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 37-490-G-10

Personnalité antisociale
M. Bénézech, P. Le Bihan

La personnalité antisociale est un trouble relativement fréquent dans la population générale masculine,
mais sa prévalence est surtout élevée dans les populations de toxicomanes, délinquants incarcérés et
violeurs. Cette pathologie de la personnalité, qui se caractérise par un mépris et une transgression chro-
niques des droits et de la personne d’autrui, trouve son expression la plus sévère dans le tableau clinique
de la psychopathie. Cet article passe en revue les classifications et définitions, les données épidémiolo-
giques, les formes symptomatiques, les relations interpersonnelles, les diagnostics positif et différentiel, les
comorbidités et troubles associés, les modèles étiopathogéniques et psychopathologiques, l’évaluation,
les perspectives thérapeutiques. Le pronostic de ce trouble, longtemps considéré comme très réservé,
semblerait maintenant plus favorable grâce à une stratégie thérapeutique de longue durée, structurée et
complète, associant psychothérapie, cognitivocomportementalisme et psychotropes. La prévention passe
en particulier par la prise en charge du trouble des conduites dans l’enfance.
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Mots-clés : Comorbidité ; Criminalité ; Étiopathogénie ; Personnalité antisociale ; Personnalité dyssociale ;


Pharmacologie ; Psychopathie ; Psychothérapie

Plan ■ Comorbidités et troubles associés 7


■ Étiopathogénie, psychopathologie 7
■ Introduction 1 Approches génétiques 7
■ Classifications et définitions 2 Approches neurophysiologiques 8
CIM-10 (1992) 2 Approches transgénérationnelles 8
DSM IV-TR (2000) 2 Approches psychosociales 8
DSM V 2 Approches socioéconomiques 8
Rapport d’orientation sur la psychopathie (2006) 3 Approches psychanalytiques 8
Continuum entre TPAS et psychopathie 3 Approches cognitives 10
■ Évaluations 10
■ Épidémiologie 3
Évaluation clinique 10
■ Clinique de base 3 Évaluation instrumentale 10
Style de personnalité antisociale 3
■ Approches thérapeutiques 11
Personnalité criminelle 4
Personnalité antisociale 4 Considérations générales 11
Personnalité psychopathique 4 Psychothérapie individuelle 12
Thérapie de groupe 13
■ Relations interpersonnelles 5 Thérapie de couple et familiale 13
Style émotionnel et relationnel 5 Thérapie systémique 13
Perception de soi 5 Thérapie institutionnelle 13
Perception d’autrui 5 Traitements pharmacologiques 13
Gestion du comportement 5 Approches intégratives 14
■ Évolution spontanée 6 ■ Prévention 14
■ Diagnostic positif 6 ■ Conclusion 14
■ Diagnostic différentiel 6
Normalité 6
Comportement antisocial répétitif de l’adulte 6
Trouble des conduites 6  Introduction
Trouble oppositionnel avec provocation 6
Trouble déficit de l’attention/hyperactivité 6 Le « trouble de la personnalité antisociale » (TPAS) existe-t-il
Trouble explosif intermittent 7 comme entité clinique originale ? N’est-ce pas tout simplement la
Autres troubles de la personnalité 7 condition « naturelle » de l’homme mû par ses instincts, l’homme,
Héboïdophrénie 7 ce loup pour l’homme ? Est-il étonnant qu’un banal et apparem-
Psychoses et troubles de l’humeur 7 ment inoffensif voisin soit capable de vous dépouiller, de vous

EMC - Psychiatrie 1
Volume 9 > n◦ 4 > octobre 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-1072(12)60008-X

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37-490-G-10  Personnalité antisociale

dénoncer et de vous envoyer quelquefois à la mort dans certaines DSM IV-TR (2000)
circonstances (émeute, révolution, guerre) au cours desquelles
les instances normatives démocratiques (police, justice) se sont Le DSM IV-TR situe pour sa part le TPAS (F60.2 [301.7]) dans
affaiblies ou ont provisoirement disparu ? Le mafieux, par ailleurs le groupe B des troubles de la personnalité qui comprend en
père de famille attentionné et citoyen intégré, est-il un anormal outre les personnalités borderline, histrionique et narcissique, ces
mental alors que l’on responsabilise et condamne les agresseurs sujets apparaissant souvent « sous un jour théâtral, émotif et capri-
sexuels et même les psychotiques meurtriers ? Pour schématiser, cieux ». Là encore, les notions de précocité, de sévérité et de durée
la sociopathie n’est-elle pas tout simplement l’expression dans du trouble sont présentes. Il s’agit d’un « mode général de mépris
le réel du « ça » freudien privé du contrôle permanent du sur- et de transgression des droits d’autrui qui apparaît dans l’enfance
moi social ? Avons-nous tous, dans les conditions habituelles ou au début de l’adolescence et qui se poursuit à l’âge adulte.
de la vie collective, un fonds de personnalité dyssociale plus Ce tableau a aussi été nommé psychopathie, sociopathie ou per-
ou moins refoulée ? Ne confondons-nous pas, comme le font sonnalité dyssociale » [2] . Ainsi, pour les grandes classifications
la classification statistique internationale des maladies et des internationales, personnalité antisociale (dyssociale) et psycho-
problèmes de santé connexes-10e révision (CIM-10) et le diag- pathie sont synonymes, ce que nous ne croyons pas sur le plan
nostic and statistical manual of mental disorders-IV-text revision clinique.
(DSM IV-TR), ledit TPAS avec la traditionnelle « psychopathie » On trouvera sur le Tableau 1 les critères de la CIM-10 et du
(du « déséquilibré psychique »), la première faisant principale- DSM IV-TR pour la personnalité antisociale.
ment référence à l’atteinte aux normes sociales et aux droits
d’autrui, alors que la seconde comporte classiquement des élé-
ments psychopathologiques plus graves et plus nombreux, en sus DSM V
du caractère particulier de la biographie ? Pour répondre à ce ques-
tionnement, il faut commencer par savoir de quoi et de qui l’on Les propositions de révision (DSM V) des troubles de la person-
parle. nalité retiendraient pour le TPAS (antisocial personality disorder,
dyssocial personality disorder) les critères suivants que nous résu-
mons.
 Classifications et définitions A. Perturbations significatives dans le fonctionnement de la per-
sonnalité :
CIM-10 (1992) • Dans le fonctionnement personnel (a ou b) : a) identité
(égocentrisme, estime de soi provenant de gains person-
La CIM-10 range la « personnalité dyssociale » (F60.2) dans les nels, pouvoir ou plaisir) ; b) conduite–self-direction–(objectif
troubles de la personnalité et du comportement chez l’adulte (de basé sur la gratification personnelle, absence de standards
F60 à F69) et plus précisément dans la catégorie des troubles spé- internes sociaux associée à une difficulté à se conformer aux
cifiques de la personnalité (F60). Cette dernière concerne « les normes légales, culturelles et éthiques).
perturbations sévères de la personnalité et des tendances com- • Dans le fonctionnement interpersonnel (a ou b) : a) empa-
portementales de l’individu non directement imputables à une thie (manque d’intérêt pour les sentiments, les besoins ou
maladie, une lésion, ou une autre atteinte cérébrale, ou à un autre la souffrance d’autrui, manque de remords) ; b) intimité
trouble psychiatrique ». Il est ensuite précisé que ces perturbations (incapacité aux relations intimes mutuelles, usage de la
apparaissent habituellement durant l’enfance ou l’adolescence et dominance ou de l’intimidation pour contrôler les autres).
qu’elles persistent pendant tout l’âge adulte. Ainsi, la personnalité B. Traits de personnalité pathologiques :
dyssociale se présente comme un trouble chronique sévère, mais • Opposition : a) manipulation (subterfuges, séduction,
pas comme une véritable maladie mentale, se caractérisant par un charme, faconde) ; b) tromperie (malhonnêteté, fraude,
« mépris des obligations sociales et une indifférence froide pour mensonge) ; c) insensibilité ; d) hostilité (colère, irritabilité,
autrui ». La CIM-10 inclut sous la même rubrique taxonomique comportement vengeur).
les personnalités amorale, antisociale, asociale, psychopathique, • Désinhibition : a) irresponsabilité (non-respect des obliga-
sociopathique. Sont exclus la personnalité émotionnellement tions, accords et promesses) ; b) impulsivité ; c) prise de
labile (F60.3) et le trouble des conduites (F91) [1] . risque (activités dangereuses).

Tableau 1.
Les classifications CIM-10 et DSM IV-TR proposent des descriptions très proches.
Critères de la personnalité dyssociale selon la CIM-10 (1992) F60.2 : Critères de la personnalité antisociale selon le DSM IV-TR (2000) F60.2
personnalité dyssociale (301.7) : personnalité antisociale
Trouble de la personnalité habituellement repéré en raison de l’écart A. Mode général de mépris et de transgression des droits d’autrui qui
considérable qui existe entre le comportement et les normes sociales survient depuis l’âge de 15 ans, comme en témoignent au moins trois des
établies. Il est caractérisé par : manifestations suivantes :
- une indifférence froide envers les sentiments d’autrui - incapacité de se conformer aux normes sociales qui déterminent les
- une attitude irresponsable manifeste et persistante, un mépris des normes, comportements légaux, comme l’indique la répétition de comportements
des règles et des contraintes sociales passibles d’arrestation
- une incapacité à maintenir durablement des relations, alors même qu’il - tendance à tromper par profit ou par plaisir, indiquée par des mensonges
n’existe pas de difficulté à établir des relations répétés, l’utilisation de pseudonymes ou des escroqueries
- une très faible tolérance à la frustration et un abaissement du seuil de - impulsivité ou incapacité à planifier à l’avance
décharge de l’agressivité, y compris de la violence - irritabilité ou agressivité, indiquées par la répétition de bagarres ou
- une incapacité à éprouver de la culpabilité ou à tirer un enseignement des d’agressions
expériences, notamment des sanctions - mépris inconsidéré pour sa sécurité ou celle d’autrui
- une tendance nette à blâmer autrui ou à fournir des justifications - irresponsabilité persistante, indiquée par l’incapacité répétée d’assumer un
plausibles pour expliquer un comportement à l’origine d’un conflit entre le emploi stable ou d’honorer des obligations financières
sujet et la société - absence de remords, indiquée par le fait d’être indifférent ou de se justifier
Le trouble peut s’accompagner d’une irritabilité persistante après avoir blessé, maltraité ou volé autrui
La présence d’un trouble des conduites pendant l’enfance ou l’adolescence B. Âge au moins égal à 18 ans
renforce le diagnostic, mais un tel trouble n’est pas toujours retrouvé C. Manifestations d’un trouble des conduites débutant avant l’âge de 15 ans
D. Les comportements antisociaux ne surviennent pas exclusivement
pendant l’évolution d’une schizophrénie ou d’un épisode maniaque
CIM-10 : classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes-10e révision ; DSM IV-TR : diagnostic and statistical manual of mental
disorders-IV-text revision.

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C. Ces perturbations sont relativement stables dans le temps et


