atteindre l’état d’excitation désiré,
les efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter la pratique du jeu, l’agitation ou
l’irritabilité lors des tentatives de réduction ou d’arrêt de la pratique du jeu, la tendance à jouer pour
recouvrer ses pertes. La prévalence du jeu pathologique en population générale est de 1 à 3 % de la
population adulte. La fréquence du jeu sur internet dans la population générale varie de 1,2 à 8 % ; et la
dépendance à internet concernerait 1,5 à 8,2 % des utilisateurs. Les conséquences financières négatives
du jeu pathologique ont été clairement démontrées. Les joueurs « sociaux » ou « contrôlés » dépensent
en moyenne 5 % de leur revenu mensuel dans des jeux d’argent. Les joueurs pathologiques dépensent
entre 14 et 45 % de leur salaire. Presque tous les joueurs pathologiques présentent à un moment de leur
existence un autre trouble psychiatrique (dépression 75 %, manie et hypomanie 40 %, troubles anxieux
28 %, abus ou dépendance alcoolique 52 %). Les dernières études tendent à montrer l’implication des
récepteurs D3 et D4 à la dopamine dans les mécanismes physiopathologiques de l’addiction au jeu.
Les facteurs psychopathologiques les plus régulièrement impliqués sont l’impulsivité, la recherche de
sensations ou encore, dans une perspective psychanalytique, la culpabilité et la recherche de punition.
Les protocoles thérapeutiques les plus récents font appel aux thérapies cognitives et comportementales,
au soutien relationnel, aux thérapies familiales et aux thérapies de groupe éventuellement associées à
des antidépresseurs sérotoninergiques. La découverte de l’implication des récepteurs à la dopamine D3 et
D4 dans les mécanismes d’addiction au jeu ouvre la voie des thérapies ciblées ; tout ceci est pour l’instant
encore très théorique.
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Mots-clés : Jeu pathologique ; Dépendance ; Trouble du contrôle des impulsions ; Impulsivité ;


Recherche de sensations ; Dopamine ; Dépression

Plan ■ Comorbidité psychiatrique du jeu pathologique 5


Études de comorbidité 5
■ Introduction 2 Dépression et jeu pathologique 5
Définitions du jeu 2 Dépendance à l’alcool et aux drogues 5
Historique des jeux d’argent 2 Troubles de la personnalité et jeu pathologique 6
Nouvelles formes de jeu 2 Comorbidités somatiques et jeu pathologique 6
■ Facteurs psychopathologiques 6
■ Définition du jeu pathologique 2
Approches psychanalytiques 6
■ Données économiques et épidémiologiques 3 Impulsivité et recherche de sensations 7
Économie du jeu 3 Approches comportementales et cognitives 7
Prévalence du jeu pathologique 3
■ Facteurs biologiques 7
Caractéristiques sociodémographiques des joueurs 3
Facteurs de risque du jeu pathologique 4 Sérotonine et monoamine oxydase 7
■ Principes de traitement 8
■ Clinique 4
Les quatre phases du jeu pathologique 4 Soutien relationnel et social 8
Situations cliniques particulières 4 Psychanalyse 8
Conséquences familiales du jeu pathologique 5 Thérapies comportementales et cognitives 8
Diagnostic différentiel – jeu occasionnel, jeu professionnel Thérapie de groupe et mouvement d’anciens joueurs 9
et dépendance au jeu 5 Programmes thérapeutiques intégrés 9
Instruments cliniques d’évaluation 5 Prévention de la rechute 9
Traitements chimiothérapiques 10
■ Conclusion 10

EMC - Psychiatrie 1
Volume 11 > n◦ 2 > avril 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-1072(13)60728-2

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 Introduction Nouvelles formes de jeu


Sport
La notion de jeu est présente dans toutes les cultures sous des
formes diverses. Dès l’ère biblique, Moïse a partagé la terre d’Israël Le sport est l’objet d’investissements financiers et de paris. Cer-
entre les tribus des Hébreux selon le sort. Des dés ont été retrou- tains parient sur les résultats des matchs de football à l’occasion
vés dans les tombes égyptiennes et les ruines de Babylone et les de loteries nationales. Dans les pays anglo-saxons, les bookmakers
Chinois de l’Antiquité jouaient leurs doigts et leurs membres. Les recueillent des paris sur la plupart des compétitions.
ludi ou hippodromes romains étaient un foyer de vie sociale qui
a progressivement remplacé les jeux du cirque. La notion de jeu Jeux vidéo et internet
pathologique a été décrite dans la littérature psychiatrique comme La première génération de ces jeux comprenait des activités
une forme de dépendance comportementale. L’objet de la dépen- simples (conduite automobile, billard, jeu de balle, course de voi-
dance est la répétition de séquences de jeu chargées de plaisir et tures, calcul mental). Les jeux plus récents sont programmables et
sous-tendues par un désir irrépressible [1] . permettent la représentation sur l’écran d’une partie de bridge ou
d’échecs, mais aussi de jeux de stratégie nouveaux dont les règles
doivent tout à la technologie qui en permet l’usage [5] . Le choix est
donné à l’utilisateur entre plusieurs jeux et il peut même modifier
Définitions du jeu les règles. Les jeux en réseaux, par l’intermédiaire d’internet, réin-
troduisent la notion de socialité et de communauté de joueurs.
Le jeu a été défini par Johan Huizinga dans Homo ludens [2] À noter également l’apparition de nouveau jeu sur internet, per-
comme « une activité volontaire, accomplie dans certaines mettant de se créer une deuxième vie virtuelle. On les appelle
limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement les métavers (contraction du terme anglais meta universe, uni-
consentie mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin vers virtuel). Ils permettent aux joueurs de se créer un avatar
en soi, accompagnée d’un sentiment de tension et de joie et (personnage virtuel) qui évolue dans un monde virtuel où il inter-
d’une conscience “d’être autrement” que la “vie courante” ». agit socialement, économiquement, politiquement avec d’autres
Dans cette conduite se « joue » un élément indépendant de joueurs/avatars. Le monde virtuel, où ces personnages évoluent,
l’instinct immédiat de la conservation, et qui prête à l’action un peut être un monde très semblable au nôtre, ou au contraire,
sens. être un monde très imaginaire. L’inscription est souvent gratuite.
Le philosophe Eugen Fink a considéré le pouvoir-jouer comme Mais les échanges d’argent sont possibles ; les joueurs peuvent
une qualité essentielle de l’existence [3] . « Le séjour de l’homme s’échanger des biens, moyennant de l’argent virtuel et/ou réel.
sur la terre », écrit encore Eugen Fink, « est troublé par le souci
continuel de trouver le sens juste et valable de la vie et par là le
Jeux d’argent et de hasard sur internet
vrai bonheur. Cette tension de l’incertaine recherche du bonheur
jette une ombre sur toutes les journées et toutes les œuvres de Avec l’explosion de la sphère internet, le jeu d’argent est devenu
l’homme et constitue, pour un jugement plus profond ce qu’on plus accessible. On peut jouer depuis son ordinateur, à son domi-
appelle le “sérieux de la vie” ». cile, sur des sites étrangers, qui ne sont pas régulés par les mêmes
Le jeu, une forme de culte : chacun a pu repérer, dès qu’il lois. La France a donc cherché à réguler le secteur des jeux d’argent
entre dans un casino, à quel point l’atmosphère du lieu est et de hasard en ligne par la loi du 12 mai 2010 [6] . Les paris hip-
empreinte d’une tension et d’une sorte de recueillement. Le piques, les paris sportifs et le poker ont été ouverts à la concurrence
jeu, comme le culte, s’accomplit dans des endroits qui lui du marché français des jeux sur internet. Deux autorités indépen-
sont consacrés, régis par des règles acceptées de chacun des dantes ont été créées afin de s’assurer de la bonne pratique des
participants. jeux d’argent et de hasard en ligne : le comité consultatif des jeux
On joue toujours « quelque chose », ce quelque chose étant la et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Le bilan de
réussite ou l’aboutissement du jeu. Tout jeu véritable comporte le cette loi reste cependant mitigé concernant la prévention et la
désir passionné de gagner qui menace d’éliminer du jeu sa légè- lutte contre l’addiction aux jeux. La mondialisation du jeu via
reté. Théodule Ribot [4] soulignait l’importance du gain chez le internet rend très complexe la régulation du marché.
joueur : « Le gain est l’idéal, conscient ou non, qui maintient et
sollicite sans cesse la tendance au risque. Sans lui, le jeu ne serait
qu’une activité vide, sans caractère spécifique ».  Définition du jeu pathologique
Blume [7] définit le jeu pathologique comme une tendance à ris-
quer de l’argent ou des valeurs financières dans l’attente de gagner
Historique des jeux d’argent davantage d’argent en peu de temps, le gain ou la perte dépendant
du hasard ou de la chance. Selon la classification américaine du
Rome [5] connut la première démocratie du jeu, les dés régnant Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) IV-
sur les profils de carrière et les vies affectives. Les empereurs, R [8] , le jeu pathologique est un trouble du contrôle des impulsions
joueurs invétérés, durent se résigner à interdire au peuple de les (Tableau 1). Le jeu pathologique est suscité par un état de ten-
imiter et, mesure plus efficace, à autoriser le perdant à ne pas sion psychique qui ne peut être réduit que par l’accomplissement
s’acquitter de sa dette. Durant le Moyen Âge, les jeux de dès étaient d’une séquence comportementale précise. Les autres critères diag-
l’activité ludique dominante. À la Renaissance, les cartes se sub- nostiques retenus par le DSM IV-R sont :
stituent progressivement aux dés. Les cartes, issues de la Chine • préoccupation par le jeu (par exemple par la remémoration
au XIIe siècle, ont été utilisées dans de nombreux jeux comme le d’expériences de jeu passées ou par la prévision de tentatives
bridge, le rummy et le poker. prochaines ou par les moyens de se procurer de l’argent pour
Blaise Pascal, dans sa tentative de construction d’une machine jouer) ;
à mouvement perpétuel, a inventé le prototype de la roulette • besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour
moderne. La première machine à sous, le Liberty Bell, a été créée atteindre l’état d’excitation désiré ;
en 1895 aux États-Unis par le mécanicien Charles Fey. En France, • efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrê-
le Premier Consul a créé « La Ferme des Jeux », réalisant un impôt ter la pratique du jeu ;
indolore et agréablement consenti. Les loteries, supprimées en • agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou
1836, sont réapparues sous la forme de Loterie nationale en 1933. d’arrêt de la pratique du jeu ;
Le tiercé et le loto sont devenus des entreprises d’état. Les casi- • engagement dans des comportements de jeu pour échapper
nos ont trouvé dans leur concours à des œuvres d’assistance, de aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique
prévoyance ou d’utilité publique une justification de leur autori- (par exemple des sentiments d’impuissance, de culpabilité,
sation. d’anxiété, de dépression) ;

