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Repères en psychopathologie
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Catalogage Electre-Bibliographie
Grebot, Élisabeth
Repères en psychopathologie. – Saint-Martin-d’Hères (Isère) : PUG, 2002. –
(Libres cours)
ISBN 2-7061-1046-5
RAMEAU : psychopathologie : manuels d’enseignement secondaire
DEWEY : 616.61 : Maladies. Étude clinique de l’adulte et de l’adolescent.
Névroses et troubles.
378.22 : Enseignement supérieur. Psychologie.
Public concerné : 1er et 2e cycles. Professionnel, spécialiste.

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de


l’article L. 122-5, 2° et 3° a, d’une part, que les « copies ou repro-
ductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non
destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les
analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illus-
tration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou
partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants
droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce
soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les arti-
cles L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

© Presses Universitaires de Grenoble, 2002


BP 47 – 38040 Grenoble cedex 9
Tél. : 04 76 82 56 51 – Fax : 04 76 82 78 35
e-mail : pug@pug.fr http://www.pug.fr

ISBN 2 7061 1046 5


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Élisabeth Grebot

Repères en psychopathologie

Presses Universitaires de Grenoble


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« LIBRES-COURS »
Déjà parus dans cette collection

DROIT
D. LEFÈBVRE
Contentieux de l’entreprise et expertise judiciaire, 2e édition, 1995
F. SERVOIN
Droit administratif de l’économie, 2001
D. LEFÈBVRE, E. MOLLARET-LAFORÊT, C. GUITER, C. ROBBEZ MASSON
Droit et entreprise – Aspects juridiques, sociaux, fiscaux, 2001

ÉCONOMIE
R. DI RUZZA
Éléments d’épistémologie pour économiste, 1988
A. SAMUELSON
Les grands courants de la pensée économique, 5e édition, 1997
W. ANDREFF
La crise des économies socialistes, 1993
P. BAILLY
Statistique descriptive, 1999

PSYCHOLOGIE
E. GREBOT et I. ORGIAZZI BILLON-GALLAND
Les bases de la psychopathologie – Éléments historiques, notionnels et théoriques,
2001

SOCIOLOGIE
P. ROLLE
Bilan de la sociologie du travail, tome I – Travail et salariat, 1988
S. ERBÈS-SEGUIN
Bilan de la sociologie du travail, tome II – Le travail dans la société, 1988
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AVANT-PROPOS

Ce manuel d’introduction à la psychopathologie se veut un instrument de travail


d’utilisation aisée pour toute personne désirant découvrir la diversité de la psycho-
pathologie. Comme toute discipline, la psychopathologie suppose l’acquisition
d’un langage spécialisé, exposé dans un précédent ouvrage intitulé Les bases de la
psychopathologie.
Étymologiquement, la psychopathologie désigne l’étude des « souffrances de
l’âme » mais cette définition trop générale ne reflète pas la complexité de cette
discipline qui comporte, selon Serban Ionescu (1991), quatorze approches différen-
tes.
Cet ouvrage choisit d’exposer l’approche psychanalytique, l’approche athéo-
rique et l’approche cognitivo-comportementale, après un rappel historique et une
présentation de la sémiologie des pathologies étudiées dans ce volume : les névro-
ses (hystérie de conversion, hystérie d’angoisse, névrose obsessionnelle), les
psychoses chroniques et les troubles de l’humeur. D’autres théories « concurrentes »
sont parfois évoquées lorsque leur apport est essentiel à la compréhension multi-
factorielle de la pathologie. Tel est le cas des recherches biologiques, génétiques et
neuropsychologiques dans l’étude des schizophrénies et des dépressions.
– Avec la théorie freudienne, le symptôme a valeur d’un langage, et le fait
psychopathologique est entendu comme un message porteur de sens. Ce message
déformé, travesti, méconnaissable, a un sens latent qui peut être décrypté et retr-
ouvé. La solution de l’énigme réside dans l’histoire du sujet, histoire consciente et
inconsciente. La théorie freudienne est un cadre conceptuel qui oriente les hypo-
thèses et l’interprétation des cliniciens qui partagent l’approche psychanalytique.
« Chacun sait que la lecture psychanalytique consiste en une greffe de sens sur le
non-sens apparent de la succession des signifiants. Sens dans le non-sens, telle pour-
rait être la définition de l’interprétation analytique. » (J.P. Winter)
– L’approche athéorique en psychopathologie vise une description des troubles
pathologiques sans référence théorique particulière afin de permettre des échanges
entre cliniciens d’orientations théoriques différentes. L’idée de créer une psychopa-
thologie descriptive athéorique est née aux États-Unis lors des débats préparatoires
à la rédaction du deuxième Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
ou DSM II (1968). Le manuel diagnostique des maladies mentales (DSM IV) de
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6• Repères en psychopathologie

l’Association américaine de psychiatrie (APA) ainsi que la Classification interna-


tionale des maladies mentales (CIM 10) de l’Organisation mondiale de la santé
(O.M.S.) affichent leur volonté d’athéorisme en déclinant des critères opérationnels
explicitant une sémiologie extrêmement détaillée pour chaque trouble mental.
« Avec le temps, à n’en pas douter, pour certains troubles d’étiologie inconnue,
des étiologies biologiques spécifiques seront découvertes. Pour d’autres, il s’agira de
causes psychologiques ; pour d’autres encore, d’une interaction de facteurs psycho-
logiques, sociaux et biologiques » écrit R. Spitzer (1989) dans l’introduction du DSM
III-R.
L’évaluation dans la classification de l’Association de psychiatrie américaine
(DSM) est multiaxiale. Cinq axes correspondent à des catégories diagnostiques
différentes d’informations. Le premier axe est dévolu à la symptomatologie, le
second aux troubles de la personnalité et le retard mental, le troisième permet l’en-
registrement des troubles somatiques, le quatrième permet de noter les facteurs de
stress psychosociaux et le cinquième évalue le fonctionnement global.
– Les approches comportementales et cognitives se réfèrent aux théories de l’ap-
prentissage et aux modèles cognitifs de traitement de l’information pour expliquer
l’éclosion et le maintien de comportements inadaptés, dysfonctionnels et invali-
dants. Les paradigmes du conditionnement classique de Pavlov, du
conditionnement opérant de Skinner et de l’apprentissage social de Staats et
Bandura ont influencé les conceptions et les thérapies comportementales. Selon
cette perspective, les comportements, adaptés ou inadaptés, sont acquis et mainte-
nus par des mécanismes identiques qui respectent les lois générales de
l’apprentissage. La démarche conceptuelle en psychopathologie cognitiviste repose
sur le paradigme du traitement de l’information. Cette approche met l’accent sur les
processus cognitifs qui permettent au sujet de recueillir et de traiter les informa-
tions, sur son environnement et sur lui-même, puis d’adapter son comportement. Le
comportement est défini à l’aide d’une triade composée des dimensions motrice,
émotionnelle et cognitive en interaction.
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• C h a p i t r e 1 •

LES BASES DE LA MÉTAPSYCHOLOGIE

I. RAPPEL THÉORIQUE

Le terme Métapsychologie désigne le cadre théorique que Freud a élaboré et


enrichi tout au long de sa vie. La métapsychologie constitue la base théorique de la
psychanalyse. Freud la définit dans Ma vie et la psychanalyse comme « un mode
d’observation d’après lequel chaque processus psychique est envisagé d’après les
trois coordonnées de la dynamique, de la topique et de l’économie… ».

Le point de vue économique


Le point de vue économique postule une circulation de l’énergie au sein de l’ap-
pareil psychique et décrit le jeu des investissements psychiques. L’économique
correspond au flux et à la force des investissements et des désinvestissements de soi
ou d’autrui (l’objet).
Exemple. L’état amoureux illustre l’aspect quantitatif de l’énergie psychique
et le jeu des investissements et des désinvestissements de soi et de l’objet
aimé. L’état amoureux repose sur une telle idéalisation de l’objet aimé que
le sujet amoureux opère un certain désinvestissement de soi.
– Dans un premier temps, Freud a distingué les pulsions d’autoconservation
qui alimentent les investissements narcissiques et les pulsions sexuelles qui
alimentent les investissements objectaux.
– Dans un second temps, Freud a élaboré le dualisme : pulsions de vie et
pulsions de mort. La pulsion de vie ou Éros pousse à un ordre vivant, mouvant,
à la complexification, à l’organisation tandis que la pulsion de mort est une
tendance à la réduction des tensions jusqu’à l’état minéral inorganique.

Le point de vue topique


La topique étudie les différents « lieux » de l’appareil psychique et leurs rapports
(topique vient du grec, topos, lieu). Le mot « topique » renvoie à une description de
type géographique de l’appareil psychique. Freud a élaboré deux topiques :
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8• Repères en psychopathologie

– la première topique (1900) suppose trois systèmes psychiques :


l’Inconscient, le Préconscient et le Conscient ;
– la deuxième topique (1923) postule trois instances : le Ça, le Moi et le
Surmoi.
Ces deux modèles ne s’excluent pas mais se complètent. En effet, la référence à
l’Inconscient a toujours été centrale dans l’œuvre de Freud, même après l’élabora-
tion de la deuxième topique.
Dans la première topique, les trois systèmes psychiques : l’Inconscient, le
Préconscient et le Conscient sont séparés par des frontières contrôlées par des
censures qui laissent passer ou empêchent le passage des contenus représentatifs
d’un système vers un autre.
L’inconscient est constitué de représentations (c’est-à-dire d’idées, d’images,
ou de traces dans la mémoire) qui sont hors d’atteinte de la conscience. La force
qui maintient une partie du psychisme hors de la conscience s’appelle le refou-
lement. À l’inverse, les représentations refoulées des pulsions essaient de
revenir à la conscience et exercent une pression vers le conscient : c’est le retour
du refoulé, d’où l’expression : « l’inconscient c’est le refoulé ». L’inconscient est
régi par le principe de plaisir et caractérisé par le processus primaire1.
La seconde topique est esquissée dans Au delà du principe de plaisir (1920) puis
développée dans Le Moi et le Ça (1923). Freud reconstruit une nouvelle topogra-
phie de l’appareil psychique en différenciant le Ça, le Moi, et le Surmoi.
– Le Ça, inconscient, constitue le réservoir pulsionnel de notre psychisme.
Les pulsions, sont régies par les processus primaires et le principe de plaisir. Le
Ça ignore les jugements de valeur, le bien, le mal, la morale. Freud décrit le Ça
comme « la partie obscure, impénétrable de notre personnalité ».
– Le Moi est le médiateur entre les exigences pulsionnelles du Ça, le monde
extérieur et les contraintes du Surmoi.
« Un proverbe met en garde de servir deux maîtres à la fois. Le pauvre moi est
dans une situation encore pire, il sert trois maîtres sévères, il s’efforce de concilier
leurs revendications et leurs exigences. Ces revendications divergent toujours,
paraissent souvent incompatibles, il n’est pas étonnant que le moi échoue si souvent
dans sa tâche. Les trois despotes sont le monde extérieur, le Surmoi et le Ça. » (Freud,
1933)

1. Le fonctionnement psychique est régi par deux processus : primaire ou processus auto-
matique de décharge de l’énergie qui circule librement ; secondaire qui prend en
considération les contraintes de la réalité dans la satisfaction des besoins pulsionnels.
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Les bases de la métapsychologie •9

Le Moi représente « la raison et la sagesse » alors que le Ça est dominé par


« les passions ». Le Moi cherche à substituer le principe de réalité au principe de
plaisir qui exerce son pouvoir dans le Ça.
« On pourrait comparer le rapport du Moi au Ça avec celui du cavalier à son
cheval. Le cheval fournit l’énergie de la locomotion, le cavalier a la prérogative de
déterminer le but, de guider le mouvement du puissant animal. » (Freud, 1933)
« Le moi tend vers le plaisir et cherche à éviter le déplaisir » en agissant sur le
monde extérieur pour le modifier et créer les conditions favorables à la satisfaction
(Freud, 1940).
– Le Surmoi est, selon Freud, « le représentant des exigences éthiques de
l’homme ». Le Surmoi résulte de l’intériorisation des images idéalisées des
parents, l’intériorisation de sa propre relation avec ses parents et l’intériorisation
des règles et des lois parentales et sociales. En dehors de son rôle de censeur, le
Surmoi a pour fonction d’établir un modèle idéal pour le Moi. Le Surmoi se
constitue après le complexe d’Œdipe. L’enfant ne pouvant satisfaire ses désirs
incestueux en raison de l’interdit parental, s’investit sur les parents en s’identi-
fiant à eux. Freud précise que « Le Surmoi de l’enfant ne se forme pas à l’image
des parents, mais bien à l’image du Surmoi de ceux-ci ; il s’emplit du même
contenu, devient le représentant de la tradition, de tous les jugements de valeur
qui subsistent ainsi à travers les générations. » (Freud, 1933)
M. Klein décrit un complexe d’Œdipe plus précoce, dès le second semestre
de l’existence. Ce complexe est sous la domination de phantasmes sadiques
archaïques (sadisme oral : dévoration, destruction, anéantissement). Ce Surmoi,
héritier des pulsions sadiques orales est cruel et « La loi du Surmoi archaïque est
la loi du talion ».

Le point de vue dynamique


Selon le point de vue dynamique, l’appareil psychique est le siège de forces en
conflit, qui opposent désirs et défenses. Les conflits sont dynamiques et incons-
cients et les forces en conflit sont d’origine pulsionnelle. Freud fonde ce conflit sur
l’opposition :
– de deux pulsions2 : pulsions d’autoconservation et pulsions sexuelles puis
pulsions de vie et pulsions de mort ;

2. Pulsion : poussée irrépressible, d’origine interne, à laquelle il est impossible d’échapper.


Les pulsions ne sont ni psychiques ni corporelles, mais se trouvent à la limite des deux
domaines : elles traduisent les exigences biologiques dans le psychique.
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10 • Repères en psychopathologie

– d’instances de l’appareil psychique : entre le Ça et le Surmoi dans les


névroses et entre le Moi et la réalité extérieure dans les psychoses.
Aux points de vue dynamique, économique et topique de la
Métapsychologie, les psychologues de l’Ego Psychology (Hartmann et coll.,
1946) ont ajouté le point de vue génétique.

Le point de vue génétique


Le point de vue génétique envisage la construction du psychisme à partir du
développement psychosexuel de l’enfant. Pour la psychanalyse, la sexualité est
présente dès l’enfance et se transforme progressivement. La psychanalyse attribue
au mot « sexualité » le sens élargi du mot allemand lieben qui signifie aimer.
« Nous considérons comme appartenant au domaine de la sexualité toutes les
manifestations de sentiments tendres découlant de la source des émois sexuels primi-
tifs… » (Freud, 1916-1917)
La description de la sexualité infantile par Freud vers 1900 a provoqué une révo-
lution intellectuelle et un scandale car Freud démystifie l’idée de l’innocence de
l’enfant au sujet de sa sexualité :
« Il est généralement admis que la pulsion sexuelle fait défaut à l’enfance et ne
s’éveille que dans la période de la puberté. C’est là une erreur lourde de conséquen-
ces, puisque nous lui devons l’ignorance où nous sommes des conditions
fondamentales de la vie sexuelle. » (Freud, 1897)

– Les stades libidinaux


Freud annonce à Wilhelm Fliess dans une lettre datée du 14 novembre 1897 sa
découverte de la sexualité infantile et sa théorie de la libido ou « doctrine des
pulsions » qui « ont à faire avec tout ce que l’on peut comprendre sous le terme
d’amour » :
« Libido est un terme emprunté à la théorie de l’affectivité. Nous désignons ainsi
l’énergie (...) des tendances se rattachant à ce que nous résumons dans le mot
amour… nous n’en séparons pas toutes les variétés d’amour, telles que l’amour de
soi-même, l’amour qu’on éprouve pour les parents et les enfants, l’amitié, l’amour
des hommes (...)» (Freud, Essais de psychanalyse, Suggestion et libido)
Le développement de la personnalité dans la théorie freudienne est conçu
comme une succession de stades différents mais susceptibles de se chevaucher. La
notion de stade repose sur l’idée d’une succession de différentes zones érogènes3
3. Zone érogène : région corporelle susceptible d’être le siège d’une excitation de type
sexuel.
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Les bases de la métapsychologie • 11

(orale, anale, génitale) et d’une modification des relations objectales évoluant de


l’auto-érotisme à l’hétéro-érotisme, de la sexualité prégénitale à la sexualité génita-
lisée.

– Le stade oral : de la naissance à un an


La relation symbiotique de l’enfant au sein maternel organise le premier stade
de la vie affective autour de la fonction alimentaire. À ce stade, la zone érogène
utilisée pour la recherche du plaisir est constituée par les lèvres, la langue et la
cavité buccale. La satisfaction libidinale est étayée4 sur le besoin physiologique
d’être nourri. À ce stade, le plaisir est autoérotique. L’enfant n’est pas différencié
du monde extérieur : il y a « indifférenciation Moi/non-Moi » et état « anobjectal ».
« L’enfant se satisfait de son propre corps ; son attitude est autoérotique, pour
employer un terme de Havelock Ellis. » (Freud, Lettre à Fliess, 1897)
Le désir caractéristique du stade oral est l’incorporation orale des objets, qui
sont des objets partiels5. Le nourrisson entretient avec ces « morceaux d’objets »
une relation autoérotique dans le cadre du narcissisme primaire et une relation
anaclitique6 (du grec, se coucher sur, s’appuyer) étant donné la dépendance totale
du nourrisson à sa mère ou à son substitut nourricier. La fin du stade oral correspond
au sevrage qui peut être une expérience traumatique susceptible de laisser des traces
indélébiles.
Le stade oral a été subdivisé en deux phases par Karl Abraham (1924), psycha-
nalyste berlinois :
– la phase préambivalente (0-6 mois) exclusivement liée à la succion où l’in-
corporation ne vise pas à détruire l’objet. L’enfant ne différencie pas son corps
et le monde extérieur ;
– la phase sadique-orale (6-12 mois) débutant avec l’apparition des premiè-
res dents où la succion est peu à peu complétée par la morsure. L’enfant peut
s’attaquer activement au monde extérieur. Cette phase correspond à l’instaura-
tion de sentiments contradictoires, ambivalents vis-à-vis de l’objet qui est à la
fois objet de satisfaction libidinale et objet d’hostilité.

4. Le plaisir pris par le nourrisson dans la succion du sein est étroitement associé à la satis-
faction du besoin de nourriture.
5. Le sein est, au stade oral, l’objet partiel visé par la pulsion ; l’objet de la pulsion partielle
n’est pas un objet total, une personne totale.
6. Anaclitique = étayage.
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12 • Repères en psychopathologie

« À l’étape de l’activité buccale de morsure, l’objet est incorporé et subit la


destruction (...) C’est le stade des impulsions cannibaliques. (..) À partir de là, l’am-
bivalence règne sur la relation du Moi à l’objet. » (Abraham, 1924)
L’unité du stade oral est conférée par la primauté de la zone érogène orale et la
subdivision en deux phases témoigne d’une évolution de la relation objectale7.

– Le stade anal : de un an à trois-quatre ans


Le stade anal commence lorsque s’installe le contrôle sphinctérien, lorsque la
défécation devient un acte que l’enfant peut commander. Ce contrôle sphinctérien
apparaît avec la marche comme deux acquisitions ouvrant la voie vers l’indépen-
dance.
La muqueuse ano-rectale représente à ce stade la zone érogène, siège de toutes
les sensations de l’érotisme anal. Le contenu intestinal joue un rôle d’excitant,
devient un objet d’échange et d’expression symbolique. L’objet fécal, vécu par l’en-
fant comme une « partie de son propre corps » est « un cadeau » qu’il peut, soit
donner et prouver ainsi son obéissance et son amour, soit refuser et prouver ainsi
son hostilité. Ce stade est appelé sadique-anal pour marquer cette dimension rela-
tionnelle caractéristique. Le désir d’exercer son pouvoir sur l’entourage et non plus
uniquement sur son corps propre s’ajoute au plaisir de contrôler. L’objet fécal,
pouvant être soit expulsé à l’extérieur de son propre corps soit retenu à l’intérieur
permet à l’enfant d’apprendre à distinguer un objet interne et un objet externe.
«...l’ordure a été le premier cadeau que le nourrisson pouvait faire, dont il s’est
dessaisi par amour pour celle qui prend soin de lui. » (Freud, 1932)
La relation d’objet au stade anal est caractérisée par le sadisme, le masochisme,
l’ambivalence, le couple actif-passif, le narcissisme, la bisexualité :
– le sadisme : l’agression contre l’objet est chargée de plaisir ;
– le masochisme : l’accès au plaisir est vécu passivement et dans la douleur ;
– l’ambivalence : l’objet quand il est éliminé est détruit alors que l’objet
retenu est gardé comme un bien précieux et aimé ;
– le couple actif-passif : l’enfant expérimente dans sa relation à autrui les
tendances opposées : dominer-être dominé/gentil-méchant, etc. ;
– le narcissisme : vocable issu du mythe de Narcisse qui désigne l’amour que
le sujet se porte à lui-même. Le narcissisme est renforcé à ce stade car l’enfant
éprouve un sentiment de puissance en s’opposant à son entourage et en conqué-
rant une certaine indépendance ;

7. Relation d’objet désigne le rapport du sujet au monde, qu’il soit interne ou externe.
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Les bases de la métapsychologie • 13

– la bisexualité : Freud a mis en évidence la bisexualité humaine enracinée


dans la phase anale du développement où le rectum est vécu à la fois comme un
organe creux excité passivement et un organe expulsant activement les matières
fécales.
Karl Abraham (1877-1925) a différencié le sous-stade de réjection et le sous-
stade de rétention.
– La phase expulsive est caractérisée par un plaisir autoérotique narcissique
et par le sadisme : l’objet fécal expulsé est détruit et utilisé par l’enfant pour
s’opposer à l’apprentissage de la propreté par ses parents.
– La phase rétentive est caractérisée par la découverte du plaisir autoérotique
masochique. Les selles procurent à l’enfant du plaisir qui est obtenu passive-
ment et, par un acte conservatoire, l’enfant défie ses parents.
« Abraham a mis en évidence, en 1924, qu’on peut distinguer deux stades dans la
phase sadique-anale. Au premier, ce sont les tendances destructrices qui visent à
anéantir et à perdre qui prédominent ; au stade ultérieur, les tendances amies de l’ob-
jet, qui visent à conserver et à posséder. » (Freud, 1932)
Une ligne de partage se situe entre le sous-stade anal de réjection et le sous-stade
de rétention qui correspond à la délimitation psychose-névrose.
« Cette séparation née de l’empirisme psychanalytique coïncide avec la délimita-
tion des névroses par rapport aux psychoses de la médecine clinique. (…) la libido
d’un être peut chevaucher la frontière entre les deux étapes sadiques-anales lorsqu’un
motif correspondant apparaît et que certaines fixations du développement libidinal en
offrent la possibilité. » (Abraham, 1924)

– Le stade phallique après 3 ans


Les conflits affectifs centrés sur l’analité sont remplacés par l’intérêt de l’enfant
pour la zone génitale : zone érogène du stade phallique. Une certaine unification des
pulsions partielles sous le primat des organes génitaux s’instaure. Les préoccupa-
tions de l’enfant pendant ce stade se concentrent sur la curiosité sexuelle, la
fécondation, le coït et la naissance.
– L’enfant manifeste une curiosité par rapport à la sexualité, la procréation,
l’accouchement, les relations sexuelles des parents. La curiosité sexuelle infantile
se focalise sur la « découverte » de la différence anatomique entre les sexes et la
scène primitive.
– Pour les deux sexes, l’organe mâle est l’organe génital au cœur des préoccu-
pations : c’est pourquoi, l’on parle de primat du « phallus ». Les analystes
différencient pénis et phallus :
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14 • Repères en psychopathologie

• le pénis désigne l’organe sexuel ou sa représentation figurée dans les


fantasmes tandis que le phallus a une référence symbolique ;
• le phallus dans la doctrine freudienne est signification. Lacan désigne par
phallus un signifiant qui renvoie à tout ce qui concerne l’instauration de la loi :
le phallus introduit dans la relation de l’enfant à la mère un terme de médiation
où s’ordonne la dialectique du sujet et de son désir.
– Dans un premier temps, l’enfant cherche à nier la réalité de la différence des
sexes. L’enfant se rassure grâce à un souhait de réparation magique qui permettra
aux petites filles d’acquérir plus tard un pénis. L’enfant constatant l’absence de
pénis chez la fille attribue ce manque à une mutilation subie : le fantasme de castra-
tion (le pénis détruit, coupé, perdu). L’enfant vit ce fantasme en projetant ses
propres pulsions sadiques sur ses parents qu’il rend responsables de la destruction
du pénis. L’enfant refuse d’étendre à toutes les femmes cette absence de pénis et
l’enfant maintient pendant longtemps sa croyance en une mère phallique qui, idéa-
lisée, ne serait pas tombée sous le coup de la castration. La mère garde pour l’enfant
ce phallus imaginaire, apanage de la puissance adulte.
– L’enfant élabore des théories infantiles de la fécondation à l’aide d’éléments
empruntés au stade oral et urétral : ainsi, l’enfant croit en une fécondation orale par
le baiser ou l’enfant croit que les enfants naissent par l’anus. Cette conception de la
naissance anale reflète les fantasmes du stade anal. L’enfant développe une concep-
tion sadique du coït où la relation sexuelle adulte est interprétée comme une relation
sadique où le plus fort impose sa volonté au plus faible.

– Le conflit œdipien
Le complexe d’Œdipe (entre 3 et 5 ans) pour les psychanalystes freudiens joue
un rôle « d’organisateur central dans la structuration de la personnalité ». La façon
dont le sujet traverse le complexe d’Œdipe influence son organisation psychique
ultérieure sur le continuum de la santé mentale ou de l’organisation psychique
névrotique. Dans les organisations psychiques psychotiques, les fixations prégéni-
tales dominent et le conflit œdipien n’a pas été véritablement élaboré. Le conflit
œdipien est sexuellement spécifié et s’inscrit dans une problématique entre trois
personnages : l’enfant, la mère et le père. Au cours du stade phallique, une nouvelle
relation débute pour l’enfant qui, de duelle devient triangulaire. C’est le fameux
triangle œdipien qui inaugure une véritable génitalisation de la libido.
La légende d’Œdipe fait partie de l’histoire mythique de la cité de Thèbes, relatée
par les auteurs tragiques du Ve siècle av. J.-C.
Laïos et Jocaste, souverains de Thèbes ont un enfant : Œdipe. À la suite d’une
prophétie, Laïos fait abandonner son nouveau-né aux bêtes sauvages. Mais, Œdipe
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Les bases de la métapsychologie • 15

est recueilli par le roi Polybos et la reine Péribée. Œdipe, adulte les quitte lorsque
l’oracle lui apprend son destin : tuer son père et épouser sa mère. Œdipe se querelle
avec un homme âgé à un carrefour au sujet d’une priorité de passage : Œdipe tue
son interlocuteur. En arrivant à Thèbes, Œdipe rencontre le Sphynx qui lui soumet
une énigme qu’il résout. Œdipe débarrasse ainsi Thèbes de ce monstre. Les
Thébains, en guise de récompense, offrent à Œdipe le trône et la main de la reine
Jocaste car le roi vient de mourir. Quelques années après, Œdipe apprend que
l’homme âgé tué au carrefour était le roi Laïos, son père et que Jocaste était sa mère.
La prophétie s’est donc réalisée. Lorsque la vérité éclate, Jocaste se pend et Œdipe
se crève les yeux et quitte la ville de Thèbes. Freud à l’aide du mythe d’Œdipe illus-
tre le destin infantile selon lequel l’enfant éprouve une attraction amoureuse envers
le parent de sexe opposé et une jalousie haineuse envers le parent de même sexe.
L’enfant manifeste un attachement pour sa mère comme objet sexuel, et une
identification à son père, qu’il considère comme un modèle à imiter. Ces deux senti-
ments coexistent pendant quelque temps. Mais le petit garçon se rend compte que
le père lui barre le chemin vers la mère. L’identification avec le père se teinte d’hos-
tilité et le désir de remplacer le père, auprès de la mère, apparaît. L’identification
avec le père devient ambivalente. Le complexe d’Œdipe du petit garçon se mani-
feste par un désir haineux d’éliminer le père qui est son rival, et un désir amoureux
de s’unir sexuellement avec la mère.
« Cette ambivalence à l’égard du père et le penchant tout de tendresse qu’il
éprouve pour l’objet libidinal que représente la mère forment pour le petit garçon les
éléments du complexe d’Œdipe simple et positif. » (Freud, 1925)
Freud différencie cet Œdipe positif de l’« Œdipe inversé » ou négatif. Ces deux
types peuvent coexister et constituer l’Œdipe complet qui témoigne de la fonda-
mentale bisexualité psychique.
« Une recherche plus approfondie permet le plus souvent de découvrir le
complexe d’Œdipe sous une forme plus complète, sous une forme double, à la fois
positive et négative en rapport avec la bisexualité originelle de l’enfant. »(...) «Le
garçon n’observe pas seulement une attitude ambivalente à l’égard du père et une
attitude de tendresse à l’égard de la mère, mais il se comporte en même temps
comme une petite fille, en observant une attitude de tendresse féminine à l’égard du
père et une attitude correspondante d’hostilité jalouse à l’égard de la mère. » (Freud,
1923)
Le complexe d’Œdipe succombe devant la barrière de l’inceste et sous l’effet
du complexe de castration.
« Les deux configurations du complexe d’Œdipe, la configuration normale,
active, comme l’inversée, échouent bel et bien sur le complexe de castration. »
(Freud, 1926)
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 16

16 • Repères en psychopathologie

Le complexe d’Œdipe de la petite fille se manifeste par un désir haineux d’éli-


miner la mère et un désir amoureux de s’unir sexuellement au père pour avoir un
enfant de lui. Chez la petite fille, le complexe de castration prépare le complexe
d’Œdipe au lieu de le détruire comme chez le garçon.

– La période de latence : de six ans à l’apparition


des premiers signes pubertaires
La période de latence constitue un entracte entre la sexualité infantile et l’orga-
nisation génitale adulte. L’enfant renonce à ses exigences œdipiennes et les
sentiments se transforment en tendresse. L’enfant se tourne vers le monde extra-
familial.
« La période de latence – de “dormance” pourrait-on dire en se référant à la
dormance des graines végétales pendant laquelle la croissance est en veilleuse –
cache en fait un feu pulsionnel qui couve et qui va s’embraser à la puberté. »
(Jeanclaude, 2001)
La période de latence est une période où n’intervient aucune organisation
nouvelle de la sexualité. Cette période se caractérise par l’intérêt porté par l’enfant
au monde extérieur. Elle se singularise par le développement de formations réac-
tionnelles comme la honte, la pudeur, le dégoût. Elle peut être le point de départ de
nombreuses névroses dues à des difficultés rencontrées par l’enfant dans la liquida-
tion du complexe d’Œdipe.
J. Bergeret (1974) parle de « silence évolutif » pour caractériser la période de
latence qui contraste avec les changements de l’adolescence où « les possibilités
évolutives » sont multiples sur le plan structurel. L’adolescence est une étape de
développement affectif de l’individu où tout peut être remis en question.

– La puberté et la phase génitale : 11-16 ans


Cette période se caractérise par une maturation biologique des organes génitaux
et correspond à une réactivation du stade phallique et des désirs correspondants : le
refoulé œdipien fait « bruyamment » retour et vient troubler le jeune qui sort d’une
période de tranquillité pendant la latence. L’adolescent dispose d’un corps capable
de satisfaire tout ce qui avait été refoulé. La virulence des révoltes des adolescents
répond à la réactivation œdipienne et à la flambée pubertaire. L’évolution libidinale
se caractérise à l’adolescence par l’abandon des objets d’amour parentaux et le
choix de nouveaux objets libidinaux.
« Nous avons réservé le nom de phase génitale à l’organisation sexuelle défini-
tive qui s’établit après la puberté, où l’organe génital féminin trouve la
reconnaissance que l’organe masculin avait acquise depuis longtemps. » (Freud,
1932)
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 17

Les bases de la métapsychologie • 17

Difficultés du développement : fixation et régression


Des difficultés peuvent perturber le développement de l’enfant et des points de
fixation ou des régressions vers des modes antérieurs de l’activité libidinale
peuvent se produire. La fixation libidinale et la régression jouent un rôle prévalent
dans l’étiologie des troubles psychiques.
– La fixation désigne le fait que la libido reste organisée selon la structura-
tion caractéristique d’un stade. La fixation se définit par la persistance de
certains caractères anachroniques de la sexualité. Tout être humain reste attaché
à des modes de satisfaction, à des types d’objet ou à des types de relation plus
ou moins archaïques. La fixation pathologique est l’exagération de ce processus
normal.
– La régression désigne un retour en arrière sur le parcours du développe-
ment psychique. Freud illustrait le processus de régression à l’aide de la
métaphore des villes de garnison où l’armée se replie après avoir perdu une
bataille.
« Certaines études… nous ont enseigné combien il est fréquent, dans des condi-
tions pathologiques, qu’il se produise des régressions à des phases antérieures et nous
ont appris que certaines régressions sont caractéristiques de certaines formes de
maladies. » (Freud, 1932)

Approche structurale de la personnalité


J. Bergeret reprend la comparaison opérée par Freud dans ses Nouvelles
Conférences entre l’organisation psychique et le cristal :
« Si nous jetons un cristal par terre, il se brise, mais pas n’importe comment, il se
casse suivant ses directions de clivage en des morceaux dont la délimitation, bien
qu’invisible, était cependant déterminée à l’avance par la structure du cristal. Des
structures fêlées et fissurées de ce genre, c’est aussi ce que sont les malades
mentaux. » (Freud, XXXIe Conférence, 1933).
J. Bergeret lie la pathologie à l’organisation psychique sous-jacente et non aux
symptômes.
Le symptôme est « le reflet relationnel visible d’une structure sous-jacente
fixée et cachée ».
Une décompensation psychique dans une structure névrotique se fera sur un
mode névrotique tandis qu’elle se fera sur un mode psychotique dans le cas d’une
structure psychotique.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 18

18 • Repères en psychopathologie

L’approche structurale de la psychopathologie base la psychopathologie sur


l’étude de la personnalité et considère que chaque individu s’organise selon une
structure qui peut être névrotique ou psychotique ou selon une organisation limite.

– La structure psychotique résulte d’une défaillance précoce de l’organisation


narcissique primaire au début de la vie. L’enfant ne s’est pas différencié de son
premier objet d’amour maternel. La relation avec la mère demeure fusionnelle et
indifférenciée.
La relation du sujet psychotique n’est ni duelle, ni triadique, ni triangulaire du
fait de l’indifférenciation Moi-non Moi. En conséquence, la relation objectale sur
un mode génital ou anaclitique n’est pas envisageable.
Le moi n’est pas complet mais morcelé. Le morcellement est apparent dans les
décompensations psychotiques.
L’angoisse profonde du psychotique est une angoisse de morcellement, de
destruction, une crainte ou une menace perpétuelle d’éclatement du corps et de la
pensée. C’est une angoisse de désespoir, de repli et de mort par éclatement.
Le conflit se joue entre la réalité et les besoins pulsionnels élémentaires. Le
conflit avec la réalité conduit au déni des éléments trop gênants de la réalité, au
délire qui permet la construction d’une nouvelle réalité ou « néo-réalité ».
Les mécanismes de défenses psychotiques (projection, clivage du moi et déni de
la réalité) concourent à la naissance de phénomènes de dédoublement, de déper-
sonnalisation ou de déréalisation. L’échec du narcissisme conduit à l’autisme, au
désinvestissement des objets de la réalité et à une néoconstruction objectale plus ou
moins radicale en fonction du degré régressif des fixations.

– La structure névrotique est centrée sur une organisation fantasmatique struc-


turée autour du complexe d’Œdipe et un respect du principe de réalité.
Le conflit névrotique se joue à l’intérieur du moi. Le moi est complet dans l’éco-
nomie névrotique ; le moi n’est jamais clivé dans la structure névrotique. Le conflit
découle de la problématique œdipienne où se jouent la rivalité, la castration, les
identifications et l’ambivalence et dont émerge le Surmoi comme héritier du
complexe d’Œdipe. Dans tout conflit névrotique, il s’agit d’une opposition entre
pulsions du Ça et interdictions du Surmoi.
L’angoisse spécifique des organisations névrotiques concerne la menace de
castration et non le danger de morcellement.
La relation d’objet névrotique se réalise sur un mode objectal et génital : l’objet
existe et est recherché. La relation d’objet névrotique suppose une triangulation
connotant le conflit œdipien.
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Les bases de la métapsychologie • 19

La défense névrotique caractéristique est le refoulement et non le déni de la


réalité. Les exigences du principe de plaisir restent plus ou moins soumises au
contrôle du principe de réalité.
La névrose correspond à « la lignée génitale : Œdipe, pénis, Surmoi, conflits
sexuels, culpabilité, angoisse de castration ». (Bergeret, 1974)

– Les astructurations désignent un fonctionnement psychique qui est plus ou


moins à la limite du fonctionnement névrotique ou du fonctionnement psychotique.
Le sujet n’a ni une structure névrotique ni une structure psychotique.
Le Moi a dépassé le danger du morcellement mais, au début de l’Œdipe, la situa-
tion triangulaire génitale n’est pas abordée dans des conditions normales : un
événement est vécu par le sujet comme une frustration très forte ou comme un
risque de perte d’objet. Bergeret parle de « traumatisme psychique précoce » qui
survient dans un état insuffisamment mûr et organisé et auquel le sujet est incapa-
ble de faire face car l’émoi pulsionnel est trop intense.
La régression devant l’Œdipe entraîne les éléments du Surmoi en formation vers
les fixations antérieures à un Idéal du Moi puéril et gigantesque.
La relation d’objet est caractérisée par une dépendance à l’autre et par une rela-
tion anaclitique. L’anaclitisme décrit le fait de « s’appuyer contre ». Dans
l’état-limite, le sujet cherche à être aimé de l’autre qui est un objet distinct de lui et
le sujet s’appuie sur cet objet dont la proximité est vitale. La relation anaclitique est
une relation de grande dépendance à l’autre. L’angoisse de l’état-limite est une
angoisse de perte de l’objet et de dépression.
L’état-limite se caractérise par une division du champ relationnel en deux
secteurs :
– un secteur du Moi est adapté à la réalité extérieure ;
– un secteur est fixé aux besoins narcissiques et anaclitiques.
Cette dualité se différencie du clivage du moi des structures psychotiques où il
y a éclatement du moi ; elle évite la menace d’éclatement.
L’état-limite est une astructuration et non une structure car il ne bénéficie ni de
la « fixité », ni la « solidité », ni de la « spécificité définitive des organisations vrai-
ment structurées ». Ce sont des états indécis du moi, des « états aménagés ».
L’absence de structuration peut se prolonger toute une vie ou au contraire se décom-
penser dans une structure névrotique ou psychotique lors d’un second traumatisme.
En l’absence d’un traumatisme tardif, l’évolution des états-limites se fait vers les
aménagements stables : l’aménagement pervers et les aménagements caractériels
(« névroses » de caractère, « psychoses » de caractère, « perversions » de caractère).
(Bergeret, 1974).
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 20

20 • Repères en psychopathologie

Approche structurale de la personnalité et psychopathologie


Au sein d’une même structure, il y a des cas pathologiques et d’autres dont l’or-
ganisation peut être considérée comme non pathologique.
Selon cette approche, une structure névrotique peut présenter des symptômes
d’allure psychotique ; une structure psychotique peut présenter des symptômes d’al-
lure névrotique ; une organisation limite peut présenter des symptômes d’allure
psychotique ou névrotique. La thérapie psychanalytique vise le passage d’une
forme d’existence pathologique dans une structure à une existence moins patholo-
gique dans la même structure.

Critiques de l’approche structurale


Selon certains cliniciens, l’approche structurale fige l’évolution psychique et
contredit la flexibilité psychique de l’être humain en évolution.
« L’image du cristal employée par Freud (1932) est intéressante pour situer l’idée
de structure. (...) cette analogie introduit cependant une idée critiquable : celle d’une
rigidité anguleuse fixée dans des formes précises et distinctes, constituées en blocs
homogènes. Cette seconde idée convient mal au psychisme humain et, selon nous, il
vaut mieux introduire souplesse et flexibilité dans la modélisation, en particulier
parce que, pendant toute l’enfance, il est indispensable de concevoir une structura-
tion en mouvement. » (Juignet, 2001)
« Dans la perspective structurale de J. Bergeret, les transformations restent possi-
bles à l’intérieur d’une lignée ; mais cette conception réduit considérablement le
potentiel évolutif et ne peut en aucun cas rendre compte des glissements psychopa-
thologiques auxquels la clinique nous confronte régulièrement. » (C. Chabert, 1994)
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Les bases de la métapsychologie • 21

II. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 / Qu’est-ce que la Métapsychologie ?

Question 2 / Freud élabore plusieurs topiques. Définissez le terme topique et


exposez les topiques freudiennes.

Question 3 / Le schéma ci-dessous figure la première conception de l’appareil


psychique de Freud. Indiquez les différentes instances et le nom des frontières qui
les séparent. Complétez les blancs.

D) …

A) …… … B) ………
C) ……… E) …
monde
… extérieur

F) Principe de ............... <––––– G) Principe de ................. –––––>


H) Processus ................. <––––– I) Processus .................... –––––>

Question 4 / Indiquez les titres des ouvrages publiés par Freud qui marquent
l’évolution de l’élaboration théorique freudienne exposée dans ce chapitre.
1. 1900 ....................................................................................................
2. 1905 ....................................................................................................
3. 1920 ....................................................................................................
4. 1926 ....................................................................................................

Question 5 / Indiquez les stades libidinaux dans la théorie freudienne et leurs


principales caractéristiques : âge ; zone érogène ; relation d’objet ; etc.

Question 6 / La ligne de séparation entre le stade anal 1 et le stade anal 2 dépar-


tage deux types de pathologies. Précisez-les.
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22 • Repères en psychopathologie

Question 7 / Nommez le psychanalyste français qui expose l’approche structu-


rale de la personnalité dans ses ouvrages intitulés La personnalité normale et
pathologique ou Psychopathologie pathologique théorique et clinique.

Question 8 / L’approche structurale de la personnalité différencie trois modes de


fonctionnement psychique. Décrivez-les.

Question 9 / Indiquez la relation d’objet et la nature de l’angoisse dans la struc-


ture névrotique, la structure psychotique et l’organisation limite.
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• C h a p i t r e 2 •

LES NÉVROSES

I. HISTORIQUE

Le terme de névrose apparaît sous la plume d’un médecin écossais William


Cullen au XVIIIe siècle8 et désigne un état maladif des nerfs. Cullen affirme l’exis-
tence d’un lien entre certains troubles et le système nerveux central. Cette
conception annule la théorie humorale d’Hippocrate selon lequel l’équilibre des
humeurs (sang, lymphe, bile jaune, bile noire) constitue la santé alors que l’excès
ou le déficit de l’une d’entre elles entraîne la maladie.
Philippe Pinel propage les idées de Cullen en France mais selon lui « les névro-
ses ne sont pas que des troubles nerveux », mais sont « aussi des troubles moraux ».
L’évolution ultérieure des considérations étiopathogéniques présente une
oscillation constante entre une causalité d’origine physique ou psychique ou l’as-
sociation des deux. J.-M. Charcot (1825-1893), neurologue à la Salpêtrière, défend
une origine neurologique de l’hystérie tandis que P. Janet (1859-1947) considère les
névroses comme des maladies des fonctions psychologiques.
Les travaux de S. Freud modifient radicalement la conception de la névrose dont
l’étiologie (théorie des causes) n’est plus le système nerveux mais les conflits
psychiques.

II. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

Freud proposa successivement deux théories psychopathologiques des névro-


ses : la théorie traumatique puis la théorie fantasmatique.
– Dans un premier temps, Freud pense que les névroses sont dues au refoule-
ment d’impressions infantiles consécutives à de réelles agressions sexuelles
d’adultes sur les enfants. Ce fut la théorie de la séduction ou théorie traumatique.

8. En 1769 Cullen, professeur de médecine à Édimbourg prononce le terme de névrose qui


apparaît dans son cours.
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24 • Repères en psychopathologie

Après 1897, la psychogenèse freudienne évolue et la névrose s’enracine dans les


moments cruciaux du développement psychosexuel de l’enfant.
– Puis, Freud élabore la théorie du fantasme selon laquelle les désirs sexuels
infantiles sont le résultat d’une activité psychique normale de l’enfant. Il y a refou-
lement de ces désirs parce qu’ils sont irréalisables biologiquement et, surtout
psychiquement, à cause de la menace de castration et de l’interdit de l’inceste.
Toutefois, ces désirs inconscients, lorsqu’ils cherchent à se réaliser, se heurtent aux
censures, se déforment et donnent naissance à toutes sortes de manifestations
servant de support à leurs réalisations : symptômes, actes manqués, etc.
L’apport freudien réside dans l’importance accordée à la conflictualité
psychique.
La névrose est définie comme « une affection psychogène où les symptômes sont
l’expression symbolique d’un conflit psychique trouvant ses racines dans l’histoire
infantile du sujet, et constituant des compromis entre le désir et la défense ».
(Laplanche et Pontalis)
Le Moi tente de résoudre ce conflit par le moyen de mécanismes de défense.

Les mécanismes de défense


Le concept de défense a été introduit par Freud en 1894 pour désigner « tous les
processus psychiques qui tendent vers le même but : protéger le moi contre les
exigences des pulsions ». (Freud, 1926)
Les mécanismes de défense sont définis, selon les auteurs, comme des proces-
sus, des opérations, des stratégies, des moyens, des mécanismes psychologiques,
des métaphores de styles cognitifs ou des ensembles de sentiments, de pensées, de
comportements, etc.
« Les mécanismes de défense sont des processus psychiques inconscients visant
à réduire ou à annuler les effets désagréables des dangers réels ou imaginaires en
remaniant les réalités internes et/ou externes et dont les manifestations – comporte-
ments, idées, affects – peuvent être inconscients ou conscients. » (Ionescu, 1997)
Les mécanismes de défense du Moi sont inconscients et actifs chez tous les indi-
vidus et ne sont pas, en soi, pathologiques mais ils le deviennent quand le sujet
recourt systématiquement à des mécanismes inadaptés, inefficaces et d’un même
type.
« Certes, tout individu a éprouvé de l’angoisse et érigé des conduites de défense ;
mais le malade vit son angoisse et ses mécanismes de défense dans une circularité
qui le fait se défendre contre l’angoisse par les mécanismes qui lui sont liés histori-
quement, (...) cette monotonie circulaire est le trait de l’histoire pathologique. » (M.
Foucault, 1954)
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Les névroses • 25

Anna Freud publie en 1946 un ouvrage intitulé Le Moi et les mécanismes de


défense dans lequel la défense est conçue comme une activité du Moi destinée à
protéger le sujet contre une trop grande exigence pulsionnelle. Les mécanismes de
défense représentent des solutions de compromis et de régulation de l’appareil
psychique aux prises avec un conflit générateur d’angoisse.
J. Bergeret (1974) propose de différencier les mécanismes de défense de
« mode » névrotique et ceux de « mode » psychotique puisque, selon l’approche
structurale de la personnalité qu’il défend, des structures psychotiques peuvent se
défendre contre la décompensation à l’aide de défenses de « mode » névrotique et
des structures névrotiques peuvent utiliser certains mécanismes de défense de
« mode » psychotique. Les principaux mécanismes de défense de « mode » névro-
tique sont le refoulement, le déplacement, l’isolation, l’annulation, les formations
réactionnelles, etc.
– Le refoulement désigne « un processus actif destiné à conserver hors de la
conscience les représentations inacceptables ». (J. Bergeret, 1972)
« Le refoulement c’est simplement la fonction de rejeter et de maintenir hors de
la conscience. » (Freud, Le Refoulement, 1915)
Le refoulement, concept « pilier » de la psychanalyse, apparaît dès 1895 ; il est
étroitement lié à la notion d’inconscient. Le refoulement porte sur les représenta-
tions des pulsions interdites. La théorie freudienne décompose le contenu de la
pulsion en deux éléments distincts : l’affect et la représentation. L’affect est la teinte
affective émanant de la pulsion qui n’est pas refoulable dans l’inconscient tandis
que la représentation est le contenu d’un acte de pensée. Le refoulement concerne
les représentations, qui, une fois refoulées dans l’inconscient, peuvent tenter de se
manifester au niveau du conscient : c’est le retour du refoulé. Le retour du refoulé
se manifeste à travers les rêves, les fantasmes, les lapsus, les actes manqués et les
symptômes. Le retour du refoulé, intervient en cas d’échec ou d’insuffisance du
refoulement.
« Nous rendons en effet le processus du refoulement responsable de l’angoisse
dans l’hystérie et d’autres névroses. » (Freud, 1932)
« Quand les parents soulignent l’amour qu’un aîné “porte aux bébés” l’analyste
recherchera ce qu’est devenue la jalousie absente. Quand un enfant est, à juste titre,
décrit par ses parents comme “manquant de curiosité, ne s’intéressant pas à des sujets
tels que la différence des sexes, l’origine des enfants, les relations entre les parents”,
il est évident, pour nous, qu’un conflit intérieur a éclaté et a entraîné l’extinction, au
niveau du conscient, de la curiosité sexuelle normale. » (A. Freud, 1946)
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26 • Repères en psychopathologie

– Le déplacement : les idées et les sentiments qui sont évités sont déplacés sur
d’autres personnes, d’autres objets ou d’autres situations. Le déplacement est le
mécanisme qui permet de délocaliser l’investissement interdit sur un autre objet
moins gênant. Le déplacement est caractéristique de la névrose phobique.
L’angoisse du « petit Hans » est déplacée sur le cheval, objet phobogène. La
haine (pulsion interdite) du père (représentation) déclenche la peur du père
(affect). L’affect désagréable est déplacé de la représentation paternelle sur
la représentation animale (le père et le cheval ont tous deux un gros « fait-
pipi ».
– L’isolation désigne l’opération par laquelle une représentation mentale est
isolée de son contexte affectif ou associatif. Les idées sont ainsi isolées de leur
retentissement émotionnel. L’isolation est un mécanisme de défense fréquent dans
la névrose obsessionnelle.
« L’isolation, motrice, sert à assurer la rupture des connexions dans la pensée. (...)
On peut dire que l’isolation est motrice parce que dans son effort pour empêcher
les associations et connexions de la pensée, le Moi obéit au tabou du toucher. (..)
isoler, c’est écarter la possibilité de toucher, c’est éviter tout contact. isoler une
impression ou une activité par l’interposition d’un intervalle, c’est faire comprendre
symboliquement qu’on ne permettra pas aux pensées relatives à cette impression ou
activité d’entrer en contact avec d’autres pensées. » (Freud, 1926)
– L’annulation désigne le « processus qui consiste à défaire ce que l’on a fait »
(Freud, 1926). Des représentations gênantes exprimées à travers des actes, des atti-
tudes, des comportements sont annulées c’est-à-dire considérées comme n’ayant
pas existé.
« C’est un procédé de magie négative. Il s’efforce d’effacer comme en soufflant
dessus grâce à un symbolisme moteur, non seulement les conséquences d’un événe-
ment, mais l’événement lui-même. Ainsi, dans la névrose obsessionnelle une action
est annulée par une seconde action comme si aucune des deux n’avait eu lieu, alors
qu’en réalité toutes deux ont eu lieu. » (Freud, 1926)
L’annulation est caractéristique du mécanisme obsessionnel : une attitude est
annulée par une seconde attitude qui annule la première attitude qui était liée la
représentation interdite.
Freud dans L’homme aux rats (1909) illustre le mécanisme de défense de l’annula-
tion. Le jeune homme enlève une pierre dangereuse de la route car la voiture de son
amie doit passer à cet endroit. Puis il remet cette pierre sur la route. Or, ce jeune
homme éprouve inconsciemment de l’amour et de la haine pour son amie. Les deux
gestes opposés reflètent les affects contradictoires du jeune homme à l’égard de son
amie.
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Les névroses • 27

– La formation réactionnelle consiste à développer un mouvement contraire au


désir, par exemple montrer un comportement diamétralement opposé à une idée ou
à un sentiment : une tendance marquée à l’ordre s’oppose à un désir anal de se
complaire dans le désordre.
L’inquiétude excessive que manifeste un petit garçon « quand son père doit quit-
ter la maison le soir ou par temps de brouillard » indique « à coup sûr des souhaits de
mort refoulés. Même chose pour l’enfant anxieux à l’écoute de la nuit, de la respira-
tion de ses frères et sœurs qui, par une inadvertance du hasard, “pourraient mourir au
cours de leur sommeil”. » (A. Freud, 1946)
– La projection est un terme ayant plusieurs acceptions. La projection désigne
dans une acception générale l’opération par laquelle un fait est projeté à l’extérieur
du sujet et dans une acception psychanalytique le processus par lequel le « sujet
expulse dans le monde extérieur des pensées, affects, désirs qu’il méconnaît ou
refuse en lui et qu’il attribue à d’autres, personnes ou choses de son environne-
ment » (Ionescu, 1997). Le sujet transfère dans le monde extérieur l’idée ou la
pulsion contre laquelle il se défend. Freud a insisté sur le caractère « normal » du
mécanisme de projection et a invoqué la projection dans la situation analytique,
dans la névrose phobique et dans la psychose paranoïaque qu’il analysait différem-
ment. Ainsi, Freud (1915) décrit dans L’Inconscient la construction phobique
comme une « projection » du danger pulsionnel dans le réel :
« Le moi se comporte comme si le danger d’un développement d’angoisse ne
venait pas d’une motion pulsionnelle mais d’une perception, et il est donc
fondé à réagir contre ce danger extérieur par les tentatives de fuite que sont
les évitements phobiques. »
– Le renversement dans le contraire désigne le mécanisme où une pulsion
conflictuelle est refoulée et remplacée par la pulsion opposée. Anna Freud nomme
ce mécanisme de défense « transformation en son contraire » ou « retournement en
son contraire » (1946).
Dolto(1984) reçoit un adolescent en consultation. Marc est amené par ses parents
car il vient d’être exclu du lycée. Le motif du renvoi est une falsification du carnet de
notes par Marc. Marc avait « annulé les tableaux d’honneur des premiers mois » et
remplacé ses excellentes notes et ses classements brillants par de mauvaises notes et
de mauvaises places. Le proviseur, à cause du carnet raturé et des plaintes profes-
sorales concernant la conduite de Marc, avait décidé un renvoi du lycée de huit
jours.
Marc avait perdu, trois ans auparavant, son frère aîné avec lequel il était dans une
compétition scolaire acharnée.
Aujourd’hui, Marc s’interdit toute réussite scolaire par autopunition. La rivalité a
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 28

28 • Repères en psychopathologie

été refoulée, transformée en son contraire.


« Marc était allégé d’une culpabilité magique à l’égard de son frère, qui lui interdi-
sait de réussir en classe aussi bien que le mort, et aussi de sa crainte de mourir à son
tour en étant, comme l’aîné, un modèle de fils. »

Défenses, symptômes et névroses


Des mécanismes en jeu dépend la forme du symptôme. Le symptôme est une
formation de compromis qui concourt à la résolution du conflit. Le symptôme est
un compromis où le désir tend à s’exprimer malgré tout de façon masquée et
symbolique : c’est le retour du refoulé.
Freud met l’accent sur la relation entre le symptôme et l’angoisse :
« L’agoraphobe, par exemple (...) crée alors le symptôme de l’agoraphobie (...)
s’épargne de la sorte l’accès d’angoisse.(…). Si on empêche le malade d’effectuer
son cérémonial de lavage, il tombe dans un état d’angoisse difficilement supportable
dont son symptôme l’avait manifestement protégé. Et il semble, en effet, que le déve-
loppement d’angoisse est antérieur, la formation du symptôme postérieure, comme si
les symptômes étaient créés pour éviter l’irruption de l’état d’angoisse. » (Freud,
1932)
Les névroses trouvent leur origine dans la faillite de la résolution de l’Œdipe. La
problématique névrotique se réfère à la période du complexe d’Œdipe, moment de
la reconnaissance de la différence des sexes, de l’angoisse de castration, de la reven-
dication phallique et des difficultés d’identification.
La période œdipienne marque l’entrée dans la génitalité et l’accès à la triangu-
lation. La qualité des stades prégénitaux influence la façon dont l’enfant aborde la
triangulation et la sortie de l’Œdipe. Des difficultés narcissiques précoces, de fortes
fixations orales ou anales peuvent retarder l’Œdipe ou en barrer l’accès. Or, le
Surmoi se constitue comme héritier du complexe d’Œdipe et cette instance joue un
rôle important dans certains troubles des sujets névrosés.
Les différentes névroses se distinguent :
1. Par la différence de leurs lieux de fixation :
– sadiques-anales dans la névrose obsessionnelle,
– phalliques dans les névroses hystériques et phobiques ;
2. Par les modes défensifs différents :
– conversion au niveau du corps dans l’hystérie de conversion,
– projection vers l’extérieur et déplacement dans l’hystérie d’angoisse
(névrose phobique),
– mise à distance, isolation, annulation et formation réactionnelle dans la
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Les névroses • 29

névrose obsessionnelle.
L’approche psychanalytique des névroses repose sur :
– la signification inconsciente de la symptomatologie névrotique ;
– l’expression symbolique des symptômes ;
– la réalisation d’un compromis entre les pulsions et les défenses ;
– le conflit intra-psychique ;
– l’aspect partiel des régressions et des fixations ;
– le caractère objectal de la libido ;
– le fantasme déformant la réalité sans jamais la nier.

III. APPROCHE ATHÉORIQUE

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) de


l’Association de psychiatrie américaine (APA) fut révisé à quatre reprises : 1952,
DSM I, 1968 : DSM II ; 1980 : DSM III ; 1987 : DSM III R ; 1994 : DSM IV.
« L’approche choisie par le DSM III est athéorique en ce qui concerne l’étiologie et
la physiopathologie sauf pour les troubles pour lesquels celles-ci sont clairement
établies, et donc incluses dans la définition… Cette approche peut être qualifiée de
“descriptive” dans la mesure où les définitions des troubles consistent généralement
à décrire les caractéristiques cliniques de ceux-ci… ; les caractéristiques consistent
alors en des signes ou des symptômes aisément identifiables au niveau du comporte-
ment, par exemple : désorientation, trouble de l’humeur, agitation psychomotrice. »

La disparition de la notion de névrose


Le DSM III abandonne la classe diagnostique des névroses du DSM II.
« Actuellement, il n’y a cependant pas de consensus dans le champ de la psychiatrie
sur la manière de définir “la névrose”. Quelques cliniciens limitent ce terme à sa
signification descriptive, tandis que d’autres y incluent la notion d’un processus étio-
logique spécifique. Pour éviter toute ambiguïté, on ne devrait utiliser le terme de
trouble névrotique que d’une manière descriptive. ….Dans le DSM III, les troubles
névrotiques sont répartis dans les troubles affectifs, anxieux, somatoformes, disso-
ciatifs et psychosexuels. »
Les névroses phobiques et les névroses d’angoisse disparaissent au profit des
troubles anxieux. Les notions de névrose hystérique de conversion et de
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30 • Repères en psychopathologie

personnalité hystérique sont remplacées par les Troubles somatoformes, les


Troubles dissociatifs et la Personnalité histrionique.
« L’hystérie a été mise en pièces. Le mot lui-même a disparu, ce qui nous semble
excellent tant il était dévalué par son abus populaire et médiatique comme épithète
dérisoire, et par son rôle explicatif trop commode.
LES NÉVROSES ont été laissées aux psychanalystes et remplacées par les “troubles
anxieux” (axe I) et “les troubles de la personnalité” (axe II). » (M. Bourgeois, DSM
III et psychiatrie française, 1985)
Alors que la notion de névrose disparaît de la classification internationale de
l’Association américaine de psychiatrie, les mécanismes de défense font, para-
doxalement, leur apparition dans le DSM III-R ce qui représente une évolution
surprenante par rapport à la volonté proclamée d’athéorisme. Toutefois, l’approche
des mécanismes de défenses dans le DSM diffère de la conception psychanalytique.
Ainsi, dans le DSM III-R, les mécanismes de défense sont définis comme des
sentiments, des pensées ou des comportements relativement involontaires et surve-
nant en réponse à des perceptions d’un danger psychique. Ces mécanismes ont pour
but de masquer ou d’atténuer les conflits ou les facteurs de stress qui engendrent
l’anxiété.
Les auteurs soulignent également que les sujets n’ont généralement conscience
des mécanismes de défense en œuvre.
Dans le DSM III-R, dix-huit défenses et leurs définitions firent leur apparition
dans le glossaire du manuel. Sur les dix-huit mécanismes, cinq figurent dans la liste
classique d’A. Freud : l’annulation rétroactive, la formation réactionnelle, l’isola-
tion, la projection et le refoulement.
Dans le DSM IV, la liste s’allonge et passe à trente et un et la notion de défense
devient synonyme de coping c’est-à-dire de stratégies d’ajustement à un événement
suscitant un stress. Les auteurs du DSM IV innovent en proposant une échelle de
Fonctionnement défensif. Le clinicien établit une liste de sept mécanismes de
défense spécifiques ou styles de coping pour chaque patient et indique le style
défensif prédominant. La création d’une échelle de fonctionnement défensif équi-
vaut à reconnaître que le concept de mécanisme de défense est indispensable à la
compréhension du trouble psychique et questionne l’athéorisme affiché par les
défenseurs de cette approche descriptive.

Points de vue critiques


De nombreuses critiques portent sur le choix délibéré des auteurs du DSM de se
contenter d’une description sémiologique, qui méconnaît la fonction signifiante du
symptôme. L’intérêt majeur porté aux symptômes et le souci d’une description
objective et athéorique conduisent à une objétisation du sujet qui s’oppose radica-
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Les névroses • 31

lement à une approche psychologique clinique qui défend l’unicité du sujet et de


son histoire. Voici quelques propos critiques à l’égard de l’approche athéorique :
Sécheaud et coll.(1999) opposent la psychologie clinique inspirée par la psychana-
lyse et cette approche médicale qui met l’accent sur l’objectivisation de la pathologie
du sujet plutôt que sur le sujet.
« Le psychologue clinicien a une démarche qui vise plutôt à comprendre
comment un sujet singulier fonctionne dans ses modes de penser et ses investisse-
ments relationnels et l’effet sur lui de sa rencontre avec ce sujet. »
Roger Perron (1997) se demande s’il s’agit de s’intéresser à la maladie ou à
l’homme malade, c’est-à-dire au sujet en souffrance.
Claude Balier (1998) dénonce le réductionnisme de l’approche descriptive
« en s’arrêtant au comportement, toute une partie de la psychiatrie nie l’individu
et le réduit à l’état de choses. L’histoire se renouvelle avec le mouvement comporte-
mentaliste, qui, sous le prétexte, illusoire, de se vouloir objectif et scientifique, laisse
délibérément de côté l’essentiel du fait humain. (...) Or, tout comportement cache un
sens en même temps qu’il le révèle, du moins pour le psychanalyste. L’intérêt n’étant
pas le sens en lui-même, mais la démarche pour y parvenir, à travers une rencontre,
qui passe nécessairement par des remaniements économiques avant que l’individu
devienne sujet de son histoire. »
E. Roudinesco (1999) associe la perspective athéorique à une « opération »
désastreuse de « nettoyage ».
« Le résultat de cette progressive opération de nettoyage, dite “athéorique”, fut un
désastre. Elle visait fondamentalement à démontrer que le trouble de l’âme et du
psychisme devait être réduit à l’équivalent d’une panne dans un moteur. »
D’autres critiques questionnent le parti pris d’athéorisme. Ainsi, D. Widlöcher
(1985) considère que la « classification des névroses dans le DSM III n’est pas
neutre et simplement descriptive ».
« En rattachant phobies et obsessions au cadre des troubles anxieux, on souligne
le rôle de ce dernier trait dans la formation des symptômes. Chimiothérapie et théra-
pies comportementales ont également l’angoisse comme symptôme cible…………
toute nosologie est le reflet d’une théorie explicative et que cette dernière est elle-
même liée à une pratique thérapeutique. »

IV. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE

Modèles comportementaux et théories de l’apprentissage


À la même époque que Freud, en Russie, Pavlov (1924) élabore les premières
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32 • Repères en psychopathologie

lois du conditionnement répondant. La théorie de l’apprentissage de Pavlov est la


théorie du conditionnement répondant stimulus-réponse. Plus tard, Skinner (1937)
développe ses théories sur le conditionnement opérant. Skinner inscrit le compor-
tement dans un environnement qui interagit sur celui-ci en l’accentuant ou en
l’inhibant. La théorie de Skinner précise qu’à un stimulus donné se met en place une
réponse qui est autorenforcée par les conséquences autorenforçatrices qu’elle
entraîne. L’environnement apprend au sujet à « établir une série de réponses qui
réussissent » (Cottraux). L’environnement « sélectionne les comportements adapta-
tifs qui se trouvent renforcés ou éliminés en fonction de leurs résultats positifs ou
négatifs ». Ce conditionnement opérant est donc un apprentissage par les consé-
quences de l’action : si les conséquences sont positives, la répétition sera
systématique ; si les conséquences sont négatives, l’évitement et l’échappement
seront systématiques : ainsi, dans la phobie, l’objet phobogène est évité par le sujet.
Ces modèles expérimentaux permettent d’expliquer l’acquisition de peurs
phobiques par la mise en jeu de plusieurs mécanismes. L’acquisition d’une peur
nouvelle peut être la conséquence d’un apprentissage par contiguïté, analogue au
conditionnement pavlovien : un stimulus neutre (objet ou situation) qui se trouve
associé à un stimulus nociceptif (inconditionnel) entraînant une réponse émotion-
nelle de peur, va à son tour pouvoir déclencher cette réponse. L’apprentissage de
cette peur conditionnée sera d’autant plus solide qu’il aura été renforcé par de
nombreuses juxtapositions du stimulus neutre (conditionnel) et du stimulus noci-
ceptif. Une seule exposition suffit si le stimulus inconditionnel est violent. La peur
de la situation conditionnelle peut disparaître si le sujet est exposé à la situation sans
recevoir le stimulus nociceptif : l’apprentissage peut s’éteindre s’il n’est pas
renforcé.
Wolpe (1952) élabore la théorie de l’inhibition réciproque et structure des prises
en charge thérapeutiques de phobies par désensibilisation systématique. La tech-
nique de désensibilisation comporte un apprentissage de la relaxation qui permet au
sujet d’affronter la situation anxiogène en imagination puis en réalité.
Mowrer (1960) élabore la « théorie des deux facteurs » selon laquelle les phobies
seraient acquises au départ par un conditionnement classique (pavlovien) puis
seraient maintenues par conditionnement opérant : le sujet apprend à se soulager
rapidement de l’angoisse par l’évitement ou l’échappement de la situation anxio-
gène, ce qui entraîne une boucle de feed-back négatif où l’angoisse et l’évitement
se perpétuent mutuellement (apprentissage par les conséquences de l’action).
Marks (1967) développe le traitement par exposition en imagination et en réalité
aux stimuli anxiogènes. Les techniques d’exposition reposent sur l’efficacité du
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Les névroses • 33

principe d’extinction de la réponse conditionnelle apprise (l’évitement) par habi-


tuation.
Bandura (1969) décrit l’apprentissage par imitation de modèles comme un
processus fondamental : il insiste sur le rôle des phénomènes cognitifs, tels que l’au-
tocontrôle, les attentes d’efficacité et de résultat, dans la régulation des
comportements humains. Le modèle interactionnel de Bandura envisage des inter-
actions permanentes entre l’individu, le comportement et l’environnement et
intègre la composante cognitive. Des mécanismes d’apprentissage comme le mode-
ling ou apprentissage par imitation, apprentissage vicariant peuvent intervenir dans
le développement des phobies.
Les modèles comportementaux fondés sur les théories de l’apprentissage ont
intégré des variables cognitives et évolué vers le développement d’un modèle plus
général du « traitement de l’information ».

Approche cognitive et modèle de traitement de l’information


Les modèles cognitifs en psychopathologie reposent sur l’hypothèse d’une
perturbation du traitement de l’information (Beck, 1979 ; Beck & Emery, 1985).
Selon le modèle cognitif, trois types de structures interviennent au cours du traite-
ment de l’information : les schémas cognitifs, les processus cognitifs et les
événements cognitifs. Ces structures sont responsables de la sélection et du traite-
ment des stimuli environnementaux et interagissent avec les émotions et le
comportement.

– Les schémas cognitifs ou postulats silencieux, situés dans la mémoire à long


terme, filtrent l’information en sélectionnant certains aspects de l’expérience vécue.
Ce sont des règles inflexibles, des « postulats silencieux ». Ces postulats sont
souvent des contrats personnels qui se présentent en termes absolus, inflexibles,
obligatoires, tyranniques, presque persécutifs.
Le passage des schémas cognitifs (structures profondes) vers les événements
cognitifs (structures superficielles) se fait par l’intermédiaire des processus cogni-
tifs.

– Les processus cognitifs sont des règles logiques de transformation de l’infor-


mation. Beck (1963) a rassemblé les multiples distorsions cognitives relevées par
Ellis en quelques thèmes généraux :
– l’inférence arbitraire consiste à tirer des conclusions sans preuve, sans
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34 • Repères en psychopathologie

tenir compte des faits ;


– l’abstraction sélective consiste à se centrer sur un détail et perdre de vue
l’ensemble ;
– la surgénéralisation est l’extraction d’une règle à partir d’un événement
puis son application à des événements qui ne sont pas semblables ;
– l’amplification consiste à exagérer les implications d’une situation ou d’un
comportement. La maximalisation et la minimalisation consistent à attribuer
une plus grande valeur aux échecs ou aux événements négatifs et à dévalori-
ser les réussites et les situations heureuses ;
– la personnalisation consiste à surestimer les relations entre les événements
défavorables et l’individu.
À ces distorsions cognitives, Lazarus (1971) a ajouté :
– les raisonnements dichotomiques : bon-mauvais, vrai-faux ;
– les raisonnements par sursocialisation qui rendent le sujet incapable de
réaliser l’arbitraire de certaines règles culturelles.

– Les événements cognitifs traduisent cliniquement les schémas et s’expriment


sous la forme de pensées automatiques, de monologues intérieurs, d’autoverbalisa-
tions ou d’images mentales.
Au cours d’une thérapie cognitive, le sujet apprendra à identifier, discuter,
assouplir et modifier les pensées automatiques, les processus cognitifs et les postu-
lats silencieux.
Les thérapies cognitivo-comportementales reposent sur le postulat selon lequel
le changement des croyances et des pensées peut modifier les émotions et les
comportements inadaptés dont souffrait le sujet.
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Les névroses • 35

V. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 / Définissez la notion de mécanisme de défense et précisez leurs


fonctions selon l’approche psychanalytique.

Question 2 / Anny Duperey (1992), comédienne, relate dans son livre Le Voile
noir la perte de ses parents, le travail de deuil, la douleur. À l’âge de huit ans et
demi, elle découvre ses parents morts asphyxiés dans leur salle de bain. Après cette
scène terrible, elle oublie tout ce qu’elle a vécu jusqu’à ce jour. Anny Duperey parle
d’une « ombre », de « voile noir », de « grand vide », de « noir total », de « trous
noirs », « d’écran vide », de « brouillard », un « noir de huit ans et demi ».
« Aucun visage, aucune parole, aucun trait de caractère de ceux qui furent mes
proches. Ma mémoire a gommé tout l’humain de mon enfance. Rien d’eux, surtout,
comme s’ils n’avaient jamais existé. C’en est presque choquant. Moi, cela me choque
de pouvoir écrire trois pages sur les chats et pas même trois lignes sur ceux qui m’ont
mise au monde. » (Le Voile noir, Anne Duperey, © Éditions du Seuil, 1992)
Quel est le mécanisme décrit dans cet extrait ? Identifiez-le, définissez-le et indi-
quez sa fonction.