les circonstances.  Épidémiologie
D. Ces perturbations ne sont pas considérées comme normales
dans la période de développement de l’individu ou dans Selon les pays, les variations culturelles et les critères diag-
l’environnement socioculturel. nostiques des recherches épidémiologiques, ce trouble de la
E. Ces perturbations ne sont pas dues à l’effet physiologique personnalité concernerait entre 0,2 % et 3,7 %, de la population
d’une substance (drogue, abus de médicament) ou à une affec- générale [3, 7, 8] . La prévalence globale dans cette population serait
tion médicale générale (traumatisme crânien grave). de l’ordre de 3 % chez l’homme et de 1 % chez la femme [2, 4, 9] .
Côté et al. (2000), dans une revue d’ensemble sur les travaux
utilisant l’échelle de psychopathie de Hare (psychopathy checklist,
Rapport d’orientation sur la psychopathie revised : PCL-R) obtiennent les résultats suivants : chez les déte-
nus masculins, les taux de prévalence se situent entre 3 % et
(2006) 39,2 %, alors que chez les femmes détenues les chiffres varient
Le rapport d’orientation sur la psychopathie de la Haute de 11 % à 37,5 % (rares études sur des échantillons restreints) ;
Autorité de santé (HAS), tout en critiquant les classifications inter- chez les pédophiles et délinquants sexuels non violeurs, les taux
nationales, ne donne aucune réponse claire à la définition de la s’échelonnent de 3 % à 15 %, mais, chez les violeurs, ils se situent
psychopathie, se contentant de se référer à une « organisation de la entre 35 % et 77 % ; dans le groupe hétérogène des toxicomanes,
personnalité à expression psychopathique » et non à « une mala- les chiffres pour les deux sexes vont de 23,3 % à 40,1 % ; dans
die mentale ». Cette distinction, qui joue sur les mots sans rien les populations de patients atteints de troubles psychiatriques
changer à la réalité du concept et des faits, est d’ailleurs tout à graves, la prévalence oscille généralement entre 0 % et 13 %, les
fait critiquable, les troubles complexes de la personnalité appar- chiffres maximaux étant obtenus chez les hommes schizophrènes
tenant indiscutablement aux troubles mentaux et une personne (26,1 %). Des chiffres plus élevés sont retrouvés chez les déte-
atteinte d’une forme sévère de « psychopathie » pouvant être beau- nus en utilisant les critères DSM ou CIM (70 %) [10] . Enfin, dans
coup plus handicapée psychopathologiquement et socialement la population générale, Hare émet l’hypothèse que le taux de
que nombre de « malades », soignés ou non, souffrant de troubles prévalence serait d’environ 1 % (cité par Côté et al. [10] ). Quoi
psychiatriques divers. La HAS note que la personnalité de base qu’il en soit, le sexe masculin est prévalent dans toutes les
du psychopathe se caractérise par trois types de défaillances : du recherches.
narcissisme (état limite, personnalité borderline), de la maîtrise
comportementale, du contrôle émotionnel [3] .
 Clinique de base
Continuum entre TPAS et psychopathie
Ici commencent les difficultés majeures selon la définition, la
Le continuum entre TPAS et psychopathie est maintenant place et l’approche structurale que l’on donne au TPAS. Nous
accepté. Le National Institute for Health and Clinical Excellence allons progresser du plus simple au plus complexe, du plus
(NICE, 2009) indique que : « People with psychopathy and people restreint au plus général, du presque normal au plus patholo-
who meet criteria for dangerous and severe personality disorder (DSPD) gique.
represent a small proportion of people with antisocial personality disor-
der » [4] . Le NICE (2009) précise que les termes psychopathie et
trouble sévère de la personnalité sont quelquefois employés pour Style de personnalité antisociale
décrire les personnes qui ont des symptômes sévères ou extrêmes
et qui présentent un risque sérieux pour les autres [5] . Selon Coid et Sperry (2003) fait une intéressante distinction entre style et
Ullrich (2010), psychopathie et TPAS ne sont pas des entités diag- trouble de la personnalité antisociale. Pour cet auteur, les person-
nostiques séparées, mais la psychopathie, associée aux critères du nalités antisociales forment un continuum du normal (healthy) au
TPAS, présente une comorbidité avec les personnalités schizoïde et pathologique, le style de personnalité antisociale se situant à la fin
narcissique ainsi qu’un risque plus élevé de conduites violentes et de la normalité alors que le TPAS est placé à la fin de la pathologie.
de condamnations. La psychopathie serait donc une forme sévère On trouvera sur le Tableau 2 une traduction libre de la table 2.1
du TPAS seul [6] . (p. 39) de son ouvrage [9] .

Tableau 2.
Comparaison entre style et trouble de la personnalité antisociale (d’après Sperry [9] ) a .
Style de personnalité Trouble de personnalité
Préfère une vie indépendante et vit bien de ses talents, compétence, Incapable d’avoir un comportement professionnel régulier
ingéniosité, et habiletés Ne peut pas se conformer aux normes sociales par rapport au
Tend à vivre selon son propre code interne de valeurs et est peu influencé comportement légal, accomplissant des actes antisociaux qui sont cause
par les autres ou les normes sociales d’arrestation (violation de la loi)
À l’adolescence était généralement un important faiseur de scandales et Irritable et agressif comme l’indique ses violences physiques ou ses
d’histoires agressions
Tend à être généreux avec l’argent Échecs répétés à honorer ses obligations financières, croyant qu’au fur et à
Tend à être émerveillé par la soif de richesse, mais est capable d’établir des mesure que l’argent est dépensé on en trouvera d’autre
plans et des engagements, quoique pour une durée de temps limitée Échec à planifier, ou impulsif comme indiqué par sa vie indécise, sans
Tend à être éloquent, bien doué dans l’art de se faire des amis travail prévu d’avance ou buts bien déterminés
Tend à être courageux, physiquement audacieux et tenace ; résistera à ceux Fait peu de cas de la vérité comme l’indiquent ses mensonges répétés,
qui prennent avantage sur lui l’usage de fausses identités, ou la tromperie d’autrui pour un profit
N’a pas tendance à trop s’inquiéter pour les autres, supposant que les autres personnel ou le plaisir
sont responsables d’eux-mêmes Imprudent en ce qui concerne sa sécurité personnelle et celle des autres
A une forte libido, et quoiqu’il puisse désirer plusieurs partenaires, peut comme l’indiquent sa conduite automobile sous toxiques ou ses excès de
rester monogame vitesse répétés
Tend à vivre dans le présent et ne se sent pas très culpabilisé Comme parent ou tuteur manque d’aptitude à être un parent responsable
N’a jamais assumé une relation monogame totale pendant une longue
période de temps
Manque de remords (se sent justifié d’avoir nui aux autres, de les avoir
maltraités ou volés)
a
Traduction libre des auteurs. Le texte a été mis au singulier.

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Personnalité criminelle morale (moral insanity, 1835). Par la suite, en 1923, Schneider, de
l’école allemande, en a fait un groupe disparate, selon l’altération
Pinatel (1963) reprend son hypothèse d’un noyau central de la dominante d’une caractéristique mentale, sous la dénomination
personnalité criminelle constitué de quatre traits psychologiques. de « personnalités psychopathiques ». Il décrit ainsi dix types
Pour cet auteur, la nature de ces facteurs est commune aux non- de pathogénie constitutionnelle : psychopathe hyperthymique,
délinquants et aux délinquants, mais leur niveau quantitatif est dépressif, doutant de lui-même, fanatique, orgueilleux égocen-
plus élevé chez ces derniers où ils dominent la personnalité et trique, à humeur labile, explosif, pervers, aboulique, asthénique.
engagent le comportement antisocial. Ces éléments sont les sui- Cette école anglo-saxonne insistait sur l’aspect sociopathique, per-
vants : sonnalité qui agresse la société (social breakdown). Enfin, l’école
• l’égocentrisme, ou tendance à tout rapporter à soi-même sur les psychiatrique française a modifié ce concept en lui donnant un
plans intellectuel, affectif et social, rend compte du fait que le sens à la fois plus restreint et plus riche. Les psychopathes sont
criminel n’est pas retenu par l’opprobre social ; des sujets dont les facultés intellectuelles et, surtout, la lucidité
• la labilité, ou instabilité des affects et du comportement avec restent habituellement normales, mais qui souffrent d’un déséqui-
soumission aux désirs, explique qu’il ne se soucie pas des sanc- libre psychique, de troubles caractériels ou de perversions, le tout
tions encourues ; paraissant inné ou secondaire à d’autres troubles mentaux. Ils pré-
• l’agressivité, élément incitateur de l’infraction, qui lui permet sentent trois difficultés majeures : s’intégrer durablement dans un
de triompher des obstacles matériels qu’il pourrait rencontrer système social donné, établir une relation authentique de réci-
au moment du crime ; procité, régler leurs conduites du fait d’une incapacité à négocier
• l’indifférence affective, ou insensibilité à la souffrance d’autrui leurs désirs dans le temps. Selon les écoles de pensée, les personna-
et absence de culpabilité, qui lui permet de surmonter l’odieux lités psychopathiques se situent quelque part en dehors ou entre
de l’exécution de l’acte et de ses conséquences matérielles et les névroses et les états psychotiques. Deniker et Sempé (1967),
humaines [11] . s’interrogeant sur la situation nosographique des personnalités
Si le noyau central, dans sa globalité, donne la formule psychopathiques, soulignent la constance de traits psychotiques
de la capacité criminelle, ou seuil délinquantiel, l’agressivité et surtout névrotiques dans chaque cas, ces personnalités patho-
et l’indifférence affective donnent celle de la nocivité, alors logiques se situant « à mi-chemin entre la psychose et la névrose ».
que l’égocentrisme et la labilité sous-tendent l’inintimidabilité. Selon ces auteurs, certaines formes nettement névrotiques seraient
Notons que les quatre traits du noyau central émergent transi- ainsi davantage accessibles à la psychothérapie [13] . Bergeret (1975)
toirement au cours du processus de maturation criminelle chez pense que les psychopathes sont des « individus inadaptés » dont
l’antisocial occasionnel grave, alors qu’ils se structurent, se soli- la structure peut être aussi bien d’ordre psychotique que névro-
difient et se chronicisent chez les multirécidivistes. Les études tique, ou « de statut limite-dépressif » [14] .
empiriques de validation ont confirmé l’intérêt du concept de per- Les auteurs classiques distinguaient le « déséquilibre simple »
sonnalité criminelle pour rendre compte de la délinquance grave et le « déséquilibre psychopathique ou complexe ». Le déséqui-
et persistante dans le temps, plus d’un récidiviste sur deux présen- libre simple, totalement obsolète et hors question, ne nous
tant une association de deux, trois ou quatre éléments descriptifs retiendra guère. On rangeait sous ce qualificatif la mythomanie,
du noyau central. Chez les criminels persistants, cette association l’hyperémotivité, l’instabilité psychomotrice, la psychasthénie,
semble relativement stable dans le temps et est décelable relative- la cyclothymie, l’excitation psychique chronique, la paranoïa
ment tôt, entre 12 ans et 15 ans [12] . constitutionnelle, la schizoïdie, l’épileptoïdie ou constitution gli-
schroïde. Le déséquilibre complexe se caractérise avant tout par
la biographie particulière du patient : l’existence psychopathique.
Personnalité antisociale Ledit psychopathe est un instable sentimental, affectif, profes-
sionnel, social. Il finit par être rejeté par les personnes et les
Si le modèle proposé par Pinatel ne fait appel qu’à
groupes de son entourage : « le psychopathe est quelqu’un que l’on
l’augmentation quantitative de quatre traits psychologiques, sans
n’aime pas ». Son comportement est problématique dès l’enfance.
référence à un trouble mental identifié et reconnu, le TPAS décrit
Quelques formes cliniques sont traditionnelles :
dans les classifications internationales [1, 2] constitue, nous l’avons
• la forme majeure, avec des passages à l’acte répétitifs bru-
déjà noté, une pathologie de la personnalité. Cet état touche
taux, auto- et hétéroagressifs, mal motivés, survenant dans un
majoritairement le sexe masculin, concerne l’adulte, reste stable
vécu chronique d’injustice, de méfiance et d’hostilité coléreuse,
au cours de la vie et est généralement précédé d’un trouble des
d’idées de vengeance, de frustration, de sentiments anxieux,
conduites dans l’enfance.
dysphoriques ou dépressifs, de productions mythomaniaques ;
Ses caractéristiques comportementales principales peuvent être
• la forme mineure, compatible avec une insertion sociale et fami-
résumées ainsi :
liale à minima ;
• mépris des normes légales et des obligations sociales ;
• la forme complète, où existent de surcroît des errances, des
• mépris des droits et de la sécurité des autres ;
fugues, des voyages pathologiques ;
• transgressions multiples ;
• la forme tardive, de l’âge mûr, en rapport avec des éléments
• inconséquence, irresponsabilité, incapacité à maintenir les
dépressifs réactionnels à des événements importants ;
engagements ;
• la forme clinique de la femme, facilement confondue avec
• inamendabilité malgré les expériences vécues et les sanctions
l’hystérie.
pénales.
Gayral (1974), citant Borel, en donne le tableau synthétique
Ses caractéristiques psychopathologiques principales sont les sui-
suivant : « Le début est précoce, visible dès l’adolescence, impulsi-
vantes :
vité, instabilité générale : motrice, des sentiments, de profession,
• indifférence froide pour autrui ;
de buts, labilité émotionnelle, immédiatisme de la satisfaction
• tendances au mensonge, à la manipulation et à la tromperie ;
hédonique, tendance à la délinquance sous toutes formes, à
• faible tolérance à la frustration, irritabilité, impulsivité, agressi-
l’alcoolisme, à la toxicomanie, absence de persévérance, de pro-
vité, violence ;
fondeur de réflexion, mauvaise tolérance à la frustration, crises
• instabilité affective et professionnelle ;
de dépression et suicide impulsif, immoralité sexuelle, mépris
• absence de culpabilité vécue avec minimisation des conséquen-
des usages ; l’évolution est continue et indéfinie, irréductibilité
ces des actes et tendance à rejeter la faute sur les victimes ou la
des troubles et des tendances, inefficacité des essais de rééduca-
collectivité.
tion. Il y a des degrés, forme simple ou mentalité subnormale,
formes agitées et formes passives, formes graves avec troubles
Personnalité psychopathique importants du comportement et délinquance majeure, épisodes
psychotiques » [15] .
Un mot d’histoire s’impose maintenant. Cette entité nosogra- L’évolution naturelle au long cours se fait en réalité vers la
phique a d’abord été décrite au XIXe siècle par l’école psychiatrique sédation progressive, l’extinction des comportements instables,
anglaise (Pritchard, Maudsley) comme une perversion de la impulsifs et déviants à mesure que l’âge avance. Nombre