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Tableau 1.
Critères du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM)
 Données économiques
IV-R du jeu pathologique. et épidémiologiques
A. Pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu comme
en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes Économie du jeu
1. Préoccupation par le jeu Gorse et al. (2010) ont rapporté qu’en janvier 2008, 2132 sites
2. Besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour de jeu en ligne avaient été recensés. Les revenus de ces sites étaient
atteindre l’état d’excitation désiré alors estimés à 2,2 milliards de dollars en 2000 et 15,2 milliards de
3. Efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou dollars en 2006 [10] . Wood et al. (2007) ont montré que la fréquence
arrêter la pratique du jeu du jeu en ligne dans la population générale varie de 1,2 à 8 % de
4. Agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou la population générale et que la dépendance à internet concer-
d’arrêt de la pratique du jeu nerait 1,5 à 8,2 % des utilisateurs [11] . Le secteur du jeu constitue
5. Joue pour échapper aux difficultés ou pour soulager une une source de revenue non négligeable pour l’État (six milliards
humeur dysphorique d’euros par an) et pour de nombreuses communes (villes ther-
6. Après avoir perdu de l’argent au jeu, retourne souvent jouer males et casinos), via les taxes. En effet, les jeux d’argent font
un autre jour pour recouvrer ses pertes l’objet d’un important prélèvement fiscal.
7. Ment à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour
dissimuler l’ampleur réelle de ses habitudes de jeu
8. Commet des actes illégaux tels que des falsifications, Prévalence du jeu pathologique (Tableau 2)
fraudes, vols ou détournement d’argent pour financer la
pratique du jeu Un nombre très limité d’études, souvent réalisées par téléphone,
ont porté sur la prévalence du jeu pathologique en population
9. Met en danger ou perd une relation affective importante, un
générale. Elles suggèrent que 1 à 3 % de la population adulte sont
emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à cause du jeu
joueurs pathologiques. Six études nord-américaines, conduites à
10. Compte sur les autres pour obtenir de l’argent et se sortir l’aide du South Oaks Gambling Screen (SOGS), ont retrouvé des
de situations financières désespérées dues au jeu
taux de prévalence compris entre 3,9 et 4,2 % pour le jeu à pro-
B. La pratique du jeu n’est pas mieux expliquée par un blème et de 1,2 à 2,3 % pour le jeu pathologique [12] . D’autres
épisode maniaque travaux ont mis en évidence une prévalence sur la vie entière du
jeu pathologique de 3,5 à 6,3 %. La prévalence sur six mois ou un
an du jeu pathologique est comprise entre 1,4 et 2,8 % [13] .
Volberg et Abott [14] ont dépisté le jeu en Nouvelle-Zélande à
• tendance, après avoir perdu de l’argent au jeu, à retourner jouer l’aide de questionnaires. Ils ont retrouvé une prévalence en popu-
un autre jour pour recouvrer ses pertes (pour « se refaire ») ; lation générale de 2,7 % pour le jeu pathologique et de 4,2 % pour
• mensonges à la famille, au thérapeute ou à d’autres pour dissi- le jeu à problème. Westphal et Rush [15] ont étudié la prévalence
muler l’ampleur réelle des habitudes de jeu ; du jeu en Louisiane. Dans cet état, l’offre de jeu est particuliè-
• actes illégaux tels que des falsifications, fraudes, vols ou détour- rement abondante (paris sur les chevaux, tombolas organisées
nement d’argent pour financer la pratique du jeu ; dans les paroisses, salles de loto, bateaux casinos et machines
• mise en danger ou perte de relation affective importante, d’un de vidéo poker). Tout habitant de Louisiane peut atteindre, en
emploi ou de possibilités d’étude ou de carrière à cause du moins de cinq minutes de voiture, une salle de jeux. La préva-
jeu ; lence du jeu pathologique est particulièrement élevée (4,8 % en
• tendance à compter sur les autres pour obtenir de l’argent population générale). Elle est de 3,1 % chez les sujets âgés de 18
et se sortir de situations financières désespérées dues au à 21 ans et de 1,4 % chez ceux de plus de 21 ans. L’augmentation
jeu. de l’accessibilité des salles de jeu et des casinos a donc conduit,
Les critères du syndrome de dépendance peuvent s’appliquer en Louisiane, à une augmentation de la prévalence du jeu patho-
au jeu pathologique [9] . Les sujets dépendants ne peuvent réduire logique, notamment chez les sujets les plus jeunes, âgés de 18
ni la fréquence de leur jeu, ni le montant des sommes jouées. En à 21 ans [15] . Le British Gambling Prevalence Survey 2007 [16] a
dépit des conséquences négatives de leur conduite, ils ne peuvent retrouvé une dépendance aux jeux en ligne chez 0,6 % des adultes.
manquer une occasion de l’accomplir. Un désir obsédant, une
euphorie et une perte de contrôle initient leur dépendance et des
symptômes de sevrage (malaise physique ou psychique, irritabi-
lité, anxiété) la maintiennent. Un phénomène équivalent de la Caractéristiques sociodémographiques
tolérance peut les conduire à augmenter les sommes engagées ou des joueurs
la fréquence du jeu.
Le jeu pathologique commence le plus souvent au début de Selon le rapport du sénateur François Trucy datant de 2006, la
l’adolescence chez l’homme et plus tard chez la femme. Certains dépense en jeux de hasard et d’argent est estimée à 134 euros par
sujets deviennent dépendants dès leur première confrontation au an et par habitant en France.
jeu. L’évolution habituelle est cependant plus insidieuse. Le jeu L’étude de l’Institut national de la santé et de la recherche
pathologique peut être précédé par plusieurs années de jeu social. médicale (Inserm) de 2008 [17] sur les jeux d’argent et de hasard
La conduite de jeu pathologique apparaît ensuite de manière définit précisément les caractéristiques sociodémographiques des
brutale, précipitée parfois par un facteur de stress ou par une expo- joueurs, selon le type de jeux.
sition plus importante au jeu. Un gain important (big win) peut Au casino, les caractéristiques sociodémographiques des habi-
déclencher l’évolution vers la dépendance. tués sont :
Le jeu pathologique, une fois installé, peut évoluer sur un mode • 41 % sont inactifs, retraités ou sans emploi ;
épisodique ou régulier pendant plusieurs années. Les joueurs • les plus de 50 ans et les moins de 30 ans représentent 30 % des
pathologiques ont tendance à augmenter progressivement la fré- joueurs aux machines à sous ;
quence et le montant de leurs enjeux. Pendant les périodes de • 57 % de ces joueurs sont des hommes ;
stress ou de dépression, l’envie de jouer et l’activité de jeu ont • on comptabilise six millions de joueurs au Pari mutuel urbain
tendance à augmenter. Quand ils passent moins de temps à (PMU). Parmi eux :
jouer, les sujets peuvent (DSM IV-R) être des forcenés du tra- ◦ 65 % d’hommes, âgés de 35 à 49 ans et issus de milieux socio-
vail ou attendre la dernière minute pour « donner un grand professionnels le plus souvent modestes,
coup de collier ». Ils peuvent aussi [8] présenter des troubles asso- ◦ 55 % d’entre eux sont des joueurs réguliers, jouant surtout le
ciés au stress (par exemple, hypertension, ulcère peptique, ou week-end ; 40 % sont des joueurs occasionnels ; et 5 % d’entre
migraine). eux des passionnés qui jouent plusieurs fois par semaine.