Question 3 / Un patient en psychanalyse évoque lors d’une séance un souvenir


d’enfance. À l’âge de 12 ans, il associe l’idée d’être aimé d’une petite camarade et
l’idée qu’il faudrait que son père meure pour que cet amour se réalise.
Puis, à plusieurs reprises, il met en rapport la mort de son père avec des réussites
affectives et sexuelles. Le patient pense que si son père meurt, l’héritage lui permet-
tra « de posséder la dame » qu’il désire. Le patient prononce la phrase suivante « il
faudrait que mon père meure pour que je puisse être aimé de cette jeune fille », puis
il reconnaît que c’est absurde, que ça n’a aucun rapport et banalise en disant à son
psychanalyste que « ce n’était qu’une association de pensées ».
A. Quel est le mécanisme de défense illustré dans cet extrait ? Définissez-le
et justifiez votre réponse.
B. Qui a publié cette observation dont vous préciserez son titre ?

Question 4 / Indiquez l’auteur du livre Le Moi et les mécanismes de défense.


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36 • Repères en psychopathologie

Question 5 / Une fillette de quatre ans déjeune avec son père en l’absence de sa
mère et dit à son père :
« C’est bien, que maman ne soit pas à la maison aujourd’hui
– Pourquoi donc ?
– Comme ça, elle ne peut pas nous interrompre quand nous parlons ensemble. »
Quelques semaines plus tard, elle exprime explicitement le désir d’écarter sa mère
et lui dit :
« Maman, quand donc mourras-tu ?
– Mais le jour où je mourrai, tu n’auras plus de maman !
– Oui, mais j’aurai encore un papa. »
Quand la fillette et sa mère passent devant des boutiques, la fillette demande à sa
mère de choisir l’objet qui lui plaît le plus et lui promet qu’elle lui offrira quand elle
sera grande.
Abraham (1916) donne l’interprétation suivante :
« Par sa conduite, elle manifestait cette pensée : lorsque je serai grande, j’aurai
de l’argent car je serai la femme de papa, alors tu seras notre enfant et c’est moi qui
ferai des emplettes pour toi. »
Dans cette observation de Karl Abraham, quel est le mécanisme de défense domi-
nant ?

Question 6 / L’approche comportementale interprète la genèse et le maintien des


troubles anxieux à l’aide de références théoriques spécifiques. Exposez ces théories.

Question 7 / L’approche cognitive se réfère au modèle du traitement de l’infor-


mation pour expliquer, par exemple, les troubles anxieux. Cette approche postule
trois structures de traitement de l’information. Définissez-les.

Question 8 / Beck a étudié différentes distorsions cognitives. Définissez-les.

Question 9 / L’approche athéorique a abandonné les termes de névrose et de


psychose. Indiquez les troubles décrits dans le DSM correspondant aux névroses
(hystérophobique et obsessionnelle).

Question 10 / « Tout sujet est névrosé ». Que pensez-vous de cette banalisation


de la pathologie névrotique ? Comment l’expliquez-vous ? Critiquez-la.
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• C h a p i t r e 3 •

LA NÉVROSE HYSTÉRIQUE

I. HISTORIQUE

Un papyrus égyptien datant du XXe siècle avant J.-C. comporte des descriptions
d’états pathologiques attribués à des mouvements de l’utérus. Les premières
descriptions cliniques d’hystérie se trouvent dans les écrits de Hippocrate (v.460-
v.377).

L’hystérie : maladie de l’utérus


Les médecins de l’Antiquité décrivent la symptomatologie polymorphe de
l’hystérie mais pensent qu’il s’agit d’une manifestation de l’utérus conçu comme
un organe mobile dans le corps de la femme conformément à l’étymologie grecque
usteria qui signifie matrice ou utérus.
Avec Galien, la théorie de la migration est abandonnée et l’origine des troubles
est attribuée à la continence sexuelle. Les Grecs comparaient l’utérus à un petit
animal qui avait besoin d’humidité. Certains conseils étaient préconisés concernant
la sexualité susceptible de procurer à l’utérus cette humidité. Si la femme n’a pas
de relations sexuelles, le petit animal se dessèche et part à la recherche de l’humi-
dité. L’utérus se déplace et produit des convulsions et des suffocations. Ces écrits
formulent une première relation entre la sexualité et l’hystérie qui sera ensuite liée
à la maternité.
« L’utérus est un animal qui désire engendrer des enfants. Lorsqu’il demeure
stérile trop longtemps après la puberté, il devient inquiet et s’avançant à travers le
corps et coupant le passage à l’air, il gêne la respiration, provoque de grandes souf-
frances et toutes espèces de maladies. » (Pichot)
À l’ère du christianisme, la continence sexuelle devient une vertu et cesse donc,
d’être un facteur pathogène.
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38 • Repères en psychopathologie

L’hystérie : maladie surnaturelle


Le Moyen Âge chrétien accentue la sexualisation du péché. L’union sexuelle est
justifiée par la reproduction excluant tout plaisir sensuel considéré comme l’œuvre
des esprits malins. La diabolisation de la sexualité entraîne que l’hystérique va s’ef-
facer devant la possédée. Le partenaire de l’hystérique n’est plus le médecin mais
l’Inquisiteur. Les maladies naturelles relèvent de la médecine contrairement aux
autres maladies qui relèvent de moyens surnaturels. En 1484, la bulle d’Innocent
VIII proclame la lutte contre les sorcières. Un manuel est publié en 1494 dans
lequel tout plaisir dans la relation sexuelle est décrété d’origine satanique. Les
condamnations furent très fréquentes pendant les XVIe et XVIIe siècles. Le
XVIIIe siècle, siècle des Lumières connut encore des épisodes célèbres comme les
sorcières du couvent de Würzburg où, en 1749, une nonne fut brûlée vive publi-
quement. La proportion de femmes accusées et brûlées pour sorcellerie qui
présentaient des manifestations hystériques reste inconnue.

L’hystérie : maladie du système nerveux


William Cullen, médecin écossais, définit les névroses comme « des maladies
non accompagnées de fièvre ou de lésions localisées », des « maladies nerveuses »
ou une « affection plus générale du système nerveux ». La conception organiciste de
la pathologie selon Cullen repose sur le postulat d’une atteinte du système nerveux.

L’hystérie : maladie mentale


– Au XVIIe siècle, un médecin anglais, Thomas Sydenham (1624-1689) considère
l’hystérie comme une maladie mentale présentant des manifestations psychiques.
L’hystérie est une maladie ayant des causes internes. Sydenham décrit les traits de
personnalité particuliers des hystériques. Selon lui, les émotions sont à l’origine des
accidents hystériques.
« Tout chez eux est caprice. Ils aiment sans mesure ceux que bientôt ils haïront
sans raison. »
Sydenham déclare que l’hystérie existe chez l’homme mais préfère parler de
« vapeurs hypocondriaques »9 . Avant Thomas Sydenham, Claude Galien (v.131-
v.201) médecin de l’Antiquité avait parlé d’hystérie masculine.

9. Aujourd’hui, l’hypocondrie désigne une préoccupation exagérée du sujet à l’égard de sa


santé.
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La névrose hystérique • 39

– Au XIXe siècle, l’hystérie est au cœur d’une controverse où s’opposent les


tenants de l’organogenèse de l’hystérie, partisans d’une origine organique et les
défenseurs de la psychogenèse, partisans d’une origine psychique de l’hystérie.
Jean-Martin Charcot (1825-1893), neurologue à l’hôpital de la Salpêtrière à
Paris apporte une contribution originale qui influença Freud :
– Charcot distingue l’hystérie de l’épilepsie ;
– Charcot donne un statut médical à l’hystérie en affirmant que le sujet hysté-
rique n’est pas un malade imaginaire. Cette libération des malades par Charcot
est, selon Freud (1893), comparable à la libération réalisée par Philippe Pinel,
défenseur de la suppression des chaînes et du traitement moral des « insensés » ;
– Charcot classe l’hystérie dans les troubles physiologiques du système nerveux
et défend l’origine organique de l’affection ;
– Charcot réaffirme l’existence de l’hystérie masculine. L’hystérie se développe
non sur un type d’homme « féminin » ou « efféminé » mais sur des individus
« robustes », « vigoureux », « solides » ;
– Charcot énonce une étiologie traumatique de l’hystérie. Selon lui, des événe-
ments traumatiques n’ont pas produit leurs effets immédiats et l’idée
consécutive au trauma reste enkystée dans la psyché et parasite la psyché. Freud
et Breuer (1895) reprendront l’idée de « trauma d’après coup » de Charcot mais
développeront la notion d’élaboration psychique ;
– Charcot défend une conception organique de l’hystérie et de l’hypnose,
méthode active uniquement chez les hystériques, selon Charcot.
Freud réfute l’hypothèse d’une cause anatomique des processus psychiques et
s’écarte du fondateur de l’École de la Salpêtrière mais se rapproche du rival de
Charcot : H. Bernheim, fondateur de l’École de Nancy qui privilégie les causes
psychiques de l’hystérie et la considère comme un mode de réaction psychoaffectif
d’origine émotive susceptible d’être traitée efficacement par la psychothérapie
hypnotique, « état psychologique » créé par la suggestion sans lien exclusif avec
l’hystérie. Freud apprendra l’hypnose auprès de Charcot et de Bernheim.
Joseph-François Félix Babinsky (1857-1932), assistant de Charcot à la
Salpêtrière, décrit l’hystérie comme un état psychique qui rend le sujet capable de
s’autosuggestionner. Babinsky suggère qu’on remplace hystérie par « pithiatisme »
pour désigner l’état psychique guérissable par persuasion.
Pierre Janet (1859-1947), considère l’hystérie comme le résultat d’une faiblesse
de la capacité de synthèse psychique. À la suite de chocs émotionnels et de souve-
nirs traumatiques, l’hystérique souffre d’un affaiblissement de la tension
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40 • Repères en psychopathologie

psychologique, d’un « rétrécissement du champ de conscience » d’où la « tendance


à la division permanente de la personnalité ». La faiblesse mentale entraîne l’écla-
tement de la psyché en fragments non liés, en idées isolées qui s’expriment dans des
personnalités différentes, dans des personnalités dédoublées ou dans des personna-
lités alternantes qui échappent à la volonté consciente du sujet.
« Les phénomènes psychologiques ne peuvent plus être réunis dans une synthèse
consciente ; certains d’entre eux restent en dehors de ce champ trop étroit pour les
admettre et sont donc livrés à la subconscience où ils seront repris parfois dans une
autre synthèse : la personnalité seconde. Cette scission est un cas particulier de
désagrégation psychologique. » (Janet, 1889)

S. FREUD – J. BREUER
L’hystérie a ouvert la voie de la découverte de la psychanalyse à Freud. Après
son séjour chez Charcot, Freud retourne à Vienne et publie en 1895 les Études sur
l’hystérie avec Joseph Breuer (1842-1925) :
« À peine sorti de l’école de Charcot, je rougissais de la connexion entre l’hysté-
rie et la sexualité, à peu près comme les patientes elles-mêmes le font en général. »
Si la relation entre hystérie et sexualité n’est pas novatrice au regard de l’histoire
de l’hystérie, en revanche, la reconnaissance de scènes sexuelles traumatiques est
innovatrice. Breuer et Freud affirment que l’on retrouve à l’origine des phénomè-
nes hystériques des « traumas-psychologiques » et qu’on peut guérir l’hystérie en
les découvrant. Freud va s’intéresser à la méthode cathartique mise au point par
Breuer avec sa patiente Bertha Pappenheim, mieux connue sous le nom d’Anna O.
J. Breuer nomme catharsis le procédé thérapeutique utilisé en souvenir
d’Aristote qui attribuait une fonction de purgation à la tragédie grecque. La
méthode cathartique permet au sujet d’évoquer le traumatisme qui a un effet de
décharge (catharsis) et de libération des affects « coincés ».
Anna O. nomme le traitement conçu par Breuer chimney sweeping (ramonage de
cheminée) puisque le but visé de la méthode est la suppression des symptômes et
talking cure ou cure fondée sur la parole. Le traitement permet à Anna O. de retr-
ouver la scène à l’origine « d’hallucinations angoissantes où cheveux noirs, lacets,
etc. lui semblaient être des serpents noirs ». Anna se revoit endormie auprès de son
père malade, qu’elle veille avec amour, quand elle « voit » un serpent noir sortir du
mur, s’avançant vers son père malade pour le mordre. Or, Anna O. présente une
paralysie du bras droit. La rigidification du bras droit semble liée à l’hallucination
et l’empêche de toucher l’animal. La thérapie cathartique consiste à supprimer
« l’activité de la représentation non initialement ab-réagie en permettant à l’affect
bloqué à celle-ci une décharge par la parole ».
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La névrose hystérique • 41

Freud critique ensuite le point de vue de Breuer sur le cas d’Anna O. et leur
désaccord portera sur le rôle de la sexualité dans l’étiologie de la névrose hysté-
rique.
Freud met l’accent sur la symbolique sexuelle de l’hallucination des serpents par
Anna O., sur le rôle de la sexualité dans la vie psychique de la jeune fille.
Élizabeth von R., patiente de Freud, est au cœur d’une autre étude sur l’hystérie.
Élizabeth von R. souffre d’abasie c’est-à-dire d’une impossibilité de marcher en l’ab-
sence de cause organique. Ses douleurs concernent les cuisses et sont
particulièrement intenses en un point. Le traitement avec Freud révèle que ce point
douloureux est l’endroit où son père posait son pied enflé afin qu’elle change les
bandages. Or, Freud a observé sur le visage d’Élizabeth une expression de satisfac-
tion et non de douleur lorsqu’une pression était exercée à l’endroit douloureux.
Freud associe le point douloureux d’Élizabeth von R. et le bras paralysé d’Anna O.
à l’amour conflictuel de ces jeunes femmes avec leurs pères. La symbolisation du
conflit psychique au niveau corporel donne un rôle de « transcripteur de signes » au
corps.
L’hystérie, appelée hystérie de conversion par Freud, se caractérise par l’utilisa-
tion du registre corporel pour traduire les conflits inconscients.

II. SÉMIOLOGIE

A. LES SYMPTÔMES

L’hystérie est caractérisée par des symptômes somatiques ou symptômes de


conversion, des symptômes d’expression psychique et certains traits de caractère
caractéristiques.

1. Les symptômes de conversion


L’hystérique traduit corporellement les expressions du langage courant telles
que « avoir le souffle coupé », « rester sans voix », etc.

— Les symptômes paroxystiques10 ou les crises


Les crises observées actuellement sont très atténuées comparées aux grandes
crises « à la Charcot » : « la grande attaque » était une crise spectaculaire présentant
une symbolique sexuelle manifeste.
10. Phase d’une maladie pendant laquelle les symptômes se manifestent avec leur maximum
d’intensité.
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42 • Repères en psychopathologie

– La crise comportait des symptômes précoces ou prodromes : modification de


l’humeur, palpitations cardiaques, sensations de boule dans la gorge, etc.
– Le début de la crise se caractérisait par une perte de conscience. Le sujet
tombait sans se faire mal contrairement au sujet épileptique qui peut se blesser
lors d’une crise. Dans la crise d’hystérie, il n’y a ni perte des urines ni morsure
de la langue, éléments caractéristiques de la crise d’épilepsie.
– La période épileptoïde comportait une phase tonique (renversement de la tête
en arrière, raideur généralisée) puis une phase clonique (corps animé de mouve-
ments rapides et désordonnés puis de grandes secousses)
– La période des contorsions et des grands mouvements : le clownisme :
L’attitude de contorsion la plus connue est celle de l’arc de cercle. Un autre
mouvement décrit un patient couché sur le dos qui se redresse pour se mettre
assis avec la tête sur les genoux en répétant le mouvement une vingtaine de fois.
– La période de transe ou d’attitudes passionnelles : le sujet semblait revenir à
lui et mimait des scènes violentes ou érotiques.
– La période terminale ou verbale mettait fin à la crise d’une durée moyenne de
quinze minutes.
Jean-Martin Charcot relate au cours d’une leçon du mardi (17 janvier 1881) à la
Salpêtrière cet entretien avec la mère d’une patiente de 22 ans qui décrit les crises de
sa fille : « Elle commence par se jeter à terre, elle se roule, elle mord, elle déchire tout
ce qui lui tombe sous la main, elle crie ; son regard devient fixe puis elle se lève, vous
suit et se jette sur vous. »
Les crises d’hystérie spectaculaires disparaissent après la mort de Charcot d’où
l’idée que l’équipe de Charcot apprenait aux patient(e)s les différentes phases de la
crise.

— Les manifestations paroxystiques actuelles


Actuellement, les équivalents mineurs de ces crises sont nombreux et peuvent
être :
– la crise d’agitation ;
– les évanouissements pouvant aller jusqu’à la syncope. Lors de la crise synco-
pale, le sujet en général sent venir le malaise, ne se blesse pas en tombant, ne
perd pas complètement conscience et se souvient de sa crise ;
– les crises tétaniformes : contractions involontaires des muscles sans support
biologique ;
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La névrose hystérique • 43

– les crises extra-pyramidales : il s’agit d’accès de secousses musculaires, d’ac-


cès de hoquet, de bâillements ou d’éternuements, de crises de larmes, de
tremblements, de tics ;
– les crises de léthargie ou crise de sommeil prolongé : le sujet dort pendant une
durée plus ou moins longue mais, ce sommeil ne présente pas les signes carac-
téristiques du sommeil à l’électroencéphalogramme (EEG).

— Les syndromes moteurs


Les syndromes moteurs comportent les paralysies, les contractures, les spasmes,
les troubles de la phonation.

Les paralysies
– Les paralysies peuvent être généralisées et réaliser des hémiplégies (paralysie
d’un seul coté du corps) ou des paraplégies (paralysie des deux membres infé-
rieurs).
– Les paralysies peuvent être localisées et concerner un membre (monoplégie)
ou une partie d’un membre.
– Les paralysies peuvent être fonctionnelles et toucher une catégorie de mouve-
ments ou une fonction :
Astasie-abasie : un sujet souffrant d’astasie (impossibilité de se tenir debout)
ou d’abasie (impossibilité de marcher) est capable de remuer les jambes dans
son lit ; la paralysie des membres inférieurs touche uniquement la marche.
Aphonie-dysphonie : la paralysie peut toucher les cordes vocales et produire
une aphonie (extinction de voix). Certains patients présentent une impossibi-
lité de parler normalement et chuchotent : la voix est voilée et le discours est
à peine audible.
– Les paralysies peuvent être paradoxales et capricieuses : elles ne s’accompa-
gnent pas de troubles du tonus ni de troubles réflexes.
Les paralysies ne résultent pas d’atteinte lésionnelle organique. Elles ne respec-
tent pas les lois de l’anatomie mais reflètent l’idée que le sujet se fait des maladies
et du fonctionnement de son propre corps d’où ces curieuses paralysies « en manche
de veste », « en manchette » (Janet) qui défient les lois physiologiques.

Les contractures et les crampes


– Les contractures ou crampes musculaires peuvent concerner un membre, un
doigt, le tronc, les muscles du cou (torticolis), les muscles des paupières, etc.
– Les contractures peuvent toucher les viscères et réaliser des crampes viscéra-
les, et concerner le tube digestif, l’appareil urinaire, respiratoire, etc.
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44 • Repères en psychopathologie

— Les troubles de la sensibilité


Les syndromes sensitifs se présentent sous forme d’anesthésies ou d’hyperes-
thésies.
La topographie des symptômes hystériques est imaginaire. Les anesthésies pren-
nent la forme de « gants », de « manches de veste », de « bottes » (Janet), etc.
L’hyperesthésie désigne une exagération de la sensibilité. Le sujet présente une
très grande sensibilité lors du toucher de certaines zones. Les sensations doulou-
reuses ou algies sont les symptômes les plus fréquents du tableau hystérique.
Les céphalées (maux de tête) peuvent être tellement douloureuses qu’elles empêchent
certains lycéens et étudiants de lire, d’apprendre et de travailler.

— Les troubles sensoriels


Les différents organes sensoriels peuvent être concernés (vue, audition, odorat,
etc.) et l’atteinte peut être partielle ou totale.
– Les troubles visuels peuvent consister en une vision floue, une cécité passa-
gère, une vision monoculaire, etc.
Breuer dans Études sur l’hystérie commente les troubles visuels chez Anna O. :
« son père qui lui demande tout à coup l’heure qu’il est. Elle, voyant mal, fait des
efforts, approche la montre de ses yeux, et alors, les chiffres du cadran lui paraissent
énormes (macroscopie et strabisme convergent)…»
Béatrice souffre de brouillard et de difficulté d’accommodation. Au cours de sa
thérapie, elle découvre qu’elle a « des choses trop affreuses à voir » : elle ne veut pas
voir qu’elle partage son amant avec sa sœur et exprime une « colère aveugle » « meur-
trière » où elle voit « rouge ». La patiente qui était myope n’a jamais voulu porter de
lunettes à cause de sa « jalousie » à l’égard de sa sœur dont tout le monde vantait les
« beaux yeux ». L’auteur constate que dans l’hystérie : « Les différentes parties du
corps nous parlent (...) et vous l’offrent à l’œil. » (Hesnard, 1963)
– La surdité peut survenir après des chocs émotionnels et s’accompagner parfois
de mutisme.
Breuer remarque qu’Anna O. présente des déficits passagers d’audition. Anna O.
n’entend pas quand on l’interpelle alors qu’elle est seule. Breuer constate une aggra-
vation de la surdité et note qu’elle « devenait si sourde » qu’il était obligé de
communiquer par écrit avec elle. Selon Breuer, une frayeur ressentie pendant qu’elle
soignait son père était à l’origine de ses troubles auditifs.
– Les troubles peuvent également concerner le système neuro-végétatif (muscu-
lature lisse des viscères et des sphincters) et présenter un caractère moteur. Certains
troubles du système neuro-végétatif ont un caractère sensitif et s’expriment sous
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La névrose hystérique • 45

forme de douleurs ou algies touchant les organes internes : douleurs du dos (scia-
tiques, rachialgie), douleurs de l’appareil urinaire (cystalgies, brûlures), douleurs
gynécologiques (vaginisme, spasmes douloureux du vagin), douleurs digestives
(vomissements), douleurs de l’arbre respiratoire (malaise respiratoire).
Les douleurs présentent les caractéristiques suivantes :
– elles peuvent être exposées sous une allure dramatique ;
– elles entraînent une gêne fonctionnelle ;
– elles ne s’accompagnent pas de signes organiques à l’examen médical ;
– elles sont à l’origine d’une fréquentation médicale excessive, d’une multipli-
cation des examens complémentaires, de la multiplicité des traitements,
d’erreurs diagnostiques, d’interventions chirurgicales inutiles ou abusives.

2. Les symptômes d’expression psychique


Certains symptômes peuvent concerner la mémoire, la sexualité, l’humeur, la
performance intellectuelle, la vigilance et la conscience.

— Les troubles de la mémoire


L’histoire des sujets présente des lacunes, des zones d’ombre, des oublis. Freud
évoquait « l’incapacité où sont les malades d’exposer avec ordre l’histoire de leur
vie en tant qu’elle correspond à l’histoire de leur maladie ».
« “Je ne sais pas” pourrait être la devise de l’hystérique. »
(Israël et coll., 1985)
L’amnésie peut être momentanée ou permanente, sélective, lacunaire ou
généralisée :
– l’amnésie sélective : c’est l’oubli de certains faits dotés de signification à
forte valeur émotionnelle ;
– l’amnésie lacunaire : c’est l’oubli d’une période de temps précis ;
– l’amnésie généralisée : l’oubli s’applique à l’ensemble des expériences
passées.
Les illusions mnésiques et la fabulation masquent souvent les lacunes
mnésiques en donnant une apparence de vérité au récit. Freud affirmait que « l’hys-
térique souffrait de réminiscences » c’est-à-dire de retour de souvenirs oubliés.
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46 • Repères en psychopathologie

— Les troubles de la sexualité


Les troubles de la sexualité sont fréquents. Chez les hommes, les troubles pertur-
bent la satisfaction sexuelle : il s’agit souvent d’impuissance ou d’éjaculation
précoce.
Israël (1976) considère que « c’est le refus d’une sexualité qui se limite à la géni-
talité » et que « la frigidité masculine peut se manifester dans la réduction du plaisir
sexuel à une éjaculation élinctoire, à l’instar de Freud qui affirmait que l’hystérique
est celui qui, en situation sexuelle, n’éprouve que du dégoût ».
Chez les femmes, la frigidité définie comme l’absence de sensations voluptueu-
ses au moment du coït est fréquente sans toutefois, être aussi systématique que
l’affirment certains manuels.
Les troubles de la sexualité reflètent la position ambivalente du sujet hystérique
vis-à-vis de la sexualité qui est, recherchée et crainte en même temps. L’érotisation
des relations interpersonnelles contraste de manière paradoxale avec la peur de la
sexualité marquée d’une certaine inhibition. C’est la raison pour laquelle, certains
sujets manifestent une fuite devant la réalisation sexuelle. À l’inverse, certains
multiplient les conquêtes et les aventures : cette attitude infirme l’absence de sexua-
lité si souvent évoquée à tort chez les sujets hystériques. Freud déclare hystérique
« toute personne chez laquelle une occasion d’excitation sexuelle provoque surtout
ou exclusivement du déplaisir », « qu’elle soit ou non capable de créer des symptô-
mes somatiques ».

— Les troubles de l’humeur : la tendance dépressive


Les déceptions de la vie relationnelle peuvent provoquer des épisodes dépressifs
susceptibles d’aboutir à une tentative de suicide. La tentative de suicide comporte
une demande affective et un appel pour remanier le champ relationnel. La dépres-
sion peut ne pas être reconnue par l’entourage qui pense, que « c’est de la comédie »
à cause du théâtralisme si caractéristique de la personnalité hystérique.
« La tristesse, elle, résulte, du fait que, pris dans des jeux de miroirs des identifi-
cations multiples où leur insécurité identificatoire les met, les hystériques, comme
l’écrit J.-D. Nasio “créent une situation conflictuelle, mettant en jeu des drames,
s’immisçant dans des conflits et puis, une fois le rideau tombé, ils s’aperçoivent avec
la douleur de la solitude, que tout ça n’a été qu’un jeu dont ils sont la part exclue”. »
(Venet, 2000)
La présentation théâtrale rend souvent difficile l’évaluation de la composante
dépressive qui est sous-estimée alors que le risque de suicide est réel.
« Le plus souvent, la tentative n’est pas suivie de mort. Mais, parfois, l’hystérique
rate sa tentative et réussit son suicide. » (Israël et coll., 1985)
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La névrose hystérique • 47

— Les troubles de la conscience et de la vigilance


Le sujet au cours d’épisodes dissociatifs continue à vivre et à agir plus ou moins
en contact avec son environnement mais en marge de son comportement habituel,
avec une amnésie totale à son réveil. Les sujets hystériques peuvent fuguer, présen-
ter des épisodes somnambuliques nocturnes, montrer des personnalités multiples
(alternantes, doubles, triples) et manifester exceptionnellement des états crépuscu-
laires. Ces troubles sont exposés dans le paragraphe consacré aux troubles
dissociatifs dans l’approche athéorique.

Conclusion
La sémiologie de l’hystérie présente quelques constantes : la visibilité du symp-
tôme, l’anorganicité des symptômes, l’indifférence du sujet vis-à-vis du symptôme
et la labilité de l’évolution.
– Le trouble peut être exhibé par le patient et devenir parfaitement visible.
– Les symptômes décrivent une organisation imaginaire du corps défiant les lois
de l’anatomie.
– Les examens somatiques médicaux donnent des résultats négatifs qui, ne
confirmant pas l’existence d’une maladie organique, déplaisent au patient et
augmentent ses plaintes.
« L’hystérique se comporte dans ses paralysies et autres manifestations comme si
l’anatomie n’existait pas, ou comme si elle n’en avait aucune conscience. » (Freud,
1893)
– Le sujet hystérique peut présenter une certaine indifférence vis-à-vis de ses
symptômes. Le sujet manifeste un désintérêt pour sa maladie, « la belle indiffé-
rence des hystériques ».
« La “belle indifférence” qui avait été décrite au siècle dernier reste, (...) un symp-
tôme majeur. Le malade veut ignorer l’anomalie qu’il présente. » (D. Widlöcher,
1995)
– Les symptômes présentent une grande variabilité. Sydenham décrivait la plas-
ticité symptomatologique de l’hystérie en décrivant l’hystérie comme « un
Protée qui prend une infinité de formes, un caméléon qui varie sans fin ses
couleurs ».
– Les réactions vis-à-vis des traitements sont paradoxales. Les symptômes appa-
raissent et réapparaissent de manière imprévisible. L’évolution de la
symptomatologie est inattendue.
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48 • Repères en psychopathologie

B. LE CARACTÈRE HYSTÉRIQUE

Les différentes théories psychologiques s’accordent sur certains traits de carac-


tère hystérique.
– Le sujet hystérique cherche à solliciter l’intérêt d’autrui ; il est préoccupé par
l’opinion d’autrui et par un besoin de reconnaissance. Il manifeste un certain théâ-
tralisme ou histrionisme (se donner à voir). Les attitudes, le comportement, la
conduite, la tenue vestimentaire, le maquillage, les propos, le discours, tendent à
attirer l’attention et à séduire autrui. Le sujet doute de sa propre valeur et a, par
conséquent, toujours besoin d’être rassuré par une relation sécurisante. Le sujet
recherche protection, affection, et sécurisation. La quête affective est forte : certains
auteurs parlent d’avidité affective qui place le sujet dans une grande dépendance
affective. Les médecins sont susceptibles de donner cette sécurité en reconnaissant
une étiologie somatique aux symptômes de conversion.
– Le théâtralisme a sa source dans l’ambivalence des désirs : le sujet hystérique
veut séduire et pour cela, stimule chez l’autre l’excitation érotique mais le sujet
redoute les conséquences. La conduite hystérique correspond à une séduction
permanente et à une érotisation de la relation qui peut être trompeuse car une
réponse à la demande de rapproché produit souvent la fuite ou la rupture. Un double
mouvement de séduction et de retrait marque l’ambivalence véritable de l’hysté-
rique au niveau du corps, au niveau de la sexualité qui est recherchée et crainte en
même temps. Le sujet hystérique séduit dans l’attente infantile d’être aimée et dans
la crainte de la réalisation sexuelle contrairement au séducteur pervers dont le plai-
sir est d’exciter l’autre et de jouir ensuite, sadiquement, de son refus après avoir
éveillé le désir chez autrui.
« “L’hystérique” ne fait pas de théâtre, il est théâtre, il n’est pas un acteur, il est acteur, il
n’a pas des émotions, il est des émotions. » (Racamier, 1952)
– La demande affective intense est érotisée et culpabilisée. Le sujet recherche
protection et affection et déploie des trésors de séduction pour capter l’intérêt.
L’objectif est d’obtenir la sollicitude de l’autre et cela, en position de force ou en
position de faiblesse. C’est une demande de type infantile. La demande affective
des sujets hystériques illustre le premier temps de l’Œdipe quand l’enfant désire
séduire le parent de sexe opposé alors que ce désir déclenche chez l’enfant une forte
culpabilité vis-à-vis du parent du même sexe. En effet, le désir inconscient du sujet
hystérique est génital et objectal. La crainte hystérique d’un plaisir traduit une
crainte de la castration.
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La névrose hystérique • 49

« L’érotisation, plus sensuelle que sexuelle, plus proche des jeux érotiques et des
flirts de l’enfance que de la génitalité adulte, envahit l’ensemble du champ relation-
nel, au risque permanent d’un quiproquo dans l’interprétation qu’en fait
l’interlocuteur, n’ayant d’autre issue que de renforcer l’insatisfaction d’avoir “été
prise pour ce qu’elle n’est pas : celle que vous croyez”. » (Venet, E, 2000)
Certains comportements reflètent une régression vers un mode autoérotique de
plaisir tels que les simulacres de séduction, une pseudo-génitalité proche des jeux
sexuels infantiles. Le surinvestissement de la prégénitalité et la censure de la géni-
talité peuvent s’inverser en activisme sexuel génital volontariste qui sera vite
oublié.
Le comportement sexuel ne peut se réaliser que dans une sorte de « halo amné-
sique »… «il faut l’avoir tout de suite oublié ».(Bergeret, 1972)
– Le sujet hystérique se comporte comme un acteur mais il n’est pas aussi
convaincant qu’un comédien. Exprimant ses émotions avec démesure, il paraît
excessif et inauthentique. Le sujet réagit avec excès parce qu’il « ressent avec
excès » et est « débordé par l’émotion ». Jouer un rôle, jouer un personnage évite
au sujet hystérique une rencontre authentique avec autrui. Le sujet se cache
derrière les déguisements, derrière la multiplicité des personnages joués.
L’hystérique falsifie ses rapports avec autrui et une telle artificialité s’avère
parfois un véritable atout pour réussir dans certains milieux professionnels.
– L’hystérie est souvent associée au mensonge et à l’affabulation.
J. Bergeret interprète la désignation peu élogieuse de menteur du caractère hysté-
rique comme un « effet de la riche fantasmatisation dont est coutumier ce genre de
caractère » et rappelle que « la luxuriance des imagos fantasmatiques ou oniriques »
opère comme chez l’enfant une « dénégation de la réalité œdipiennne » gênante.
Freud (1913) dans son texte Deux mensonges d’enfants expose que le mensonge
est l’énoncé d’un fantasme et que ce fantasme est un fantasme d’amour.
Ruth Mac-Brunswick (1943) rappelle que « le motif principal de la dénégation
infantile et de tous les mensonges pathologiques qui en dépendent est constitué par
des événements gravitant autour du complexe de castration qui ont lésé le narcis-
sisme de l’enfant ».
– De ce désir de plaire découlent la plasticité et la soit-disante suggestibilité de
l’hystérique. Le sujet hystérique est capable de changer de rôle en fonction de l’au-
ditoire et de changer d’avis en fonction de l’avis de ses interlocuteurs. L’hystérique
manifeste indéniablement une certaine plasticité. Il peut, en effet, s’attacher à toute
personne lui manifestant un intérêt jusqu’à imiter sa voix, s’habiller comme le
modèle et lui ressembler. La plasticité n’est pas équivalente à la fameuse suggesti-
bilité hystérique qui oppose encore, aujourd’hui, les chercheurs et les cliniciens.
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50 • Repères en psychopathologie

La « tendance à érotiser les relations », la « recherche dans les objets actuels de


duplication d’objets infantiles » ; la « suggestibilité assez forte » ; la « dramatisation
des émois émotifs » « reflètent le conflit œdipien » selon Bergeret (1972).
Les recherches étudiant les relations entre les différents traits de caractère hysté-
rique ne confirment pas l’existence d’une relation entre la suggestibilité et la
personnalité hystérique (Lempérière, 1968). Pour Eysenck, les hystériques sont les
sujets les moins suggestibles. Il serait préférable de parler de réceptivité facilitant
la mutation des rôles plutôt que de suggestibilité (capacité à répondre aux sugges-
tions).
– La théâtralité de l’existence a comme corollaire la réactivité excessive sur le
plan émotionnel, l’absence de contrôle émotionnel. La labilité émotionnelle s’ex-
prime dans une oscillation de réactions contrastées : de la joie débordante au
découragement, de l’attachement aveugle à l’oubli. Le sujet montre, sans contrôle
et sans retenue, les affects fluctuants qui le submergent. Le sujet se positionnant
dans le désir d’autrui ne peut se fixer dans une identité personnelle, authentique,
stable et ne peut que montrer une instabilité émotionnelle et caractérielle en lien
avec le mécanisme de l’identification opérant dans l’hystérie de conversion.
Bergeret insiste sur le mode particulier de la vie relationnelle des sujets au carac-
tère hystérique où « alternent les moments de chaleur affective et de rétractation plus
ou moins provocatrice ; des moments où l’expression langagière d’une grande
richesse est suivie d’un mutisme boudeur ».
– L’effort de séduction peut faciliter les relations sociales ou au contraire, créer
des tensions importantes. Le désir d’être au centre d’un groupe déclenche parfois,
des conduites de rivalité chez les interlocuteurs entraînant le rejet du sujet qui peut
réagir, en retour, de manière agressive.
– Certains sujets hystériques présentent une tendance à la rêverie, qui, comme
le rêve, permet une réalisation fantasmatique de désirs. La réalisation fantasmatique
assure le plaisir impossible dans la réalité. Ainsi, le sujet vit dans l’imaginaire ce
qu’il ne peut vivre concrètement à cause de ses inhibitions, de son angoisse, de ses
défenses, de ses symptômes.
« Freud disait que ce à quoi les hystériques aspirent le plus ardemment dans leur
rêverie, ils le fuient dès que la réalité le leur offre. Et c’est quand aucune réalisation
n’est plus à craindre qu’ils s’adonnent le plus volontiers à leurs fantasmes. » (J.P.
Winter, 1998)
Le clinicien évalue la répercussion et l’importance de cette activité fantasma-
tique sur la vie mentale afin de repérer si elle envahit totalement ou partiellement la
vie psychique. Certains projets imaginaires peuvent être totalement irréalistes et la
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La névrose hystérique • 51

vie imaginaire peut être transposée dans la vie réelle. Cette tendance à s’imaginer
des vies et des personnages contribue au théâtralisme et à la mystification. Elle n’est
pas délirante dans le tableau hystérique car la critique reste possible contrairement
aux personnalités paranoïaques inaccessibles à l’autocritique. La finalité des cons-
tructions fantasmatiques des sujets hystériques n’est pas de mystifier les autres : le
sujet est davantage mythomane que mystificateur. La tendance à la mythomanie
traduit cette puissance de l’imaginaire. Par ses fabulations et ses inventions, le sujet
cherche à falsifier ses rapports avec autrui ; le sujet joue la comédie ; il se donne en
spectacle aux autres et à lui, pour obtenir l’affection d’autrui et non pour dominer
ou soumettre autrui comme le fait le sujet pervers.
– Certains sujets hystériques sont timides, effacés et affichent un certain infanti-
lisme dans les propos, la voix, la tenue ou le comportement. Le sujet aspire ainsi à
susciter, sur un mode infantile, attention, protection et affection d’autrui.
Conclusion
Certains auteurs observent une concordance entre les symptômes de conversion
et les traits de caractère hystérique alors que d’autres constatent une indépendance
entre les symptômes de conversion et les traits de caractère hystérique. Certaines
études cliniques décrivent une personnalité hystérique « asymptomatique » ou une
conversion somatique indépendamment de la personnalité hystérique.
« La question des rapports entre symptômes hystériques et personnalité demeure
à l’ordre du jour. L’association entre symptômes et personnalité hystérique n’est
certes pas aussi fréquente qu’on le disait. C’est la raison pour laquelle on tend à
substituer le terme de “personnalité histrionique” à celui d’“hystérique”. Est-ce bien
nécessaire ? la personnalité hystérique telle qu’elle est décrite classiquement existe,
et elle est souvent accompagnée de manifestations fonctionnelles d’autre nature, en
particulier de plaintes hypocondriaques. » (D. Widlöcher, 1995)
Cette controverse confirme la nécessité d’analyser les symptômes au regard de
l’histoire du patient et d’étudier les mécanismes de défense avant d’énoncer une
hypothèse diagnostique d’hystérie de conversion.

Les formes cliniques

— Selon le sexe
Les manifestations de conversion hystérique concernent environ 1 % de la
population générale. Les manifestations de conversion sont plus fréquentes chez la
femme qui n’en a toutefois pas l’exclusivité. La prédominance féminine ne dépasse
pas 60 à 70 % des cas. Les données statistiques qui prennent en considération la
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52 • Repères en psychopathologie

prépondérance des femmes dans les consultations en psychiatrie concluent à une


répartition de l’hystérie équivalente dans les deux sexes.
Le point de départ des symptômes hystériques chez l’homme apparaît plus
souvent après un conflit socioprofessionnel qu’après un conflit affectif. On note
certains traits de caractère hystérique propres à l’homme comme le donjuanisme
avec la multiplication des conquêtes, la vantardise, etc. Les symptômes dominants
dans l’hystérie masculine sont des difficultés sexuelles, des problèmes relationnels,
des toxicomanies mineures telles que l’alcoolisme ou des symptômes moteurs.
« Le scandale de l’hystérie masculine pourrait s’énoncer ainsi : il y a des hommes
que l’acte sexuel n’intéresse pas. (..) Des hommes pour lesquels l’acte sexuel n’a
aucune importance : ainsi Marcueil, le héros du Surmâle (d’Alfred Jarry) ouvre par
cette phrase le récit de son hystérie : “L’amour est un acte sans importance, puisqu’on
peut le faire indéfiniment”. » (J.P. Winter, 1998)
L’hystérie est considérée comme une pathologie liée au féminin et non liée au
sexe féminin. En effet, plusieurs psychanalystes (Mélanie Klein, Karen Horney) ont
critiqué l’association faite entre l’hystérie et le sexe féminin. Derrière les troubles
hystériques masculins, se profilent la question de la différenciation des sexes, la
réactivation de l’angoisse de castration, la réactivation des fantasmes homosexuels
et la question du féminin (cf. André et coll., 1999).
E. Roudinesco (1999) dans Pourquoi la psychanalyse ? accorde à l’hystérie une
fonction contestataire et salvatrice, aujourd’hui empêchée qui expliquerait l’évolu-
tion actuelle vers la plainte dépressive.
« L’hystérie d’autrefois traduisait une contestation de l’ordre bourgeois qui
passait par le corps des femmes. À cette révolte impuissante, mais fortement signi-
fiante par ses contenus sexuels, Freud attribua une valeur émancipatrice dont
bénéficièrent toutes les femmes. Cent ans après ce geste inaugural, on assiste à une
régression. Dans les pays démocratiques, tout se passe comme si plus aucune rébel-
lion n’était possible, comme si l’idée même de subversion sociale, voire
intellectuelle, était devenue illusoire, comme si le conformisme et l’hygiénisme
propres à la nouvelle barbarie du bio-pouvoir avaient gagné la partie. D’où la
tristesse de l’âme et l’impuissance du sexe, d’où le paradigme de la dépression. »

— Selon l’âge
Les manifestations de conversion sont fréquentes chez l’enfant et l’adolescent ;
elles surviennent chez l’adulte jeune et ne sont pas exceptionnelles chez les sujets
plus âgés. Chez le sujet hystérique âgé, les algies et la dépression hypocondriaque
dominent tandis que les crises ou les paralysies sont rares.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 53

La névrose hystérique • 53

« Notre malade, que j’appellerai par son nom de Dora, présentait dès l’âge de 8
ans des troubles nerveux. Elle souffrait alors d’une gêne respiratoire permanente qui
s’accentuait par accès ; cette gêne était apparue pour la première fois après une petite
excursion en montagne et fut par conséquent attribuée au surmenage. Cet état dispa-
rut en six mois. (...) Des migraines et des accès de toux nerveuse apparurent chez elle
vers l’âge de 12 ans… » (Freud, Dora, 1905)

Évolution et pronostic
Les statistiques concernant la durée des symptômes sont variables et dépendent
de nombreux facteurs. L’attitude de l’entourage joue un rôle dans l’évolution de
l’hystérie. Ainsi, certaines familles hyperprotectrices ou certains conjoints très
attentionnés entretiennent les comportements de dépendance régressive des sujets.
Le médecin peut également fixer les troubles ou les chroniciser en reconnaissant
une réalité organique aux symptômes hystériques.
Par contre, les troubles peuvent s’évincer quand les bénéfices secondaires
deviennent négligeables ou quand la situation du patient devient moins confortable.

III. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

L’approche freudienne de l’hystérie met l’accent sur les difficultés à résoudre le


conflit œdipien et le mécanisme prévalent du refoulement.
– L’hystérie de conversion découle de l’impossibilité pour le sujet de liquider le
complexe d’Œdipe. Il y a régression de la libido au niveau génital. L’hystérique
espère toujours pouvoir réaliser son scénario œdipien. Le sujet est en quête perma-
nente de séduction parce que le désir tendre, positif, le désir d’amour du complexe
d’Œdipe reste béant dans l’hystérie. L’hystérique se défend du danger œdipien par
le refoulement.
– Le refoulement est le mécanisme de défense prévalent dans l’hystérie. Si le
refoulement est complet, l’amnésie est totale et le sujet fait preuve d’une « indiffé-
rence » devant son symptôme. La conversion somatique aboutit à une totale
neutralisation de l’angoisse. Le refoulement peut être incomplet car l’échec du
refoulement est fréquent dans l’hystérie selon Freud :
« Le refoulement peut réussir à faire disparaître complètement le quantum
d’affect. Le malade fait preuve alors, vis-à-vis de son symptôme, du comportement
que Charcot a nommé “la belle indifférence des hystériques”. D’autres fois, la
répression n’est pas si complète, (...) on trouve une innervation très forte – somatique
dans les cas typiques – de nature tantôt sensorielle, tantôt motrice, soit excitation, soit
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 54

54 • Repères en psychopathologie

inhibition. (...) On peut considérer que le refoulement, dans l’hystérie est


complètement manqué dans la mesure où il n’est rendu possible que par de très
importantes formations de substitut. » (Freud, 1915)
– La conversion désigne un « saut mystérieux du psychique dans le corporel ».
Les représentations refoulées du système conscient continuent de s’exprimer et le
corps se met à parler.
« Ces attaques ne sont rien d’autre que des fantasmes traduits dans le langage
moteur, projetés sur la motilité, figurés sur le mode de la pantomime. » (Freud, 1909)
Dans la première théorie freudienne de l’hystérie, la partie du corps concernée
par la crise ou la conversion correspondait à la région du traumatisme passé.
Dans la seconde théorie de Freud où le fantasme devient la notion centrale, le
fantasme produit une « création psychique » totalement personnelle et subjective.
L’anatomie des zones corporelles désignées est imaginaire. Le mystère du « saut »
du « psychique dans le corporel » correspond au fantasme inconscient et à une
anatomie imaginaire.
– L’identification est une activité du Moi indispensable au développement de la
personnalité. Dans l’identification, le Moi s’approprie les qualités psychiques de
l’objet. L’identification peut présenter trois formes :
• l’identification primaire est liée à l’incorporation orale. L’objet est dévoré sans
distinction entre Moi-non Moi, tendresse-hostilité dans un mouvement
prégénital ;
• l’identification secondaire survient avec l’arrivée du Complexe d’Œdipe. Les
difficultés de résolution du complexe d’Œdipe par les sujets hystériques laissent
une ambiguïté dans l’identification au père ou à la mère ;
• Freud (1921) décrit un troisième type d’identification concernant une identifi-
cation entre le sujet et le groupe en l’absence de lien libidinal direct.
Freud (1905) analyse les nombreuses identifications chez Dora :
« Dora souffre de toux. Par la toux, elle imite l’affection pulmonaire de
son père. La toux permet à Dora de signifier qu’elle est la fille de son père et
son identification à son père. La problématique œdipienne est traduite dans ce
symptôme. Par sa toux, elle s’identifie aussi à Madame K qui prétextait être
malade quand son mari rentrait de voyage pour se dérober aux relations
sexuelles avec son mari. En faisant des scènes de jalousie à son père, elle
s’identifie à sa mère et à Mme K. Dora s’identifiait donc avec les deux femmes
aimées, l’une jadis et l’autre maintenant, par son père, dont elle “était amou-
reuse”. » (Freud, Dora, 1905).
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La névrose hystérique • 55

L’identification dans l’hystérie peut se manifester par une identification limitée


à un trait partiel, par des identifications multiples (parfois contradictoires), dans
l’emprunt du rôle joué par l’autre, dans une imitation caricaturale, dans la labilité
hystérique, etc. La quête d’identité féminine est un trait caractéristique de l’hysté-
rie chez la femme. Les comportements de séduction visent à compenser
l’inquiétude du sujet concernant son identité sexuelle.

Les évolutions théoriques sur l’hystérie de Freud


– Dans une première théorie, Freud parle de traumatisme sexuel pendant l’en-
fance et élabore sa théorie de la séduction. Freud rattache l’hystérie à un
refoulement d’un événement ou d’une scène constitué par un traumatisme sexuel
infantile. Freud pense que l’étiologie de l’hystérie réside dans une séduction du
patient, encore enfant, par un adulte. Dans l’enfance, il y a eu séduction, voire sévi-
ces sexuels de la part d’un adulte sur l’enfant. Ce traumatisme originel est à
l’origine du trouble hystérique. L’hystérique, à travers ses manifestations sympto-
matiques revit des scènes traumatiques antérieures.
« À l’époque où l’intérêt principal était dirigé sur la découverte des traumatismes
sexuels de l’enfance, presque toutes mes patientes me racontaient qu’elles avaient été
séduites par leur père. Il me fallut finalement constater que ces rapports n’étaient pas
vrais, et j’appris ainsi à comprendre que les symptômes hystériques dérivent de
fantasmes, et non pas d’événements réels. Ce n’est que plus tard que je pus recon-
naître dans ce fantasme de la séduction par le père l’expression du complexe d’Œdipe
typique chez la femme. » (Freud, 1933)
– Dans une seconde théorie, Freud intègre l’hystérie dans le cadre de l’évolution
libidinale. La névrose hystérique est caractérisée du point de vue de sa structure
inconsciente par la fixation et la régression à la phase œdipienne.
Freud révèle l’existence de désirs incestueux inspirés à l’enfant par le parent de
sexe opposé et l’existence d’une sexualité chez l’enfant. Au début du conflit
œdipien, l’enfant découvre qu’il n’est pas le seul objet d’amour de ses parents et
qu’ils sont aussi l’un pour l’autre des objets d’amour. Il se trouve alors dans une
situation de rivalité. C’est le conflit œdipien. La résolution de ce complexe d’Œdipe
se fait par le dépassement de l’angoisse de castration et l’acceptation d’une situa-
tion triangulaire où l’enfant perd l’illusion d’être le centre du monde. La
personnalité hystérique s’explique par une fixation à cette phase de l’Œdipe. Elle
explique le besoin d’affection, le besoin de séduction et l’érotisation des attitudes.
L’autre versant de la personnalité hystérique renvoie au jeu du Surmoi qui culpabi-
lise ces tentatives de captation affective : la culpabilisation explique la fuite de
l’hystérique quand la séduction réussit.
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56 • Repères en psychopathologie

« Le symptôme corporel hystérique représente un compromis entre le désir et


l’interdit. Il correspond à une résurgence dans une situation donnée des
représentations refoulées sous une forme déformée et masquée. Par ce biais,
l’hystérique demande à un personnage œdipien (prêtre, médecin) de s’occuper de son
corps. La demande se fait sur un mode régressif qui emprunte à l’oralité : les soins,
le toucher, la réassurance. La sexualité génitale n’est pas pour autant absente, elle est
refoulée. » (Juignet, 2001)

La cure psychanalytique
et les psychothérapies d’inspiration psychanalytique
La place centrale de l’hystérie dans la naissance de la psychanalyse incite les
psychanalystes à considérer la cure psychanalytique comme la thérapeutique capa-
ble de guérir le sujet hystérique qui se montre, toutefois, un mauvais candidat à
l’analyse. En effet, la cure analytique est souvent mise en échec par les patients
hystériques très prompts à désinvestir la cure qu’ils ont entreprise, par ailleurs, de
manière passionnelle.
« La pulsion d’autoconservation essaiera de tirer profit de chaque situation, le
Moi voudra aussi tourner la maladie à son avantage. En psychanalyse, on appelle cela
« le bénéfice secondaire de la maladie. » (Freud, 1933)
La cure analytique offre un cadre contenant fiable qui permet l’élaboration
d’une relation différente à l’altérité. J.P. Winter (1998) précise l’objectif de la cure
psychanalytique : « transformer la misère hystérique en malheur banal » qu’il diffé-
rencie de l’objectif consistant à transformer « la misère hystérique en joie ».
« Or, son angoisse, elle le tient, et il y tient ; car finalement c’est bien la dernière
chose qu’il accepte de donner, ce rien de son angoisse. Et nous savons que dans la
cure, le patient nous parle volontiers de tout, ses symptômes, les divers avatars de sa
vie, mais pour ce qui est de son angoisse, il ne la livre pas si facilement. » (J.P.
Winter, 1998)
La psychothérapie d’inspiration analytique instaure une relation de « face à
face » contrairement au cadre « divan-fauteuil » psychanalytique : le patient, en
psychanalyse, s’allonge sur le divan et le psychanalyste s’installe derrière lui. Une
psychothérapie analytique n’a pas les mêmes objectifs que la psychanalyse. La
psychothérapie ne vise pas l’élucidation complète de l’inconscient du sujet mais
une modification du comportement interne et relationnel ; elle cherche à aider le
patient à trouver dans son existence les satisfactions qu’il en attend, à renoncer à
une grande partie de ses bénéfices névrotiques et à supporter les échecs inhérents à
la condition humaine. L’investigation thérapeutique se réfère au modèle psychana-
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 57

La névrose hystérique • 57

lytique (problématique inconsciente, nature des liens aux objets externes significa-
tifs, etc.), (Gilliéron, 1997).

IV. APPROCHE ATHÉORIQUE

La nomenclature de l’Association américaine de psychiatrie (APA) a supprimé


les termes d’hystérie et de névrose hystérique.
Le Manuel diagnostique des troubles mentaux supprime en 1952 l’hystérie comme
entité nosographique spécifique.
Le DSM III R (1987) décrit le Trouble de conversion ou névrose hystérique de type
conversif et les Troubles dissociatifs (ou névroses hystériques, type dissociatif).
Le DSM IV (1994) décrit différents symptômes observables et objectifs ou
Troubles somatoformes, les Troubles dissociatifs et la Personnalité histrionique.
« Le concept d’hystérie est divisé entre le syndrome d’expression somatique rattaché à
l’ensemble des troubles somatoformes et le trouble du cours de la pensée lié au cadre des
manifestations dissociatives de la personnalité. » (D. Widloöcher, 1985)

Les Troubles somatoformes


Somatoforme désigne la présence de symptômes ayant la forme d’une maladie
somatique. La présence de symptômes physiques évoquant une affection médicale
est la caractéristique commune aux différents troubles somatoformes.

Le Trouble somatisation
Le diagnostique du Trouble somatisation comporte :
1. des plaintes, multiples, anciennes, ayant débuté avant 30 ans, entraînant une
demande de traitement ou un dysfonctionnement social, professionnel,
etc.(critère A) ;
2. au moins 4 symptômes douloureux touchant 4 localisations : 2 symptômes
gastro-intestinaux, un symptôme sexuel et un symptôme pseudo-neurologique :
(aphonie, diplopie, « boule dans la gorge », paralysie, cécité, surdité, symptômes
dissociatifs, etc.) (critère B) ;
3. ces symptômes ne sont pas dûs à une affection médicale ou à une substance
toxique ou s’ils sont dus à une affection, ils sont disproportionnés (critère C) ;
4. les symptômes ne sont pas produits avec intentionnalité ou simulation (critère
D). (D’après DSM IV, Masson)
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58 • Repères en psychopathologie

Le Trouble somatisation est rare (0,2 % à 2 % de femmes et moins de 0,2 %


chez l’homme). Goldman (1996) estime la prévalence de ce trouble de 1 à 3 % chez
les femmes.

Le Trouble de conversion
Le trouble de conversion désigne un trouble pseudo-neurologique qui peut être
moteur, sensitif, sensoriel ou convulsif ou mettre en jeu plus d’un de ces registres
symptomatiques. Il s’agit des « symptômes de conversion » classiques.
Les critères diagnostiques du Trouble de conversion sont :
1. un ou des symptôme(s) de la motricité volontaire, des fonctions sensitives ou
sensorielles suggérant une affection neurologique ou médicale ;
2. des facteurs psychologiques associés au symptôme : des conflits ou des
facteurs de stress ont précédé l’apparition ou l’aggravation du symptôme ;
3. une absence d’intention ou de simulation ;
4. une absence d’explication par une affection médicale ou par l’effet d’une
substance toxique ;
5. une souffrance significative ou une altération du fonctionnement social,
professionnel ;
6. l’absence d’un Trouble somatisation et autre trouble mental.
(D’après DSM IV, Masson)
Le diagnostic de Trouble de conversion mentionne la présence de symptômes
somatiques et l’intervention de facteurs psychogènes contrairement au diagnostic
de Trouble somatisation. Les auteurs du manuel diagnostique (DSM IV) font une
entorse à la règle descriptive athéorique en reconnaissant au trouble de « conver-
sion » une origine psychogène en tant que réaction et expression d’une situation
affective conflictuelle, conception plus habituelle dans la tradition psychanalytique.

L’hypocondrie
Le diagnostic d’hypocondrie exige la présence des éléments suivants :
1. le sujet craint d’être atteint d’une maladie grave et interprète ses symptômes
physiques de manière erronée ;
2. la crainte persiste malgré un diagnostic médical négatif ;
3. la croyance n’est pas délirante et ne correspond pas à une dysmorphie corpo-
relle ;
4. la souffrance ou l’altération du fonctionnement social, professionnel est
importante ;
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 59

La névrose hystérique • 59

5. la perturbation dure depuis au moins 6 mois ;


6. la crainte n’est pas expliquée par un autre trouble (anxiété généralisée,
Trouble obsessionnel compulsif, etc.).
(D’après DSM IV, Masson)

Le Trouble : peur d’une dysmorphie corporelle


Le diagnostic de dysmorphie corporelle est porté si le sujet craint un défaut,
imaginaire ou exagéré, de l’apparence physique (critère A) ; si la crainte entraîne
une souffrance significative ou une altération du fonctionnement social, profes-
sionnel, etc. (critère B) ; si la crainte n’est pas expliquée par un autre trouble comme
l’anorexie mentale (critère C).

Le Trouble douloureux
Le Trouble douloureux comprend les cinq critères diagnostiques suivants :
1. la douleur intense justifie un examen clinique ;
2. elle entraîne une souffrance ou un dysfonctionnement social, professionnel ou
autre ;
3. des facteurs psychologiques jouent un rôle important dans l’éclosion, le main-
tien, l’intensité de la douleur ;
4. ni intentionnalité ni simulation ;
5. la douleur ne s’explique pas par un autre trouble (Trouble de l’humeur,
Trouble anxieux, dyspareunie, Trouble psychotique).
(D’après DSM IV, Masson)

Le Trouble douloureux peut être associé soit à des facteurs psychologiques, soit
à une affection médicale, soit aux deux (facteurs psychologiques et affection médi-
cale).
L’influence de facteurs psychologiques est reconnue explicitement comme un
critère diagnostique du Trouble douloureux.

Le Trouble somatoforme indifférencié


Le Trouble somatoforme indifférencié est défini comme un trouble comportant
au moins une plainte somatique perturbant suffisamment l’existence du sujet depuis
six mois minimum. Le Trouble somatoforme indifférencié ne comporte pas les
critères de chronicité ou de multiplicité du Trouble somatisation, qui est plus rare
que le Trouble indifférencié.
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60 • Repères en psychopathologie

Les Troubles dissociatifs


Les Troubles dissociatifs ou névroses hystériques de type dissociatif sont décrits
dans la classification américaine dès le DSM III. Le DSM IV mentionne les
Troubles dissociatifs sans référence à l’hystérie.
Le Trouble dissociatif dans le DSM doit être distingué de la dissociation ou
désorganisation psychique observée dans les psychoses schizophréniques.
L’hystérie dissociative se caractérise par différentes manières de se comporter,
de s’exprimer ou de percevoir son identité.
Ces attitudes et ces pensées semblent appartenir à différents états de la personne
plus ou moins étrangers les uns des autres.

Le Trouble dissociatif de l’identité


La caractéristique essentielle du Trouble dissociatif de l’identité (auparavant
personnalité multiple) est l’alternance chez la même personne de deux ou plusieurs
« états de personnalité » aux systèmes de valeur et de jugement différents, de modes
de réaction aux incitations de l’entourage différents. L’Amérique du Nord connaît
une « épidémie » de personnalités multiples : 100 cas en 1944, 200 cas en 1980,
6 000 cas en 1986 (Grebot & Orgiazzi-Billon Galland, 2001).

La fugue dissociative
La fugue dissociative (auparavant fugue psychogène) consiste en un départ inat-
tendu et soudain du domicile ou du lieu de travail qui s’accompagne d’une amnésie
du passé, d’une confusion quant à l’identité personnelle ou de l’adoption partielle
ou totale d’une nouvelle identité.

L’amnésie dissociative
L’amnésie dissociative (auparavant amnésie psychogène) désigne l’incapacité à
évoquer des souvenirs personnels importants. Le sujet manifeste une certaine indif-
férence à l’égard de ce phénomène. Le plus souvent, l’amnésie est lacunaire : elle
porte sur une période de temps précis dont aucun souvenir ne peut être évoqué. Il
s’agit souvent des heures ou jours qui ont accompagné la survenue d’un événement
à caractère traumatique : accident, deuil, catastrophe naturelle.

Le Trouble de dépersonnalisation
Le Trouble de dépersonnalisation décrit la survenue d’épisodes de dépersonna-
lisation persistants et récurrents suffisamment sévères pour provoquer une détresse
importante. Le sujet expérimente une impression de détachement et devient l’ob-
servateur extérieur de son propre fonctionnement mental ou comportemental. Ce
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La névrose hystérique • 61

diagnostic n’est pas évoqué quand le symptôme de dépersonnalisation est secon-


daire à un autre trouble comme le Trouble panique ou l’état de stress aigu (ESA).

Points de vue critiques


M. Patris (1995) qualifie la catégorie des troubles dissociatifs de « rubrique “à
brac” » :
« Cette rubrique “à brac” est directement inspirée des théories de Janet et de sa
conception mécaniste de l’inconscient, totalement incongruente à celle de Freud. »
Certains auteurs relèvent le paradoxe américain qui consiste à annoncer la mort
de l’hystérie et, en même temps, à multiplier les cas de personnalités multiples.

La personnalité histrionique
Le DSM III en 1980 opère un changement terminologique en nommant la
personnalité hystérique de personnalité histrionique. La description critériologique
de la personnalité histrionique connut de nombreuses modifications :
Le DSM III insiste sur l’hyperexpressivité des émotions et associe les traits liés à la
demande affective, le besoin impérieux de sensations fortes, l’irritabilité, l’agressi-
vité, la vanité, la dépendance, le besoin de réassurance.
Le DSM III R atténue la sévérité de la description mais conserve l’égocentrisme et
l’intolérance à la frustration.
Le DSM IV en 1994 ne parle plus d’égocentrisme ni d’irritabilité. La personnalité
histrionique est décrite comme « un mode général de réponses émotionnelles exces-
sives et de quête d’attention ».
Le diagnostic de personnalité histrionique est porté si le sujet présente cinq
traits dans la liste ci-dessous :
– un malaise si le sujet n’est pas au centre de l’attention d’autrui ;
– un comportement de séduction sexuelle inadapté ou provoquant ;
– une expressivité émotionnelle superficielle et une labilité émotionnelle ;
– un souci excessif de plaire physiquement ;
– un discours très subjectif et pauvre en détail ;
– une dramatisation, du théâtralisme, et une expression émotionnelle exagérée ;
– une suggestibilité ou influençabilité par autrui ou par les circonstances ;
– une surestimation de l’intimité des relations.
(D’après DSM IV, Masson)
Le DSM IV n’adopte pas le critère de la vie imaginaire mais indique cependant
que les sujets « peuvent souvent se perdre dans des fantasmes romantiques ».
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62 • Repères en psychopathologie

Dans le DSM, le concept de personnalité décrit un ensemble de traits et non une


personnalité comme la définit l’approche structurale de la personnalité (Bergeret,
1974).

V. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 / L’hystérie fut considérée comme une maladie :


soit surnaturelle soit nerveuse soit mentale soit maladie de l’utérus
Ordonnez historiquement ces dénominations.

Question 2 / L’hystérie masculine a été reconnue par différents auteurs au cours


de l’histoire. Indiquez leurs noms.

Question 3 / Au XIXe siècle s’opposent les conceptions organogénétiques et


psychogénétiques de l’hystérie. Indiquez la conception défendue par J.-M. Charcot,
H. Bernheim, J. Babinsky et P. Janet.

Question 4 / Charcot différenciait dans la crise d’hystérie différentes phases se


succédant selon un ordre déterminé. Précisez ces différentes phases.

Question 5 / La « grande attaque » hystérique « à la Charcot » a disparu. Précisez


les symptômes observés aujourd’hui.

Question 6 / Pierre Janet expliquait l’hystérie à l’aide de certaines notions.


Précisez-les.

Question 7 / Les sujets hystériques souffrent de troubles mnésiques décrits par


plusieurs auteurs. Attribuez à son auteur la formule qui lui revient.
A. « C’est de réminiscences surtout que souffre l’hystérique. »
B. « La belle indifférence des hystériques. »
C. « L’hystérique vit ses expériences sexuelles dans un halo amnésique. »
D. « L’hystérique ne fait pas de théâtre, il est théâtre. »

Question 8 / Comment Anna O. nommait la catharsis ?


Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 63

La névrose hystérique • 63

Question 9 / Indiquez la définition de la catharsis selon J. Breuer et S. Freud.

Question 10 / Quelles sont les caractéristiques des symptômes de paralysie


présents dans la symptomatologie hystérique ?

Question 11 / Que désigne l’astasie-abasie ?

Question 12 / Les troubles de la sexualité sont fréquents dans l’hystérie.


Précisez-les et indiquez ce qu’ils reflètent.

Question 13 / L’hystérie est-elle une pathologie


1. Strictement féminine
2. Majoritairement féminine
3. Aussi fréquente dans les deux sexes ?

Question 14 / Le conflit psychique dans la névrose hystérique renvoie-t-il à une


problématique
1. Prégénitale orale
2. Prégénitale anale
3. Œdipienne
4. Pubertaire ?

Question 15 / Quel(s) est ou sont le(s) mécanisme(s) de défense(s) caractéris-


tique(s) de la névrose hystérique ? Définissez-le ou les.

Question 16 / Qu’est-ce que la conversion hystérique ?

Question 17 / Comment Freud explique la conversion avec les notions de refou-


lement, de représentation et de libido ?

Question 18 / Les symptômes de conversion produisent-ils


1. Une fréquentation médicale répétée
2. Des interventions chirurgicales non justifiées
3. La recherche assidue d’un diagnostic organique
4. Une résistance quant à une origine psychique ?
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64 • Repères en psychopathologie

Question 19 / Les traits de caractère hystérique peuvent-ils être


1. La sujétion
2. La suggestibilité
3. La quête affective
4. La méticulosité
5. La dépendance affective

Question 20 / Indiquez la ou les proposition(s) qui concerne(nt) la conversion


hystérique
1. Elle est due à une lésion organique
2. Elle a une signification inconsciente
3. Elle est étonnamment bien supportée par le sujet
4. C’est la traduction somatique de conflits inconscients

Question 21 / Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux


(DSM IV) décrit-il les troubles suivants ?
1. La névrose hystérique
2. Les Troubles somatoformes
3. Le Trouble somatisation
4. Le Trouble de conversion
5. Les Troubles dissociatifs ?

Question 22 / Le DSM exige la présence de certains éléments pour diagnostiquer


une personnalité histrionique dont :
1. La recherche d’éloge, d’approbation
2. Un comportement de séduction sexuelle inadapté
3. Un souci excessif de plaire physiquement
4. La labilité émotionnelle
5. L’égocentrisme
6. Des conduites d’évitement
7. Des rituels
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 65

La névrose hystérique • 65

Question 23 / Freud (1908) dans Les fantasmes hystériques et leur relation à la


bisexualité énonce huit formules concernant le symptôme hystérique qui, selon
Freud :
1. Est le « symbole mnésique de certaines impressions et expériences vécues
efficaces (traumatiques) ».
2. Est « le substitut, produit par conversion, du retour associatif de ces expé-
riences traumatiques ».
3. Est « l’expression d’un accomplissement de désir ».
4. Est « la réalisation d’un fantasme inconscient servant à l’accomplissement de
désir ».
5. « Sert à la satisfaction sexuelle et représente une partie de la vie sexuelle de
la personne. »
6. « Correspond au retour d’un mode de satisfaction sexuelle qui a été réel dans
la vie infantile et qui depuis lors a été refoulé. »
7. Un « compromis entre deux motions d’affect ou motions pulsionnelles oppo-
sées dont l’une s’efforce de donner expression à une pulsion partielle ou
composante de la constitution sexuelle tandis que l’autre s’efforce de réprimer
la première ».
8. « Peut se charger de représenter différentes motions inconscientes non sexuel-
les mais ne peut manquer d’avoir une signification sexuelle. »
A. Freud considère qu’« une formule exprime le plus complètement la nature du
symptôme hystérique comme réalisation d’un fantasme inconscient » : précisez le
numéro de la formule : ………………………………………
B. Une formule « énonce de façon exacte l’importance du facteur sexuel » : précisez
le numéro de la formule : ...………………………………….

Question 24 /
Anne est âgée de 38 ans. Elle travaille comme employée administrative. Elle arrive
à l’hôpital aux urgences en se tordant de douleurs au ventre. Après les repas, elle
se sent gonflée, nauséeuse ; elle a des vertiges et vomit souvent après avoir mangé.
Elle ressent des brûlures d’estomac. Elle a consulté de nombreux gastro-entérolo-
gues. Elle ne comprend pas qu’aucun médecin n’ait réussi à la soigner. Ces
différents spécialistes ont fait un diagnostic d’ulcères, de colites, de colopathies
fonctionnelles. Malgré les nombreux traitements qu’elle a suivi, les symptômes et la
douleur perdurent. Elle a essayé de nombreux médicaments pour les symptômes
gastriques et la douleur. Elles datent ses premières douleurs à l’adolescence. Elle
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 66

66 • Repères en psychopathologie

a été opérée plusieurs fois : appendicite, ovaire, utérus, vésicule biliaire, hémorroï-
des. Elle évoque au cours de l’entretien des séances de kinésithérapie à cause de
douleurs lombaires intenses, des séances d’acupuncture à cause de douleurs
urinaires et respiratoires. Elle a consulté un sexologue à cause de ses difficultés
sexuelles.
Selon l’approche athéorique, cette observation répond aux critères du Trouble
1. De conversion
2. De somatisation
3. D’hypocondrie
4. Somatoforme douloureux ?
Justifiez votre réponse et précisez les critères du trouble diagnostiqué.