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de psychopathes décèdent jeunes par suicide, rixe, accident, d’ennui, propos désabusés chez un sujet qui en a trop vu et qui
complications liées aux addictions. Les complications psychia- est revenu de tout ; contact d’allure paranoïaque avec méfiance,
triques sont la somatisation, les troubles anxieux et de l’humeur réticence, rigidité oppositionnelle, jalousie non exprimée, le tout
(défense maniaque, dépression chronique ou récurrente, trouble fréquemment marqué d’un caractère théâtral et démonstratif [13] .
bipolaire), l’autolyse et l’automutilation, les bouffées délirantes Dès que les choses se compliquent ou « tournent mal », un sou-
(troubles schizophréniformes), l’alcoolisme et les divers abus dain passage à l’acte plus ou moins grave est à redouter : menaces,
et dépendances à des substances psychoactives (tabac, produits cris, insultes, altercation, coups et blessures, homicide, viol extra-
illicites, médicaments). Les complications somatiques sont en rap- ou intrafamilial, automutilation, suicide. Il est classique de sou-
port avec les addictions (overdose, infections, cancers) et les autres ligner la facilité de contact des psychopathes et l’importance des
conduites à risques. Les complications sociales sont la criminalité attitudes de surcompensation et d’affirmation.
sexuelle et non sexuelle, l’incarcération, le parasitisme institution-
nel, le chômage, la prostitution, le rejet, la marginalisation, la
clochardisation [16] . Perception de soi
À lire ce tableau clinique traditionnel on ne peut que s’étonner Foncièrement insécure, immature et anxieux, en dépit
du nombre de symptômes partagés avec la « personnalité émo- d’attitudes volontaristes, provocatrices et de bravades, le psy-
tionnellement labile », à la fois dans ses types impulsif et chopathe se veut fort, compétitif, courageux, hors des sentiers
borderline, de la CIM-10 (F60.3) et avec la « personnalité border- battus, s’affirmant sans répit dans la domination et l’action.
line » du DSM IV-TR (F60.31 [301.83]). Ces éléments communs L’engagement dans des corps militaires durs est classique. Tête
sont : humeur dysphorique, périodes anxieuses, instabilité affec- brûlée, il peut être un excellent soldat en temps d’opérations exté-
tive, explosions émotionnelles avec colères intenses inadaptées, rieures et de guerre, les difficultés réapparaissant lors de la vie
comportement impulsif et querelleur, conduites dangereuses, rela- quotidienne et banale en caserne (désertion, refus d’obéissance).
tions conflictuelles et manipulatrices avec les autres, tendances Certains n’hésitent pas à se blesser volontairement pour intimi-
autodestructrices, moments délirants. Selon l’expérience des psy- der par l’émission de sang et faire céder une opposition, tout
chiatres européens, la psychopathie, au sens fort du terme, est particulièrement en milieu carcéral. L’automutilation les détend,
donc l’association de traits de personnalité antisociale et de traits diminuant ou faisant provisoirement disparaître la tension psy-
de personnalité borderline des classifications internationales. chologique, l’angoisse dépressive profonde, en sus de sa valeur
Une personne délinquante diagnostiquée comme psychopathe manipulatrice. Contrairement à l’affirmation qui prétend que, à
présente nécessairement une personnalité antisociale, alors que l’exemple du pervers, le psychopathe ne souffre pas, se contentant
l’inverse n’est pas systématique. La psychopathie se présente donc de faire souffrir les autres, son éprouvé personnel est souvent dou-
comme la forme clinique la plus sévère et la plus pathologique du loureux devant l’échec de sa vie sentimentale et de ses entreprises,
TPAS. de sa propre violence et de son incapacité à la comprendre et à y
faire face. Sa revendication affective n’est pas exprimée comme
telle, car il la ressentirait comme une faiblesse. Elle ne se traduit
 Relations interpersonnelles que sous la forme d’une exigence agressive. Un sentiment chro-
nique de revanche et de revendication alimente son narcissisme
Il faut d’abord préciser que tous les « psychopathes » ne sont mégalomaniaque, son besoin de toute-puissance, sa confiance en
pas des criminels inadaptés. Parmi les plus intelligents et les soi superficielle et son mépris des conventions et de la sécurité
moins gravement atteints, quelques-uns parviennent à une inser- d’autrui. Le psychopathe fait souffrir les autres pour ne pas souffrir
tion sociale réelle, à satisfaire aux obligations collectives, pouvant lui-même.
même obtenir des emplois publics, des mandats électoraux,
des positions de leadership (successful psychopaths). Plus tard, il
arrive quelquefois, lorsqu’ils ont abusé de leurs prérogatives, que Perception d’autrui
l’immaturité de leur sens éthique se révèle au grand jour dans Même s’il se présente sous un aspect sympathique et inof-
des procès médiatiques. Addad et Bénézech (1988) ont montré fensif, le psychopathe cherche toujours à exploiter les faiblesses
que, paradoxalement, les délinquants incarcérés ont un niveau de des autres personnes, qu’il considère comme à sa disposition
« jugement moral » général plus élevé que les non-délinquants [17] . pécuniaire ou sexuelle. C’est finalement un prédateur utilitariste
Cela conforte l’hypothèse que les psychopathes ont générale- par surcompensation qui recherche avant tout pouvoir, plaisir
ment la connaissance intellectuelle des interdits légaux, de la et réassurance. Méfiant et calculateur, manquant d’empathie, la
distinction entre les notions de bien et de mal, la pauvreté de souffrance de ses victimes lui est généralement indifférente. Ses
leur élaboration mentale et leur problématique émotionnelle les remords sont habituellement peu sincères et de courte durée,
handicapant pour intérioriser ces valeurs et en tirer des conclu- exprimés du bout des lèvres, et destinés à tromper les repré-
sions pratiques socialement admissibles [17–20] . Ils auraient même sentants du système répressif (police, justice). Les simulateurs
la connaissance affective et la capacité théorique d’imaginer et hospitalisés ayant obtenu l’acquittement pour folie (insanity) ont
de décrire les sentiments d’amour et de haine [21] . Nous expose- plus fréquemment le diagnostic de TPAS ou de sadisme sexuel
rons ci-dessous les relations interpersonnelles des psychopathes que les non-simulateurs [22] . Dans certaines circonstances (chef ou
antisociaux ordinaires (unsuccessful psychopaths). responsable prestigieux), le psychopathe peut s’identifier plus ou
moins durablement à ce modèle idéal et mettre en jeu sa vie pour
Style émotionnel et relationnel servir sa cause.

Il peut être extrêmement variable chez la personne à expression Gestion du comportement


psychopathique selon les situations, l’humeur du moment et la
prise de toxiques (alcoolisation) : tantôt enjôleur, souriant, séduc- Quelques psychopathes très intelligents, pervers et/ou mani-
teur, agréable, manipulateur, tantôt jouissif dédaigneux, tantôt pulateurs, sont capables de ruses élaborées et de conduites bien
indifférent, froid, superficiel, tantôt méprisant et rejetant, tan- planifiées pour arriver à satisfaire leurs penchants antisociaux. Il
tôt morose, désintéressé, ennuyeux, tantôt hostile, vindicatif, en est ainsi des « chevaliers d’industrie » et des sadiques meur-
récriminateur, tantôt agressif, menaçant, coléreux, exalté, cyclo- triers sexuels en série. En général, le déficit de l’élaboration verbale
thymique, hyperexpressif, tantôt pseudorepentant avec remords et de la pensée, la pauvreté de la fantasmatisation non agie les
peu sincères. rend incapables de gérer correctement leurs émotions et leurs
Deniker et Sempé (1967) distinguent trois modes essentiels de besoins, d’où des mouvements d’humeur et des passages à l’acte
contact pouvant se rencontrer alternativement chez un même brusques souvent inadaptés. Impatients, ne pouvant différer leurs
psychopathe : contact d’allure hystérique et mythomaniaque avec désirs, ils vivent dans le présent immédiat, sans compromis, ni
besoin de plaire, de séduire, d’être complice avec l’interlocuteur ; inhibitions : cette toxicomanie de l’action a pu faire dire que
contact d’allure dépressive avec asthénie, passivité, sentiments chez le psychopathe « l’impulsion va directement dans le muscle

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sans passer par le cerveau ». Domination, valorisation, instabi- en revue les multiples symptômes de la psychopathie. On trou-
lité, impulsivité et amoralité sociale sont les traits principaux qui vera plus loin au chapitre « évaluation » l’approche instrumentale
conditionnent leur comportement général envers la collectivité : du diagnostic de TPAS.
pour eux, la norme est triste, l’action seule leur permettant de
se sentir vivants. Ne tirant de leurs actes et des sanctions qui les
frappent aucune conclusion raisonnable, ils répètent inlassable-  Diagnostic différentiel
ment les mêmes erreurs, témoignant ainsi de leur irresponsabilité
et de leur inamendabilité. Sur le plan interpersonnel, ils oscillent Normalité
volontiers entre l’angoisse de séparation ou d’abandon et celle
de fusion, d’intrusion étrangère. Cette compulsion de répétition Chez un adolescent ou un adulte, toute action paraissant de
dans la déviance, dans la relation d’objet ambivalente et dans la nature psychopathique ne relève bien entendu pas obligatoi-
durée sont une des principales caractéristiques du TPAS. rement d’un déséquilibre de la personnalité. Certains traits de
comportement (par exemple, braver les limites) de l’adolescent
non pathologique en crise juvénile peuvent ressembler à ceux
 Évolution spontanée décrits dans l’organisation psychopathique. La colère, l’usage de la
force sont des moyens normaux de défense et de survie dans des
L’on sait empiriquement que la psychopathie évolue spontané- circonstances particulières. Un facteur de stress important, une
ment dans le temps vers une sédation des troubles du caractère et injustice grave, un accident physique ou mental peuvent entraî-
des manifestations criminelles. Le vieillissement naturel, souvent ner occasionnellement une conduite délinquante réactionnelle
perceptible dès la fin de la trentaine, entraîne une diminution plus ou moins sérieuse chez une personne jusqu’alors bien adaptée
progressive des conduites dangereuses pour autrui et eux-mêmes socialement et sans antécédents psychiatriques et judiciaires. Le
et donc du risque important de surmortalité. Il s’agirait davan- diagnostic du DSM est alors celui de troubles de l’adaptation avec
tage d’une diminution de l’énergie que d’un changement de perturbation des conduites (F43.24 [309.3]) ou avec perturbation
structure de la personnalité. L’âge, le mariage, l’activité profes- à la fois des émotions et des conduites (F43.25 [309.4]).
sionnelle sont des éléments favorables. La maturité venant, les
survivants se « rangent » dans des situations précaires ou sont
assistés en foyers d’hébergement. Contrairement aux personna-
Comportement antisocial répétitif de l’adulte
lités paranoïaque et narcissique, il est rare qu’un psychopathe Les adultes exempts de troubles mentaux, ou qui ne remplissent
grave parvienne à des positions sociales importantes, sa patho- pas tous les critères de la personnalité antisociale, peuvent avoir
logie empêchant son intégration dans des structures facilitant une activité criminelle régulière, soit comme activité principale
son ascension hiérarchique. Lorsqu’ils travaillent, c’est souvent (professionnels qui vivent exclusivement du crime), soit comme
dans des emplois intérimaires ou contractuels comme militaires, activité secondaire. À titre d’exemple, il en est ainsi des personnes
chauffeurs-routiers, manœuvres, cascadeurs, saisonniers, forains, qui travaillent normalement le jour et cambriolent la nuit, des
artistes-créateurs [23, 24] . La multiplicité et la variété des postes et antiquaires qui recèlent et recyclent des antiquités volées, des
des stages de formation qu’ils ont occupés, entre leurs périodes retraités qui cultivent et vendent des substances illégales pour
d’incarcération ou de chômage, constituent d’ailleurs une cons- arrondir leurs revenus. Chez le toxicomane, on ne peut porter
tante de leur curriculum vitae. Dans certains cadres rigides et bien le diagnostic de TPAS que si les symptômes de ce trouble étaient
organisés (prison, armée), ils sont souvent capables d’une adap- présents dans l’enfance et ont persisté à l’âge adulte. Si le psy-
tation locale « sans histoire ». Leur dépendance et leur passivité chopathe peut poser des actes relevant de la perversion sexuelle,
à l’égard de l’institution asilaire étaient autrefois bien connue. les comportements paraphiliques ne relèvent pas obligatoirement
La gravité du pronostic à long terme du TPAS semble en relation du TPAS. Le comportement antisocial de l’adulte est codé Z72.8
positive avec la sévérité initiale du tableau diagnostique [25] . Nous (V71.01) [2] .
avons précédemment mentionné les principales complications de
ce trouble.
Trouble des conduites
 Diagnostic positif Dans les deux classifications internationales, ce diagnostic ne
peut être porté que chez le mineur de 18 ans. Son début précoce
pendant l’enfance et sa sévérité augmentent le risque d’évolution
Dans les soins primaires et secondaires, notamment pour les
vers un TPAS ou d’autres troubles mentaux (DSM IV-TR). La CIM-
troubles liés à la drogue ou à l’alcool, ou en ce qui concerne les
10 isole trois types de trouble des conduites : limité au milieu
personnes sous main de justice, on doit garder à l’esprit la possi-
familial, mal socialisé, socialisé (F91.0, 1 et 2). Elle individualise un
bilité d’une personnalité antisociale [4] . Comme dans l’ensemble
groupe de troubles mixtes des conduites et troubles émotionnels
de la pathologie mentale, plusieurs sources d’information sont
(F92) : dépression, anxiété, obsessions ou compulsions, déperson-
utiles pour établir le diagnostic et la prise en charge des troubles
nalisation ou déréalisation, phobies, hypocondrie.
de la personnalité. L’observation, l’information collatérale et les
tests psychologiques sont importants pour compléter et vérifier
les données rapportées par le sujet. Trouble oppositionnel avec provocation
Pour porter le diagnostic de TPAS, le DSM IV-TR se contente de
trois manifestations du critère A chez un sujet d’au moins 18 ans Pour la CIM-10 (F91.3), il s’agit d’un trouble des conduites se
(critère B), ayant manifesté un trouble des conduites avant l’âge manifestant habituellement chez les jeunes enfants et se caracté-
de 15 ans (critère C), son comportement antisocial ne survenant risant essentiellement par un comportement « provocateur, déso-
pas « exclusivement » au cours de l’évolution d’une schizophrénie béissant ou perturbateur et non accompagné de comportements
ou d’un épisode maniaque (critère D) [2] . En fait, le diagnostic cli- délictueux ou de conduites agressives ou dyssociales graves ». Le
nique se fait avant tout sur le parcours biographique, le modus DSM IV-TR (F91.3 [313.81]) précise que dans le trouble opposi-
vivendi singulier, la relation prédatrice à autrui, tout ce qui tionnel l’agressivité de l’enfant envers les adultes ou ses pairs
construit l’existence particulière de l’adulte organisé sur le mode est verbale, sans violence physique, contrairement au trouble des
psychopathique. Les auteurs classiques décrivaient le « bras » du conduites.
psychopathe : tatouages à l’extérieur, traces d’injections et veines
sclérosées au pli du coude, cicatrices de phlébotomies sur la face Trouble déficit de l’attention/hyperactivité
interne du poignet. On peut y ajouter les piercings et autres
atteintes ou mutilations corporelles qui, sans valeur pathogno- Ce trouble, associé fréquemment chez l’enfant avec un trouble
monique, sont plus fréquents dans la population des sociopathes. oppositionnel ou un trouble des conduites, peut persister jusqu’au
Ces comportements autoagressifs témoignent d’une faible sensi- milieu de l’âge adulte. Le type hyperactivité-impulsivité prédomi-
bilité à la douleur physique. Nous avons déjà longuement passé nante (F90.0 [314.01]) semble plus souvent associé avec d’autres