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Tableau 2.
Principales études épidémiologiques du jeu pathologique (adapté de Zuckerman, 1999).
Auteur (année) Lieu Hommes Critères Prévalence

Études en Volberg (1994) Cinq états des États-Unis 43 % SOGS 1,3 %


population générale Volberg, Steadman (1988) New York 44 % SOGS 1,4 %
Ladouceur (1994) Québec 46 % SOGS 1,2 %
Étudiants Lesieur, Rosenthal (1991) États-Unis 44 % SOGS 5,5 %
Dispensaires pour Feigelman et al. (1995) Centre méthadone 67 % SOGS 7%
toxicomanes Spunt et al. (1995) Centre méthadone 60 % SOGS 16 %
Daghestani et al. (1996) Hôpital 98 % SOGS 33 %
Services de psychiatrie Lesieur et Blume (1990) Hôpital psychiatrique SOGS 6,7 %

SOGS : South Oaks Gambling Screen.

La Française des jeux a comptabilisé en 2006 29 millions de Perte et « chasse »


joueurs avec :
La phase de perte est considérée par le joueur comme un
• un sex-ratio quasi égal à 1 (49 % d’hommes et 51 % de femmes) ;
moment où « la chance a tourné ». Elle est vécue comme une
• 34 % de ces joueurs ayant moins de 35 ans ;
mise en échec de la science du jeu et de la protection vis-à-
• à noter, une légère surreprésentation des ouvriers et employés.
vis du mauvais sort. Le sujet s’engage dans une période dite
Une étude a comparé les joueurs sur internet aux autres joueurs.
« de chasse » (chasing dans la littérature anglo-saxonne) pendant
Les joueurs sur internet sont plus souvent des hommes, jeunes,
laquelle il joue de plus en plus pour compenser ses pertes et « se
célibataires, ayant un bon niveau d’éducation et exerçant des
refaire ». Il espère annuler ses dettes et gagner de nouveau en
emplois de managers. Les femmes représentent seulement 5,5 %
retrouvant son talent de joueur ou sa chance. Le joueur engage
de la cohorte. À noter cependant que les femmes jouent autant l’ensemble de ses ressources et multiplie les dettes. Il emprunte
que les hommes sur les sites de poker en ligne ; la seule différence sans hésiter, persuadé que l’argent sera remboursé par ses gains à
retrouvée est dans le temps passé à jouer (plus court chez la femme venir.
que chez l’homme) [8] . L’activité professionnelle, les loisirs, la vie familiale sont aban-
donnés ou négligés au profit du jeu. Cette activité devenue
« obligatoire » ne peut être interrompue sans qu’apparaissent
Facteurs de risque du jeu pathologique des symptômes psychiques de sevrage (envie irrépressible de
Les principaux facteurs de risque du jeu pathologique sont [7] : jouer, irritabilité, nervosité) et parfois même physiques (céphalées,
• les antécédents familiaux de jeu pathologique ou d’alcoolisme ; troubles gastro-intestinaux, polypnée).
• le célibat ;
• l’exposition précoce aux jeux d’argent dans l’adolescence ;
• la dépendance à l’alcool ou aux drogues illicites ;
Désespoir
• l’importance de l’offre de jeu. Le désespoir fait souvent suite à une période de perte d’argent
prolongée. Les dettes de jeu sont telles que les amis, la famille
ou les banques refusent une aide et une annulation des créances.
 Clinique Désespéré et angoissé, le joueur ne parvient toujours pas à contrô-
ler sa conduite. Il n’abandonne pas non plus les espoirs d’un gros
gain qui permettrait de tout effacer. Il croit encore, contre toute
Les quatre phases du jeu pathologique vraisemblance, en sa capacité de gagner, en sa « science du jeu ». Il
Le jeu pathologique évolue classiquement selon quatre phases accuse l’entourage, qui ne le comprend pas, la chance qui l’oublie
[18, 19]
. plutôt que de renoncer à jouer.
Le joueur peut à ce stade mentir et commettre des actes
délictueux (escroqueries, chèques sans provisions, vols) pour se
Phase de gain procurer de l’argent. La survenue de sanctions judiciaires peut
Les premières expériences de jeu peuvent permettre de gagner déclencher un passage à l’acte suicidaire ou une réaction dépres-
des sommes d’importance variable. Parfois, le sujet gagne de sive.
manière répétée des petites sommes d’argent. Dans d’autres cas,
la dépendance s’installe après un gain très important, un big win
qui procure euphorie et exaltation. Le sujet tente alors de revivre Abandon
cette expérience et espère même gagner une somme encore plus À cette phase, les fantasmes de gain et de réussite sont abandon-
importante. nés [19] . Le joueur n’en continue pas moins à jouer par une sorte
Il joue de plus en plus souvent et acquiert une technique de d’« amour désintéressé » du jeu lui-même et de son contexte social
jeu qu’il considère comme infaillible. L’adhésion à des supersti- (atmosphère des casinos ou des salles de jeux, liens de camaraderie
tions, des martingales ou des stratégies de jeu vient renforcer entre joueurs, etc.).
l’impression de maîtrise du sort. Le joueur tend à surestimer
l’importance de ses gains et à minimiser ses pertes. Il est incapable
de calculer ce qu’il gagne ou perd vraiment en jouant. Il annonce
aux autres et à lui-même des gains qu’il ne met pas en rapport Situations cliniques particulières
avec les sommes perdues. Il attribue ses gains à son habileté au
jeu, renforçant ainsi l’impression qu’il est un vrai joueur.
Joueurs de machines à sous
Le joueur peut présenter, lors de ses gains, de brefs épisodes dis- Si certains jeux comme les cartes favorisent les contacts sociaux,
sociatifs [20] , l’impression d’un « état d’identité modifié » ou d’être les machines à sous renvoient le joueur à son propre isolement.
« en dehors de soi-même ». Ces « transes » sont suivies de « trous Celui-ci ne se confronte qu’à une machine, qu’il violente et avec
noirs » avec l’impression d’avoir tout oublié. Les réactions de laquelle il tente de communiquer [21] . Il entretient une relation
transe sont plus fréquentes chez les joueurs pathologiques (60 à passionnelle avec « sa » machine, comme si l’enjeu véritable était
76 % des cas) que chez les joueurs sociaux. Une véritable dépen- moins de décrocher le jackpot que de dominer un objet auquel il
dance vis-à-vis du jeu s’installe. attribue des pouvoirs exorbitants et même une stratégie.

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Joueurs de casino Instruments cliniques d’évaluation


Le casino représente un espace clos, abritant une « communauté
Le SOGS est un instrument de dépistage et d’évaluation du jeu
de joueurs », souvent habitués du lieu qui entretiennent entre eux
pathologique introduit en 1987 [23] ; version française [24] . Il est
des relations de rivalité, d’envie et parfois de complicité. Le joueur
utilisé dans la plupart des études internationales. Il a été validé
de casino aspire à ce que Brasey appelle la « sympathie du casino ».
à partir des réponses de 1616 sujets (867 patients suivis dans un
Il est fier de ses gains et aussi des crédits qui lui sont accordés
centre de traitement des dépendances, 213 membres des Joueurs
quand il perd, confirmant son statut de joueur exceptionnel.
anonymes, 384 étudiants, 152 sujets contrôles). Cet instrument
permet un recueil systématique et standardisé d’informations sur :
Jeu pathologique chez la femme • les antécédents familiaux ;
Le jeu pathologique est sensiblement moins fréquent chez la • les antécédents personnels de jeu pathologique ;
femme [13] . Il n’est pas toujours déclenché par des sentiments de • les difficultés liées au jeu.
plaisir ou d’excitation et la phase de gain peut être absente [22] . Un score supérieur ou égal à 5 suggère le diagnostic de jeu
Le jeu compulsif est dans la majorité des cas associé à un autre pathologique et un score de 1 à 4 évoque le « jeu à problème ».
trouble psychiatrique (dépression ou alcoolisme principalement).