Question 25 /
Michel, électricien, âgé de 25 ans exige de son médecin un bilan médical complet
car il pense avoir un cancer de l’intestin. Il souffre depuis trois ans de brûlures, de
douleurs abdominales, de troubles intestinaux douloureux. Il a commencé à consul-
ter des nutritionnistes et a modifié son régime alimentaire. Il est devenu adepte de
la cuisine à la vapeur. Puis, il a multiplié les consultations de spécialistes. Tous les
examens concluent en faveur de troubles fonctionnels. Il ne peut accepter ce
diagnostic car il est extrêmement fatigué. Il est tellement épuisé qu’il est souvent en
arrêt maladie. Il s’absente de plus en plus de son travail car se ses douleurs ne sont
plus uniquement intestinales. Il souffre de douleurs multiples et généralisées qu’il
détaille sur un cahier. Il est persuadé que le cancer est à ce jour généralisé. Étant
donné son état, il s’est séparé récemment de l’amie avec laquelle il vivait car il ne
pouvait plus « assurer sexuellement ni affectivement » ; « je ne pense qu’à mon
cancer ».
Michel, selon l’approche descriptive athéorique présente un Trouble
1. De conversion
2. De somatisation
3. D’hypocondrie
4. Somatoforme indifférencié
Justifiez votre réponse et précisez les critères du trouble diagnostiqué.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 67

• C h a p i t r e 4 •

LA NÉVROSE PHOBIQUE

La phobie, symptôme, est connue depuis Celsius (Ve siècle avant J.-C.). Le terme
de phobie est issu du grec phobos qui signifie, au singulier, l’action de faire fuir,
l’action d’effrayer et, au pluriel, les objets provoquant la crainte d’où l’apparition
ultérieure de l’idée de crainte, de peur, de frayeur.
La phobie est une peur intense déclenchée par la présence d’un objet ou d’une situa-
tion qui ne sont pas objectivement dangereux.
La phobie n’est pas équivalente à la névrose phobique : des phobies existent
dans d’autres tableaux cliniques que celui de névrose phobique.
Le diagnostic de névrose phobique associe l’existence de phobies, de conduites
phobiques et un ensemble de traits de caractère particuliers.

I. SÉMIOLOGIE

A. SÉMIOLOGIE DES PHOBIES

La phobie se caractérise par l’existence des caractéristiques suivantes :


– La phobie est une crainte angoissante spécifique déclenchée par un objet
déterminé ou une situation donnée, non dangereux objectivement mais subjec-
tivement dangereux.
Exemples
Un pigeon n’est pas objectivement dangereux mais l’est pour tout sujet
phobique de ces volatiles.
Un bouton n’est généralement pas craint alors qu’il déclenche une réponse
anxieuse chez les sujets phobiques de cet objet, objectivement inoffensif.
– La crainte disparaît en dehors de l’objet ou de la situation phobogène.
– Comme la crainte disparaît en l’absence de l’objet phobogène, elle entraîne
des conduites caractéristiques d’évitement et de réassurance.
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68 • Repères en psychopathologie

Exemple de conduite de réassurance : un sujet paniquant dans les grands


espaces sort uniquement s’il est accompagné.
Exemple de conduite d’évitement : un parisien phobique du métro évite de
prendre le métro et se déplace uniquement en bus, en voiture, en taxi, etc.
– Le sujet est conscient du caractère absurde de sa crainte qui ne relève pas
d’un contrôle volontaire.
La phobie se porte sur une situation ou un objet spécifique pour chaque sujet.
On distingue les phobies de situation, les phobies sociales, les phobies simples, les
phobies d’impulsion et les phobies limites.

1. Les phobies de situation

L’agoraphobie
Étymologiquement, l’agoraphobie désigne la peur de la place publique. Le
terme grec agora signifie la « place du marché, lieu du rassemblement et de
réunion ».
La première utilisation du terme d’agoraphobie revient à Westphal, psychiatre
allemand qui désigne en 1871 par agoraphobie « l’impossibilité de traverser certai-
nes rues ou places, ou la possibilité de le faire avec une crainte liée à l’anxiété ».
Westphal décrit les troubles de trois patients qui ont une peur irraisonnée, des
grands espaces découverts, comme les rues ou les places publiques.
Sept ans plus tard, le français Legrand du Saulle décrit dix-sept observations où
la peur des patients apparaît dans les grands espaces, au milieu de la foule, dans les
transports, les églises, au théâtre, dans les files d’attente et sur les ponts.
L’acception du terme d’agoraphobie va s’étendre à la peur des rassemblements
et de la foule. Marks (1969) définit la phobie comme « la peur de sortir dans les
lieux publics comme les rues, les magasins et les moyens de transports, dans des
combinaisons variables ».
Lorsque la personne agoraphobe est exposée à la situation phobogène (rue,
magasins, foule), elle éprouve un profond malaise, une sensation de vertige, la peur
de perdre le contrôle d’elle-même, la peur de s’évanouir, la peur de mourir, et
parfois un sentiment de déréalisation-dépersonnalisation. La panique anxieuse cède
en quelques minutes, dès que la personne quitte le lieu angoissant. L’agoraphobe
limite son activité à un « périmètre de sécurité », infranchissable sans l’aide d’un
tiers, car il craint de manquer d’aide.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 69

La névrose phobique • 69

Épidémiologie
L’agoraphobie est la plus fréquente et la plus invalidante des phobies de l’adulte.
Elle touche 6 % de la population. Elle est plus fréquente chez les femmes que chez
les hommes (deux tiers-un tiers). Elle débute à l’âge adulte (entre 20 et 30 ans).
L’agoraphobie se rencontre, certes, dans la névrose phobique mais aussi dans
certaines névroses obsessionnelles, dans certains troubles psychotiques et certains
états dépressifs.

La claustrophobie
La claustrophobie désigne la peur des espaces clos (ascenseurs), des pièces
closes (cave, grotte, etc.). Le claustrophobe ne peut supporter d’être dans une pièce
dont les issues sont fermées car il est en proie à la crainte de ne pas pouvoir sortir ;
l’ouverture de la fenêtre ou de la porte supprime cette impression de malaise.
La claustrophobie donne lieu à des rationalisations comme la pollution dans le
métro, à des aménagements (se placer près de la sortie dans une salle de cinéma) et
à des conduites d’évitement.
La claustrophobie peut se présenter seule ou dans le cadre d’une agoraphobie.

La phobie des moyens de transports


Elle désigne une peur insurmontable d’emprunter un moyen de transport comme
le métro, l’avion, le bus, le train, la voiture.
La phobie des moyens de transport évolue avec le temps. Au siècle dernier, le
train était à l’origine de la « sidérodromophobie ». Les phobies des moyens de
transport ne sont pas liées au caractère objectif de danger du moyen de transport.
Un sujet peut craindre l’avion et conduire sa voiture sans angoisse alors que les
risques d’accidents sont plus élevés pour la voiture que pour l’avion.
La phobie des moyens de transport renvoie à la peur de l’espace, à la peur d’être
enfermé et souvent à la crainte de ne plus avoir le contrôle de ses déplacements ni
de ses mouvements.

2. Les phobies sociales


Les phobies sociales sont définies par l’évitement de toute situation où le sujet
est exposé au regard d’autrui ou au risque d’être en conflit avec ses interlocuteurs.
La personne a peur d’être vue, a peur de paraître en public ou a peur de rougir en
public.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 70

70 • Repères en psychopathologie

Jacques Alain, cinquante ans, informaticien est terrorisé à l’idée d’arriver en retard
car il deviendrait le point de mire. En conséquence, il s’arrange toujours pour être
le premier partout, que ce soit aux conférences, au cinéma, au théâtre, aux réunions
de travail, dans l’avion, dans les soirées etc.. Ainsi, il peut choisir son siège à l’abri
du regard des autres participants ou spectateurs. Quand il était étudiant, il ne
pouvait pas s’asseoir dans les premiers rangs de l’amphithéâtre car il ne supportait
pas de sentir, derrière lui, le regard de ses pairs qui l’oppressait. Il se mettait au
dernier rang malgré sa myopie qui l’empêchait de voir les transparents projetés par
l’enseignant. La crainte du regard des autres l’emportait et lui dictait son compor-
tement alors que la myopie aurait dû l’inciter à se placer dans les premiers rangs.
– La peur de parler en public diffère selon les individus et selon les situations
chez un même sujet et peut être très invalidante.
Un sujet peut faire une intervention orale brillante devant une grande assemblée et
être incapable de prendre la parole devant un petit groupe de collègues.
– La peur de manger ou boire en public concerne des sujets qui craignent le
jugement des autres ou craignent de renverser un verre, etc.
– La peur d’écrire devant les autres est décrite sous le vocable trompeur de
crampe de l’écrivain. Ce trouble peut concerner une personne en train de signer un
chèque, rédiger un contrat, prescrire une ordonnance, etc.
– Les phobies sexuelles. Le sujet craint de ne pas pouvoir accomplir l’acte
sexuel avec son ou sa partenaire et craint son jugement.
– La peur d’utiliser les toilettes. Le sujet ne peut uriner si sa présence aux toilet-
tes est connue d’autrui.

Épidémiologie
Les phobies sociales sont très fréquentes sous une forme mineure, rarement
invalidante. La fréquence atteint 10 % pour les formes moyennement sévères et
3 % pour les formes sévères.
Les phobies sociales sont aussi fréquentes chez les femmes que chez les
hommes. Les phobies sociales débutent habituellement après la puberté, rarement
après 30 ans.

3. Les phobies simples


La phobie simple est l’évitement secondaire à une peur isolée, irrationnelle
d’une seule situation ou d’un objet spécifique : orage, sang, soins dentaires, actes
médicaux, couteaux, animaux, etc.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 71

La névrose phobique • 71

Les phobies simples les plus fréquentes sont les phobies d’animaux. Les phobies
d’animaux rencontrées en clinique sont les phobies de pigeons, de chiens, de chats,
d’araignées. Ces phobies sont généralement limitées à une seule espèce.
L’exemple le plus célèbre de phobie dans la littérature psychanalytique est
la phobie des chevaux relatée par Freud concernant un petit garçon de 5
ans, Hans, qui éprouve une angoisse insurmontable lorsqu’il doit sortir en
promenade car il craint de rencontrer des chevaux et d’être mordu par un
cheval. Il en vient à ne plus pouvoir sortir. Dans ce cas, le symptôme est l’ex-
pression d’un déplacement de l’angoisse sur un objet ou une situation
phobogène.
Les phobies d’animaux sont fréquentes chez l’enfant qui a d’abord peur des
animaux qui mordent comme le loup, puis des animaux puissants. Si ces peurs s’es-
tompent, il ne s’agit pas de phobie.
Les phobies d’animaux s’observent chez les adultes et concernent 10 à 20 % de
la population et plus souvent, la population féminine.
– L’acrophobie désigne la crainte des hauteurs, la peur des lieux élevés : tours,
ponts, télésièges, échelles etc. L’acrophobie apparaît sous une forme mineure ou
sous des formes sévères. Dans les cas extrêmes, la peur survient pour des dénivel-
lations minimes comme celle d’une marche d’escalier ou d’un échelon de tabouret
etc.
– La phobie des objets est très hétérogène puisque la liste des objets phobogè-
nes est infinie : objets pointus, aiguilles, tissu de velours, plume etc.. Tout objet
susceptible d’être à l’origine d’un accident peut devenir objet phobogène.
Cependant, l’angoisse est déclenchée par un objet particulier pour un sujet donné.

4. Les phobies d’impulsion

Les phobies d’impulsion désignent la crainte d’avoir une impulsion11, suicidaire


ou homicide.
Certaines phobies concernent les armes blanches ou les armes à feu, les objets
pointus ou les objets coupants.
Parmi les phobies d’impulsion suicidaire, se trouvent les phobies de défenestra-
tion (peur de se jeter par la fenêtre) ou les phobies de se jeter sous le train.

11. Impulsion : besoin impérieux d’accomplir un acte, un geste ; une urgence à agir.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 72

72 • Repères en psychopathologie

Parmi les phobies d’impulsion homicide se trouvent la phobie d’étrangler son


enfant et la phobie des armes avec peur de tuer autrui.
Ces phobies apparaissent, par exemple, chez des femmes venant d’accoucher
pour lesquelles la simple vue d’instruments pointus ou tranchants fait naître la
crainte de blesser leur enfant.
Les craintes phobiques disparaissent en dehors de l’objet ou de la situation. Si
les craintes persistent en dehors de la situation spécifique, elles deviennent des
craintes obsessionnelles et ces obsessions impulsives entrent dans le tableau
clinique de la névrose obsessionnelle. Les phobies d’impulsion s’observent égale-
ment lors de certains épisodes psychotiques et se rencontrent lors d’épisodes
dépressifs.

5. Les phobies limites


Il s’agit de troubles qui ne correspondent pas à la définition de la phobie. Ces
symptômes d’allure phobique peuvent être de véritables symptômes de couverture
masquant une psychose sous-jacente. L’éreutophobie, la dysmorphophobie et la
nosophobie relèvent de cette catégorie de phobies limites.

L’éreutophobie
La peur de rougir a été nommée par Pitres et Régis (1897) « éreutophobie » et
définie comme « l’obsession caractérisée par la crainte de rougir et par l’angoisse
qu’éprouvent ces sujets à la seule pensée de rougir ».
L’éreutophobie est intégrée, selon les auteurs, dans les phobies sociales, les
obsessions ou les phobies limites.

La dysmorphophobie
La dysmorphophobie désigne la crainte d’une difformité corporelle, la crainte
obsédante d’une modification corporelle. Ce type de peur concerne souvent le
visage : il peut s’agir de la peur d’avoir un nez énorme, des dents horribles, des
cheveux mal implantés, un profil disgracieux. Ces craintes peuvent se focaliser sur
les seins pour une femme et sur le pénis chez un homme.
La dysmorphophobie n’est pas « une phobie au sens strict » mais « une idée fixe,
crainte obsédante ou plutôt certitude douloureuse de difformité » (Lempérière).
La dysmorphophobie, dans les états schizophréniques, s’accompagne souvent
de sentiments de dépersonnalisation, d’idées délirantes persécutrices, de « bizarre-
ries » dans le comportement, de signes dissociatifs et d’angoisse de morcellement.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 73

La névrose phobique • 73

La dysmorphophobie dans un délire hypocondriaque peut amener le sujet à


revendiquer des interventions chirurgicales répétitives, jugées insatisfaisantes et
motivant des menaces de vengeance à l’encontre des chirurgiens.
Dans la population adolescente, les dysmorphophobies sont problématiques car
elles peuvent être une préoccupation banale ou le signe d’un trouble psychopatho-
logique grave. La dysmorphophobie est une préoccupation adolescente bénigne si
la crainte est unique, si le symptôme est isolé, si les troubles thymiques sont modé-
rés et s’il n’y a pas de désorganisation psychique profonde.

La nosophobie
La nosophobie désigne la crainte des maladies graves (leucémies, cancers, sida,
maladie mentale), la phobie des microbes, la peur de la contamination.
La phobie des maladies se rencontre également dans la névrose d’angoisse où
l’angoisse est diffuse.
À la lecture d’un article ou d’une émission sur les maladies cardiaques ou cancé-
reuses, les sujets anxieux craignent d’être atteint de la maladie en question mais sont
facilement rassurés par un avis médical contredisant leurs craintes.
La phobie des microbes peut devenir tellement obsédante que le sujet développe
des rituels de désinfection systématique. Dans ce cas, ces craintes sont des obses-
sions qui entrent dans un tableau clinique de névrose obsessionnelle.
Lorsque les phobies apparaissent dans un tableau clinique psychotique, l’évite-
ment est impossible ou inefficace et la réassurance reste sans effet car le danger
dans la pathologie psychotique est interne contrairement à la phobie typique où la
situation phobogène est bien définie.

6. Les conduites phobiques


Les conduites phobiques sont essentiellement des conduites d’évitement ou des
conduites de réassurance.
– Les conduites d’évitement consistent à fuir la confrontation avec l’objet
phobogène.
Dans les phobies de situation, le sujet évite les situations qui produisent l’angoisse.
Par exemple, le sujet claustrophobe ne prend pas l’ascenseur ; les sujets agorapho-
bes se cloîtrent chez eux pour éviter la rue. Les conduites d’évitement limitent les
activités et les déplacements des sujets.
P. Watzlawick (1978) souligne la perte de liberté et l’escalade résultant des
conduites d’évitement dans Le langage du changement :
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 74

74 • Repères en psychopathologie

« Quand on décide que la “meilleure solution” est d’éviter, on se retrouve dans un


cercle vicieux qui ne manque pas d’intérêt. »
– Les conduites de réassurance reposent sur l’aide d’objets ou de personnes
« contraphobiques » qui permettent au sujet d’affronter la situation phobique. Le
recours systématique à un tiers sécurisant pour affronter la situation phobogène crée
une situation de contrainte et de dépendance vis-à-vis d’autrui.
Dans l’agoraphobie, le stratagème rassurant consiste à se faire accompagner par un
proche, à tenir un chien en laisse, à s’appuyer sur une canne, à recourir à l’utilisa-
tion d’un objet contraphobique etc. Dans l’agoraphobie, les aménagements peuvent
consister à utiliser le même trajet où des abris possibles ont été repérés, limiter ses
sorties à son quartier ou se déplacer uniquement en voiture.
– La consommation d’alcool ou autres produits s’avère élevée puisque 20 à
40 % des sujets phobiques recourent à de telles stratégies d’ajustement ou coping
pour calmer l’anxiété.
– L’évitement peut prendre une forme contraire à la fuite. Ainsi, le sujet s’im-
pose des défis dont il doit triompher. G. Baule(1997) décrit deux attitudes opposées
de réaction : la « fuite en arrière » et la « fuite en avant ».
« La fuite en avant relève souvent d’une forme de protestation narcissique, de
tentative d’inflation du Moi, de maîtrise plus ou moins mégalomaniaque de l’expo-
sition au danger. Elle constitue un leurre que certains patients utilisent pour satisfaire
leur narcissisme (...) Il se peut que grâce à elle, de grandes réalisations s’accomplis-
sent, mais c’est au nom de l’angoisse de castration. »
Dans les phobies d’impulsion, le sujet ne peut pas s’empêcher de flirter avec l’ob-
jet phobogène. Il va, par exemple, s’approcher de la fenêtre et se pencher. Il va
manipuler l’arme qui lui inspire des idées suicidaires ou homicides.

7. Les autres symptômes


Dans la névrose phobique, les autres symptômes peuvent être l’inhibition, les
troubles de l’humeur et les troubles sexuels. Les conduites d’évitement restreignent
l’activité du sujet qui a tendance à préférer l’habituel à la nouveauté car la
nouveauté, moins rassurante que le familier, constitue un risque d’émergence d’an-
goisse. L’inhibition peut concerner les différents domaines d’activité du sujet et
générer des sentiments dépressifs. En effet, l’humeur dépressive est un symptôme
fréquent chez le sujet phobique puisque les conduites d’évitement restreignent l’as-
souvissement des désirs du sujet. Dans les phobies d’impulsion, c’est la peur du
passage à l’acte qui est à l’origine des éprouvés dépressifs.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 75

La névrose phobique • 75

B. LES TRAITS DE CARACTÈRE

Les traits de caractère phobique s’organisent autour de l’anxiété, de l’inhibition


et de l’immaturité et s’expriment par un état constant d’alerte et une tendance à la
fuite.
L’attention du phobique est toujours vigilante. Le sujet est en alerte vis-à-vis du
monde extérieur et de son monde intérieur. Le sujet anxieux est en permanence sur
le qui-vive afin de prévenir toute situation anxiogène. Le sujet phobique sursaute au
moindre bruit et cherche à contrôler le monde extérieur (par la vue). Il déteste les
situations floues qui rendent la détection du danger extérieur difficile et augmentent
le risque d’être surpris par un danger.
H. Ey décrit l’état d’alarme constant des dangers émergeant de soi qu’il nomme
« peur de l’obscurité subjective ». Le sujet phobique a tendance à projeter hors de lui
« le drame qu’il vit » et qu’il nie.
Dès qu’il y a danger, le sujet fuit et la fuite peut s’exprimer par une attitude
passive ou par une attitude active de défi.
– L’attitude passive est marquée par l’inhibition, l’impossibilité de s’investir
dans des engagements sociaux, familiaux, etc. L’attitude d’inhibition peut être
partielle ou totale. La timidité avec l’autre sexe illustre une attitude d’inhibition
partielle tandis que l’évitement de contact avec autrui manifeste une attitude
passive totale. Le sujet phobique agit peu et se limite constamment. La tendance
au repli est fréquente. Cette attitude entraîne une absence de réalisations satis-
faisantes et un vécu teinté de frustrations.
– La fuite peut prendre la forme inverse de l’inhibition c’est-à-dire la forme
d’un comportement de défi. C’est la fuite en avant dans l’activisme, la suroccu-
pation, la frénésie d’activités, l’affrontement d’obstacles insurmontables, les
exploits sportifs inégalés, etc.

II. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

En 1894, lorsque Freud commence son étude des phobies, il part des concep-
tions existantes exposées dans les travaux de P. Janet. L’autonomie de la névrose
phobique revient à S. Freud car Pierre Janet regroupait sous l’appellation de
psychasthénie, les phobies et les obsessions qu’il différenciait de l’hystérie. Dans la
psychasthénie, il se produit, selon Janet, une diminution progressive et durable de
la tension mentale. Les fonctions supérieures du psychisme qui permettent une
adaptation à la réalité ne sont plus efficaces. Le déficit de ces fonctions supérieures
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 76

76 • Repères en psychopathologie

accentue l’activité des fonctions inférieures ce qui produit les troubles phobiques ou
obsessionnels.
En 1895, Freud sépare les phobies et les obsessions dans son article intitulé
« Obsessions et phobies ». Les phobies sont classées en deux catégories :
– les « phobies communes » où se manifeste une « peur exagérée des choses que
tout le monde abhorre ou craint un peu » ;
– les « phobies d’occasion » qui sont des « peurs attachées à des situations que
l’homme sain ne redoute pas ».
Le terme d’hystérie d’angoisse apparaît dans le livre de W. Stekel, Les états
d’angoisse névrotique et leur traitement (1908) sur une suggestion de Freud.
L’appellation de la névrose phobique comme hystérie d’angoisse par Freud inter-
roge le rapport de l’objet phobique et de l’angoisse.
« L’objet d’élection phobique est une mesure défensive appelée par le Moi à sa
rescousse. »
En 1909, Freud, dans Le petit Hans, spécifie la névrose phobique et reconnaît la
similitude structurale entre l’hystérie d’angoisse et l’hystérie de conversion : dans
ces deux entités, l’action du refoulement tend à séparer l’affect de la représentation.
Freud souligne, par ailleurs, la différence essentielle entre l’hystérie de conversion
et l’hystérie d’angoisse :
« Dans l’hystérie d’angoisse, la libido, détachée du matériel pathogène par le
refoulement n’est en effet pas convertie, c’est-à-dire détournée du psychique vers
une innervation corporelle, mais elle est libérée sous forme d’angoisse. » (Freud,
1909)
En 1926, dans Inhibition, symptôme et angoisse, Freud réexamine sa théorie de
l’angoisse à la lumière de sa seconde topique de l’appareil psychique exposée aupa-
ravant dans Le Moi et le Ça (1923). Désormais, l’angoisse devient un signal du Moi
en danger ; elle précède et amène le refoulement. L’angoisse qui se manifeste à
l’égard de l’objet phobique est, selon Freud, « l’angoisse de castration non trans-
formée ». Freud précise qu’il s’agit d’une angoisse-réelle parce que la castration est
un danger réel.
LE PETIT HANS
Hans, est un petit garçon qui souffre d’une phobie des chevaux. Hans a peur
qu’un cheval ne le morde dans la rue. Cette peur l’oblige à limiter ses jeux.
L’enfant est en pleine situation œdipienne. Hans, « petit Œdipe », éprouve
pour son père des sentiments ambivalents. En effet, Hans éprouve, en même
temps, des sentiments tendres pour son père et une agressivité à l’égard de
son père. Le père est un rival pour le petit Hans vis-à-vis de sa mère et trou-
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La névrose phobique • 77

ble son attachement amoureux à sa mère. L’hostilité de Hans vis-à-vis de son


père entraîne d’intenses craintes de punition.
La peur d’être mordu par les chevaux exprime la crainte de la castration.
Ces conflits œdipiens, par peur de la castration, se transforment en angoisse
phobique.
Chez le petit Hans, les souhaits de mort de son père et la crainte de la puni-
tion pour de tels souhaits sont refoulés, car inacceptables consciemment
pour Hans qui éprouve, par ailleurs, un attachement réel pour son père. Ses
souhaits de mort et l’angoisse d’une punition réapparaissent sous la forme
d’une phobie consistant en la crainte qu’un cheval le morde et qu’un cheval
tombe.
Le déplacement de l’angoisse sur le cheval permet à Hans de continuer à
aimer son père puisque l’angoisse est localisée sur un objet plus facile à
éviter.
La phobie est conçue comme une défense contre l’action des fantasmes
œdipiens. Freud juge le refoulement manqué dans le cas des phobies des animaux :
« Ce genre de refoulement que l’on trouve dans le cas de phobie d’animaux peut
être caractérisé comme un refoulement fondamentalement manqué. Tout ce qu’il a
réalisé, c’est d’éliminer la représentation et de lui substituer autre chose, l’épargne de
déplaisir n’a absolument pas réussi. » (Freud, Métapsychologie, 1915).
L’échec du refoulement entraîne la fixation de l’affect d’angoisse sur une repré-
sentation substitutive comme l’animal phobogène, le cheval dans le cas de Hans et
les loups chez L’homme aux loups.
« La motion pulsionnelle qui a succombé au refoulement est une attitude libidi-
nale envers le père, couplée avec l’angoisse dont celui-ci est l’objet. Après le
refoulement, cette motion s’est effacée de la conscience : le père n’y apparaît plus
comme objet de la libido. Comme substitut on trouve, à une place analogue, un
animal plus ou moins propre à servir d’objet d’angoisse. La formation d’un substitut
de l’élément représentation s’est accomplie par la voie du déplacement en suivant
des connexions déterminées d’une façon particulière. L’élément quantitatif n’a pas
disparu, mais s’est transposé en angoisse. Le résultat est une angoisse à l’égard du
loup, à la place d’une revendication d’amour adressée au père. » (Freud,
Métapsychologie, 1915)
Freud insiste sur le rôle fondamental du déplacement dans la névrose phobique.
« Nous ne pouvons pas qualifier de symptôme l’angoisse de cette phobie ; si le
petit Hans, qui est amoureux de sa mère, montrait de l’angoisse devant le père, nous
n’aurions aucun droit de lui imputer une névrose, une phobie. (...) ce qui transforme
celle-ci en névrose c’est uniquement et seulement un autre trait, le remplacement du
père par le cheval. Ce déplacement instaure donc ce qui peut revendiquer le nom de
symptôme. » (Freud, 1926)
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 78

78 • Repères en psychopathologie

La névrose phobique se caractérise par un traitement particulier de l’angoisse.


L’angoisse est projetée à l’extérieur du sujet et l’objet de l’angoisse est déplacé sur
l’objet extérieur. Hans éprouve des sentiments agressifs à l’égard de son père. Cette
agressivité est projetée sur l’objet de son hostilité c’est-à-dire son père puis dépla-
cée sur le cheval par lequel il craint d’être mordu.

Structure hystérophobique dans l’approche structurale de la personnalité

Selon l’approche structurale de la psychopathologie, les phobies sont des mani-


festations susceptibles de se produire chez un sujet de structure, névrotique ou
psychotique, ou chez un sujet présentant une organisation limite.
« Les seules phobies à se trouver de structuration névrotique entrent dans le cadre
de l’hystérie d’angoisse. La plupart des autres se rapportent à des réactions dépressi-
ves non encore structurées. Certaines sont de nature psychotique. » (Bergeret, 1974)

Les phobies ne sont caractéristiques d’aucune structuration psychique contraire-


ment aux mécanismes de défense et à la nature de l’angoisse qui sont spécifiques à
une organisation psychique et représentent des critères diagnostiques différentiels
pertinents.
J. Bergeret décrit la structure hystérophobique conformément à Freud qui appe-
lait hystérie d’angoisse, la névrose phobique, et hystérie de conversion, la névrose
hystérique. Alors que dans l’hystérie de conversion, l’angoisse est convertie soma-
tiquement, dans l’hystérie d’angoisse elle est projetée à l’extérieur du sujet. Sur le
plan du caractère, « la belle indifférence » de l’hystérie de conversion s’oppose à
l’anxiété du sujet phobique.

Traitements

La névrose phobique constitue en général une indication idéale de cure analy-


tique à cause de l’articulation directe du symptôme à l’angoisse. Les sujets
phobiques peuvent également être aidés à l’aide d’une psychothérapie d’inspiration
psychanalytique. Au cours d’un travail analytique apparaît le sens d’une phobie. La
phobie est comprise à travers son contenu symbolique. Freud rapproche le décryp-
tage du sens des phobies à celui des rêves. Le symptôme phobique est considéré
comme l’équivalent du contenu manifeste du rêve et les mécanismes de condensa-
tion et de déplacement sont à l’œuvre dans sa formation.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 79

La névrose phobique • 79

III. APPROCHE ATHÉORIQUE

Le DSM III R (1987) mentionne la névrose phobique dans l’index diagnostique


et renvoie à la rubrique des phobies simples et sociales. La névrose phobique dispa-
raît au profit des Troubles anxieux (ou états névrotiques anxieux et phobiques).
Le DSM IV décrit une multitude de troubles anxieux : le Trouble panique avec
ou sans Agoraphobie, la phobie spécifique, la phobie sociale, le Trouble obsession-
nel compulsif, l’État de Stress Post-Traumatique, l’État de Stress Aigu, le Trouble
d’Anxiété Généralisée, le Trouble anxieux dû à une affection médicale, le Trouble
anxieux induit par une substance et le Trouble anxieux non spécifié
Le DSM IV décrit l’Attaque de panique comme étant un critère indispensable
pour le diagnostic du trouble de panique et l’Agoraphobie qui peut être présente ou
absente dans un Trouble panique.

L’Attaque de panique
L’Attaque de panique désigne une période de malaise ou de crainte où les symp-
tômes surviennent brutalement et atteignent une intensité maximale en moins de dix
minutes. Le diagnostic d’attaque de panique exige la présence de quatre symptômes
minimum parmi les treize suivants : palpitations cardiaques ou accélération du
rythme cardiaque/transpiration/tremblements ou secousses musculaires/impression
d’étouffement/sensations d’étranglement/douleur ou gêne thoracique/nausée ou
gêne abdominale/sensation de vertige, d’instabilité, ou impression d’évanouisse-
ment, etc./ impression d’irréalité (déréalisation) ou impression d’être détaché de soi
(dépersonnalisation)/ peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou, peur de
mourir/sensations d’engourdissement ou de picotements/frissons ou bouffées de
chaleur. (D’après le DSM IV, Masson)

L’Agoraphobie
Le diagnostic de l’Agoraphobie requiert les critères suivants :
1. Une « anxiété » survenant dans des endroits d’où il serait « difficile de
s’échapper » ou de trouver du secours en cas d’Attaque de panique ou de symp-
tômes de type panique.
2. L’évitement de nombreuses situations, la crainte d’Attaque de panique,
une confrontation vécue avec souffrance ou une exposition possible grâce à l’ac-
compagnement d’un tiers.
3. L’absence d’un autre trouble (phobique ou autre).
(D’après le DSM IV, Masson)
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 80

80 • Repères en psychopathologie

La Phobie spécifique
Le diagnostic de Phobie spécifique (auparavant Phobie simple) exige la
présence des critères suivants :
1. Une peur intense et persistante déclenchée par un objet ou une situation
spécifique ou par l’anticipation d’une confrontation à l’objet ou à la situation.
2. Une réponse anxieuse sous la forme d’Attaque de panique en cas d’expo-
sition au stimulus phobogène.
3. La reconnaissance par le sujet du caractère excessif ou irrationnel de la
peur
4. L’évitement, la détresse ou une anxiété intense en cas d’exposition.
5. Une perturbation des activités habituelles du sujet, de ses relations avec
autrui ou une grande souffrance.
6. Une durée d’au moins 6 moins chez les mineurs.
7. L’absence d’autres troubles susceptibles d’expliquer les symptômes.
(D’après le DSM IV, Masson)
Le DSM IV différencie plusieurs types de phobies spécifiques : Type animal –
Type environnement naturel (hauteurs, tonnerre, eau) – Type sang-injection-acci-
dent – Type situationnel (avions, ascenseurs, endroits clos) – Autre type (évitement
de l’espace, de bruits forts, etc.).

La Phobie sociale (Trouble anxiété sociale)


Le diagnostic de phobie sociale exige les critères suivants :
1. Une peur persistante et intense de situation(s) sociale(s) ou de situation(s)
de performance dans lesquelles le sujet est en contact avec des gens non fami-
liers ou est observé par autrui. Il craint d’agir de façon embarrassante ou de
laisser paraître des symptômes anxieux.
– Les critères 2, 3, 4, 5 et 6 sont identiques à ceux énoncés dans le Trouble
de phobie spécifique.
– Les critères 7 et 8 excluent l’effet de substances toxiques, une affection
médicale ou un autre Trouble mental.
(D’après le DSM IV, Masson)
La phobie sociale est de Type généralisé si les peurs concernent la plupart des
situations sociales.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 81

La névrose phobique • 81

Le DSM IV décrit d’autres troubles anxieux qui appartiennent aux tableaux


cliniques de la névrose obsessionnelle, de la névrose traumatique ou de la névrose
d’angoisse.

DSM ET PERSONNALITÉ ÉVITANTE

La Personnalité évitante se caractérise par l’inhibition sociale, des évaluations


d’incompétence personnelle et une sensibilité exacerbée au jugement négatif d’au-
trui. L’examen du diagnostic additionnel de personnalité évitante est conseillé par
les auteurs du DSM IV lorsque la phobie sociale est de type généralisé.
Le diagnostic de Personnalité évitante est porté chez un sujet qui présente au
moins quatre manifestations parmi les suivantes :
– un évitement des activités professionnelles où les contacts avec autrui sont
fréquents par crainte d’être critiqué ou rejeté, etc. ;
– une réticence à s’impliquer avec autrui s’il n’est pas assuré d’être aimé ;
– une réserve dans les relations intimes par crainte du ridicule ou de la honte ;
– une crainte d’être critiqué ou rejeté dans les situations sociales ;
– une inhibition dans les situations interpersonnelles nouvelles par crainte de ne
pas être à la hauteur ;
– une évaluation personnelle d’incompétence sociale : le sujet se juge inférieur
ou sans attrait ;
– une réticence à prendre des risques personnels ou à s’engager dans des activi-
tés nouvelles.
(D’après le DSM IV, Masson)

IV. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE

L’approche comportementale des phobies repose sur les théories de l’apprentis-


sage classique de Pavlov, de l’apprentissage opérant de Skinner et de
l’apprentissage social de Bandura.
– Selon le conditionnement classique, l’anxiété est une réponse apprise au
cours d’une expérience traumatique où un stimulus neutre est fortuitement asso-
cié à un stimulus inconditionnel aversif (douleur, son violent etc.). À la base de
cette théorie, selon laquelle tous les stimuli de l’environnement peuvent devenir
objet de phobies par un simple mécanisme de conditionnement, se situe la célè-
bre expérience de J. Watson et R. Rayner (1920) avec le petit Albert. Ils ont
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 82

82 • Repères en psychopathologie

conditionné Albert, 9 mois, à avoir une réaction de peur à la présentation d’un


rat blanc en peluche. Le rat blanc est associé à un bruit violent : un coup de
marteau sur une barre d’acier. Le bruit est ensuite éliminé. La peur se généralise
à tous les objets blancs : une boule de coton blanc, un masque blanc etc. Cette
expérience, déontologiquement très contestable, montre l’éclosion d’une phobie
résultant d’un conditionnement classique pavlovien.
– Très rapidement, la théorie du conditionnement classique s’est avérée
insuffisante et les phobies furent analysées à la lumière de la théorie du condi-
tionnement opérant de Skinner. Dans l’expérience de conditionnement opérant
skinnerien, un animal est placé dans une boîte contenant un levier, dont la pres-
sion permet d’obtenir de la nourriture. L’animal a tendance à répéter cette action
grâce à la nourriture qui joue le rôle de renforcement. Selon le modèle skinne-
rien, l’hystérie, les phobies, la dépression sont interprétées comme des réponses
opérant sur l’environnement dans le but d’obtenir des renforçateurs : attention,
affection, réduction de l’angoisse. Ces bénéfices secondaires entretiennent le
comportement problème.
– Devant les difficultés d’un modèle fondé uniquement sur le conditionne-
ment classique ou skinnerien, Mowrer et Gray (1971) analysent les phobies à
l’aide de leur théorie des deux facteurs selon laquelle les phobies sont acquises
au cours d’une expérience traumatique conformément au conditionnement clas-
sique et sont maintenues conformément au conditionnement opérant puisque le
sujet apprend à éviter la situation anxiogène.
– Bandura (1977) défend une théorie de l’apprentissage social selon laquelle
on apprend en observant le comportement des autres. Ainsi, le comportement
d’autrui peut être un facteur étiologique important dans l’acquisition des peurs
infantiles. Les injonctions parentales (« fais attention aux serpents ») expliquent,
selon cette théorie, l’apprentissage de réactions émotionnelles inadaptées.
La thérapie comportementale recourt aux techniques d’exposition qui consistent
en une confrontation du sujet au stimulus anxiogène pendant un temps assez long
pour empêcher la réponse d’évitement. L’exposition au stimulus anxiogène vise à
instaurer l’habituation à des réponses émotionnelles par répétition de l’affronte-
ment d’où il découlera la disparition des conduites d’évitement. L’habituation
correspond à la diminution de la force des réponses inconditionnelles par la présen-
tation prolongée des stimuli anxiogènes. Les techniques d’exposition reposent sur
le principe d’extinction de la réponse conditionnelle apprise. Il existe différentes
procédures d’exposition :
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 83

La névrose phobique • 83

– en imagination ou in vivo (en réalité) ;


– graduée ou intensive ;
– avec relaxation ou sans relaxation ;
– avec le thérapeute ou autoappliquée.

La désensibilisation systématique est une technique d’exposition graduée, en


imagination, avec relaxation, avec le thérapeute. Cette méthode de traitement inclut
quatre phases :
1. Le sujet apprend une technique de relaxation (Jacobson, Schultz)12.
2. Le sujet élabore une hiérarchie de stimuli anxiogènes.
3. Le patient commence à se représenter, en état de relaxation, l’échelon le
plus bas de la hiérarchie d’anxiété et répète cet exercice jusqu’à ce qu’il puisse
se représenter la situation avec un degré d’anxiété diminuée de moitié : il s’agit
du processus de désensibilisation.
4. Le sujet réalise des tâches en situation réelle pour assurer la généralisa-
tion de la désensibilisation
La technique de désensibilisation systématique de Wolpe (1958) repose sur le
principe de l’inhibition réciproque car, Wolpe considérait la relaxation comme la
meilleure méthode pour contre-conditionner l’anxiété.

Les modèles cognitifs du traitement de l’information mettent davantage l’accent


sur le rôle des pensées et des croyances irrationnelles. La conception cognitive des
troubles phobiques repose sur l’hypothèse d’une perturbation du traitement de l’in-
formation. Selon les modèles cognitifs, les pensées, les croyances, les
auto-instructions sont responsables d’émotions angoissantes déclenchant la peur.
Les théories cognitives ont étudié les « schémas cognitifs de danger » stockés
dans la mémoire à long terme par les sujets phobiques. Ceux-ci semblent sélection-
ner l’information en retenant du monde extérieur uniquement ce qui a trait au
danger. Selon Beck et Emery (1985), les sujets anxieux « tunnelisent » leur percep-
tion de l’environnement et de leurs sensations physiques en fonction de processus
cognitifs erronés. Ces dysfonctionnements de la pensée logique consistent en
erreurs cognitives ou distorsions cognitives qui sont principalement l’inférence
arbitraire, la généralisation, l’exagération des dangers et la minimalisation des
situations sécurisantes ; la personnalisation de tout ce qui peut avoir trait à la vulné-
rabilité individuelle.
12. Ces méthodes de relaxation sont exposées dans Grebot & Orgiazzi Billon Galland, Les
bases de la psychopathologie, 2001.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 84

84 • Repères en psychopathologie

Au niveau thérapeutique, les techniques cognitives de restructuration cognitive


visent à identifier et modifier les « croyances » irrationnelles, les distorsions cogni-
tives, les schémas cognitifs de danger. Les thérapeutes recourent souvent aux
techniques comportementales d’exposition qui s’avèrent très efficaces dans le trai-
tement des phobies simples, des phobies sociales et de l’agoraphobie. En effet,
plusieurs études (Cottraux, 1990) montrent que la thérapie cognitive seule, sans
exposition aux situations anxiogènes est moins efficace que la thérapie comporte-
mentale par exposition dans les phobies simples.

V. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 / Une phobie est une crainte angoissante


1. Déclenchée par un objet ou une situation objectivement
non dangereux Oui-Non
2. Disparaissant en l’absence de l’objet ou de la situation Oui-Non
3. Convertie au niveau corporel Oui-Non
4. À l’origine de conduites d’évitement Oui-Non

Question 2 / Associez un auteur, une date et une notion


Noms : Freud – Westphal – Pitres & Régis – Cullen – Janet
Dates : 1769 – 1871 – 1897-1909 – 1908
Notions : Psychasthénie – Névrose – Hystérie d’angoisse – Agoraphobie –
Éreutophobie

Question 3 / Certaines phobies sont aussi fréquentes chez les hommes que les
femmes ; il s’agit de
1. L’agoraphobie
2. L’acrophobie
3. Phobies d’impulsion
4. Phobies sociales
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 85

La névrose phobique • 85

Question 4 / Parmi les symptômes suivants, certains apparaissent aussi dans des
tableaux cliniques non névrotiques
1. Dysmorphophobie
2. Nosophobie
3. Éreutophobie
Définissez ces trois termes et indiquez les tableaux cliniques dans lesquels s’obser-
vent ces symptômes.

Question 5 / Parmi les peurs suivantes, quelles sont les phobies sociales et quel-
les sont les phobies simples ?
1. Peur des araignées
2. Peur de parler en public
3. Peur d’utiliser les toilettes
4. Peur des hauteurs
5. Peur d’écrire devant autrui

Question 6 / Attribuez les notions à leurs créateurs


Noms : A. Bandura – A.T. Beck – I.P. Pavlov – B.F. Skinner – J. Wolpe
Notions : Apprentissage répondant – Conditionnement opérant – Conditionnement
vicariant – Schémas cognitifs – Désensibilisation systématique – Apprentissage
instrumental – Conditionnement classique – Inhibition réciproque – Apprentissage
social

Question 7 / Cet extrait d’une chanson de G. Brassens décrit une phobie :


« Par un soir de novembre, à cheval sur les toits
Un vrai tonnerr’ de Brest, avec des cris d’putois
Allumant ses feux d’artifices
Bondissant de sa couche en costume de nuit
Ma voisine affolée vient cogner à mon huis
En réclamant mes bons offices
Je suis seule et j’ai peur, ouvrez-moi par pitié. »
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 86

86 • Repères en psychopathologie

S’agit-il
1. d’une phobie simple
2. d’une phobie sociale
3. d’une agoraphobie
4. d’une claustrophobie ?

Question 8 / Lucie, âgée d’une trentaine d’années doit, chaque fois qu’elle sort
de chez elle, être accompagnée par une personne (mari, ami(e), parent, enfant,
voisin, etc.) à cause d’une peur de la foule. Cette peur existe et s’accroît depuis
qu’elle a eu un malaise au supermarché, il y a un an. Lucie présente une
……………………………………………… ?

Question 9 / Luc a peur de rougir lorsqu’il est invité aux soirées, aux vernissa-
ges, aux conférences, au restaurant, ou lorsqu’il est en cours. Il s’agit d’une
……………………………………………… ?

Question 10 / Nadia se lave les mains plusieurs dizaines de fois par jour et désin-
fecte tout objet qu’elle touche avec de l’alcool. Nadia présente
1. Une érythrophobie
2. Une phobie d’impulsion
3. Une nosophobie
4. Des rituels
Définissez ces quatre termes.

Question 11 : Quels sont les trois mécanismes de défense décrits par Freud dans
l’observation clinique Le petit Hans ? Définissez-les et illustrez-les.

Question 12 / Isabelle, 32 ans souffre depuis 10 ans de malaises, soudains et


imprévisibles au cours desquels elle éprouve une sensation d’étouffement, une
sensation de suffocation, une oppression thoracique, une impression de faiblesse,
une accélération du rythme cardiaque, des suées, des nausées, des frissons, des
tremblements. Ces malaises se produisent principalement après une déception ou
une contrariété.
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La névrose phobique • 87

Quand ces malaises la réveillent la nuit, elle est complètement paniquée et a une
peur terrible de mourir. Sa mère a souffert de malaises similaires à son âge. Isabelle
a consulté plusieurs médecins qui lui ont dit qu’elle était anxieuse. Ils lui ont pres-
crit différents médicaments anxiolytiques qu’elle n’a pas pris longtemps par crainte
de la dépendance aux médicaments. Or, les malaises se produisent désormais au
moins une fois par semaine et se produisent n’importe quand. Cela ne peut plus
durer : elle veut se soigner et commence une thérapie.

Selon le DSM IV, de quel trouble souffre cette jeune fille ? Justifiez votre réponse.

Question 13 / Marie est une jeune femme de 25 ans qui consulte parce qu’elle
n’arrive plus à sortir de chez elle. Elle ne sort qu’accompagnée par son mari ou un
(e) ami(e) depuis 6 mois. Tout a commencé un samedi après midi alors qu’elle avait
rendez-vous avec sa mère pour faire des courses dans un grand magasin parisien.
À l’heure du rendez-vous, Marie attend sa mère qui est en retard. Marie s’inquiète
tellement que des bouffées de chaleur l’envahissent, des palpitations cardiaques
apparaissent ; elle se sent défaillir et croit qu’elle va mourir. Sa mère arrive à ce
moment et s’occupe d’elle. Trois jours après ce malaise, elle éprouve les mêmes
sensations dans le métro en se rendant à son travail. Elle a dû sortir dehors pour
prendre l’air. Depuis cet épisode du grand magasin, Marie éprouve une peur terri-
ble dès qu’elle s’éloigne de son domicile. Marie a peur d’avoir un malaise et craint
de mourir. Sa peur de mourir concerne différents lieux : les grands magasins, les
transports en commun, les endroits où il y a du monde, et dans la rue quand elle est
seule et loin de chez elle.
En conséquence, Marie évite de plus en plus de sortir de chez elle seule. Pour
faire ses courses, elle va dans le petit magasin situé à côté de chez elle. Si elle doit
faire des courses au centre ville, elle se fait accompagner. Ne pouvant plus prendre
les transports en commun, elle se déplace en taxi ce qui lui coûte une petite fortune
or, son salaire d’enseignante d’arts plastiques ne lui permet pas d’envisager de
continuer à se déplacer ainsi longtemps. Pour les sorties spectacles, elle ne sort que
si ses amis l’accompagnent. Ses amis sont très compréhensifs vis-à-vis de ces diffi-
cultés de déplacements ; ils l’aident beaucoup depuis son divorce, il y deux ans.
Son médecin lui a prescrit des antidépresseurs qu’elle n’a pas supportés, puis
des tranquillisants qui n’eurent aucun effet. Devant l’échec du traitement médica-
menteux, son médecin lui a conseillé une thérapie.
– Lors de la première séance, la thérapeute demande à Marie de rédiger une
liste de situations qui la rendent anxieuse.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 88

88 • Repères en psychopathologie

Puis, Marie classe les situations de la moins anxieuse à la plus anxieuse.


– La seconde consultation commence par l’apprentissage d’une méthode de
relaxation fondée sur la contraction et décontraction musculaire (méthode de
relaxation progressive de Jacobson).
Quand Marie est relaxée, la psychothérapeute lui demande de s’imaginer dans
la première situation. La thérapeute lui demande ce qu’elle voit, ce qu’elle achète,
puis elle lui propose d’imaginer à la caisse plusieurs personnes en train d’attendre
pour payer et de s’imaginer, avec ses achats dans la main, derrière les gens qui
attendent pour payer.
Quand Marie réussit à imaginer la scène avec un degré d’anxiété faible, le
travail d’imagination porte sur la situation 2 et ainsi de suite. Marie affronte
ensuite les situations réelles. Après 20 séances, Marie a retrouvé une autonomie
satisfaisante.
A. Quelles sont les craintes de Marie ?
B. Identifiez le(s) trouble(s) présenté(s) par Marie selon le DSM IV en précisant
les critères diagnostiques.
C. Quelle est la conception étiologique du trouble de Marie dans une approche
comportementale ? Quels sont les mécanismes explicatifs de l’émergence et du
maintien de ce trouble ?
D. Quelle est l’explication cognitive du trouble dont souffre Marie ?
E. Quelle est la technique utilisée par la psychothérapeute ? Exposez-en les
phases, les objectifs et les méthodes
F. Quelles sont les critiques émises à l’encontre de ce type de thérapie ?
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 89

• C h a p i t r e 5 •

LA NÉVROSE OBSESSIONNELLE

I. HISTORIQUE

La première description française des obsessions apparaît dans le Traité des


scrupules écrit par Duguet, prêtre janséniste, mais le terme obsession apparaît dans
un article intitulé « Des obsessions pathologiques » de Luys (1883).
Les phénomènes obsessionnels seront décrits sous des appellations diverses :
« folies raisonnantes » par Pinel (1745-1826) ; « monomanies raisonnantes » par
Esquirol (1772-1844) parce que le trouble était partiel et que le patient ne délirait
pas. Esquirol introduisit l’expression de « manie du doute » ; « folie du doute » par
J. Falret en 1866 ; « délire du toucher » par Legrand du Saulle (1875) ; « folie de
compulsion » par Kraepelin (1856-1926).
Carl Westphal (1871), psychiatre allemand définit les obsessions comme des
idées parasites apparaissant dans un esprit intact et faisant intrusion dans le proces-
sus normal de la pensée, contre la volonté du sujet et proposa d’appeler ce
phénomène « névrose de contrainte ». Certains auteurs parlent de névrose anancas-
tique (du grec ananké : destin) pour insister sur l’irrésistibilité des obsessions et des
compulsions. L’expression de personnalité anankastique apparaît dans la classifica-
tion internationale des maladies (CIM 10) de l’Organisation mondiale de la santé
(O.M.S.).
P. Janet assigne à la psychasthénie un rôle central dans les obsessions dans son
ouvrage Les obsessions et la psychasthénie (1908).
La névrose obsessionnelle doit son nom à Freud qui apporte une contribution
originale à la description de cette entité nosographique.

II. SÉMIOLOGIE

La névrose obsessionnelle se caractérise par la présence de symptômes obses-


sionnels ou compulsifs survenant dans une personnalité obsessionnelle.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 90

90 • Repères en psychopathologie

A. LES SYMPTÔMES

Les symptômes de la névrose obsessionnelle sont les obsessions, les compul-


sions et les rituels.

Les obsessions ou pensées compulsionnelles


Étymologiquement, obsession signifie assiéger. Le terme d’obsession vient du
latin obsessio-obsidere qui veut dire « siège », « action d’assiéger », « situation
d’être assiégé ». Le sujet doit soutenir un véritable siège contre des contenus de
pensée qui l’envahissent. Les pensées obsessionnelles s’accompagnent d’un senti-
ment subjectif de contrainte, de détresse et d’angoisse.
Plusieurs études ont comparé les obsessions normales et les obsessions patholo-
giques (Rachman & Hodgson, 1980 ; Bouvard & Cottraux, 1996).
Rachman (1978) demande à 124 étudiants de compléter un questionnaire : 80 %
font l’expérience de pensées pénibles obsédantes (25 %), d’impulsions (11 %) ou
des deux (44 %).
En 1984, Salkovskis observe que les pensées intrusives « normales » et patholo-
giques se différencient au niveau de la durée, de la fréquence et le fait de les rejeter
et non au niveau de leur contenu.
Purdon (1993) repère 52 thèmes d’obsessions chez des sujets non obsessionnels.
Le thème le moins fréquent : « poignarder un membre de sa famille » concerne 6 %
des sujets alors que le thème le plus fréquent : « se représenter des étrangers nus »
concerne 80 % des sujets. Une différence existe entre les sexes : les hommes ont plus
d’obsessions concernant les comportements sexuels et agressifs tandis que les
femmes ont plus de craintes concernant des pensées de saleté ou de contamination.
Les obsessions sont des idées, des pensées, des images persistantes, récurrentes,
involontaires, dépourvues de sens. Le sujet obsessionnel fait des tentatives vaines
pour les supprimer. Selon J. Bergeret (1974) le sujet obsessionnel est en même
temps « esclave » et « conscient de cette oppression idéïque ».
Il existe trois grands types de manifestations obsessionnelles : les obsessions
idéatives, les obsessions phobiques et les obsessions impulsives.
– Les obsessions idéatives consistent en ruminations obsédantes décrites jadis
sous le terme de « folie du doute » (Falret). Les obsessions idéatives sont les plus
fréquentes. L’objet de l’obsession peut être une idée concrète, une idée abstraite (la
mort, la vie, l’existence de Dieu) ou le propre comportement du sujet.
Zeno, personnage central du roman La conscience de Zeno d’Italo Svevo se
complaît à des ruminations permanentes, stériles, reconnues comme tel par lui,
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 91

La névrose obsessionnelle • 91

autour de quelques thèmes privilégiés : thèmes moraux, thèmes de pureté et de


protection corporelle, thèmes d’ordre et de symétrie. Zeno a un goût immodéré pour
les dates et les classements qui va jusqu’à se plaindre de l’incohérence du calendrier :
« en dehors des deux couples juillet-août et décembre-janvier, on ne voit pas qu’il y
ait deux mois se suivant et ayant le même nombre de jours. Quel désordre dans le
temps ! (...)»
«Je parle à quelqu’un et, tout en disant une chose, je fais des efforts pour m’en
rappeler une autre que j’ai dite un peu avant, ou simplement pensée,… Si je ne veux
pas finir dans une maison de fous, il faut que je laisse tomber ces petits jeux-là. »
La crainte d’une omission ou d’une erreur entraîne des vérifications intermina-
bles dans le cadre des responsabilités professionnelles ou dans la vie quotidienne :
Jean Claude, employé de comptabilité, passe de plus en plus de temps sur chaque
dossier dont il est responsable car il vérifie plusieurs fois les montants d’ordre de
virement des chèques, craignant en permanence d’avoir tapé un chiffre erroné.
L’obsession chez ce jeune homme est la peur d’avoir commis une erreur dans les
calculs alors que le comportement consistant à vérifier indéfiniment les additions est
une compulsion.
– Les obsessions phobiques diffèrent des phobies dans lesquelles une situation
réelle est redoutée et évitée par le sujet phobique. Dans les obsessions phobiques,
l’angoisse apparaît dès que le sujet pense à l’objet ou à la situation. Les obsessions
phobiques les plus fréquentes sont l’obsession de la saleté, la crainte de la conta-
mination, des microbes, de la souillure. Il existe une grande variété d’obsessions
mais chaque sujet en a une qui prédomine. Certains patients redoutent d’être salis
sans craindre d’être contaminé par une maladie tandis que d’autres sujets craignent
d’être contaminés sans craindre d’être salis.
– Dans les obsessions impulsives, le sujet est obsédé par l’idée de commettre un
acte absurde, ridicule, immoral, agressif, voire criminel mais le passage à l’acte est
exceptionnel. Le sujet lutte anxieusement contre son idée.
Dans la névrose obsessionnelle, c’est le contenu mental en lui-même qui est
source d’angoisse. L’obsession concerne une représentation mentale que le sujet ne
peut fuir alors que la phobie est la crainte d’une situation ou d’un objet dont l’ab-
sence ou l’évitement suffit à écarter l’angoisse.
L’obsession est à différencier de l’idée délirante. Le sujet est persuadé que l’ob-
session émane bien de lui et de son propre fonctionnement psychique alors que
l’idée délirante s’impose au sujet et est vécue comme réelle.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 92

92 • Repères en psychopathologie

Compulsions et rituels
Compulsion vient du latin compulsus sum : « je suis forcé ». La compulsion est
un acte accompli par le sujet qui le considère comme absurde, ridicule ou gênant
mais qui s’impose au sujet de manière incoercible. Le sujet se sent contraint d’ac-
complir l’acte qui est agi pour diminuer l’angoisse. Les compulsions sont parfois
tellement complexes qu’elles peuvent s’organiser en un véritable rituel.
Les rituels peuvent être soit des comportements effectifs aux manifestations
extérieures visibles, exécutés de manière immuable, soit des actes mentaux comme
l’arithmomanie qui consiste à compter sans cesse.
Les rituels transforment les sujets en véritables automates dont la vie est ryth-
mée par une séquence de gestes surprenants. La tyrannie comportementale des
rituels est comparable à la tyrannie idéïque des obsessions.
Les grands types de rituels sont les rituels de nettoyage et de lavage, les rituels
d’évitement, de répétition, de vérification, d’habillement etc. :
– Les rituels de lavage accompagnent les obsessions phobiques de contamina-
tion et de souillure.
– Les rituels d’évitement répondent à la crainte de la contamination des micro-
bes et l’évitement du contact concerne des objets tels que les poignées de porte,
les boutons d’ascenseurs, les claviers de machines à calculer ou d’ordinateur,
etc.
– Les rituels de répétition peuvent consister à énumérer des chiffres (arithmo-
manie), à rechercher la signification d’un mot (onomatomanie) ou à répéter des
gestes que le sujet effectue de manière incoercible pour lutter contre une obses-
sion.
– Les rituels de vérification consistent, par exemple, à contrôler les objets
susceptibles de produire une catastrophe comme le robinet d’eau ou de gaz, etc.
Simone est dans l’incapacité de conduire tellement elle craint de renverser un
piéton. Elle ne cesse de se dire qu’elle a accroché un piéton, qu’elle a pu le
tuer et envisage toutes les éventualités dramatiques. Cette crainte l’oblige
quand elle conduit à revenir en arrière vérifier si elle n’a pas blessé quel-
qu’un.
– Les rituels d’habillement et de toilette peuvent être si envahissants qu’ils occu-
pent plusieurs heures par jour et retardent d’autant le départ au travail.
Une jeune fille s’oblige à un tel perfectionnisme dans son habillement qu’elle
ne réussit plus à s’habiller et à sortir de chez elle puisqu’elle n’atteint jamais
l’objectif espéré de perfection.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 93

La névrose obsessionnelle • 93

– Certains sujets cherchent un tel perfectionnisme que leurs activités sont consi-
dérablement ralenties. Le perfectionnisme peut concerner la tenue vestimentaire
ou toute autre activité telle que la perfection de la symétrie, de l’ordre etc.
– Le collectionisme concerne des sujets dont les collections n’ont aucune valeur
esthétique, scientifique ou sentimentale. Dans la tendance au collectionisme, la
collection n’est pas source de plaisir. Un sujet peut collectionner les vieux jour-
naux, les emballages, les bouteilles vides, les sacs poubelles etc. Ces
collectionneurs qui n’arrivent pas à jeter les objets sont souvent en même temps
procrastinateurs.
– La procrastination désigne une tendance à remettre indéfiniment à plus tard
une activité ou une décision. Toute activité entraîne d’interminables délibéra-
tions intérieures et reste suspendue ou inachevée.

Rituel et impulsion
La présence de l’hésitation ou de la lutte intérieure permet de différencier le
rituel et l’impulsion. L’obsession comporte un temps d’inquiétude et d’indécision
qui manque à l’impulsion. Le terme d’impulsion désigne « un acte incoercible et
soudain qui échappe au contrôle du sujet » (Ey et coll., 1960).

B. LE CARACTÈRE OBSESSIONNEL

Morel (1860), Magnan (1891) Pitres et Régis (1902), Janet (1908) Dupré (1926)
ont décrit les traits de caractère obsessionnels sous la forme de tendance aux scru-
pules, de crises de conscience, de timidité, d’inhibition, de besoin d’ordre, de règles
et d’économie etc.
Lazare, Klerman et Armor (1966) ont distingué neufs traits composant le carac-
tère obsessionnel : ordre, entêtement, parcimonie, mépris d’autrui, constitution
émotionnelle, doute de soi-même, Surmoi sévère, rigidité et persévérance.
Les descriptions des traits de caractère obsessionnel s’accordent sur la tendance
psychasthénique, le système compulsif, la fixation et la régression sadique-anale, la
toute-puissance de la pensée.

La tendance psychasthénique
La personnalité psychasthénique fut décrite par P. Janet qui la caractérisait par
une tendance aux scrupules, au doute, aux crises de conscience, aux ruminations
mentales, par une expérience intérieure d’incomplétude et par une incapacité à agir.
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94 • Repères en psychopathologie

Selon Janet, la faiblesse psychologique empêche le sujet de parvenir à une


synthèse assez élevée des fonctions du réel. En conséquence, le patient ne peut
exécuter que des activités rudimentaires, automatiques et de niveau inférieur.
La psychasthénie se caractérise par :
– une fatigue importante ou asthénie qui peut mener à une paralysie de l’action ;
– une aboulie définie comme un trouble de la volonté caractérisée par une indé-
cision et une impuissance à agir : le sujet a du mal à prendre une décision ; il
hésite en permanence entre deux décisions ;
– une détresse considérable : le sujet est conscient de ses troubles ; il se critique
et se juge sans complaisance ; il se reproche de n’être qu’un bon à rien ; il culpa-
bilise. Les obsessions et les compulsions sont source d’une détresse importante.
La lutte intérieure intense menée par le sujet, son « ambitendance » entre
deux décisions ou désirs, la crainte de situations nouvelles susceptibles de modi-
fier son équilibre épuisent le sujet et causent l’asthénie.
J. Bergeret considère le caractère dit « psychasthénique » comme relevant de l’or-
ganisation limite et non de la structure névrotique obsessionnelle : « il semble que
nous nous trouvions, en ce qui concerne le caractère dit “psychasthénique” en
présence d’un des modes de caractère narcissique reposant sur une organisation
limite ; l’organisation ne s’est pas effectuée sous le primat du génital et du Surmoi ».
(Bergeret, 1974)

Les conduites compulsives


Des conduites compulsives se greffent sur le fond psychasthénique et peuvent
prendre la forme :
– d’une agitation psychomotrice : tics, stéréotypies, gestes conjuratoires ;
– d’une agitation idéo-verbale : ruminations, litanies ;
– de phobies d’impulsion : le passage à l’acte est exceptionnel.
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La névrose obsessionnelle • 95

La fixation et la régression sadique-anale


Ey, Bernard et Brisset (1960) ont synthétisé les traits de caractère obsessionnels
dans le tableau ci-dessous :

Traits de caractère de l’érotisme anal Contre l’érotisme anal


Fixation excessive Difficulté d’abandonner Cadeaux
au plaisir excrémentiel les objets
Obstination. Entêtement Résignation
Collectionnisme Soumission
Angoisse devant la Prodigalité
séparation Témérité
Traits du caractère sadique-anal Contre les tendances sadiques
Réaction excessive Saleté. Rejet Surpropreté. Politesse
à l’interdiction Injures scatologiques Obséquosité
des plaisirs excrémentiels Cruauté contre les faibles Bonté. Souci de la
Lutte contre toute justice
autorité Défense des faibles
(ironies, sarcasmes) Respect de l’autorité

(D’après Ey, Bernard, Brisset, 1960)

Les différents traits de caractère se combinent diversement selon les sujets. Chez
certains, domine le versant inhibition, politesse, maniérisme, obséquiosité alors que
chez d’autres, domine plus le versant actif sadique.
Pour Freud, l’obsessionnel comme tout névrosé est aux prises avec les sollicita-
tions libidinales du complexe d’Œdipe mais l’organisation génitale de la libido est
si faible que le Moi se défend en régressant à la phase sadique-anale. Freud en a
déduit certains traits de caractère obsessionnel tels que l’entêtement, l’autorita-
risme, le collectionnisme, le goût de la possession, le sens de l’économie allant
jusqu’à l’avarice, l’ordre, la propreté, la méticulosité, la ponctualité etc.
« Notre attention a été attirée sur une triade de qualités qui se trouvent réunies
assez régulièrement : l’ordre, l’économie et l’entêtement, et nous avons déduit de
l’analyse de ce genre de personnes que ces qualités sont issues de l’absorption et
d’une utilisation différente de leur érotisme anal. Nous parlons donc d’un caractère
anal, là où nous trouvons cette réunion sous une forme frappante, et nous mettons le
caractère anal dans une certaine opposition avec l’érotisme anal qui n’a pas été
élaboré. » (Freud, 1932)
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 96

96 • Repères en psychopathologie

De l’agressivité sadique découlent les traits de caractère suivants : la cruauté


envers les faibles, la rébellion contre l’autorité, les injures scatologiques.
J. Bergeret met en garde contre la tendance à ramener le « caractère obsession-
nel » à ses seules composantes tournant autour de l’agressivité anale et à oublier la
structure névrotique sous-jacente donc génitale dont les traits de caractère obses-
sionnels en sont l’expression.
« En effet, le caractère obsessionnel demeure du cadre des organisations de la
lignée névrotique, donc génitale ; l’élément organisateur fondamental de la structure
tourne autour de l’Œdipe et non du prégénital ; le prégénital à ce niveau ne constitue
qu’une défense contre l’Œdipe et le génital. » (Bergeret 1974)

La toute-puissance de la pensée
La pensée compulsionnelle protège le sujet de l’intensité de ses affects. Le sujet
s’intéresse d’autant plus à sa pensée qu’il ne veut pas s’intéresser à sa vie affective.
L’affect et la représentation sont dissociés. Dans la névrose obsessionnelle, il se
produit une régression de l’acte à la pensée qui localise le conflit dans l’ordre de la
pensée alors que le conflit est localisé, dans l’espace, dans la névrose phobique et,
dans le corps, dans l’hystérie de conversion. La névrose obsessionnelle se caracté-
rise par un paradoxe car, d’un côté, il y a régression de l’acte à la pensée et de
l’autre, il y régression de la pensée au geste dans les rituels et les vérifications.

Conclusion
L’obsessionnel constitue souvent le pôle d’attraction de l’hystérique et récipro-
quement alors que leurs traits de caractère s’opposent. Le sujet hystérique se
caractérise par une certaine plasticité tandis que le sujet obsessionnel fait preuve
d’une rigidité sans faille, d’une hostilité profonde à toute souplesse, considérée
comme une trahison de ses idéaux.
Le sujet obsessionnel apparaît comme un « fanatique de la vérité » face à l’hys-
térique capable de s’adapter à son auditoire et d’adopter des positions
contradictoires.
Quand la tendance de l’obsessionnel est de prendre des distances, le sujet hysté-
rique cherche à séduire l’autre.

Épidémiologie
Les traits de caractère obsessionnel et les symptômes obsessionnels sont
fréquents contrairement à la névrose obsessionnelle qui est rare. La névrose obses-
sionnelle est la forme la plus organisée, la plus grave et la plus rebelle de la
pathologie névrotique.
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La névrose obsessionnelle • 97

La névrose obsessionnelle est plus fréquente chez les hommes que chez les
femmes.

Le début et l’évolution
Les sujets consultent tardivement et les troubles peuvent être très anciens. Le
sujet et son entourage s’en accommodaient et le plus souvent, le sujet camouflait
ses troubles. Un jour, le patient consulte parce qu’il veut être soulagé d’idées
obsédantes qui l’assaillent ou d’un rituel qu’il ne réussit plus à cacher. Il peut égale-
ment consulter pour des manifestations d’angoisse telles que les insomnies, une
humeur dépressive et les phénomènes obsessionnels seront évoqués ensuite.
Cette pathologie naît dans l’enfance et s’épanouit au cours de la vie adulte. Le
début est assez difficile à déterminer. Pour la moitié des sujets, le début est aigu
(Rachman et Hodgson, 1980).
Kringlen (1970) observe qu’il existe souvent des événements existentiels préci-
pitants.
– Chez les femmes, les événements le plus souvent invoqués sont la première
naissance, la grossesse, l’avortement, les conflits familiaux et les maladies
physiques.
– Chez les hommes, on trouve plus fréquemment un conflit familial, un stress,
une surcharge de travail.

Deux modalités d’évolution peuvent être distinguées : une modalité continue où


les troubles augmentent progressivement ainsi que la gêne sociale et une modalité
phasique où alternent des phases de rémission et des rechutes.
Les complications les plus fréquentes sont la décompensation dépressive, l’évo-
lution psychotique, le développement de conduites addictives (alcoolisme,
toxicomanie).
Dans les cas graves, la thérapeutique est médicamenteuse comportant des anxio-
lytiques pour réduire l’angoisse et des antidépresseurs. Les traitements
thérapeutiques peuvent être d’inspiration psychanalytique ou d’orientation cogni-
tivo-comportementale.
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98 • Repères en psychopathologie

III. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

Freud, dans son article de 1896 sépare la névrose obsessionnelle de l’hystérie.


Il traduit en français son propre terme allemand de Zwangneurose par l’expres-
sion française « névrose des obsessions ». Zwang désigne « contrainte »,
« violence », « force » « coercition ». Certains auteurs contemporains parlent de
névrose compulsive (Juignet, 2001).
– Les premiers travaux de Freud s’attachent à l’étiologie traumatique des névro-
ses. Selon Freud, le trauma, dans la névrose obsessionnelle est plus précoce que
dans l’hystérie. De plus, les expériences sexuelles dans l’hystérie de conversion ont
été éprouvées de manière passive et pénible alors que, dans la névrose obsession-
nelle, elles ont été vécues de façon active et avec plaisir. Dans les deux cas, tout est
oublié, le souvenir est inconscient mais, le souvenir inconscient continue à agir
comme traumatisme sexuel. Dans la névrose obsessionnelle, la capacité de conver-
sion n’opère pas contrairement à l’hystérie de conversion. Le sujet dissocie l’affect
pénible de la représentation et le déplace sur une représentation indifférente. Les
idées obsédantes sont donc, des reproches modifiés par un travail de substitution.
L’obsession résulterait du déplacement d’un désir inconscient sur une représenta-
tion acceptable par la conscience contre laquelle le sujet peut lutter par des rituels
conscients. Les symptômes sont les défenses du Moi contre le retour des représen-
tations refoulées d’où le nom de psychonévroses de défense que Freud, dans un
premier temps, a opposé aux névroses actuelles (névrose d’angoisse-neurasthénie).
Lelord (1993) compare l’obsessionnel à un individu qui s’épuiserait « à repeindre
inlassablement sa maison sans savoir que cette activité est une tentative d’étouffer
son désir inconscient d’y mettre le feu et de se débarrasser de son encombrante
famille ».
– Ensuite, Freud modifie la théorie de la séduction infantile, pour l’hystérie et
la névrose obsessionnelle. À partir de 1897, Freud distingue « les fantasmes des
analysés concernant leurs années d’enfance, des souvenirs réels ». Pour Freud, l’ob-
sessionnel comme tout névrosé est aux prises avec les sollicitations libidinales du
complexe d’Œdipe mais l’organisation génitale de la libido a régressé de la génita-
lité à l’érotisme anal. Le lien entre obsession et fixation anale est étudié dans
L’homme aux rats (1909).
L’homme aux rats est un patient de Freud qui a illustré les éléments constitutifs du
caractère sadique-anal de l’obsessionnel, lié à l’apprentissage de la propreté.
L’homme aux rats tire son nom d’une image sadique qui obsédait le patient : l’image
d’un supplice oriental où un prisonnier est assis sur un pot dans lequel est enfermé
un rat qui va s’enfoncer dans l’anus. Cette histoire racontée par un officier, l’obsé-
dait car il appliquait ce supplice en imagination à ses proches, en particulier à son
père mort.
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La névrose obsessionnelle • 99

Selon Freud, l’obsessionnel lutterait contre des tendances sadiques refoulées.


Chez le sujet obsessionnel se déroule une lutte entre la résurgence de ces pulsions
sexuelles et un Surmoi cruel qui les interdit. L’obsession est une formation de
compromis entre ces désirs et le Surmoi. Dans la névrose obsessionnelle, le Moi
opère le refoulement de l’idée pathogène. Le retour du refoulé oblige le Moi à des
formations de compromis, ruminations, cérémonials, compulsions par lesquels le
sujet peut ignorer ce qu’il refoule. Le Moi opère dans le refoulement un certain
travail psychique qui rend méconnaissable le contenu inconscient du reproche.