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troubles mentaux. La CIM-10 signale que les troubles hyperki-


nétiques peuvent entraîner un comportement dyssocial ou une
 Comorbidités et troubles associés
perte de l’estime de soi. Les patients délinquants internés avec La classification catégorielle du DSM IV-TR permet de porter
un diagnostic principal de trouble de la personnalité, et qui simultanément plus d’un diagnostic de trouble de la person-
gardent à l’âge adulte des symptômes résiduels du trouble défi- nalité à condition que les critères soient remplis pour chacun
cit de l’attention/hyperactivité, ont pendant leur séjour un risque des diagnostics retenus. Les patients souffrant d’un TPAS ont
significativement plus grand de conduites agressives (critical inci- souvent des caractéristiques d’autres troubles de la personna-
dents) verbales et physiques que les autres internés [26] . lité (borderline, histrionique, narcissique, paranoïaque) et nous
répétons que la personnalité psychopathique classique englobe
Trouble explosif intermittent les traits de la personnalité borderline. Chez les agresseurs
violents placés en services psychiatriques spécialisés, les comor-
Ce trouble du contrôle des impulsions (F63.8 [312.34]), non bidités personnalité antisociale-personnalité narcissique, person-
secondaire à un autre syndrome psychiatrique reconnu, doit être nalité antisociale-personnalité paranoïaque et enfin personnalité
différentié tout particulièrement du TPAS. En effet, les attaques antisociale-personnalité borderline-personnalité passive-agressive
impulsives intenses et inadaptées, à l’origine de voies de fait sont souvent diagnostiquées comme psychopathiques (PCL-R) et
graves ou de destruction de biens, peuvent parfois être accom- s’accompagnent d’importantes carrières criminelles [32] . Chez ces
pagnées, entre les explosions de violence, de signes d’agressivité, mêmes patients, le TPAS est corrélé positivement aux conduites
d’impulsivité, d’un vécu chronique de colère et d’épisodes agres- addictives et au syndrome cérébral organique (organic brain syn-
sifs « infraliminaux ». Nous sommes ici dans la catégorie peu drome) [33] .
étudiée des colères pathologiques [27] . Les études révèlent que le TPAS peut être associé à des troubles
anxieux [34] , de l’humeur, de somatisation (hypocondrie), factices
et à un ou plusieurs autres troubles du contrôle des impul-
Autres troubles de la personnalité sions (jeu pathologique par exemple) [2] . L’association à des
troubles liés à la consommation de substances psychoactives
Les troubles caractériels et les comportements antisociaux se
est classique et fréquente, documentée chez les malades men-
rencontrent préférentiellement dans la personnalité borderline du
taux meurtriers [35] . Rappelons en particulier l’alcoolodépendance
DSM et la personnalité émotionnellement labile, type impulsif ou
d’installation rapide, les ivresses pathologiques, le delirium tre-
borderline, de la CIM. Nous avons vu que le psychopathe présen-
mens. Selon Delescluse et Pham (2005), les relations trouble de
tait des traits borderline, le classement dans l’un ou l’autre de ces
la personnalité sadique-psychopathie restent à préciser, la préva-
troubles de la personnalité dépendant beaucoup de l’intensité des
lence du TPAS cooccurent au trouble de la personnalité sadique
symptômes et de la nature de la délinquance, théoriquement plus
variant de 8 % à 75 % en fonction des populations étudiées et
organisée et utilitaire dans le TPAS où l’exploitation d’autrui fait
des instruments diagnostiques utilisés. Les patients à la person-
partie du mode de vie. Si la personnalité histrionique seule ne
nalité sadique internés en Belgique en hôpital spécial ne sont pas
comporte généralement pas d’activité criminelle, on peut cepen-
davantage diagnostiqués psychopathes (PCL-R) que les patients
dant observer dans les hystéries graves féminines des passages à
non sadiques [36] .
l’acte passionnels et vengeurs.
Le TPAS (axe II) est souvent comorbide chez les schizophrènes
paranoïdes ou dysthymiques violents (axe I). Ses caractéristiques
Héboïdophrénie cliniques ou celles du trouble des conduites précèdent alors
l’apparition des symptômes psychotiques [37] . Son association est
Divers auteurs anciens insistaient sur une présentation connue avec les paraphilies et, plus particulièrement, le sadisme
« pseudopsychopathique » de la schizophrénie, l’héboïdophrénie sexuel [38–40] . La comorbidité avec le retard mental (axe II) donne
se définissant comme une forme mineure d’hébéphrénie dans au comportement psychopathique un caractère peu élaboré, plus
laquelle le patient est incapable de s’adapter à une vie sociale et impulsif et instinctuel, de nature essentiellement sexuelle ou
productive. L’héboïdophrène est cliniquement un schizoïde anti- agressive : exhibitionnisme, abus sexuel d’enfants, viols, incendies
social. Il est passif, paresseux, peu affectif, impulsif et violent, volontaires.
avec des occupations stéréotypées et inutiles. Il mène une exis-
tence marginale, seul ou en petits groupes, exploitant ses proches,
vivant d’expédients, de fraudes et de vols. Ce comportement
criminel manifeste sa nature hébéphrénique par un contact her-
 Étiopathogénie,
métique, un « autisme morose », une évolution par crises, des accès psychopathologie
de demi-stupeur et d’agitation incontrôlée, quelques anomalies
de la mimique [28, 29] . Cette « psychopathie schizoïde », au carac- Les bases biologiques et sociales de la criminalité et de la psy-
tère dissonant, froid, bizarre, s’oppose au caractère réactionnel, chopathie ont fait l’objet d’un nombre considérable de travaux.
cathartique et intentionnel du comportement psychopathique. On consultera en particulier les ouvrages classiques de Med-
Les classifications internationales ne retiennent pas de forme anti- nick et Christiansen (1977) [41] , Wilson et Herrnstein (1985) [42] ,
sociale rattachable à la schizophrénie de type désorganisé (F20.1x Meloy (1988, 2000) [43] , Raine et al. [44] , ainsi que diverses publi-
[295.10]). cations portant sur les interactions complexes entre l’inné et
l’acquis [9, 45–47] .
Psychoses et troubles de l’humeur
Il est bien évident que, par définition, le diagnostic de
Approches génétiques
TPAS ne peut être porté devant un acte criminel qui survient Comme pour d’autres troubles de la personnalité, les études
« exclusivement » au cours de l’évolution d’un état psychotique familiales et génétiques montrent que le risque de TPAS est signi-
aigu ou chronique, d’un épisode maniaque ou d’une maladie ficativement plus élevé chez les enfants de parents de premier
dépressive. La psychose dysthymique du jeune, accompagnée rang souffrant de ce même trouble, ce qui souligne l’importance
de manifestations antisociales, peut être provisoirement confon- des facteurs biologiques et environnementaux [41–43] . Si les enfants
due avec une psychopathie. On peut encore évoquer les troubles adoptés ressemblent davantage à leurs parents biologiques qu’à
schizophréniques à comportement psychopathique, ce dernier leurs parents adoptifs, l’environnement de la famille adoptive
intervenant à la fois comme masque et comme forme de stabi- influence le risque de TPAS ou des troubles mentaux asso-
lisation de la psychose [30] . Il en est de même pour divers troubles ciés [2] . La revue de Gottesman et Goldsmith (1994) sur sept
de l’humeur à expressions psychopathiques : formes atténuées ou études de jumeaux montre que les monozygotes ont un taux de
atypiques de troubles bipolaires II (BP II), états mixtes, dépressions concordance de TPAS égal à 51,5 % contre 23,1 % chez les hétéro-
masquées ou agitées, trouble dysthymique ou cyclothymique [31] . zygotes [48] . Rappelons que selon le modèle proposé par Cloninger