Évolution du jeu pathologique en ligne  Comorbidité psychiatrique


Il existe deux types de joueurs pathologiques en ligne. Dans du jeu pathologique
le premier groupe, on retrouve les joueurs en ligne qui connais-
saient déjà auparavant des problèmes d’addiction au jeu. Pour Études de comorbidité
eux, internet devient un nouveau moyen de vivre leur addiction.
Ces patients sont plus à risque de présenter une consommation Presque tous les joueurs pathologiques présentent à un moment
de toxiques, un trouble de l’humeur, un trouble anxieux ou un de leur existence un autre trouble psychiatrique. McCornick
trouble de la personnalité. Ils ont une plus grande tendance à avoir et al. [25] ont ainsi retrouvé chez les joueurs pathologiques hos-
des problèmes familiaux (conjugopathie) et professionnels. Sur pitalisés :
le plan sociodémographique, on retrouve une population hété- • 76 % de dépression majeure ;
rogène présentant globalement un bas niveau socioéconomique, • 38 % d’hypomanie ;
des problèmes de chômage et un bas niveau d’éducation. • 8 % de manie ;
Dans le second groupe, on trouve des joueurs qui ont découvert • 2 % de troubles schizoaffectifs.
le jeu via internet. Ils ont aussi tendance à jouer aux jeux vidéos Seuls 8 % des joueurs pathologiques ne présentaient pas de
en ligne et à faire un usage excessif des e-mails et textos. Internet comorbidité psychiatrique.
est un moyen pour eux d’échapper à la réalité d’une vie pauvre et Specker et al. [26] ont évalué les troubles du contrôle des impul-
peu stimulante [16] . sions chez 40 joueurs pathologiques (15 femmes et 25 hommes)
suivis en ambulatoires. Les achats compulsifs (25 %) et les
comportements sexuels compulsifs (10 %) étaient plus fréquents
Conséquences familiales du jeu pathologique chez les joueurs que chez les témoins. Les autres troubles du
contrôle des impulsions retrouvés étaient le trouble explosif
Le jeu pathologique perturbe sévèrement la vie familiale et intermittent (7,5 %), la kleptomanie (5 %) et l’exercice physique
retentit sur l’équilibre financier et affectif du conjoint. Les épouses compulsif (2,5 %).
de joueurs pathologiques peuvent subir des menaces verbales ou Une étude espagnole [27] a évalué, chez 498 patients ayant un
des agressions physiques du fait des dettes contractées par leur diagnostic d’addiction au jeu, les comorbidités associées. Ainsi, on
mari. retrouve une association fréquente avec un trouble de l’humeur
Les conjoints de joueurs pathologiques présentent fréquem- chez les femmes (30,5 %) alors que la consommation de toxiques
ment [7] : semble être la comorbidité la plus fréquente chez les hommes
• des symptômes physiques (céphalées, troubles gastro-intesti- (11,2 %).
naux, difficultés respiratoires) ;
• des troubles psychiques (anxiété, dépression, idées de suicide
ou tentatives de suicide). Dépression et jeu pathologique
Les études sur les enfants de joueurs pathologiques ont
Le jeu pathologique augmente le risque de dépression. Linden
retrouvé une prévalence élevée de tabagisme, d’hyperphagie,
et al. [28] ont systématiquement étudié les troubles de l’humeur
d’abus d’alcool et de drogues illicites ainsi que de jeu patholo-
chez les joueurs pathologiques ; 72 % des joueurs avaient présenté
gique. Les enfants de joueurs présentent aussi des troubles de
une dépression majeure à l’arrêt du jeu et 52 % des dépres-
l’humeur et des difficultés d’adaptation sociale [21] .
sions récurrentes. La plupart des joueurs pathologiques déprimés
considéraient le jeu comme la seule activité contradépressive. La
Diagnostic différentiel – jeu occasionnel, jeu dépression chez le joueur pathologique s’accompagne d’un risque
suicidaire particulièrement élevé. Selon McCormick et al. [25] , les
professionnel et dépendance au jeu joueurs pathologiques les plus jeunes sont les plus exposés au
risque de dépression et de suicide.
Le joueur occasionnel n’éprouve pas de dépendance vis-à-vis du
jeu. Le jeu est pour lui un passe temps auquel il ne consacre que des
sommes modérées d’argent et un temps limité. Selon Custer [18] , le Dépendance à l’alcool et aux drogues
joueur « normal », occasionnel ou professionnel est celui qui peut
cesser de jouer quand il le décide, qu’il gagne ou qu’il perde, et L’association entre le jeu pathologique et les conduites de
qui ne présente pas de dépendance comportementale : dépendance à l’alcool ou aux drogues illicites (cannabis et cocaïne
• le joueur social ne trouve pas de valorisation dans le fait de essentiellement) est elle aussi fréquente. Elle est confirmée par
gagner ou de perdre, d’autres aspects de sa vie sont plus impor- l’ensemble des études contrôlées sur le sujet. L’alcool stimule
tants ou gratifiants ; l’envie de jeu et les gains ou les pertes sont vécus comme des
• il ne fait pas l’expérience d’un « gros gain » dès ses premiers incitations à boire.
contacts avec le jeu ; Lesieur et al. [29] ont identifié les facteurs de risque de jeu patho-
• il ne présente pas un optimisme déraisonnable concernant ses logique chez les sujets présentant une conduite de dépendance :
possibilités de gain ; • le sexe masculin (25 % des hommes alcooliques ou toxico-
• il ne recommence pas systématiquement à jouer pour compen- manes avaient des problèmes de jeu contre seulement 6 % des
ser ses pertes. femmes) ;

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37-396-A-25  Jeu pathologique