L’ambivalence
Freud met l’accent sur l’ambivalence du stade anal et l’ambivalence dans la
névrose obsessionnelle. Lors de l’apprentissage de la propreté, l’enfant doit renon-
cer à retenir ses selles pour les libérer. L’enfant peut retirer de cette activité
excrémentielle un plaisir ou une profonde inquiétude. Le stade anal comporte deux
caractéristiques : l’érotisme anal et le sadisme anal.
Dans Pulsions et destins des pulsions (1915) Freud parle d’ambivalence à
propos du couple d’opposés activité-passivité lorsque « la motion pulsionnelle
active coexiste avec la motion pulsionnelle passive ». L’ambivalence joue un rôle
fondamental dans l’analyse des conflits où la composante positive et la composante
négative de l’attitude affective sont simultanément présentes. Dans la névrose
obsessionnelle, c’est le désir négatif, le désir hostile, agressif, qui reste très puis-
sant. L’ambivalence chez le sujet obsessionnel est renforcée par un Surmoi dur,
cruel, rigide. L’obsessionnel lutte avec vigueur contre son agressivité. Dans la théo-
rie freudienne, la formation des symptômes névrotiques est conçue comme la
tentative d’apporter une solution à un conflit : la névrose obsessionnelle tente de
refouler la motion hostile en renforçant la motion libidinale sous forme de forma-
tion réactionnelle
Freud (1909) observe dans les actes compulsionnels de L’homme aux rats deux
temps où le second annule le premier et où s’exprime le conflit de deux mouve-
ments opposés : l’amour et la haine. L’ambivalence des sentiments d’amour et de
haine envers la même personne est au cœur de la vie affective du sujet obsession-
nel et explique le « doute compulsif » :
« Le doute est au fond un doute de l’amour par la haine. »
Freud (1918) décrit les conditions d’apparition des symptômes obsessionnels
chez un enfant âgé de 4 ans et demi, L’homme aux loups. Freud rattache les mani-
festations obsessionnelles à un « combat d’ambivalence » entre deux motions
pulsionnelles contradictoires, d’amour et d’hostilité envers son père.
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100 • Repères en psychopathologie

Le Vocabulaire de la psychanalyse définit l’ambivalence comme « la présence


simultanée dans la relation à un même objet, de tendances, d’attitudes et de senti-
ments opposés, par excellence l’amour et la haine ». (Laplanche et Pontalis)

La régression
La libido confrontée au conflit œdipien régresse au stade anal. Les rapports
d’activité et de passivité et l’agressivité prédominent pendant le stade sadique anal.
La régression libidinale aboutit à une transformation des intentions érotiques en
intentions agressives et destructrices.
À partir de 1920, Freud donne un statut autonome aux pulsions destructrices et
élabore la seconde topique de l’appareil psychique. Le nouveau dualisme pulsion-
nel – Pulsions de vie – Pulsions de mort – incite Freud à une analyse différente de
la régression. Le sadisme n’est plus considéré comme une expression régressive de
l’amour mais comme une expression de la pulsion de mort.
« Quant à l’explication métapsychologique de la régression, je la cherche dans
une désintrication des pulsions c’est-à-dire dans le fait que les composantes
érotiques, qui étaient venues s’ajouter, avec le début de la phase génitale, aux inves-
tissements destructifs de la phase sadique, s’en voient séparées. »
Freud définit une autre forme de régression dans la névrose obsessionnelle, la
régression de l’acte à la pensée :
« Le processus même de la pensée est sexualisé. » (Freud, 1909)
« La satisfaction éprouvée en atteignant un résultat cogitatif est perçue comme
une satisfaction sexuelle. » (Freud, 1909)
Les remaniements topiques introduits en 1923 permettent à Freud de décrire le
dynamisme conflictuel de la névrose obsessionnelle :
– le Moi lutte contre le refoulé ;
– le Moi lutte contre le Ça qui exige satisfaction de façon de plus en plus impé-
rieuse. Le Ça cherche à fois à obtenir l’objet du désir et à le détruire ;
– le Moi lutte contre le Surmoi, cruel et intolérant. Le Surmoi devient plus rigide
et plus sadique vis-à-vis des pulsions sexuelles.
La névrose obsessionnelle éclate après la période de latence lorsque les motions
agressives de l’enfance sont réactivées. Les motions libidinales, à cause de la
régression sadique anale s’expriment sous la forme d’intentions agressives et
destructrices qui combattent des désirs érotiques déguisés. La lutte contre la sexua-
lité se poursuit sous la bannière de la moralité. Le Moi se dresse contre les
suggestions de cruauté et de violence envoyées à la conscience par le Ça et active
de puissantes formations réactionnelles. Dans la névrose obsessionnelle, « la culpa-
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 101

La névrose obsessionnelle • 101

bilité s’impose violemment au Conscient, domine le tableau clinique, ainsi que la


vie du malade, et ne laisse presque plus rien subsister à côté de lui ».
Selon B. Grunberger (1967), la régression à la phase sadique-anale est un facteur
explicatif de l’épidémiologie masculine de la pathologie obsessionnelle :
« La fille peut faire devant l’Œdipe la même régression mais le processus est
beaucoup moins utilisé par elle – on sait qu’il y a beaucoup moins d’obsédés femmes
que d’obsédés hommes – étant donné sa position positive par rapport au père dans
l’Œdipe… »

Les mécanismes de défense dans la névrose obsessionnelle


Le Moi se défend essentiellement par l’annulation, l’isolation, et les formations
réactionnelles.
– L’isolation consiste à détacher systématiquement une pensée, une action de
son contexte affectif réel ou de sa situation temporelle ou spatiale dans la vie du
sujet.
L’isolation est un véritable « cordon sanitaire », un « barrage flottant » entre l’af-
fect et la représentation. L’isolation permet une « mise à distance » de toute
proximité affective d’où la froideur caractéristique comportementale et émotion-
nelle du sujet obsessionnel.
– L’annulation est un mécanisme de défense où «…le sujet s’efforce de faire en
sorte que des pensées, des paroles, des gestes, des actes passés ne soient pas adve-
nus… » (Laplanche et Pontalis).
L’annulation rétroactive des sentiments, des pensées et des actes consiste à utili-
ser des paroles, des pensées et des comportements opposés à l’affect d’origine et
considérer que ces sentiments, ces pensées ou ces actes n’ont jamais eu lieu.
L’annulation est un processus actif qui « consiste à défaire ce qu’on a fait » (Freud).
– La notion de formation réactionnelle désigne l’attitude psychologique de sens
opposé à un désir refoulé en réaction contre celui-ci :
• la pudeur s’oppose à des tendances exhibitionnistes ;
• une tendance aux cadeaux peut être une formation réactionnelle à un goût
prononcé par l’économie ou l’épargne ;
• une certaine soumission s’oppose à une tendance à la rébellion contre l’au-
torité ;
• la sollicitude peut être une formation réactionnelle contre des représenta-
tions haineuses.
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102 • Repères en psychopathologie

« La timidité et la pudeur sont des formations réactionnelles, et comme telles,


elles constituent le renversement complet de tendances initiales exhibitionnistes. »
(A. Freud, 1946)

Conception kleinienne
M. Klein (1959) considère que la névrose obsessionnelle constitue une cicatri-
sation des angoisses orales de la position paranoïde. La névrose obsessionnelle
correspond à une sorte de guérison de la psychose qu’elle recouvre. Selon cette
perspective, les formations obsessionnelles ont une valeur positive : les symptômes
obsessionnels peuvent être des mécanismes de contention d’allure obsessionnelle
des psychoses et constituent une tentative pour faire face aux menaces de désorga-
nisation et de morcellement.
M. Bouvet (1953, 1956, 1960) développe une conception similaire selon
laquelle la névrose obsessionnelle permet au sujet d’échapper au devenir psycho-
tique. Bouvet synthétise cette position dans cette formule éloquente :
« Rester obsessionnel pour ne pas devenir psychotique. »
B. Grunberger (1965) décrit un éventail de névroses obsessionnelles qui fonc-
tionnent plus ou moins comme défense contre la psychose latente :
« Il existe toute une gamme de névroses obsessionnelles jusqu’aux formes
psychotiques les plus graves (...) nous avons affaire – et de plus en plus – à une
névrose asymptomatique que nous appelons “névrose de caractère”… cette carapace
caractérielle, qui fonctionne dans certains cas précisément dans le sens d’une défense
contre la psychose latente… »

Les traitements d’inspiration psychanalytique


– La cure analytique des sujets obsessionnels se heurte à la force des mécanis-
mes de défense et à la résistance au changement chez l’obsessionnel. Seul un noyau
hystérique assez fort permet un véritable engagement transférentiel.
– La psychothérapie analytique peut être préférée à la psychanalyse dans les
formes graves ouvertes sur la psychose.

Points de vue critiques


Kringlen E. (1965) a suivi des patients en thérapie d’inspiration psychanaly-
tique. Ses résultats montrent une efficacité très faible de la thérapie d’inspiration
psychanalytique. Parmi les patients obsessionnels suivis en thérapie psychanaly-
tique, 21 % s’améliorent au cours d’un intervalle allant de 13 à 20 ans alors que
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 103

La névrose obsessionnelle • 103

20 % des patients obsessionnels s’améliorent spontanément au cours d’un même


intervalle.
Cottraux (1998), thérapeute d’orientation cognitive et comportementale critique
sévèrement l’approche psychanalytique.
« D’abord instrument fécond et contestataire de recherche, la psychanalyse s’est
embourgeoisée au cours du siècle en un système théorique qui s’est refermé sur lui-
même pour devenir un catéchisme facile à populariser. Devant cette absence de
fondements expérimentaux et l’impasse thérapeutique, il était naturel de chercher
d’autres modèles explicatifs et d’autres pratiques. » (Cottraux, 1998)

IV. APPROCHE ATHÉORIQUE

À partir de 1980, les névroses sont ignorées et le Trouble obsessionnel compul-


sif ou TOC apparaît dans les classifications internationales.

Points de vue critiques


Lanteri Laura et Del Pistoia (1984) y voient la preuve de « l’ignorance légen-
daire des Américains en subtilités cliniques ».
Le Manuel diagnostique des troubles mentaux DSM IV décrit le Trouble obses-
sionnel compulsif et la personnalité obsessionnelle-compulsive.

Le Trouble obsessionnel compulsif (TOC)


Le diagnostic de Trouble obsessionnel compulsif requiert la présence des cinq
critères suivants :
1. Présence d’obsessions ou de compulsions.
2. Les obsessions ou les compulsions sont jugées excessives ou irraisonnées par
le sujet.
3. Les troubles entraînent un sentiment de détresse ou une perte de temps supé-
rieure à une heure par jour ou une perturbation des activités habituelles,
professionnelles ou sociales du sujet.
4. Le thème des obsessions n’est pas lié à un autre trouble psychique.
5. Le trouble n’est pas dû à une affection médicale ni à la consommation d’une
substance toxique.
(D’après DSM IV, Masson)
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104 • Repères en psychopathologie

Cottraux (1998) montre que les troubles obsessionnels compulsifs sont compa-
tibles avec la réussite sociale, professionnelle, intellectuelle puisque de nombreux
personnages célèbres ont souffert de ce trouble : les philosophes : Kant, Kierkegard ;
les écrivains : Dickens, Zola, Proust ; les musiciens : Rossini, Satie, Stravinski ; le
pianiste Glenn Gould ; le cinéaste : Woody Allen ; le chanteur : Michaël Jackson ; le
milliardaire américain : Howard Hughes, ayant servi de modèle au film La
Comtesse aux pieds nus où Ava Gardner joue le rôle de la maîtresse d’un magnat de
l’industrie cinématographique qui collectionnait les conquêtes parmi les stars holly-
woodiennes des années 1950-1970.

Épidémiologie
2 % à 3 % de la population souffriraient de Trouble obsessionnel compulsif.
Toutefois, les statistiques sont sous-évaluées dans la mesure où les sujets cachent
leurs troubles et consultent tardivement. Des centaines de personnes ont révélé,
pour la première fois souffrir de Trouble obsessionnel compulsif à Judith Rapoport
(1989) après la parution de son livre : Le garçon qui n’arrêtait pas de se laver.

La personnalité obsessionnelle compulsive


La personnalité obsessionnelle compulsive se caractérise par quatre manifesta-
tions parmi les suivantes :
– un souci excessif du détail ;
– un perfectionnisme entravant l’achèvement des tâches ;
– un zèle excessif au travail au détriment des loisirs et des relations amicales ;
– des scrupules et une rigidité en matière de valeurs éthiques et religieuses ;
– une incapacité à se séparer d’objets usés ;
– une réticence à déléguer ou à travailler en groupe ;
– une tendance à chercher à soumettre les autres à son point de vue ;
– une avarice ou une thésaurisation en vue d’hypothétiques catastrophes futures ;
– une rigidité ou un entêtement.
(D’après DSM IV, Masson)
Le majordome décrit dans Les vestiges du jour porté à l’écran par James
Ivory constitue un portrait saisissant de ce type de personnalité. Ce major-
dome stylé travaille dans un château anglais après la Première Guerre
mondiale. Il privilégie totalement ses responsabilités professionnelles et lui
sacrifie sa vie personnelle. C’est ainsi qu’il assure son service au lieu de se
rendre auprès de son père mourant et dédaigne la possibilité d’une relation
amoureuse à laquelle il s’intéressera trop tard.
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La névrose obsessionnelle • 105

La personnalité obsessionnelle compulsive ainsi décrite dans le DSM IV


regroupe la plupart des traits de caractère psychasthénique et anal mais l’associa-
tion des obsessions compulsions avec la personnalité obsessionnelle ne fait pas
l’unanimité. De nombreux travaux révèlent l’association des Troubles obsessifs
compulsifs avec une grande diversité de personnalité. Selon Cottraux (1998), le
Trouble obsessionnel compulsif est associé à onze types de personnalité. Ces
données, pour les thérapeutes d’orientation cognitivo-comportementale, infirment
la conception étiopathogénique psychanalytique selon laquelle la névrose obses-
sionnelle résulterait d’une fixation et d’une régression anale et invalident
l’hypothèse d’un caractère anal composé de tendances agressives refoulées et de
formations réactionnelles contre ces tendances.

Points de vue critiques


La critique majeure exprimée à l’encontre des auteurs du DSM porte sur l’im-
portance accordée à l’analyse sémiologique qui se limite à l’objectivisation des
troubles obsessifs compulsifs sans s’intéresser au sens, à la signification, aux fonc-
tions du trouble ni aux structures qui le déterminent.
« Ces différentes approches – psychiatrie biologique et comportementalisme –
laissent incroyablement vide la question du sens du symptôme au regard de l’histoire
d’un sujet. (….) La catégorie des Troubles obsessionnels compulsifs qui la remplace
ne permet pour autant aucune compréhension de ces phénomènes. » (G. Pirlot)
« Les “TOC” seraient-ils comme leur nom le laisse comiquement entendre, le
symptôme obsessionnel et anomique de la “pensée” comportementalo-biologique
psychiatrique actuelle ? Dans ce monde psychiatrique de plus en plus soumis aux lois
de la “gestion” économico-déshumanisée des pouvoirs administratifs, l’efficacité
chimique et technologique va-t-elle à ce point supplanter l’“efficacité symbo-
lique”…» (G. Pirlot)
Certains auteurs refusent de considérer le TOC comme un trouble anxieux
comme le proclame cet article intitulé « Le Trouble obsessionnel compulsif n’est
pas un Trouble anxieux » (Nelson & Chouinard, 1995)
« Il apparaît maintenant évident que le TOC doit être séparé des troubles
anxieux… Le classement du trouble obsessionnel compulsif dans les troubles
anxieux sous-estime l’importance des troubles de la pensée et du comportement dans
le TOC comparativement à l’anxiété qui n’est qu’un état d’attente et de vigilance.
L’anxiété dans le TOC apparaît secondaire aux troubles de la pensée et du compor-
tement. »
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106 • Repères en psychopathologie

V. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE

Selon l’approche comportementale classique, les rituels obsessionnels résultent


d’un trouble de l’habituation et motivent le recours aux techniques d’exposition et
à la technique de désensibilisation systématique de Wolpe. L’exposition aux situa-
tions génératrices d’obsessions et de rituels améliore 50 à 78 % des patients traités
selon les études. Toutefois, le modèle comportemental est apparu incapable de
rendre compte de la complexité des phénomènes obsessionnels et s’est enrichi de
l’approche cognitive.
Selon l’approche cognitive, le sujet obsessionnel présente une perturbation
spécifique du traitement de l’information. Les interprétations cognitives des obses-
sions et des compulsions mettent l’accent sur les postulats et les croyances
développées par le sujet. Les thérapeutes d’orientation cognitive distinguent quatre
niveaux différents dans l’analyse des obsessions compulsions :
– Le sujet souffrant d’obsessions ou de compulsions a des pensées intrusives
déplaisantes, non souhaitées, répétitives qui sont des phénomènes normaux
vécus par chacun d’entre nous mais qui, chez le sujet obsessionnel, sont l’objet
d’une interprétation particulière. Ces intrusions sont interprétées comme une
indication de responsabilité : le sujet est convaincu qu’il a la responsabilité d’un
tort causé à autrui.
– La pensée intrusive obsédante active des schémas de danger présents dans
la mémoire à long terme. Ces schémas attribuent un sens de danger et d’alerte à
la pensée obsédante normale ou banale. Ces schémas accréditent la pensée
obsédante banale au lieu de la rejeter comme chez les sujets normaux. Il en
résulte une pénibilité émotionnelle, une dysphorie anxieuse, une souffrance que
le rituel tente d’atténuer. Ce rituel confirme que l’obsession représente un
danger réel contre lequel il faut lutter. Un terrible cercle vicieux débute. Le
modèle cognitif de Salkovskis (1985) du Trouble Obsessionnel Compulsif
postule que la responsabilité serait le schéma qui déclencherait l’obsession
pathologique. La responsabilité se différencie de la culpabilité du sujet dépres-
sif qui surestime sa responsabilité dans les éléments négatifs du passé. La
responsabilité est définie comme « la croyance qu’on a le pouvoir-clé de
produire ou d’empêcher subjectivement des conséquences négatives cruciales,
ces conséquences pouvant se manifester dans le monde réel, ou se situer à un
niveau moral » (Salkovskis, 1999). Le schéma de responsabilité énonce des
injonctions comme celles-ci : « on doit toujours être vigilant par rapport aux
dangers que l’on peut soi-même provoquer, sinon, on est responsable. Tout
danger doit être contrôlé. »
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La névrose obsessionnelle • 107

Les interprétations des intrusions en termes de responsabilité entraînent :


• une augmentation de l’anxiété et de l’état dépressif ;
• une focalisation de l’attention accrue sur les intrusions ;
• des tentatives actives contre-productives visant à réduire les intrusions ou
à alléger la responsabilité d’où les réponses de neutralisation comportementale
ou cognitive que représentent les compulsions ;
• la recherche de réassurance afin de partager la responsabilité,
• des tentatives individuelles incessantes pour se débarrasser de ces pensées.
– Les schémas cognitifs de culpabilité et de responsabilité automatiques
fonctionnant de manière non consciente aboutissent à une interprétation néga-
tive de toutes les pensées intrusives. Le sujet développe différents systèmes de
neutralisation tels que des actes mentaux (compter, réciter) ou des actes moteurs
destinés à annuler la culpabilité (lavage, nettoyage) ou destinés à transférer la
responsabilité sur d’autres (demande de réassurance). Une pensée automatique
acceptable par le sujet tente de neutraliser l’angoisse déclenchée par la pensée
intrusive. La lutte entre la pensée intrusive inacceptable et la pensée automa-
tique neutralisante constitue l’obsession.
– Le rituel est un comportement qui vise à neutraliser l’angoisse et le senti-
ment de culpabilité. Paradoxalement, c’est la solution obsessionnelle qui devient
le problème. Les réponses de neutralisation ne réussissent pas à réduire l’anxiété
mais augmentent les préoccupations entraînant le sujet dans une spirale de
pensées intrusives et de réactions ritualisées inadaptées.
Selon l’approche cognitive, les personnes seraient prédisposées à effectuer des
évaluations particulières sous forme de croyances ou de postulats appris dès l’en-
fance ou formés à la suite d’événements inhabituels ou extrêmes. Les postulats
cognitifs caractéristiques chez les sujets obsessionnels énoncent par exemple les
croyances suivantes :
– penser à une action c’est la réaliser (fusion de la pensée et de l’action) ;
– les pensées peuvent influencer le monde extérieur (omnipotence des pensées).
Certains postulats sont associés à certains symptômes obsessionnels ou compul-
sionnels spécifiques :
– un sens aigu de la responsabilité est souvent associé aux symptômes de lavage
et de vérification ;
– un sens excessif de l’influence personnelle est souvent associé à la pensée
superstitieuse.
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108 • Repères en psychopathologie

La notion d’inflation de la responsabilité comme élément causal du Trouble


obsessionnel compulsif n’est pas partagée par la communauté thérapeutique cogni-
tivo-comportementale. Sauteraud (1998) considère que la responsabilité qui
concerne les dangers (scandale, contamination, erreur et catastrophe) que le sujet
pourrait provoquer ou prévenir concerne plus la description clinique que l’étiologie
du trouble.
Cottraux (1995) a proposé un nouveau modèle cognitif des obsessions compul-
sions qui repose sur les notions d’impulsivité perçue et de compulsivité
compensatoire. Un traitement erroné de l’information entraîne le sujet à apprécier
négativement ses capacités à résister à des pensées ou à des impulsions antisociales
banales. Le sujet lutte contre ses intrusions mentales par des neutralisations menta-
les ou motrices. La compulsion résulte du doute, de l’incertitude sur l’autocontrôle
et la peur de mettre en actes la pensée impulsive. Les patients obsessionnels doutent
de leur capacité à se maîtriser et à résister au passage à l’acte antisocial (impulsi-
vité) ce qui déclenche l’hypercontrôle (compulsivité). Ils corrigent leur impulsivité
par une compulsivité altruiste (pensée et actes de neutralisation). Selon Cottraux, le
rétablissement de l’autocontrôle perçu est l’un des effets des traitements cognitivo-
comportementaux. Cette nouvelle élaboration du Trouble obsessionnel compulsif
montre le cheminement dynamique dans lequel se positionnent les thérapeutes
d’orientation cognitivo-comportementale et confirme la complexité de la patholo-
gie obsessionnelle.
La thérapie cognitive vise à :
– apprendre aux sujets à observer leurs propres cognitions, émotions et solu-
tions. Les sujets sont incités à utiliser des fiches d’auto-enregistrement des
pensées, des émotions et des situations ;
– aider le sujet à mettre en question ses systèmes irrationnels de pensée. Des
techniques de questionnement et de recherche de pensées alternatives, diver-
gentes sont apprises aux sujets ;
– proposer au sujet des tâches d’exposition et de prévention de la réponse ritua-
lisée.
De nombreuses études concluent que la thérapie cognitivo-comportementale
associée à un traitement médicamenteux se révèle le traitement le plus bénéfique
(Jenike, 1993). L’exposition et les techniques de prévention de la réponse ritualisée
donnent des résultats satisfaisants chez 50 à 80 % des patients (Cottraux, 1989 ;
Fals, Lucente et Shafer, 1993) et le traitement se montre efficace à long terme (3 à
6 ans selon Cottraux, 1989).
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La névrose obsessionnelle • 109

Points de vue critiques


Malatesta (1995) met en garde les cliniciens contre l’aspect séduisant des théra-
pies comportementales sans considération pour l’étiologie du trouble obsessionnel
et contre la tentation de faire abstraction d’informations complexes fondamentales
et de procéder à un traitement exclusif des obsessions et des compulsions.
Les techniques d’exposition et les techniques de prévention de la réponse ritua-
lisée sont limitées car elles agissent surtout sur les rituels et les compulsions et n’ont
qu’un effet secondaire sur les obsessions (Baer, 1993).

VI. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 : Parmi les éléments suivants, indiquez ceux qui caractérisent l’idée
obsessionnelle
1. Récurrente 5. Non accompagnée de doute
2. Répétitive 6. Source d’anxiété et d’une lutte vaine
3. Irrépressible 7. Volontaire
4. Absurde selon le sujet

Question 2 / L’astasie-abasie est un élément diagnostique


1. d’un Trouble obsessionnel compulsif
2. d’une phobie sociale
3. d’hystérie de conversion
4. d’hystérie d’angoisse

Question 3 / Le caractère obsessionnel comporte les traits suivants :


1. Perfectionnisme 5. Mythomanie
2. Parcimonie 6. Nymphomanie
3. Évitement 7. Séduction retrait
4. Méticulosité

Question 4 / Nicolas ne peut s’empêcher de compter tout ce qu’il voit : il compte


les pavés, les fenêtres, les portes, les feux clignotants, etc. Il s’agit d’une
………………………………?
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110 • Repères en psychopathologie

Question 5 / S’interroger de manière obsédante sur le sens exact de certains mots


au point de ne pas pouvoir finir la rédaction d’un rapport ou d’une dissertation est
appelé une …………………………………. ?

Question 6 / L’incapacité de pouvoir toucher un crayon de papier, un stylo, tout


objet servant à écrire dont la seule vue déclenche une anxiété intense est une
………………………….……… ?

Question 7 /
Mme L., 29 ans, a peur de blesser sa fille de 3 ans. Sa peur a commencé alors
qu’elle utilisait une paire de ciseaux pour coudre. La peur s’est ensuite généralisée
aux couteaux de cuisine puis à tous les objets coupant. Mme L. n’a jamais osé parler
de ces peurs à son mari car elle les juge inadmissibles. Elle craint surtout de perdre
le contrôle d’elle-même quand elle est seule avec sa fille. Mme L. a toujours été très
anxieuse pour la santé de ses enfants. Lorsque ses enfants étaient petits, elle devait
aller vérifier plusieurs fois dans la nuit s’ils respiraient bien. À la moindre grippe
ou infection, elle entrevoyait les conséquences les plus dramatiques. Elle n’eut
jamais la peur de blesser sa fille aînée comme elle l’éprouve aujourd’hui. Le trai-
tement cognitivo-comportemental des peurs vis-à-vis de sa fille recourt aux
techniques d’exposition. L’exposition a d’abord lieu en imagination puis in vivo.
Douze séances et un suivi de six mois ont permis la disparition des peurs.
Cet extrait décrit
1. Une phobie simple
2. Une phobie d’impulsion
3. Une obsession idéative
4. Une nosophobie

Question 8 / Jacques, 35 ans, n’a pas pu prendre le train pour se rendre à un


congrès. Il est monté dans le train puis a commencé à étouffer et est rentré à son
domicile. Depuis trois ans, il a cessé de conduire car, un vendredi soir en rentrant
de son travail, il eut une peur panique de mourir d’un arrêt cardiaque. Sa peur de
conduire n’est soulagée ni par les anxiolytiques en permanence dans sa poche ni
par les raisonnements qu’il se tient. Il se déplace de plus en plus souvent accom-
pagné par sa femme.
Qualifiez et décrivez les conduites adoptées par Jacques ?
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La névrose obsessionnelle • 111

Question 9 /
Un patient paie toujours son psychanalyste avec des billets neufs. Le psychana-
lyste dit à son patient : « qu’on pouvait reconnaître le fonctionnaire aux billets neufs
qu’il recevait de la caisse de l’État » ; le patient répond que « ces billets n’étaient
nullement neufs, qu’il les faisait repasser à la maison. Car il se serait fait scrupule
de donner à qui que ce fut des billets sales, couverts de microbes. »
Par ailleurs, cet homme n’hésitait pas à abuser les jeunes filles de bonne
famille. Il allait dans les familles bourgeoises, se faisait l’ami de tous les membres
de la famille, plus particulièrement de la jeune fille qu‘il invitait à se promener dans
la campagne et manquait volontairement le dernier train. Il prenait deux chambres
à l’hôtel puis venait dans la chambre de la jeune fille pour la masturber. Le psycha-
nalyste fait part de son étonnement à son patient en lui demandant comment
« quelqu’un qui a si peur de se salir les mains, si on peut dire, dans un acte pour le
moins un peu curieux, soit en même temps quelqu’un de si scrupuleux pour les
billets ». La remarque suivante du psychanalyste : « ne craignez-vous pas de lui
nuire en touchant ses organes avec des mains sales » déclenche une réaction de
colère chez le patient qui s’offusque et répond au psychanalyste : « Nuire ! mais
comment cela peut-il lui nuire,...»
Quels sont les mécanismes de défense évoqués par le psychanalyste dans cette
observation ? Quel est le nom du psychanalyste ? Qui est le patient décrit dans cette
observation ?

Question 10 / Un patient, « ingénieur, qui se disait très cartésien », était très


préoccupé : il se demandait si la terre était ronde, si elle tournait et si elle était
instable. Le début du bulletin météo était une « horreur » particulièrement au
moment où la terre apparaît seule dans l’espace : « je ne m’y fais pas » disait-il.
« Cette horreur du non stable en lui, perçue dans la photo de la terre » émerge au
cours du travail thérapeutique lié à sa mère dépressive après sa naissance qui n’a
offert qu’un « mauvais étayage et un mauvais holding ». « La terre-mère en lui, par
son instabilité, n’assurait pas la stabilité de son Cogito trop cartésien. » G. Pirlot
postule un défaut dans l’étayage et dans le holding provenant de la mère et des
parents : « on peut se demander ici dans quelle mesure la formule obsédante ou le
rituel ne sont pas des supplétifs à ces défauts d’étayage qui génèrent tant de patho-
logies de faux self ».
Quelles sont les préoccupations de ce patient ? Définissez les notions de « holding »,
« étayage » et « faux-self ».
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112 • Repères en psychopathologie

Question 11 /
Marie est une jeune femme de 30 ans qui consulte un thérapeute au mois de juin
pour une peur d’être contaminée qu’elle juge absurde. Marie porte des vêtements
d’hiver de lycéenne d’une institution privée. Elle est assise très droite au bord du
fauteuil, le dos très éloigné du dossier. Marie est comptable dans une petite entre-
prise ; elle est mariée avec un ingénieur en informatique et mère d’un petit garçon
de 2 ans. Elle est en arrêt de travail depuis 6 mois.
Marie évite tout contact avec toute personne ou tout objet susceptible de la
contaminer. Elle craint la contamination lorsqu’elle serre la main à quelqu’un ou
lorsqu’elle manipule des objets. Elle ne peut plus toucher de l’argent à main nue,
car les pièces sont passées entre des mains d’inconnus dont certains étaient
malades. Cette peur l’oblige à porter des gants pour sortir. Elle ne peut plus ouvrir
le courrier puisque les enveloppes ont pu être touchées par des malades. Elle a lu
toute la littérature sur le HIV. Elle est consciente que ses comportements sont
absurdes mais elle se dit « qu’on ne sait pas tout aujourd’hui sur la contamination »
et que « les scientifiques découvrent de nouveaux virus tous les jours ». Elle évite de
plus en plus les contacts sociaux. Selon Marie, son trouble a débuté lorsqu’elle était
dans la maison de campagne de ses parents et qu’elle vit un voisin allongé sur une
chaise longue. Cet homme semblait malade. Marie pensa que le vent pouvait
transporter les microbes. Elle courut vite se réfugier à l’intérieur de la maison. Au
retour de ses vacances, elle apprit que dans son immeuble un voisin était décédé.
Depuis, elle ne rentre plus dans son immeuble par la porte d’entrée et passe par le
parking que le voisin n’empruntait pas puisqu’il ne conduisait pas. Elle ne prend
plus l’ascenseur pour ne pas devoir toucher les boutons indiquant les étages.
Marie, au cours de la seconde séance de thérapie établit avec le thérapeute une
liste de dix contraintes qu’elle s’impose : sortir avec des gants – éviter toute
personne qui lui semble à risque – éviter les pharmacies, lieux fréquentés par des
personnes malades etc. Le thérapeute lui demande d’imaginer qu’elle touche un
objet jusqu’à ce que l’anxiété diminue de moitié. Puis, le thérapeute lui demande
de toucher vraiment l’objet sans gant.
Quel trouble est diagnostiqué par le thérapeute selon le DSM IV ? Indiquez les critè-
res diagnostiques de ce trouble. Quelles techniques utilise le thérapeute ?
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• C h a p i t r e 6 •

LES PSYCHOSES

Il « n’y a pas “la” psychose » mais « “des” psychoses ». (J.D. Nasio)


La psychose comme entité unique n’existe pas car les formes cliniques de la
psychose sont multiples.
Le terme de psychose a été créé en 1844 par Ernst Feuchtersleben (1806-1849),
médecin viennois qui distinguait la maladie de l’âme ou psychose et l’affection du
système nerveux ou névrose.
L’école française a toujours maintenu l’individualité nosologique des psychoses
délirantes chroniques à côté du groupe des schizophrénies. À l’inverse, les écoles
allemandes et anglo-saxonnes défendent une conception extensive de la schizo-
phrénie qui intègre tous les délires chroniques à l’exception des délires
paranoïaques bien systématisés, sans production hallucinatoire.

I. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

Pour les psychanalystes, les fonctionnements psychotiques sont caractérisés par


une perturbation de la relation à la réalité. Le sujet psychotique « perd toute fami-
liarité avec le réel » (Racamier, 1983).
Les « expériences psychotiques, (...) consistent dans un vécu d’évanouissement
du Je, de syncope ou de lipothymie du sentiment du Moi, se traduisant par une
impression, non dépourvue d’angoisse, d’étrangeté indicible, de vacillation, de chute
ou d’éclipse, et de confusion ou tout au contraire de contact extrême et cru : une ultra
dépersonnalisation momentanée, c’est-à-dire une dépersonnation ». (...) «À l’origine
de ces expériences : une modification massive et soudaine du régime général des
investissements ; un désinvestissement d’objets, dira-t-on à la suite de Freud… »
(Racamier, 1983)

Psychose et délire
Dans certaines psychoses, le délire occupe une place centrale mais le délire ne
se confond pas avec la notion de psychose car il existe des psychoses sans délire.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 114

114 • Repères en psychopathologie

D’un point de vue psychanalytique, les divers symptômes psychotiques dont les
délires sont des tentatives pour reconstruire un lien avec la réalité. Ce lien recréé,
certes pathologique, est néanmoins indispensable pour le sujet. À travers le délire,
le sujet réinvestit les objets.
« Les activités délirantes, interprétatives et hallucinatoires représentent autant de
modalités proprement psychotiques de restitution des rapports objectaux. » (Bouvet
et Viderman, 1958)

Les mécanismes psychotiques du Moi


Le psychotique utilise de manière excessive certains moyens de fonctionnement
défensifs tels que la projection, l’identification projective, le clivage, la dénégation
et certains moyens de défense névrotiques comme l’isolation, l’annulation.

La projection
La projection n’est pas pathologique en elle-même mais le devient quand le sujet
l’utilise avec excès et de manière systématique.
La projection à l’œuvre dans les psychoses persécutives et la paranoïa désigne
l’opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans l’autre, des senti-
ments, des désirs qu’il méconnaît ou refuse en lui. La projection consiste à attribuer
à autrui un mouvement pulsionnel dont le Moi ne peut accepter d’être le sujet.
« Une projection est d’abord une extrajection. » (...) Les mécanismes psycho-
tiques procèdent à « l’éjection de quelque part active de la psyché : cette éjection est
hémorragique en phase aiguë ». (Racamier, 1983)
La projection sert au psychotique à tenter de se débarrasser :
– de son agressivité : « ce n’est pas moi, c’est lui » ;
– de ses tendances destructrices : « ce n’est pas moi, ce sont les circonstan-
ces, les autres ».
La projection peut concerner des sentiments aussi différents que :
– la haine : « je le hais, il me hait » ;
– l’amour : « il m’aime ou elle m’aime » (érotomanie) ;
– la jalousie : « il s’intéresse à quelqu’un d’autre ».
Freud définit la projection dès 1896 dans Nouvelles Remarques sur les psycho-
névroses de défense et rappelle dans Instincts et vicissitudes (1915) que sous
l’influence du principe de plaisir, le Moi rejette sur le monde extérieur tout ce qui à
l’intérieur de soi-même suscite le déplaisir. La projection intervient dans certaines
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 115

Les psychoses • 115

névroses et se différencie de la projection psychotique car, dans la névrose, elle est


secondaire au refoulement. Dans la phobie, le sujet refuse de voir que l’angoisse
vient de ses conflits, il la projette sur une situation extérieure. Le petit Hans ne veut
pas reconnaître son agressivité vis-à-vis de son père parce que ce serait reconnaître
son attachement à l’égard de sa mère ; Hans se sent menacé par des chevaux qu’il
fuit pour être rassuré et protégé du conflit œdipien. Cette dimension projective de
la phobie est le type même de la projection secondaire et névrotique où le refoule-
ment du conflit et le déplacement de l’objet d’angoisse à l’extérieur sont
caractéristiques du tableau clinique de la névrose phobique.

Le déni
Le déni désigne le mode de défense qui consiste en un refus par le sujet de
reconnaître la réalité d’une perception traumatisante.
Le déni « est banal chez l’enfant » : l’enfant angoissé devant la différence des
sexes la nie alors qu’il a pu la constater en voyant d’autres enfants.
Freud considère que le déni de la réalité est l’équivalent psychotique du refou-
lement névrotique. Dans les deux pathologies, les mécanismes de défense ont
échoué. Toutefois, la réalité niée dans la névrose est interne tandis que la réalité niée
dans la psychose est extérieure et non une réalité psychique (pensée, représenta-
tion).
« De même qu’il n’y a pas de névrose sans échec du refoulement, il n’y a pas de
psychose sans échec du déni ; que le déni “réussisse”, et c’est la perversion. » (Freud,
1927)
Dans « le fétichisme » (1927), Freud donne un exemple du déni de la réalité. Le
sujet fétichiste se comporte à la fois comme s’il avait conscience de la différence
des sexes et comme s’il n’en avait pas conscience. Le sujet fétichiste nie la femme
en tant que femme tout en aimant une femme possédant un pénis-phallus sous une
forme déguisée (le fétiche). Dans le fétichisme, un clivage dans le Moi permet que
les deux positions coexistent.
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116 • Repères en psychopathologie

Le clivage
Le clivage désigne le clivage du Moi ou le clivage de l’objet.
Le clivage est « l’action de séparation, de division du Moi (clivage du Moi) – ou
de l’objet (clivage de l’objet) sous l’influence angoissante d’une menace, de façon à
faire coexister les deux parties ainsi séparées qui se méconnaissent sans formation de
compromis possible ». (Ionescu, 1997)
Freud conceptualise la notion de clivage du Moi défini comme un processus par
lequel le Moi peut se scinder en deux pour faire face à une réalité dangereuse.
Pour Freud, le Moi dans la psychose se clive en deux parties : « l’une rejetée et
perdue comme un lambeau détaché, l’autre qui hallucine ce lambeau comme une
nouvelle réalité ». Lorsqu’un sujet entend des hallucinations auditives, les voix hallu-
cinées sont un « morceau en errance de son Moi ».
Dans l’Abrégé de psychanalyse, Freud applique ce mécanisme de défense à la
psychose où coexistent deux attitudes psychiques :
« La psychose représente une forme de clivage psychique où existent deux attitu-
des psychiques : l’une, la plus faible, tient compte de la réalité alors que l’autre, sous
l’influence des pulsions détache le Moi de cette dernière. Les deux attitudes coexis-
tent(...) Le Moi ne se détache jamais totalement de la réalité dans la psychose. »
(Freud, 1938)
M. Klein élabore une autre modalité du clivage qu’elle nomme clivage de l’ob-
jet. Le clivage de l’objet est considéré comme la défense la plus primitive contre
l’angoisse. Selon M. Klein, le premier objet, le sein maternel est scindé en un
« bon » et un « mauvais » objet. Le « bon objet », source de gratifications est gardé à
l’intérieur tandis que le « mauvais objet », source de frustration est projeté à l’exté-
rieur. Le clivage de l’objet est particulièrement à l’œuvre dans la position
paranoïde-schizoïde où le clivage porte sur des objets partiels tandis que, dans la
position dépressive, le clivage porte sur l’objet total.
Le clivage des objets s’accompagne d’un clivage corrélatif du Moi en « bon »
Moi et « mauvais » Moi.
La conception kleinienne se singularise par l’affirmation selon laquelle il exis-
terait, dès la naissance, un Moi capable d’établir des relations primitives d’objet,
d’éprouver de l’angoisse et d’employer des mécanismes de défense. Cette position
n’est pas partagée par tous les psychanalystes.

L’introjection
« Le sujet fait passer, sur un mode fantasmatique, du “dehors” au “dedans” des
objets et des qualités inhérentes à ces objets. » (Laplanche et Pontalis)
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Les psychoses • 117

L’introjection est un mécanisme de défense introduit par Ferenczi (1909).


L’introjection est le moyen par lequel les intérêts de l’enfant s’élargissent : l’enfant
introjecte une quantité d’environnement de plus en plus grande au cours de son
développement. L’introjection chez l’adulte est un mécanisme qui consiste à absor-
ber le plus possible d’éléments environnants dans un but défensif et régressif.
« L’homme ne peut aimer que lui-même ; aime-t-il un objet, il l’absorbe. »
« Tandis que le paranoïaque expulse de son Moi les tendances devenues déplai-
santes(...). On peut donc donner à ce processus, en contraste avec la projection, le
nom d’introjection. »
Freud (1915) reprend le terme d’introjection dans Pulsions et destins des
pulsions pour illustrer comment les objets en tant que source de plaisir sont incor-
porés dans le Moi, contrairement aux objets sources de déplaisir qui sont distanciés
du Moi. Freud oppose le Moi et le monde extérieur en symétrie avec l’opposition
plaisir/déplaisir.
Freud (1917) décrit l’introjection comme un mécanisme de défense dans Deuil
et mélancolie. Le sujet endeuillé pallie l’absence de l’objet par une présence intro-
jectée. L’introjection dans la mélancolie consiste en un retrait de la libido attachée
à un objet d’amour perdu ou décevant. Cette libido introjectée sert à établir une
identification du Moi avec l’objet absent mais « l’ombre de l’objet » tombant « ainsi
sur le Moi » plonge le sujet dans la mélancolie.
M. Klein a décrit les allers et retours fantasmatiques des « bons » et des
« mauvais » objets (introjection, projection). Les psychanalystes kleiniens décrivent
un jeu d’interactions constantes entre les mouvements projectifs et introjectifs
maintenant de bonnes relations objectales, vitales pour l’enfant.
L’introjection est à différencier de l’incorporation. En psychanalyse, la limite
corporelle est le prototype de toute séparation entre un intérieur et un extérieur.
L’incorporation est le prototype corporel de l’introjection. Le terme d’introjection
est plus large que celui d’incorporation car, dans l’introjection, est concerné l’inté-
rieur de l’appareil psychique ou d’une instance et non l’intérieur du corps.

L’identification projective
L’identification projective est une notion découverte par Mélanie Klein (1946)
et développée par ses élèves (H. Segal ; W. Bion, H. Rosenfeld).
M. Klein, en 1946, désigne par identification projective « une forme particulière
d’identification qui établit le prototype d’une relation d’objet agressive ».
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118 • Repères en psychopathologie

« L’identification projective, en relation étroite avec la position para-


noïde-schizoïde consiste en une projection fantasmatique à l’intérieur du
corps maternel de parties clivées de l’enfant voire la totalité de sa personne
afin de contrôler la mère à l’intérieur ou lui nuire.
L’identification projective désigne un mécanisme qui se traduit par des
fantasmes, où le sujet introduit sa propre personnalité en totalité ou en partie
à l’intérieur de l’objet pour lui nuire, le posséder et le contrôler. Ce fantasme
est à l’origine d’angoisses comme celle d’être emprisonné à l’intérieur du
corps maternel etc. »
Ces modalités défensives se traduisent sur le plan clinique par certains signes
cliniques caractéristiques du fonctionnement psychotique : des troubles des asso-
ciations et du cours de la pensée : le discours est entrecoupé de silences ; le sujet
énonce des convictions délirantes et éprouve une difficulté importante dans les
contacts sociaux.
Racamier (1983) illustre métaphoriquement le mécanisme d’identifica-
tion projective dans la schizophrénie à l’aide de cette formule éclairante :
« Le Moi schizophrénique » « met ses œufs dans le nid des autres ».
Cet auteur préfère la notion « d’injection projection » à celle d’identifica-
tion projective. Pour lui, le terme d’injection rend mieux compte du rejet de
l’intolérable « en urgence », « d’une seule traite et en version originale, direc-
tement et à proximité ».

Approche psychanalytique des manifestations psychotiques


Les manifestations psychotiques telles que le délire ou l’hallucination sont les
conséquences dérivées d’une lutte engagée par le Moi pour se défendre contre une
douleur insupportable. Cette lutte comporte plusieurs temps :
– Un surinvestissement par le Moi d’une représentation psychique, hypertro-
phiée et incompatible avec les autres représentations.
– Un rejet hors du Moi de la représentation inconciliable : le Moi expulse au
dehors l’idée devenue intolérable parce qu’elle est trop investie :
« Le Moi s’arrache à la représentation inconciliable, mais, celle-ci est
inséparablement attachée à un fragment de la réalité si bien que le Moi,
accomplissant cette action, s’est séparé aussi, en totalité ou en partie, de la
réalité. » (Freud, 1894)
– Un retrait de tout investissement et la constitution dans le Moi d’une
« tache aveugle ».
Freud insiste dans l’analyse des Mémoires de Schreber sur le retrait de l’in-
vestissement libidinal du monde extérieur.
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Les psychoses • 119

Freud met l’accent sur la fixation narcissique qui, liée au retour de la libido
sur le Moi, donne lieu à l’amplification sans limite du Moi dont le délire
mégalomaniaque en est l’illustration clinique. Le Moi est sans considération
pour la réalité extérieure, sans considération pour l’autre.
– Un déni de la réalité correspondante et la substitution de la réalité perdue
par une autre réalité, intérieure et extérieure, sous la forme de délire ou d’hallu-
cination. La psychose dispose de forces de réorganisation pour tenter de
retrouver un monde et un Moi, par exemple, à travers le délire. Pour Freud, le
Moi de la psychose se clive en deux parties : l’une rejetée et perdue comme un
« lambeau détaché », l’autre qui hallucine ce « lambeau » comme une nouvelle
réalité. La désorganisation psychotique apparaît comme une parade face à l’an-
goisse intolérable ; le Moi étant le lieu de l’angoisse, il faut se débarrasser du
Moi.

La nature et le lieu des fixations dans la psychose


Les fixations du psychotique sont massivement prégénitales. Les investisse-
ments des objets sont caractérisés dans la psychose par une fusion (indifférenciation
Moi/autrui) ou des clivages.
Au cours du développement, la phase où autrui est reconnu comme existant
indépendamment du sujet s’est déroulée de manière problématique. Les premières
altérations significatives de la personnalité eurent lieu au moment de l’auto-
érotisme primitif et du narcissisme primaire.
Dans la perspective de M. Klein, les altérations essentielles se situent durant la
phase schizo-paranoïde, période de développement précoce où le Moi n’est pas
encore individualisé, où le soi n’est pas différencié du non soi, où les limites entre
l’intérieur et l’extérieur ne sont pas établies, où l’objet n’existe pas pour lui-même
mais comme source de satisfaction ou d’insatisfaction, donc comme « bon » objet
ou « mauvais » objet.

II. APPROCHE ATHÉORIQUE : DE LA PSYCHOSE AUX TROUBLES PSYCHOTIQUES

Les classifications internationales parlent de troubles psychotiques, décrits


comme un ensemble de symptômes différemment associés selon les troubles.
Le DSM IV comporte un chapitre intitulé Schizophrénie et autres troubles
psychotiques où sont décrits les troubles suivants : – la schizophrénie – le Trouble
schizo-affectif – le Trouble délirant – le Trouble psychotique bref – le Trouble
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120 • Repères en psychopathologie

psychotique partagé (folie à deux) – le Trouble psychotique induit par une affection
médicale – le Trouble psychotique induit par une substance – le Trouble psycho-
tique non spécifié.
La dimension psychotique équivaut à l’aspect délirant dans la description du
Trouble délirant dont le diagnostic repose sur la présence d’« idées délirantes non
bizarres ». Dans la description des autres troubles intégrés au chapitre
Schizophrénie et autres Troubles psychotiques, le terme psychotique se réfère à des
idées délirantes, des hallucinations, un discours désorganisé, un comportement
désorganisé ou catatonique (schizophrénie, Trouble schizophréniforme, Trouble
schizo-affectif et Trouble psychotique bref).
La définition du Trouble psychotique est limitée à l’existence d’idées délirantes
ou d’hallucinations, à l’exception du type désorganisé de schizophrénie dont les
caractéristiques essentielles sont une désorganisation du discours et du comporte-
ment et un affect abrasé ou inapproprié.
La perte des limites du Moi et l’altération marquée de l’appréhension de la
réalité qui rendent compte d’une perturbation importante de la personnalité tant
dans la perception de l’identité que dans le rapport à l’environnement externe sont
inexistantes dans l’approche athéorique.
La CIM 10 se démarque sur quelques points du DSM IV en se rapprochant
davantage de la nosographie traditionnelle française :
– elle maintient la schizophrénie simple ;
– elle distingue dans les troubles psychotiques aigus et transitoires une catégo-
rie reprenant la description des bouffées délirantes ;
– elle n’introduit pas les troubles schizophréniformes.

III. APPROCHE COGNITIVE

Les sujets souffrant de troubles psychotiques organisent leurs croyances en


schémas cognitifs dysfonctionnels caractéristiques dont le contenu est inspiré par
une méfiance dans le domaine relationnel. Ces schémas cognitifs dysfonctionnels
reflètent une perturbation grave dans le développement de l’attachement qui a été
insécurisant.
Les croyances des sujets énoncent des postulats selon lesquels :
– « le monde n’est pas fait pour eux » ;
– « ils n’y ont aucune place ».
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Les psychoses • 121

Les thèmes les plus fréquents véhiculent les croyances catégoriques et dogma-
tiques selon lesquelles :
– « le monde est dangereux » ;
– « on est toujours seul au monde » ;
– « on ne peut se fier à personne, parce que l’on se fait toujours avoir » ;
– « il faut éviter les relations intimes parce qu’elles sont dangereuses ».
Ces règles peuvent être idiosyncrasiques chez certaines personnalités schizoty-
piques et produire les croyances délirantes proclamant la « possession d’un sixième
sens » ou la « capacité de prédire le futur ».
Les sujets confrontés à une image très dévalorisée d’eux mêmes, peuvent :
– soit se concevoir comme des êtres extraordinaires, différents des autres, supé-
rieurs dans certains domaines et compenser ainsi ce sentiment d’infériorité
existentielle :
– soit se replier sur eux-mêmes, renoncer à utiliser les règles sociales et privilé-
gier leur propre logique privée, leurs propres productions autistiques et refuser
toute communication reposant sur la réalité d’autrui.
Des « néo-schémas » sont construits par ces sujets pour compenser, éviter ou
valider l’activité des schémas dysfonctionnels :
– la compensation consiste pour le sujet à se comporter c’est-à-dire penser, se
conduire ou ressentir des émotions dans le sens opposé au comportement qui
serait lié au schéma dysfonctionnel ;
– l’évitement consiste à empêcher toute activation capable de produire de la
souffrance d’où l’inhibition, l’évitement dans les domaines cognitifs, affectifs,
comportementaux qui aboutissent à des attitudes de retrait autistique ;
– le maintien et la validation du schéma cognitif pathogène consistent à croire à
la validité de ses productions délirantes, à les confirmer dans la vie quotidienne
et à obéir aux injonctions qu’il contient. Le schéma pathogène est ainsi renforcé
par un « néo-schéma » et par les idées délirantes qui en résultent. Ce « néo-
schéma » s’avère moins menaçant pour l’estime de soi du sujet.
Une croyance délirante issue d’un « néo-schéma » permet de rétablir un certain
équilibre psychique, certes pathologique mais visant à réduire la souffrance liée à
l’activation du schéma cognitif pathogène.
Young et Klosko (1995) ont décrit certains schémas et leurs productions dérivées,
hallucinatoires et délirantes :
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122 • Repères en psychopathologie

– le schéma « abus-méfiance » est lié au délire de persécution ou à l’audition de


voix menaçantes ;
– le schéma « imperfection » peut conduire au sentiment délirant d’être diabo-
lique, à la croyance d’être transparent ou qu’autrui connaît vos pensées et vous en
veut ou à l’audition de voix menaçantes ;
– le schéma « exclusion » peut expliquer certains délires de référence dans lequel
le sujet se sent le centre de l’attention des autres ; le sujet est remarqué, rejeté et
persécuté ;
– le schéma « exigences élevées » peut provoquer un délire de grandeur compen-
satoire visant à effacer le sentiment d’incapacité à atteindre ses idéaux grandioses ;
– le schéma de « vulnérabilité à la perte de contrôle » chez les sujets souffrant de
syndrome d’influence (Seglas, 1894) ou d’automatisme mental de G. de Clérambault
(1922) : les patients pensent être sous l’emprise d’une force étrangère qui dirige leurs
pensées, oriente leurs sentiments, commande leurs comportements. Ces expériences
échappent au contrôle des sujets.

Schémas cognitifs – Hallucinations – Idées délirantes


L’approche cognitive lie l’activité des schémas dysfonctionnels et l’apparition
d’hallucinations ou d’idées délirantes. Le contenu des phrases ou des voix halluci-
nées peut représenter les préoccupations profondes du sujet lors de leur irruption,
être l’équivalent de pensées automatiques et correspondre à l’activation d’un
schéma cognitif dysfonctionnel. Les productions de ce schéma (images, voix,
sensations, dialogue intérieur, pensées automatiques) sont vécues comme venant de
l’extérieur ou comme venant d’une partie ou d’une force intérieure mais étrangère
à soi-même. Le syndrome d’influence ou le syndrome d’automatisme mental se
produit quand le Self n’est pas assez cohérent ou structuré. Le Self ne pouvant plus
jouer son rôle de reconnaissance et de coordination lors de l’activation des schémas,
ceux-ci fonctionnent de façon quasi autonome parasitant le fonctionnement
psychique. Lors d’un épisode psychotique aigu, le manque de coordination et d’in-
hibition réciproque de schémas conduit à une activation simultanée de plusieurs
d’entre eux : leurs contenus idéo-affectifs peuvent entrer en conflit et créer les mani-
festations de discordance et de dissociation.
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Les psychoses • 123

IV. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 /
Une jeune infirmière ayant de nombreux frères et sœurs aînés et cadets a
pendant toute son enfance « envier violemment le pénis de ses frères ». Les grosses-
ses de sa mère ont suscité en elle une jalousie terrible. La jalousie combinée à
l’envie entraîne une « vive hostilité » à l’égard de sa mère, à laquelle elle est très
liée : une « violente lutte défensive s’engage contre les pulsions négatives ». Cette
lutte succède à une « période d’indiscipline et de méchanceté ». Elle craint de
perdre l’amour maternel à cause de ses sentiments de haine. Elle a peur d’être
punie par sa mère et se reproche ses « désirs interdits de vengeance » (A. Freud,
1946)
Anna Freud relève différents mécanismes de défense dans cette observation
Identifiez-les. Définissez-les. Illustrez-les. Justifiez vos réponses.

Question 2 / C. Balier (1988), psychanalyste, introduit son ouvrage


Psychanalyse des comportements violents à l’aide d’un fait divers qui interroge le
psychanalyste sur la démesure de l’agressivité, la désintrication pulsionnelle et
certain(s) mécanisme(s) de défense que vous repérerez et définirez.
Un homme a tué plusieurs prostituées, en quelques mois, en les étranglant. Il est
allé se dénoncer ensuite car il voulait faire cesser ses cauchemars au cours
desquels « il revoyait ces femmes vivantes ». Il fut très étonné qu’on l’arrête : « il ne
pensait pas avoir commis quelque chose de grave ».
Cet homme était « bien ordinaire » : effacé, timide, marié, père d’un enfant,
ayant un travail stable, sans passé judiciaire ni psychiatrique. Il avait souffert de
carences familiales. Il avait quelques problèmes conjugaux. Cela n’expliquait pas
les motivations de ses crimes, qu’il ignorait. C. Balier rencontre cet homme, « en
apparence paisible » qui n’a jamais présenté d’explosions de colère. Il fit de violen-
tes crises d’asthme en prison…………………

Question 3 / Winnicott (1977) dans The Piggle relate une consultation avec une
petite fille Gabrielle.
The Piggle, la bonne bouille est le surnom d’une petite fille âgée de deux ans et
quatre mois, Gabrielle. Sa famille consulte Winnicott à cause de la timidité de la
petite fille, des troubles du sommeil causés par des « tourments » nocturnes au cours
desquels, une « maman noire » apparaît, la persécute, veut la chasser de son lit et
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124 • Repères en psychopathologie

la jeter aux toilettes. Winnicott demande à Gabrielle si elle déteste ce personnage,


l’enfant répond : « Maman sait bien », « je ne sais pas ce qui m’arrive. Mon Dieu,
je suis chassée de mon lit par la maman noire et j’ai un bon lit. Non, Piggle, tu n’as
pas un bon lit. Non, Piggle, tu n’as pas un bon lit. » Winnicott constate que
Gabrielle en colère contre sa maman est dans son monde imaginaire.
Quel est le mécanisme de défense illustré dans cet extrait ? Justifiez votre réponse.

Question 4 / C. Balier, (1988) rencontre Daniel lycéen « sage et appliqué »,


« jeune homme de bonne famille », « sans histoire » ayant de nombreux camarades
des deux sexes.
Une nuit, il se réveille très angoissé, sort en pyjama et va incendier un bâtiment.
Il revient ensuite se coucher, apaisé, et se rendort. Il ne s’explique pas ce mouve-
ment impulsif et cette sortie nocturne. Il reconnaît que le bâtiment a une
signification pour lui.
C. Balier constate que « les deux parties de sa personnalité s’ignorent l’une
l’autre » au point que Daniel lui dira après sa sortie de prison que « Dieu merci il
a conservé toutes les lettres que lui ont écrites ses camarades pendant cette période,
sinon il ne serait pas sûr que cela ait vraiment existé ».
C. Balier conclue en nommant un mécanisme de défense que vous indiquerez.
« L’une des attitudes procède par …………………………………. par rapport à
l’autre. »

Question 5 / Un psychanalyste distingue les mécanismes de « mode » névrotique


et les mécanismes de défense de « mode » psychotique.
A. Qui est ce psychanalyste ? Exposez ses arguments ?
B. Indiquez et définissez quelques mécanismes de défense de « mode » névrotique.
C. Indiquez et définissez quelques mécanismes de défense de « mode » psychotique.
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Les psychoses • 125

Question 6 / M. Klein essaie d’illustrer un mécanisme de défense en s’appuyant


sur un roman de Julien Green, Si j’étais vous.
Julien Green raconte l’histoire de Fabien, un jeune employé malheureux et
mécontent de lui, de sa vie, de sa pauvreté, de son travail, de ses échecs auprès des
femmes, des exigences de sa mère qui l’oblige à des pratiques religieuses, de ses
ressentiments à l’égard de son père décédé.
Par un pacte avec le Diable, il reçoit le pouvoir magique de se transformer en
d’autres personnes, en leur chuchotant à l’oreille une certaine formule. Au cours
du roman, il entre dans différents corps mais il n’épouse pas seulement leurs appa-
rences extérieures mais aussi leurs personnalités. Il se sent de plus en plus étranger
à son ancien Moi et a peu de souvenirs de Fabien et de ses conditions de vie. Mais,
en exprimant le souhait : « je veux être moi-même », il réussit à retrouver sa person-
nalité antérieure.
J. Green décrit la contemplation de Fabien du ciel et des étoiles : « il ouvrit la
fenêtre et porta la vue au loin. (...) il lui semblait qu’il s’élevait doucement au-
dessus du monde (...) une sorte d’abîme se creusait en lui-même (..) En fermant les
yeux, Fabien retenait en lui ce monde étrange fait de lumière et d’obscurité, s’y
perdait, s’y jetait avec un effroi d’enfant, puis, les paupières rouvertes, lançait à
nouveau dans l’espace sa vue qui chavirait d’horreur. Et le sentiment lui venait
qu’elle me portait avec elle toute une partie de lui-même, la plus audacieuse, la
plus vraie. » (Julien Green, Si j’étais vous, Plon, 1947)
A. Quel(s) mécanisme(s) de défense illustre M. Klein. Définissez-le(s).
B. M. Klein interprète la scène de contemplation des étoiles par Fabien en décrivant
deux processus psychiques. Quels sont-ils ? Définissez-les.

Question 7 / Discutez la croyance erronée selon laquelle les troubles névrotiques


seraient moins graves que les troubles psychotiques.
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• C h a p i t r e 7 •

LES PSYCHOSES DÉLIRANTES CHRONIQUES

Les psychoses délirantes chroniques se caractérisent par des idées délirantes


systématisées auxquelles le sujet adhère de façon inébranlable Elles surviennent
chez des personnalités matures (30 à 50 ans) alors que les schizophrénies concer-
nent des sujets plus jeunes. La dislocation de la personnalité caractéristique des
schizophrénies n’opère pas dans les délires chroniques.

LES PSYCHOSES PARANOÏAQUES

Du point de vue étymologique, le terme paranoïa dérive du verbe paranoeö dont


le préfixe para signifie « auprès de » mais également « à côté », et le verbe noeö
signifie « penser ». Le sujet paranoïaque est celui qui « pense à côté ».

I. HISTORIQUE

Le terme paranoïa est intégré dans le vocabulaire médical en 1818 par


J.C. Heinroth (1773-1843) qui oppose, d’un côté la manie et la mélancolie consi-
dérées comme des troubles de l’affectivité et de l’autre, la paranoïa où prédominent
les troubles de la raison.
– En 1899, dans la 6e édition de son Traité de psychiatrie, E. Kraepelin isole de
la démence précoce la paranoïa (terme proposé par Kalhbaum en 1863). La para-
noïa prend son sens moderne de délire sans évolution démentielle, sans altération
majeure de la personnalité ; le délire « s’instaure avec une conservation complète de
la clarté et de l’ordre de la pensée, le vouloir et l’action ».
– En 1911, Freud commente les Mémoires du Président Schreber et esquisse une
interprétation générale des délires systématisés (persécution, jalousie, érotomanie,
grandeur) envisagés comme des manières différentes de lutter contre la revivis-
cence de pulsions homosexuelles à l’aide du mécanisme de défense de projection.
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128 • Repères en psychopathologie

Le terme grec prit dans sa traduction française un tréma et s’écrivit paranoïa.


– C.E. Lasègue décrit, en 1852 le « délire de persécution à évolution systé-
matique » puis en 1877, la « folie à deux ».
– V. Magnan et P. Sérieux publient, en 1892, Délire chronique à évolution
systématique où sont différenciés les « délires chroniques à évolution systéma-
tique » et les délires systématisés à évolution démentielle.
– P. Sérieux et J. Capgras publient en 1909 Les folies raisonnantes. Le délire
d’interprétation. Ce délire est différencié.
– Du délire d’imagination de Dupré et Logre (1911).
– De la psychose hallucinatoire chronique de Gilbert Ballet (1912)
– Des délires passionnels de G. de Clérambault (1921).

II. SÉMIOLOGIE DES PSYCHOSES PARANOÏAQUES

La sémiologie des psychoses paranoïaques comporte l’étude du délire para-


noïaque et du caractère paranoïaque.

SÉMIOLOGIE DU DÉLIRE

L’unité nosographique des délires paranoïaques repose sur les caractéristiques


suivantes :
– Le délire est qualifié de systématisé parce qu’il prend naissance « dans le
caractère et dans la construction même de la personnalité du délirant » et qu’il se
développe dans « l’ordre, la cohérence et la clarté » (Kraepelin). Le délire est bien
construit, ordonné, stable et s’enrichit progressivement à la faveur d’interprétations
délirantes articulées les unes aux autres qui renforcent la conviction délirante.
– Le mécanisme prévalent du délire est l’interprétation définie en psychopatho-
logie comme « un jugement faux porté sur une perception exacte ». L’interprétation
est un raisonnement faux qui attribue à un phénomène réel un sens particulier teinté
de l’affectivité du sujet. Toute la réalité est interprétée et rien n’est dû au hasard ;
tous les faits et gestes de l’entourage sont interprétés comme autant d’allusions,
d’avertissements et de signes d’hostilité adressés au sujet.
– Les interprétations conservent un caractère vraisemblable mais pseudo-
logique : la pensée du sujet paranoïaque fonctionne selon une logique qui lui est
propre, nommée pensée paralogique. Le raisonnement part certes d’un fait réel
mais l’argumentation se développe à partir d’un postulat de départ erroné.
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Les psychoses délirantes chroniques • 129

– L’exaltation passionnelle est présente dans les récits délirants des sujets para-
noïaques. C’est l’exaltation passionnelle du délire qui rend le délire et le délirant,
parfois, dangereux.
– Il n’y a pas de dissociation psychique. Le délire va de pair avec la conserva-
tion de l’organisation de la pensée, de la volonté et de l’action.
– Le délire débute à l’occasion d’un conflit psychoaffectif plus ou moins impor-
tant sur un terrain caractériel paranoïaque.

LE CARACTÈRE PARANOÏAQUE

Les traits de caractère paranoïaque ont été décrits dans la thèse de Montassut
(1924) puis dans l’ouvrage de Genil-Perrin (1926). Ces traits de personnalité repré-
sentent les « tendances paranoïaques », le « système paranoïaque » (Racamier). Le
caractère paranoïaque est un mode d’être qui peut, ne jamais évoluer vers un fonc-
tionnement délirant. En revanche, les psychoses délirantes chroniques se
développent chez des sujets de caractère paranoïaque.
Les principaux traits du caractère paranoïaque classiquement décrits sont :
– La surestimation de soi-même et la surévaluation de ses capacités : ce trait est
à l’origine des manifestations cliniques telles que les attitudes de mépris, l’intolé-
rance vis-à-vis des opinions d’autrui, les attitudes orgueilleuses et vaniteuses.
– La psychorigidité des sujets paranoïaques, convaincus d’avoir raison envers et
contre tout, se manifeste par un monolithisme des pensées et des décisions et un
entêtement caractéristique.
– L’attitude mentale de méfiance et de suspicion. Les sujets paranoïaques ont la
conviction d’être en permanence menacés par autrui, d’être exploités ou victimes
de mauvaises intentions. Soupçonneux envers leur entourage, véritables tyrans
domestiques, ils doutent de la loyauté de leur conjoint et de leurs amis qu’ils
soumettent parfois à une surveillance assidue et suspicieuse.
– La fausseté du jugement : les sujets ont tendance à fonctionner sur la base d’a
priori arbitraires et à recourir à des interprétations erronées. Ce « subjectivisme
pathologique » allié à la psychorigidité explique l’autoritarisme, l’intolérance tyran-
nique et l’absence totale d’autocritique ou de doute.
« Le terme journalistique de “pensée unique” convient bien pour désigner sa
pensée : c’est la seule à pouvoir exister et tout le monde doit y adhérer. À aucun
moment, le sujet ne peut prendre une distance critique par rapport à lui. Pour le para-
noïaque, le monde est d’évidence et immédiatement comme il le pense. » (Juignet,
2001)
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130 • Repères en psychopathologie

– L’inadaptation sociale : les sujets au caractère paranoïaque rencontrent des


difficultés à établir des relations sociales satisfaisantes étant donné leur attitude,
leur comportement revendicatif, leur faible sociabilité, leur incapacité à respecter
une discipline collective. Cetains sujets, toutefois, réussissent brillamment leur vie
professionnelle, politique, artistique, etc.

Les traits de caractère paranoïaque apparaissent au début de l’âge adulte mais


sont repérables chez des enfants ou des adolescents difficiles, agressifs, indiscipli-
nés, ne supportant pas les contraintes scolaires ou revendiquant leur indépendance.

LES FORMES CLINIQUES

Trois formes cliniques de délires paranoïaques sont différenciées :


– les délires passionnels : revendication, jalousie, érotomanie ;
– les délires d’interprétation de Sérieux et Capgras ;
– le délire sensitif de relation ou « paranoïa sensitive » de Kretschmer.

Les délires passionnels


Ces délires ont en commun une structure et des mécanismes assez constants. Ils
se caractérisent par leur développement en « secteur ». Le délire s’exprime dans un
seul domaine et n’infiltre pas les autres domaines de la pensée et de la vie du sujet.
Ils débutent par une soudaine intuition délirante ou « postulat de base ». Puis, à
partir de ce postulat initial, le délire s’enrichit d’interprétations délirantes fondées
sur un thème ayant une forte charge émotionnelle (jalousie, préjudice…). Les déli-
res passionnels sont caractérisés par une exaltation passionnelle qui rend la
conviction délirante inaccessible au raisonnement, pouvant entraîner des passages à
l’acte auto, auto-agressifs voire hétéro-agressifs. Les délires passionnels compor-
tent les délires de revendication, le délire érotomaniaque et le délire de jalousie.

Les délires de revendication


Le sujet délirant se croit victime et veut obtenir réparation à la suite d’un préju-
dice ou d’une injustice, vraie ou supposée.
– La revendication concerne la loi chez les quérulents processifs.
– La revendication concerne le savoir chez les inventeurs délirants.
– Le délire peut concerner la filiation.
– La revendication concerne un idéal chez les « idéalistes passionnés » :
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Les psychoses délirantes chroniques • 131

Les Idéalistes passionnés est le titre d’un ouvrage de Maurice Dide


(1913), médecin, expert auprès des tribunaux qui a examiné les membres de
la Bande à Bonnot, arrêtés après une célèbre chasse policière. Dide distin-
guait l’idéalisme de l’amour, de la bonté, de la beauté et de la justice. Dide a
étudié les biographies d’écrivains comme Tolstoï, Rousseau, Sade, etc., de
réformateurs comme Calvin, Babeuf etc., d’hommes politiques comme
Marat, Robespierre, etc.
Dide a dénoncé les idéalistes « capables de torturer l’humanité entière et
de la détruire pour permettre à la justice de régner sans conteste, fût-ce dans
un désert ».
Dide, résistant et déporté, a combattu les thèses eugénistes d’Hitler.
– La revendication concerne la santé chez les « délirants hypocondriaques » :
Pascal B., 48 ans, médecin ophtalmologiste, a été tué à Neuilly sur Seine. Ce
praticien raccompagnait à la porte de son cabinet un patient et son fils de 9
ans. Un homme s’est jeté sur lui, « le roue de coups puis lui met une balle
dans le ventre ». « L’agresseur s’en va. » Il crie aux témoins terrorisés :
« Prévenez le Samu, je vais me suicider. » La brigade criminelle identifie
l’homme : il s’agit d’un patient, opéré dix ans auparavant par le médecin.
Comme il s’estimait mal soigné, il ne cessa de harceler le chirurgien. « Au fil
du temps, des menaces de mort aux insultes, le danger s’était précisé. Il y a
deux ans, une étape avait été franchie avec une première agression physique
et des crachats. (...)» Un quotidien du 20-21 juillet 2001.
– La revendication concerne un préjudice corporel chez des sujets accidentés du
travail ou de la voie publique. Le sujet sinistrosé revendique une pension, une
hausse du taux d’invalidité dont le montant ne le satisfait jamais.