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(1993), la personnalité comporte sept dimensions fondamentales : Il résulte de l’ensemble de ces études que des déficits anatomiques
quatre appartiennent au tempérament (recherche de la nouveauté, et physiologiques de l’autorégulation de l’émotivité et de la cogni-
évitement de la punition, dépendance à la récompense et persis- tion dès la première enfance sont des facteurs de risque importants
tance de l’activité) et trois au caractère (autocontrôle, coopération dans le développement futur d’un comportement antisocial [47, 65] .
avec autrui, autotranscendance). Selon cet auteur, les dimensions Les psychopathes adaptés non délinquants pourraient ne pas
liées au tempérament sont probablement innées et héréditaires présenter ou pourraient compenser ces perturbations neurobio-
alors que celles rattachées au caractère seraient davantage influen- logiques [66] .
cées par les expériences éducatives [49] .
Plusieurs recherches récentes suggèrent l’intervention de divers
gènes associés au TPAS et qui interviendraient dans la régulation Approches transgénérationnelles
de la dopamine et de la sérotonine [50, 51] ainsi que dans celle de la
« Les chats ne font pas des chiens », dit le dicton. Chacun sait
monoamine oxydase A [52, 53] . Certains de ces gènes seraient asso-
que l’enfant reproduit volontiers le comportement observé chez
ciés au TPAS non comorbide à l’alcoolisme [54] .
ses proches (ici, le spectacle de la violence subie ou côtoyée).
L’existence d’une criminalité chez l’un des parents, particulière-
ment le père, représente pour l’enfant un facteur de risque majeur
Approches neurophysiologiques tant par les facteurs biologiques héréditaires que par les carences
Faible réactivité du système nerveux autonome affectives et éducatives qui résultent des conséquences familiales
de cette situation [67] . De surcroît, dans certaines familles apparte-
Un certain nombre de travaux révèlent que les psychopathes nant à des groupes marginaux vivant d’activités illicites, l’absence
violents présentent quatre caractéristiques psychophysiologiques d’interdit éducationnel concernant la criminalité prédatrice fait
originales les différenciant statistiquement des groupes témoins que les descendants deviennent délinquants par identification au
non délinquants [41–43, 55] . modèle familial antisocial.
• Ils paraissent avoir un niveau cortical d’éveil plus bas, ce
qui explique leur besoin anormal de stimulation externe avec
diminution de la réactivité aux stimuli aversifs. La fréquence Approches psychosociales
cardiaque et la conductance électrique de la peau, activité
électrodermale liée au processus émotionnel, dépendent du Le sociopathe est très souvent issu d’un milieu brisé et/ou abusif.
système nerveux autonome. Elles permettent d’apprécier au L’absence prolongée ou la mort d’un parent, les troubles men-
niveau périphérique le niveau de vigilance interne. Chez les taux, l’alcoolisme et les autres conduites addictives, l’asociabilité,
psychopathes antisociaux, on note une diminution de la réac- la faible verbalisation, l’inattention aux besoins et aux signes de
tion électrodermale soit au repos (activité de base), soit lors des souffrance psychique de l’enfant, la violence psychologique ou
fluctuations spontanées, soit lors de la réactivité ou habituation physique dans la famille, le foyer dissocié ou hostile, le divorce,
aux stimuli. La faible fréquence cardiaque d’enfants de 3 ans la fratrie importante, la mère très jeune, rejetante ou superprotec-
impulsifs paraît de même corrélée à une agressivité ultérieure. trice, la discipline sévère ou irrégulière, l’incohérence éducative,
Cette hyporéactivité du système nerveux autonome, qui semble le manque de supervision parentale et l’absence de réaction adap-
se transmettre héréditairement de père à fils, pourrait être en tée de l’environnement qui n’arrive pas à poser des limites, la
relation avec la fréquence des anomalies électroencéphalogra- séparation prématurée, l’abandon de l’enfant aux services sociaux,
phiques (régions temporales et frontales) et avec le fréquent les placements multiples en institutions publiques ou en familles
syndrome hyperkinétique rencontré dans leur enfance. d’accueil sont des facteurs de vulnérabilité rencontrés habituelle-
• Ils sont davantage extravertis (caractère génétiquement déter- ment dans l’enfance des psychopathes [46, 68, 69] .
miné selon Eysenck) et, de ce fait, auraient un seuil de douleur
plus élevé et surtout un niveau de conditionnement plus
bas que celui des introvertis pour les réponses émotionnelles, Approches socioéconomiques
tout particulièrement en cas de stimulus de nature aversive Des conditions comme les crises économiques, la pauvreté,
(punition). Extraversion, activité basale et réactivité autonomes l’habitat précaire et insalubre dans les grandes cités ou les
faibles expliqueraient une hyporéactivité à la peur qui gênerait zones dangereuses, l’inactivité des parents, les mauvais résul-
l’apprentissage de l’inhibition anxieuse de la réponse agressive, tats et l’échec scolaire, l’absence de qualification professionnelle,
c’est-à-dire l’anticipation des conséquences négatives, et qui le célibat [70] , le chômage, la fréquentation de pairs délinquants
perturberait donc la sociabilité par carence de l’acquisition des sont classiquement répertoriées pour favoriser la déviance sociale
interdits collectifs. en association avec les éléments héréditaires et environnemen-
• Ils sont plus impulsifs, l’impulsivité dépendant de leur faible taux des psychopathes. La probabilité de conduite criminelle est
conditionnabilité, mais aussi de la faiblesse de l’intelligence d’autant plus élevée que les facteurs de risque sont nombreux, que
verbale (quotient intellectuel [QI] performance plus élevé), l’exposition est plus forte et qu’elle touche plusieurs cadres de vie
du langage et du monologue intérieur. Elle est favorisée par (maison, école, rue) [71] . Notons que l’évolution sociétale actuelle
l’alcoolisation et peut-être la gaucherie qui semble plus fré- valorise la quête de l’extrême, le goût du risque en jouant avec les
quente chez les criminels [56] . limites, afin de renforcer le courage, le dynamisme et la réussite
• Ils sont souvent anxieux, irritables, susceptibles. Le niveau des jeunes cadres ambitieux. Comme quoi « une certaine forme
de névrosisme (neuroticism) paraît plus élevé chez les socio- de psychopathie pouvait s’y avérer facteur de succès » [72] .
pathes [18, 57] et a été utilisé par Burgess pour prédire le
comportement criminel grâce à une formule restée célèbre : la
tendance au crime égale le score d’extraversion multiplié par Approches psychanalytiques
celui du névrosisme au carré (C = E × N2 ).
Hesnard, dans Psychologie du crime (1963), tente une approche
« compréhensive » de la criminalité. Il synthétise d’abord la
Anomalies cérébrales conception clinique élargie de De Greeff, où le sentiment
Il est impossible de rappeler ici les travaux d’ensemble por- d’injustice subie avec déréalisation de la victime occupent la
tant sur les circuits neuroanatomiques, les neurotransmetteurs place centrale, puis expose la compréhension psychanalytique
et les hormones liés à l’agressivité (testostérone, période pré- du criminel. C’est d’abord l’absence ou la faiblesse du surmoi,
menstruelle), l’impulsivité et la personnalité antisociale. Cela le surmoi archaïque tyrannique et idéalisé car inexistant dans
représenterait plusieurs milliers de références internationales. le réel, la culpabilité et le processus d’autopunition, le senti-
Signalons simplement les recherches récentes de neuro-imagerie ment de légitimation. C’est ensuite, dans des études plus récentes,
qui mettent en évidence une réduction fonctionnelle et struc- la carence affective infantile, paternelle et/ou maternelle, dans
turale du cortex préfrontal et de l’amygdale explorés en la formation de la personnalité morale de l’enfant, l’échec de
IRM [58, 59, 60, 61, 62, 63] et de l’amplitude du potentiel évoqué P50 [64] . l’identification à une personne humaine pour l’enfant privé

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d’amour, l’égocentrisme, l’immaturation, l’agressivité œdipienne, tence de détachement insouciant et de recherche pathologique
la négation de la valeur d’autrui et des valeurs communes, la de liens qui semble pour cet auteur « pathognomonique » du
faillite du lien interhumain [73] . processus psychopathique. En ce qui concerne les psycho-
Selon Mises et Castagnet (1980), la structuration de type psy- pathes sexuels, Meloy souligne la proximité de l’érotisme et
chopathique à l’âge adulte répond à des dysharmonies évolutives de la violence dans l’enfance des meurtriers sexuels en série et
graves de l’enfance qui ont en commun « des failles narcissiques l’importance du conditionnement parental classique avec renfor-
sévères, des troubles notables de la fantasmatisation et de la maî- cement intermittent des conduites déviantes. Au cours d’un acte
trise des symboles, des défauts de liaison pulsionnelle donnant de violence et d’excitation sexuelle, le psychopathe peut devenir
issue à une importante agressivité libre en cas de conflit. Ces « psychotique » au niveau du concept de l’objet sans l’être pour
éléments conditionnent, dans une large mesure, la tendance au autant au niveau de la perception de l’objet, ce qui le différencie du
recours à l’agir ». Ces auteurs pensent que ces traits psychopatho- schizophrène paranoïde violent qui est totalement psychotique,
logiques conduisent parfois à discuter le diagnostic du côté de la même au niveau de l’expérience de la perception. Le sociopathe
névrose, plutôt que de la psychose, tout en soulignant la spécificité préfère les actes physiques agressifs qui nécessitent le contact de
des dysharmonies évolutives sévères. Ils notent en particulier : la peau avec la victime par identification et souhait de réunion à
• la discontinuité des processus de soins maternels, l’alternance la mère dont il a été précocement séparé. La recherche de sensa-
de rejet et de gratification, l’incapacité de la mère à adopter un tions et de plaisir sadique peut se manifester dans l’enfance par
comportement cohérent, homogène ; la triade de MacDonald (1963) associant énurésie, pyromanie et
• la composante névrotique sadomasochique et les revendica- cruauté envers les animaux. Cette triade fameuse a été considérée
tions narcissiques de la mère ; comme un indice prédictif de comportement criminel répétitif à
• l’incapacité du père ou de son substitut à assumer une fonction l’âge adulte [75] .
protectrice et organisatrice, par absence, faiblesse, déséquilibre, Meloy indique encore que l’absence de refoulement et la
alcoolisme, toxicomanie ; prédominance de mécanismes primitifs de défense peuvent pro-
• le défaut de liaison des pulsions libidinales et agressives ; voquer la dissociation ou le clivage de la rage, le psychopathe
• la mise en place par l’enfant d’un faux self de complaisance au sexuel menant une vie familiale et sociale normale, totale-
désir maternel intrusif ; ment séparée de son activité criminelle. La déréalisation et la
• une altération de la continuité d’existence. dépersonnalisation sont les plus évidentes dans les périodes
Soumis à des expériences insécurisantes, manquant de de prédation ou de violence. La cible du sociopathe, d’abord
confiance primordiale, l’enfant ne peut renoncer à l’omnipotence, idéalisée, sera, dès l’agression, perçue comme déréalisée, déva-
ne peut « recréer l’illusion par l’usage des symboles, de la culture lorisée et menaçante (projection de la menace intrapsychique)
et du jeu créatif ». Les agis répétitifs et la réponse renforcée de afin d’empêcher l’apparition consciente de sentiments d’envie
l’entourage lui permettront d’entretenir le sentiment d’exister et et d’avidité qui pourraient le mener à la dépression et au
de stopper, du moins temporairement, le danger de désorganisa- deuil.
tion interne [74] . Meloy remarque que la fréquence des traits hystériques chez
Dans son intéressant traité, Meloy (1988, 2000) indique les antisociaux est connue depuis longtemps, ces derniers pou-
d’emblée, nous le citons textuellement, que la recherche clinique vant présenter des conversions hystériques et des troubles de
conforte l’hypothèse que l’organisation psychopathique de la somatisation. Cloninger et al. (1975) ont émis l’hypothèse d’une
personnalité est un sous-type du trouble de la personnalité narcis- prédisposition génétique commune à l’hystérie et à la psy-
sique, dont elle représente une variante extrême et dangereuse. La chopathie, les études montrant la forte prévalence de patients
maltraitance physique et émotionnelle retrouvée dans l’histoire hystériques ayant des ascendants directs psychopathes et la
des psychopathes serait comparable à « une naissance psycho- fréquence élevée de femmes criminelles ayant des mères hys-
logique prématurée ». Schématiquement, la négligence ou l’abus tériques [76] . Les troubles de somatisation et la personnalité
parental entraîneraient : histrionique seraient corrélés significativement à la personna-
• une séparation anormalement précoce d’avec la mère, l’enfant lité antisociale, un individu à personnalité histrionique pouvant
éprouvant trop tôt et trop brutalement « le sentiment d’être développer soit une personnalité antisociale, soit un trouble de
deux ». Cette expérience traumatisante serait la cause d’une somatisation selon le sexe du patient [77] .
enveloppe (coquille) narcissique limitative (protectrice), qui Avant l’ultime partie de son ouvrage consacrée au traitement,
précéderait une structure de caractère phallonarcissique (puis- Meloy se penche sur les relations structurales et dynamiques
sance, contrôle), et d’une méfiance organismique envers entre la psychose et la personnalité psychopathique. Reprenant
l’environnement sensoriperceptif ; le modèle de Kernberg (1984) [78] sur les trois niveaux de per-
• des défauts d’internalisation se traduisant par une pauvreté sonnalité (névrotique, limite, psychotique), il précise qu’il lui est
des identifications profondes et inconscientes avec la figure « extrêmement difficile » de situer un caractère psychopathique
parentale primaire et finalement avec les identifications des à un niveau névrotique d’organisation du fait des carences du
modèles sociaux, culturels et humains. Il en résulterait une surmoi et de la structure grandiose du soi. Le patient psycho-
carence d’intégration et de structuration modulée du surmoi, pathe, organisé à un niveau psychotique de la personnalité, se
une absence de refoulement, une altération de la capacité présente le plus souvent sur le plan diagnostique comme un schi-
d’empathie avec impossibilité de s’identifier spontanément au zophrène paranoïde avec une personnalité antisociale ou comme
malheur d’autrui. Le sociopathe n’éprouverait pas de senti- un bipolaire atypique avec le même trouble de la personnalité.
ments véritables de culpabilité, de honte, de remords ; La paranoïa (au sens de défense contre l’angoisse prédatrice) et
• l’identification de l’enfant au parent narcissique et agressif et la manie (au sens de triomphe prédateur) paraissent à cet auteur
son internalisation dans la structure grandiose du soi comme les voies caractéristiques de l’expression psychotique du processus
« objet-soi étranger » ; psychopathique [43] .
• l’échec de la constance de l’objet, source d’insécurité affective, Le psychopathe à structuration psychotique est capable de
et un attachement narcissique primaire à la structure grandiose simuler (pure simulation ou exagération des symptômes) un épi-
du soi ; sode de sa psychose fonctionnelle, lorsqu’il a des antécédents
• des états « d’être en relation » activement recherchés sur un psychotiques (expérience antérieure et connaissance du passé
mode agressif et sexuel sadomasochiste auprès d’objets réels, de psychose), afin d’échapper à sa responsabilité pénale et, à
afin de découvrir enfin l’objet constant qui se dérobe. La l’inverse, de dissimuler (réticence des auteurs européens) les mani-
carence de structure inhibitrice interne appropriée laisserait festations cliniques de la portion psychotique de sa personnalité
ainsi s’exprimer les pulsions agressives et sexuelles primi- afin d’obtenir plus aisément sa remise en liberté. Les deux moda-
tives [43] . lités d’expression de l’agressivité, l’affective et la prédatrice, sont
Meloy note à son tour que divers professionnels ont observé à la disposition de ce type de psychopathe et un passage possible
dans les familles délinquantes des alternances dans le compor- d’une modalité à l’autre peut se faire au moment du contact phy-
tement des mères, celles-ci passant de l’excès d’implication au sique avec la victime, la violence prédatrice cédant alors la place
désengagement. Il en résulte chez le sociopathe une coexis- à l’affective [43] .