• les antécédents paternels ou maternels de jeu pathologique nombre accru de joueurs pathologiques parmi les patients bor-
(62 % des joueurs avaient un père joueur et 30 % une mère derline, après ajustement sur les critères sociodémographiques,
joueuse pathologique) ; la consommation de substance illicite et les autres troubles de
• les antécédents paternels d’alcoolisme ; la personnalité. Cependant, après ajustement sur les symptômes
• la fréquentation des lieux de jeu dès l’adolescence. dépressifs, on ne retrouve plus de lien significatif entre jeu patho-
Daghestani et al. [30] ont étudié la prévalence du jeu patholo- logique et trouble borderline [36] .
gique chez 276 sujets alcooliques ou toxicomanes. Un tiers des
sujets dépendants présentait une conduite de jeu pathologique.
Les joueurs pathologiques avaient souvent joué de l’argent dans Comorbidités somatiques et jeu pathologique
l’enfance. Ils avaient consommé de l’alcool ou de la drogue plus
tôt et en plus grande quantité que les autres sujets dépendants. Une étude française est partie du postulat que les joueurs patho-
Ils avaient souvent commencé par l’alcool puis la marijuana et logiques devaient avoir un risque de maladie coronarienne plus
les amphétamines à la fin de l’adolescence. Les joueurs patho- élevé, du fait des comorbidités associées (haut niveau de stress,
logiques alcooliques ou toxicomanes avaient ensuite abusé des dépression, alcoolisme et tabac). L’étude a consisté à compa-
tranquillisants, de l’héroïne et de la cocaïne. rer deux groupes : un premier groupe de 73 patients hospitalisés
Nous avons retrouvé [31] sept cas de jeu pathologique parmi en cardiologie pour une maladie coronarienne et un deuxième
79 sujets présentant les critères du DSM IV d’alcoolodépendance. groupe de 61 patients, hospitalisés dans le même service mais ne
Les alcooliques joueurs pathologiques étaient plus jeunes. Leur présentant pas de maladie coronarienne.
alcoolisme avait commencé plus tôt (19 ans et demi en moyenne). Six cas de jeu pathologique et un cas de jeu problématique ont
Les alcooliques joueurs ne présentaient pas plus souvent que les été recensés dans le groupe des maladies coronariennes ; aucun
autres de personnalité antisociale. cas n’a été recensé dans l’autre groupe (p = 0,01). À noter que
Spunt et al. [32] ont étudié, chez 117 patients sous méthadone, dans cette population étudiée, les situations de jeu pathologique
la prévalence du jeu pathologique ; 15 % des sujets sous métha- n’étaient pas associées à une consommation d’alcool ou de tabac
done présentent une conduite de jeu pathologique et 16 % un plus importante que chez les autres patients [37] .
« jeu à problème ». Une autre étude de Feigelman et al. [33] a
porté sur 220 sujets sous méthadone. Les joueurs pathologiques
étaient le plus souvent des hommes, ayant des antécédents d’abus  Facteurs psychopathologiques
d’alcool. Ils avaient commis plus d’actes criminels, notamment
à l’adolescence. Les autres caractéristiques des joueurs patholo- Approches psychanalytiques
giques étaient :
• une consommation plus importante d’opiacés ; Freud, dans son article de 1928 Dostoïevski et le parricide, ana-
• un taux de chômage plus élevé ; lyse la nature autodestructrice de l’écrivain russe. Il retrouve chez
• des syndromes hallucinatoires et confusionnels plus fréquents. Dostoïevski un « fond pulsionnel pervers qui devait le prédispo-
L’évaluation de la prévalence de l’alcoolisme chez les joueurs ser à être un sadomasochiste ou un criminel ». « Les traits d’un
pathologiques a montré que près de la moitié des joueurs présente caractère pulsionnel », écrit encore Sigmund Freud, « sont intri-
une conduite de dépendance. Une enquête auprès de 51 hommes qués aux sentiments de culpabilité éprouvés par Dostoïevski à la
joueurs pathologiques a retrouvé 47 % de dépendance à l’alcool suite de ses fantasmes de parricide face à un père cruel et sadique ;
ou aux drogues illicites [7] . La consommation d’alcool et de drogue culpabilité réactivée à la mort de ce dernier... Quand le sentiment
accompagne habituellement le comportement de jeu : 44 % des de Dostoïevski était satisfait par les punitions qu’il s’était infli-
sujets consomment de l’alcool ou de la drogue à chaque fois qu’ils gées à lui-même, alors son inhibition au travail était levée et il
jouent. s’autorisait à faire quelques pas sur la voie du succès littéraire ».
Une étude française [34] a été menée entre janvier et mai 2010 Le besoin de punition s’est exprimé par les crises d’épilepsie et la
auprès de 442 étudiants (220 femmes et 222 hommes) afin passion pathologique pour le jeu [38] . La conduite de jeu est pro-
d’évaluer la relation au jeu en ligne et la consommation d’alcool voquée par le désir de perdre, de tonalité masochiste, intriqué à
et de tabac. Ainsi, le taux de prévalence du jeu d’argent en ligne a des fantasmes de parricide [39] . Tenter de « faire sauter la banque »
été estimé à 7,24 %. La fréquence du jeu pathologique (SOGS ≥ 5) illustrerait, dans cette perspective, le désir inconscient d’agresser
était de 34,37 % chez les étudiants jouant de l’argent en ligne. son père.
Les joueurs d’argent en ligne consomment plus d’alcool par jour, Selon Bromberg [40] , la « névrose du jeu » est un conflit entre le
connaissent plus souvent des états d’ivresse et sont plus souvent Moi et le destin implacable, substitut du père. Le joueur affronte
dépendants au tabac avec un nombre de cigarettes fumées par jour un adversaire tout puissant, lointain et intangible : la chance. Il
plus important. l’invoque pour obtenir une réponse à la question de son omni-
potence. Galdston [41] envisage lui la lutte contre le destin chez
les joueurs pathologiques comme une confrontation avec l’image
Troubles de la personnalité et jeu maternelle. La question posée par le joueur serait plutôt d’ordre
pathologique narcissique : « M’aimes-tu, penses-tu que je suis fort ? ».
La dimension sexuelle du jeu a été soulignée par de nombreux
Les organisations de personnalité le plus souvent retrouvées psychanalystes, notamment Freud et Sandor Rado. Freud reliait le
chez les joueurs pathologiques sont la personnalité sociopa- jeu à la masturbation, les deux comportements impliquant une
thique [7] . Blaszczynski et McConaghy [35] ont observé, à l’aide d’un activité fébrile des mains. La passion du jeu serait, d’un point de
inventaire de personnalité, le Symptom Check-List-90 (SCL-90) : vue sexuel, un équivalent de la compulsion masturbatoire. Rado
• des scores plus bas que chez les sujets contrôles d’obsession et considérait le plaisir éprouvé par le joueur comme une forme déri-
de compulsion, de sensitivité, d’anxiété et de phobie ; vée du plaisir sexuel tenant lieu de vie sexuelle substitutive. Les
• des scores de somatisation, d’hostilité, de délire paranoïaque et liens entre sexualité et jeu pathologique sont corroborés par de
de psychose comparables à ceux des témoins ; nombreuses observations cliniques de joueurs considérant leur
• des scores de psychopathie et de dépression plus élevés que chez comportement comme un « stimulant sexuel ». L’ivresse du gain
les témoins. ou de la prise de risque peut déclencher ou aviver le désir sexuel.
Nombre de comportements rapportés à la personnalité anti- Dans certains cas, les conduites de jeu sont suivies peu après d’une
sociale sont en réalité des conséquences directes du jeu [17] . Les relation sexuelle.
vols et les escroqueries sont plus souvent provoqués par les dettes La conduite de jeu représente dans certains cas un mode
de jeu que par une tendance à l’impulsivité et à la transgression de satisfaction immédiate de besoins narcissiques ne souffrant
sociale de type sociopathique. aucune attente. Elle est le lieu de réalisation d’une impression de
Une étude américaine de 2007 a étudié le lien entre jeu patholo- toute-puissance artificielle et complaisante à laquelle succèdent
gique et trouble de la personnalité (Structured Clinical Interview rapidement culpabilité et regret. Chez les sujets présentant une
for DSM-IV [SCID]-II). Ils ont dans un premier temps montré un personnalité limite [42] , les conduites de jeu, notamment dans les

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casinos, peuvent représenter une tentative de restauration narcis- Ils s’attachent à des martingales, des fétiches, des superstitions,
sique, permettant l’harmonie avec l’environnement et facilitant des rituels, des détails dans la manière de jouer censés leur appor-
la mise en acte du clivage du Moi. ter la chance ou lutter contre la poisse. Cette pensée magique
les conforte dans la certitude qu’ils possèdent une maîtrise du
jeu exceptionnelle. Les distorsions cognitives impliquent aussi un
Impulsivité et recherche de sensations déni des conséquences négatives du jeu en termes financiers, indi-
viduels et familiaux.
Castellani et Rugle [43] ont comparé le niveau d’impulsivité de
843 sujets alcooliques, cocaïnomanes ou joueurs pathologiques.
Ils ont montré que les joueurs avaient des scores d’impulsivité
plus élevés que les alcooliques et les cocaïnomanes. Steel et  Facteurs biologiques
Blaszczynski [44] ont montré, chez 82 joueurs pathologiques, une
corrélation entre le niveau d’impulsivité et les scores de jeu patho- Sérotonine et monoamine oxydase
logique.
Zuckerman [45] a proposé un modèle d’évaluation du comporte- Les dosages, dans le liquide cérébrospinal, de l’acide 5-hydroxy-
ment de jeu en termes de perte de contrôle : les sujets reçoivent indol-acétique, métabolite de la sérotonine, n’ont pas révélé de
un jeton de 10 dollars qu’ils peuvent choisir de garder ou de jouer différence significative entre les joueurs pathologiques et les sujets
dans une machine à sous. La machine est programmée pour que contrôles [50] . Blanco et al. [51] ont plus récemment montré que
leurs chances de gagner se réduisent avec la répétition des enjeux. l’activité de la monoamine oxydase plaquettaire était abaissée
Dans les premiers temps du jeu, la chance de gagner est de 70 %. chez 27 joueurs pathologiques comparés à des témoins appariés
Après quelques enjeux, elle n’est plus que de 10 %. Ce protocole pour le sexe et l’âge. Carrasco et al. [52] ont eux aussi retrouvé
a montré que les sujets les plus impulsifs ont tendance à perdre des taux d’activité de la monoamine oxydase abaissés chez les
tout leur argent. Ils continuent à jouer et augmentent même les joueurs pathologiques. Chez les témoins, la baisse de la mono-
sommes engagées quand ils commencent à perdre. amine oxydase était corrélée à l’élévation du niveau de recherche
Anderson et Brown [46] ont montré une corrélation entre de sensations. Cette corrélation n’a pas été retrouvée chez les
l’accélération du rythme cardiaque au moment du jeu et le niveau joueurs pathologiques.
de recherche de sensations. Chez les joueurs de black jack présen-
tant les scores les plus élevés de recherche de sensations, le rythme Activité dopaminergique et noradrénergique
cardiaque s’accélérait en moyenne de 54 battements par minute.
Un travail récent [31] a montré que les alcooliques présentant Bergh et al. [53] ont mis en évidence une augmentation de
une conduite de jeu pathologique associée avaient des scores de l’activité dopaminergique chez les joueurs pathologiques. Ils ont
recherche de sensations plus élevés (scores moyens de 10,5 contre pour cela montré que les taux d’acide homovanillique étaient
8,9 chez les alcooliques ne présentant pas de jeu pathologique). augmentés dans le liquide cérébrospinal des joueurs.
Les sous-scores de désinhibition et de recherche d’expériences de Une augmentation du taux du 3-méthoxy-4-hydroxyphényl-
l’échelle de Zuckerman étaient sensiblement supérieurs chez les glycol (MHPG) dans le liquide cérébrospinal et les urines a aussi
joueurs pathologiques. Les sous-scores de recherche de danger et été retrouvée [50] . Cette augmentation de l’activité noradréner-
d’aventure et d’intolérance à l’ennui étaient eux aussi plus élevés gique était corrélée, chez 17 joueurs compulsifs, à la tendance à
chez les alcooliques joueurs pathologiques sans que la différence l’extraversion et la recherche de sensations [54] .
ne soit statistiquement significative.
Le niveau de recherche de sensations n’est pas le même pour Bêta-endorphines
tous les jeux de hasard. Les sujets pariant sur les courses de che-
Une étude des bêta-endorphines chez les joueurs a retrouvé
vaux ont des scores de recherche de sensations égaux ou inférieurs
des taux abaissés [35] chez les joueurs de champ de course. Les
à ceux des sujets contrôles. Les adeptes des casinos ont des scores
joueurs de machines à sous avaient, eux, des taux d’endorphines
de recherche de sensations plus élevés [47] .
plasmatiques comparables à ceux des témoins. Ces différences en
fonction du jeu pratiqué pourraient s’expliquer par des niveaux
Approches comportementales et cognitives d’excitation et d’éveil cortical différents.