Le délire érotomaniaque
La première observation d’érotomanie a été faite par un criminaliste viennois
Zieller en 1810, qui décrivit « un fou » qui « s’était imaginé le chéri de toutes les
femmes ». Entre 1920 et 1923, les travaux de Clérambault explorent les éléments
essentiels de l’érotomanie.
L’érotomanie se caractérise par l’illusion délirante d’être aimé par une
personne (l’objet) le plus souvent célèbre ou occupant une position sociale élevée.
La construction délirante s’élabore à partir d’interprétations délirantes accordant
une valeur amoureuse à tous les comportements de l’objet, même les plus anodins.
Le délire érotomaniaque repose sur ce postulat initial :
« C’est l’objet qui a commencé, qui aime le plus ou qui aime seul. »
De ce postulat découle un certain nombre de convictions délirantes selon
lesquelles l’objet ne peut être heureux sans le soupirant ; l’objet est libre ou s’il est
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132 • Repères en psychopathologie

marié, son mariage est un arrangement ; l’objet exerce une vigilance, une protection
continuelle, des travaux d’approche, etc.
Le délire érotomaniaque selon G. de Clérambault se développe en trois phases :
– la « longue phase d’espoir » : phase où domine la croyance d’être aimé, la vigi-
lance, les signes d’amour de l’objet, les travaux d’approche de l’objet, les appels
téléphoniques etc. Cette phase se caractérise par l’interprétation optimiste des
faits et gestes de l’objet qui sont vécus comme autant de preuves d’amour ;
– la phase de « dépit et de découragement » : le sujet commence à se poser des
questions devant le comportement d’autrui. L’objet qui aimait et qui est mainte-
nant aimé est accusé de ne pas se consacrer suffisamment aux sentiments qu’il
a suscités ;
– la phase de « rancune » : le sujet déçu menace et fait du chantage. Les injures,
les menaces, les actes agressifs contre l’objet du désir dominent. La rancune
peut aller jusqu’à la vengeance meurtrière.
Le développement en « secteur » du délire permet un fonctionnement profes-
sionnel ou intellectuel satisfaisant malgré l’altération du fonctionnement affectif et
social.
L’érotomanie décrite par de Clérambault est une forme d’érotomanie délirante
rare, contestée et controversée :
– L’inconstance du postulat de G. de Clérambault fut souvent relevée car,
parfois, le sujet reconnaît son propre amour et croit que cet amour est partagé.
– Les idées délirantes érotomaniaques s’observent chez certaines personnalités
pathologiques et dans certains délires schizophréniques débutants, sans présen-
ter toutefois, la cohérence, la structure et le caractère passionnel de l’érotomanie
paranoïaque.
– Kestemberg (1962) distingue l’érotomanie, illusion délirante d’être aimé de la
relation érotomaniaque, plus fréquente. La relation érotomaniaque est unilaté-
rale et implique la négation de l’un des deux éléments composant la relation. La
création d’une relation érotomaniaque est transitoire avec génitalisation du
conflit et mécanismes de défense d’ordre névrotique tandis que, dans le délire
érotomaniaque, « la création de l’objet imaginaire répond à l’angoisse de néan-
tisation et se situe essentiellement dans le prégénital ».

Le délire de jalousie
Le sujet a l’intuition délirante d’être trompé. Toutefois, l’impression d’être
trompé n’est pas suffisante pour parler de délire de jalousie car le délire de jalousie
désigne une manière délirante d’être jaloux. Au début, l’idée de jalousie est sans
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Les psychoses délirantes chroniques • 133

motif sérieux. L’idée de départ n’est pas très convaincante mais le sujet jaloux va
alimenter son idée de jalousie. Le doute devient alors une conviction délirante. Le
délirant jaloux cherche des preuves : il surveille ou fait surveiller ; il ouvre le cour-
rier, il épie les gestes, il enregistre les communications téléphoniques et interprète
tout dans le sens de sa conviction passionnelle. La potentialité passionnelle du déli-
rant passionnel ne doit jamais être sous-estimée car certains délires aboutissent au
crime passionnel.
Le délirant jaloux transforme la relation amoureuse de couple en une relation
triangulaire. Un tiers de même sexe est introduit dans la relation. Le tiers est un rival
sur lequel est projeté ressentiment et haine accumulés par le sujet au cours de ses
expériences de frustration. Le sujet jaloux projette sur le rival le désir amoureux.
C’est le rival qui aime et non le sujet jaloux qui aime. Le sujet jaloux retourne en
son contraire cette pulsion amoureuse en la proposition suivante : « Il me bafoue. »
Le sujet jaloux noue ainsi une relation imaginaire passionnelle avec le rival.
Derrière la haine affichée pour le rival transparaît la nature profonde des pulsions
réprimées qui incitent le sujet jaloux à demander à son conjoint de lui exprimer le
plaisir partagé avec l’objet rival.

Le délire d’interprétation
Le délire d’interprétation consiste en un besoin de tout expliquer, de tout inter-
préter. Folie raisonnante est le titre du livre de Sérieux et Capgras qui décrivent en
1909 le délire d’interprétation défini comme « une psychose systématisée chro-
nique » caractérisée par la multiplicité et l’organisation d’interprétations délirantes,
l’absence ou quasi-absence d’hallucinations, la persistance de la lucidité et de l’ac-
tivité psychique, l’évolution par extension progressive des interprétations et
l’incurabilité sans démence terminale. Les interprétations peuvent être exogènes ou
endogènes.
Les interprétations délirantes sont exogènes lorsqu’elles sont basées sur des
perceptions extérieures. L’interprétant perçoit :
– le sens menaçant d’un coup de chapeau ;
– la preuve d’un complot dans le regard ou le geste d’un passant etc. ;
– l’ordre d’ouvrir les yeux lors de la rencontre avec un aveugle ;
– l’injonction de se taire exprimée par une personne qui met sa main devant
la bouche.
Les interprétations sont endogènes lorsqu’elles portent sur des réalités internes
au sujet comme des sensations corporelles, des pensées ou des rêves.
Un malaise interne est interprété comme une tentative d’empoisonnement.
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134 • Repères en psychopathologie

Caractéristiques des délires d’interprétation.


– L’interprétation est le mécanisme caractéristique de cette forme de délire qui
ne présente pas de thème spécifique. La construction délirante s’organise autour
d’une « idée directrice », variable d’un sujet à un autre.
– Les délires d’interprétation se caractérisent par la conviction absolue et
massive qui peut entraîner la conviction de son entourage.
– Le délire d’interprétation ne s’accompagne pas d’hallucination.

– Ce délire génère des réactions importantes et diversifiées :


• certains sujets réagissent par la fuite. Les sujets persuadés qu’un complot
est dirigé contre eux déménagent mais les mêmes préoccupations réappa-
raissent très rapidement dans leurs nouveaux domiciles ;
• certains sujets se défendent en prenant de nombreuses précautions comme :
regarder si on le suit, mettre des repères sur les portes, rechercher toute trace
d’effraction dans leur maison, boucher les fissures pour qu’on ne les empoi-
sonne pas avec un gaz toxique etc. ;
• certains sujets peuvent se défendre activement et passer à l’attaque.
L’attaque peut consister à identifier le responsable de ses malheurs et se
venger (coups et blessures, plaintes au commissariat).
– Le développement des délires d’interprétation opère en « réseau ». Le délire
n’exclut aucun domaine de la vie relationnelle du sujet. Il n’y a plus de place pour
le doute ou pour le hasard : tout a une signification adressée au sujet.
– L’humeur est moins exaltée dans les délires d’interprétation que dans les déli-
res passionnels. Toutefois, l’exaltation thymique accompagne les projets d’attaque
ou de défense, stratégies qui peuvent donner lieu à des passages à l’acte hétéro-
agressif, voire criminel si un persécuteur est désigné par le sujet.
Cette forme purement interprétative est exceptionnelle. Parfois, des hallucina-
tions psychosensorielles ou des illusions perceptives se manifestent au début de
l’évolution.

Délire sensitif de relation ou « paranoïa sensitive » de Kretschmer


Ernst Kretschmer (1888-1964), psychiatre allemand, a publié en 1919, Délire
sensitif de relation. Pour Kretschmer, le caractère comporterait quatre attitudes
fondamentales : l’impressionnabilité (le degré de sensibilité du sujet à l’expérience
vécue), la rétention, l’expansion et la répression.
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Les psychoses délirantes chroniques • 135

– Le caractère sensitif est marqué par une vie intérieure intense, une rétention
consciente exagérée et une faible aptitude à l’expansion. Les sujets n’extériorisent
pas les conflits relationnels, doutent et sont abouliques. Les traits de caractère sensi-
tif comme la timidité, l’auto dévalorisation, l’inhibition, la soumission, la faiblesse
sont diamétralement opposés aux traits de caractère paranoïaque. Le sujet sensitif
ne réagit pas de façon agressive ; il intériorise les conflits et se montre plutôt asthé-
nique. La persécution est vécue dans un sentiment dépressif d’auto-dévalorisation.
La personnalité sensitive présente toutefois, des aspects contrastés avec, d’un côté,
une douceur extrême, une apparente faiblesse, une certaine vulnérabilité, et de l’au-
tre, un certain degré de conscience de soi, une certaine ambition, une certaine
ténacité. Le caractère sensitif peut permettre le développement du « délire de rela-
tion des sensitifs ».
– Le délire sensitif de relation est centré sur des idées de référence : le sujet se
croit être l’objet d’une attention malveillante de la part d’autrui. Ce délire est appelé
à l’étranger « délire de référence ». Contrairement au délire passionnel, il n’existe
pas de revendication mais une plainte vis-à-vis des persécutions dont le sujet se
croit l’objet. Cette « paranoïa sensitive » se déroule dans l’angoisse, la tension
conflictuelle. Les réactions de ces sujets sont plus dépressives et hyposthéniques
qu’agressives.
– L’évolution de ce type de délire est émaillée d’épisodes dépressifs avec une
note hypocondriaque, une auto dépréciation importante et des risques de passage à
l’acte auto-agressif.
– Certains manuels de psychiatrie évoquent la « paranoïa des gouvernantes » ou
le « délire de persécution des vieilles filles », appellation désuète, péjorative et
sexiste.
L’existence d’une personnalité sensitive est récusée par certains cliniciens pour
lesquels les traits de caractère dit sensitifs reflètent davantage une problématique
dépressive.
« La personnalité sensitive de Kretschmer (1948) qui entend une fragilité du Moi
avec hyperémotivité, indécision, scrupulosité, incapacité de faire face aux chocs
affectifs et aux adversités, par dépression plus que révolte, ne peut être rangée du
côté des organisations de mode paranoïaque mais doit demeurer rattachée au groupe
des états limites. » (Bergeret, 1974)
À l’inverse, certains auteurs défendent l’existence de cette forme sensitive de
paranoïa. Lempérière (1996) considère que les délires de relation des sensitifs
décrits par Kretschmer « représentent une réalité clinique incontestable » bien que
ce groupe « manque d’unité tant sur le plan psychodynamique que sur le plan
évolutif ».
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136 • Repères en psychopathologie

Illustration : « La sensitivité chez Beethoven »


Porot et Miermont (1996) étudient certains traits de caractère de Beethoven à la
lumière de la description du « paranoïaque sensitif » par Kretschmer. Ludwig van
Beethoven est connu pour son génie musical et sa surdité. Beethoven était un « enfant
de remplacement » qui avait hérité du prénom de son frère aîné mort. Beethoven
manifestait une assurance en son exceptionnel génie qui lui fit écrire à un prince :
« Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. »
Chez Beethoven coexistaient une rétention des affects et leur explosion impulsive :
« J’ai le don de pouvoir cacher et retenir mes impressions sur une foule de choses ;
mais si je suis une fois poussé à bout dans un moment où je suis plus accessible à la
colère, je m’emporte alors plus rudement que tout autre. » La personnalité de
Beethoven présentait d’un côté, une dimension impulsive, sténique et revendicative
et une capacité de « répression » au sens de Kretschmer. Beethoven éprouvait un
mépris du monde aristocratique, une attitude défensive vis-à-vis des femmes, une
haine des domestiques, un cynisme vis-à-vis du genre humain, une certaine misan-
thropie, une méfiance extrême, un sentiment de malveillance.
Les auteurs concluent que le caractère complexe de Beethoven ne peut se résumer à
la seule paranoïa sensitive dont elle constitue le « squelette ».

LA PSYCHOSE HALLUCINATOIRE CHRONIQUE (PHC)

La psychose hallucinatoire chronique (PHC) est une exclusivité nosographique


française. Les auteurs anglo-saxons contestent cette entité clinique du fait de l’exis-
tence des hallucinations et du caractère moins systématisé du délire par rapport à la
paranoïa. Ils intègrent la psychose hallucinatoire chronique dans une conception
extensive de la schizophrénie.
La psychose hallucinatoire chronique est associée en France au nom de Gilbert
Ballet (1911). L’existence et le nom de « psychoses hallucinatoires » avaient été
défendus auparavant par Cotard et Seglas (1908).
Le tableau clinique de la psychose hallucinatoire chronique se compose de trois
syndromes : hallucinatoire, automatisme mental et délirant.
– Le syndrome hallucinatoire est la caractéristique essentielle de la psychose
hallucinatoire chronique. Les hallucinations désignent une « perception sans objet à
percevoir » (H. Ey). La psychose hallucinatoire chronique comporte des hallucina-
tions psychosensorielles et des hallucinations psychiques (cf. Grebot & Orgiazzi
Billon-Galland, 2001).
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Les psychoses délirantes chroniques • 137

– Les hallucinations psychosensorielles sont essentiellement :


• acoustico-verbales : le sujet entend des voix provenant d’un endroit de
l’espace qui tiennent des propos injurieux, menaçants ;
• auditives : le sujet entend des bruits ayant une signification
malveillante ;
• cénesthésiques : le sujet perçoit des courants électriques qui lui traver-
sent le corps ou des sensations génitales ;
• olfactives, gustatives, tactiles, kinesthésiques.
– Les hallucinations visuelles sont assez rares dans la psychose hallucinatoire
chronique.
– Les hallucinations psychiques sont composées de voix intérieures, de pensées
transmises, de commentaires de pensées et d’actes.
– L’automatisme mental13 est un syndrome décrit par Gaétan Gatian de
Clérambault, qui comprend plusieurs variétés d’hallucinations (psychosensorielles
et psychiques) et le triple automatisme (idéo-verbal, moteur et sensoriel). Les signes
cliniques d’automatisme mental sont principalement l’impression que la pensée est
devancée ou devinée, volée ou répétée en écho par une voix intérieure étrangère au
sujet qui a le sentiment d’être soumis à une influence extérieure qui lui impose des
actes, des paroles, des gestes voire des actes violents. L’automatisme mental est
constitué de phénomènes qui amènent le sujet à se plaindre d’une perte de contrôle
de sa vie psychique. Le sujet se vit sous l’emprise de quelqu’un extérieur qui « le
fait penser », qui « le fait parler », ou qui « le fait agir ».
La psychose hallucinatoire chronique est définie par de Clérambault comme
« une psychose délirante chronique, basée sur le syndrome d’automatisme mental
qui en constitue le noyau et dont la superstructure délirante constitue une idéation
surajoutée ».
– Le syndrome délirant : les hallucinations psychosensorielles et psychiques
s’associent à des idées délirantes essentiellement de persécution et d’influence. Les
hallucinations sont vécues comme des expériences agressives envoyées par l’exté-
rieur contre le corps ou contre la pensée du sujet. Les patients sont persuadés qu’il
y a une influence extérieure destinée à leur faire percevoir les phénomènes impo-
sés. Le patient a la conviction d’avoir perdu sa liberté de penser ou d’action. Le
sujet a la conviction que sa vie mentale ne lui appartient plus. Cet automatisme
mental donne l’impression au sujet d’être la victime d’une persécution d’inconnus

13. Exposé détaillé dans Grebot & Orgiazzi Billon Galland, Les bases de la psychopatholo-
gie, PUG, 2001.
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138 • Repères en psychopathologie

ou de corps organisés tels que la police, la franc-maçonnerie etc. Certains sujets


invoquent des machines sophistiquées pour tenter d’expliquer cette influence enva-
hissante. Le délire représente une tentative de rationalisation des phénomènes
perçus.
La PHC survient plus souvent chez la femme que chez l’homme mais elle appa-
raît plus tôt dans la population masculine (30-40 ans) que dans la population
féminine (30-50 ans).
La psychose hallucinatoire chronique : controverse autour de cette spécificité
française :
– La psychose hallucinatoire chronique a été contestée par Claude et Ey dès
1932 puis par Nodet dans sa thèse en 1937. Nodet a étudié l’évolution de 37 cas
de psychose hallucinatoire chronique et a conclu que ces cas étaient trop poly-
morphes pour trouver un lien entre eux.
– En 1966, Delay, Deniker et Dalle observent 717 cas de syndrome halluci-
natoire chronique sur 4 196 diagnostics de psychoses chroniques à l’hôpital
Sainte Anne. Ils étudient les caractéristiques de ces sujets et concluent que la
PHC n’a pas d’unité nosographique mais constitue un syndrome clinique.
– En 1980, A. Leroux remarque que les psychoses hallucinatoires chroniques
présentent un mécanisme dominant identique et des thèmes similaires et qu’el-
les s’observent dans certaines populations spécifiques comme les émigrés
d’Afrique du Nord confrontés à l’insécurité matérielle et émotionnelle et qui se
sentent persécutés par l’État Français et chez les femmes au-delà de 40 ans
soufrant d’isolement affectif. Cet auteur postule que le délire a une fonction
compensatrice des nombreuses frustrations et insatisfactions affectives et
sexuelles.
– Pull, Pull et Pichot (1984-1987) ont cherché à « traduire les pratiques
diagnostiques françaises dans le langage moderne des critères diagnostiques ».
Ils ont étudié 317 cas à l’aide de la Liste Intégrée des Critères Taxinomiques
pour la Schizophrénie et les Psychoses non affectives et ont diagnostiqué 39
PHC, 32 délires chroniques paranoïaques passionnels et de revendication, 52 cas
de psychoses délirantes aiguës et 194 cas de schizophrénies. Le diagnostic de
psychose hallucinatoire chronique semble répondre à une certaine réalité
clinique.
– Bourgois et Degeilh (1988) défendent l’entité clinique de la PHC tout en
reconnaissant l’hétérogénéité des tableaux cliniques et des diagnostics. Ils
suggèrent de parler de psychoses hallucinatoires chroniques au pluriel car la
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Les psychoses délirantes chroniques • 139

psychose hallucinatoire chronique est rare et certains tableaux cliniques


correspondent au délire paranoïde.

LES PSYCHOSES FANTASTIQUES OU PARAPHRÉNIES

I. HISTORIQUE

Le terme de paraphrénie est employé en France pour désigner les délires chro-
niques fantastiques. Dupré et Logre (1911) ont individualisé ces délires au début du
XXe siècle en France sous le nom de « délires d’imagination » ou « mythomanie déli-
rante ».
– En Allemagne, Kraepelin différencie deux groupes de psychoses : l’un hallu-
cinatoire de caractère logique et de mode évolutif non déficitaire, décrit par
Kahlbaum en 1863 sous le nom de paranoïa ; l’autre hallucinatoire, sans logique et
d’évolution déficitaire qu’il nomme démence précoce. Entre ces deux entités,
E. Kraepelin (1913) différencie quatre formes de « délires paraphréniques » : la
forme systématique équivalente à la PHC des auteurs français ; la forme expansive
où domine l’exaltation psychique ; la forme confabulante ou forme imaginative ; la
forme fantastique où les mécanismes hallucinatoires et fantastiques sont intriqués.
– Dans les pays de culture anglo-saxonne, le terme paraphrénie caractérise les
délires à début tardif. Le terme de Late paraphrenia est apparu en 1952 sous la
plume de Roth pour décrire une pathologie débutant chez le sujet âgé que Roth
considérait comme une forme d’apparition tardive de la schizophrénie. Dans la
classification internationale des maladies de l’O.M.S. (CIM 10) les troubles déli-
rants persistants incluent la paraphrénie tardive.

II. SÉMIOLOGIE

Les délires paraphréniques sont caractérisés par le développement d’une imagi-


nation délirante débridée très luxuriante. L’imagination domine tous les autres
mécanismes du délire. Dans les paraphrénies, les thèmes du délire sont fantastiques.
Ils évoquent une fantasmagorie de contes de fée ou de science fiction hors de tout
temps et hors de tout espace réel. La production délirante se déploie comme une
fiction poétique ou romanesque, une création d’événements imaginaires, de faux
souvenirs que le sujet s’invente et raconte à autrui. La fabulation paraphrénique
étonne ou séduit l’interlocuteur. Parfois, le fil du récit est difficile à suivre parce que
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140 • Repères en psychopathologie

les intrigues se chevauchent de manière contradictoire et parce que le sujet fait


preuve d’une inventivité verbale personnelle et multiplie les néologismes.
– La pensée paralogique : les délires fantastiques sont proches des créations
surréalistes ou des productions mythiques. Les idées délirantes s’originent dans la
pensée paralogique des archétypes ou des représentations collectives primitives.
L’imagination débridée peut être extraordinairement esthétique où l’espace et le
temps sont totalement pulvérisés par le délire.
– La prévalence des idées de grandeur et l’élargissement cosmique des expé-
riences délirantes : le délire a quelque chose de mégalomaniaque par
l’élargissement cosmique de ses thèmes. Le sujet peut être l’objet de combat inter-
planétaire ou voyager à travers le cosmos, etc. Les thèmes dominants sont les
thèmes d’influence, les thèmes de persécution, les idées d’empoisonnement, de
transformation d’organes, les thèmes de grandeur.
– La primauté de la fabulation : la fabulation est plus importante que l’activité
hallucinatoire qui comporte des hallucinations psychiques et des hallucinations
psychosensorielles. Le délirant prend connaissance de son monde fantastique à
l’aide de voix, de révélations télépathiques, de visions, d’extases.
– La diplopie « réel-imaginaire avec maintien de l’adaptation des conduites » :
la richesse de la production délirante ne compromet pas profondément l’adaptation
du sujet au réel. Le secteur du délire et le secteur de la vie quotidienne cohabitent.
Le sujet peut, malgré un délire fantastique, être intégré, avoir un métier, réussir dans
ce métier et être apprécié par ses collègues ou ses amis. Un tel contraste entre le
délire et la vie quotidienne est caractéristique des paraphrénies.

Deux formes cliniques de paraphrénies sont distinguées :


– La paraphrénie fantastique : la production délirante est d’une luxuriance
prodigieuse, d’une fantasmagorie féerique de l’univers. Les mécanismes hallu-
cinatoires et imaginatifs sont intriqués. La production hallucinatoire est riche et
cette richesse explique ces délires moins systématisés que d’autres délires chro-
niques. Cette forme de paraphrénie se caractérise par la présence
d’hallucinations, une exaltation thymique, une certaine euphorie, la dissolution
du temps, l’expression d’une dimension universelle, la multiplication de person-
nages ubiquitaires14 : « j’ai vécu mille vies humaines ». Le délire fantastique peut
s’exprimer dans des productions graphiques et picturales d’une exceptionnelle
fantaisie.
14. Faculté d’être présent en plusieurs lieux en même temps.
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Les psychoses délirantes chroniques • 141

– La paraphrénie imaginative : Le mécanisme est plus imaginatif qu’hallu-


cinatoire. La production délirante est plus systématisée et moins luxuriante. Le
sujet emprunte des faits et des personnages à la réalité quotidienne pour enrichir
le délire dont les thèmes sont essentiellement des idées de grandeur, de puis-
sance, de pouvoir, de richesse, de filiation. Les idées de grandeur autour du
thème de la filiation suscitent des récits d’héritages fabuleux, de successions
princières, des substitutions d’enfants etc. Les sujets se créent des arbres généa-
logiques glorieux, des fortunes colossales, des propriétés de rêve etc.
Ces formes de délire sont rares et débutent entre 30 et 45 ans. Le début est le
plus souvent lent et progressif.
– L’évolution des délires fantastiques alterne des périodes délirantes riches et
des périodes de rémission. L’adaptation à la réalité reste longtemps satisfaisante
dans les domaines familiaux, sociaux et professionnels. Quelques sujets peuvent
évoluer vers une dissociation schizophrénique. Ces évolutions donnent raison aux
auteurs qui contestent l’existence de la paraphrénie.
– Les délires fantastiques sont très rares de nos jours. Cette raréfaction est le
résultat de l’apparition des neuroleptiques, de changements socioculturels, d’une
évolution des critères de normalité et d’une plus grande tolérance à l’égard du para-
normal, l’occulte et l’imaginaire.

III. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

Freud publie en 1911 Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un


cas de paranoïa, Le président Schreber soit deux ans après le livre de Sérieux et
Capgras.
Le cas du président Schreber occupe dans les Cinq Psychanalyses une place
particulière car Freud n’a jamais rencontré Schreber mais a lu son livre Mémoires
d’un névropathe (1903). Ces Mémoires sont un texte extraordinaire où la psychose
est décrite par le sujet délirant lui-même.
Daniel Paul Schreber est né en 1842 dans une famille bourgeoise, protestante. Son
frère aîné atteint d’une psychose évolutive s’est suicidé à l’âge de trente-huit ans. Sa
jeune sœur Sidonie mourra d’une maladie mentale. Daniel Paul Schreber est
Docteur en Droit, Président de la Cour d’appel de Saxe, intellectuel cultivé.
Il est hospitalisé à 42 ans et soigné par le Pr. Flechsig. À 51 ans, il est nommé
Président de la Cour d’appel. Quelques mois après, un nouvel effondrement se
produit avec insomnies, des idées de persécution, des idées de mort imminente, des
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 142

142 • Repères en psychopathologie

hallucinations visuelles et auditives, des idées délirantes mystiques, des apparitions


miraculeuses, des idées délirantes de transformation en femme par éviration15.
L’anéantissement du monde chez Schreber correspond pour Freud au retrait de
la libido de l’intérêt pour les objets et la reconstruction délirante à un réinvestisse-
ment libidinal progressif. Freud défend l’existence d’une cohérence spécifique à
retrouver dans le délire et l’idée que le délire est une tentative de guérison. Le sujet
« rebattit l’univers », « tel qu’il puisse de nouveau y vivre. Il le rebattit au moyen de
son travail délirant. Ce que nous prenons pour une production morbide, la forma-
tion du délire, est en réalité une tentative de guérison, une reconstruction. » (Freud,
1911). Cette approche de la signification du délire est radicalement nouvelle car le
délire est considéré comme une « recréation d’une néo-réalité ». Pour Schreber, la
reconstruction passe par Dieu, substitut paternel.
Freud décline la thématique projective de la paranoïa et apporte un sens nouveau
à la persécution. L’abolition d’un désir homosexuel est au centre de la probléma-
tique de Schreber et la projection de la pulsion est au cœur du processus
paranoïaque. L’attraction érotique est récusée, subit le détachement libidinal et s’in-
verse en un sentiment de persécution.
« Celui que l’on hait et craint à présent en tant que persécuteur fut en son temps
aimé et vénéré… Celui dont il avait la nostalgie devint alors son persécuteur. »
(Freud, 1911)
Freud généralise la thématique projective de la paranoïa pour les délires de
persécution de jalousie et d’érotomanie. Il s’agit de réactions apparemment diver-
gentes à un fait psychologique unique. À la base de tous ces délires, un même
sentiment s’exprime ainsi :
« Moi, (un homme), je l’aime (lui, un homme). »
Le sujet réagit contre ce sentiment insoutenable par la négation et la projection.
Le sujet attribue à autrui ce qui lui appartient et qu’il ne peut reconnaître.
PERSÉCUTION : « Je ne l’aime pas, je le hais parce qu’il me persécute. »
Les transformations qui amènent au délire de persécution consistent à transfor-
mer « c’est lui que j’aime » en :
« je ne l’aime pas » : négation de l’affect ;
« je le hais » : renversement en son contraire ;
« je le hais parce qu’il me persécute » c’est l’explication ;
« je ne l’aime pas, je le hais » devient par projection « il me hait ».

15. Éviration signifie que les organes masculins s’invaginent dans le corps, en même temps
que se transforment les organes internes.
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Les psychoses délirantes chroniques • 143

ÉROTOMANIE : « Ce n’est pas lui que j’aime, c’est elle que j’aime, parce qu’elle
m’aime. »
Je ne l’aime pas. C’est elle (l’objet de sexe opposé) que j’aime, projetée en Elle
m’aime, donne le thème érotomaniaque. Les transformations qui amènent au
délire érotomaniaque ne concernent pas le verbe aimer mais l’objet de la propo-
sition : « ce n’est pas lui que j’aime, c’est “elle” qui devient par projection »,
« c’est elle qui m’aime ».
JALOUSIE : « Ce n’est pas moi qui aime l’homme, c’est elle qui l’aime. »
« Je ne l’aime pas. C’est elle qui l’aime », donne le thème de jalousie. Les trans-
formations à l’œuvre dans le délire de jalousie concernent le sujet de la
proposition qui est contredit : « ce n’est pas moi qui aime l’homme, c’est elle qui
l’aime ».
DÉLIRE DES GRANDEURS : « Je n’aime pas du tout, je n’aime personne, je n’aime que
moi. »
Le délire de grandeur résulte du rejet de la proposition entière :
« Je ne l’aime pas. Je n’aime personne. Je n’aime que moi. »

La théorie freudienne considère que l’idée de persécution est due à une défense
contre l’homosexualité inconsciente. L’assaut des tendances homosexuelles est
perçu grâce à la projection, comme venant de l’extérieur et déformé.
L’homosexualité refoulée réapparaît à la conscience sous la forme d’une négation
redoublée. Le sujet n’aime pas ses semblables et ceux-ci ne l’aiment pas non plus,
ils le haïssent et le sujet leur rend la haine.
– La structuration psychique du délirant chronique est prégénitale.
L’organisation caractérielle paranoïaque témoigne de failles narcissiques majeures.
Elle est marquée de failles profondes renvoyant aux premières étapes de son déve-
loppement psychoaffectif. Confronté à des expériences et des motions pulsionnelles
inacceptables pour le Moi, le sujet a pour se protéger recours à la régression psycho-
tique. L’installation du délire témoigne de cette régression. Le sujet réorganise
ensuite sa relation au monde en projetant en dehors les parties de lui-même du
registre pulsionnel du Ça qu’il ne peut réintégrer à son Moi. Son nouveau Moi est
ainsi amputé. Ce nouveau Moi est alors confronté à une nouvelle réalité qui est une
« néo-réalité ». Cette « néo-réalité » est porteuse des fantasmes rejetés hors du Moi.
Ces fantasmes rejetés hors du Moi font retour de l’extérieur sous la forme des persé-
cutions délirantes (hallucinations, interprétations ou imagination).
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144 • Repères en psychopathologie

– Paul Racamier (1983) insiste sur le rôle majeur de l’angoisse de dissolution de


soi et de l’angoisse de dévalorisation de soi dans la paranoïa. Il situe le conflit à un
niveau archaïque et conçoit l’homosexualité comme une tentative désespérée de se
construire une identité cohérente devant le vide angoissant laissé par la relation
dangereuse avec l’image maternelle et la relation inconsciente avec l’image pater-
nelle.
« Être entouré, épié, menacé, persécuté, c’est exister. »
Le sujet se rassure sur son identité et sur son existence par un état d’alerte créé
par la conviction délirante d’être persécuté mais le sujet a besoin de son objet persé-
cuteur car celui-ci le fait exister :
« Je suis persécuté donc je suis. »

Les psychoses délirantes chroniques dans l’approche structurale


de la personnalité
J. Bergeret (1974) n’envisage pas de mode de structuration particulier sous-
tendant les psychoses délirantes hallucinatoires ou paraphréniques. La psychose
hallucinatoire chronique « présente des parentés évidentes avec la structure para-
noïaque ». La paraphrénie se rattache, « pour l’essentiel » à la structure
schizophrénique.
J. Bergeret décrit l’existence d’une structure paranoïaque qui se caractérise par
un Moi distingué du non-Moi mais dans une dépendance agressive à l’égard de
l’objet et un Idéal du Moi inadapté. L’évolution pulsionnelle n’a pas dépassé le
primat de l’économie anale de réjection.
La relation objectale est faite de crainte de persécution et de besoin de maîtrise.
Le mécanisme de défense principal est la projection.

Les traitements thérapeutiques


En 1932, Lacan, dans sa thèse de doctorat de médecine se demande si la psycha-
nalyse est une bonne indication dans les psychoses délirantes chroniques.
« Il est de toute nécessité de corriger les tendances narcissiques du sujet par un
transfert aussi prolongé que possible. Par ailleurs, le transfert sur l’analyste, en
éveillant la pulsion homosexuelle, (...). Ce fait peut mettre l’analyste dans une
posture délicate. Le moins qui puisse survenir est l’abandon rapide du traitement par
le patient. Mais, dans nos cas, la réaction agressive se porte très fréquemment contre
le psychanalyste lui-même, et peut persister très longtemps, même après la réduction
de symptômes importants, et à l’étonnement du malade lui-même. »
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Les psychoses délirantes chroniques • 145

Lacan propose « une psychanalyse du Moi » plutôt qu’une « psychanalyse de l’in-


conscient » car le psychanalyste trouvera les solutions techniques « dans une
meilleure étude des résistances du sujet et dans une expérience nouvelle de leur
manœuvre… ».
La thérapie d’inspiration psychanalytique avec le sujet délirant a pour but d’of-
frir un lieu d’écoute où le sujet peut exposer ses idées délirantes et où le thérapeute
peut interpréter le symbolisme du délire en traitant le matériel comme le matériel
onirique des rêves et modifier les contenus latents qui engendrent ou entretiennent
la projection délirante.

IV. APPROCHE ATHÉORIQUE

La paranoïa disparaît au profit du Trouble délirant dont la « caractéristique


essentielle est la présence d’une ou de plusieurs idées délirantes non bizarres qui
persistent pendant au moins un mois » (critère A).

Le Trouble délirant
Le diagnostic de trouble délirant selon le DSM IV est porté si le sujet présente :
1. Des idées délirantes non bizarres pendant au moins un mois impliquant des
situations rencontrées dans la réalité.
2. Des symptômes qui ne sont pas caractéristiques de la schizophrénie.
3. Un fonctionnement peu perturbé en dehors du secteur touché par le délire.
4. Des épisodes thymiques plus courts que les périodes de délire en cas d’asso-
ciation d’idées délirantes et d’épisode thymique.
5. Ni consommation de substance toxique ni affection médicale générale
(D’après DSM IV, Masson)
Le Trouble délirant met l’accent sur la bizarrerie des idées délirantes car ce
critère à lui seul permet de différencier un Trouble délirant d’une schizophrénie. Les
idées délirantes bizarres sont des idées invraisemblables, incompréhensibles qui
évoquent des expériences non ordinaires de la vie. Selon le DSM IV, « le Trouble
délirant provoque une altération moindre du fonctionnement social et dans les diffé-
rents domaines d’activités » par rapport à la Schizophrénie.
Le DSM IV distingue les sous-types : érotomaniaque, mégalomaniaque, jalou-
sie, persécution, somatique, mixte (plusieurs thèmes délirants sont associés) et non
spécifié.
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146 • Repères en psychopathologie

Le Trouble délirant concernerait 1 à 2 % des admissions dans les unités


psychiatriques hospitalières et 0,03 % de la population générale (DSM IV).

La Personnalité paranoïaque selon le DSM IV


La caractéristique majeure de la personnalité paranoïaque est un mode général
de méfiance soupçonneuse à l’égard des autres dont les intentions sont interprétées
comme malveillantes. Si l’on retrouve parmi les critères proposés les tendances
interprétatives et l’inadaptation sociale, cette approche ne retient pas comme carac-
téristique de cette personnalité la surestimation de soi ni la surévaluation de ses
capacités.
Le diagnostic de Personnalité paranoïaque est porté si le sujet présente quatre
des critères suivants :
– attente sans preuve qu’autrui l’exploite, lui nuise, le trompe ;
– doutes injustifiés sur la loyauté, l’honnêteté des amis, des associés qui pousse
le sujet à épier leurs faits et gestes en quête de preuves de mauvaises intentions ;
– réticence à se confier à autrui de peur que l’information soit utilisée contre lui ;
– soupçons de sens cachés, menaçants, humiliants dans les propos et événe-
ments anodins ;
– tendance à la rancune, une incapacité à pardonner d’avoir été insulté, méprisé,
etc. ;
– réactions vives, hostiles, démesurées, colériques à ce qu’il perçoit comme
agression et persistance des sentiments d’hostilité ;
– soupçons incessants et sans preuve quant à la fidélité du conjoint ou du parte-
naire sexuel.
Ces comportements ne surviennent pas au cours de l’évolution d’un autre
Trouble psychique, schizophrénique ou thymique, ou ne sont pas dus à un trou-
ble neurologique ou à une affection médicale. (D’après DSM IV, Masson)
Selon le DSM IV, la fréquence de la personnalité paranoïaque serait de 0,5 à
2,5 % dans la population générale, de 2 à 10 % parmi les patients vus en consul-
tation psychiatrique, de 10 à 30 % parmi les patients psychiatriques hospitalisés.
La description proposée par la CIM 10 retient comme critère diagnostique de la
personnalité paranoïaque la surestimation personnelle et distingue les personnalités
paranoïaques expansives, fanatiques, quérulentes et sensitives.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 147

Les psychoses délirantes chroniques • 147

Les psychoses hallucinatoires chroniques et les paraphrénies


Les classifications internationales ignorent les « psychoses hallucinatoires chro-
niques » et les paraphrénies.
La CIM 10 inclut la psychose hallucinatoire chronique dans une catégorie inti-
tulée « autres troubles psychotiques non organiques » définis comme des « troubles
psychotiques qui ne répondent pas aux critères de la schizophrénie, à ceux d’un
trouble de l’humeur (affectif) de type psychotique, ou à ceux d’un trouble délirant
persistant ».

V. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE

L’approche comportementale des troubles délirants est très largement dévelop-


pée dans le monde anglo-saxon depuis longtemps et commence à être connue en
France. Elle propose des programmes d’entraînement aux Habilités sociales. Ces
programmes permettent aux psychotiques chroniques de mieux connaître leur
maladie, d’apprendre y faire face, de moins s’exposer aux risques de rechutes, de
participer activement à leur prévention et à leur traitement. Cet apprentissage se
réalise par des programmes de soins appelés « Éducation au traitement neurolep-
tique » et « Contrôle des symptômes ».
L’approche cognitive met davantage l’accent sur la restructuration cognitive.
Elle tente de redonner une signification personnelle aux idées délirantes, aux hallu-
cinations et aux autres symptômes négatifs, en les mettant en relation avec l’histoire
du sujet, avec les perturbations de son développement psychologique et diverses
anomalies neuropsychologiques. Elles cherchent à identifier puis modifier le
système de croyances de l’individu et à l’ouvrir à une conception différente de lui-
même, des autres et du monde. Elles visent à diminuer la souffrance psychologique
liée aux symptômes psychotiques persistants et diminuer l’interférence de ces
symptômes avec certaines activités quotidiennes vitales. Enfin, elles aident le sujet
à prendre conscience des différences entre ses pensées, ses croyances, et la réalité
objective.
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148 • Repères en psychopathologie

VI. ILLUSTRATIONS

1. Le cas « Aimée » ou la paranoïa d’autopunition selon J. Lacan


« Aimée, le cas Aimée, étant à Lacan en cette occurrence ce que le cas Anna O.
fut à Freud. » (J.P. Winter, 1998)

Les faits
Mme Z, actrice célèbre, est victime d’une agression lorsqu’elle arrive au théâtre
pour jouer ce soir-là. Une femme, inconnue d’elle, l’accoste à l’entrée des artistes
et lui demande si elle est bien Mme Z. L’inconnue sort de son sac un couteau et lève
le bras contre l’actrice qui saisit la lame à pleine main pour parer le coup mais se
sectionne deux tendons des doigts. L’inconnue est maîtrisée et déclare au commis-
sariat, que l’actrice « la nargue et la menace » depuis plusieurs années, qu’elle la
persécute avec un académicien, homme de lettres célèbre, qui, aurait dévoilé dans
ses écrits des éléments de sa vie privée.
Le rapport d’expertise médico-légale de Sainte-Anne conclut que la « dame
A. est atteinte de délire systématique de persécution à base d’interprétations avec
tendances mégalomaniaques et substratum érotomaniaque ». J. Lacan a suivi cette
patiente pendant un an et demi.

État civil
Mme A est âgée de 38 ans. Elle est née en Dordogne de parents paysans. Elle a
deux sœurs et trois frères dont l’un est instituteur. Elle est employée dans une admi-
nistration où elle est entrée à 18 ans. Elle est mariée à un employé de la même
administration. Son mari élève seul leur fils car Aimée a obtenu sa mutation pour
Paris où elle vit seule. Elle cessa de travailler pendant dix mois pour troubles
mentaux à l’origine d’une hospitalisation d’un semestre, six ans et demi auparavant.
Le certificat médical mentionnait : « Fonds de débilité mentale, idées délirantes de
persécution, hallucinations morbides, exaltation, incohérence par intervalle. Elle
croyait qu’on se moquait d’elle, qu’on proférait des injures à son égard, qu’on lui
reprochait sa conduite, elle voulait fuir aux États-Unis. »

Le délire
Avant l’agression, le délire d’Aimée présente l’éventail complet des thèmes
paranoïaques dont :
– Les thèmes de persécution : elle reproche à son mari « d’avoir des relations
avec des actrices ».
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Les psychoses délirantes chroniques • 149

– Les thèmes de grandeur se traduisent en rêves d’évasion vers une vie


meilleure, en intuitions d’une grande mission sociale, en idéalisme réformateur,
en érotomanie systématisée sur un personnage royal : le Prince de Galles auquel
elle adresse un poème :
« Elle sera une grande romancière, fera de son fils un ambassadeur, etc.
« Elle doit être quelque chose dans le Gouvernement
« cela devait être quelque chose comme Krishnamurti16. »

Le début des troubles


Le début des troubles délirants se situe à l’âge de 28 ans, elle est mariée depuis
4 ans, employée au même bureau que son mari dont elle est enceinte. Elle entend
ses collègues la critiquer, les passants l’injurier, les journaux parler d’elle.
La note dépressive est manifeste selon Lacan.

Le persécuteur : Mme Z
Aimée n’a jamais eu aucune relation avec Mme Z qui aurait menacé la vie de son
fils. Elle a vu l’artiste une fois au théâtre et une fois au cinéma.
Elle a entendu ses collègues parler de Mme Z. et en a déduit « que c’était elle »
qui leur « en voulait ».
Elle se souvient avoir dit autrefois du mal de Mme Z alors que ses collègues la
déclaraient « racée, distinguée… J’avais protesté en disant que c’était une putain.
C’est pour cela qu’elle devait m’en vouloir. »
Lacan relève « la valeur », de la persécutrice pour la patiente. Elle est le type de
femme célèbre vivant dans le luxe. Lacan constate « l’ambivalence de son attitude ;
car elle aussi,... voudrait être romancière, mener une grande vie, avoir une influence
sur le monde ».
Tous les personnages désignés de persécuteurs par Aimée seront artistes, jour-
nalistes, poètes. Par ailleurs, « ils sont hais collectivement comme grands fauteurs
de malheurs de la société ». Les « femmes de théâtre » sont « les courtisanes »,
« l’écume de la société, elles en sapent les droits et la démolissent ».

Hypothèses diagnostiques
Lacan lors de l’entrée d’Aimée rédige ce certificat :
« Psychose paranoïaque ; Délire récent ayant abouti à une tentative d’homi-
cide… etc. » « Toutefois, de caractère sensitif et psychasthénique, la personnalité
d’Aimée ne lui permet pas de réagir directement par une attitude de combat, qui
serait la véritable réaction paranoïaque. »

16. Philosophe indien.


Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 150

150 • Repères en psychopathologie

Le délire systématisé domine le tableau clinique. L’organisation du délire est


manifeste. Les divers thèmes de persécution et de grandeur sont liés et « cohérents »
avec « l’affectivité du sujet ». Cependant, le diagnostic de paranoïa est contredit par
« l’évolution curable du délire » et certains traits de caractère.
Les thèmes du délire n’entraînent plus aucune adhésion et les griefs contre la
victime sont « complètement réduits » après l’agression. Le rappel des thèmes déli-
rants suscite chez Aimée de la honte et un sentiment de ridicule. Lacan remarque
que les « guérisons instantanées du délire » ne s’observent que chez les délirants dits
passionnels après l’accomplissement de leur hantise meurtrière.
Lacan étudie les traits de caractère « attribués à la constitution dite paranoïaque :
surestimation mégalomaniaque, méfiance, hostilité au milieu, erreurs de jugement,
autodidactisme, accusation de plagiat, revendications sociales ». Ces traits « n’appa-
raissent » chez elle que « secondairement à l’éclosion délirante ».
Lacan analyse « les insuffisances psychiques particulières » de Aimée à la
lumière des « descriptions voisines de Janet et de Kretschmer, se rapportant l’une à
la psychasthénie, l’autre au caractère sensitif ».
Lacan propose le cas d’Aimée comme un prototype de paranoïa d’autopunition.
Il donne le nom d’autopunition aux traits cliniques du caractère et de la personna-
lité de Aimée.
L’autopunition explique le sens du délire :
– son enfant est menacé pour la châtier,
– ses ennemis se sentent menacés par sa mission.
Lacan étudie dans les convictions délirantes d’Aimée leur « valeur de réalité, qui
se comprend en relation avec le développement historique de la personnalité du
sujet ». Aimée reconnaît sa propre histoire dans un roman de l’écrivain qui la persé-
cute. Lacan note un rapport direct des thèmes fondamentaux de ce roman avec les
complexes et les conflits majeurs à la base du délire d’Aimée.
La lecture de ce texte de Lacan est aisée et vivement conseillée.

2. L’acte meurtrier des sœurs Papin


Christine et Léa sont deux sœurs âgées de vingt-huit et vingt et un ans. Elles sont
employées de maison, depuis plusieurs années, chez un avoué, sa femme et sa fille
au Mans.
Le 2 février 1933, monsieur Lancelin n’arrivant à pas entrer chez lui appelle la
gendarmerie qui force la porte et découvre sa femme et sa fille assassinées, le corps
mutilé, les têtes fracassées par des coups, les yeux arrachés de leur orbite. Les deux
sœurs ont mis à exécution l’expression : « je t’arracherai les yeux de la tête ».
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Les psychoses délirantes chroniques • 151

Les deux domestiques modèles, Christine et Léa Papin avouent le double meur-
tre.
Le crime des sœurs Papin a inspiré un article à Jacques Lacan, une pièce de théâ-
tre à Jean Genet (Les Bonnes, 1947) et plus récemment un film à J.P. Denis.
Jacques Lacan rédige en 1933 un article intitulé « Motifs du crime paranoïaque :
le crime des sœurs Papin ».
Christine, la sœur aînée aurait accompli le travail ; Léa se contentant de l’imiter
au final en lacérant de coups de couteau les fessiers et les membres inférieurs de
leurs patronnes. Après leur forfait, elles lavent tout et remettent tout en ordre.
L’acte criminel n’est motivé par aucun motif sérieux susceptible de justifier ce
« sanglant carnage ».
Les sœurs Papin relatent une histoire de fer à repasser détraqué, un plomb élec-
trique qui, en sautant, aurait coupé l’électricité.
Pour Lacan, la « panne » électrique qui déclenche le drame reflète le silence
entre les patronnes et les domestiques.
Pour E. Roudinesco (1993), « le crime, déclenché par la panne, était la mise en
acte, par la violence, de ce non dit dont la signification échappait aux protagonistes
du drame ».
Lacan rapporte que les deux sœurs apparaîtront à trois médecins experts « sans
aucun signe de délire, ni de démence, sans aucun trouble actuel psychique ni
physique ».
Léa et Christine étaient filles de Clémence, mère qui ne les élèvera pas mais les
placera de maison en maison dont la dernière fut celle des Lancelin. La mère entre-
tient un rapport de maîtrise à l’égard de ses filles qu’elle souhaite « soumises ». Les
lettres écrites par Clémence à ses filles révèlent des idées délirantes de jalousie et
des thèmes de persécution.
Clémence empêche Christine de prendre le voile comme sa sœur aînée Émilia
qui échappe à l’emprise de la mère grâce à la vocation religieuse. Christine va
reporter son affection pour sa sœur Émilia sur sa petite sœur Léa. Christine protège,
instruit, commande et Léa répond en écho, joue la doublure, copie l’original. Elles
forment un couple psychique, un monde clos de bonheur à deux, un « univers de
complétude narcissique », une « âme siamoise ». Trois actes précèdent le dénoue-
ment du drame :
– Madame Lancelin permet à Léa et Christine de garder leurs rémunérations qui
revenaient auparavant à leur mère.
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152 • Repères en psychopathologie

– Léa et Christine rompent avec leur mère Clémence.


– En août, Léa et Christine ont déposé à la mairie une requête d’émancipation
de Léa. Elles ont évoqué une séquestration tout en déclarant être bien chez les
Lancelin. Le maire les adresse au commissariat où elles se plaignent d’être
« persécutées par le maire ». Le commissaire conseille à monsieur Lancelin de se
séparer de ces « deux persécutées ». J.-D. Nasio (2000) relève un « glissement
métonymique du signifiant “mère” au signifiant “maire” ». En libérant Léa, elles
cherchent à se libérer elles-mêmes, en sollicitant une émancipation du maire,
elles cherchent à se libérer de la mère.
La mise à l’écart de Clémence installe madame Lancelin dans l’espace maternel
vacant. Christine opère un transfert maternel sur madame Lancelin. De bonne mère,
madame Lancelin devient comme Clémence la persécutrice. Le spéculaire, c’est-à-
dire le jeu de miroir où l’Autre c’est Moi et Moi c’est l’Autre est caractéristique du
mode de fonctionnement paranoïaque. Selon Lacan, la réciprocité et la réversibilité
sont au cœur des convictions délirantes paranoïaques qui font dire au sujet para-
noïaque : « je dis que lui m’aime, si c’est moi qui l’aime ; je dis que c’est lui qui me
hait, si c’est moi qui le hais ».
Avant le passage à l’acte, madame Lancelin aurait énoncé sa sentence de mort
en signifiant à ses domestiques qu’elles n’étaient « bonnes à rien ». Christine lut
dans le regard de sa patronne : « vous n’êtes bonnes à rien ». L’énucléation est la
mise en acte de la réciprocité paranoïaque : « elle me tue du regard, je tue son
regard ». Cette interprétation persécutrice annule l’identité construite et déclenche
la pulsion meurtrière, tentative désespérée de re-création identitaire.
L’emprisonnement mettra fin à l’enfermement narcissique. Christine présentera
un délire mystique puis s’enfermera dans une sidération schizophrénique et mourra
en mai 1937 à l’hôpital. Léa sortira de prison en 1943 et vivra avec sa mère jusqu’à
sa mort en 1982.
Pour Lacan un des motifs du crime serait de séparer Christine de l’image d’elle,
que lui renvoie Léa, de l’« idéal du Moi » narcissique de ce double ressemblant
qu’illustre Lacan dans l’expression littéraire « âmes siamoises ».
Lacan pose la question du père. Gustave Papin aurait violé la sœur aînée Émilia,
qui n’était peut-être pas sa fille biologique. Le père est parti au front en 1914 : cette
absence réelle est conjointe à une absence symbolique : rien de sa parole, de son
autorité, de sa place n’est transmis par la mère. La métaphore paternelle se révèle
peu opératoire dans les propos délirants de Christine où elle déclare : « Je crois bien
que dans une autre vie je devais être le mari de ma sœur. »
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Les psychoses délirantes chroniques • 153

Selon Lacan, ce délire tente mais échoue à modifier l’ordre dans la succession
des couples de femmes : couple Christine-Isabelle (une tante qui l’a accueillie
pendant 7 ans), puis Christine-Clémence (sa mère), puis Christine-Émilia puis
Christine-Léa autant de renvois imaginaires auxquels répond le couple des patron-
nes au moment du drame.

VII. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 / Les psychoses délirantes chroniques comportent en France trois


pathologies différenciées. Précisez-les.

Question 2 / Indiquez le mécanisme dominant dans les différentes psychoses


délirantes chroniques.

Question 3 / Quelles sont les psychoses délirantes chroniques qui se développent


sur des caractères particuliers ? Justifiez votre ou vos réponse(s).

Question 4 / Précisez les syndromes caractéristiques de la psychose hallucina-


toire chronique.

Question 5 / Quel est le délire décrit par Kretschmer ?

Question 6 / La psychose hallucinatoire chronique est plus fréquente


1. Chez les femmes
2. Chez les hommes

Question 7 / Quel est le mécanisme caractéristique de la paraphrénie ?

Question 8 / Quelles sont les phases décrites par G. de Clérambault dans le délire
érotomaniaque ?
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154 • Repères en psychopathologie

Question 9 /
Jean est hospitalisé à l’âge de 35 ans. Il a mené une existence familiale, sociale,
adaptée jusqu’alors. Au cours d’un entretien avec sa mère, nous apprenons que
Jean est né à 7 mois, qu’il pesait 1,9 kg ; qu’il a été élevé dans du coton. La mère
semble avoir toujours fait preuve d’une hyperprotection anxieuse à l’égard de Jean
qu’elle décrit comme un garçon « agréable, doux, séducteur ».
Sur le plan scolaire, sa réussite scolaire fut médiocre : il obtint un Brevet d’en-
seignement professionnel industriel contrairement à ses deux frères qui ont suivi
des études universitaires. Jean détonne dans cette famille bourgeoise où les fils
suivent traditionnellement des études supérieures.
Jean a toujours souffert d’un sentiment d’infériorité à l’égard de son frère aîné
qui a réussi ses études et est devenu un brillant avocat.
La mère de Jean nous raconte qu’il mènera une vie d’étudiant bourgeois alors
qu’il n’était pas étudiant. Il pratiquait l’équitation, la chasse, le golf, et sortait dans
les clubs privés. À 18 ans, il a une relation sentimentale avec une jeune femme de
son âge qui cessera, de son fait, pendant son service militaire. La même année, son
père décède d’un accident.
Après son service militaire, il trouve un travail à 200 kilomètres de sa ville
natale mais il est hospitalisé à la suite de violences envers sa mère. D’autres passa-
ges à l’acte agressifs vis-à-vis de tiers et d’autres épisodes délirants occasionneront
une quinzaine d’hospitalisations.
Jean fut suivi par plusieurs psychiatres et psychanalystes. Jean justifie les chan-
gements de thérapeutes par leur incompétence et leur incompréhension. Jean a lu
tous les écrits de Freud et Lacan. Il vante ces auteurs à ses thérapeutes pour mieux
les déprécier.
La personnalité de Jean est marquée d’une surestimation de soi associée à un
mépris généralisé : les infirmiers sont « débiles », les psychiatres sont « mauvais » et
« incompétents », les médecins ne « comprennent rien à rien », etc.. Alors que Jean
mit fin à sa relation avec sa fiancée pendant son service militaire, il accuse celle-ci
d’avoir rompu comme il accuse son psychothérapeute d’avoir des désirs homo-
sexuels à son égard………………
Indiquez le(s) mécanisme(s), le(s) thème(s) des idées délirantes de Jean, les traits
de caractère de Jean.

Question 10 /
Mme B a 68 ans. Elle est la quatrième d’une fratrie de sept enfants. Sa mère est
décédée après l’accouchement du dernier enfant. Elle a été placée dans différentes
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Les psychoses délirantes chroniques • 155

familles adoptives puis est restée dans la même famille nourricière de quatre à
quatorze ans. Mme B « a beaucoup souffert » de ne pas voir ses frères et sœurs. À
quatorze ans, elle travaille dans une famille bourgeoise puis exerce les emplois
d’aide-ménagère et d’ouvrière en usine. À la suite de sa maladie, elle n’a pas pu
reprendre une activité professionnelle régulière et a été mise en invalidité plus tard.
Mme B proteste auprès de la gendarmerie et du maire contre « les agissements » d’un
certain M. G, qui la poursuit « de ses assiduités ». Elle écrit des lettres de « dénon-
ciation » aux « autorités compétentes » et profère des menaces de mort à l’égard de
M. G. Elle est hospitalisée en placement d’office. À son arrivée à l’hôpital, Mme B.
présente une « symptomatologie délirante riche avec participation thymique consi-
dérable ». Elle entend la voix de M. G., qui « lui parlait dans la tête » et lui faisait
des propositions sexuelles. Face à son refus, il l’insulte et la « tourmente ». Elle
ressent des « sensations d’attouchement des zones génitales » et d’autres manifes-
tations corporelles désagréables. Le délire reste très actif et oscille entre un pôle où
M. G. est persécuteur et un pôle où il est objet érotomaniaque. Le délire est orga-
nisé autour des mécanismes interprétatifs, intuitifs et hallucinatoires. Mme B mène
une vie « restreinte » mais d’apparence « normale ». Pendant plusieurs années, elle
vit en couple avec un homme qui ignore ses troubles (Papadakos V., 1993).
Indiquez vos observations sémiologiques, et discutez vos hypothèses diagnostiques.

Question 11 / Zacarias V.M. fut admis à l’institut Psychiatrique Municipal d’ur-


gences de Barcelone en novembre 1969. Il était fonctionnaire des Postes et s’était
querellé au travail pour des questions d’échelon. Il est l’auteur de plusieurs récla-
mations judiciaires avec les copropriétaires de l’immeuble dans lequel il vit. Il
prétexte que « les trous percés pour accrocher les boites aux lettres pourraient
endommager le mur » et que la maison « risquerait de tomber en cas de tremble-
ment de terre ». Le motif de l’admission fut la maladie de son fils, qui, souffrant
d’une cardiopathie congénitale, avait été opéré. Le chirurgien lui avait posé un
régulateur cardiaque. M. Zacarias déposa une plainte parce qu’on ne l’avait pas
prévenu qu’on allait poser un régulateur cardiaque à son fils. La réclamation
n’ayant pas eu de suite, il est revenu à l’attaque plusieurs fois en invoquant, par
exemple, que le régulateur qu’on avait posé était de qualité déficiente (Pons R.,
Ortega-Monasterio L., 1988).
Quel diagnostic proposent les auteurs de l’article ?

Question 12 / Sur quelles caractéristiques met l’accent le DSM IV dans sa


description de la personnalité paranoïaque ?
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156 • Repères en psychopathologie

Question 13 / Le DSM IV décrit-il ?


1. La psychose paranoïaque Oui-Non
2. Le trouble paranoïaque Oui-Non
3. La paraphrénie Oui-Non
4. La psychose chronique paranoïaque Oui-Non
5. Autres… Justifiez votre ou vos réponse(s) Oui-Non

Question 14 / Le DSM distingue sept types de Troubles délirants. Indiquez-les.

Question 15 /
A. Freud en 1911 publie un texte analysant un cas de paranoïa. Quel est le titre de
cette publication ?
B. En quoi ce texte de 1911 modifie la conception du délire et de la psychose ?
C. Comment Freud analyse les mécanismes en œuvre dans le délire de jalousie ?
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• C h a p i t r e 8 •

LES SCHIZOPHRÉNIES

Le groupe des schizophrénies réunit les pathologies caractérisées par un proces-


sus de dissociation mentale appelé successivement « démence précoce »,
« discordance intrapsychique » ou « dissociation autistique de la personnalité ».
Aujourd’hui, la notion de dissociation mentale est au cœur d’une controverse et ce
critère diagnostique est absent des classifications internationales.

I. HISTORIQUE

– Morel (1851-1860) appelait « déments précoces » des sujets « frappés de stupi-


dité depuis leur plus jeune âge ».
– En Allemagne, Hecker (1871) nommait cette maladie hébéphrénie pour dési-
gner un syndrome d’affaiblissement mental évoluant par accès successifs, touchant
de jeunes adolescents présentant des troubles du langage et du comportement.
– Kahlbaum (1874) se focalise sur les manifestations psychomotrices de cette
pathologie qu’il nomme catatonie ou « folie avec tension musculaire » d’évolution
démentielle qui combine inertie motrice, flexibilité cireuse, catalepsie, hyperkiné-
sie et maniérisme.
– Kraepelin introduit la démence précoce dans la quatrième édition de son traité
de psychiatrie en 1893 qu’il introduisit en 1899 par son évolution vers un affaiblis-
sement psychique et par ses trois formes cliniques : l’hébéphrénie, la catatonie et la
forme paranoïde, forme délirante de la maladie.

Eugen Bleuler : « le groupe des schizophrénies »


E. Bleuler (1857-1939) révise la conception kraepeliennne au moyen de la
psychanalyse freudienne alors naissante et de la théorie de la dissociation de Pierre
Janet (1859-1947) et propose en 1911 la nouvelle dénomination de schizophrénie
dans Dementai Praecox ou groupe de schizophrénies.
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158 • Repères en psychopathologie

« Schizophrénie » vient du grec phrên (esprit) et schizen (fendre, cliver, couper,


scinder).
Bleuler a formé ce nouveau nom de schizophrénie pour représenter la dissocia-
tion (Spaltung en allemand) que subit la pensée des sujets dont les idées ne sont plus
associées les unes aux autres par des liens logiques mais par des associations inha-
bituelles. Selon Bleuler, ce phénomène de dislocation se produit chez l’individu
normal au cours des rêves dans lesquels les événements sont reliés entre eux par des
liens absurdes qui pourtant, paraissent logiques pendant le rêve.
La schizophrénie, selon Bleuler, est caractérisée par un trouble dans la cohé-
rence normale des associations, une dissociation du flux de la pensée et par une
rupture du contact affectif avec le milieu ambiant, par une impossibilité à entrer en
communication spontanée ou autisme.
En France, en 1912, Philippe Chaslin introduisit la notion de discordance.
Bleuler a déclaré en 1926 qu’il n’aurait pas créé le terme de schizophrénie si le
terme de « folie discordante » de Chaslin avait existé à la date de la publication de
sa monographie. Les deux termes deviennent presque synonymes dans les écrits
psychiatriques français. Jusqu’en 1970, le diagnostic de schizophrénie repose sur la
présence d’une dissociation mentale.
Dès 1960, l’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.), mobilise la commu-
nauté psychiatrique sur la médiocre fiabilité des classifications existantes. En 1972,
la publication des résultats du programme anglo-américain de diagnostic (US-UK
Diagnostic project) montre que le diagnostic de schizophrénie est posé deux fois
plus souvent à New York qu’à Londres alors que celui de mélancolie est porté
quatre fois plus à Londres qu’à New York. La mauvaise fidélité interjuges du
diagnostic de schizophrénie est désormais établie et attribuée à la place trop impor-
tante laissée à l’impression globale et à l’interprétation du clinicien dans la
reconnaissance des signes selon l’approche traditionnelle.
Les divergences internationales concernant les diagnostics et la nécessité de les
réduire vont susciter un profond remaniement nosologique marqué par l’émergence
de nouvelles approches cliniques qui coexistent aujourd’hui : approche critériolo-
gique, dimentionnelle, cognitive et approche psychanalytique.

II. SÉMIOLOGIE

À l’étranger, particulièrement dans les pays anglo-saxons, le concept de schizo-


phrénie recouvre tous les états psychotiques délirants aigus à l’exception de la
paranoïa.
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Les schizophrénies • 159

En France, les schizophrénies sont traditionnellement caractérisées par trois


syndromes :
– le syndrome de dissociation ;
– le syndrome délirant ;
– les troubles des conduites.

LE SYNDROME DE DISSOCIATION

La dissociation désigne un processus de désagrégation qui touche tous les


secteurs de la vie mentale et relationnelle du sujet. La dissociation est le noyau
commun des schizophrénies.
– Les symptômes fondamentaux sont les troubles des associations, les troubles
de l’affectivité, l’ambivalence et « l’attitude envers la réalité » dont Bleuler décrit la
perturbation caractéristique sous le nom d’autisme. Bleuler regroupait les symptô-
mes de la schizophrénie sous le terme de 4 A : Association, Affect, Autisme,
Ambivalence.
– Chaslin définissait la discordance comme un défaut de concordance. Les diffé-
rents aspects de la discordance sont l’ambivalence, la bizarrerie, l’impénétrabilité et
le détachement du réel.
– L’ambivalence est un terme créé par Bleuler pour désigner la coexistence de
sentiments, de désirs ou d’attitudes contradictoires envers un objet ou une personne.
Pour Bleuler, l’ambivalence est « la disposition d’esprit du schizophrène à réali-
ser simultanément des groupes psychiques opposés ».
Bleuler décrivait l’ambivalence dans trois domaines :
– Au niveau de la volonté : c’est le fait de vouloir et ne pas vouloir en même
temps.
– Au niveau intellectuel, c’est l’énoncé simultané d’une proposition et de son
contraire.
– Au niveau affectif, c’est l’expression simultanée de sentiments opposés,
comme l’amour et la haine ou la coexistence de propos euphoriques et d’une
mimique de désespoir.
Un sujet exprimant les aspects positifs et négatifs d’une même chose dira :
« j’aime la rose malgré ses épines », un sujet schizophrène dira : « j’aime et je
déteste les roses ».(Bleuler)
Freud qualifiera à l’aide de cette dénomination un conflit pulsionnel, essen-
tiellement le conflit amour/haine. Freud reprend le terme d’ambivalence hors du
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160 • Repères en psychopathologie

champ des psychoses. Il l’applique au conflit névrotique dont l’exemple type est
le conflit œdipien. Selon l’acception psychanalytique, le schizophrène n’est pas
ambivalent mais préambivalent puisque la réunion sur un même objet de tendan-
ces contraires suppose un objet unifié, ce qui n’est pas le cas du sujet
schizophrène chez lequel l’objet n’est pas unifié.
– La bizarrerie : les comportements et les conduites du sujet donnent une
impression de distorsion. L’impression de bizarrerie est due à l’association d’élé-
ments qui, pris isolément ne seraient pas extraordinaires mais dont la combinaison
apparaît paradoxale, illogique, inattendue. Les bizarreries reflètent l’absence
d’unité psychique du sujet.
– L’impénétrabilité : entre le sujet et autrui, il y a une impénétrabilité, un hermé-
tisme. Le sens des propos ou des conduites du sujet échappe à son interlocuteur, à
son entourage, à autrui. Les gestes, les propos sont énigmatiques, mystérieux, étran-
ges, hermétiques, incompréhensibles.
– Le détachement : le sujet manifeste un détachement inhabituel par rapport à la
réalité, un retrait, un repli sur soi, un isolement. Le repli sur soi a longtemps été
considéré à tort comme la marque d’une inaffectivité du sujet alors qu’il s’agit
d’une « perte de contact avec la réalité » (Minkovski).

La discordance au niveau intellectuel


– Le potentiel intellectuel est conservé mais peut se révéler inefficace. Les
atteintes des fonctions intellectuelles peuvent être parcellaires ou paradoxales.
Ainsi, certaines fonctions seront opérantes quand d’autres ne le seront pas. Par
exemple, dans le domaine de la mémoire, un sujet peut oublier son métier et se
souvenir de tout le reste. De telles lacunes peuvent côtoyer une capacité intellec-
tuelle, souvent supérieure à la normale.
– Les troubles du cours de la pensée : la pensée apparaît comme désordonnée,
embrouillée, chaotique. Les pensées sont juxtaposées sans logique et les associa-
tions d’idées se font par assonances. Des coq à l’âne contribuent à donner un cours
inhabituel à la pensée. Ces troubles de la pensée conduisent à l’incohérence du
discours ou salade de mots ou schizophasie. Le discours des sujets est émaillé de
déraillements et de relâchements des associations.
Voici ce qu’écrit un patient :
« L’important de revenir encore à la même idée qui revient car dans le mur le vide
n’est pas revenu même si je ne suis pas d’accord au-delà du monde les gens du
monde s’efforcent encore. » (Lelord, 1993)
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Les schizophrénies • 161

Le trouble le plus frappant du cours de la pensée est le barrage c’est-à-dire la


suspension du discours. Le sujet cesse de parler brusquement, s’arrête au milieu
d’une phrase, sans raison compréhensible, reste absent et indifférent pendant un
certain temps puis reprend la conversation. Le barrage était considéré auparavant
comme pathognomonique17 de la schizophrénie.
Le « fading mental » est une forme particulière de barrage. Fading est un mot
anglais appartenant au langage de radio amateur qui désigne le fait qu’à certains
moments, la voix diminue, s’estompe, disparaît puis redevient parfaitement nette.
Les altérations du cours de la pensée peuvent concerner le rythme de la pensée
qui peut être ralenti (bradypsychie) ou précipité (tachypsychie). Le sens d’un
discours peut être inversé lorsque l’élocution est ralentie ou discontinue comme
l’illustrent les exemples suivants : « il faut désarmer » ou « il faut des armées », « il
faut pacifier » ou « il faut pas s’y fier ». (Bieder, 1999)
– Dans le discours des sujets schizophrènes, on peut noter des réponses à côté,
des énumérations interminables, des persévérations (rumination, dénomination
automatique), une certaine prolixité circonlocutoire (détours hors de propos dans le
discours), des digressions ou tangentialité, etc.
– Les altérations du langage sont multiples et comportent des états de mutisme
ou semi-mutisme ou au contraire une logorrhée, des impulsions verbales (sous
forme de propos injurieux ou obscènes), des altérations syntaxiques (agramma-
tisme), des altérations sémantiques (néologismes, mots inventés), des paralogismes,
des jeux de mots, des altérations du graphisme (sous forme d’écriture contournée
ou surchargée).
Danon-Boileau et Golse (1999) insistent sur la signification de ces altérations qui
signent la perte de la capacité à traiter les conflits internes :
« Pour un psychanalyste, l’intérêt du langage dans la psychose n’est pas celui de
ses formes et de ses tournures. C’est surtout celui de la fonction psychique qu’il peut
assumer dans le traitement des pulsions. Aussi, c’est la fonction langage comme
processus de symbolisation qui retiendra ici notre attention. »
Ces cliniciens constatent que les mots peuvent devenir pour le sujet schizophrène
« la seule réalité investie ».
– Les altérations de la fonction du langage sont caractéristiques de la schizo-
phrénie où le langage n’est plus un outil de communication avec autrui qui cesse
d’être un interlocuteur.

17. Symptôme qui se rencontre dans une seule maladie déterminée et qui suffit à établir le
diagnostic.
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162 • Repères en psychopathologie

« Autrui cesse d’être, pour la malade, le partenaire d’un dialogue et le coopéra-


teur d’une tâche ; il ne se présente plus à lui sur le fond des implications sociales, il
perd sa réalité de “socius”, et devient, dans cet univers dépeuplé, l’Étranger. » (M.
Foucault, 1954)

La discordance dans le domaine affectif


Les affects, les émotions sont émoussés ou inappropriés. Les sujets présentent
une insensibilité apparente aux événements, un désintérêt pour l’activité pratique,
une froideur qui masque une sensibilité à fleur de peau. Le sujet se réfugie derrière
cette apparente froideur parce que les contacts sociaux sont trop invasifs pour lui.
Ces sujets ont l’impression de se dissoudre quand la proximité est importante.
L’indifférence affective des sujets schizophrènes est défensive. L’affectivité du sujet
empreinte de discordance est paradoxale.
Patrice ne réagit pas au décès d’un parent mais réagit à l’annonce de la grippe de
l’infirmière.
Julia sourit alors qu’on lui annonce une mauvaise nouvelle concernant un membre
de sa famille.
– Les affects sont paradoxaux : les réactions affectives sont tout à fait imprévi-
sibles et incompréhensibles.
Une jeune fille d’une vingtaine d’années a de fréquentes crises de larmes qui
surviennent lors de ses séances de thérapie. Elle éclate en sanglots et demande un
mouchoir. Le thérapeute lui tend la boite à mouchoirs. Elle en prend un ou deux,
essuie ses larmes, se mouche bruyamment, demande au thérapeute la poubelle qui se
trouve à l’autre extrémité de la pièce ; elle jette le mouchoir et reprend les associa-
tions comme si de rien n’était. Le thérapeute analyse la fonction symbolique des
mouchoirs, de la poubelle et la signification transférentielle de cette scène (Virole,
2000).
– L’affectivité du sujet est empreinte de négativisme décrit par Bleuler (1911)
comme un refus défensif de toute relation à autrui.