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37-490-G-10  Personnalité antisociale

En résumé, pour Meloy, les principaux traits distinctifs du psy- encourage leurs buts constructifs et qui comprend leur inaptitude
chopathe sont les suivants : à respecter les normes sociales, qu’une alliance thérapeutique peut
• la cruauté possible envers les animaux (les chats, symboles du se mettre en place. Le praticien peut alors faire la revue de leurs
féminin) dans l’enfance ; problèmes, sans distorsions ou mensonges, en leur témoignant
• le regard « reptilien », fixe, froid et prédateur, chez les sadiques de l’empathie pour leurs difficultés et leurs échecs. Quand ils ne
sexuels en particulier ; désirent ni coopérer ni répondre aux questions, ou qu’ils adoptent
• la structure grandiose, surdimensionnée et fragile du soi ; une attitude hostile ou récriminatrice, le clinicien ferait bien de
• les sentiments chroniques de vide intérieur, de dévalorisa- répondre par de l’indifférence ou même d’envisager de mettre fin à
tion, d’ennui dans les intervalles de désœuvrement, les longues l’entretien. Ces attitudes professionnelles peuvent souvent inver-
périodes d’incarcération ; ser le comportement de ces sujets et les amener à davantage de
• la recherche pathologique de sensations et de stimulations coopération [9] .
externes, la consommation de substances psychostimulantes ; Pour évaluer le risque de violence, le NICE guidance précise qu’il
• la jouissance dédaigneuse dans la duperie ou la traque d’autrui ; est indispensable d’envisager de façon détaillée :
• l’utilisation permanente de la manipulation, la tromperie, la • la violence actuelle et passée, incluant la sévérité, les circons-
simulation conscientes, ainsi que du déni inconscient ; tances, les facteurs précipitants et les victimes ;
• l’expérience consciente de colère générale et diffuse qui peut • les contacts avec le système de justice pénale, incluant les
prendre parfois « la forme d’un délire paranoïaque » ; condamnations et les périodes d’incarcération ;
• le plaisir ritualisé du type domination-soumission ; • la présence de troubles mentaux comorbides et/ou de l’usage
• la fréquence des expériences délirantes, dissociatives, conver- de substances ;
sives et des plaintes somatiques ; • les facteurs de stress actuels, les relations interpersonnelles et
• la prédisposition à la violence prédatrice qui est souvent pla- les événements de vie ;
nifiée, intentionnelle et ciblée, sans altération notable de • les informations recueillies dans les dossiers ou auprès des
l’épreuve de réalité ; familles et intervenants sociaux [4] .
• l’augmentation de l’estime de soi par l’activité criminelle [43] .

Évaluation instrumentale
Approches cognitives
L’échelle de psychopathie de Hare, la PCL-R, a été développée
La personne à expression psychopathique se caractérise par un par cet auteur depuis 1991. Une seconde édition a été publiée en
ensemble de pensées automatiques, de distorsions cognitives et 2003 [80] . Il s’agit au départ d’un outil de mesure de la psychopa-
de schémas inadaptés [7] . Beck et Freeman (1990) proposent trois thie dont le score a été intégré au cours des années dans différentes
catégories de croyances de base propres au TPAS. Premièrement, à échelles de mesure du risque de récidive (Violence Risk Appraisal
propos de l’affirmation de soi : « je dois être sur mes gardes » ; « si Guide [VRAG], Historical Clinical Risk management [HCR-20]). Uti-
je ne pousse pas les autres, les autres me pousseront » ; « j’ai été lisée seule, cette échelle de 20 items (Tableau 3) est maintenant
traité de façon désagréable et j’obtiendrai ce qui me revient » ; « si reconnue pour sa valeur évaluative de la dangerosité et prédictive
je veux quelque chose, je l’obtiendrai par n’importe quel moyen ». de la récidive générale et violente. Il en existe une version française
Deuxièmement, en matière de morale : « nous sommes dans la validée [81] . On la renseigne à partir des dossiers sociaux, cliniques
jungle et ce sont les plus forts qui survivront » ; « il n’est pas impor- et institutionnels ainsi que d’entretiens semistructurés. Une ver-
tant de tenir ses promesses et d’honorer ses dettes » ; « il faut être sion abrégée est disponible (PCL : screening version [SV]) [82] ainsi
astucieux, c’est la meilleure manière d’obtenir ce que l’on veut ». qu’une version applicable aux jeunes adultes et aux adolescents
Troisièmement, en ce qui concerne autrui : « ce que les autres (PCL : Youth version [YV]) [83] .
pensent de moi n’a guère d’importance » ; « si les autres ne sont L’échelle de Hare a une structure à deux facteurs. Le facteur 1
pas capables de se défendre, c’est leur problème » [79] . (F1), qui est stable, regroupe les traits de personnalité (narcissisme
D’autres schémas cognitifs centraux du TPAS, hérités des expé- et déficience émotionnelle). Le facteur 2 (F2) fait référence aux
riences familiales négatives, sont proposés : « la fin justifie les style de vie et comportement antisocial. Ce second facteur évolue
moyens » ; « c’est un monde où le loup mange le loup » ; « vous donc avec le temps, et c’est sur lui que doivent porter les efforts
devez être fort et rusé pour survivre » ; « je suis malin et j’ai le droit thérapeutiques. La cotation de chacun des 20 items se fait selon
d’obtenir ce que je veux » ; « la vie est tortueuse et hostile et les une échelle de 0 à 2 : 0 correspond à un item absent, 1 correspond
règles m’empêchent de satisfaire mes besoins. Par conséquent je à un item présent mais peu prononcé, 2 à un item nettement
vais les contourner ou les violer parce que mes besoins arrivent en
premier et je vais me défendre contre toute action d’être contrôlé
ou abaissé » [9] . Tableau 3.
Psychopathy checklist-revised (PCL-R) ou échelle de psychopathie de Hare.
1. Loquacité, charme superficiel (F1)
 Évaluations 2. Surestimation de soi (F1)
3. Besoin de stimulation, tendance à s’ennuyer (F2)
Évaluation clinique 4. Tendance au mensonge pathologique (F1)
5. Duperie, manipulation (F1)
Il est bien connu que l’entretien avec un sujet présentant un 6. Absence de remords ou de culpabilité (F1)
TPAS peut se révéler particulièrement difficile. S’il est aisé de 7. Affect superficiel (F1)
communiquer avec lui tant qu’on rentre dans son jeu, il peut 8. Insensibilité, manque d’empathie (F1)
se mettre en colère et devenir critique et opposant lorsque le 9. Tendance au parasitisme (F2)
clinicien résiste à ses manipulations. Il n’est pas toujours aisé 10. Faible maîtrise de soi (F2)
de l’amener à se centrer sur son impulsivité, son irresponsabi- 11. Promiscuité sexuelle (F1 + F2)
12. Apparition précoce de problèmes de comportement (F2)
lité civique ou les conséquences négatives de ses actions. Bien
13. Incapacité à planifier à long terme et de façon réaliste (F2)
que les psychopathes éprouvent rarement du remords pour avoir
14. Impulsivité (F2)
trompé ou maltraité autrui, ils peuvent être amenés à réali-
15. Irresponsabilité (F2)
ser que les choses vont mal pour eux et qu’ils ruinent leur 16. Incapacité d’assumer les responsabilités de ses faits et gestes (F1)
existence. Si le fréquent manque d’authenticité et de sincérité 17. Nombreuses cohabitations de courte durée (F1 + F2)
altère souvent la relation clinique, ils ont néanmoins besoin 18. Délinquance juvénile (F2)
d’attention, et le praticien doit les encourager à faire part de leurs 19. Violation des conditions de mise en liberté conditionnelle (F2)
réussites. En évitant une attitude de jugement ou un ton accu- 20. Diversité des types de délits commis par le sujet (F2)
sateur, il est possible d’améliorer leur coopération. Ce n’est que
quand ils perçoivent le clinicien comme un allié non punitif, qui F1 : trait de personnalité ; F2 : style de vie et comportement antisocial.

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Personnalité antisociale  37-490-G-10

présent. Le score final varie donc de 0 à 40. Le seuil permettant protocole rigide, une supervision stricte de l’équipe soignante qui
de poser le diagnostic de psychopathie est variable selon le milieu ne doit pas enfreindre les règles. Une bonne façon de diminuer la
socioculturel et, en Europe, on le situe vers 25 sur cette échelle. criminalité serait une sanction rapide et prévisible. Pour Reid, les
On admet généralement les cinq niveaux suivants de psychopa- comportements antisociaux graves et chroniques de l’adolescent
thie : 0-7 (niveau très faible), 8-15 (niveau faible), 16-23 (niveau doivent être sérieusement pris en charge, tout particulièrement
moyen), 24-31 (niveau élevé), 32-40 (niveau très élevé). Notons en cas de déficit neuropsychologique. Un traitement précoce et
que la PCL-R ne doit pas être utilisée pour faire des évaluations rigoureux peut diminuer le nombre et la sévérité des futurs psy-
thérapeutiques répétées. Elle doit l’être uniquement dans une chopathes. Il n’existe cependant pas de critère qui prédise de
démarche diagnostique [84] . manière certaine une psychopathie future [88] .
D’autres instruments psychologiques peuvent être utilisés pour Lors de la prise en charge des sujets présentant un TPAS, il est
aider à porter le diagnostic de psychopathie. Au Minnesota nécessaire d’avoir conscience du risque et des conséquences pos-
multiphase personality inventory (MMPI-2), le profil 4-9 ou 9-4 sibles de leur manque de compliance, du taux élevé de perdus
(psychopathie-hypomanie) est considéré comme classique dans de vue, du mésusage des traitements prescrits, des interactions
le TPAS. Deux patterns ont pu être décrits : un psychopathe pri- entre médicaments mais aussi de ces derniers avec l’alcool et les
maire prompt à réagir par la violence avec un pic sur l’échelle 4 drogues illicites. Les recommandations du NICE plaident pour une
(psychopathie) et une élévation des scores sur les échelles 6 (para- relation optimiste et de confiance avec ces personnes. Les équipes
noïaque) et 8 (schizophrénie) ; un psychopathe secondaire avec soignantes devraient reconnaître qu’une approche reposant sur
un profil 4-9/9-4 ou 2-4/4-2 (dépression-psychopathie) [9] . Au the- un renforcement positif a davantage de chance de succès qu’une
matic apperception test (TAT), les récits sont souvent immatures et stratégie punitive pour amener le patient à s’engager dans un trai-
puérils, généralement sans mention des conséquences négatives tement et le poursuivre. Il leur est conseillé d’envisager les options
des mauvaises actions des personnages [9] . thérapeutiques dans une atmosphère d’espoir et d’optimisme,
Les techniques projectives peuvent être très utiles dans en expliquant que la guérison est possible. Il est souhaitable
l’évaluation d’une personnalité antisociale. Alors que ces sujets de construire une relation de confiance, de travailler de façon
peuvent tromper un clinicien au cours d’un entretien en simu- ouverte, engageante et sans jugement, en se montrant cohérent et
lant culpabilité ou remords, ils peuvent plus difficilement le faire fiable [4] .
en face de stimuli ambigus comme ceux du Rorschach dans Salekin (2002), au travers d’une revue de 42 études concernant
lequel il n’existe pas de réponses correctes ou non [85] . Au test de le traitement de la psychopathie, montre le peu de base scienti-
Rorschach, les sujets antisociaux tendent à donner un nombre fique sur laquelle repose l’opinion qu’il s’agit d’un trouble sans
faible ou moyen de réponses. Il existe souvent une réaction dif- traitement possible. Notons que la plupart des travaux repris
férée aux cartes de couleur, mais ils peuvent aussi produire des dans cette méta-analyse sont à orientation psychodynamique
réponses C (couleur pure) de façon impulsive. Ils tendent à don- et que les critères d’amélioration varient. Contrairement à bien
ner un nombre élevé de réponses A (animal), avec des contenus d’autres données, cet auteur constate que quand la psychothé-
à valence agressive, et P (popular) ou banales et un faible nombre rapie de groupe est associée à une psychothérapie individuelle,
de réponses M (mouvement humain) et G (globale). On observe la proportion de patients améliorés est importante (81 %). De
une faible fréquence des estompages d’une part et des bonnes même, l’inclusion de membres de la famille dans les programmes
formes (F + %), d’autre part [86] . Meloy (1988, 2000) consacre une de traitement augmente le pourcentage de patients s’améliorant
large place au psychodiagnostic de la psychopathie au Rorschach. (75 %). La psychothérapie individuelle intensive (quatre séances
Il utilise quatre modèles d’interprétation : système athéorique par semaine pendant un an ou plus) aurait un taux de réussite
fondé sur des données empiriques ; analyse développementale du remarquable (91 %). Tout cela laisse penser que la thérapie ana-
concept de l’objet ; analyse structurale des défenses primitives ; lytique est efficace dans la prise en charge de la psychopathie,
regroupement configurationnel des modes interpersonnels pri- le taux moyen de réussite étant de 59 % sur 17 études incluant
mitifs de relation. Les réponses à ces méthodes montrent chez 88 psychopathes. Les thérapies cognitives et comportementales
le psychopathe une structure défensive et limite de la personna- avaient pour leur part un taux moyen de réussite de 62 %, résul-
lité [43] . tat solide reposant sur cinq études incluant 246 psychopathes.
Les thérapies éclectiques, qui comportent souvent une combi-
naison de techniques comportementales, cognitives et orientées
 Approches thérapeutiques sur l’insight, sont également décrites comme très prometteuses,
avec un taux moyen de réussite de 86 %. Dans sa revue, Sale-
Considérations générales kin ne trouve que deux études, portant sur à peine 10 patients,
concernant le traitement pharmacologique de la psychopathie,
Le diagnostic de trouble de personnalité antisociale doit être avec un taux moyen de réussite de 70 %. Enfin la thérapie commu-
réservé aux sujets âgés de plus de 18 ans ayant des antécédents nautaire semble la méthode la moins efficace avec un taux
de symptômes d’un trouble des conduites avant l’âge de 15 ans. moyen de réussite de seulement 25 % pour huit études incluant
En matière d’objectifs thérapeutiques, il existe un large consen- 371 psychopathes. Ce taux n’est que légèrement supérieur à celui
sus pour considérer le pronostic du TPAS comme réservé à moins du groupe contrôle (19,8 %) qui inclut huit études pour un total
que certaines spécificités ne soient présentes, telles qu’un noyau de 287 patients. Salekin propose de tenir compte de cette pro-
dépressif [9] . Classiquement, ces sujets ne sont pas intéressés par portion de psychopathes s’améliorant spontanément au cours du
un traitement ou sont réfractaires à ce même traitement s’il leur temps (sans aucune intervention thérapeutique) pour déterminer
est imposé par l’employeur, les proches ou les tribunaux. La l’efficacité réelle des différents traitements en diminuant de 20 %
demande initiale émane rarement du patient, mais plutôt de son les taux de réussite présentés [89] .
entourage ou de la justice. L’alliance thérapeutique est difficile à Cette méta-analyse montre que, contrairement à la tradition
établir avec ces sujets percevant l’approche psychologique comme clinique pessimiste, la psychopathie n’apparaît pas totalement
menaçante [87] . réfractaire à la thérapeutique. Les bénéfices les plus notables
Selon Reid (2000), la plupart des publications soulignent concernent la réduction des traits et caractéristiques du trouble,
l’intérêt de rechercher les pathologies associées, de traiter cer- comme la diminution du mensonge, l’augmentation du remords
tains comportements spécifiques (abus de substances, violences) et de l’empathie, l’amélioration des relations aux autres, ainsi
et/ou envisagent la prise en charge sociale globale, mais ont peu qu’une réduction du récidivisme. L’objectif, l’intensité et la
de choses à dire sur la thérapeutique du TPAS sous-jacent en lui- durée du traitement semblent les éléments positifs essentiels.
même. À terme les programmes de traitement les plus efficaces En raison du coût élevé induit par ces personnes pour elles-
sont rigoureux, laissant peu de place à la souplesse thérapeutique, mêmes et la société, ces résultats sont encourageants et ont
aux excuses et aux rationalisations des patients. Le TPAS n’est des implications importantes dans le développement de futurs
pas un trouble dans lequel la personne doit guider son propre programmes thérapeutiques. D’un point de vue scientifique,
traitement, rendre si elle le peut les choses plus confortables, beaucoup de ces recherches pourraient être améliorées par
ce qui est presque toujours contrethérapeutique. Il faut donc un l’utilisation d’instruments d’évaluation (PCL-R) avant et après