Conditionnement opérant
Études génétiques
Le jeu pathologique peut être provoqué et maintenu par des
phénomènes de l’ordre du conditionnement opérant [48] . Les pre- Eisen et al. [55] ont mis en évidence, à partir d’une étude de
miers gains renforcent le comportement, l’encouragent et le jumeaux, l’importance des facteurs génétiques dans la transmis-
pérennisent. Une fois la dépendance installée, le jeu peut être sion du jeu pathologique (héritabilité de 0,54). Près de 20 % des
déclenché par des stimulations externes minimes comme le sujets ayant des antécédents familiaux de jeu pathologique sont
fait d’entrer dans un casino ou sur un champ de courses. Le joueurs.
joueur présente aussi une « phobie de l’interruption ». Il redoute Les travaux les plus récents ont conduit à rechercher la pré-
les conséquences éventuelles de l’arrêt du jeu. Affronter, sans sence d’une forme allélique particulière (polymorphisme Taq A1
l’aide du recours au jeu, les difficultés de l’existence lui appa- du gène DR/D2) du gène codant le récepteur dopaminergique D2
raît impossible. Le joueur pathologique redoute également d’être chez les joueurs pathologiques [56] . Ce polymorphisme Taq A1 est
confronté aux affects dépressifs auxquels il échappe régulièrement plus souvent retrouvé chez les alcooliques et les toxicomanes [57] .
en jouant [49] . La prévalence de l’allèle A1 était de 50,9 % chez les joueurs et de
Chaque épisode de jeu représente un « cycle comportemental ». 25,9 % chez les témoins appariés. La différence entre joueurs et
Une fois le cycle activé, il doit se terminer, le joueur continuant à témoins était très nettement significative (p < 0,0001). Les sujets
jouer jusqu’à ce qu’il ait dépensé tout son argent. Une interruption ayant un score de jeu pathologique élevé présentaient l’allèle A1
prématurée du cycle est angoissante et frustrante. dans 63,8 % des cas et ceux qui avaient les scores les plus bas ne
présentaient l’allèle A1 que dans 40,9 % des cas. La prévalence de
l’allèle A1 était comparable chez les sujets dont le jeu pathologique
Cognitions erronées avait commencé le plus tôt, avant 25 ans (prévalence de 53, 3 %) et
Les fausses croyances des joueurs portent principalement sur le chez ceux qui avaient commencé à jouer après 25 ans (prévalence
hasard et ses possibilités de contrôle. La plupart des joueurs ont en de 52,9 %).
effet une illusion de maîtrise ou de contrôle du sort. Ils peuvent L’allèle A1 était plus souvent retrouvé chez les joueurs patho-
croire, par exemple, que chaque tour de jeu n’est pas indépendant logiques présentant un alcoolisme ou une toxicomanie associés.
du précédent. Ils se livrent ainsi à des statistiques aussi complexes Ces données suggèrent l’existence possible de particularités neu-
que dérisoires sur les lois des séries dans l’espoir de prédire les robiologiques, génétiquement transmises, communes au jeu
numéros gagnants du loto en fonction des numéros déjà sortis. pathologique, l’alcoolisme et la toxicomanie [57] .

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La prévalence de l’allèle A1 était, par ailleurs, plus élevée Psychanalyse


chez les joueurs pathologiques non déprimés. L’association entre
l’allèle A1, le jeu pathologique et l’absence de dépression était par- Greenson (1947) [61] a suggéré une approche thérapeutique
ticulièrement nette chez les femmes : 83 % des femmes joueuses centrée sur les deuils de l’enfance et les pertes d’objet. Ber-
pathologiques non déprimées présentaient l’allèle A1 contre gler (1958) [62] a suggéré que les conflits et les traumatismes de
seulement 9,1 % des joueuses pathologiques déprimées. l’enfance déterminaient le désir de perdre de l’argent à l’âge adulte
Perez de Castro et al. [58] ont étudié le polymorphisme génétique et qu’une psychanalyse était indiquée chez les joueurs.
du récepteur à la dopamine D4 chez 68 joueurs. Ils ont montré que Boyd et Bolen [63] ont traité neuf joueurs pathologiques et leurs
la conformation allélique longue de ce gène était plus fréquente épouses par des thérapies de groupe d’inspiration psychanaly-
chez les joueurs pathologiques. La différence avec les témoins tique. Le traitement a permis une amélioration des relations
était, comme pour le gène du récepteur D2 , encore plus signifi- conjugales, une diminution de l’anxiété et de la dépression et du
cative chez les femmes (p = 0,03). comportement de jeu. Quatre des neuf patients ont par la suite
intégré un groupe d’anciens joueurs.
Traitement dopaminergique La psychanalyse ne paraît pas régulièrement efficace sur
le comportement de jeu lui-même. Les psychothérapies
Certains patients, traités pour une maladie de Parkinson par d’inspiration psychanalytique restent indiquées en cas de
des agonistes dopaminergiques, développent des comportements trouble de la personnalité ou d’état névrotique invalidant associé.
addictifs, comme le jeu pathologique. Le fait que certains patients
présentent ce type de symptômes et d’autres pas, sous agonistes
dopaminergiques, suggère qu’il existe une vulnérabilité géné- Thérapies comportementales et cognitives
tique prédisposant au jeu pathologique. Les sujets qui portent au
moins une copie de l’allèle 7R du gène DRD4 ont un risque accru Préthérapie
d’addiction au jeu après stimulation dopaminergique [59] .
Évaluation d’un syndrome dépressif
Les agonistes dopaminergiques (pramipexole et ropinirole)
sont utilisés fréquemment dans le traitement de la maladie Il s’agit de rechercher l’existence ou non d’un syndrome dépres-
de Parkinson. Ces molécules ont une affinité accrue pour le sif par un entretien ou à l’aide d’autoquestionnaires (échelle
récepteur cérébral D3 , localisé habituellement dans le système de dépression de Beck et d’anxiété–dépression d’Hamilton
mésolimbique. Des comportements pathologiques ont été obser- [HAD]). Une thérapie cognitivocomportementale requiert beau-
vés chez 30 % des sujets prenant ces deux molécules à posologies coup d’effort mental de la part du patient ainsi que de dynamisme
importantes : jeu pathologique, hypersexualité, achat compulsif, pour réaliser les exercices demandés. Si une dépression est retrou-
hyperphagie et autres activités compulsives [60] . vée lors de cette première rencontre, il faut commencer par la
traiter avant de débuter la thérapie.