La discordance au niveau du comportement


Les comportements sont énigmatiques, discordants, fragmentés, perturbés,
étranges.
– Au niveau de la mimique, s’exprime un « parasitisme mimique » :
Les expressions faciales contredisent le discours.
Des fous rires sans motivation ponctuent un discours triste.
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Les schizophrénies • 163

– Au niveau du comportement, on peut observer un maniérisme, une affectation,


des stéréotypies. Les stéréotypies motrices sont des séquences de gestes iden-
tiques, répétés inlassablement :
Une jeune fille tourne imperturbablement une mèche de cheveux.
– De temps en temps peuvent survenir des impulsions motrices. Une impulsion
est un geste imprévisible exécuté avec une très grande rapidité, souvent avec
froideur et distance par rapport à la situation.
Un homme assis se lève et traverse la salle, propulse un siège dans une vitre
puis revient s’asseoir.
– Lors de crises clastiques, les sujets peuvent devenir agressifs, violents et inca-
pables de se contrôler.
– Le négativisme psychomoteur se manifeste par des attitudes qui traduisent le
refus de tout contact avec autrui comme des attitudes de raideur ou le refus de la
main tendue, etc. La réactivité à l’environnement est annulée.
– La discordance au niveau psychomoteur apparaît parfois sous forme de cata-
tonie, syndrome qui combine catalepsie, perte de l’initiative motrice, immobilité,
persévération des attitudes (imposées ou spontanées).

Les troubles des conduites instinctuelles


Les sujets peuvent présenter des troubles anorexiques ou boulimiques, des
conduites alimentaires régressives (succion, tétage), des conduites alimentaires
aberrantes (incorporation de feuilles, de papier etc.), des jeux avec les excréments
(barbouillage ou coprophagie), des masturbations incongrues, des conduites sexuel-
les agressives, des troubles exhibitionnistes, des comportements de prostitution
compulsive, etc.

La dépersonnalisation
La dissociation génère un vécu de dépersonnalisation. Dans la dépersonnalisa-
tion, la perturbation se situe au niveau de la perception de soi tandis que l’altération
se situe au niveau de la perception de l’environnement extérieur dans la déréalisa-
tion.
Le sujet doute de ses limites corporelles et éprouve des changements de forme,
de volume. Ces sensations entraînent les gestes de contrôle par la vue et le toucher
qui témoignent d’un vécu corporel de morcellement :
– contemplation des mains, du visage ;
– longues stations devant la glace : signe du miroir.
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164 • Repères en psychopathologie

« Par moment elle ne peut s’empêcher de focaliser son attention perceptive sur sa
propre main, l’extrayant du contexte de son propre corps et lui trouvant alors des
propriétés morphologiques étonnantes. » (Virole, 2000)
« Vous ne pouvez savoir ce que nous ressentons. C’est comme si, à tout moment,
on risquait de se dissoudre comme le sucre dans le café. » (Py, 1986)
« C’est l’angoisse de se perdre ; de se fondre dans le néant ; de se diluer dans l’au-
tre ; de se vider de sa substance ; bref, c’est l’angoisse paranoïde. » (Racamier, 1995)
Dans les cas extrêmes, le sujet a une impression de dévitalisation de soi et du
monde extérieur. Le sujet peut avoir des sensations d’anéantissement, de décompo-
sition, de minéralisation.
« Mon corps est dur comme du bois.
Très souvent il me semblait que ma tête n’adhérait pas au corps. »
Le sujet expérimente :
– une perte des limites de la personne physique ;
– la perte du sentiment d’individualité de la personne ;
– une impression d’étrangeté voire de bouleversement total du monde extérieur ;
– une impression de dédoublement de la personnalité avec effraction de la cohé-
rence de la personne, par des influences étrangères.

LE SYNDROME DÉLIRANT

À côté des symptômes dissociatifs, le sujet schizophrène présente des idées déli-
rantes et un repli autistique dans un monde plus ou moins clos.

Le délire paranoïde
Le terme de délire paranoïde désigne un délire flou, imprécis, non systématisé,
sans logique, aux thèmes polymorphes et aux mécanismes multiples.
L’inorganisation du délire est caractéristique dans la schizophrénie.
Le délire paranoïde n’est pas systématisé : les idées délirantes sont juxtaposées,
sans liens cohérents entre les différents thèmes. Ce délire donne une impression de
flou, de bizarrerie, d’imprécision. Le délire est souvent exprimé dans un langage
abstrait et symbolique ce qui rend le délire difficile à comprendre. Le délire para-
noïde, hermétique ne se superpose pas à la réalité mais la remplace : le contenu
mental est projeté sur le réel et prend sa place. Les sujets délirent pour continuer
d’exister selon Racamier (1983) qui propose cette formule éclairante :
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Les schizophrénies • 165

« Le délire ou la vie. »
« Le schizophrène combat pour le réel, pour l’objet, pour la pensée et pour le Je. »
(Racamier)
Toutefois, il ne faut pas confondre l’incohérence du délire avec la discordance.
Certains délires sont tout à fait incohérents, illogiques alors que les émotions et les
comportements ne sont pas discordants. Le délire paranoïde est vécu de manière
discordante. Les thèmes délirants sont énoncés avec froideur, indifférence, sans
aucune charge affective. Une absence de parallélisme entre les thèmes délirants et
le vécu affectif illustre la dissociation idéo-affective qui caractérise le délire para-
noïde.
Les mécanismes du délire paranoïde sont diversifiés : l’hallucination, l’interpré-
tation, l’illusion, l’intuition, l’imagination, l’automatisme mental.
– L’hallucination : selon Frith (1992) les hallucinations sont souvent acous-
tico-verbales. 20 % des schizophrènes seulement souffrent d’hallucinations
dans d’autres modalités sensorielles telles que la vision, le toucher ou les sensa-
tions internes.
Le sujet énonce des perceptions hallucinatoires de transformation corporelle,
de métamorphose, d’éclatement, de possession, de négation d’organe. Les hallu-
cinations cénesthésiques consistent en des sensations de courant électrique, des
sensations de douleurs en éclair, des sensations d’attouchements voluptueux des
organes génitaux, etc. Racamier considère l’hallucination comme un « orgasme
par les sens ».
– L’automatisme mental est très souvent présent. La pensée est répétée en
écho, commentée avec ironie ou mépris. Les actes sont imposés par des ordres
ou commentés…
« Le système me donnait des ordres de plus en plus pressants : je devais me jeter
dans la mer, je devais m’ouvrir une veine. Mais surtout je devais aller au fond de
l’eau. (...) J’étais poussée à me lever, à fuir, à me faire du mal. » (Séchehaye, 1983)
« Chacun sait que vivant comme des machines, ils projettent à cette image celle
de leur corps. » (Tausk, auteur de De la genèse de « l’appareil à influencer » au cours
de la schizophrénie).
– Les thèmes du délire paranoïde sont polymorphes. Les thèmes délirants dans
le délire paranoïde sont intriqués et centrés sur des idées de persécution, d’hypo-
condrie, de transformation corporelle, d’idées mystiques, de revendication,
d’influence, de référence, des thèmes érotomaniaques, thèmes mégalomaniaques,
etc.
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166 • Repères en psychopathologie

« Puisque Dieu est entré en “contact nerfs” avec moi, je deviens une voix pour
Dieu, le seul être humain ou simplement un humain autour de qui toute chose tourne,
à qui tout ce qui arrive peut être rapporté et qui, par conséquent, de son propre point
de vue, peut aussi rapporter toute chose à lui-même. » (Schreber, 1955)

Le sujet schizophrène ne cherche pas à faire partager sa conviction délirante. Le


délire abstrait, incommunicable coupe le sujet du monde. Ce délire est autistique.

L’autisme

Le terme d’autisme est créé par Bleuler en 1911 à partir de l’expression freu-
dienne d’auto-érotisme, terme emprunté à Havelock Ellis. Bleuler veut donner un
contenu psychologique au repli et à la recherche de satisfaction sur soi, sur son
corps propre, à laquelle se livre un sujet prisonnier de son état subjectif, au détri-
ment de la réalité partagée avec les autres. Le mot autistique est dérivé du grec
autos qui signifie soi.
L’autisme était considéré par Bleuler comme un des symptômes fondamentaux
pour le diagnostic de schizophrénie et défini comme « une perturbation qui intéresse
la relation de la vie intérieure au monde extérieur ».
L’autisme désigne :
– « une perte de contact vital avec la réalité » (Minkowski) ;
– une « prédominance absolue ou relative de la vie intérieure » et une « ferme-
ture aux relations intersubjectives ».(H. Ey) ;
– une évasion dans un monde clos, dans un monde fermé à toute communica-
tion, l’évasion de la réalité, l’enfermement dans un monde hermétiquement
clos ;
– une coupure avec le monde extérieur et le repli dans une vie intérieure plus ou
moins riche ;
– l’absence de tout contact avec autrui, « l’enfermement dans le labyrinthe de ses
fantasmes ».
L’autisme n’est pas une simple introversion mais une forme d’existence
psychique où le sujet se construit un monde intérieur propre.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 167

Les schizophrénies • 167

LES TROUBLES DES CONDUITES

Les conduites sociales sont perturbées. Le sujet peut présenter :


– un désinvestissement des activités scolaires et professionnelles, des responsa-
bilités familiales ;
– un apragmatisme, une perte d’activité qui peut s’accompagner de comporte-
ments insolites ou de projets irréalistes ;
– un désintérêt, une inertie, une aboulie. Le sujet a des difficultés à entrepren-
dre et poursuivre une action ;
– des gestes suicidaires, des conduites auto-agressives reflétant l’incohérence
affective, l’impulsivité, les épisodes de dépersonnalisation. Certaines conduites
auto-agressives peuvent être très violentes : automutilations, brûlures de ciga-
rettes, entailles cutanées multiples.
« Un jour en tremblant, je posai ma main droite du côté externe sur des braises
incandescentes, et je la tins tant que je pus. Je m’encourageais à supporter cette
douleur en pensant que je faisais mon devoir vis-à-vis du Système, et qu’il cesserait
alors de m’envoyer des commandements. » (Sechehaye, 1983)
– des actes hétéro-agressifs. Ces actes ont souvent un caractère impulsif d’une
grande violence.

LES FORMES CLINIQUES DE SCHIZOPHRÉNIE

Les schizophrénies présentent des formes diverses : simples, paranoïdes, hébé-


phréniques et hébéphréno-catatoniques, héboïdophréniques, dysthymiques et
pseudo-névrotiques.
– La schizophrénie simple se caractérise par un mouvement lent et insidieux de
désorganisation discordante. Cette forme de schizophrénie s’installe progressive-
ment à partir de traits de caractère schizoïdes tels que le repli sur soi-même,
l’isolement et la perte des contacts vitaux, une intense vie intérieure consacrée à la
rêverie. Elle débute, en général, entre 15 et 25 ans.
La schizophrénie simple est marquée par :
– l’inhibition, l’inertie, l’apathie ;
– le désinvestissement du travail et de la vie sociale, l’apragmatisme scolaire et
professionnel ;
– l’isolement et le repli ;
– l’indifférence et l’appauvrissement affectifs ;
– des bizarreries affectives et comportementales qui signent l’existence d’un
vécu délirant à bas bruit.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 168

168 • Repères en psychopathologie

La production délirante et les troubles de la pensée ne sont pas, au premier plan,


dans la schizophrénie simple contrairement à la forme paranoïde.
– La schizophrénie paranoïde comporte une activité délirante permanente qui
dévoile la profonde dissociation de la personnalité. Le délire paranoïde est au cœur
du tableau clinique de cette forme de schizophrénie. Les thèmes sont variés, enche-
vêtrés et les mécanismes du délire paranoïde sont multiples. Cette forme de
schizophrénie est la plus accessible aux traitements chimiothérapiques et psycho-
thérapiques.
– Les formes hébéphréniques et hébéphréno-catatoniques se caractérisent par
l’absence de délire paranoïde apparent et la prévalence de la dissociation.
– Dans l’hébéphrénie, la discordance constitue l’essentiel de la symptoma-
tologie. L’hébéphrénie est caractérisée par sa gravité et la rapidité de son
évolution déficitaire vers une dissociation massive.
La discordance s’installe progressivement en quelques mois et se manifeste
à travers un fléchissement scolaire, une hypocondrie, des bizarreries linguis-
tiques, comportementales ou affectives. Puis, elle évolue vers un affaiblissement
intellectuel massif, un appauvrissement relationnel important et une désinsertion
sociale majeure.
– La forme hébéphréno-catatonique associe des éléments hébéphréniques et
des éléments catatoniques. Les symptômes somatiques sont au premier plan et
comportent la flexibilité cireuse et de nombreux troubles moteurs tels que des
stéréotypies, des paralysies etc.
Le terme de catatonie a été inventé en 1874 par Karl Ludwig Kahlbaum pour
désigner une entité morbide où étaient associés des troubles de l’humeur et des
troubles moteurs variés.
« Le malade est assis là, silencieux ou totalement muet et immobile, le faciès figé,
le regard immobile et fixé au loin, sans mouvement et apparemment totalement sans
volonté, avec parfois le symptôme de flexibilité cireuse… »
Racamier illustre la catatonie à l’aide de la métaphore de l’autarcie de l’œuf :
« Il s’agit de retourner à l’autarcie de l’œuf ; le schizophrène en adoration est bien
comme un œuf qui s’ouvre et se vide et se fait gober (...) de la dévotion au mépris et
de la reddition nue aux fortifications catatoniques. »
De nombreux travaux récents (Ichou & Py, 1993) remettent en question le
lien exclusif entre catatonie et schizophrénie car les troubles catatoniques sont
souvent observés chez les sujets souffrant de troubles thymiques et ne sont donc
pas spécifiques à la schizophrénie.
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Les schizophrénies • 169

– L’héboïdophrénie associe dissociation et troubles des conduites sociales.


L’héboïdophrénie a été décrite par K.L. Kahlbaum (1885). La terminaison « oïdie »
s’intercale entre le signifiant de jeunesse – Hébé en est la déesse – et celui du
psychisme – phren.
« Les perturbations dans l’héboïdophrénie portent sur l’individualité de l’être
humain sous l’angle social, constituant des déviations de la vie pulsionnelle, de la
moralité allant dans les cas extrêmes jusqu’aux tendances ou actions criminelles. » (J.
Garrabé, 1996)
L’héboïdophrénie évolue sur un mode de fonctionnement psychopathique où les
comportements antisociaux coexistent avec un appauvrissement idéïque progressif,
un autisme, des conduites inadaptées.
« On voit s’installer chez des sujets jeunes un comportement d’opposition à la
famille et à la société qui les fait considérer comme des psychopathes pervers. Mais
l’existence de troubles du cours de la pensée, de phases dépressives confinant à la
stupeur, de phases d’excitation comportant des expériences délirantes montre que
cette impulsivité maligne évolue dans le sens de la désagréagation. » (Ey, Bernard,
Brisset)
Lanteri-Laura et del Pistoia (1977) intègrent l’héboïdophrénie dans les
formes « périphériques » de la schizophrénie et considèrent que « l’authenticité
de l’héboïdophrénie présente un grand intérêt médico-légal ».
« Il s’agit d’un sujet qui, en fin d’adolescence, souffre d’un début d’hébéphrénie
qui, au lieu d’aboutir à l’évolution ordinaire, avorte ; suit une période plus ou moins
longue où le patient vit comme un psychopathe, mais un autre épisode dissociatif
survient qui disparaît, et ainsi de suite. »

– Les schizophrénies dysthymiques associent des symptômes de dissociation


schizophrénique et des troubles de l’humeur. Ces formes de schizophrénie dysthy-
mique comportent une symptomatologie dépressive ou maniaque. L’évolution des
schizophrénies dysthymiques est intermittente, périodique, cyclique. Entre les
accès, la personnalité est peu dissociée et altérée. Kasanin (1923) a nommé ces
schizophrénies dysthymiques « schizophrénies affectives ». Le pronostic de ces
schizophrénies affectives est meilleur que les autres formes de schizophrénies bien
que le risque de suicide reste très élevé.
– Dans les formes pseudo-névrotiques, les symptômes dissociatifs sont réduits
alors que les troubles d’allure névrotique dominent.
La symptomatologie schizophrénique comporte des troubles du cours et du
contenu de la pensée, des difficultés d’attention, de mémoire et de symbolisa-
tion.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 170

170 • Repères en psychopathologie

La symptomatologie névrotique est protéiforme, présentant des troubles névro-


tiques très variés, obsessionnels, pseudo-hystériques, phobiques, anxieux. Ces
symptômes névrotiques témoignent de la lutte engagée par le sujet contre l’an-
goisse dissociative et représentent un compromis, certes pathologique, mais
moins déstructurant que la désorganisation psychique schizophrénique ou le
vide hébéphrénique.
Ces « pseudo-névroses schizophréniques » peuvent être considérées pendant un
temps comme des manifestations névrotiques mais la tendance autistique, les mani-
festations de dissociation (souvent au niveau de l’affectivité) orientent ensuite le
diagnostic vers la schizophrénie.

Le début des schizophrénies


Le début peut être insidieux et progressif ou aiguë. Dans deux cas sur trois, le
début est marqué par un épisode psychopathologique aigu.
– Les épisodes aigus peuvent comporter : des bouffées délirantes et halluci-
natoires aiguës, des états dépressifs, des états d’excitation atypiques, des
troubles du comportement chez les adolescents.
– L’installation progressive est marquée par la baisse de l’activité, une modi-
fication du caractère, des manifestations d’allure névrotique, des idées délirantes
et hallucinations, des conduites toxicomaniaques, l’anorexie mentale.
La schizophrénie débute chez l’adolescent ou l’adulte jeune, entre 15 et 35 ans
dans 50 % à 75 % des cas. La fréquence de la schizophrénie est égale dans les
deux sexes. Le psychologue d’adolescents s’interroge souvent quant à un début
possible de schizophrénie. Le tableau clinique d’un processus schizophrénique
débutant est difficile à différencier d’un état passager de crise quand les manifesta-
tions s’installent de façon progressive et insidieuse. Certains signes éclairent le
diagnostic. L’adolescent non décompensé maintient, au paroxysme de sa crise, un
contact adéquat avec la réalité. L’étrangeté est limitée à une sphère relationnelle
précise, par exemple la famille, parfois le milieu scolaire et, dans les autres secteurs
d’investissement, l’adolescent apparaît parfaitement adapté, en particulier dans son
groupe d’amis. L’opinion de l’entourage est donc, très importante dans le diagnos-
tic.
Certains psychanalystes évoquent des manifestations de type psychotique dans
le déroulement de toute adolescence :
« Pour tenter de se protéger contre les tendances pulsionnelles déchaînées, l’ado-
lescent a parfois recours à des défenses de type primitif, telles que le déni, et à des
mécanismes infantiles d’introjection et de projection. Ce qui importe alors est moins
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Les schizophrénies • 171

la durée que la réversibilité de ces états. Ils sont suivis normalement par un retour au
monde objectal et de nouveaux progrès. » (Jacobson, 1975)
La confirmation du diagnostic de schizophrénie requiert des éléments du
syndrome de dissociation dans les différents domaines de la vie psychique.

Épidémiologie

La prévalence de la schizophrénie est estimée entre 0,2 et 0,9 % de la popula-


tion générale dans le monde mais les chiffres varient selon les critères diagnostiques
utilisés et les populations étudiées.
Les chiffres de prévalence les plus bas ont été observés aux États-Unis dans la
secte amish (0,3 %) et au Ghana (0,6 %).
Les prévalences les plus élevées sont observées dans une région septentrionale
de la Suède (17 %), en Finlande (15 %), en Norvège septentrionale (6 %). Les
aspects géographiques sont notables puisque la prévalence en Suède septentrionale
est deux fois plus élevée qu’en Suède méridionale. (Dalery, d’Amato, 1995)
La schizophrénie est la plus fréquente des psychoses chroniques. Les schizo-
phrénies sont beaucoup plus nombreuses que les psychoses maniaco-dépressives et
un peu plus fréquentes que les délires chroniques.

Évolution

Plusieurs publications apportent des données importantes sur l’évolution à très


long terme de sujets. F. Bleuler (1978) a suivi 208 patients pendant 22 ans et Huber
et coll. (1980) ont suivi 502 sujets sur 22 ans et constatent une amélioration, voire
une rémission chez 54 % des sujets.
Ces différentes recherches montrent que 20 à 25 % des patients sont « guéris »
et ce chiffre atteint 50 % si on comptabilise dans les guérisons les états résiduels
compatibles avec une existence autonome. Pour le quart restant, l’évolution aboutit
à des formes chroniques et très invalidantes. Ces études mettent en évidence la
valeur pronostique des modalités de début, de l’âge, de la forme clinique et du trai-
tement.
Harding, Zubin et al. (1992) suggèrent de considérer les sujets schizophrènes
comme des sujets bien portants présentant des épisodes symptomatiques intermit-
tents plutôt que comme des sujets malades, présentant des épisodes intermittents de
bonne santé.
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172 • Repères en psychopathologie

III. APPROCHES ORGANICISTES

D’après les théories génétiques, les familles de schizophrènes et surtout de


jumeaux montrent une fréquence nettement plus élevée de cas de schizophrénies.
Le taux de concordance si un des deux jumeaux est atteint est de 57 % pour le
second jumeau. Ces données questionnent l’existence d’un facteur génétique de
transmission de la schizophrénie. Toutefois, si la génétique était le facteur unique,
la concordance entre jumeaux monozygotes devrait être de 100 % alors qu’elle
n’est que de 50 %.
En conséquence, les facteurs génétiques jouent certes un rôle dans la schizo-
phrénie mais d’autres facteurs semblent intervenir. À l’heure actuelle, l’existence
d’une plurifactorialité des causes de la schizophrénie semble prévaloir.
De très nombreux travaux biochimiques ont étudié le rôle de la dopamine et de
la sérotonine. Les neuroleptiques bloquent les récepteurs de la dopamine dans le
cerveau. À l’inverse, les délires et les hallucinations sont aggravés par les substan-
ces facilitant la transmission dopaminergique. D’où l’hypothèse qu’il existerait une
augmentation de la transmission dopaminergique dans la schizophrénie. Ces
données ne certifient pas l’effet exclusif du trouble des neurotransmetteurs dans la
schizophrénie.
À l’opposé des théories organicistes, la schizophrénie est considérée selon l’ap-
proche psychanalytique comme une désorganisation psychique née de
dysfonctionnements graves dans le développement psychoaffectif du sujet, en
rapport avec son histoire familiale et l’établissement de ses premières relations
affectives.

IV. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

– Dans un premier temps, Freud différencie d’un côté, les « névroses actuelles »
(neurasthénie et névrose d’angoisse) et d’un autre coté, les « psychonévroses » divi-
sées en deux catégories :
• les « psychonévroses de transfert » (hystérie de conversion, hystérie d’angoisse
et névrose obsessionnelle) ;
• les « psychonévroses narcissiques » qui correspondent aux psychoses clas-
siques.
– À partir de 1923, Freud s’inscrit dans l’élaboration de la seconde topique et
oppose d’un côté, les névroses actuelles et d’un autre, trois catégories distinctes :
• les « psychonévroses de transfert » appelées maintenant névroses ;
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Les schizophrénies • 173

• les « psychoses » où sont décrites la paranoïa et la schizophrénie ;


• les « psychonévroses narcissiques » qui comprennent la mélancolie et la
dépression. Freud sépare la mélancolie des psychoses schizophréniques et para-
noïaques. Les groupes se distinguent par le type de conflit psychique. Dans les
névroses, le Moi obéit aux exigences de la réalité et du Surmoi et refoule les
pulsions. Dans les psychoses, il y a rupture entre le Moi et la réalité. Le Moi sous
l’emprise du Ça reconstruit une nouvelle réalité (le délire) conforme aux exigen-
ces pulsionnelles du Ça. La schizophrénie dans la théorie freudienne reflète la
régression libidinale jusqu’à l’auto-érotisme.
– Tausk (1919) fait de la « perte des limites du Moi » un symptôme majeur de la
schizophrénie où opérerait une régression vers les premiers stades de la vie.
« Mlle Natalia…, âgée de 31 ans, ancienne étudiante en philosophie (...) rapporte
que, depuis six ans et demi, elle se trouve sous l’influence d’un appareil électrique
qui est fabriqué à Berlin, malgré l’interdiction de la police. Cet appareil a la forme
d’un corps humain, et même la forme de la malade elle-même mais pas exactement.
(..) Le fait le plus important est qu’on manipule cet appareil d’une manière quel-
conque et que tout ce qui arrive à l’appareil se passe effectivement au niveau de son
propre corps. Lorsqu’on pique l’appareil, elle ressent cette piqûre à l’endroit
correspondant de son propre corps.
(..) L’appareil ne représente pas seulement les organes génitaux, mais de toute
évidence la malade dans son entier. Il représente, au sens physique du terme, une
véritable projection, le corps de la malade projeté dans le monde extérieur. » (Tausk,
1919)
– K. Abraham situait le niveau de fixation et de régression des psychoses avant
l’intégration de l’ambivalence. Selon lui, la schizophrénie est une « fixation au stade
oral ou cannibalique le plus précoce » (cf. chapitre 1).
– M. Klein concevait les psychoses comme des régressions aux époques les plus
archaïques du développement psychique, à la position paranoïde-schizoide.
• À l’époque de la position schizo-paranoïde des 4 premiers mois, le nour-
risson ne perçoit que des morceaux d’objets. Chaque objet partiel est clivé en
deux : le « bon » objet et le « mauvais » objet selon la qualité présente de la rela-
tion. Le « bon » sein est introjecté. Le « mauvais » sein est projeté à l’extérieur.
Cette introjection des bons objets dans le Moi est donc essentielle à l’acquisition
d’un narcissisme de qualité.
• Puis, la position dépressive fait suite à la position schizo-paranoïde. La
position dépressive signe le fait que le bébé accède à la notion d’objet total.
L’enfant porte désormais ses tendances libidinales et agressives sur le même
objet. Ce progrès dans la relation d’objet se solde en retour par « l’angoisse
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174 • Repères en psychopathologie

dépressive ». La théorie kleinienne considère qu’il y a intégration de l’ambiva-


lence dans la position dépressive contrairement à la position schizo-paranoïde
où il y a non intégration de l’ambivalence.
« Il y aurait donc au départ d’une psychose aiguë une régression pulsionnelle
totale qui ramènerait le Ça au-delà de toute ambivalence. » (Racamier)
« La perte psychotique primordiale est celle du self : comme un enfant qu’on jette
avec l’eau de son bain, le Je est liquidé avec l’ambivalence. Alors vient le délire. »
(Racamier)
Le morcellement renvoie à l’univers morcelé de l’enfant à la phase schizo-para-
noïde. Le délire paranoïde et ses projections délirantes marquent l’effacement des
limites du sujet dans un monde non différencié, fusionnel qui renvoie à la fusion
avec la mère. Pour pouvoir survivre, le sujet doit créer une néo-réalité conforme à
son organisation prégénitale.
– Winnicott a exploré une topique des espaces et créé la notion d’espace tran-
sitionnel. C’est un espace interstitiel de jeu, d’illusion, et de culture. Selon
Racamier, l’espace transitionnel manque de façon chronique aux schizophrènes.
Comme cet espace intermédiaire fait défaut, les schizophrènes sont sujets à « l’af-
frontement du dehors et du dedans » :
« leurs espaces n’ont pas la fluidité ni le jeu des nôtres. C’est ce qui s’observe
avec une consistance ligneuse et quasitopographique chez les catatoniques, enfermés
et immobilisés comme ils sont dans une gangue défensive qui leur colle au corps tel
une sclérodermie etc. » (Racamier, 1983)
– Lacan désignait comme mécanisme essentiel dans la psychose la « forclusion
du signifiant du Nom du Père ». L’instance paternelle paraît essentielle pour signi-
fier à la mère et à l’enfant la nécessité de couper avec le fonctionnement fusionnel
et d’accéder au monde du symbole (la loi, la vie sociale, la perception de la
réalité…). On désigne sous le nom de métaphore paternelle cette inscription du père
dans l’univers symbolique de l’enfant. Mais, si la mère enferme l’enfant dans son
désir exclusif à elle, cette métaphore ne peut jouer : c’est la « forclusion du Nom du
Père ». Elle barre ainsi l’accès de son enfant au symbole, à la Loi structurante. La
réalité n’a pas de sens. Il n’y a pas d’autre loi que la toute puissance des désirs
maternels. L’enfant est assigné à la psychose.
– Selon l’approche structurale (Bergeret, 1974), la structure schizophrénique est
la structure psychotique la plus régressive du point de vue de l’évolution libidinale
et du développement du Moi. La structure schizophrénique correspond à une orga-
nisation psychique du Moi fixée à une économie prégénitale à dominante orale.
L’angoisse de morcellement caractéristique des structures psychotiques se mani-
feste dans la schizophrénie dans une « crainte particulière de morcellement liée à
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Les schizophrénies • 175

l’impossibilité ressentie pour constituer un véritable Moi assez autonome et


unifié ». La relation objectale se caractérise par l’autisme, défini par J. Bergeret
(1974) comme un « effort de récupération narcissique primaire ».

V. APPROCHE ATHÉORIQUE

L’ambition principale présidant à l’élaboration du DSM IV était de ne proposer


que des critères ayant fait l’objet d’une validation empirique et ne reposant plus sur
le consensus clinique de jugements d’experts.
Les nouvelles classifications internationales qui rejettent le critère diagnostique
de dissociation mentale qui contredit l’athéorisme invoquent les raisons suivantes :
– la définition des symptômes de dissociation mentale est trop hétérogène ;
– le poids des symptômes de dissociation mentale dans le diagnostic est minime,
– les troubles du cours de la pensée ne sont pas spécifiques de la schizophrénie
mais se rencontrent dans d’autres troubles,
– certains signes de dissociation réputés pathognomoniques comme les néolo-
gismes ou les barrages sont trop rares ou trop difficiles à mettre en évidence
pour être opérationnels ;
– les troubles formels de la pensée ne sont pas présents chez tous les sujets
schizophrènes. La proportion des schizophrènes hospitalisés sans troubles
formels de la pensée est comprise entre 7 % et 14 % (Harrow et coll. ; Peralta
et coll. respectivement).
Les systèmes diagnostiques modernes accordent peu d’importance à l’autisme
dans le diagnostic car ce critère présente une très mauvaise fidélité interjuges et le
« terme d’autisme véhicule une connotation psychopathologique peu compatible
avec l’athéorisme prôné par la clinique critériologique » (EMC).
– Selon le DSM IV, le diagnostic de schizophrénie est porté chez un sujet qui
présente :
1. Deux symptômes ou plus pendant un mois minimum (durée moindre en
cas de traitement efficace) pouvant être des :
– idées délirantes ;
– hallucinations ;
– troubles du langage et de la communication : discours désorganisé, coqs à
l’âne, fréquents, incohérence ;
– troubles du comportement grossièrement désorganisé ou catatonique ;
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176 • Repères en psychopathologie

– troubles de l’expression émotionnelle (émoussement affectif), troubles


dans la productivité de la pensée et du discours (alogie), troubles de la
volonté.
Un seul critère est requis si les idées délirantes sont bizarres ou si les hallu-
cinations consistent en voix faisant des commentaires ou en voix conversant
entre elles.
2. Une dégradation du fonctionnement des activités professionnelles, des rela-
tions sociales ou des soins personnels.
3. Des signes permanents de la perturbation pendant six mois minimum dont des
symptômes de la phase active pendant 1 mois minimum (critère 1).
4. Ni Trouble de l’humeur ni Trouble schizo-affectif.
5. Ni affection organique ni consommation de substance toxique.
6. Ce critère précise le diagnostic à porter en cas de trouble autistique ou autre
trouble envahissant du développement.
(D’après DSM IV, Masson)
– Le DSM IV accorde aux idées délirantes bizarres un poids considérable
puisque la présence de ce critère suffit au diagnostic.
– Le critère de la durée est déterminant dans l’approche critériologique du DSM
où la prudence est recommandée en ce qui concerne les symptômes du critère 1, à
cause de « l’ubiquité de ces symptômes ». Le meilleur critère est la persistance des
symptômes.
La prévalence de la schizophrénie ainsi définie est estimée entre 0,2 % et 2 %.
L’affirmation selon laquelle les hommes et les femmes sont atteints dans des
proportions à peu près équivalentes est confirmée dans la population générale mais
réfutée dans les études en milieu hospitalier qui montrent un taux plus élevé chez
les hommes.
La classification du DSM IV différencie cinq sous-types de schizophrénies :
paranoïde, désorganisé, catatonique, indifférencié et résiduel.
– Les critères de la schizophrénie dans la Classification internationale des
maladies (CIM 10) diffèrent légèrement de ceux du DSM IV.
– La CIM 10 ajoute l’écho de la pensée, les pensées imposées, le vol de la
pensée ou la divulgation de la pensée ; elle ne réclame pas de dégradation marquée
du fonctionnement ; elle demande une durée des symptômes caractéristiques d’au
moins un mois.
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Les schizophrénies • 177

– La CIM 10 distingue les sous-types : paranoïde, – hébéphrénique-catatonique


– indifférencié-résiduel, simple et les dépressions postschizophréniques. La CIM 10
conserve donc les formes de schizophrénie hébéphrénique et simple.

Le Trouble schizo-affectif dans le DSM IV


Le diagnostic de Trouble schizo-affectif est porté chez un sujet qui présente :
1. Des symptômes permanents correspondant au critère 1 de la schizophrénie et,
en même temps, un épisode dépressif majeur ou un épisode maniaque ou un épisode
mixte.
2. Des idées délirantes ou des hallucinations pendant au moins 2 semaines en
l’absence de symptôme thymique prononcé.
3. Des symptômes caractéristiques de l’épisode thymique pendant une partie
conséquente de la durée totale de la maladie.
4. Ni consommation de substance toxique (ex : cocaïne) ni affection médicale
générale (ex : hyperthyroïdie).
(D’après DSM IV, Masson)
Deux sous-types de trouble schizo-affectif sont à différencier : le type bipolaire
et le type dépressif.
Selon Ménager (2000), le concept de Troubles schizo-affectif remplit « le vide
creusé entre maladie maniaco-dépressive et schizophrénie ». L’appellation schizo-
affectif répond « à nombre de situations cliniques qui ne pouvaient satisfaire au
diagnostic de schizophrénie ou de maniaco-dépression ».

Le Trouble schizophréniforme dans le DSM IV


Le terme « psychose schizophréniforme » a été introduit par Langfeld en 1939
pour désigner des psychoses « semblables à des schizophrénies » mais possédant
une évolution de meilleur pronostic que la schizophrénie « typique » et s’en diffé-
renciant par un début moins insidieux, l’absence d’autisme, d’émoussement
affectif, de dépersonnalisation et de déréalisation et l’absence d’évolution vers la
chronicité (Langfeld, 1960).
Le terme de « schizophréniforme » est intégré à la nomenclature américaine en
1980 dans le DSM III. Le trouble schizophréniforme se distingue de la schizophré-
nie par sa durée, inférieure à six mois. Cette description diffère de la définition de
Langfeld.
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178 • Repères en psychopathologie

Les personnalités schizotypiques et schizoïdes dans le DSM IV


Le terme « personnalité schizotypique » est introduit par Rado (1953) pour défi-
nir une entité caractérisée par une tendance à l’isolement, des difficultés de contact
contrastant avec une grande dépendance et une hypersensibilité affective ; une
angoisse massive, des troubles du contact avec la réalité et des réactions psycho-
tiques aiguës en situation de stress.
Ce type de personnalité individualisé dans le DSM III est caractérisé par des
« bizarreries de la pensée, de la perception, du discours et du comportement d’une
sévérité insuffisante pour répondre aux critères de la schizophrénie ».
Les liens entre personnalité schizotypique et schizophrénie sont si étroits que
certains auteurs parlent de confusion sémiologique et remettent en question la perti-
nence de la distinction selon Hardy et coll. (EMC, 1996), la moitié des personnalités
schizotypiques remplissent les critères de schizophrénie.
La Personnalité schizoïde se caractérise par un « détachement des relations
sociales » et une variété réduite d’expressions émotionnelles avec autrui. Dans le
DSM III, la personnalité schizoïde était clairement distincte des diagnostics appar-
tenant au spectre de la schizophrénie « par l’absence de bizarreries du discours, du
comportement ou de la pensée caractéristique de la personnalité schizotypique et de
Trouble psychotique comme une schizophrénie ou un Trouble paranoïaque ».

Points de vue critiques


Les critiques des classifications internationales portent sur les points suivants :
– La multiplication des classifications et des critères complique la commu-
nication entre cliniciens et n’aboutissent pas à une définition consensuelle de la
schizophrénie.
Les efforts déployés en vue d’atteindre un consensus concernant la définition de
la schizophrénie ont « conduit à l’érection d’une tour de Babel de critères précis mais
contradictoires ». (Brockington, EMC, 1992)
– Les modifications effectuées d’une version à une autre et les remaniements
successifs d’une version à une autre induisent des confusions dans les pratiques
diagnostiques et rendent caduques les outils avant qu’ils ne soient maîtrisés.
– L’athéorisme est considéré comme étant un leurre : la disparité des systè-
mes diagnostiques s’explique en partie par les théories psychopathogéniques
implicites qui les sous-tendent.
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Les schizophrénies • 179

VI. APPROCHE COGNITIVE

Plusieurs modèles de la schizophrénie mettent l’accent sur l’importance des


variables cognitives mais, seuls les modèles de Frith et de la vulnérabilité sont
présentés ici.

Le modèle de Frith : les troubles de la représentation de l’action


C. Frith a proposé une théorie générale de la schizophrénie, fondée sur les théo-
ries neuropsychologiques cognitives de l’action qui postulent deux sources
majeures à l’action :
– les actions réalisées directement en réponse à des stimulations environnemen-
tales ;
– les actions volontaires « autogénérées » nécessitant une intention d’agir. Un
centre de contrôle, le « moniteur central » est informé de notre intention d’agir et
contrôle le bon déroulement de notre action.
Les sujets schizophrènes présentent une incapacité à produire des actions « auto-
générées » et un déficit de monitoring central de l’action et de l’intention. Frith a
testé cette hypothèse dans une tâche de correction d’erreur : la tâche du tireur. Dans
cette situation, le sujet schizophrène qui n’a pas de représentation interne de son
action ne peut corriger son erreur s’il n’a pas de contrôle externe ou « feddback
visuel » de son action.
Frith distingue différentes perturbations cognitives dans la schizophrénie :
a) l’incapacité à générer des actions intentionnelles. Cette perturbation peut
entraîner – un appauvrissement de la production des actions, du discours et de
la pensée ; – les persévérations et les stéréotypies ; – des actions inappropriées ;
b) l’incapacité à monitorer les actions intentionnelles.
Frith appelle ce type d’anomalie déficit du self-monitoring parce que les sujets
ont un déficit du monitoring de leurs propres intentions d’actions. L’attribution
par le sujet de ses propres actions à des agents externes conduit au délire d’in-
fluence, aux idées délirantes de contrôle étranger, à certaines hallucinations
auditives et aux intrusions de pensée ;
c) l’incapacité à monitorer les croyances et les intentions d’autrui conduisent
aux idées délirantes de référence, à certains troubles de la communication et aux
hallucinations en troisième personne.
Selon Frith, ces trois mécanismes constituent des cas particuliers d’un méca-
nisme plus général : la métareprésentation qui est l’aptitude à former des
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180 • Repères en psychopathologie

représentations de second ordre. La métareprésentation joue un rôle clé dans trois


domaines différents de la conscience de soi : la conscience de ses propres buts, la
conscience de ses propres intentions et la conscience des intentions des autres. Ces
trois domaines correspondent aux trois types d’altérations cognitives sous-jacents
aux symptômes schizophréniques

Les modèles de vulnérabilité


– En 1977, Zubin et Spring proposent la notion de vulnérabilité pour décrire la
schizophrénie, définie comme l’expression clinique de réactions cérébrales et/ou
physiologiques déterminées génétiquement entraînant des anomalies dans le traite-
ment de l’information. Ces anomalies interagissent en retour avec des facteurs
environnementaux pour transformer une prédisposition biologique en symptômes
cliniques.
La vulnérabilité ou risque de développer un épisode schizophrénique est une
caractéristique individuelle durable qui peut rester latente ou sous l’effet d’agents
« stressants » s’exprimer lors d’épisodes aigus. Cette vulnérabilité s’exprime dura-
blement par des difficultés dans le traitement de l’information qui constituent des
marqueurs de vulnérabilité. Cette approche privilégie les variables cognitives aux
autres variables cliniques comme marqueurs diagnostiques de schizophrénie.
– Le modèle de Nuechterlein (1992) distingue des indicateurs stables de vulné-
rabilité, des indicateurs intermédiaires et des indicateurs d’épisodes.
• Les indicateurs stables de vulnérabilité s’expriment par des performances alté-
rées à certaines tâches cognitives comme les anomalies de poursuite oculaire
constatées chez les sujets schizophrènes.
• Les facteurs intermédiaires de vulnérabilité également déterminés génétique-
ment s’expriment par des performances anormales stables à certaines tâches
cognitives et sont altérés lors des épisodes aigus.
• Les indicateurs d’épisodes sont, par exemple, des anomalies de l’activité
électrodermale.
– Le modèle de vulnérabilité de Nuechterlein et Dawson (1992) différencie
quatre composantes : les facteurs individuels de vulnérabilité, les facteurs indivi-
duels de protection tels que les stratégies de coping ou stratégies d’adaptation au
stress, les composantes protectrices de l’environnement comme la qualité du réseau
de soutien psychosocial et les stresseurs environnementaux tels que les événements
de vie, etc.
– Le modèle de Ciompi (1989) insiste davantage sur l’importance des facteurs
affectifs et postule un dysfonctionnement plus « affectivocognitif » que cognitif. Ce
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Les schizophrénies • 181

modèle accorde un rôle fondamental au stress des communications interpersonnel-


les confusionnantes décrites sous forme de double-bind par G. Bateson et les
thérapeutes d’orientation systémique de L’École de Palo Alto.
La vulnérabilité est un concept multifactoriel qui cherche à intégrer les interac-
tions entre les facteurs biologiques, les variables psychosociales, l’histoire
individuelle et les événements de vie actuels. La notion de vulnérabilité permet de
penser autrement la définition, le cours évolutif et l’étiologie des troubles schizo-
phréniques. Penser la schizophrénie comme une vulnérabilité à « faire des
épisodes » ouvre de nouvelles perspectives descriptives, explicatives et thérapeu-
tiques.
– La thérapie cognitive de la schizophrénie commence par un examen de l’his-
toire du sujet en vue de découvrir les pensées automatiques et les schémas cognitifs.
Le thérapeute présente un modèle bio-psycho-social, dans lequel une vulnérabilité
neuropsychologique interagit avec des cognitions dysfonctionnelles et des facteurs
de stress existentiels qui produisent des symptômes psychotiques. Les techniques
psycho-éducationnelles et les techniques cognitives (examen de l’évidence, décou-
verte guidée) visent à motiver le sujet de la nécessité d’un traitement multifactoriel
de ses troubles, incluant les neuroleptiques, la thérapie cognitive et un entraînement
aux habiletés sociales. Les « techniques d’entraînement aux habiletés sociales »
améliorent l’inhibition sociale, la crainte des autres et le manque de confiance en
soi. Le sujet apprend à accroître son sentiment d’autocontrôle de manière à ce qu’il
se sente moins en détresse et plus capable de contrôler sa vie. Un objectif central de
l’approche cognitive est de modifier le « locus de contrôle » c’est-à-dire l’attribution
de l’origine de ses troubles par le sujet. Enfin, la prévention des rechutes est une
autre composante importante des thérapies cognitives des patients schizophrènes.
De telles stratégies thérapeutiques sont au cœur de deux programmes disponibles
pour les praticiens francophones : le module « Éducation au traitement neurolep-
tique » et le module « Contrôle des symptômes » (Chambon et Marie Cardine, 1994.

VII. ILLUSTRATION : ANTONIN ARTAUD*

Antonin Artaud, comédien, dramaturge, auteur de l’ouvrage Le théâtre et son


double et de vingt-huit volumes intitulés Œuvres complètes qui offrent des descrip-
tions saisissantes de sa souffrance psychique.

* Antonin Artaud, Œuvres complètes, Gallimard, 1994.


Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 182

182 • Repères en psychopathologie

Artaud fit un premier séjour dans une institution psychiatrique en 1915.


« Subitement, et sans raison apparente, il déchire tous ses écrits et distribue ses
livres à ses amis. »
En 1920, il part à Paris et joue au théâtre et au cinéma de 1922 à 1925. Artaud
intègre le groupe surréaliste, en devient un défenseur ardent. Artaud adhérait à la
conception romantique du rêve comme anticipation de la mort. Dans L’art et la
mort, Artaud décrit « une sensation d’angoisse et de rêve, l’angoisse glissant dans le
rêve, à peu près comme j’imagine que l’agonie doit glisser dans la mort ».
Un désaccord opposera Artaud et ses amis surréalistes : « il prenait le parti du
rêve contre la réalité », alors que « ceux-ci voulaient faire entrer le rêve dans la
réalité ». De plus, Artaud se désintéresse de la révolution sociale. Artaud est exclu
de la communauté surréaliste à la fin de 1926.
Il joue au cinéma et au théâtre. Il fait partie du Théâtre de l’Atelier dès sa fonda-
tion, et devient assistant de Louis Jouvet en 1932. Artaud continue de jouer dans la
vie, le rôle qu’il a sur scène. Il retrouve ses amis au café avec le costume et le
maquillage qu’il porte dans un film.
Il écrit Héliogabale ou l’anarchiste couronné. Héliogabale est l’acteur-dieu,
l’acteur idéal qui a pris pour scène l’empire romain, qui a tenté de mettre fin à la
séparation de l’Être en masculin et en féminin : il a été créé, homme et femme à la
fois.
En 1936, Artaud se rend au Mexique et découvre près de Mexico des Indiens,
les Tarahumaras qui pratiquent une religion solaire et adorent un principe transcen-
dant de la nature, qui est mâle et femelle comme Héliogabale. À son retour du
Mexique, sa pensée se cristallise autour de deux objets :
– une petite épée de Tolède à laquelle étaient attachés trois hameçons, cadeau
d’un sorcier noir rencontré à La Havane, qu’il avait reçu comme un « signe » ;
– une canne offerte par un ami, qui prend pour Artaud un sens magique vital. Il
se persuade qu’elle est « la canne de saint Patrick, patron des Irlandais » et qu’il
est élu par le destin pour aller la porter en Irlande.
Un jour dans un café de Saint-Germain-des-Prés, Artaud exhibe fièrement sa
canne et Robert Desnos voulant l’examiner de près, tente de la saisir. Artaud
s’écria :
« Desnos, ne touchez pas à cette canne. C’est comme si vous touchiez à mon
sexe. » Cette querelle illustre à quel point, la canne est devenue un emblème
phallique. Or, Artaud décrit la « marche du sexe » d’Héliogabale, qui entre dans
Rome, suivi d’un Phallus géant traîné par trois cents taureaux et accompagné par
les Galles tenant à la main « des objets faits de membres d’hommes tendus,
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Les schizophrénies • 183

tannés, noircis du bout comme des bâtons durcis au feu » en montrant lui-même
à la foule « son membre trempé dans l’or, recouvert d’or, immuable, rigide, inof-
fensif ».
En 1934, Artaud lit la légende de saint Patrick dans un dictionnaire d’hagiogra-
phie à la Bibliothèque nationale. La canne de saint Patrick est assimilée au
phallus d’Héliogabale. Artaud lui attribue le pouvoir d’être un bâton foudroyant,
lançant des flammes, révélant que le feu est associé au sperme.
« À la canne-pénis, d’où jaillit le sperme-feu, s’oppose l’épée castratrice décorée
d’hameçons, symbole de l’eau féconde. Avec ses deux attributs, permettant la
destruction par le feu et la régénération par l’eau, le poète est armé contre tout, et il
réalise en lui l’accord du masculin et du féminin. » (Sarane Alexandrian, 1974)
Artaud part, en août 1937, en Irlande « à la recherche des secrets de la philoso-
phie druidique et de sa prophétie apocalyptique » (P. Arnold). Il fait un scandale sur
une place de Dublin ; il brandit sa canne comme pour en frapper les passants ; il est
arrêté, conduit à l’hospice, expulsé du pays, renvoyé vers la France sur le bateau
Washington sur lequel il se met nu et déchire ses papiers d’identité. Arrivé au Havre,
il est hospitalisé. Il refuse de reconnaître sa mère et de se laisser approcher de ses
amis. Il fera différents séjours dans plusieurs hôpitaux (Sotteville-les-Rouen, Rodez
puis Ivry). Il reprendra une activité littéraire de 1943 à 1946 et décédera le 4 mars
1948.
Artaud évoque dans toute sa correspondance avec une lucidité exaspérée ses
douleurs, ses souffrances, ses angoisses. Il décrit une douleur « plantée » en lui, une
« congélation de la moelle ». Il clame sa souffrance et revendique le droit d’en
parler :
« Je suis un homme qui a beaucoup souffert dans l’esprit. »
Il décrit son expérience de perte de contact et de rupture avec la réalité. Il parle
de « décorporisation de la réalité », de « rupture », de « déperdition », de séparation
à l’égard de la réalité.
Il évoque à plusieurs reprises la perte des mots. Il recherche une parole qui lui
échappe. La dissociation perturbe le fonctionnement de sa pensée. La maladie lui
« enlève les mots ». Il se plaint de ne plus avoir de pensée : « les mots pourrissent ».
Au-delà de la perte des mots, Artaud exprime une perte de la pensée : sa pensée
l’« abandonne ». Il ne peut plus penser. L’altération de la pensée s’accompagne
d’une altération de l’affectivité. L’âme est rongée par un vitriol qui attaque « la
masse du sentiment ».
La perte des mots, la perte de la pensée, la perte de la réalité créent un sentiment
de vide douloureux. Ce vide remplit Artaud « d’angoisse et d’ennui ».
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184 • Repères en psychopathologie

Artaud évoque la perte des liens avec le temps et l’espace. Il décrit la perte de
la vie, la perte avec le corps propre c’est-à-dire la perte des limites du corps. Il décrit
l’impression d’être « mort depuis longtemps ». Artaud se compare à un « mort
vivant », Correspondance de la momie. Il décrit l’insoutenable souffrance de la
dissociation schizophrénique.

J. Chazaud (1987), médecin chef à Ville-Evrard examine le dossier médical


d’Antonin Artaud au C.H.S de Ville-Evrard et constate que « le diagnostic n’est pas
fermement établi » car le diagnostic de psychose paranoïde est cité quatre fois ; celui
de paranoïa, deux fois et celui de paralogie, une fois.
Artaud a présenté des accès psychotiques très graves, accompagnés de grandes
violences hétéro-agressives, tranchant avec des phases de lucidité ou de doute. Ces
accès étaient à dominante d’excitation, de persécution (idées de complot, craintes
d’empoisonnement) et de revendication. Des phénomènes de dédoublement, avec
négation de l’identité propre, s’accompagnaient d’expériences hallucinatoires poly-
sensorielles, avec des plaintes somatiques, des interprétations ésotériques et
occultistes du vécu. Artaud se vit comme « un abîme complet ».
– « La persécution est évoquée 9 fois dans les 12 certificats. » Elle se caractérise
par la conviction qu’on veut l’empoisonner (d’où le refus de s’alimenter), que la
police le traque parce qu’il est un orthodoxe grec, etc. Ses persécuteurs sont identi-
fiés dans la police, parmi les hommes d’État et les soignants.
Antonin Artaud écrit une lettre au médecin de Ville-Evrard pour se plaindre
d’être « exposé aux manœuvres de destruction criminelle de la secte d’initiés dont
vous faites partie, vous obstinant à ne pas me reconnaître ».
« JE VOUS AI ÉCRIT HIER POUR VOUS AVERTIR DU SORT QUI VOUS
ATTEND COMME À L’INITIÉ MENTEUR ET CRIMINEL QUE VOUS ÊTES…
IL FAUT PAYER. » (Chazaud, 1987)
– « L’envoûtement (dans le cadre de l’automatisme mental) est relevé 6 fois. »
L’envoûtement est accompagné d’idées d’influences.
« ON violente son langage et sa pensée qui sont connus et entravés. »
Il en résulte un dédoublement ; Artaud signe Nalpas ou Salpan :
Voici l’extrait d’une lettre d’Antonin Artaud adressée à l’asile de Ville-Evrard au
nom du ministre d’Irlande à Paris.
« (....) c’est par une manœuvre bizarre de la police française à Dublin que des
papiers au nom d’Antonin Artaud m’ont été attribués et que la police irlandaise a été
trompée par la délégation française à Dublin. Je n’avais sur moi qu’un petit signe une
petite épée de 12 centimètres attachée à 3 hameçons et enfermée dans un étui de cuir
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Les schizophrénies • 185

rouge et sur laquelle les Irlandais m’ont reconnu. Si donc, j’ai pu être amené en
France malgré cela c’est que cette déportation a fait figure d’enlèvement et que la
police française ou une partie d’entre elle me garde et me dissimule à Ville-Evrard à
l’insu des Irlandais et contre leur gré. »
– « Les hallucinations sont notées 4 fois » :
« On lui envoie des gaz », « on lui met des chats sur la figure », « des “hommes
noirs” sont près de lui », « il ressent des “troubles atroces” : gastriques, médullaires,
« nerveux ».
– Certaines hallucinations sont négatives :
« Il ne reconnaît pas sa mère, son médecin, ni son identité. Il présente, en revan-
che, des sensations de “déjà-vu”, il a aussi des faux souvenirs quant à son passé. »
– « Les interprétations sont relevées 4 fois » :
Elles ont une « coloration ésotérique et occultiste », sur un fonds de
« grande richesse imaginative ».
– « La mégalomanie est relevée 5 fois sur un fond d’excitation ou de “suffi-
sance”. » :
Artaud « est pris pour » le Grand Monarque. Les « foules l’acclamaient à Dublin
et à Paris ». « Il fait des miracles. »
– La symptomatologie s’accompagne de « passages à l’acte agressifs envers les
autres hospitalisés », de menaces, de revendications, de troubles de l’humeur, de
troubles des conduites, d’agitation, d’excitation majeure intermittente, de graphor-
rée, etc.
J. Chazaud considère que : « Dans son état actuel, le dossier de Ville-Evrard ne
permet ni d’approfondir la structure psychopathologique ni de faire des hypothèses
étiologiques sur la maladie d’Artaud. »
– Le dossier médical d’Antonin Artaud mentionne une dimension toxique. Une
note clinique parle de 17 ans d’usage de l’héroïne. La mère attribue son état « à tous
les remèdes qu’il a pris : laudanum, opium, etc. Il a été fortement intoxiqué » et cette
prise de stupéfiants aurait été à visée antalgique.
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186 • Repères en psychopathologie

VIII. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 / Associez un nom à une notion


Noms : Bleuler – Chaslin – Janet – Kahlbaum – Kraepelin – Hecker
Notions : schizophrénie – autisme – hystérie – ambivalence – discordance –
catatonie – hébéphrénie – démence précoce – dissociation

Question 2 / La sémiologie de la schizophrénie associe trois syndromes.


Indiquez-les.

Question 3 / Quel(s) est ou sont le(s) thèmes dans les délires paranoïdes ?

Question 4 / Caractérisez la forme paranoïde de la schizophrénie.

Question 5 / Quel(s) est ou sont le(s) mécanisme(s) du délire paranoïde ?

Question 6 / Quel(s) est ou sont le(s) éléments caractéristiques de la catatonie ?


1. La catalepsie 3. Les stéréotypies motrices
2. Le négativisme 4. Les impulsions
Définissez ces termes.

Question 7 / Les formes de schizophrénies sont nombreuses. Citez en sept.

Question 8 / Quelle est la fréquence de la schizophrénie, tout cadre culturel et


social confondu ?

Question 9 / La dysmorphophobie dans le syndrome dissociatif est-elle souvent


associée :
1. Au comportement d’écoute 3. Au maniérisme
2. Au signe du miroir 4. À l’écholalie
Justifiez votre ou vos réponse(s)

Question 10 / Décrivez la forme hébéphrénique de la schizophrénie.


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Les schizophrénies • 187

Question 11 / Définissez la schizophrénie dysthymique.

Question 12 / La schizophrénie est-elle :


1. Une psychose aiguë
2. Une psychose saisonnière
3. Une psychose débutant à l’adolescence ou chez l’adulte jeune
4. Une psychose chronique

Question 13 / Le refus de la main tendue signe-t-il :


1. L’ambivalence 3. La stéréotypie
2. Le négativisme 4. Le parasitisme

Question 14 / Nommez l’arrêt de la parole dans le discours schizophrénique.

Question 15 / L’échelle d’évaluation de Wing et al. (1974) propose la définition


suivante d’un signe caractéristique de la schizophrénie :
« La voix et le visage du sujet sont sans expression ; il ne s’implique pas dans
l’entretien et ne manifeste pas de réponses émotionnelles aux changements de sujet
dans la conversation… »
Quel est le signe de la schizophrénie ainsi défini ?

Question 16 / Certains auteurs ont élaboré des classifications des signes obser-
vés dans la schizophrénie en distinguant des signes négatifs et des signes positifs.
A. Signes négatifs
1. Les réponses sont réduites à un nombre de mots minimum
2. Le visage et la voix sont inexpressifs. Le patient ne semble pas concerné par
l’entretien. Aucun signe émotionnel apparaît lors de changements de sujets de
discussion
3. Le patient reste immobile. Il marche extrêmement lentement. Il amorce ses
mouvements après un temps très long
4. Le patient préfère être seul ; il refuse toute compagnie
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188 • Repères en psychopathologie

B. Signes positifs
1. La grammaire ne respecte pas les lois grammaticales en vigueur. Il y a des
changements de sujets impromptus ; il manque certains liens logiques entre les
phrases
2. Les émotions exprimées sont inattendues et inadéquates : le patient rit tout en
racontant une histoire triste
3. Certains mouvements sont répétés inlassablement, comme se balancer sur sa
chaise, se frotter la tête avec sa main
Nommez les signes décrits dans cette liste.

Question 17 / Les troubles du langage et de la communication les plus fréquem-


ment observés chez les psychotiques ont été répertoriés et illustrés par Nancy
Andreasen (1979) et peuvent être : la pauvreté du discours, la pauvreté du contenu
du discours, la tangentialité, le déraillement, l’incohérence, l’illogisme, la perte du
but, la persévération, le discours autoréférentiel. Attribuez une de ces caractéris-
tiques du discours à chacun des sept extraits suivants :
Extrait 1
– « Comment ça va en ce moment M. D ?
P : Ça va.
– Comment vous êtes vous sentie cette semaine ?
P : Pas trop mal. »
Extrait 2
« Dites-moi, quel type de personnes êtes-vous ?
– C’est quelque chose de drôlement difficile à dire là comme ça. Il m’arrive de
trouver agréable d’être avec telle personne, ou d’être tel que je me sens, et beau-
coup des problèmes que j’ai et sur lesquels j’ai travaillé sont difficiles pour moi
à gérer ou à approfondir, parce que je n’en ai pas conscience comme de problè-
mes qui me gênent vraiment. »
Extrait 3
« Dans quelle ville êtes-vous né ?
– Je suis né dans l’Iowa, mais je sais que je suis blanc et non pas noir, donc
apparemment je suis né quelque part dans le Nord, mais je ne sais pas où, vous
comprenez, je ne sais vraiment pas d’où venaient mes ancêtres… »
Extrait 4
« Comment ça va à la maison ?
– Ce que j’veux dire, c’est que ma mère est trop malade. Pas d’argent. Tout vient
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Les schizophrénies • 189

de sa poche. Mon appartement prend l’eau… C’est le comité de Lambeth.


J’aimerais bien connaître la devise qui est inscrite sous leurs armoires. C’est en
latin. » (Cutting, 1985)
Extrait 5
« N’importe quoi de matériel, végétal ou animal peut être un parent, du moment
que cela vous a appris quelque chose. »
Extrait 6
« Certains – bâtiments de ferme – dans une cour de ferme – à l’heure – avec un
cheval et un cavalier – à l’heure où – traversant le champ comme s’ils labou-
raient le champ – à l’heure – avec des femmes – ou effectuant la récolte – le
travail à l’heure est – venant avec une autre femme – le travail à l’heure est –
et où – …» (Frith, 1996)
Extrait 7
« Quelle heure est-il ?
– Sept heures. Ça c’est mon problème. Je ne sais jamais quelle heure il est. Je
devrais peut-être faire plus attention au temps qui passe. »

Question 18 / A… est un jeune homme âgé d’une vingtaine d’années en analyse


aux États-Unis avec le Dr Bychowski.
Paragraphe 1 – A… présente « une masturbation compulsive », à laquelle il
s’adonne plusieurs fois au cours d’une même journée. « L’association entre une
femme et un animal égorgé, surtout de la famille des porcins, a une place d’hon-
neur parmi les stimuli qui déclenchent son comportement compulsif. A… devient
“fou” quand il voit une femme manger un sandwich au jambon. Mais, même la vue
d’une femme portant un sac en cuir suffit à l’exciter et à l’obliger à se masturber ;
(...) il sent le besoin irrésistible d’errer autour d’un abattoir pour entendre les cris
des animaux qu’on tue etc. ………… il s’étonne que son interlocuteur reste imper-
turbable. »
Paragraphe 2 – Il exécute toute une séquence de gestes pour d’annuler « les
effets dangereux de ses désirs oraux-sadiques et de sa masturbation ». A… « exécute
de manière compulsive un geste magique destiné à annuler les effets nocifs du geste
dangereux de l’analyste ».
« Il exécute de manière irrésistible des gestes de réparation. »
Paragraphe 3 – Il attribue à d’autres personnes « toutes ces actions dangereu-
ses » ; « il tient leurs mouvements sous une constante surveillance ». Ces attitudes
entraînent « des conflits permanents avec son milieu, en commençant par ses
parents jusqu’à un simple piéton ou un voyageur dans un autobus ou un train ».
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190 • Repères en psychopathologie

Paragraphe 4 – Quand il était enfant, sa mère et sa nourrice l’appelaient sûre-


ment « cochon » à cause de ses mauvaises manières à table.
Au cours de l’analyse, A… « ranima l’image de soi-cochon… ce n’était point le
cochon, c’est-à-dire lui-même, qui était tué et dévoré ; c’était lui, au contraire qui,
dans son fantasme, jouait le rôle de mâle agressif qui peut asservir la femelle
hautaine ».
La masturbation compulsive revêt la signification suivante :
« Ce n’est pas vrai que je veuille dévorer ma mère (nourrice, sein)… Ce que je
veux vraiment, c’est l’assaillir et la posséder sexuellement non seulement elle
d’ailleurs mais toutes les autres femmes “hautaines” ; mais je dois accomplir ceci
en imagination au lieu de conquérir de vrais objets, car j’ai trop peur de ma propre
agressivité et des représailles qu’ils peuvent exercer sur moi. »
Le psychanalyste relève que la caractéristique principale du passage à l’acte
compulsif masturbatoire « réside dans le caractère purement auto-érotique de celui-
ci car A… en présence d’une femme réelle, est timide et maladroit ; incapable
d’initier ni d’accomplir, l’acte sexuel ».
(Dr Bychowski, RFP, 4, 1967)

A. Quelle symptomatologie décrit Bychowski chez A… ?


B. Quels sont les mécanismes de défense décrits par l’auteur dans les paragraphes 2
et 3 ?
C. Quel type de relation sexuelle objectale est capable ou non d’entretenir ce jeune
homme ?
D. Quelle est la fonction de la symptomatologie obsessionnelle compulsive dans la
problématique de ce patient ?

Question 19 /
Esthel, 25 ans, a tenté de se suicider par le gaz. Elle fut découverte par l’amie
avec laquelle elle partage le même appartement puis fut conduite aux urgences.
Elle fit un séjour au centre de réanimation de l’hôpital de sa ville.
Esthel est très mince, flotte dans un pantalon et un pull qui dissimulent toute
forme féminine et ses gestes sont très ralentis.
Le contact peut être facile ou totalement glacial. Son discours est parfois ponc-
tué de silences prolongés. Sa voix peut n’être qu’un murmure.
Esthel décrit ses souffrances dans son journal intime.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 191

Les schizophrénies • 191

« Mon corps est un puzzle de mille morceaux, mon cerveau est un puzzle de
milles cases.
« Ma tête n’est pas la mienne. Je n’existe pas. Je suis morte.
« Le monde extérieur se déforme, se colore, s’assombrit.
« Les gens deviennent géants ou minuscules. »
Elle entend des voix rieuses, hurlantes, sanglotantes, tremblantes, autoritaires.
« Une voix lui a ordonné de se suicider. »
Elle fume du haschich pour réussir à communiquer avec ses camarades car elle
est terrifiée, terriblement angoissée et a l’impression qu’elle va mourir dans l’ins-
tant.
Ses propos peuvent être très agressifs ou teintés d’ambivalence : elle peut crier
« je vous déteste » puis immédiatement après hurler « aidez-moi ».
De la même manière, des propos exprimant une détresse douloureuse peuvent
succéder à des phrases euphoriques.
Sur le plan alimentaire, les accès boulimiques alternent avec des phases de
restriction sous prétexte de régime amaigrissant.
Sur le plan sexuel, des périodes de masturbation compulsive succèdent à un
désintérêt sexuel total.
Esthel est née à Troyes, dans une famille d’enseignants. Elle est la dernière
d’une fratrie de 3 enfants. Esthel pense que ses parents n’ont pas désiré sa nais-
sance car sa mère était dépressive.
Sa mère ne s’est jamais intéressée à ses enfants sauf sur le plan matériel, vesti-
mentaire et alimentaire. L’apparence comptait plus que tout pour elle.
Esthel a toujours été une enfant modèle, calme, obéissante, solitaire, rêveuse,
artiste. Elle se réfugiait dans ses songes, ses histoires, ses dessins, ses poèmes.
Ses premières crises d’angoisse sont apparues à 4 ans. Des cauchemars de
chute et de blessures corporelles la terrorisaient. Son entrée à l’école est marquée
par une grande panique. Esthel n’a pas rencontré de réelles difficultés scolaires.
À 12 ans, son père décède brutalement d’un accident. Elle se met à collection-
ner tous les objets (mégots, papiers, boîtes). Elle fera plusieurs fugues et tentatives
de suicide.
À l’adolescence, les enseignants convoquent la mère et signalent des propos
mythomanes, des conduites surprenantes, des réactions émotionnelles incongrues
comme éclater en sanglot sans motif apparent.
Au niveau du comportement, le conseiller d’éducation remarque que la boude-
rie, le mutisme alternent avec la provocation, l’agressivité. Avec une lame de rasoir,
elle se dessine plusieurs coupures sur le bras. Elle se brûle avec une cigarette.
Au lycée, elle a des crises d’allure épileptique comme sa meilleure amie.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 192

192 • Repères en psychopathologie

Exposez et discutez les éléments sémiologiques dans cette observation en vue de


formuler une hypothèse diagnostique ?

Question 20 / Exposez la conception psychanalytique du délire

Question 21 / La dissociation est un syndrome non retenu parmi les critères


diagnostiques de la schizophrénie selon le DSM. Expliquez cet abandon et indiquez
les critères caractérisant ce trouble.

Question 22 / Le DSM distingue plusieurs types de schizophrénies. Lesquelles ?


Quelles formes n’apparaissent pas dans cette classification ?
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 193

• C h a p i t r e 9 •

LES TROUBLES DE L’HUMEUR

I. HISTORIQUE

Au Ve siècle avant J.-C., Hippocrate (v.460-v.377) désigne mélancolie un excès


de bile noire envahissant le sang qui crée un état de tristesse et d’abattement qui
s’oppose à la manie. Puis, Galien (v.131-v.201) définit la mélancolie comme « une
maladie de l’esprit sans fièvre, avec tristesse profonde et éloignement pour les
choses les plus chères ». Pendant l’Antiquité, les deux « crises » restent séparées.
À l’opposition entre excitation maniaque et dépression mélancolique succède la
distinction entre folie globale et folie partielle avec Pinel et Esquirol. Dans la folie
globale, l’excitation maniaque imprime, à toute l’activité, une incohérence totale
tandis que la mélancolie n’affecte que partiellement le jugement. Esquirol distin-
guait dans le groupe des « folies partielles » ou monomanies une monomanie avec
un élément expansif et une monomanie triste ou lypémanie.
Le lien entre la mélancolie et la manie est établi en 1854 par Baillarger qui décri-
vit la « folie à double forme » puis, quelques jours plus tard, par J.P. Falret qui
décrivit « la folie circulaire », caractérisée par « la succession de deux périodes,
l’une d’excitation, l’autre de dépression ».
– En 1899, Emil Kraepelin réunit dans le cadre de la folie maniaco-dépressive
toutes les psychoses précédemment décrites comme intermittentes, circulaires,
périodiques, à double forme, alternes, cyclothymiques, etc. Cette conception
unitaire de la psychose maniaco-dépressive fut acceptée en France et dans le
monde, malgré quelques critiques (Régis). La psychose maniaco-dépressive fut
ensuite décomposée par Leonhard (1957) puis par Angst et Perris (1966) en deux
formes : les formes unipolaires dans lesquelles les accès sont toujours identiques
(maniaques ou dépressifs) et les formes bipolaires dans lesquelles les accès sont
tantôt maniaques tantôt dépressifs.
– Les hypothèses proposées par Freud, dans Deuil et mélancolie (1917) réfèrent
la dépression à un deuil impossible de l’objet perdu. L’objet est le plus souvent une
personne qui était, pour le sujet, un « objet d’attirance » ou un « objet d’amour ».
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 194

194 • Repères en psychopathologie

– En 1946, Delay publie un ouvrage intitulé Les Dérèglements de l’humeur et


défend le postulat selon lequel le trouble fondamental de la mélancolie ou de la
manie est un trouble de l’humeur :
L’humeur est cette « disposition affective fondamentale, riche de toutes les
instances émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun de nos états d’âme une
tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et
de la douleur ».
La psychiatrie française, dans la lignée du « dérèglement de l’humeur », de
J. Delay considère le ralentissement psychomoteur, idéique et somatique comme un
symptôme secondaire de la mélancolie.
– D. Widlöcher (1980) opère un renversement conceptuel en faisant du ralentis-
sement psychomoteur la base de la dépression.
La dépression écrit Daniel Widlöcher (1980) est un « style d’action » et « non un
trouble de l’humeur ». « Elle est moins une passion triste qu’une action insuffisante. »
Le ralentissement psychomoteur est considéré comme la pierre angulaire de la
dépression, comme le dénominateur commun à la variété des états dépressifs et
indépendants des mécanismes étiologiques. Le pattern comportemental est le
fondement d’une réponse spécifique de base à une perte, à une conduite qui sous
tend et entretient l’état de souffrance et de désespoir.