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le traitement [89] . Pour Rodrigo et al. (2010), diverses thérapies peuvent favoriser un abord psychothérapeutique [9] . Cependant,
psychologiques et comportementales ont montré des taux de suc- le prédicteur le plus important pour le succès du traitement est
cès de 25 % à 62 % [90] . l’aptitude à développer une alliance thérapeutique [9, 93] .
Du fait d’une importante comorbidité avec les autres troubles L’attitude thérapeutique ainsi que les stratégies et techniques
de la personnalité et les pathologies de l’axe I, le pronostic dépend d’intervention sont d’autres facteurs importants. La classique neu-
du bon traitement des affections associées [4] . La prise en charge tralité bienveillante est contre-indiquée. Pour Gabbard (2000),
de l’alcoolisme et de la toxicomanie, d’un état dépressif ou de rester neutre équivaut à une collusion ou une approbation tacite
troubles anxieux est importante car ces pathologies comorbides des comportements antisociaux du patient. L’attitude thérapeu-
peuvent exacerber les comportements antisociaux [91] . L’abus de tique recommandée est plutôt active et confrontationnelle. Le
psychostimulants tels que la cocaïne, la désinhibition liée à clinicien devra confronter de façon répétée le patient psychopathe
l’alcool ou le craving lié au manque de substances doivent égale- à sa minimisation et au déni de son comportement antisocial [85] .
ment être pris en considération car potentialisant les actes violents Il est nécessaire de se centrer sur le comportement actuel plutôt
des personnalités antisociales. Des prises en charge en alcoologie que d’analyser le matériel inconscient du passé [9] . Dans une pers-
ou en addictologie sont souhaitables pour les patients concernés. pective dynamique, il est important que le clinicien aide le sujet à
Il est nécessaire d’envisager une durée et une intensité plus impor- relier ses actes à ses états internes. Les attentes du praticien sur un
tantes des thérapies psychologiques sur les troubles associés en cas changement thérapeutique doivent être réalistes. Enfin, ces sujets
de TPAS [4] . peuvent prendre plaisir à contrecarrer les désirs de leur thérapeute
Quand un diagnostic de TPAS est fait, il est nécessaire de dis- qu’ils s’améliorent en changeant [94] .
cuter ses implications, les risques associés et les possibilités de Les problèmes de contretransfert sont particulièrement impor-
prise en charge avec la personne, sa famille ou les travailleurs tants et complexes dans la thérapie des sujets antisociaux. Certains
sociaux lorsque c’est approprié, et l’équipe dont il relève. Il est cliniciens, par un mécanisme de rationalisation, ne croient pas
indispensable de délivrer cette information et de clarifier les rôles que leur patient soit réellement aussi mauvais. Le risque de
respectifs des services de santé, sociaux et judiciaires. En effet, le collusion est sans doute le type le plus problématique de contre-
TPAS nécessite souvent l’intervention de plusieurs organismes ou transfert [95] . Le praticien doit être stable, persévérant et se montrer
institutions (hôpital, police, justice, prison, etc.) dont les rôles et insensible à la corruption, car ces personnes sont à même de
les tâches devraient être clairement définis avec une bonne arti- l’entraîner dans un comportement ne respectant pas les règles de
culation. Les soins doivent être centrés sur la personne, prenant l’honnêteté et de l’éthique. En simulant crises de larmes, tristesse
en compte ses besoins et préférences dans la mesure du possible. ou remords, elles peuvent manipuler le psychothérapeute et sol-
Si le patient l’accepte, les familles et travailleurs sociaux devraient liciter son empathie et sa complicité [85, 94] . Meloy (1988, 2000)
pouvoir être associés aux décisions concernant le traitement et les cite huit réactions de contretransfert face à l’individu psychopa-
soins [4] . thique : nihilisme thérapeutique, alliance thérapeutique illusoire,
En général, l’hospitalisation n’est à envisager que pour la ges- peur d’être attaqué ou blessé, déni et tromperie, impuissance
tion de crise ou le traitement des affections comorbides [4] . Dans et culpabilité, dévalorisation et perte d’identité professionnelle,
ce cas, elle devrait être brève et, dans la mesure du possible, elle haine et envie de détruire, illusion de complexité psycholo-
devrait être prévue antérieurement dans un protocole de soins gique [43] .
accepté, avec un but défini et une fin. L’admission uniquement
motivée par le traitement du TPAS et de ses risques associés a des
Approche cognitivocomportementale
probabilités d’être longue et devrait être envisagée dans un ser-
vice spécialisé de psychiatrie légale. Soutien et supervision sont Beck et al. (1990, 2004) soulignent la particulière difficulté
nécessaires pour les équipes prenant en charge des personnes à construire une relation de travail en collaboration avec ces
présentant une psychopathie ou un trouble dangereux et sévère sujets dans les thérapies cognitives. Leur prise en charge est dif-
de la personnalité [4] . Notons qu’une étude bien contrôlée met ficile car ils ont tendance à se méfier du thérapeute, sont mal
en évidence que la prise en charge institutionnelle des délin- à l’aise dans l’acceptation d’une aide et ont peu de motiva-
quants non psychopathes (schizophrènes) est plutôt favorable, tion du fait du contretransfert du clinicien. Établir une relation
alors que les délinquants psychopathes participant au même nécessite que le praticien évite les positions de contrôle ou de
programme récidivent davantage, plus rapidement même que lutte pour le pouvoir et reconnaisse sa vulnérabilité à leur ten-
les sujets contrôles similaires n’ayant pas été impliqués dans le dance à la manipulation. Afin d’éviter une rupture prématurée,
traitement [92] . il est suggéré que le thérapeute travaille de façon progressive
à établir la confiance, reconnaisse explicitement les forces et
capacités de ces personnalités antisociales et se retienne de les
Psychothérapie individuelle presser à admettre leurs faiblesses. Le patient peut également
mettre fin de façon prématurée à la thérapie si sa détresse (par
Approche psychodynamique exemple des symptômes anxieux ou dépressifs) est rapidement
Le pessimisme semble largement partagé sur le fait qu’une psy- soulagée. Ces auteurs soulignent le fait que continuer la théra-
chothérapie dynamique puisse seule modifier une personnalité pie est l’intérêt du sujet en identifiant toute souffrance déniée ou
antisociale, vu le peu de littérature portant sur la réussite de ces minimisée [79, 96] .
thérapies dans cette catégorie de trouble [9, 46] . Placer ces sujets Les buts du traitement étant établis d’un commun accord, il est
impulsifs dans une situation de frustration liée au cadre thérapeu- conseillé de se centrer sur des situations spécifiques en utilisant des
tique risque d’induire des passages à l’acte. Il s’agit pour certains stratégies comportementales ou de résolution de problème. Des
d’une contre-indication à la psychanalyse [87] . Meloy (1988, 2000) stratégies de management de la colère ou du contrôle des impul-
retient pour sa part cinq contre-indications à une psychothérapie : sions peuvent être indiquées. Ces sujets étant alors plus aptes à
• des antécédents de comportement agressif sadique grave envers contrôler leurs impulsions et anticiper les conséquences de leurs
autrui ; actes, la thérapie peut davantage se centrer sur les pensées auto-
• une absence totale de remords pour un tel comportement ; matiques et les schémas inadaptés sous-jacents. La prise en charge
• une intelligence élevée ou basse pouvant contrecarrer le pro- se focalise ensuite sur les pressions sociales que le patient doit
cessus thérapeutique ; affronter du fait de son comportement. Des stratégies de préven-
• une incapacité au long cours à développer un lien ou un atta- tion de la rechute sont utiles afin de sensibiliser ces sujets aux
chement émotionnel à une autre personne ; personnes, lieux et situations pouvant être des déclencheurs de
• une réaction de contretransfert du clinicien, craignant pour sa pensées et comportements antisociaux. Pour Beck et al., une thé-
propre sécurité, en présence du patient. rapie familiale ou de groupe semblent un apport supplémentaire
En somme, plus le profil se rapproche du psychopathe pur et intéressant [76, 96] . On trouvera dans les ouvrages français de Debray
moins le patient est susceptible de répondre à une psychothéra- et al. (2005) et Cottraux et Blackburn (2006) le profil cognitif
pie psychodynamique [43] . L’existence de traits narcissiques, d’une détaillé de la personnalité antisociale ou psychopathique et les
dépression majeure ou d’une souffrance authentique et sincère protocoles de traitement [97, 98] .