Entretien motivationnel
 Principes de traitement Le thérapeute mène ensuite un entretien motivationnel. Il
informe le patient sur le jeu pathologique, la définition du trouble,
Les conséquences sociales du jeu pathologique sont souvent ses conséquences. Ces informations rationnelles délivrées aux
le principal motif de consultation. Le patient lui-même ou son patients leur permettent de se dégager en partie du sentiment de
entourage sont exaspérés par les mensonges, les pertes d’argent et culpabilité qu’ils éprouvent. Informer permet aux patients de se
les dettes qui accompagnent la conduite du jeu [34] . déculpabiliser, de replacer leur souffrance dans une dimension de
L’abord direct des problèmes de jeu dès la première consulta- pathologie addictive.
tion, sans agressivité ni complaisance, permet souvent de rassurer Lors de ce travail motivationnel, le thérapeute peut aussi pro-
le patient. Les symptômes de dépendance comportementale sont poser au patient d’établir une balance décisionnelle. Comme dans
systématiquement recherchés (envie irrépressible de jouer, perte tout traitement des addictions, cet outil permet au patient de
de contrôle, tolérance et syndromes de sevrage). La prise en charge penser et pointer les avantages qu’il a à jouer versus ne pas
fait appel à l’un ou plusieurs des traitements suivants : jouer, mais aussi les inconvénients qu’il a à arrêter de jouer ou à
• psychothérapie cognitive et/ou comportementale ; poursuivre.
• psychothérapie de groupe ;
• chimiothérapie. Anamnèse
Dans tous les cas, les techniques psychothérapiques spécialisées Une dimension d’histoire personnelle n’est pas à négliger non
sont associées à une thérapie de soutien qui peut être l’amorce plus dans ce temps de préthérapie. Reconstruire avec le patient
d’une psychothérapie plus approfondie. son anamnèse, le questionner sur l’origine de ce comportement
compulsif, le replacer dans son histoire, confère à la thérapie une
valeur individuelle qui assoit l’alliance thérapeutique [64] .
Soutien relationnel et social
Évaluation et contrat thérapeutique
Aucune méthode de traitement ne remplace ce temps essentiel. Les comportements pathologiques à modifier sont ensuite éva-
La relation thérapeutique est fondée sur l’expérience du clinicien, lués à l’aide d’un autoquestionnaire [23] . Le thérapeute et le patient
son sens de l’empathie. Lors des premiers entretiens, le théra- établissent alors un contrat thérapeutique stipulant le nombre de
peute renforce la motivation du patient qui s’est engagé dans une séances, la fréquence, la durée. On retrouve classiquement des
démarche de soins. Vivre à distance du jeu impose des réaménage- programmes cognitivocomportementaux se déroulant sur dix à
ments profonds des loisirs souvent centrés sur le jeu, des amitiés 12 semaines d’une durée de 60 à 90 minutes [65] .
nouées autour des différentes salles de jeu.
La quasi-totalité de joueurs pathologiques présentent de sévères
difficultés sociales et financières. Certains ont perdu leur emploi et Thérapie cognitive
leur logement et leurs droits sociaux à cause du jeu. Cette situation Pensée, émotion, comportement
de précarité sociale associée à un isolement affectif est un facteur Les patients rapportent qu’ils éprouvent du soulagement juste
majeur de rechutes et de jeu « par désespoir ». Il est donc nécessaire après une séquence de jeu. Mais cette émotion positive n’est que
d’aider les joueurs en intégrant l’action des travailleurs sociaux au de courte durée et laisse place à de l’anxiété, voire à de la culpabi-
processus de soin. lité. Cette culpabilité augmente alors les émotions négatives qui
La persistance d’un état dépressif ou d’une alcoolodépen- elles-mêmes déclenchent de nouvelles séquences addictives.
dance non traités augmente le risque de rechute (recours
« autothérapeutique » au jeu pour lutter contre la dépression, Remise en doute des distorsions cognitives
effets désinhibiteurs de la consommation d’alcool incitant à Le jeu pathologique est sous-tendu par des mécanismes cogni-
jouer). tifs tout à fait surprenants à type de distorsion cognitive.

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Cette forte prévalence peut être expliquée entre autres par le fait Au cas par cas, le thérapeute évalue la légitimité qu’il y a à pro-
que de bonnes capacités de raisonnement numérique, de logique poser à tel patient des expositions in situ. Pour certains patients,
ou de calculs de probabilité n’entravent pas le développement de l’exposition sur un lieu de jeu, au casino par exemple, ne serait pas
distorsion cognitive [66] . bénéfique, serait même antithérapeutique. Il est alors préconisé de
Ces distorsions cognitives amènent donc le patient à dénier le leur apprendre des stratégies d’évitement.
principe même du hasard et d’indépendance des tours [67] .
Plusieurs auteurs ont extrait différents types de distorsion cog-
Techniques d’affirmation de soi
nitive que l’on retrouve dans le jeu pathologique. Lambos et
Delfabbro rapportent le biais de représentativité, le biais de dispo- Le thérapeute peut apprendre au patient des techniques
nibilité, les croyances à propos du hasard, l’illusion de contrôle, d’affirmation de soi sous forme de jeux de rôle par exemple. Le
la personnalisation de l’issue du jeu. Selon eux, la principale patient apprend ainsi à répondre aux sollicitations de jeu qu’il
distorsion cognitive reste l’illusion de contrôle et représente le peut recevoir à l’extérieur [24] .
point central de la thérapie [66] . L’illusion de contrôle amène
le joueur à croire qu’il maîtrise tout ou partie du destin, du Mise en place d’un « journal de bord » ou inventaire
hasard. comportemental
L’autre distorsion cognitive voisine de l’illusion de contrôle est Le thérapeute remet au patient un cahier dans lequel il va
l’illusion de prédictibilité. On la retrouve chez plus de 70 % des pouvoir noter quotidiennement quelles sont les sommes qu’il
joueurs de roulette ou de machine à sous par exemple [24] . Ils ont a jouées, ce qu’il a gagné, ce qu’il a perdu, ce qu’il a contracté
ainsi l’intuition que telle rapidité de coup de main, tels numéros comme dette. Le patient note aussi s’il a ressenti l’envie de jouer.
sortis, influencent le déroulement du jeu. Si l’envie était là, y a-t-il succombé ? Quelle était l’intensité de cette
La première étape de la thérapie consiste donc à identifier les envie ? Quelles émotions a t-il ressenti, de la tristesse, de l’ennui
fausses croyances qui sous-tendent le comportement de jeu chez par exemple ?
le joueur. Concrètement, le thérapeute peut proposer au patient Cet outil très pédagogique permet au thérapeute d’être au plus
de s’autoenregistrer sur cassette lorsqu’il joue. Les joueurs parlent près de ce que vit le patient et d’adapter la thérapie à sa situation
très souvent à voix haute et les autoverbalisations reflètent ces individuelle, le carnet étant repris à chaque séance. De son côté, le
fausses croyances. Cet enregistrement objectif permet au patient patient développe une vigilance aiguë et une compétence à gérer
de se rendre compte par lui-même du discours qu’il peut tenir en les situations stressantes.
situation de jeu. Dans une étude de 2001, Ladouceur et al. montrent qu’une
Une fois ces fausses croyances clairement énoncées, le thé- thérapie cognitive individuelle décroît significativement le
rapeute amène le joueur à questionner leur irrationalité. Cette comportement de jeu pathologique [70] . Dans une autre étude de
mise en doute des fausses croyances permet au patient d’opérer 2003, Ladouceur et al. montrent la même efficacité dans une thé-
une restructuration cognitive. Le thérapeute donne aussi à cet rapie cognitive de groupe [71] .
instant de la thérapie des informations très générales et ration-
nelles sur la notion de hasard, les probabilités de gains, etc.
Mayumi Okuda et al. ont montré que ces pensées étaient très
« accrochées » au patient et subsistaient même après une longue Thérapie de groupe et mouvement d’anciens
période d’abstinence [65] . L’objectif de la restructuration cognitive joueurs
est que le patient puisse par la suite adopter un compor-
tement de jeu plus rationnel, voire cesser toute activité de Les thérapies de groupe peuvent venir soutenir la prise en
jeu. charge individuelle. Cette approche permet également au patient
Un autre objectif de la partie cognitive de la thérapie est de ques- de se mettre lui aussi en position d’aidant face à un patient en
tionner le lien entre argent et estime de soi. En effet, on retrouve difficulté. Il peut lui faire partager sa propre expérience, lui prodi-
souvent en thérapie cette idée sous-jacente « je ne suis quelqu’un guer des conseils. Le groupe favorise une restauration narcissique
de bien que si j’ai beaucoup d’argent ». en mettant le patient à la place de celui qui sait, celui qui peut.
Chaque réussite individuelle profite au groupe.
En 1987, aux États-Unis, a été créé le groupe des Gamblers
Thérapie comportementale Anonymous sur le même mode de fonctionnement que celui des
Analyse fonctionnelle Alcooliques anonymes. Ce groupe a récemment été implanté en
France et compte plus de 180 000 membres dans le monde. En
Il s’agit d’identifier clairement avec le patient quels sont les fac-
France, il existe aussi l’association « SOS joueurs » qui vient en
teurs internes qui favorisent chez lui la survenue d’une séquence
aide aux joueurs dépendants et à leur famille.
compulsive de jeu. Il peut s’agir de conflits familiaux, conjugaux,
de stress au travail, d’inquiétudes plus générales, d’anxiété.
Le thérapeute identifie aussi avec le patient quels sont les fac-
teurs externes qui contribuent à la survenue du jeu. Un simple Programmes thérapeutiques intégrés
bruit de grattage de ticket de jeu, le fait de passer devant un bar
tabac PMU ou à proximité d’un casino, de voir les résultats du Ces programmes développés au Québec et aux États-Unis
tirage du loto, suffisent à déclencher une compulsion de jeu [64] . s’inspirent des prises en charge de l’alcoolisme ou de la toxico-
manie. Ils associent un sevrage comportemental, des thérapies de
Techniques d’exposition graduée et progressive groupe, une aide familiale, un soutien éducatif individuel et des
réunions de groupe. Des séances de lecture, des projections de
Après avoir opéré cette analyse fonctionnelle, le thérapeute et le
films et des séances de psychodrame complètent le programme.
patient établissent une liste de situations à risque susceptibles de
Plus de la moitié des patients (51,4 %) ont vu leur comportement
déclencher une séquence d’achat compulsif. Ces situations sont
pathologique disparaître [72] sous l’effet de ce traitement.
classées de la moins anxiogène à la plus anxiogène. Le théra-
peute apprend alors au patient des techniques de relaxation pour
gérer le stress lors de l’exposition et éviter le déclenchement d’une
compulsion de jeu. Prévention de la rechute
Après une diminution de plus de 50 % de l’anxiété en expo-
sition, le patient passe à la phase suivante ; c’est le caractère Ce temps dans la thérapie est aujourd’hui reconnu comme pri-
progressif qui garantit le succès de l’exposition. L’exposition est mordial dans le traitement des addictions. Il s’agit d’identifier des
à encadrer précisément ; ainsi le joueur ne peut se rendre dans techniques d’aide au maintien de l’abstinence avec l’anticipation
tel lieu de jeu qu’en étant accompagné et bien évidemment sans des risques, la gestion des rechutes, l’identification des situations à
jouer [68] . Le thérapeute peut aussi proposer au patient une tech- risque. Le risque de rechute étant élevé, il est important d’en parler
nique de désensibilisation par imagerie mentale [69] . avec le patient et de mettre au point avec lui un plan d’urgence.