II. SÉMIOLOGIE DU SYNDROME DÉPRESSIF

Le syndrome dépressif est caractérisé par l’altération de l’humeur, le ralentisse-


ment psychomoteur et les signes somatiques. À cette triade symptomatologique
s’associent parfois des manifestations anxieuses ou délirantes.

LE PATTERN COMPORTEMENTAL DE RALENTISSEMENT PSYCHOMOTEUR

– Le ralentissement moteur s’observe dans la démarche, la posture et la


mimique du sujet déprimé.
Un patient entre dans la pièce en traînant les pieds, s’assied ; son regard ne quitte pas
un point vague, non loin de ses pieds.
– Le débit verbal est ralenti, les échanges sont laconiques ; le mutisme n’est pas
rare ; la voix a perdu sa modulation, le ton est monotone, le timbre devient éteint ;
les propos sont brefs et entrecoupés de pauses ou de soupirs.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 195

Les troubles de l’humeur • 195

– Le sujet déprimé souffre d’asthénie vitale qui touche tous les secteurs de la vie
Le sujet se plaint d’une grande fatigue qui ne cède pas au repos.
– Le ralentissement idéïque se caractérise par un ralentissement du cours de la
pensée et un ralentissement du flux associatif. Le ralentissement psychique
(bradypsychie) est présent dans 90 % des dépressions. Il se caractérise par un
appauvrissement du contenu de la pensée. Les thèmes du discours sont répétitifs. Le
discours est parfois réduit à une seule idée (monoïdéisme). Le sujet déprimé se
plaint de ne pas avoir les idées claires ou de ne plus avoir d’idées (anidéisme). Les
sujets disent :
« J’ai la tête vide.
« Je n’arrive pas à penser à autre chose.
« Je n’arrive pas à réfléchir. »
L’étude des discours de sujets déprimés met en évidence des marqueurs langa-
giers spécifiques au discours dépressif : une utilisation massive des marqueurs de
négation (ne pas, ne plus), des verbes statifs (avoir, être), des temps verbaux passés
et une diminution de l’utilisation des marques du futur et des conjonctions (et, mais,
parce que, etc.) qui ont une fonction d’organisation et de structuration du discours.
Certaines de ces caractéristiques discursives ont été retrouvées chez des sujets non
déprimés hospitalisés et chez des sujets sains placés dans des conditions de vie
extrêmes.

L’échelle de ralentissement dépressif de D. Widlöcher


L’échelle de ralentissement dépressif permet l’évaluation clinique des compo-
santes motrices, verbales et idéiques du ralentissement psychomoteur. Les trois
sous-scores concernent :
– le ralentissement moteur : raréfaction des mouvements volontaires et de la
mimique ; langage lent et monotone ;
– le ralentissement idéique : le rétrécissement du champ associatif : les associa-
tions du sujet aboutissent toutes plus ou moins vite à une ou deux pensées
récurrentes ou au monoïdéisme ;
– les sentiments subjectifs associés aux manifestations motrices et idéiques du
ralentissement.
La symptomatologie psychomotrice est maximale le matin pour s’estomper
ensuite dans le cours de la journée. L’heure du début de cette amélioration s’avance
au fur et à mesure de l’évolution de la dépression vers la guérison.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 196

196 • Repères en psychopathologie

Les troubles conatifs


Le patient déprimé souffre d’une diminution de ses capacités d’initiative et d’ef-
fort, d’un fléchissement des tendances à agir et de troubles de la volonté.
Le sujet se plaint d’une perte d’énergie, d’une perte d’entrain, d’un manque de
courage, d’être à bout, d’être incapable de prendre une initiative. L’indécision du
sujet peut aller jusqu’à l’aboulie et mener à une « inhibition de l’action ».
Le sujet se replie progressivement dans un état d’inactivité. Ces troubles se
manifestent dans des activités aussi diversifiées que lire, penser, travailler, décider,
choisir. Toute activité exige un tel effort qu’elle devient un supplice. Le sujet s’en-
ferme progressivement sur ses préoccupations, se désintéresse de tout, montre une
indifférence affective et le rétrécissement conatif ne cesse de s’aggraver. Le patient
conscient de cet appauvrissement voit sa démotivation et son sentiment d’auto-
dévalorisation renforcés. Selon Widlöcher, le sujet déprimé a perdu « l’appétit » et
« non le goût des choses ».

Les troubles cognitifs


Les troubles cognitifs portent sur les fonctions cognitives, les représentations et
les raisonnements.
– Les représentations et les contenus de la pensée subissent un ensemble de
distorsions dépressives qui varient selon les sujets et évoluent en fonction des fluc-
tuations de l’humeur, en fonction des réactions de l’entourage et des capacités de
critique du sujet.
– La psychologie dépressive présente une tendance systématiquement négative
du jugement porté sur soi ou sur le monde. Le raisonnement connaît quelques alté-
rations comme la rigidité du jugement, des interprétations péjoratives, des capacités
diminuées de décentration critique, une incapacité de relativation intellectuelle, une
persévération pessimiste etc.
– L’attention est affaiblie, la concentration ne peut être soutenue longtemps, la
mémoire à court terme et la remémoration immédiate sont défaillantes.
Les recherches sur les contenus et les processus cognitifs du traitement de l’in-
formation chez les sujets déprimés mettent en évidence :
– un trouble du filtrage des informations positives ;
– une diminution des ressources attentionnelles engendrée par l’état émotionnel ;
– un dysfonctionnement dans les tâches impliquant des processus dits contrôlés.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 197

Les troubles de l’humeur • 197

Les sujets déprimés restituent de manière privilégiée les mots chargés négative-
ment.
Ces travaux étudient le lien entre l’affect et la cognition dans les domaines de la
mémoire et du langage et montrent que les sujets dépressifs mémorisent différem-
ment les informations affectives selon qu’elles sont positives, neutres ou négatives.

Troubles de la temporalité dans la dépression


Pour Minkowski (1933), la dépression est une maladie du temps. Le sujet
déprimé n’a plus conscience d’un avenir et se sent fuir vers le passé qui l’attire.
« Le temps vécu du mélancolique est en effet ralenti et parfois même arrêté.(...)
la vision de l’avenir se perd et il se produit une emprise par le passé. » (Fouks et coll.,
1989)
Selon Henri Ey (1954), le sujet déprimé a « l’impression de marcher négative-
ment par rapport au temps… de tourner en sens inverse de la terre, et le temps fuit
pour lui d’une manière atroce ».
Certains poètes et écrivains ont exprimé cette modification du rapport au temps.
« Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. »
(Victor Hugo, Les Contemplations, XIV, 3 septembre 1847)
Dans cette strophe, Victor Hugo décrit l’anesthésie sensitive (ne rien voir, ne rien
entendre), le repli sur soi, le retrait, le monoïdéisme, la rumination douloureuse, l’ac-
cablement (le dos courbé) la résignation (les mains croisées), le désinvestissement
socio-affectif dans l’état dépressif.
De nombreux cliniciens ont décrit le défaut d’anticipation des sujets déprimés.
Mirabel-Saron et Blanchet (2000) ont mené une étude sur la représentation du futur
dans la dépression. Le discours dépressif se distingue significativement du discours
non dépressif par l’emploi moindre de propositions en rapport avec un monde futur
possible, de mots liés au futur et de verbes conjugués au temps futur proche.

L’HUMEUR DÉPRESSIVE

– L’humeur dépressive se manifeste au niveau de l’expression faciale (hypomi-


mie, amimie), de l’attitude générale (immobilité, gestes rares et lents), du ton de la
voix monocorde et terne (il y a perte de la prosodie, de la mélodie du discours), du
contact (il y a perte de la syntonie, perte de l’harmonie relationnelle). L’humeur
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 198

198 • Repères en psychopathologie

dépressive se traduit par un vécu pessimiste par rapport à soi et par rapport au
monde.
– L’humeur dépressive peut s’associer à l’émoussement affectif, à l’anesthésie
affective ou à l’instabilité émotionnelle.
– L’émoussement affectif s’exprime par une perte de plaisir et d’intérêt, la
sensation d’un manque de sensibilité, l’absence de participation dans les activi-
tés.
– L’anesthésie affective s’observe dans la mélancolie. Le sujet ne ressent
plus aucun affect et n’exprime « ni amour, ni haine ». Le sujet peut fortement
culpabiliser ce sentiment d’indifférence vis-à-vis de ses proches ce qui
augmente l’auto-dévalorisation :
« Je suis le dernier des derniers, je n’éprouve plus rien pour ma femme et mes
enfants. »
– L’instabilité des affects est fréquente chez le sujet déprimé qui se montre
irritable, impulsif, intolérant, voire hostile à son entourage. Le sujet présente des
crises de larmes soudaines ou des réactions excessives par rapport à l’événement
déclenchant : une tâche à accomplir, un départ, etc. L’instabilité affective est
souvent disproportionnée par rapport aux causes apparentes.
L’idéation suicidaire est importante dans la dépression. Le suicide apparaît
comme un moyen de mettre fin à la souffrance. Le suicide peut être préparé depuis
longtemps. À l’inverse, il peut être impulsif et se dérouler sous forme de raptus
(pendaison, arme à feu, etc.). Parfois le suicide est altruiste et familial. Par ce geste
dramatique, le sujet pense éviter à toute sa famille les conséquences de sa ruine et
de sa culpabilité. Le suicide peut prendre l’aspect d’un équivalent suicidaire sous la
forme d’un refus alimentaire complet, d’un refus de traitement ou de conduites à
risque (automobile, alcools, toxiques). Le suicide peut survenir à tout moment de
l’évolution. Toutefois, un tiers des suicides survient pendant les six premiers mois
et la moitié au cours de la première année (Bougerol, 1999). Le suicide est à crain-
dre au début du traitement avant que les médicaments ne soient efficaces ou lorsque
le traitement lève le ralentissement psychomoteur.
– L’Échelle d’Humeur Dépressive (Jouvent et coll., 1988) permet d’évaluer les
cinq composantes suivantes : l’irritabilité ressentie, l’anhédonie (incapacité à éprou-
ver du plaisir), l’expressivité émotionnelle dont le versant négatif représente
l’émoussement affectif, gestuel et mimique (hypoexpressivité versus hyperexpres-
sivité), la tristesse douloureuse et l’hyperesthésie observée. Cliniquement, on peut
identifier deux dimensions principales :
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 199

Les troubles de l’humeur • 199

– le déficit émotionnel ou émoussement affectif qui réunit le manque d’expres-


sivité affective et l’anhédonie ;
– la perte de contrôle qui réunit l’irritabilité et l’hyperexpressivité.
Cette échelle en distinguant différentes composantes émotionnelles de l’humeur
dépressive affine l’appréhension des dynamiques émotionnelles sous-tendant l’hu-
meur dépressive et permet une meilleure prise en charge de la pathologie
dépressive.

LE SYNDROME SOMATIQUE

D’autres symptômes que le ralentissement psychomoteur et l’humeur dépressive


sont retrouvés avec une grande fréquence dans la dépression.
– L’asthénie est un symptôme régulier de la dépression. Elle se caractérise par
une fatigabilité importante. Elle donne lieu à une multitude de plaintes subjectives.
La présentation du patient déprimé témoigne de cette asthénie.
– Les troubles alimentaires : la perte de l’appétit est présente dans 80 à 90 % des
dépressions. Le refus alimentaire est parfois complet. Il s’agit d’un équivalent suici-
daire qui impose l’hospitalisation en urgence. L’hyperphagie avec prise de poids
concerne 10 % des dépressions.
– Les troubles sexuels présentent des manifestations variables selon les sujets :
• les troubles sexuels s’expriment vis-à-vis des rapports sexuels sous forme
d’ennui, de désintérêt avec anhédonie, de dégoût, d’abstinence. La baisse du
désir sexuel se retrouve dans plus de 60 % des dépressions ;
• les troubles sexuels s’expriment sous la forme de dysfonctionnements sexuels
comme l’impuissance ou la frigidité entraînant un regain de culpabilité à l’égard
du partenaire ;
• parfois, une recherche compulsive se substitue au désintérêt.
– Les troubles du sommeil : la plupart des sujets déprimés souffrent d’insomnie,
souvent mixte qui associe des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes,
des réveils matinaux. Certains patients souffrent d’hypersomnie. Ces troubles du
sommeil entraînent souvent une somnolence diurne qui aggrave le ralentissement
psychomoteur. Le sommeil qui n’est, en général, pas réparateur aggrave l’épuise-
ment.
– Les plaintes somatiques sont présentes dans plus de 40 % des dépressions.
Les plaintes somatiques peuvent retarder le diagnostic et le traitement de la dépres-
sion et par conséquent, augmenter le risque de suicide.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 200

200 • Repères en psychopathologie

– Les troubles associés : l’anxiété est souvent associée aux troubles dépressifs.
Environ 30 % des sujets présentant un état dépressif majeur relèvent également
d’un diagnostic de trouble anxieux avec, dans la moitié des cas, la survenue initiale
de troubles anxieux selon Bougerol (1999). La présence de troubles anxieux asso-
ciés aux troubles dépressifs constitue un facteur de risque important au regard des
conduites suicidaires.

LES FORMES CLINIQUES DE LA DÉPRESSION

De nombreuses formes cliniques de dépression ont été différenciées parmi les


états dépressifs.
– Formes selon l’intensité : certains états dépressifs sont d’intensité extrême
(formes sévères) tandis que d’autres ont une intensité mineure (formes légères).
– Formes selon l’âge : l’âge permet de différencier les dépressions de l’enfant,
les dépressions de l’adolescence et les dépressions des personnes âgées.
– Formes selon le sexe : les syndromes dépressifs du post-partum. Les troubles
dépressifs consécutifs à un accouchement sont fréquents et présentent trois degrés
de gravité croissante :
• le post-partum blues : forme mineure de durée brève (quelques jours) chez une
femme jeune souvent primipare ;
• la dépression majeure puerpérale : plus invalidante, durable mais rare, dépres-
sion d’apparence névrotique ;
• la psychose puerpérale : très rare, dépression d’intensité psychotique avec
délire aigu précoce à déclenchement brutal et préoccupations délirantes centrées
sur l’enfant (conviction de lui nuire, rejet violent, délire de filiation etc.).
– Formes à caractère saisonnier : la vie de certains sujets est émaillée d’accès
dépressifs avec une certaine régularité qui s’opposent aux dépressions chroniques.
86 % des dépressions saisonnières concernent des patientes.
– Formes symptomatiques : jusqu’aux années 1970, une tripartition dominait la
nosographie et le diagnostic (dépression endogène, exogène et psychogène), réduite
parfois à la bipartition (endogène-névrotique).
• Les dépressions endogènes se caractérisent par l’absence de facteurs
déclenchants, des antécédents familiaux de dépression, une inhibition impor-
tante, des réveils matinaux, une aggravation matinale des troubles. Elles entrent
dans le cadre de la psychose maniaco-dépressive.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 201

Les troubles de l’humeur • 201

• Les dépressions exogènes se caractérisent par la présence de facteurs


déclenchants, l’absence d’antécédents familiaux de dépression, une sensibilité
de l’humeur aux conditions extérieures, une insomnie d’endormissement, une
aggravation vespérale des troubles. Elles entrent dans le cadre des dépressions
réactionnelles et névrotiques.
La distinction entre dépression endogène ou psychotique et dépression
exogène ou névrotique est vivement contestée aujourd’hui :
« À la Salpêtrière, et avec Widlöcher, nous avons soutenu un point de vue opposé,
qui n’est d’ailleurs pas nouveau : celui de l’unité de la dépression. » (J.F. Allilaire)
– La mélancolie : elle s’intègre dans l’étude de la psychose maniaco-dépressive
(PMD) et se caractérise par l’intensité de la douleur morale, l’importance du ralen-
tissement psychomoteur, l’asthénie extrême, l’aboulie complète et les contenus de
pensée négatifs et désespérés.
Gérard de Nerval dans El Desdichado évoque le soleil noir de la mélancolie :
« Je suis le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé,
(...)
Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la mélancolie. »
– Les dépressions psychogènes : elles sont liées à un événement récent ou à une
situation psychologique conflictuelle.
• Les dépressions réactionnelles : l’état dépressif réactionnel est secondaire à
un événement qui vient décompenser l’équilibre du sujet. Les événements
susceptibles de provoquer un état dépressif sont nombreux : perte d’un être cher
(deuil, éloignement, départ des enfants), maladie, déception sentimentale, chan-
gements professionnels, difficultés financières, déception à l’égard d’un idéal
collectif religieux, social, politique et l’isolement (dépaysement, solitude).
Le prototype de l’état dépressif réactionnel est l’état dépressif du deuil. Le
tableau clinique associe des troubles de l’humeur dominés par une tristesse (sans
culpabilité, auto-accusation ou douleur morale), une anxiété majeure avec soma-
tisations multiples et des difficultés d’endormissement. Le ralentissement
psychomoteur est dominé par une asthénie, limitant l’activité physique et intel-
lectuelle.
Tout deuil se traduit par un état dépressif franc mais passager qui ne néces-
site pas de soins particuliers.
Alphonse Lamartine dans L’isolement évoque le vide laissé par l’absence
d’un être cher, l’insensibilité à l’environnement du sujet endeuillé, attiré à
l’intérieur de lui-même par une rumination douloureuse, l’incapacité à éprou-
ver du plaisir ou anhédonie caractérise souvent les états dépressifs.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 202

202 • Repères en psychopathologie

« Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières ?


Vains objets dont pour moi le charme est envolé ;
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! »
• L’état dépressif d’épuisement : la dépression semble liée à un épuisement
émotionnel et affectif dû à une répétition de stress, à une tension émotionnelle
prolongée ou à des conflits affectifs répétés. On observe cette dépression chez
la personne migrante, chez les ruraux isolés dans les grandes villes et chez les
personnes soumises au rendement et à la compétition (la dépression des mana-
gers). L’état dépressif d’épuisement diffère de l’état dépressif réactionnel par la
répétition de l’événement qui, dans l’état dépressif réactionnel est unique.
• Les dépressions névrotiques : les manifestations dépressives apparaissent
chez des personnalités névrotiques. Les événements traumatisants sont vécus
comme des frustrations intolérables chez ces sujets présentant une chute de l’es-
time de soi, des sentiments d’abandon et d’insécurité. Les facteurs traumatisants
possibles sont identiques à ceux des dépressions réactionnelles : déceptions
sentimentales, difficultés professionnelles, deuil. Le caractère névrotique est
manifeste lorsque la dépression survient à la suite d’un événement positif
comme une promotion professionnelle, un succès, un déménagement, le mariage
d’un enfant, etc. L’événement déclenchant réactive un conflit névrotique ancien
(frustration précoce, abandon). La résonance de cet événement déclenchant chez
le sujet signe le caractère névrotique de cet état dépressif.
- La perte de l’estime de soi est au cœur de la dépression névrotique : le
sujet se sent inférieur dans des domaines divers : intellectuel, apparence
physique, etc. Ces sentiments d’infériorité peuvent donner naissance à une
grande timidité ou à l’inverse, à des attitudes de défi, de prestance. Dans cet
« état de souffrance psychique » domine la perte du sentiment de valeur
personnelle. Le sujet est dans un doute important sur ce que pensent les
autres de lui et sur ce qu’il pense de lui.
F. Pasche (1969) rappelle qu’il serait « bon de revenir à la distinc-
tion classique entre la dépression mélancolique, où l’agression
jouerait un rôle majeur, et les formes névrotiques où la blessure
narcissique serait au premier plan. Dans ces dernières formes, la perte
de l’estime de soi serait le problème psychologique central de la
dépression, sans qu’elle entraîne la régression sado-masochique
propre à la mélancolie. »
- Un sentiment de carence affective : le sujet a l’impression que l’on ne
l’aime pas, qu’on ne l’apprécie pas, qu’il n’intéresse pas les autres. Il se sent
isolé, abandonné. Ces patients sont très réactifs au milieu environnant. En
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 203

Les troubles de l’humeur • 203

effet, l’attitude gratifiante ou frustrante de l’entourage familial ou profes-


sionnel joue un rôle important sur l’humeur et le comportement de ces sujets.
Le geste suicidaire chez ces patients a souvent la valeur d’un appel au
secours, d’une tentative de mobilisation de l’entourage.
- Un désinvestissement objectal : les sujets dépressifs s’intéressent princi-
palement à eux-mêmes et peu à l’extérieur où ils cherchent une preuve de
leur valeur personnelle et attendent d’être aimés. Ces sujets présentent un
« narcissisme malheureux ». Ils sont dans l’impossibilité de répondre à leurs
exigences idéales trop élevées et, donc, inaccessibles. Leur Idéal du Moi est
si élevé qu’ils ne peuvent le réaliser. Leur tentative de réalisation idéale de
soi vouée à l’échec les détourne de toute relation avec autrui ou de tout autre
investissement objectal.
Le déprimé, écrit Pasche, « ne reproche pas à ses parents de ne pas
l’avoir assez nourri, caressé, gâté… mais de ne pas l’avoir fait assez
beau, assez fort, assez intelligent ! ».
La dépression névrotique peut prendre plusieurs formes selon que la
névrose est latente, en voie de décompensation ou décompensée.
– Les dépressions liées à une affection somatique : un certain nombre de dépres-
sions sont déclenchées par des maladies organiques : neurologiques (Parkinson,
séquelles d’accident vasculaire, cérébral, sclérose en plaque), endocriniennes
(hyperthyroïdie, hypothyroïdie), toxiques (amphétamines, héroïne, alcool), généra-
les (cancer), infectieuses (SIDA, mononucléose infectieuse, hépatite), sevrage
(alcool, drogue, aliments chez les obèses) et maladies iatrogènes (corticoïdes).
L’état dépressif est dit iatrogène lorsqu’il survient au cours d’un traitement phar-
macologique et cesse après l’arrêt du médicament.
– Les dépressions masquées : la dépression peut être cachée derrière les plaintes
somatiques multiples qui sont au premier plan. Le sujet se plaint de maux multi-
ples : maux de tête, de troubles digestifs, de douleurs lombaires, sciatiques,
torticolis, de troubles du sommeil non expliqués, de fatigue chronique, etc.
– Les dépressions associées aux troubles psychiques.
La dépression s’observe souvent dans les états névrotiques.
• La dépression est une composante du tableau hystérique. Cette dépression
est une manière pour le sujet d’exprimer son fantasme et de vivre son conflit.
Widlöcher désigne les dépressions hystériques de pseudo-dépression car il n’y a
pas l’auto-agressivité caractéristique de la dépression. Certains auteurs différen-
cient l’hystérie orale et l’hystérie phallique aux risques dépressifs différents.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 204

204 • Repères en psychopathologie

• L’ambivalence caractéristique de la névrose obsessionnelle constitue un


facteur de prédisposition à la dépression. Le sujet obsessionnel ne peut aimer
sans éprouver en même temps des sentiments agressifs à l’égard de l’objet
d’amour. Certains traits dépressifs (fatigue, troubles du sommeil, lassitude)
manifestent l’inhibition névrotique et résultent des mécanismes de défense éner-
gétiquement coûteux.
– Au cours des schizophrénies, les états dépressifs ne sont pas rares. Devant un
état dépressif d’un sujet jeune, se pose le problème de la dépression atypique : un
état dépressif plus ou moins permanent qui s’installe à la fin de l’adolescence peut
marquer le premier temps d’une évolution schizophrénique
– La dépression est particulièrement fréquente dans les psychopathies, les états
limites et les toxicomanies.

Estimation de la fréquence de la dépression


La prévalence globale de la dépression est estimée à environ 10 % de la popu-
lation. Néanmoins, selon les études, les résultats sont très variables, allant de 6,5 %
à 20 %. Ces différences sont liées au mode de dépistage et aux critères retenus pour
poser un diagnostic de dépression.
Les patients déprimés représentent un pourcentage élevé (9 à 14 %) des consul-
tations des généralistes et constituent le quart des consultations des psychiatres et 5
à 6 % de la population générale (Kovess, 1996).
Les évaluations épidémiologiques de la dépression sont, selon Rouillon (1987),
comme un iceberg où le 1/3 supérieur de l’iceberg, sa partie émergée, représente la
population qui consulte pour dépression tandis que les 2/3 inférieurs, c’est-à-dire la
partie immergée, les 2/3 sont représentatifs de la souffrance dépressive de la popula-
tion générale qui ne consulte pas.
La prévalence de la dépression est environ deux fois plus fréquente chez la
femme.

Les traitements médicamenteux


– L’hospitalisation est nécessaire lorsque le risque suicidaire est important,
lorsque l’environnement du patient est insuffisant (isolement affectif, isolement
social, chômage, alcoolisme) ou que le retentissement somatique est alarmant
(amaigrissement, insomnie totale).
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 205

Les troubles de l’humeur • 205

– Le traitement médicamenteux des états dépressifs comporte principalement


des antidépresseurs aux résultats positifs de l’ordre de 60 à 65 % des cas
(Widlöcher). Il y a différents types d’antidépresseurs. Le choix de l’antidépresseur
dépend de la symptomatologie : pôle anxieux, prédominance du ralentissement
psychomoteur, intensité de la dépression. Les antidépresseurs peuvent être stimu-
lants, sédatifs, mixtes. Parfois, le traitement associe des tranquillisants qui ont un
effet anxiolytique (effet sur l’anxiété) et un effet sédatif au niveau du comportement
et au niveau de l’angoisse. Parfois, des neuroleptiques sédatifs sont prescrits pour
contrôler l’angoisse et l’insomnie.
– Les traitements médicamenteux sont associés à des traitements psychothéra-
peutiques d’inspiration psychanalytique ou d’orientation cognitivo-comportemen-
tale qui sont deux indications thérapeutiques adaptées aux dépressions.

III. LA PSYCHOSE MANIACO-DÉPRESSIVE

Les psychoses maniaco-dépressives peuvent se présenter :


– sous forme de troubles bipolaires de l’humeur caractérisées par la survenue de
crises maniaques et de crises mélancoliques chez le même sujet ;
– sous la forme d’une maladie unipolaire caractérisée par la survenue de crises
d’un seul type. Les PMD comportant exclusivement des accès maniaques sont
beaucoup plus rares que la forme mélancolique des troubles unipolaires.
Dans les formes bipolaires, l’âge moyen de début est de 30 ans et la première
manifestation maniaque ou mélancolique apparaît assez souvent dès l’adolescence.
Dans les formes unipolaires dépressives, l’âge moyen de début est de 43 ans.
La fréquence de la psychose maniaco-dépressive s’élève à environ 1 % dans la
population générale et concerne autant les hommes que les femmes. Le traitement
de la PMD s’est beaucoup amélioré grâce au traitement des accès par les sels de
lithium mais le risque suicidaire subsiste.

A. L’ACCÈS MÉLANCOLIQUE

La mélancolie est un état de dépression caractérisé par une profonde douleur


morale, une inhibition psychique et motrice avec un ralentissement idéique et
moteur, des troubles de l’attention (aboulie), une perturbation des activités instinc-
tuelles (troubles du sommeil et troubles alimentaires), des idées de mort et des idées
délirantes particulières.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 206

206 • Repères en psychopathologie

– La présentation du sujet mélancolique : dans l’accès mélancolique, la tristesse


est poussée à l’extrême. L’intensité de la douleur se voit sur le visage, sur la
mimique.
• Expression faciale : le visage est contracté ; les traits sont peu mobiles, affais-
sés ; les yeux sont fixes, les sourcils sont froncés. Certains auteurs décrivent
« l’oméga mélancolique » réalisé par les plis au niveau du front (les plis froncés
de la peau dessinent un oméga).
• Attitude générale : le sujet mélancolique est inerte, prostré, recroquevillé sur
lui-même ; il peut rester assis des heures, immobile, tête fléchie, dans une atti-
tude de concentration douloureuse ; les gestes sont lents, inachevés, comme
pénibles.
• Ton de la voix : la voix est monocorde, le sujet parle peu, il répond avec lenteur,
par monosyllabes, ses propos sont entrecoupés de gémissements et de soupirs.
« J’ai regardé ma mère. Je ne l’ai pas reconnue du tout… Elle avait un air légè-
rement hébété, elle regardait vers le parc, un certain point du parc, elle guettait
semble-t-il l’imminence d’un événement dont je ne percevais rien. » (M. Duras,
L’Amant)
– Une douleur morale intense : la douleur morale est vécue comme totale, irré-
versible, irrémédiable. Le sujet est envahi par une tristesse profonde, permanente,
tenace, indépendante des circonstances extérieures. Rien ne peut réconforter le
mélancolique muré dans son malheur.
« Mon avenir est couvert d’un nuage noir, comme une voile bombardée
Mon avenir, noir comme la gueule de l’enfer. » (Henry de Montherlant, Carnets)
Le mélancolique subit douloureusement son asthénie vitale.
Dans la mélancolie, les choses sont poussées à l’extrême d’où une perte totale
de l’estime de soi. Comme le déprimé est persuadé qu’il ne vaut rien et qu’il est
responsable de cette maladie, il peut développer un délire de dépréciation, d’auto-
accusation.
« D’où vient le soleil noir de la mélancolie ? De quelle galaxie insensée ces
rayons invisibles et pesant me clouent-ils au sol, au lit, au mutisme, au renoncement ?
D’où s’ouvrent ce gouffre de tristesse, cette douleur incommunicable qui nous
absorbe parfois, et souvent durablement, jusqu’à nous faire perdre le goût de toute
parole, de tout acte, le goût même de la vie, ce désespoir surgi après telle blessure,
tel échec sentimental ou professionnel, tel deuil, telle trahison ou maladie fatale ? »
(J. Kristeva, 200118)

18. Kristeva, J. Mélancolie et dépression, Figures de la psychanalyse, Éditions Erès, 2001.


Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 207

Les troubles de l’humeur • 207

– L’inhibition mentale et motrice : chez le mélancolique, les opérations menta-


les et motrices sont bloquées. Les troubles sont plus prédominants le matin.
Toute activité intellectuelle ou motrice exige un effort surhumain, toute activité
n’ayant plus aucun sens. Le patient peut rester dans un état de stupeur : il est figé,
ne parlant pas, ne bougeant pas.
• Au niveau de la pensée, on observe une bradypsychie caractéristique. Le
sujet ne peut suivre une conversation ; il ne peut se concentrer sur une lecture. Il
est entièrement mobilisé par sa douleur. Il ne prête guère attention au monde
extérieur ou ne retient que ce qui peut alimenter ses ruminations dépressives.
• L’inhibition de la volonté : l’indécision et le sentiment d’impuissance
peuvent aller jusqu’à l’aboulie complète.
• L’inhibition de l’affectivité : le sujet est atteint d’une anesthésie affective ;
le sujet n’arrive plus à s’émouvoir, il n’éprouve plus de sentiments, même pour
ses proches.
– Les idées délirantes sont fréquentes et peuvent être :
• des idées de culpabilité : idées de faute, d’indignité, d’auto-accusation, d’ex-
piation, de damnation ;
• des idées de préjudice, de persécution : « on m’a tout pris, je n’ai plus rien »,
« on va m’arrêter » ;
• des idées de ruine, de deuil : conviction de mort des proches, de perte des
biens, de perte de la fortune ;
• des idées de négation : négation d’organes : « on m’a enlevé le cœur, l’estomac,
etc. » ou négation du monde : « la terre a éclaté », « plus rien n’existe » ;
• des idées d’incurabilité : conviction d’avoir une maladie mortelle ; le sujet
mélancolique est persuadé qu’il a un cancer et de plus il est persuadé qu’il en est
responsable ;
• des idées hypocondriaques, de transformation corporelle pouvant aller
jusqu’au syndrome de Cotard qui comporte des thèmes de négation d’organes,
de négation du monde, des idées de damnation et d’immortalité.
• des idées d’influence, de domination ou de possession.
– Les mélancoliques persécutés se distinguent des autres persécutés car ils
justifient la persécution. Parfois, le mélancolique reconstruit le passé pour y
trouver une faute supposée qu’il expie aujourd’hui.
Le délire est pauvre, pathétique, répétitif, centré sur le sujet et sa culpabilité.
Les idées délirantes peuvent s’accompagner d’illusions perceptives (un visiteur
est perçu comme un gendarme), d’interprétations (un klaxon avertit d’une
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 208

208 • Repères en psychopathologie

arrestation), de voix intérieures qui l’accusent : « c’est de ta faute s’il est mort »,
de voix intérieures qui le poussent au suicide : « tu dois mourir », de rêves
terrifiants : des visions de cadavre, des scènes d’exécution, etc.
– Les idées de mort, le désir de mort, les conduites suicidaires sont particulière-
ment graves car le suicide apparaît comme la seule solution à la douleur morale et
comme le châtiment adapté aux fautes dont s’accuse le sujet.
« Trois heures du matin. Long malaise. La mort passe et repasse au-dessus de moi
comme un avion ennemi qui flaire que vous êtes là et qui vous cherche. (...) Ouvrez-
vous, portes éternelles. » (La Marée du soir, de Henry de Montherlant)
– Les symptômes somatiques : le syndrome général frappe par son intensité.
– L’attitude du patient vis-à-vis d’autrui : le mélancolique ne cherche pas
d’aide ; il n’attend rien d’autrui ; il se déprécie à tel point qu’il lui paraît normal
qu’autrui le délaisse ; il fait tout pour qu’autrui ne lui porte aucun intérêt et trouve
normal qu’on le laisse.

LES FORMES CLINIQUES

On décrit des mélancolies simples, des mélancolies anxieuses, des mélancolies


stuporeuses et des mélancolies délirantes. Dans les formes anxieuses, stuporeuses,
délirantes, dominent respectivement l’anxiété, la stupeur ou le délire.
– La mélancolie simple est caractérisée par :
• l’intensité de l’humeur dépressive avec culpabilité, auto-dévalorisation, auto-
accusation ;
• l’importance du ralentissement psychomoteur et intellectuel ;
• les troubles du sommeil, particulièrement l’insomnie matinale où culmine la
douleur morale ;
• l’importance du risque de suicide ;
• l’importance du syndrome somatique.

Le sujet se rend compte de son état et décrit son impression d’être réduit à néant.
Il y a toute la sémiologie mélancolique mais le patient est capable de prendre une
certaine distanciation par rapport aux troubles mais, l’évolution vers une mélanco-
lie plus grave est possible.
– La mélancolie stuporeuse : le ralentissement conduit à une inhibition psycho-
motrice maximale. Le sujet s’immobilise dans une rumination tellement
douloureuse qu’elle n’est plus communicable et aboutit au mutisme. La stupeur
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Les troubles de l’humeur • 209

réalise une inhibition totale de l’activité motrice. Le sujet est prostré, figé, mutique,
immobile. Son visage est de marbre, son regard est fixe. On observe l’oméga
mélancolique. Derrière la façade stuporeuse existe une intense douleur morale qui
s’exprime par des mimiques de désespoir et parfois, des gémissements.
– La mélancolie anxieuse : l’angoisse domine le tableau clinique, entraînant une
agitation qui masque le ralentissement. La mélancolie anxieuse est la seule forme
où le ralentissement moteur disparaît au profit d’une agitation motrice extrême et
incessante. L’angoisse est intense : le sujet éprouve des sensations d’oppression, des
sensations de suffocation. Le risque de raptus suicidaire est important.
– La mélancolie délirante : la douleur morale est exprimée sur un mode délirant.
Le délire s’exprime toujours avec une tonalité douloureuse. Les thèmes du délire
sont les idées de culpabilité et d’indignité, les idées de négation : « je n’ai plus
d’amis, je n’ai plus de maison, je n’ai plus d’âme », « je n’ai plus d’intelligence »,
les idées de deuil et de ruine (certitude de la mort des proches), les idées hypocon-
driaques (certitude d’être atteint d’une maladie grave), les idées de persécution. Le
délire est vécu passivement. Le patient est résigné. L’adhésion au délire de négation
peut avoir des conséquences graves : le sujet peut refuser de s’alimenter puisqu’il
n’a plus d’intestins, ni d’œsophage. Le sujet peut se suicider pour expier ses fautes,
pour sauver le monde.
– La mélancolie d’involution est une mélancolie tardive qui survient chez une
personne n’ayant aucun antécédent de manie ou de mélancolie.
Madame R, 68 ans, exprime des plaintes hypocondriaques
« J’ai un entonnoir dans le ventre avec un crochet. J’ai du plastique dans l’anus
et dans le ventre, d’ailleurs, j’ai du plastique partout. » (Camus et al., 1993)
– Accès mélancoliques saisonniers : certains accès ont un caractère saisonnier.
Le premier accès mélancolique ou maniaque peut rester unique. Toutefois, un tel
sujet reste très sensible à tous les traumatismes psychiques sur le plan émotionnel
et affectif.

L’évolution et le traitement médicamenteux de l’accès mélancolique


Sans traitement, un accès mélancolique dure de 3 à 6 mois. L’accès traité dure
moins de 3 mois. Les sujets retrouvent l’intégralité de leurs capacités d’avant l’épi-
sode mélancolique.
Parfois, l’accès reste unique, mais souvent, un second accès survient un an,
deux, trois ans plus tard et il peut y avoir trois, quatre, cinq accès, chacun espacé de
plusieurs années. Le second accès peut avoir lieu sous forme mélancolique ou sous
forme maniaque.
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210 • Repères en psychopathologie

– Le traitement des accès mélancoliques franc nécessite une hospitalisation à


cause du risque de suicide. Les antidépresseurs restent actuellement le traitement
de référence.
– La thérapie électroconvulsive ou sismothérapie ou électrochoc : cette théra-
peutique fut découverte dans les années 30 (Cerletti, 1938) et très largement utilisée
dans le traitement des états mélancoliques entre 1940 et 1955. La chimiothérapie
antidépressive s’est ensuite substituée à l’électro-convulsivothérapie, qui est rare,
de nos jours.
– Le traitement prophylactique des rechutes recourt au lithium.

LES THÉORIES GÉNÉTIQUES ET BIOLOGIQUES

Dans certaines familles, le risque de survenue d’un accès dépressif est plus
grand et confirme l’existence d’un terrain prédisposant indépendamment des événe-
ments de vie et de l’histoire individuelle.
Le principal argument en faveur de l’héritabilité repose sur l’étude du risque
familial lié à la proximité génétique. La plus grande proximité génétique est réali-
sée chez les jumeaux vrais monozygotes tandis que la distance génétique est
extrême dans la population générale entre deux personnes non apparentées. Dans
les psychoses maniaco-dépressives, la concordance est de 50 à 100 % chez les
jumeaux monozygotes, de 15 à 25 % chez les dizygotes et de 10 à 20 % pour les
descendants et apparentés directs. Si le risque dépendait uniquement de l’hérédité,
la concordance chez les vrais jumeaux devrait être de 100 %. Le facteur héréditaire
n’explique, donc, pas à lui seul la pathologie mais représente un facteur de
prédisposition, une fragilité de terrain. D’autres facteurs doivent être pris en consi-
dération pour expliquer la survenue de la dépression.
– Les théories biologiques ont pour origine la découverte des modifications du
système nerveux central induites par les antidépresseurs. L’antidépresseur agit sur
les monoamines cérébrales. De nombreuses recherches montrent que les patients
dépressifs présentent des anomalies des monoamines cérébrales. Une multitude
d’anomalies biologiques ont été identifiées mais on ne peut affirmer l’existence de
causes biologiques à l’origine des PMD.
Actuellement, aucune théorie ne rend compte, à elle seule, de l’étiopathogénie
de la dépression. Le poids de chaque facteur varie d’un sujet à l’autre, varie selon
le terrain prédisposé ou non, selon l’histoire personnelle et l’histoire familiale du
sujet.
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Les troubles de l’humeur • 211

B. L’ACCÈS MANIAQUE

La manie réalise l’inverse du tableau mélancolique. Au pessimisme s’oppose


l’euphorie, à l’inhibition l’excitation, au ralentissement moteur et psychique l’ac-
célération de l’action et de la pensée.

La présentation du sujet
– L’activité motrice est exacerbée. Le comportement est marqué d’une hyperac-
tivité sans but, désordonnée, bruyante, variable. Cette agitation peut durer des
semaines, jour et nuit, sans sentiment de fatigue.
– La mimique : les traits du sujet sont mobiles, sans repos ; le visage est animé,
enjoué, hyperexpressif.
– Le contenu verbal est extrêmement labile : le sujet parle sans arrêt, chante, rit.
– Le contact est facile, familier mais très labile.

Les conduites instinctuelles


– Au niveau des conduites alimentaires, il y a souvent une hyperphagie. La faim
et la soif augmentées n’empêchent pas un amaigrissement rapide, le sujet maniaque
se dénutrit et se déshydrate car il se dépense beaucoup.
– Les troubles du sommeil : l’insomnie est quasi totale et ne s’accompagne d’au-
cun besoin de sommeil. La résistance à la fatigue est impressionnante et exténuante
pour l’entourage. Les troubles du sommeil sont souvent le premier indice de l’ac-
cès maniaque.
– L’exaltation sexuelle est importante : elle peut consister en propos érotiques ou
en troubles du comportement.

Les troubles intellectuels


– Le trouble le plus marquant est l’accélération du cours de la pensée ou tachyp-
sychie. La pensée va plus vite que ce que le sujet peut exprimer d’où l’incohérence,
les coqs à l’âne, la fuite des idées.
– Au niveau du langage, le discours du sujet maniaque est rapide, précipité : on
parle de logorrhée. Le langage devient un jeu et un but de satisfaction en soi. La
graphorrhée qualifie l’activité d’écriture du sujet maniaque qui couvre des kilomè-
tres de papier d’une écriture brouillonne, dense. Au début de l’accès, le sujet peut
être productif et créatif.
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212 • Repères en psychopathologie

– Le sujet maniaque a des difficultés de concentration et manifeste un épar-


pillement de l’attention et une distractibilité majeure. Il saisit au vol tous les détails
de la situation mais il ne réussit pas à fixer son attention.
– La modification de la structure temporelle de la vie psychique est caractéris-
tique de la manie Le sujet maniaque se projette dans l’avenir et est incapable de
vivre le présent avec ses limitations.
« Le maniaque n’est plus synchrone et son tempo endiablé masque mal son
impossibilité de profondeur et de réflexion. Cette perturbation de la synchronie
rejaillit sur la syntonie. En raison de l’accélération de son tempo, le maniaque ne peut
plus vivre à l’unisson avec l’ambiance si ce n’est d’une façon momentanée et super-
ficielle. » (Fouks et coll., 1989)
– La mémoire est troublée et la mémoire de fixation (capacité à enregistrer ce
qui se passe pendant l’accès) est la plus altérée.
– L’imagination est exaltée. Le sujet maniaque produit des fabulations, rarement
délirantes.

L’exaltation de l’humeur
Le sujet maniaque est euphorique, optimiste. Il se sent étonnamment bien,
heureux, infatigable. Il a l’impression qu’il peut tout entreprendre et tout réussir.
Cette hyperthymie est très versatile, l’humeur est instable, la joie alterne avec les
larmes, l’euphorie avec la colère. La moindre contrariété peut déclencher l’agressi-
vité et peut conduire à la « fureur maniaque ».
– Le début : l’accès maniaque apparaît chez un adulte jeune de 18 à 40 ans ayant
des antécédents maniaques ou dépressifs, personnels ou familiaux. L’accès
maniaque est parfois consécutif à un événement déclenchant : un deuil, une sépara-
tion, l’arrêt du traitement régulateur de l’humeur. Le plus souvent, le début de
l’accès maniaque est brutal. Le début peut être marqué par une courte phase dépres-
sive, une période d’exaltation émotionnelle ou par un symptôme signal : dépenses
exagérées, démarches inconsidérées, idées mégalomaniaques.
Épidémiologie : la fréquence des accès maniaques est rare et diminue avec l’âge :
– vers 20 ans, on observe 20 % d’accès mélancoliques, 50 % d’états mixtes, et
30 % de manies ;
– vers 40 ans, on observe 50 % de mélancolie, 34 % d’états mixtes et 16 % de
manie ;
– à un âge avancé, seulement 1 % ou 2 % d’accès maniaques.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 213

Les troubles de l’humeur • 213

– Évolution : l’accès maniaque dure 6 à 8 mois en l’absence de traitement, de 3


à 6 semaines sous traitement. Un premier accès maniaque peut rester unique mais
80 % des sujets rechutent sous forme maniaque ou mélancolique. L’intervalle
moyen entre deux accès est d’environ trois ans. Les sujets ne présentant que des
accès maniaques sont extrêmement rares, les rechutes se font plus souvent sous la
forme d’états dépressifs.
L’état maniaque peut disparaître et laisser apparaître des troubles dissociatifs et
évoluer vers une psychose schizophrénique (notamment la forme dysthymique).

LES FORMES CLINIQUES

– L’exaltation simple ou hypomanie est une forme mineure de manie. Tous les
signes cliniques de l’accès maniaque y sont atténués. L’accès hypomaniaque se
caractérise par une excitation intellectuelle, une hyperactivité mal contrôlée (déci-
sions hâtives, initiatives multiples, besoins de changement, vastes projets,
prodigalité), une réduction du temps de sommeil (l’insomnie a valeur de symptôme
d’alarme) et une exaltation de l’humeur. L’hypomane supporte mal les contraintes,
se montre impatient, autoritaire, vindicatif le plus souvent verbalement.
– Forme délirante et hallucinatoire : les idées délirantes, dans l’accès maniaque,
sont labiles à cause de la fuite des idées. On parle de délire verbal ou de fabulations
pseudo-délirantes. Les thèmes congruents avec l’humeur maniaque sont la mégalo-
manie, le mysticisme.
– Manie suraiguë ou furieuse : l’agitation et l’agressivité y sont extrêmes et
dominent le tableau clinique.
– États mixtes : des symptômes maniaques et des symptômes mélancoliques sont
associés. Les états mixtes maniaco-dépressifs se caractérisent soit par l’association
de thèmes dépressifs et une excitation intellectuelle soit par des fluctuations rapides
de l’humeur.
– Manies symptomatiques : elles existent après un traumatisme crânien, certains
syndromes endocriniens tels que l’hyperthyroïdie, au cours de certaines intoxica-
tions (alcool, drogues) et dans certaines tumeurs cérébrales.
– Manies atypiques désignaient des accès associant des troubles délirants et/ou
des troubles dissociatifs aux troubles de l’humeur. Ce terme de manie atypique était
devenu synonyme de schizophrénie dysthymique. Actuellement, cela conduit à des
diagnostics de schizophrénie par excès.
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214 • Repères en psychopathologie

Les états maniaques francs nécessitent toujours l’hospitalisation. L’accès


maniaque est soigné par les neuroleptiques puis par le lithium : le lithium a un effet
antimaniaque propre mais les sels de lithium sont utilisés avec une visée à plus long
terme comme régulateurs de l’humeur en cas d’évolution cyclothymique.
« À peine, le Lithium fut-il reconnu …..(suggéré au départ en 1949 par
l’Autrichien CADE), qu’il y eut ….une épidémie de psychose maniaco-dépressive :
alors qu’antérieurement dans un hôpital de New York on ne diagnostiquait que 8 ou
9 maniaques par année, on en trouve 50 la première année où le Lithium fut utilisé. »
(cité par J. Oules).

IV. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

– Karl Abraham (1877-1925) ouvre le débat sur la dépression en 1911.


Dans cet article inaugural, Abraham montre l’importance des mécanismes de
projection dans la dépression et compare la mélancolie au deuil. Il décrit le mélan-
colique comme un sujet au « sadisme refoulé dans l’inconscient », qui « tire son
plaisir de ses souffrances » et conclue qu’« au fond de la misère mélancolique, nous
trouvons une source cachée de jouissance ». Il observe que le sujet voit la mort
comme issue dans l’état dépressif alors que dans l’état maniaque, le sujet « enjambe
le complexe » et « la composante pulsionnelle sadique est libérée de ses entraves ».
– En 1916, Abraham publie une seconde contribution du développement de la
libido. Il relève l’importance des signes oraux dans la mélancolie et poursuit la
comparaison entre la mélancolie et la névrose obsessionnelle en précisant ce qui les
oppose : le désir sadique de dominer et de contrôler l’objet prévaut dans la névrose
obsessionnelle alors que dans la mélancolie, la pulsion sadique et le désir de
détruire l’objet en le dévorant dominent. Abraham émet l’hypothèse d’une régres-
sion orale.
– En 1917, Freud décrit les principaux traits de la mélancolie dans Deuil et
mélancolie : la douleur morale, la suspension de l’intérêt pour le monde extérieur,
la perte de la capacité d’aimer, l’inhibition de toute activité, la diminution du senti-
ment d’estime de soi pouvant aller jusqu’à des formes extrêmes d’auto-agression,
de sentiments d’indignité ou de châtiment.
• La mélancolie comme le deuil est déclenchée par une perte d’objet : le deuil
ou la mélancolie surviennent après la perte d’une personne aimée ou d’une idée
(patrie, liberté, idéal). Des causes analogues produisent une réaction de deuil
chez certains sujets et un tableau dépressif chez d’autres.
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Les troubles de l’humeur • 215

• Le deuil normal et le deuil pathologique : il paraît normal que le sujet qui a


perdu son objet d’amour soit triste, indifférent, absorbé par son deuil et qu’après
un certain temps, il surmonte l’épreuve. Il faut que s’opère le travail de deuil :
l’objet n’existant plus, la réalité impose de renoncer à l’objet mais le renonce-
ment est douloureux, révoltant, difficile ; alors le sujet se cramponne à l’objet
perdu et tente de se détourner de la réalité, mais, normalement, le désinvestisse-
ment finit par opérer ; le Moi redevient disponible et réinvestit ailleurs. Dans le
deuil normal, la perte de l’objet perdu se résout par un déplacement de la libido
vers de nouveaux objets.
• La mélancolie se distingue du deuil : le deuil présente tous les symptômes
de la mélancolie sauf un, la diminution du sentiment de l’estime de soi. Une
certaine forme d’auto-accusation existe dans le deuil pathologique mais d’in-
tensité moindre à celle observée dans la mélancolie.
• La dépréciation de soi : seconde différence entre la mélancolie et le deuil :
dans le deuil, le chagrin vient de la perte d’un autre alors que dans la mélanco-
lie, une partie du Moi est morte. La mélancolie est caractérisée par un
appauvrissement immense du Moi. Dans le deuil, le monde est pauvre et vide,
dans la mélancolie, c’est le Moi qui est pauvre et vide.
Dans le deuil normal, il y a retrait de la libido de l’objet et déplacement
sur un nouvel objet.
Dans la mélancolie, la libido libre n’est pas déplacée sur un autre objet,
elle est « retirée dans le Moi ». Freud conclut qu’il s’agit de perte du Moi :
« La perte de l’objet s’étant transformée en perte du Moi. »
• Pourquoi le mélancolique se critique, s’accuse, s’attaque, s’auto-agresse ?
Les reproches que le mélancolique s’adresse à lui-même sont des reproches
contre l’objet d’amour qui sont « renversés » de l’objet sur le Moi du sujet
mélancolique. Si le sujet mélancolique expose sans honte ses auto-accusations
et ses reproches, c’est parce que ce sont des accusations dirigées contre l’objet
perdu.
« L’ombre de l’objet tomba ainsi sur le Moi qui put alors être jugé par une
instance particulière comme un objet, comme l’objet abandonné. »
Dans la mélancolie se produit une régression à un stade précoce archaïque du
développement libidinal. À ce stade, le lien libidinal à l’objet comporte un désir
d’incorporation de cet objet par le moyen de la dévoration : « il voudrait s’in-
corporer l’objet et cela, conformément à la phase orale ou cannibalique du
développement, par le moyen de la dévoration ».
Dans la mélancolie, le sujet ayant perdu l’objet, va l’intérioriser et vivre
comme si l’objet était maintenant lui-même. Mais, la perte de l’objet fait appa-
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216 • Repères en psychopathologie

raître l’ambivalence : l’objet perdu est un objet d’amour et un objet de haine. La


haine s’adresse à l’objet intériorisé en l’injuriant, et s’exprime sous forme
d’auto-reproches et le sujet éprouve une satisfaction sadique dans cette souf-
france. Le mélancolique s’inflige cette torture qui représente la satisfaction des
tendances sadiques qui, adressées à l’objet, ont subi un retournement sur la
personne propre. Le sadisme éclaire l’énigme de la tentative de suicide qui rend
la mélancolie si dangereuse. La haine peut conduire au suicide :
« Le Moi peut se tuer lorsqu’il peut, par le retour de l’investissment d’ob-
jet, se traiter lui-même comme objet. »
Plus tard, Freud élabore le concept de Surmoi (1923,) et analyse le conflit
entre le Moi et le Surmoi ainsi :
« Le Surmoi extrêmement fort qui s’est annexé la conscience, fait rage
contre le Moi avec une violence impitoyable, comme s’il s’était emparé de
tout le sadisme (...) nous dirions que la composante sadique s’est retranchée
dans le Surmoi. Ce qui règne dans le Surmoi, c’est pour ainsi dire une pure
culture de la pulsion de mort. »
Freud assigne à la mélancolie une situation particulière en situant, au premier
plan, le conflit entre le « Moi » et le « Surmoi ». Dans la mélancolie, il ne s’agit
pas de désinvestissement psychotique car le lien à l’objet est conservé par le
mécanisme de l’identification narcissique, substitut de la relation d’amour :
« L’ombre de l’objet » est tombée « sur le Moi ». Dans la mélancolie, la tension
Moi-Idéal du Moi qui deviendra Moi-Surmoi n’aboutit pas à une dislocation du
Moi. En 1924, la névrose est le résultat d’un conflit entre le Moi et le Ça tandis
que la psychose est le résultat d’une perturbation entre le Moi et le monde exté-
rieur.

La position dépressive chez Mélanie Klein


Mélanie Klein développe l’existence d’une position dépressive chez l’enfant
durant la seconde moitié de la première année. La position dépressive fait suite à la
position schizo-paranoïde. La position dépressive infantile, stade normal de déve-
loppement est conçue comme le véritable noyau des états dépressifs du sujet adulte.
Pour M. Klein, tout deuil nous oblige à revivre la position dépressive. Les bons
objets sont à nouveau menacés. Au moment d’un deuil, le sujet doit reconstruire son
Moi.
Pendant la phase schizo-paranoïde, le bébé ne perçoit ni sa mère ni lui-même
comme une totalité. Toute expérience est vécue comme une expérience partielle.
D’où la notion d’objet partiel : bon objet ou mauvais objet. Si l’enfant est satisfait,
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 217

Les troubles de l’humeur • 217

il vit une bonne mère et le double intérieur sera bon. Si l’enfant a faim, l’enfant vit
la situation comme un mauvais objet qui lui fait du mal et le détruit de l’intérieur.
– Si les expériences négatives dominent, l’enfant n’expérimente pas ce noyau de
bons objets mais il est la proie d’attaques extérieures et intérieures : il est la proie
de l’angoisse persécutive. Les angoisses de persécution empêchent la constitution
de l’objet global et ne permet pas à l’enfant de percevoir le Moi comme totalité.
– Si les bonnes expériences dominent, l’enfant rassemble tous ses bons objets
partiels et construit une représentation globale de la mère et du Moi intérieur. La
phase schizo-paranoïde peut être dépassée et l’enfant aborde la phase dépressive.
L’enfant passe d’une relation d’objet partiel à une relation d’objet global.
Désormais, il y a un noyau à protéger. Or, ce noyau est menacé par l’angoisse
dépressive. L’enfant est la proie d’une angoisse caractéristique de la position
dépressive : l’angoisse de perdre le bon objet extérieur ou de détruire le bon objet
intérieur.
Deux situations peuvent mettre l’enfant en péril à la phase dépressive :
– la perte de l’objet externe : la mère disparaît, l’enfant est séparé de la mère, la
mère rejette l’enfant, la mère est défaillante. L’enfant peut transformer la mère
en un mauvais objet : elle devient la méchante mère qui l’abandonne ;
– la menace vient de l’intérieur : l’enfant est soumis à des forces agressives
intenses en lui qui menacent les bons objets intériorisés.
M. Klein décrit la structure de la dépression de l’adulte où l’on observe la perte
de l’objet, les pulsions agressives destructrices dirigées vers l’extérieur et vers l’in-
térieur.

Critiques de la théorie kleinienne


Selon D.W. Winnicott, M. Klein situe trop tôt la position dépressive infantile.
L’absence de la mère est vécue totalement différemment par un enfant percevant la
mère comme un objet total ou comme un objet partiel.
– Si un enfant perd sa mère avant 8-9 mois, il ne peut avoir la nostalgie de la
mère puisqu’elle n’est pas un objet total. Dans ce cas, l’angoisse ne peut s’ex-
primer en pensée : Winnicott parle d’« angoisse impensable » qui plonge le
nourrisson dans une souffrance destructrice. Si « l’angoisse impensable » et la
souffrance destructrice sont trop fortes, celle-là peut conduire à la psychose.
– Si le nourrisson perd sa mère après 6-8 mois, la mère a un visage pour lui ;
elle est une réalité pour l’enfant. La mère peut donc être pensée comme un objet
absent. L’enfant la réclame. Il souffre de l’absence. L’enfant éprouve une nostal-
gie douloureuse et non une « angoisse impensable ». Ce sont des enfants
abandonniques, agressifs, provocants, avides, carencés affectivement.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 218

218 • Repères en psychopathologie

– M. Mahler suppose que la réactivité dépressive de l’individu est liée aux diffi-
cultés rencontrées lors de la phase de séparation – individuation. La position
dépressive se situerait entre le 16e et le 24e mois, moment où l’enfant prend cons-
cience de sa séparation, de son individuation, de la perte de son omnipotence et de
sa vulnérabilité. L’adolescence est une période majeure d’individuation-séparation
où la dépression névrotique narcissique est normale.
– Anna Freud a insisté chez le rôle essentiel à l’adolescence du deuil des objets
parentaux. La difficulté à faire le deuil des investissements parentaux exclusifs
donne naissance à un discours portant davantage sur le poids excessif des parents.
Or, l’adolescent doit se détacher des objets infantiles parentaux et cet abandon de
l’attachement à l’image infantile des parents est source de dépression. La dépres-
sion est une réponse de deuil aux attachements auxquels il faut renoncer.
– J. Bowlby (1907-1990), psychanalyste anglais, élève de M. Klein élabore une
théorie divergente de la dépression. Bowlby a étudié les effets des carences affecti-
ves graves de soins maternels chez les enfants. Il s’est intéressé à l’attachement de
l’enfant pour sa mère considéré comme une composante instinctuelle. Selon
Bowlby, l’enfant est particulièrement sensible à la séparation de la mère entre 15 et
30 mois. Bowlby décrit trois stades après une séparation de l’enfant avec sa mère :
– phase de protestation et d’angoisse primaire ;
– phase de désespoir et de dépression ;
– phase de détachement.
La dépression pour Bowlby est un « affect » éprouvé par « l’individu bien
portant » dans certaines circonstances. La dépression se réduit à une désorganisation
dans les interactions entre le sujet et l’environnement.

L’approche structurale de la personnalité et la structure mélancolique


J. Bergeret (1974) fait la distinction entre les aspects dépressifs mélancoliques
« authentiquement psychotiques » relevant de la structure psychotique et les
« mouvements plus modérés » relevant de l’état-limite différent de la psychose.
• La structure mélancolique : J. Bergeret (1974) décrit une structure mélanco-
lique qu’il classe parmi les structures psychotiques tout en la différenciant :
L’économie pulsionnelle parvenue à un niveau où le phallisme avait pu jouer
son rôle organisateur, s’est trouvée dans l’obligation de régresser vers les
stades prégénitaux, oral et anal, à la suite de la réactivation de la blessure
narcissique archaïque fondamentale.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 219

Les troubles de l’humeur • 219

L’angoisse fait retour vers une angoisse de morcellement tout en conservant


des éléments de son évolution antérieure où l’angoisse non psychotique
portait sur le risque de perte de l’objet et la dépression.
Les mécanismes de défense sont le déni de la réalité, déni secondaire d’une
partie de la réalité qui avait été reconnue antérieurement et l’introjection très
archaïque de type dévorateur.
• L’angoisse dans l’organisation limite : l’angoisse particulière de l’organisation
limite est l’angoisse de dépression qui survient dès que le sujet imagine que son
objet anaclitique risque de lui échapper. C’est une angoisse de perte d’objet car
sans l’objet, le sujet peut sombrer dans la dépression. Elle se différencie de l’an-
goisse de morcellement de la structure psychotique et de l’angoisse de castration
de la structure névrotique. Bergeret critique le fait que la dépression qui guette
l’organisation limite soit décrite sous le vocable de « dépression névrotique »
alors que l’économie n’est pas organisée sous le primat du génital, ni à l’ombre
de la triangulation œdipienne.

La manie : une autre réaction contre la perte d’objet


Pour Freud, la manie n’a pas d’autre contenu que la mélancolie. Dans la mélan-
colie, le Moi succombe alors que dans la manie, le Moi maîtrise.
La manie est comparable à tous les états de jubilation, de joie succédant à un
événement important et libérateur mais s’en différencie sur un point :
Dans la manie « reste caché pour le Moi ce qu’il a surmonté et ce dont il
triomphe ».
Pour Freud, la manie représente une lutte triomphante sur la mélancolie. Le
maniaque, par une fuite en avant, cherche de nouveaux objets, qu’il est incapable
d’investir. Cette fuite en avant correspond à un déni de la perte d’objet et à une inca-
pacité de maintenir la présence fantasmatique de l’objet perdu. Il est comme libéré
de l’objet qui l’a fait souffrir.
« Le maniaque nous montre en partant comme un affamé en quête de nouveaux
investissements d’objet, qu’il est libéré de l’objet qui l’a fait souffrir. »
En 1921, Freud dans Psychologie collective et analyse du Moi conçoit la manie
comme une réconciliation entre le Moi et l’Idéal du Moi. L’Idéal du Moi est l’ins-
tance critique qui a la triple fonction « d’auto-observation, de conscience morale et
d’exercice de l’influence essentielle lors du refoulement ». Le triomphe maniaque
résulte de cette réconciliation de l’Idéal du Moi avec le Moi, véritable « fête magni-
fique ».
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 220

220 • Repères en psychopathologie

– En 1924, Abraham lie la manie et l’avidité orale. Dans la manie, le Moi se


libère de cet objet abandonné qui était tombé sur le Moi. L’avidité orale du
maniaque vis-à-vis des objets est ainsi représentée comme une conséquence de cette
libération.
« L’ombre de l’objet qui était tombée sur le Moi s’en est retirée, le sujet respire
et se livre à une véritable orgie de liberté. »
– Selon M. Klein, les défenses maniaques sont élaborées à partir de la position
dépressive qui n’est jamais abandonnée. Contre la position dépressive s’élaborent
deux types de défense : la réparation et la défense maniaque. La défense maniaque
joue un rôle positif dans le développement et n’est donc pas pathologique. Elle
protège le Moi du désespoir.
Les mécanismes de défense maniaque les plus utilisés sont le clivage (de l’ob-
jet et du Moi) et la négation. Ils sont de même type que ceux de la position
schizo-paranoaide mais particulièrement dirigés contre les sentiments d’angoisse
dépressive et de culpabilité. Ces mécanismes instaurent un mode de relation aux
objets, caractérisé par trois sentiments : le contrôle, le triomphe, le mépris.
M. Klein pense que le sujet maniaco-dépressif n’a jamais pu, dans la prime
enfance, établir le lien affectif avec d’assez bons objets internes conduisant à la
sécurité intérieure. La mort ou la disparition d’une personne aimée vient confirmer
les craintes du sujet en lui montrant que ses pulsions agressives et son désir de mort
ont triomphé. La position maniaque survient comme une « nouvelle défense » dont
le mode est la « négation ». Devant son échec, le sujet prend inconsciemment le parti
de nier le danger, nier qu’il puisse endommager son objet et que l’objet puisse le
détruire à son tour. La conception kleinienne de la défense maniaque où prédomi-
nent les mécanismes de clivage et de négation permet de comprendre la fréquence
des signes dépressifs et des éléments délirants dans la manie.
– Winnicott (1935) s’est intéressé à la défense maniaque et a opposé la « réalité
intérieure » à la « réalité extérieure ». Il postule l’existence d’un intérieur et d’un
extérieur, et par conséquent, d’une membrane frontière appartenant à ce qu’il
appelle le « psyche-soma ». Winnicott considère que la défense maniaque se mani-
feste par le « déni de la réalité intérieure », la « fuite de la réalité intérieure vers la
réalité extérieure », le maintien des personnes de la réalité intérieure en état « d’ani-
mation suspendue », le « déni des sensations de dépression par des sensations
contraires » et l’« emploi de presque n’importe quel contraire pour se rassurer vis-
à-vis de la mort ».
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Les troubles de l’humeur • 221

La manie dans l’approche structurale de la personnalité


J. Bergeret distingue les aspects maniaques défensifs authentiquement psycho-
tiques et les « mouvements plus modérés et plus superficiellement réactionnels »
(défense hypomaniaque) relevant de l’organisation limite.
J. Bergeret (1974) décrit le « caractère hypomaniaque » qu’il intègre parmi les
caractères narcissiques. Il correspond à une « réaction contre la tendance dépres-
sive. C’est une fuite en avant dans le domaine de l’activité. »
La défense maniaque réussit de manière constante chez certains sujets alors que
chez d’autres, le mouvement dépressif latent réapparaît : ce type de « caractère
maniaco-dépressif » de structuration non psychotique témoigne d’une organisation
narcissique profonde.
« Le mouvement dépressif latent réapparaît à certains moments, créant ainsi un
caractère maniaque dépressif de statut structurel non psychotique… témoignant
d’une organisation narcissique profonde, sans jamais passer à un registre morbide. »

Les traitements thérapeutiques


– Widlöcher (1983) note que les indications d’une cure psychanalytique demeu-
rent limitées dans le domaine des dépressions puisqu’elles sont écartées lors de
l’accès mélancolique. Par contre, la psychanalyse s’applique davantage à des
formes discrètes de dépression et particulièrement pour les dépressions « névro-
tiques ».
– Les psychothérapies brèves d’inspiration psychanalytique se rattachent sans
ambiguïté à la psychanalyse, en ce sens qu’elles sont centrées sur l’interprétation de
la relation transférentielle. Elles comportent deux particularités : la définition
préalable d’une durée déterminée et la délimitation d’un objectif limité. La durée
est définie au début du traitement par accord entre le patient et le thérapeute et fixée
le plus souvent en temps (trois mois à un an), plus rarement en nombre de séances
(de dix à cinquante séances). Cette limitation dans le temps amène une modifica-
tion du cadre analytique. Selon Gilliéron (1997), les psychothérapies brèves se
distinguent de la psychanalyse par une limitation temporelle établie d’emblée et par
le « face à face » qui remplace le « divan-fauteuil » psychanalytique. Ces thérapies
aident le travail de focalisation sur la dynamique conflictuelle sans encourager la
régression. Elle installe paradoxalement le sujet dans une problématique de deuil à
l’égard du thérapeute qui peut ainsi analyser dans le transfert les différents mouve-
ments qui lui sont rattachés. Cette approche thérapeutique s’adresse à des sujets
dont l’affaiblissement cognitif ou la rigidité structurelle ne sont pas trop marqués.
Les interventions psychothérapiques brèves sont efficaces dans les dépressions
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 222

222 • Repères en psychopathologie

réactionnelles et les dépressions névrotiques et obtiennent des résultats satisfaisants


quant à leur ampleur et leur persistance. Gilliéron précise que ces thérapies ne sont
pas indiquées pour les dépressions dites « majeures » selon le DSM.

V. APPROCHE ATHÉORIQUE

La nosographie américaine a intégré les états dépressifs dans les Troubles affec-
tifs dans le DSM III (1980) puis, dans les Troubles de l’humeur dans la version
DSM III R (1987). Le statut de l’humeur dépressive se trouve réactualisé dans la
nosographie américaine contemporaine.
Le DSM IV différencie parmi les Troubles dépressifs le Trouble dépressif
majeur – épisode isolé –, le Trouble dépressif majeur récurrent, le Trouble dysthy-
mique et le Trouble dépressif non spécifié.

L’Épisode dépressif majeur


Les Épisodes dépressifs « majeurs » désignent des états dépressifs « caractéri-
sés ».
Le diagnostic d’Épisode dépressif majeur est porté chez un sujet qui souffre
pendant deux semaines de cinq symptômes au moins parmi les suivants :
– une humeur dépressive presque toute la journée et tous les jours ;
– une perte de l’intérêt ou du plaisir pour les activités ;
– un changement de poids significatif en l’absence de régime ou un changement
de l’appétit ;
– une insomnie ou une hypersomnie presque tous les jours ;
– de l’agitation ou un ralentissement psychomoteur presque tous les jours ;
– la fatigue ou la perte d’énergie presque tous les jours ;
– un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée
presque tous les jours ;
– des difficultés pour penser, se concentrer, se décider presque tous les jours ;
– des idées de mort ou des idées suicidaires récurrentes.
Les symptômes ne répondent pas aux critères de l’Épisode mixte (critère B) ; ils
produisent une souffrance ou une altération du fonctionnement social, profession-
nel ou autre (critère C) ; ils ne sont pas liés à une affection médicale ou à
l’absorption d’une substance toxique (critère D) ; ils ne sont pas expliqués par un
deuil (critère E). (D’après DSM IV, Masson).
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Les troubles de l’humeur • 223

– Le Trouble dépressif majeur exige la présence d’un Épisode dépressif majeur


(critère A), l’absence de Trouble schizo-affectif, schizophrénique, schizopréni-
forme, délirant ou Trouble psychotique non spécifié (critère B) et l’absence
d’Épisode hypomaniaque, maniaque ou mixte (critère C).
– Le Trouble dysthymique ou dysthymie a été introduit en 1980 dans le DSM III
pour désigner l’ensemble des troubles dépressifs d’intensité faible et d’une durée
d’évolution supérieure ou égale à deux ans. Il correspond à une forme mineure
d’état dépressif, moins intense que l’état dépressif majeur et d’une durée supérieure
à deux ans. Le début doit être spécifié comme ayant été précoce (trouble survenu
avant 21 ans) ou tardif (trouble survenu à 21 ans ou plus).
– Le Trouble dépressif non spécifié décrit les troubles qui ne remplissent pas les
critères d’un Trouble dépressif majeur, d’un Trouble dysthymique tels que le
Trouble dysphorique prémenstrue ou du Trouble dépressif dû à une affection médi-
cale ou à une substance, etc.

LES TROUBLES BIPOLAIRES DANS LE DSM IV

Parmi les Troubles bipolaires, le manuel diagnostique des maladies mentales


(DSM IV) différencie le Trouble bipolaire I, le Trouble bipolaire II, le Trouble
cyclothymique et le Trouble bipolaire non spécifié.
– Le Trouble bipolaire I est décliné dans le DSM IV selon l’épisode le plus
récent qui peut être : maniaque isolé, hypomaniaque, maniaque, mixte, dépressif,
non spécifié.
Le Trouble bipolaire I, Épisode le plus récent dépressif comporte un épisode
dépressif majeur (critère A), un antécédent d’épisode maniaque ou mixte (critère
B). Ces épisodes thymiques ne sont pas liés à une schizophrénie, à un Trouble
schizo-affectif ou un autre Trouble psychotique (critère C).
– Le Trouble cyclothymique est porté chez un sujet qui alterne hypomanie et
symptômes dépressifs qui ne répondent pas aux critères d’un Épisode dépressif
majeur, pendant au moins 2 ans.