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Personnalité antisociale  37-490-G-10

Freeman et al. (1990) estiment que la thérapie cognitive peut buts majeurs du traitement est d’aider les membres de la famille
être efficace pour diminuer le comportement antisocial, mais aussi ou le partenaire à poser des limites au patient, ce qui n’est pas sou-
pour l’adoption d’un style de vie plus communautaire. Ces sujets vent le cas antérieurement [9] . Cela peut permettre de diminuer les
mettent cependant un terme à la thérapie de façon prématurée troubles du comportement et l’émergence de symptômes acces-
en l’absence d’une détresse suffisante liée à un trouble de l’axe I sibles à un traitement, notamment du registre dépressif. Nichols
qui constituerait une incitation à poursuivre [99] . Le cadre résiden- (1996) propose des stratégies thérapeutiques dans la thérapie de
tiel serait le plus adapté pour une thérapie comportementale et couple de ce type de personnalité [107] .
cognitive [100] . Notons cependant qu’une augmentation de la réci-
dive d’actes violents a été rapportée dans certaines études chez des
psychopathes traités en groupe [101] . L’entraînement aux habiletés
Thérapie systémique
sociales est proposé dans certaines indications en cas de déficit Une thérapie multisystémique, impliquant la famille, les sys-
spécifique [9] . tèmes éducatifs et sociaux, la justice criminelle et la collectivité,
La thérapie des schémas cognitifs est une élaboration de la serait utile dans le traitement des adolescents présentant un
thérapie cognitive développée par Young et al. [102] . Elle repose trouble des conduites [4, 87] . Le manque d’études sur la question ne
sur l’identification des schémas précoces d’inadaptation et la permet aucune conclusion sur l’efficacité de ce type d’approche
planification de stratégies d’intervention telles que la restruc- thérapeutique.
turation cognitive, des exercices d’imagerie, une confrontation
empathique, des tâches à domicile. Chez les sujets antisociaux,
il s’agit de schémas précoces de méfiance-abus, d’avoir-droit, de
Thérapie institutionnelle
self-contrôle insuffisant, de déficience, de privation émotionnelle, Une prise en charge dans une unité carcérale ou hospitalière
d’abandon et d’isolement social [103] . spécifiques, avec un programme structuré, une attitude ferme et
une implication active des soignés, pourraient donner des résul-
Approche interpersonnelle tats positifs. La délégation aux patients de responsabilités leur
Pour Benjamin (1996), les sujets antisociaux ne répondent permettrait de développer un sentiment de réussite personnelle
pas bien à la psychothérapie individuelle seule. Des évolutions et une estime de soi [4, 87] .
favorables sont cependant possibles en la combinant à d’autres
modalités de traitement, comme la thérapie par le milieu. Benja- Traitements pharmacologiques
min suggère de rejoindre d’abord le sujet dans sa position hostile
initiale, puis d’évoluer progressivement vers une collaboration. Il existe relativement peu d’études sur l’approche pharmaco-
D’autres façons de favoriser une collaboration sont l’utilisation de logique de la personnalité antisociale et on ne connaît pas de
héros du sport comme modèles ou d’autoriser le sujet à assumer traitement psychotrope spécifique de la psychopathie [3, 9, 90, 91] .
un rôle pédagogique dans un cadre supervisé et socialement Le NICE recommande de ne pas utiliser en routine des inter-
acceptable. Des stages de survie en milieu hostile sont d’autres ventions pharmacologiques pour le traitement du TPAS ou des
modalités possibles. Il s’agit de favoriser l’engagement (le lien) comportements associés d’agression, de colère et d’impulsivité.
et l’interdépendance afin de développer une relation de collabo- L’emploi de psychotropes doit en revanche être envisagé dans le
ration. Ensuite, on aide les personnes antisociales à reconnaître traitement des troubles comorbides [4] . Les recherches cliniques
et à comprendre la dimension autodestructrice de leur mode de indiquent que les antipsychotiques ou les benzodiazépines sont
vie [104] . d’une efficacité limitée ou inconstante [9] . Pour Fillieux et God-
froid (2001), dans leur revue de la littérature, les benzodiazépines
et les neuroleptiques devraient être réservés à la prise en charge
Thérapie de groupe aiguë du fait de leur action sur les comportements impulsifs
Des formes structurées de thérapie de groupe pourraient être et antisociaux [87] . Certains symptômes, tels que l’impulsivité,
relativement efficaces pour les criminels. Pour les sujets souffrant orientent la pharmacothérapie et, lors de la prescription,
d’un TPAS avec antécédents de délinquance, en soins dans la une attention particulière doit être portée au risque de non-
communauté ou en institution, il faut envisager des interventions compliance, mésusage ou overdose [4] . De manière générale,
de groupe cognitives et comportementales centrés sur la réduction l’utilisation au long cours des psychotropes dans le TPAS nécessite
des comportements antisociaux [4] . Les groupes ouverts, non direc- des recherches complémentaires contrôlées et randomisées.
tifs et de composition hétérogène, ne sont pas recommandés car
ils peuvent être facilement perturbés par ces patients. Les groupes
Benzodiazépines
didactiques et structurés de psychoéducation auraient un intérêt Compte tenu des risques de dépendance et de désinhibition,
limité [9] . les benzodiazépines sont contre-indiquées ou à utiliser avec pré-
Des groupes psychothérapeutiques peuvent être proposés. caution pour ces patients impulsifs ayant souvent des conduites
Moins structurés, ils utilisent des thèmes communs à ces déviants. addictives [91] . Elles sont à réserver au traitement de la phase aiguë,
Ces groupes sont à long terme, de périodicité hebdomadaire, en monothérapie, lors d’une période d’agitation [87, 108] . L’arrêt bru-
d’une durée de 1 heure 30 et limités à dix patients déterminés par tal des benzodiazépines à demi-vie courte peut par ailleurs être
le clinicien. La participation de deux thérapeutes est souhaitable. source d’irritabilité et d’agitation, ce qui peut favoriser la violence,
Elle permet de diminuer le risque d’attaque et de disqualification mais le clonazépam et le lorazépam pourraient avoir un rôle positif
de la part du groupe, et offre plus d’opportunité d’identification dans la gestion de la violence au long cours [108] .
constructive en fonction du style et de la personnalité des pra-
ticiens. Ces derniers peuvent aussi jouer les rôles du bon et du Régulateurs de l’humeur
méchant et se passer le relais en cas de difficulté particulière Les antidépresseurs et normothymiques paraissent plus indi-
avec un patient [9, 105] . Des groupes de soutien peuvent enfin être qués dans le traitement chronique du TPAS, mais les résultats
intéressants au décours d’une thérapie de groupe plus intensive. restent cependant modestes ou décevants. Le lithium a montré
Ouverts, ils sont destinés à la prévention des rechutes et au déve- une certaine efficacité chez les patients impulsifs, violents et pré-
loppement d’un support par le groupe. sentant des variations de l’humeur. Il permettrait de diminuer les
comportements agressifs dans diverses pathologies ou chez des
Thérapie de couple et familiale détenus [109] . Malheureusement, beaucoup de personnes antiso-
ciales ne tolèrent pas les effets secondaires de ce traitement ou ne
Quelques études sont en faveur de l’efficacité d’une thérapie respectent pas les précautions ou modalités de surveillance néces-
familiale brève pour des adolescents délinquants [9] . Les personnes saires [9] . Les sujets ayant des antécédents familiaux de maladie
antisociales sont rarement enclines à une thérapie familiale ou de répondant au lithium, de dépression récurrente ou d’agressivité
couple, mais plus le praticien parvient à impliquer le partenaire sont cependant décrits comme de bons candidats à un essai de
ou les parents et plus les changements sont possibles [106] . Un des traitement par le lithium [110] .

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37-490-G-10  Personnalité antisociale

La phénytoïne réduirait significativement la fréquence des en maintenant fermement des limites. Les données scientifiques
comportements agressifs. La carbamazépine serait efficace dans sont en faveur d’un traitement au long cours, associant psy-
le traitement de l’agressivité et de l’irritabilité, souvent pré- chothérapie individuelle, de groupe, familiale, comportementale,
sentes dans les troubles de la personnalité [87, 91, 108, 111] . Une psychoéducationnelle, et médicaments dans un cadre soignant
bonne compliance du patient est cependant nécessaire en rai- structuré.
son des contrôles sanguins indispensables et des risques en cas
d’intoxication accidentelle ou volontaire. Le valproate est une
autre molécule également intéressante. Bien que tous ces thy-  Prévention
morégulateurs soient difficiles d’emploi chez ces patients peu
coopératifs, ils prennent une place actuellement plus importante La question de la prévention du TPAS est essentielle quoique
dans la prise en charge des personnalités antisociales. Les bêta- difficile vu la diversité et la complexité des facteurs étiopatho-
bloquants, tels que le propranolol ou le métoprolol, ont pu être géniques. Elle pose par ailleurs certains problèmes éthiques [90] .
proposés pour leur action agressivolytique [111–114] . Elle peut être envisagée au travers du dépistage et de la prise
en charge du trouble des conduites dans l’enfance, en associant
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine les proches aux méthodes socioéducatives et thérapeutiques. Des
Plusieurs travaux montrent que les inhibiteurs sélectifs de la interventions cognitives et comportementales peuvent être pro-
recapture de la sérotonine (IRS) au niveau cérébral peuvent réduire posées aux enfants à risque. Elles consistent en un entraînement
les comportements impulsifs et violents. Des antidépresseurs séro- à la résolution de problèmes avec l’apprentissage de différentes
toninergiques, notamment la fluoxétine entre 20 mg et 80 mg réponses aux situations relationnelles, en se centrant sur les
par jour pendant au moins 3 mois, ont ainsi montré une effi- processus de pensée : tâches structurées, jeux et histoires, mode-
cacité dans des études en ouvert sur l’irritabilité, l’agressivité, ling, jeux de rôle et renforcement. Cette approche est utile pour
l’impulsivité, la colère dans diverses pathologies, dont la psy- les mineurs de 8 ans et plus, si la famille ne souhaite pas ou
ne peut s’engager dans un programme destiné aux parents, ou
chopathie [9, 91, 114, 115] . À l’inverse il a été souligné l’apparition
en présence de traits tels qu’une insensibilité et une absence
de comportements agressifs, antisociaux ou suicidaires chez des
d’émotion [4] .
sujets déprimés traités par IRS [116] .

Psychostimulants
 Conclusion
Du fait de la fréquente continuité entre le trouble déficit de
l’attention-hyperactivité (TDAHA) et le TPAS, les psychostimu- Le TPAS pose d’épineux problèmes diagnostiques, pronostiques,
lants, comme le méthylphénydate ou le pémolide, ont pu susciter thérapeutiques et préventifs. Son étiopathogénie le situe par
des espérances pour les sujets antisociaux comorbides avec un ailleurs aux frontières de l’inné et de l’acquis, des facteurs bio-
TDAHA, mais il n’existe pas d’étude contrôlée [9, 88] . Ces traite- logiques de base favorisant très vraisemblablement l’apparition
ments sont d’utilisation délicate étant donné le risque d’épisode du trouble en cas de carences affectives et éducatives, d’abus ou
psychotique, d’aggravation des troubles du comportement et de de négligences parentales dans l’enfance. Bien que de très nom-
dépendance. Ils devraient être réservés aux patients hospitalisés breuses recherches internationales portent de nos jours sur la
ou strictement supervisés [91] . personnalité antisociale, son traitement spécifique reste incertain
et donne lieu à des débats de fonds volontiers contradictoires :
Synthèse faut-il soigner et/ou punir ? Quoi qu’il en soit, l’évaluation et
Mulder (1996) recommande pour les patients présentant un la prise en charge d’une personne souffrant d’un trouble de la
TPAS, et avec leur accord après information : les antipsychotiques personnalité antisociale nécessitent une confrontation interdisci-
pour les psychoses brèves et le mauvais contrôle comportemen- plinaire entre les praticiens de la santé mentale, les magistrats et
tal ; le lithium pour le comportement violent ; la carbamazépine les personnels socioéducatifs et pénitentiaires.
pour le mauvais contrôle du comportement, particulièrement s’il
est épisodique ; les psychostimulants pour l’hyperactivité grave
de l’enfant et de l’adulte ; les antidépresseurs pour l’impulsivité  Références
et la colère [91] . Reich (2002) conseille pour les sujets agressifs et
impulsifs de commencer par un IRS à posologie antidépressive. [1] Organisation Mondiale de la Santé. CIM-10/ICD-10. Classification
En cas d’insuccès, l’essai d’un autre IRS doit être tenté. En cas de Internationale des Troubles Mentaux et des Troubles du Comporte-
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être envisagé [117] . Lors des accès aigus de violence, fréquents chez
[3] HAS. Audition publique : Prise en charge de la psychopathie. Rapport
ces patients, les benzodiazépines et les neuroleptiques seront utili- d’orientation. Paris: Haute Autorité de Santé, Service des recomman-
sés de façon ciblée et limitée dans le temps [108] . En ce qui concerne dations professionnelles; 2006.
le traitement de fond de la personnalité antisociale, aucune molé- [4] NICE clinical guideline 77. Antisocial personality disorder. Treatment,
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thérapeutiques, il y a place pour un optimisme prudent à condi-
[8] Moran P. The epidemiology of antisocial personality disorder. Soc
tion que le traitement soit combiné ou multimodal et adapté aux
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besoins particuliers du sujet ainsi qu’aux circonstances [9] . Il est [9] Sperry L. Handbook of diagnosis and treatment of DSM-IV-TR per-
bien connu que le vieillissement paraît le traitement le plus effi- sonality disorders. Chapter 2: Antisocial personality disorder. New
cace (« sirop de temps, pilules de patience » des anciens aliénistes), York: Routledge; 2003.
les comportements antisociaux tendant à s’atténuer avec l’âge. La [10] Côté G, Hodgins S, Toupin J. Psychopathie : prévalence et spécifi-
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tement entrecoupées de longs intervalles sans soins. Dans tous [11] Pinatel J. Criminologie. In: Bouzat P, Pinatel J, editors. Traité de droit
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M. Bénézech, Chef de service et expert judiciaire honoraires, conseiller scientifique de la Gendarmerie nationale française (michel.benezech@gmail.com).
266, rue Judaïque, 33000 Bordeaux, France.
P. Le Bihan, Praticien hospitalier, chargé d’enseignement de criminologie clinique.
Pôle unité pour malades difficiles, Centre hospitalier, 89, rue Cazeaux-Cazalet, 33410 Cadillac, France.
Université Montesquieu-Bordeaux 4, avenue Léon-Duguit, 33608 Pessac cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bénézech M, Le Bihan P. Personnalité antisociale. EMC - Psychiatrie 2012;9(4):1-16 [Article 37-490-G-10].

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