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37-396-A-25  Jeu pathologique

Identification des personnes étayantes connus de la Française des jeux et du PMU. Le poker est très popu-
dans l’entourage laire, utilisant, pour recruter de nouveaux joueurs, la publicité et
les célébrités.
Le thérapeute incite le patient à nommer quelles personnes dans L’association aux autres troubles psychiatriques est habituelle,
sa famille, ses amis, pourraient l’aider en cas de rechute et à leur principalement la dépression et les conduites de dépendance. Le
en faire part. Le thérapeute peut aussi aider le patient à formuler sens de la conduite de jeu fait l’objet d’explications multiples. Les
sa demande d’aide. approches cognitivocomportementales soulignent l’importance
de l’illusion de contrôle et de maîtrise du sort ainsi que la valeur
Identification des déclencheurs, des situations contradépressive du comportement.
à risque Le traitement du jeu pathologique implique la motivation du
Le patient note quelle situation pourrait à l’avenir déclencher sujet, la prise de conscience du caractère morbide de sa conduite.
chez lui une envie de jouer. Il cherche avec le thérapeute dans Les réunions de groupe et les thérapies comportementales sont
quelles autres activités il pourrait trouver du plaisir. utiles. Les expériences nord-américaines et québécoises plaident
en faveur de structures spécialisées proposant de véritables pro-
grammes de soins intégrés associant information, réunion de
Traitements chimiothérapiques groupe, aide familiale et si besoin chimiothérapie. La décou-
verte de l’implication des récepteurs à la dopamine D3 et D4 dans
Quelques observations isolées ont suggéré que le lithium les mécanismes d’addiction au jeu pourra peut-être permettre
pourrait être utile chez les joueurs pathologiques [73] . Haller et d’ouvrir la voie de thérapies biologiques ciblées, toujours associées
Hinterbauer [74] ont rapporté un cas de joueur pathologique traité à la psychothérapie.
de manière efficace par la carbamazépine. Quatre autres observa-
tions ont montré que la clomipramine, antidépresseur tricyclique
à activité sérotoninergique prédominante, était efficace sur le
comportement de jeu [51] . Hollander et al. [75] ont administré de la
 Références
clomipramine à une femme joueuse pathologique présentant des [1] Adès J, Lejoyeux M. Dépendances comportementales : achats compul-
symptômes obsessionnels. La patiente a vu son comportement de sifs, addictions sexuelles, dépendance au travail, kleptomanie, pyromanie,
jeu se réduire sous clomipramine. trouble explosif intermittent, trichotillomanie. EMC (Elsevier Masson SAS,
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ont fait l’objet Paris) Psychiatrie, 37-396-A-20, 1999 : 11 p.
de travaux. Hollander et al. [75] ont traité 16 joueurs pathologiques [2] Huizinga J. Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu. Paris:
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Sept des dix patients traités ont été améliorés. Leur comporte- [3] Fink E. Le jeu comme symbole du monde. Paris: Editions de Minuit; 1993.
ment de jeu s’est réduit de plus de 25 %. Kim [76] a administré en [4] Ribot T. Essai sur les passions. Paris: Librairie Félix Alcan; 1917.
[5] Cotta A. La Société du Jeu. Paris: Editions Fayard; 1993, 272p.
ouvert de la naltrexone pendant neuf mois à 15 joueurs patho-
[6] Loi du 13 mai 2010 ; Loi n◦ 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture
logiques. La naltrexone a réduit l’envie de jouer et la sévérité à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard
du comportement de jeu. Les doses efficaces étaient supérieures en ligne.
à 50 mg/j. [7] Blume SB. Pathological gambling. In: Miller NS, editor. The principles and
Aucune étude contrôlée n’a cependant pu démontrer, à practice of addictions in psychiatry. Philadelphia: WB Saunders; 1997. p.
court terme et a fortiori à long terme, l’effet spécifique d’un 422–32.
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tements médicamenteux ne sont que des traitements d’appoint mental disorders (4th edition, Text Revision). Washington, DC: American
pour le moment, éventuellement associés à la psychothéra- Psychiatric Association; 2000.
pie. [9] Blaszczynski AP, McConaghy N. SCL-90 assessed psychopathology in
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Un espoir vers des thérapies de pharmacogénétique apparaît
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avec la découverte de l’implication des récepteurs à la dopamine sion of internet addiction, 2010.
dans la physiologie de l’addiction au jeu. Ces découvertes res- [11] Wood R, William R, Lawton P. Why do internet gamblers prefer online
tent pour le moment très théoriques et n’ont pas donné lieu à versus land-based venues: some preliminary findings and implications. J
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Le jeu pathologique réalise un tableau clinique dont les prin- gambling in New Zealand. Int J Epidemiol 1994;23:976–83.
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dépendance est souvent secret et méconnu jusqu’à ce que ses [16] Griffiths M, Wardle H, Orford J, Sproston K, Erens B. Sociodemographic
conséquences le trahissent. correlates of internet gambling: findings from the 2007 british gambling
Les joueurs pathologiques sont plus souvent des hommes, prevalence survey. Cyberpsychol Behav 2009;12:199–202.
adultes jeunes ou étudiants, pris au piège de leur désir de gagner [17] Jeux de hasard et d’argent. Contextes et addictions – étude de l’INSERM
et plus encore de tenter le sort, tester sa technique de jeu. Le plai- 2008.
[18] Custer RL. Profile of the pathological gambler. J Clin Psychiatry
sir des premiers gains est transformé en besoin comme dans toute 1984;45:35–8.
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lutte, les résolutions et les remords signent la dépendance. Le jeu J Gambl Stud 1991;7:5–39.
pathologique peut donc être compris comme une conduite addic- [20] Jacobs DF, Marston AR, Singer RD. Children of problem gamblers. J
tive, dont l’objet est le jeu avec le gain ou la perte et la recherche Gambl Behav 1988;4:27–37.
du risque. Avec le toxicomane ou l’alcoolique, le joueur partage [21] Brasey E. La République des jeux. Enquête sur l’univers secret des jeux
la quête avide de l’émotion et du flash, la soumission au besoin, d’argent et de hasard. Paris: Robert Laffont; 1992, 270p.
les affres du manque, l’indifférence apparente aux conséquences, [22] Lesieur HR, Blume SB. When lady luck loses: women and compulsive
le remords sans autre effet que d’aller plus loin encore pour s’en gambling. In: Van Den Bergh N, editor. Feminist perspectives in addictions.
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défaire.
[23] Lesieur HR, Blume SB. The South Oaks Gambling Screen (SOGS): a new
De nouvelles façons de jouer apparaissent depuis quelques instrument for the indentification of pathological gambling. Am J Psychia-
années avec l’explosion de la sphère internet. Internet rend l’accès try 1987;144:1184–8.
au jeu beaucoup plus facile et recrute de nouvelles catégories de [24] Lejoyeux M. Abrégés Addictologie. Paris: Masson; 2009.
joueurs, essentiellement des sujets jeunes, voire des adolescents. [25] McCormick RA, Russo AM, Ramirez LF. Affective disorders among patho-
Parmi les jeux d’argent sur la toile, on retrouve les jeux bien logical gamblers seeking treatment. Am J Psychiatry 1984;141:215–8.

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E. Teruel, Interne.
M. Lejoyeux, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service (michel.lejoyeux@bch.aphp.fr).
A. Basquin, Psychologue comportementaliste.
Maison Blanche, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Teruel E, Lejoyeux M, Basquin A. Jeu pathologique. EMC - Psychiatrie 2014;11(2):1-11 [Article 37-396-A-25].

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