LA MANIE DANS LE DSM IV

Le DSM propose les critères suivants pour le diagnostic d’un Épisode hypoma-
niaque :
1. Une durée minimale de l’épisode de 4 jours.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 224

224 • Repères en psychopathologie

2. La présence de 3 symptômes (4 si l’humeur est seulement irritable) :


– augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur,
– réduction du besoin de sommeil,
– besoin de parler permanent,
– fuite des idées,
– distractibilité,
– agitation psychomotrice, augmentation de l’activité,
– engagement dans des activités agréables à risques (achats inconsidérés,
conduites sexuelles, etc.).
3. Le fonctionnement du sujet diffère de celui hors épisode hypomaniaque.
4. La perturbation de l’humeur et du fonctionnement sont manifestes pour
autrui.
5. La modification du fonctionnement professionnel, social, n’est pas assez
sévère pour justifier une hospitalisation.
6. Les symptômes ne sont pas dus aux effets d’une substance ou à une affection
médicale. (D’après DSM IV, Masson)

L’Épisode maniaque
Le diagnostic d’Épisode maniaque requiert les critères suivants :
1. Une humeur anormale pendant une semaine.
2. Trois symptômes d’intensité suffisante présents (4 si l’humeur est seulement
irritable) parmi la liste des 7 cités dans l’Épisode hypomaniaque.
3. Les symptômes ne répondent pas aux critères de l’Épisode mixte.
4. Le fonctionnement professionnel ou social perturbé pouvant nécessiter une
hospitalisation.
5. Les symptômes ne sont pas dus aux effets d’une substance ou à une affection
médicale. (D’après DSM IV, Masson)
– Le Trouble bipolaire I, Épisode le plus récent maniaque comporte un Épisode
maniaque actuel (critère A), au moins un antécédent d’Épisode dépressif majeur ou
mixte (critère B), l’absence de schizophrénie, de Trouble schizo-affectif ou d’autre
Trouble psychotique (critère C).
Le DSM IV décrit l’Épisode mixte et le Trouble bipolaire I, Épisode le plus
récent mixte qui répondent à la fois aux critères d’Épisode dépressif majeur (mis à
part le critère de durée de deux semaines) et d’accès maniaque.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 225

Les troubles de l’humeur • 225

– Le Trouble bipolaire II décrit des épisodes dépressifs majeurs récurrents avec


des épisodes hypomaniaques.

VI. APPROCHES COMPORTEMENTALES ET COGNITIVES DE LA DÉPRESSION

Les modèles comportementaux de la dépression analysent les mécanismes


dépressifs dans une perspective béhavioriste qui conçoit la dépression comme un
comportement inadapté résultant d’un apprentissage et pouvant donc être modifié
comme tout autre comportement.
– Le modèle de Lewinhson (1969, 1971, 1974, 1980) repose sur les paradigmes
du conditionnement opérant et de l’apprentissage social et met l’accent sur la dimi-
nution des renforcements positifs dans le développement et le maintien de la
dépression. La diminution des renforcements positifs dépend de facteurs externes
(l’environnement est objectivement appauvri : perte d’objet, situations de sépara-
tion) et de facteurs internes (le répertoire comportemental du sujet est restreint ce
qui ne lui permet plus d’accéder à des renforcements potentiels : incompétence
sociale). Lewinhson fait l’hypothèse que l’humeur est corrélée au nombre d’activi-
tés plaisantes dans lesquelles le sujet s’engage et que la quantité de plaisir ressentie
est liée au taux de renforcements reçus. Lewinhson a construit une Échelle des
Événements Plaisants ou Pleasant Events Schedule (Lewinhson Mc Phyllamy,
1971) et a développé une thérapie visant une restauration des renforcements posi-
tifs en augmentant le niveau, la qualité et l’étendue des activités et des rencontres
du sujet.
– Le modèle de Seligman de l’impuissance apprise.
Les travaux de Seligman (1975) ont montré que l’organisme apprend les contin-
gences existant entre des réponses instrumentales et les conséquences de ces
réponses. Quand le renforcement est identique en présence ou en l’absence de
réponses, l’organisme réalisant que réponse et renforcements sont indépendants
conclut qu’il n’y a pas de contrôle sur les conséquences. D’où la passivité (déficit
motivationnel), le pessimisme (trouble cognitif), l’atteinte thymique (changement
émotionnel). La passivité est le signe principal de l’impuissance à l’action.
Seligman a montré qu’il est possible de développer chez le chien un comportement
proche de celui du sujet déprimé. Un chien apprend la passivité s’il est mis dans
l’incapacité d’éviter l’apparition d’une stimulation désagréable et perd la capacité
d’apprendre et se résigne s’il est dans l’impossibilité répétée de contrôler les situa-
tions défavorables.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 226

226 • Repères en psychopathologie

En 1978, Seligman reformule sa théorie en intégrant la théorie de l’attribution.


(Abramson, 1978). Dans une situation donnée, le sujet attribue l’évolution soit à
une cause externe soit à une cause interne. L’impuissance apprise enrichie des
études sur l’attribution devient une conception plus cognitiviste que comportemen-
tale.
Hiroto (1974) a expérimentalement inculqué à des étudiants l’impuissance à
l’action.
– Dans un premier temps, les étudiants volontaires sont répartis en 3 groupes :
• dans un premier groupe, les sujets peuvent stopper un bruit en appuyant sur
un bouton : le bruit est contrôlable ;
• dans un second groupe, le bruit s’arrête indépendamment de la réponse des
sujets : le bruit est incontrôlable ;
• dans un troisième groupe, les sujets ne reçoivent aucun bruit.
– Dans un second temps, tous les sujets entendent un bruit qui s’arrête sous leur
contrôle. Les sujets du groupe ayant reçu le bruit incontrôlable écoutent passi-
vement le bruit dans la seconde expérience sans essayer de l’arrêter.
Hiroto distingue les « sujets dépendants » qui attribuent les renforcements à
la chance et les « sujets indépendants » qui pensent que leurs actions contrôlent
les renforcements.
– Rehm (1977) développe une théorie de l’autocontrôle dans la dépression et
considère que les capacités d’autocontrôle chez les sujets déprimés sont perturbées.
Chez les sujets déprimés, l’auto-évaluation de soi-même est privilégiée et les auto-
évaluations sont négatives ; l’auto-observation prend en compte les résultats
immédiats et non les résultats à long terme ; l’autopunition est élevée et l’auto-
renforcement est faible (les renforcements sont diminués du fait de la disparition
des activités agréables). L’agent causal de la dépression serait un déficit cognitif au
niveau des attentes de résultats et au niveau d’une baisse d’estime de soi. Rehm
construit un programme thérapeutique destiné à favoriser l’auto-observation,
l’auto-évaluation et les auto-renforcements positifs.
– Dans les années 1960, Ellis développe la « Thérapie Rationnelle Émotive » et
Beck introduit le paradigme du traitement de l’information et propose la thérapie
cognitive de la dépression. La dépression est conçue comme un désordre de la
pensée et résultant d’une perturbation des processus cognitifs. La perturbation
émotionnelle résulte de la distorsion de la pensée et les symptômes dépressifs de
l’activation de schémas cognitifs psychologiques internes. Dans cette approche
cognitive, l’accent est mis sur le contenu idéationnel. L’approche cognitive du trou-
ble dépressif opère à 3 niveaux : les schémas dépressogènes, les erreurs logiques de
pensée et les pensées négatives automatiques.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 227

Les troubles de l’humeur • 227

– Les pensées négatives automatiques : les cognitions s’organisent en mono-


logues intérieurs dont les thèmes sont défaitistes chez le déprimé. Ces contenus
de pensée expriment une tonalité négative dans trois dimensions : soi-même, le
monde environnant et le futur : c’est la triade cognitive négative.
– Les erreurs logiques de pensée : le sujet déprimé traite de manière défor-
mée les informations provenant de l’extérieur. Beck distingue six types d’erreurs
de raisonnement. Beck considère que les altérations des processus cognitifs sont
communes à toute la psychopathologie et que les altérations des contenus de
pensée sont caractéristiques de chaque forme sémiologique. Ainsi, chez le
déprimé, le processus de personnalisation et celui de la surgénéralisation
seraient les plus marqués.
– Les schémas dépressogènes : les schémas sont « des règles générales,
inflexibles et tacites ; des croyances ou des postulats silencieux ». Le schéma du
déprimé s’est construit au décours des expériences dans l’enfance par appren-
tissage expérientiel. Il reste latent pendant de longues années et se trouve activé
par des situations spécifiques de perte d’objet, ou par des situations ambiguës.
Les schémas mis en évidence chez les patients déprimés sont des injonctions
comme celles-ci :
« pour être heureux, je dois réussir tout ce que je fais,
« je ne dois jamais décevoir quelqu’un,
« je dois être apprécié et être aimé de tous ».
De tels schémas tyranniques constituent une vulnérabilité psychologique à la
dépression.
– Beck et Weissman (1978) proposent l’Échelle des Attitudes
Dysfonctionnelles (Dysfunctional Attitude Scale in Cottraux, 1985) qui regroupe
sept classes de schémas dépressogènes : l’approbation – l’amour – la réussite –
le perfectionnisme – l’exigence – l’omnipotence – l’autonomie.
– Young (1990) a regroupé les schémas en 4 classes :
• autonomie-dépendance : une personne ne peut fonctionner seule ;
• ne pas pouvoir donner l’affection ou l’attention adéquate ;
• sentiment de déficience : le sujet pense ne pas pouvoir être aimé des autres ;
• exigences vis-à-vis de ses propres comportements ce qui entraîne l’insatis-
faction et le sentiment de ne pas être parfait.
Le thérapeute d’orientation cognitive aborde les trois niveaux psychologiques :
les cognitions, les processus cognitifs et les schémas à l’aide de techniques compor-
tementales et cognitives adaptées au sujet.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 228

228 • Repères en psychopathologie

– Les trois niveaux psychologiques peuvent être évalués par des question-
naires ou des échelles qui sont proposées à plusieurs reprises. Les résultats sont
donnés et discutés en cours de séance.
– En 1987, Beck intègre les cognitions dans une liste : Cognitive Check List
ou Liste des cognitions. Les cognitions liées à des affects dépressifs sont diffé-
renciées des cognitions liées à des états anxieux.
– Le Questionnaire des Pensées Automatiques (ATQ, Hollon & Kendall,
1980 ; Bouvard et coll., 1992) permet d’évaluer les pensées automatiques.
– Le Questionnaire des erreurs cognitives ou Cognitive Error Questionnary
(Lefebvre, 1980) évalue quatre de ses erreurs cognitives : la surgénéralisation, la
personnalisation, la maximalisation, l’abstraction sélective.
La thérapie cognitive repose sur un style thérapeutique collaboratif, sur une
démarche socratique qui opère par questionnement. Le but de la thérapie est d’iden-
tifier les schémas cognitifs qui entraînent par leur inflexibilité une vulnérabilité
dépressogène. La mise à distance du schéma avec le réaménagement psychologique
opéré nécessite une année environ. Aujourd’hui, les indications des thérapies cogni-
tives se sont élargies : elles concernent les dépressions résistantes et s’appliquent
aussi aux troubles dysthymiques et aux États dépressifs majeurs. La dépression de
la personne âgée semble une très bonne indication de la thérapie cognitive
(Cappeliez, 1986). L’intensité de l’état dépressif motive une prise en charge mixte
qui associe un traitement antidépresseur et une thérapie cognitive.
La thérapie cognitive de la dépression diminue le taux de rechutes dépressives,
s’applique à des dépressions résistantes et potentialise l’effet des antidépresseurs.

Nouveaux modèles cognitifs et nouvelle thérapie cognitive


Guidano et Liotti (1980) ont développé la thérapie cognitive développementale.
Le travail psychologique porte sur les souvenirs d’enfance, sources du schéma
émotionnel. Le discours intérieur du patient dépressif est mis en relation avec son
passé par l’intermédiaire de schémas émotionnels. La thérapie permet de mettre en
évidence les étapes qui ont façonné l’organisation cognitive du sujet et d’explorer
comment l’organisation d’un schéma détermine l’appréhension des événements. La
thérapie se prolonge sur deux ans.
Safran et Segal (1990) défendent le postulat selon lequel le schéma pathogène
est un schéma émotionnel construit précocement dans l’enfance. Ils proposent un
élargissement du modèle de Beck et introduisent l’utilisation plus large de média-
teurs émotionnels véhiculés par le langage verbal et non verbal dans la relation
thérapeutique.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 229

Les troubles de l’humeur • 229

VII. ILLUSTRATION : AURELIA DE GÉRARD DE NERVAL

Aurélia est une œuvre biographique où Gérard de Nerval décrit magistralement


la symptomatologie maniaco-dépressive. Ainsi, Nerval décrit un épisode d’humeur
euphorique :
« Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées, il me semblait tout savoir,
tout comprendre, l’imagination m’apportait des délices infinies. »
Nerval décrit la douleur et ses difficultés à travailler dont il souffre à certains
moments :
« Il est le passant aux allures somnambuliques, effleurant le sol d’une marche
allée et suspendue, le regard perdu dans les mirages de ses délires ».
« Le dimanche suivant, je me levai en proie à une douleur morne. »
Nerval décrit son désespoir, sa tristesse :
« J’errais en proie au désespoir dans les terrains vagues. »
« L’esprit désolé, qui vivifiait mon corps, affaibli, dédaigné, méconnu d’elle, se
voyait à jamais destiné au désespoir ou au néant. »
Nerval décrit son pessimisme, sa tendance à l’auto-accusation quand il se repro-
che sa manière d’agir vis-à-vis d’Aurélia :
« J’étais maudit peut-être pour avoir voulu percer un mystère redoutable en offen-
sant la loi divine. »
« Non, me dis-je, je ne suis pas digne de m’agenouiller sur la tombe d’une chré-
tienne ; n’ajoutons pas une profanation à tant d’autres !»
Les thèmes mystiques sont très présents et mentionnent l’apocalypse de saint
Jean, la nuit éternelle, l’invocation du Christ. Ils allient sentiment de culpabilité, de
condamnation, de négation du monde et même de persécution.
« Nous touchions à la fin du monde dans l’Apocalypse de saint Jean… Je pensai
que la terre était sortie de son orbite et qu’elle errait dans le firmament comme un
vaisseau démâté se rapprochant ou s’éloignant des étoiles qui grandissaient ou dimi-
nuaient tout à tour. »
La mort doit frapper Nerval qui interprète ainsi la perception d’un numéro de rue
reproduisant son âge :
« Je remarquai le numéro d’une maison éclairé par un réverbère. Ce nombre était
celui de mon âge. Aussitôt, en baissant les yeux, je vis devant moi une femme au teint
blême, aux yeux caves qui me semblait avoir les traits d’Aurélia. Je me dis “C’est sa
mort ou la mienne qui m’est annoncée ! Mais je ne sais pourquoi, j’en restai à la
dernière supposition et je me frappai de cette idée que ce devait être le lendemain à
la même”. »
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 230

230 • Repères en psychopathologie

Nerval présente des illusions visuelles :


« Il me semblait que mon ami déployait une force surhumaine pour me faire
changer de place ; il grandissait à mes yeux et prenant les traits d’une porte. »
Nerval décrit des hallucinations :
« En passant devant une maison, j’entendais un oiseau qui parlait selon quelques
mots qu’on lui avait appris mais dont le bavardage confus me parut avoir un sens… »
Nerval est en proie à des phénomènes de dédoublement :
« Une idée terrible me vint : l’homme est double, me dis-je. “Je sens deux
hommes en moi” a écrit un Père de l’Église. Le concours de deux âmes a déposé ce
genre mixte dans un corps qui lui-même offre à la vue deux portions similaires repro-
duites dans tous les organes de sa structure… En tout cas, l’autre m’est hostile… Qui
sait s’il n’y a pas telle circonstance ou tel âge où ces deux esprits se séparent ?
Attachés au même corps tous deux par une affinité matérielle, peut-être l’un est-il
promis à la gloire et au bonheur, l’autre à l’anéantissement ou à la souffrance éter-
nelle ? »
Dans son délire mégalomaniaque, Gérard de Nerval s’identifie à un Dieu et se
croit investi de pouvoirs.
« Je m’attribuai à moi-même une influence sur la marche de la lune et je crus que
cet astre avait reçu un coup de foudre du Tout-Puissant… Mon rôle me semblait de
rétablir l’harmonie universelle par l’art cabalistique et de chercher une solution en
évoquant les forces occultes des diverses religions. »
Ce sentiment de toute-puissance mène Gérard de Nerval jusqu’au rêve de l’im-
mortalité.
« Cette pensée me conduisit à celle qu’il y avait une vaste conspiration de tous les
êtres animés pour rétablir le monde dans son harmonie première et que les commu-
nications avaient lieu par le magnétisme des astres qu’une chaîne non interrompue
liait autour de la terre les intelligences dévouées à cette communication générale… »
Après l’échec de sa relation avec Jenny-Aurélia, il décrit ses idées suicidaires et
perçoit la mort comme la seule solution qu’il ne mérite pas :
« Il faut alors se résoudre à mourir ou à vivre : je dirai plus tard pourquoi je n’ai
pas choisi la mort, la mort ne m’eut pas réuni à elle… je me dis que je n’en étais pas
digne… »
Nerval compare ses épisodes dépressifs à une descente aux enfers :
«…je compare cette série d’épreuves que j’ai traversées à ce qui, pour les anciens
représentait l’idée d’une descente aux enfers ». Ainsi Gérard de Nerval conclut
Aurélia.
La première partie d’Aurélia parut le 1er janvier 1855 dans La Revue de Paris et
la seconde partie, le 15 février 1855. Gérard de Nerval avait été trouvé pendu le
26 janvier.
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Les troubles de l’humeur • 231

VIII. TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Question 1 / L’intensité de la dépression peut-elle être évaluée à l’aide de


1. La WAIS
2. L’échelle de Hamilton (HDRS)
3. L’échelle de Beck (BDI)
4. Le MMPI (Minnesota Multiphasic Personality Inventory)
5. Autre échelle
Justifiez votre ou vos réponse(s).

Question 2 / Indiquez en quoi de Delay et Widlöcher s’opposent sur la dépres-


sion.

Question 3 / Après l’accouchement, certaines femmes présentent un épisode


dépressif d’intensité et de formes différentes. Précisez-les.

Question 4 / Comment peut se traduire le ralentissement psychomoteur du


syndrome dépressif ?

Question 5 / Décrivez les caractéristiques de la dépression masquée.

Question 6 / Quelles propositions correspondent à une dépression névrotique et


lesquelles répondent à un épisode mélancolique ?
1. Dysphorie
2. Symptômes somatiques
3. Idées d’indignité
4. Stupeur

Question 7 / Quels sont les critères permettant de distinguer les formes cliniques
de la dépression ?
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 232

232 • Repères en psychopathologie

Question 8 /
M. Ragon (1993) relate dans sa thèse de médecine une observation clinique
concernant un jeune garçon Gabriel, âgé de 29 ans, qui consulte pour un « ras le
bol » lié à des difficultés professionnelles. Il vient de démissionner de son emploi
dans une administration où il travaillait depuis quelques années.
« Gabriel se présente BC-BG, intelligent, souriant, maniant l’ironie. Son
discours est facile, émaillé de références culturelles. Il apparaît comme un jeune
homme charmant plutôt que séducteur, de bonne compagnie. »
« Ce masque de bon ton laisse peu à peu apparaître celui de la douleur. »
« Quelques semaines plus tard, il exprimait la volonté de confier quelque chose
sans y parvenir (...) son sentiment de laideur monstrueuse, de visage pas fini (…)
visage qui rendait angoissant de se trouver dans un groupe, rendant insupportable
le regard des autres. »
« Visage qui l’avait conduit à une tentative de suicide grave. » Il avait hurlé à sa
mère au réveil du coma, « qu’il attendait qu’elle meure pour faire refaire son
visage, avec l’argent de l’assurance-vie ».
« Dans son discours, le visage est à l’origine de tous ses problèmes depuis le
lycée, depuis l’adolescence : la difficulté de s’intégrer dans des groupes, la diffi-
culté de séduire les filles (…) l’échec de deux histoires sentimentales… »
« Ce visage ne lui permet pas de montrer qui il est, son esprit, sa race, être un
X (nom du père). »
« Gabriel réclame mon aide pour changer de visage parce que s’il va voir un
chirurgien, il craint d’être pris pour un fou, sa mère disant, quand il aborde le sujet
de la chirurgie esthétique, qu’il est fou. »
« Surviennent parfois des idées mégalomaniaques de race aryenne qu’il pense
conformes aux idées de la famille paternelle. Son père s’est retrouvé dans la
Wehrmacht pendant la seconde guerre mondiale… »
« La situation intenable tant financièrement que relationnellement le conduit à
quitter sa compagne. »
« Assez vite la relation avec sa mère devient orageuse. Au cours d’une scène
Gabriel casse une statue de grande valeur que sa mère avait offert à sa propre mère
décédée. Sa mère réagit très violemment : “elle était comme folle, hurlait, courait !”
Il évoque la maladie cardiaque de sa mère qui lui dit qu’elle « mourra à cause de
lui. » Gabriel, à l’âge de un an, avait été placé en nourrice et avait vécu un désin-
vestissement maternel brutal.
Indiquez vos observations sémiologiques et le diagnostic proposé par l’auteur.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 233

Les troubles de l’humeur • 233

Question 9 / Parmi les éléments suivants, certains se rencontrent dans un tableau


clinique d’accès mélancolique et d’autres dans les états schizophréniques.
1. Stéréotypies motrices 4. Idées d’indignité
2. Ralentissement psychomoteur 5. Barrage
3. Perte de l’estime de soi 6. Autisme

Question 10 / Lors d’un accès maniaque, on peut relever


1. Une tachypsychie 4. Une aphasie
2. Une insomnie 5. Une logorrhée
3. Une fuite des idées 6. Un ralentissement idéïque

Question 11 / Certains thèmes délirants sont caractéristiques de l’accès mélan-


colique, d’autres de l’accès maniaque
1. Ruine 3. Auto-accusation
2. Mégalomanie 4. Indignité

Question 12 / Décrivez la forme stuporeuse de la mélancolie.

Question 13 / Jeanne, 35 ans, est accompagnée à la consultation de psychiatrie


par son mari car elle ne veut plus conduire et sortir de leur maison. L’expression
mimique de cette femme est douloureuse ; ses mouvements se déroulent selon le
rythme d’un ralenti cinématographique ;
Quand Jeanne parle, le ton est monocorde et le volume est très faible.
Le rythme d’élocution est ralenti ; les phrases sont brèves ; les propos sont énon-
cés après un temps de réflexion prolongée. Son discours est plaintif ; Jeanne se
trouve plus bonne à rien elle ne cesse de répéter : « je suis nulle ». Elle est incapa-
ble de faire face à ses obligations familiales. Le matin, elle n’a plus la force de
préparer le petit-déjeuner à ses deux enfants avant qu’ils ne partent à l’école. Elle
est épuisée. Tout la fatigue. Elle ne peut plus rien faire. Elle n’a plus envie de rien.
Rien ne l’intéresse. Elle ne travaille plus depuis six mois. Selon Jeanne, tout est
arrivé après le déménagement. Le couple vivait avec leurs deux enfants dans un
appartement trop exigu à Paris et ils ont acheté une maison dans la région de
Chelles. Le mari est très affecté par l’indifférence de sa femme vis-à-vis de ses
enfants et de lui :
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 234

234 • Repères en psychopathologie

« Elle ne me parle plus ; elle est hagarde ; je me demande ce que j’ai fait pour
mériter ça. »
Le mari rappelle, au cours de l’entretien, une précédente hospitalisation pour
dépression, après la naissance de leur second enfant. La réapparition des troubles
de sa femme l’inquiète, d’autant plus qu’il ne peut s’empêcher de comparer l’état
de sa femme et les dépressions de sa belle-mère.
Exposez les éléments sémiologiques qui orientent vos hypothèses diagnostiques
vers une forme clinique de dépression que vous préciserez et discuterez.

Question 14 /
Christine est âgée de 30 ans. Elle est accompagnée aux urgences par son mari
qui craque : sa femme ne dort plus depuis une semaine, elle le harcèle sexuellement
parce qu’elle a une mission sexuelle à accomplir. Elle est très agitée et euphorique.
Christine à l’entretien est très joviale. Quand elle raconte ses dépenses récentes
inconsidérées, elle rit. L’imagination est débordante, les propos sont fantastiques.
Les idées foisonnent, le rythme verbal est très accéléré. Les jeux de mots sont
accompagnés d’hilarité. Les hallucinations génitales sont décrites avec exubérance
dans des conduites érotiques impulsives. Elle exprime de nombreuses idées de gran-
deur.
Christine a déjà eu des idées de grandeur il y a huit ans et a déjà été hospitali-
sée pour une grave dépression.
Exposez vos observations sémiologiques et discutez vos hypothèses diagnostiques.

Question 15 /
Claudine., 64 ans, est amenée par sa fille en consultation après qu’elle eût fait
une tentative de suicide médicamenteuse grave. Cette patiente veut mettre fin à ses
souffrances, à ses tourments, à son supplice. Elle se juge « inutile ». Elle ne peut
plus s’alimenter car « son intestin est pourri ». Elle sent mauvais. Elle est dans un
état de pourriture. C’est la fin pour elle. Elle ne demande qu’une chose : « qu’on la
laisse tranquille ».
Tous les examens médicaux pratiqués sont normaux. Sa fille relate que sa mère
fut hospitalisée, il y a 10 ans, pour un état d’agitation qui avait eu des conséquen-
ces familiales graves à cause de dépenses exorbitantes engagées par sa mère.
L’année dernière, son médecin généraliste lui avait prescrit un traitement antidé-
presseur qu’elle a arrêté sans avis médical.
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Les troubles de l’humeur • 235

A. Cette patiente énonce


1. Des idées de négation d’organe
2. Une grande douleur morale
3. Des idées de dévalorisation
B. Vous relevez dans cette observation
1. Un syndrome d’automatisme mental
2. Des idées de négation
3. Un syndrome dissociatif
C. Votre hypothèse diagnostique s’oriente vers
1. Une névrose hystérique
2. Une névrose post-traumatique
3. Une psychose maniaco-dépressive bipolaire
4. Une dépression masquée
5. Schizophrénie dysthymique

Question 16 / Quel(s) trouble(s) décrit le DSM IV qui correspond(ent) à la


mélancolie de la PMD ?

Question 17 / Exposez une théorie comportementale de la dépression.

Question 18 / Le modèle cognitif de la dépression de Beck différencie plusieurs


distorsions cognitives dont certaines sont fréquentes dans les dépressions.
Lesquelles ?

Question 19 / Indiquez les expressions spécifiant la psychanalyse, la thérapie


d’inspiration psychanalytique (TIP) et la thérapie cognitivo-comportementale
(TCC)
Transfert – Association libre – Inconscient – Entretien socratique –
Apprentissage – Relation de collaboration – Identification des schémas
cognitifs – Modification des pensées automatiques
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ÉLÉMENTS DE RÉPONSES AUX TESTS DE CONNAISSANCE

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 1

Question 1 / La Métapsychologie recouvre les aspects théoriques de la psycha-


nalyse et prend en compte les points de vue dynamique, topique, économique,
génétique (cf. cours).
Question 2 / Topique : théorie qui suppose une différenciation de l’appareil
psychique en systèmes, instances ou lieux psychiques doués de caractéristiques et
de fonctions spécifiques et disposés d’une certaine manière les uns par rapport aux
autres.
On distingue deux topiques freudiennes : la première différenciant Inconscient,
Préconscient et Conscient ; la seconde différenciant le Ça, le Moi et le Surmoi.
Question 3 /
A. Inconscient – B. Préconscient – C. Conscient – D. Censure – E. Pare-excita-
tions – F. Principe de plaisir – G. Principe de réalité – H. Processus primaire –
I. Processus secondaire.
Question 4 /
– 1900 : Die Tramdeutung : L’interprétation des rêves
– 1905 : Trois essais sur la théorie de la sexualité infantile
– 1920 : Au-delà du principe de plaisir
– 1923 : Le Moi et le Ça
Question 5 /
– stade oral : de la naissance à un an – zone érogène buccale – plaisir autoérotique
– objets partiels
– stade anal : de un an à trois ans – zone anale – relation duelle avec les caractères
spécifiques suivants : le sadisme – le masochisme – l’ambivalence – le narcissisme
– stade phallique : de 3 ans à 5-6 ans – zone urétro-génitale – relation triangulaire –
complexe d’Œdipe – complexe de castration
– période de latence : de 6 ans aux premiers signes de la puberté – période de
« dormance », « entracte », investissements extra-familiaux
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 238

238 • Repères en psychopathologie

– stade pubertaire : de 11 ans à 15-16 ans – zone génitale – réactivation œdipienne


et choix de nouveaux objets libidinaux
Question 6 / En aval de la ligne de partage entre les deux sous-stades de la phase
anale se situent les névroses. En amont de cette ligne de partage se situent les
psychoses.
Question 7 / Jean Bergeret.
Question 8 / Structure névrotique – structure psychotique – organisation limite
(cf. cours).
Question 9 /
Relation d’objet Nature de l’angoisse
Structure psychotique fusionnelle morcellement
Organisation limite anaclitique perte d’objet
Structure névrotique génitale castration

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 2

Question 1 / Les mécanismes de défense désignent « différents types d’opéra-


tions dans lesquelles peut se spécifier la défense ». (Vocabulaire de la
psychanalyse).
Les mécanismes dominants diffèrent selon la pathologie. Les mécanismes de
défense sont utilisés par le Moi. Les mécanismes de défense du Moi sont à consi-
dérer sous leurs différents aspects : conflictuel, pathologique et adaptatif. Le recours
à des mécanismes de défense ne signifie pas que le fonctionnement est pathologique
C’est l’usage de mécanismes de défense inefficaces, trop rigides, mal adaptés aux
réalités internes ou externes, exclusivement d’un même type qui empêche la
souplesse, l’harmonie, l’adaptation.
Question 2 / Anny Duperey décrit le refoulement dont elle reconnaît le rôle
« d’anticorps à la douleur ». Le refoulement est défini dans ce chapitre, dans le
Vocabulaire de la psychanalyse, dans le livre de S. Ionescu (1997), etc.
Question 3 / Il s’agit ici du mécanisme de défense de l’isolation, mécanisme de
défense caractéristique de la névrose obsessionnelle qui consiste à isoler une pensée
ou un comportement de telle manière que leurs connexions avec d’autres pensées
ou d’autres comportements du sujet soient rompues. Voici quelques manifestations
du mécanisme de l’isolation : les pauses dans le cours de la pensée, des formules,
des rituels, l’interdiction de toucher, etc. L’auteur de cette observation est Sigmund
Freud. Il s’agit de L’homme aux rats, observation exposée dans Cinq Psychanalyses
dont nous conseillons la lecture.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 239

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 239

Question 4 / Anna Freud, 1946.


Question 5 / K. Abraham illustre le retournement de la pulsion d’hostilité en
amour. L’hostilité à l’égard de la mère est remplacée par des manifestations d’af-
fection (cf. cours).
Question 6 / Réponse dans le paragraphe Approche cognitivo-comportementale.
Les théories du conditionnement – répondant de Pavlov – opérant de Skinner, –
vicariant de Bandura – la « théorie des deux facteurs » de Mowrer.
Question 7 / Les trois structures de traitement de l’information dans l’approche
cognitive sont :
– les événements cognitifs composés de monologues intérieurs et d’images
mentales ;
– les processus cognitifs ou distorsions cognitives ;
– les schémas cognitifs : règles tyranniques, « postulats silencieux » différents
selon les pathologies.
Question 8 / Question de cours.
Question 9 / Le DSM IV décrit dans les Troubles anxieux plusieurs types de
phobies, le Trouble obsessionnel compulsif (TOC), le Trouble panique avec ou sans
Agoraphobie (cf. cours).
Question 10 / Une tendance à banaliser les pathologies névrotiques a accompa-
gné la mise à jour des fonctionnements limites. Certaines névroses ont été déplacées
vers des diagnostics de fonctionnements limites ou narcissiques et d’autres, dans le
cadre des variations de la normale. Certains névrosés vivent « au mieux de leurs
ressources internes » quand d’autres sont « dans l’incapacité de réaliser le moindre
désir et de mener une vie supportable » (Chabert, in Widlöcher, 1994).

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 3

Question 1 / Maladie – de l’utérus – surnaturelle – nerveuse – mentale.


Question 2 / Galien C. (v.131-v.201) – Sydenham T. (1624-1689) – Charcot
J.-M. (1825-1893) – Freud S. (1856-1939)
Question 3 / J.-M. Charcot défend une conception organogénétique –
H. Bernheim, J. Babinsky, P. Janet défendent une conception psychogénétique.
Question 4 / Cf. cours.
Question 5 / Cf. sémiologie.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 240

240 • Repères en psychopathologie

Question 6 / Cf. paragraphe sur P. Janet, auteur d’un ouvrage intitulé


L’automatisme psychologique (1889), notion à ne pas confondre avec l’automa-
tisme mental de G. de Clérambault (1922).
Question 7 / A. J. Breuer & S. Freud – B. J.-M. Charcot – C. J. Bergeret –
D. P.C. Racamier
Question 8 / Anna O. a nommé le traitement thérapeutique de chimney sweeping
et de talking cure (cf. cours).
Question 9 / La méthode cathartique permet au sujet d’évoquer voire de revivre
les événements traumatiques auxquels sont liés des affects « coincés » pathogènes
qui seront abréagis. La catharsis désigne une « purgation » (catharsis) des affects
pathogènes. La méthode cathartique appartient à la période 1880-1895.
Question 10 / Cf. cours sur les paralysies et les caractéristiques des symptômes
de conversion.
Question 11 / Astasie-abasie : incapacité de se tenir debout et de marcher.
Question 12 / Cf. paragraphe sur la sexualité dans la description du caractère
hystérique et différencier le féminin du sexe féminin (cf. approche psychanalytique
et revoir le point de vue génétique sur la différenciation des sexes dans le chapi-
tre 1).
Question 13 / Réponse 2
Question 14 / Réponse 3
Question 15 / Le refoulement : opération par laquelle le sujet cherche à repous-
ser ou à maintenir dans l’Inconscient des représentations (pensées, souvenirs,
images) liées à une pulsion lorsque la satisfaction de la pulsion – susceptible de
procurer du plaisir – risquerait de provoquer du déplaisir à l’égard d’autres exigen-
ces.
Question 16 / La conversion est une transposition d’un conflit psychique et une
tentative de résolution du conflit dans des symptômes somatiques, moteurs, sensi-
tifs. Les symptômes hystériques, dit Freud, ne sont rien d’autre que les « fantasmes
inconscients trouvant par conversion une forme figurée ».
Question 17 / Les symptômes de conversion expriment par le corps des repré-
sentations refoulées. La conversion est corrélative du détachement de la libido avec
la représentation dans le processus du refoulement. L’énergie libidinale est « trans-
posée dans le corporel ».
Question 18 / Réponses 1, 2, 3, 4
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 241

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 241

Question 19 / Réponses 3, 5. La sujétion n’a rien à voir avec la suggestion. La


suggestibilité au sens de capacité à répondre aux suggestions des sujets hystériques
est très controversée (cf. Eysenck et de Lempérière dans le texte).
Question 20 / Réponses 2, 3, 4
Question 21 / Réponses 2, 3, 4, 5
Question 22 / Réponses 1, 2, 3, 4 (cf. cours)
Question 23 /
a) Septième formule
b) Huitième formule
Question 24 / Selon le DSM IV, il s’agit d’un Trouble somatisation
1. Anne présente de nombreuses plaintes somatiques depuis 15 années qui sont
survenues avant 30 ans.
2. Elle souffre de :
– 4 symptômes douloureux touchant au moins 4 localisations : lombalgie (dos),
rétention urinaire, douleurs gynécologiques (opération de l’ovaire, de l’utérus),
douleurs respiratoires ;
– 2 symptômes gastro-intestinaux : ulcère d’estomac et colopathie (intestins) ;
– un symptôme sexuel à l’origine de la consultation de sexologie ;
– un symptôme pseudo-neurologique : nausées et vertiges.
3. Les symptômes n’ont pas d’explication somatique ou sont disproportionnés par
rapport à l’histoire de la maladie.
4. Ni intentionnalité ni simulation.
Question 25 / Ce jeune homme souffre d’Hypochondrie conformément aux
critères diagnostiques du DSM IV. On observe :
– une crainte d’être atteint d’un cancer, résultant d’une interprétation erronée de
ses douleurs ;
– la préoccupation résiste aux avis de différents spécialistes qui diagnostiquent
des troubles fonctionnels ;
– la croyance n’est pas délirante ;
– ses préoccupations hypocondriaques perturbent son activité professionnelle,
ses relations affectives et sexuelles
– ses symptômes durent depuis plus de 6 mois ;
– cette description ne mentionne pas d’autre trouble psychique.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 242

242 • Repères en psychopathologie

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 4

Question 1 / Oui : 1, 2, 4
Question 2 /
Freud : 1909, hystérie d’angoisse – Westphal : 1871, agoraphobie – Pitres & Régis :
1897, éreutophobie – Cullen : 1769, névrose – Janet : 1908, psychasthénie
Question 3 / Réponse 4
Question 4 / Réponses 1, 2
– La dysmorphophobie désigne la crainte d’une difformité corporelle. Au début
d’une schizophrénie, les dysmorphophobies sont plus une idée prévalante associée
à une certitude inébranlable qu’une véritable phobie et sont centrées sur le visage,
les seins, le nez, etc.
– La nosophobie ou phobies des maladies s’observent dans les tableaux cliniques
de névrose d’angoisse ou obsessionnelle, dans certains accès mélancoliques et
certains épisodes hypocondriaques délirants.
– L’éreutophobie désigne la peur de rougir et se rencontre chez les sujets souffrant
de phobies sociales. La peur de rougir recouvrant la crainte qu’une faute sexuelle
se lise sur le visage est proche d’idées délirantes de référence dans certaines schizo-
phrénies.
Question 5 /
– Phobies simples : peur des araignées, peur des hauteurs
– Phobies sociales : peur d’utiliser les toilettes, peur d’écrire devant autrui, peur de
parler en public
Question 6 /
A. Bandura : la théorie de l’apprentissage social reposant sur le conditionnement
vicariant ;
A.T. Beck : la théorie cognitive, les schémas cognitifs ;
I. P. Pavlov : la théorie de l’apprentissage répondant, le conditionnement classique ;
B.F. Skinner : la théorie de l’apprentissage instrumental, le conditionnement
opérant ;
J. Wolpe : les techniques de désensibilisation systématique reposant sur l’inhibition
réciproque.
Question 7 / G. Brassens chante la peur de l’orage ou phobie spécifique, Type
environnement selon le DSM IV.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 243

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 243

Question 8 / Agoraphobie
Question 9 / Éreutophobie
Question 10 / Oui : 3, 4
– L’érythrophobie est la phobie du rouge. La phobie d’impulsion est la crainte de
commettre un acte ridicule, scandaleux etc. La nosophobie est la phobie des
maladies. Un rituel est un geste compulsif (cf. cours).
Question 11 / Hans dans sa peur d’être mordu par un cheval exprime la crainte
de la castration par le père, le cheval étant un substitut paternel. Le déplacement
inconscient sur l’animal de l’image paternelle permet à Hans de séparer le père
castrateur du père bienveillant. Dans la névrose phobique du petit Hans, Freud
analyse l’échec du refoulement, la projection et le déplacement. Relisez l’analyse
du petit Hans dans l’approche psychanalytique de l’hystérie d’angoisse du petit
Hans.
Question 12 / Cette patiente souffre d’Attaques de panique. Ses Attaques de
panique sont imprévisibles, elles ne sont pas déclenchées par des situations socia-
les, elles ne sont pas dues à une affection médicale ou à une consommation de
substances toxiques quelconques. Quatre symptômes caractéristiques de l’Attaque
de panique sont donc décrits ici (cf. cours).
Question 13 /
A. Les craintes de Marie sont : une appréhension, une crainte de voir se répéter le
malaise, une crainte que le malaise se reproduise dans un endroit sans possibilité
d’être secourue ou de s’échapper facilement et une peur de mourir.
B. Marie souffre selon le DSM IV d’un Trouble panique avec Agoraphobie
Son trouble a commencé par une crise d’angoisse, appelée dans le DSM IV Attaque
de panique. Lire les critères du DSM IV de :
– l’Attaque de panique ;
– l’Agoraphobie. Pour qu’il y ait Agoraphobie, il faut les deux composantes
suivantes : une peur irrationnelle ou exagérée et une conduite d’évitement des
situations affrontées sans difficulté avant l’apparition de l’Agoraphobie ;
– le Trouble panique avec Agoraphobie.
C. Selon l’approche comportementale, l’agoraphobie est due à un conditionne-
ment.
Lors de l’attaque de panique initiale, Marie est l’objet d’un conditionnement. Marie
éprouve une sensation de malaise intense alors qu’elle est seule dans un lieu clos et
public. Il y a association entre un lieu et une sensation de malaise. Par un méca-
nisme de généralisation, elle éprouve cette même peur dans tous les lieux similaires,
puis, dans toutes les situations qui se rapprochent de la situation initiale.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 244

244 • Repères en psychopathologie

L’agoraphobie est interprétée à l’aide des théories du conditionnement classique de


Pavlov et de l’apprentissage opérant de Skinner. Marie quitte le magasin avec sa
mère. Le fait de sortir du magasin produit un soulagement de son malaise. Marie
apprend à cette occasion qu’en fuyant cette situation, elle obtient un soulagement
immédiat de ses symptômes, un mieux-être. Le souvenir de ce soulagement pousse
Marie à reproduire ce comportement d’évitement de plus en plus tôt dès qu’une
situation apparaît inquiétante.
D. L’agoraphobie de Marie est due à des attentes de catastrophes. Marie s’imagine
à l’avance en train de s’évanouir ; elle s’imagine incapable de faire face ; elle se voit
entourée de curieux. Ces représentations provoquent une anxiété d’anticipation
intense. L’agoraphobie regroupe des patients aux profils qui diffèrent selon 3
éléments : les attaques de panique, l’anxiété anticipatoire et l’évitement des situa-
tions qui sont regroupés dans l’approche intégrative par David Barlow. Selon cette
conception, Marie est la proie de conflits inconscients et la première attaque de
panique provoque une peur conditionnée, une attente de catastrophe et un évitement
conditionné.
E. Le traitement s’appelle la désensibilisation systématique qui a été proposée pour
la première fois dans le traitement des phobies par le psychiatre sud africain
J. Wolpe en 1953. Cette technique repose sur le principe de l’inhibition réciproque
(cf. cours).
F. Certains cliniciens objectent que le thérapeute comportementaliste se contente de
modifier les symptômes de Marie mais que sa personnalité et ses problèmes de fond
restent inchangés. Ces critiques sont souvent émises par des psychologues d’orien-
tation psychanalytique. D’un point de vue psychanalytique, les symptômes sont la
traduction de conflits inconscients. Un thérapeute qui modifie les symptômes sans
s’intéresser à leurs causes inconscientes ressemble à un médecin qui prescrit de
l’aspirine pour faire tomber la fièvre sans s’occuper de traiter l’infection. Or, le
Conscient et l’Inconscient s’influencent de manière réciproque. Si l’Inconscient
influence le comportement observable, le mécanisme inverse agit sans doute.
Apprendre à un sujet agoraphobe à maîtriser sa peur et à sortir librement lui permet
d’expérimenter un sentiment de maîtrise des situations et de faire des expériences
agréables qui améliorent l’image qu’il a de lui-même et son attitude face à autrui.
Ces changements ne modifient pas le seul comportement observable du sujet. Freud
(1919) avait remarqué que l’exposition volontaire à la situation anxiogène était
nécessaire à la guérison des phobies : « Les autres patients souffrant d’une agora-
phobie sévère se protègent de leur anxiété en renonçant à sortir seuls. Avec ces
derniers patients, on ne peut réussir que si on les incite à travers l’analyse à se
comporter comme des patients souffrant d’une forme d’agoraphobie plus légère,
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Éléments de réponses aux tests de connaissance • 245

c’est-à-dire seuls et à combattre leur anxiété lorsqu’ils sont en train de faire cette
tentative. »
Une autre critique fréquente des méthodes comportementales consiste à évoquer
que les symptômes se déplacent après le traitement comportemental des phobies.
« Chez l’homme, un conditionnement induira au mieux une répression d’une
angoisse manifeste (par exemple, les phobies sont le pain quotidien des praticiens
cognitivo-comportementalistes) vers le Préconscient, laissant de toute façon, l’an-
goisse inconsciente intacte : il y aura alors déplacement de symptômes. » (Jeanclaude,
2001).

Des équipes de recherches ont suivi des patients agoraphobes plusieurs années
après leur thérapie comportementale sans observer de symptômes de substitution.
Un patient agoraphobe débarrassé de ses symptômes phobiques par une thérapie
comportementale peut parfaitement entreprendre une psychothérapie analytique.

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 5

Question 1 / Réponses 1, 2, 3, 4, 6
Question 2 / Réponse 3
Question 3 / Réponses 1, 2, 4
Question 4 / Arithmomanie
Question 5 / Onomotomanie
Question 6 / Phobie
Question 7 / Une phobie d’impulsion
Question 8 / Les conduites phobiques concernent le fait :
– de se faire accompagner (réassurance) ;
– de porter sur soi des médicaments en permanence (objets contraphobiques) ;
– d’éviter la situation phobogène en ne conduisant plus, en ne sortant plus seul
(conduites évitement).
Question 9 /
– Le psychanalyste est S. Freud. Le patient est L’homme aux rats. L’observation est
exposée dans Cinq Psychanalyses.
Les mécanismes de défense analysés par Freud dans cet extrait et cette observation
sont l’isolation et le déplacement. L’isolation est manifeste dans le refus de rappro-
cher une situation où le sujet ne craint pas de salir les jeunes filles avec ses mains
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 246

246 • Repères en psychopathologie

alors qu’il craint de salir les billets. Le patient se met en colère en disant qu’il n’y
a aucun rapport entre les deux en disant : « je ne fais aucun mal à ces jeunes filles,
etc. ». La culpabilité sexuelle est directement en rapport avec sa culpabilité dépla-
cée sur les billets de banque, mais il ne fait pas le lien. Freud explique « le contraste
entre ses scrupules concernant les billets de banque et son manque de scrupules »
lorsqu’il abuse des jeunes filles par « un déplacement de l’affect du remords, c’est-
à-dire qu’en somme le sujet, dans la situation sexuelle isole cette situation, et son
remords, sa culpabilité, sa scrupulosité à ne pas faire de choses sales, se trouve
déplacer sur le billet de banque ».
Question 10 /
L’étayage est un terme introduit par Freud. Dans la théorie freudienne, les pulsions
sexuelles s’étayent sur les fonctions vitales qui leur fournissent une source, une
direction et un objet.
Le holding a été théorisé par Winnicott pour signifier la fonction de contenance de
la mère : la façon de tenir l’enfant dans ses bras est une métaphore pour dire la
nécessité pour cet enfant d’être « tenu en sécurité » à tous les niveaux.
Le « faux self », notion de Winnicott (1960) représentée par toute l’organisation que
constituent une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve.
La fonction du « faux self » est de dissimuler et de protéger le « vrai self ».
Question 11 / Selon la classification américaine (DSM IV), Marie souffre de
Trouble obsessionnel compulsif. Le thérapeute utilise certaines techniques compor-
tementales. L’exposition consiste à amener le sujet à se confronter progressivement
aux situations qui provoquent l’anxiété tout en l’empêchant d’accomplir les rituels
qu’il pratique habituellement. Le mécanisme d’habituation ne se produit jamais
dans la vie courante puisque la patiente fuit toujours la situation redoutée ou accom-
plit le rituel pour diminuer l’anxiété.

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 6

Question 1 / Grâce à la projection, la mère continue à être l’objet aimé ; la haine


se porte sur des objets non maternels. « Afin de liquider son conflit ambivalentiel,
elle projette à l’extérieur l’un des éléments de son ambivalence. » Le sentiment de
haine pour un personnage, substitut de la mère, crée un sentiment de culpabilité plus
supportable que celui produit par la haine pour la mère. Mais ce sentiment déplacé
reste générateur de souffrance. Ce déplacement ne suffit pas à liquider la situation
angoissante et le conflit moral. Le Moi de la fillette déclenche un autre mécanisme :
elle retourne contre soi la haine qui s’adressait à l’extérieur. Elle se torture, elle se
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 247

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 247

fait des reproches, elle éprouve des sentiments d’infériorité. La haine projetée à
l’extérieur se transforme en « conviction d’être elle-même haie, méconnue ou
persécutée par les personnes en question ». Les trois mécanismes mobilisés par le
Moi de cette jeune femme n’ont pas réussi à la débarrasser de son angoisse et de
son sentiment de culpabilité.
Question 2 / Dans cette observation, deux attitudes antagonistes coexistent et
sont étrangères l’une à l’autre. Il y a deux personnes en une mais les deux s’igno-
rent totalement. L’une passe à l’acte alors que l’autre tient compte de la réalité.
L’une opère une réalisation pulsionnelle brutale et l’autre vit comme Monsieur tout
le monde, comme un « homme ordinaire ». L’une « détache le Moi de la réalité »
tandis que l’autre présente un comportement adapté à la réalité. Cet homme se
présente aux autorités policières parce que ses victimes lui causent des cauchemars
comme si l’acte criminel était l’œuvre de quelqu’un d’autre [Balier décrit le clivage
du Moi].
Question 3 / Le mécanisme de défense illustré ici est le clivage de l’objet décrit
par M. Klein : la maman noire représente l’aspect mauvais, la partie mauvaise sépa-
rée de la partie « bonne » avec laquelle Gabrielle garde un contact bienveillant.
Gabrielle distingue sa vraie mère qui « sait » et l’horrible mère imaginaire.
Question 4 / «L’une des attitudes procède par déni par rapport à l’autre. »
Question 5 /
A. Jean Bergeret propose de différencier des mécanismes de défense de « mode »
névrotique et de « mode » psychotique. Conformément à l’approche structurale de
la personnalité défendue par cet auteur, deux structures de personnalité se distin-
guent : une structure névrotique et une structure psychotique. Certains sujets ont une
organisation psychique limite, qui n’a pas les caractéristiques de « stabilité » et de
« fixité » des deux structures psychiques précédentes (lire l’approche structurale de
la personnalité dans chapitre 1).
B. Chapitre 3
C. Chapitre 6
Question 6 /
A. M. Klein essaie d’illustrer quelques – uns des problèmes complexes que pose
l’identification projective. Fabien quitte son corps pour entrer dans celui d’une
autre personne ; il perd ses souvenirs et les traits de caractère qui appartenaient au
Fabien originel : J. Green décrit ici la partie clivée de Fabien. Lorsque le clivage se
produit, le Fabien abandonné doit garder une bonne partie de son Moi, des souve-
nirs et quelques aspects de sa personnalité. Cette partie endormie représente selon
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 248

248 • Repères en psychopathologie

M. Klein, la composante du Moi que les sujets ont le sentiment d’avoir gardé, alors
que les autres parties du Moi ont été projetées dans le monde extérieur et perdues.
Ce sentiment de ne pas savoir où se trouvent des parties de soi dispersées dans le
monde extérieur est la source d’une grande angoisse et d’une forte sensation d’in-
sécurité.
B. M. Klein interprète une scène où Fabien regarde le ciel au loin et en même temps
en lui-même. Il absorbe les étoiles et le ciel et en même temps il projette dans le ciel
ses objets d’amour intérieurs et les bonnes parties de lui-même. Elle interprète son
ardente contemplation des étoiles comme un effort pour reprendre ses « bons »
objets qu’il sent perdus ou lointains. Les deux processus d’introjection et de projec-
tion se produisent en même temps : on introjecte ses objets autant qu’on se projette
en eux.
M. Klein montre que les processus d’introjection et de projection répètent au cours
de la vie le modèle des premières introjections et projections : le monde extérieur
est sans cesse à nouveau absorbé et rejeté, ré-intériorisé et re-projeté.
Question 7 / Les troubles névrotiques sont des troubles graves, qui entraînent
parfois des atteintes importantes du fonctionnement psychique dont les effets se
traduisent par des handicaps parfois lourds dans différents domaines de la vie : intel-
lectuel, affectif, relationnel, sexuel et social. C. Chabert (1994) dénonce cette
« dérive très discutable en psychopathologie » qui consisterait à établir une hiérar-
chie allant des psychoses aux névroses en considérant les psychoses comme des
pathologies plus graves que les névroses. Cette conception lui paraît « peu convain-
cante voire dangereuse » car des variations existent dans chaque organisation
psychopathologique. Certains sujets psychotiques peuvent être « bien compensés
dans la vie » quand d’autres « s’enlisent dans l’aliénation ». Certains névrosés vivent
« au mieux de leurs ressources internes » quand d’autres sont « dans l’incapacité de
réaliser le moindre désir et de mener une vie supportable ».

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 7

Question 1 / Les psychoses délirantes chroniques comportent les psychoses


paranoïaques, les PHC et les paraphrénies.
Question 2 / Le mécanisme prévalent est :
– l’interprétation dans les délires d’interprétation,
– l’imagination dans les paraphrénies,
– l’hallucination dans les PHC,
– l’intuition domine au début des délires passionnels de jalousie et les délires éroto-
maniaques.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 249

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 249

Question 3 / Le délire de relation de Krestchmer ou « psychose sensitive » appa-


raît chez les personnalités sensitives et les délires paranoïaques surviennent chez
des sujets au caractère paranoïaque.
Question 4 / Cf. cours.
Question 5 / Cf. cours.
Question 6 / Réponse 1
Question 7 / L’imagination
Question 8 / Cf. cours.
Question 9 /
La création délirante s’agence dans un système élaboré comportant une falsifi-
cation des événements : la rupture sentimentale présentée comme étant le fait de sa
compagne s’avérera être le choix de Jean. Sa fiancée est accusée de l’avoir privé du
grand amour de sa vie alors que c’est Jean qui rompt la relation. Cette rupture lui
permet de scotomiser19 les ruptures précédentes avec sa famille et la douleur qui
accompagne ces séparations. L’accusation adressée à sa fiancée lui permet de taire
le drame et l’impossible séparation avec la mère qui rompt le rapport fusionnel à la
mère. Un tel aménagement permet à Jean de faire l’économie du prix de son
angoisse. La dénégation et la re-création d’une réalité nouvelle caractérisent la
psychose paranoïaque à laquelle il faut ajouter le mécanisme de projection : la fian-
cée de Jean et le personnel soignant sont désignés comme les persécuteurs. La
persécution va atteindre également le psychothérapeute d’abord adulé, puis persé-
cuteur, haï, vécu comme l’être à abattre, un homosexuel désirant avoir des relations
sexuelles avec lui. L’homosexualité mise en évidence par Freud chez les sujets
paranoïaques reste verbale chez Jean et illustre ce que Freud concevait comme le
retour à une « position narcissique centrale mais intenable ».
Question 10 /
Le cas de Mme B. entre dans le cadre des délires chroniques et se situe au carre-
four de la paranoïa interprétative, de l’érotomanie et de la psychose hallucinatoire
chronique.
– Mme B se montre paranoïaque dans sa manière d’être et les relations qu’elle
établit avec autrui : elle est sur la défensive, méfiante, susceptible ; ses propos énon-
cent une certaine fausseté du jugement et la pensée paraît paralogique. Ces
caractéristiques apparaissent avec force quand la production hallucinatoire s’apaise.

19. Scotomisation : exclusion inconsciente d’une réalité extérieure du champ de conscience.


Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 250

250 • Repères en psychopathologie

– Mme B se montre érotomane dans son « illusion délirante d’être aimée » bien
que son érotomanie ne respecte pas le postulat fondamental de De Clérambault
selon lequel « c’est l’objet qui a commencé et qui aime le plus ». (confirmation des
positions critiques à l’égard de la conception du délire érotomaniaque selon G. de
Clérambault, critiques exposées dans le cours).
– Enfin, la richesse et l’importance des hallucinations auditives et cénesthé-
siques, ainsi que l’existence d’un automatisme mental sont évocatrices d’une
psychose hallucinatoire chronique. Toutefois, le délire se cristallise autour de son
persécuteur aimé et rappelle l’érotomanie et la paranoïa.
Les observations sémiologiques orientent vers un diagnostic de PHC mais, selon
Papadakos (1993) le cas de Mme B. est une illustration des formes de passage entre
plusieurs entités nosologiques à cause de la systématisation du délire et la désigna-
tion d’un persécuteur par dépit d’amour. Un tel vécu de persécution constitue le
noyau central des délires chroniques, qu’il s’agisse des délires à mécanismes hallu-
cinatoire, interprétatif ou imaginatif. Les paraphrénies et les PHC comportent
beaucoup moins cette dimension persécutoire. Le cas de Mme B est instructif, car au
début de l’éclosion délirante, le tableau clinique est celui d’une PHC avec manifes-
tations hallucinatoires prédominantes, sans persécuteur désigné, ni délire construit
autour de son « amoureux ». C’est au bout de plusieurs mois, voire plusieurs années,
que le délire prend forme et se consolide autour du personnage désigné comme
persécuteur pour ne plus se modifier ensuite.
Question 11 / La communication des auteurs, Pons R., Ortega-Monasterio L., à
la Société médico-psychologique est intitulée Délires quérulents.
Question 12 / Question de cours.
Question 13 / Réponse 5. Trouble délirant dont les critères diagnostiques sont
précisés dans le cours.
Question 14 / Le DSM IV différencie les spécifications du type selon le thème
délirant prédominant : érotomaniaque, mégalomaniaque, jalousie, persécution,
somatique, mixte, non spécifié.
Question 15 /
A. «Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de Paranoïa, le
président Schreber. »
B. La contribution de Freud modifie la conception du délire et de la psychose expo-
sée dans l’approche psychanalytique des délires de jalousie.
C. Lire l’approche psychanalytique des délires de jalousie.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 251

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 251

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 8

Question 1 /
– Eugen Bleuler : 1911, ambivalence – autisme – schizophrénie
– Philippe Chaslin : 1912, discordance
– P. Janet parlait de dissociation dans l’hystérie
– Emil Kraepelin : démence précoce
– K. Kalhbaum : catatonie
– Hecker : hébéphrénie
Question 2 /
1. Syndrome de dissociation
2. Syndrome délirant
3. Trouble des conduites
Question 3 / Thèmes polymorphes (cf. cours et Les bases de la psychopatholo-
gie)
Question 4 / La forme paranoïde de la schizophrénie se caractérise par une
production délirante riche, aux thèmes polymorphes et aux mécanismes multiples,
de structure non systématisée, floue.
Question 5 / Mécanismes multiples (cf. cours et Les bases de la psychopatholo-
gie).
Question 6 / Oui aux 4 propositions
– la catalepsie est la conservation d’attitudes imposées ou spontanées, avec perte de
l’initiative motrice ;
– le négativisme psychomoteur : attitude de refus de tout contact, attitude de raideur,
de refus de main tendue, fermeture des paupières ;
– les stéréotypies motrices : tendance à répéter les mêmes mouvements ;
– les impulsions gestuelles : tendance irrésistible à l’accomplissement d’un acte.
Question 7 / Schizophrénie simple – hébéphrénique – catatonique – paranoïde –
héboïdophrénie – dysthymique – pseudo-névrotique.
Question 8 / La schizophrénie a une fréquence de 1/100 ; c’est donc une patho-
logie fréquente.
Question 9 / Réponse 2. Le signe du miroir désigne l’attitude du sujet qui se
regarde dans une glace. Ce signe traduit un vécu de transformation corporelle.
Question 10 / Cf. cours.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 252

252 • Repères en psychopathologie

Question 11 / Cf. cours.


Question 12 / La schizophrénie est une psychose chronique.
Question 13 / Réponse 2
Question 14 / Réponse : barrage
Question 15 / Réponse : l’« émoussement des affects »
Question 16 /
A. 1. Pauvreté du discours 2. Émoussement des affects 3. Ralentissement psycho-
moteur 4. Retrait social
B. 1. Discours incohérent 2. Inadéquation des affects 3. Stéréotypies motrices
Question 17 /
Extrait 1 : pauvreté du discours – réponses monosyllabiques.
Extrait 2 : pauvreté du contenu du discours.
Extrait 3 : tangentialité – réponses indirectes ou inappropriées.
Extrait 4 : déraillement – manque de lien approprié entre les phrases ou les idées –
incohérence – intelligibilité, absence de connexion appropriée entre les mots
Extrait 5 – illogisme – perte du but – échec à mener à sa conclusion naturelle un
enchaînement de pensées.
Extrait 6 : persévération – répétitions itératives de mots ou d’idées
Extrait 7 : discours autoréférentiel – le sujet ramène à lui le sujet de la discussion.
Question 18 /
A. A… pratique une masturbation compulsive plusieurs fois par jour, de manière
incontrôlée et incontrôlable dans des endroits inadéquats. Cette compulsion mastur-
batoire est associée à des idées, et des fantasmes spécifiques : animal égorgé, femme
égorgée, et particulièrement cochon égorgé.
Un élément important à repérer est l’étonnement du jeune homme lorsque son inter-
locuteur reste imperturbable au récit de son expérience compulsive paroxystique
déclenchée près des abattoirs par les cris d’animaux que le jeune homme fantasme
comme appartenant à la catégorie porcine. A… n’est pas conscient du caractère ridi-
cule ou absurde de son comportement compulsionnel.
Au niveau idéationel, A… est assiégé en permanence par la masturbation qui peut
être anticipée ou remémorée : A… est constamment hanté par le souvenir de sa
masturbation ou menacé par son imminence.
B. Dans le paragraphe 2, Buchowsi décrit des mécanismes de défense d’annulation
rétroactive et d’isolation.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 253

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 253

Dans le paragraphe 3, Bochowsi décrit le recours au mécanisme de défense de la


projection. Consultez les définitions de ces mécanismes de défense dans le chapitre
6.
C. Une partie du Moi de A… peut concevoir la femme comme objet sexuel et une
relation génitale avec cet objet et une autre partie du Moi est bloquée au stade oral-
sadique. C’est ce clivage du Moi qui oblige A… à limiter ses activités sexuelles
objectales à des fantasmes et à les accomplir avec des objets imaginaires.
D. Bychowski illustre à l’aide du cas clinique de A… le fait cliniquement établi que
des symptômes obsessionnels compulsifs peuvent recouvrir une psychose sous-
jacente et empêcher le développement d’une schizophrénie. Le caractère
auto-érotique du passage à l’acte compulsif, les mécanismes de défense psycho-
tique de régression, le clivage du Moi lie la signification de la symptomatologie
obsessionnelle compulsive à une psychose naissante. L’article de Bychowski s’in-
titule « Façade compulsive obsessionnelle dans la schizophrénie ». Nous
recommandons vivement la lecture du cas clinique dans la Revue française de
psychanalyse 4 parue en 1967 car l’extrait proposé ici n’aborde pas l’analyse
complexe de l’agressivité, des fixations et des régressions du développement libi-
dinal et l’importance des mécanismes oraux et anaux, etc.
Question 19 / Les propos d’Esthel au cours des entretiens et les notes de son
journal intime expriment les éléments sémiologiques caractéristiques d’une symp-
tomatologie dissociative, centrée autour du vécu de depersonnalisation, d’une
symptomatologie paranoïde et d’une symptomatologie dépressive.
Esthel exprime un vécu de dépersonnalisation quand elle dit que son corps est
un « puzzle de mille morceaux », son cerveau est un « puzzle de mille cases ». Cet
état dissociatif profond associe la déréalisation (le monde extérieur est étrange), la
dépersonnalisation (étrangeté de Soi), la décorporalisation (le corps est morcelé), la
désanimation (je n’existe pas).
Le syndrome paranoïde : Esthel évoque l’emprise dont elle est l’objet. Elle
entend des voix : ces hallucinations psychiques verbales font intrusion dans sa vie
psychique. Ces voix sont des représentants des fragments morcelés et projetés de la
personne même de Esthel conformément à la conception de Freud de la projection
de « morceaux du Moi » dans le vécu psychotique. Le sentiment d’emprise, d’ef-
fraction de la personne s’enrichit de phénomènes illusionnels et hallucinatoires :
elle voit grandir et rapetisser les gens autour d’elle.
L’angoisse est massive. L’ambivalence affective est extrême. « Je n’ai rien à
vous dire » suivi d’une demande d’aide « aidez-moi ».
Cet ensemble sémiologique doit être complété par un certain nombre d’autres
troubles :
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 254

254 • Repères en psychopathologie

– des variations thymiques, voyant alterner, de manière tout à fait paradoxale et


surprenante, des accès de fou rire et des phases de détresse douloureuse ;
– des désordres sexuels : masturbations très fréquentes ;
– des perturbations des conduites alimentaires : les accès boulimiques effrénés,
alternant avec des phases de restriction sous prétexte de régime amaigrissant ;
– des récits mythomaniaques ;
– des crises d’allure hystérique ; elle imite délibérément les crises d’une amie
épileptique ;
– des altérations thymiques : phases de bouderie puis d’agressivité, attitudes de
provocation ;
– des conduites auto-agressives masochistes : coupures, brûlures. Les émergen-
ces agressives sont violentes ;
– une tendance au collectionnisme : après le décès de son père, surviennent des
collections de mégots, de papiers, de boîtes, des fugues immotivées, des tentati-
ves de suicide ;
– une idéation suicidaire devient prévalante qui est, à la fois imposée par les
voix persécutrices imaginaires et désirée comme issue possible au chaos déli-
rant.
Cette observation illustre les différentes marques de la dissociation schizophré-
nique : la bizarrerie, la discordance, l’ambivalence affective, la perturbation de la
pensée, la faillite de l’identité psychologique et de l’intégrité physique, les pertur-
bations thymiques, les accès dysphoriques.
Question 20 /
L’approche psychanalytique de la psychose attribue une valeur fonctionnelle et
défensive au délire. D’un point de vue psychanalytique, le délire est considéré
comme une tentative par le sujet de restauration d’une communication interperson-
nelle. Le délire est un moyen d’échapper à la désintégration. Le sujet par le délire
crée une nouvelle réalité, une pseudo-réalité. L’élaboration délirante établit une
néo-réalité. Le délire est une autotentative de guérison.
Une autre fonction du délire est de lutter contre la régression à un mode
archaïque de fonctionnement de la personnalité et de faire échec aux pulsions
destructives, pour défendre l’impossible congruence du « Moi ».
Question 21 / Réponse dans l’approche athéorique.
Question 22 / Réponse dans les Types de schizophrénies dans le DSM IV : para-
noïde, désorganisé, catatonique, indifférencié, résiduel. La forme de schizophrénie
simple n’apparaît plus dans le DSM IV alors que cette forme de schizophrénie est
décrite dans la classification internationale (CIM 10) de l’organisation mondiale de
la santé (OMS).
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 255

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 255

CORRIGÉ DES EXERCICES DU CHAPITRE 9

Question 1 / Réponses 2, 3, 4
La WAIS ou Échelle d’Intelligence de Weschler pour Adultes est un test
évaluant un quotient intellectuel (Q.I.). La dépression peut être estimée à l’aide des
échelles de dépression de Beck, de Hamilton, l’Échelle de Ralentissement Dépressif
de D. Widlöcher ou l’Échelle d’Humeur Dépressive (EHD).
Question 2 / Widlöcher et ses collègues considèrent le ralentissement psycho-
moteur comme le noyau commun à toutes les formes cliniques de dépression
contrairement à J. Delay, auteur d’un ouvrage intitulé Les dérèglements de l’humeur
qui privilégie l’humeur.
Question 3 / Les syndromes dépressifs, après un accouchement, présentent trois
formes d’intensité croissante : le post-partum blues, la dépression majeure puerpé-
rale, la psychose puerpérale. Consultez la description de ces formes dans le
paragraphe consacré aux formes de la dépression selon le sexe.
Question 4 / Les manifestations du ralentissement psychomoteur sont décrites
dans le paragraphe intitulé le pattern comportemental de la dépression dans la
sémiologie de la dépression.
Question 5 / Question de cours.
Question 6 /
Névrotique : 1, 2
Mélancolique : 3, 4
Question 7 / Les formes cliniques de la dépression se déclinent selon l’intensité,
l’âge, le sexe, les formes symptomatiques (mélancolique, psychogène), les dépres-
sions consécutives à une affection somatique, les dépressions masquées, les
dépressions liées aux troubles psychiques.
Question 8 / La thèse de médecine de Ragon M. s’intitule Étude d’une dysmor-
phophobie dans un cas de mélancolie délirante. Il s’agit ici de l’observation
clinique de Gabriel qui souffre d’une dysmorphophobie délirante. L’auteur théorise
l’expérience spéculaire, la mélancolie, la thématique délirante de filiation et la
dysmorphophobie délirante. M. Ragon évoque la mélancolie en raison de la douleur
morale intense, du désespoir, de la mort comme épilogue, du vide interne (« je me
sens vide »), du négativisme (« avec ce visage je ne peux rien faire »), ses échecs
relationnels et son isolement, du négativisme poussé jusqu’au délire (« je n’ai pas
un visage fini »), rappelant le syndrome décrit par Cotard avec négation d’organes,
et, aussi ce « tout ou rien mégalomaniaque ».
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 256

256 • Repères en psychopathologie

Question 9 /
Accès mélancolique : 2, 3, 4
État schizophrénique : 1, 5, 6
Question 10 / Réponse oui : 1, 2, 3, 5
Question 11 / Les thèmes caractéristiques de la mélancolie sont les idées déli-
rantes de ruine, d’auto-accusation et d’indignité tandis que les thèmes
mégalomaniaques se rencontrent plutôt dans la manie.
Question 12 / Question de cours.
Question 13 / L’observation présentée ici est celle d’un état dépressif. Plusieurs
éléments cliniques font penser à la présence de manifestations d’une psychose
maniaco-dépressive :
– absence de signe de dissociation psychique ;
– le caractère périodique des épisodes dépressifs avec la présence de deux épiso-
des repérables ;
– l’existence d’antécédents familiaux est un argument de poids en faveur de
l’hypothèse diagnostique de PMD ; la mère de cette patiente semble avoir souf-
fert de plusieurs épisodes dépressifs ayant conduit à une hospitalisation.
Certains auteurs au regard des antécédents dépressifs maternels privilégieront la
thèse d’un élément héréditaire ; d’autres s’interrogeront sur la répercussion
d’une dépression de la mère sur la psychologie de son enfant.
Question 14 / Nous observons ici une triade sémiologique composée de l’exal-
tation euphorique de l’humeur, d’une excitation psychomotrice et d’idées
délirantes :
– le trouble de l’humeur se traduit par une humeur euphorique, des conduites
dépensières excessives ;
– le syndrome d’excitation psychomotrice se traduit :
• sur le plan moteur : comportement d’excitation,
• sur le plan psychique : accélération des processus idéiques, fuite des
idées, logorrhée, jeux de mots par assonances,
• des troubles instinctuels : l’insomnie totale ;
– les idées délirantes sont à thématique mégalomaniaque et à mécanismes
d’imagination et s’accompagnent de productions hallucinatoires (hallucinations
psychosensorielles génitales).
La production délirante où les hallucinations, l’imagination, les thèmes mégalo-
maniaques dominent peuvent suggérer l’hypothèse de psychose fantastique ou
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 257

Éléments de réponses aux tests de connaissance • 257

paraphrénie mais cette hypothèse est infirmée par l’âge de la patiente, la dysthymie
et les antécédents personnels.
L’hypothèse diagnostique la plus probable est celle d’épisode maniaque d’une
psychose maniaco-dépressive. Les éléments confirmant ce diagnostic sont l’antécé-
dent dépressif probablement mélancolique qui a occasionné une hospitalisation, la
prévalence de la dysthymie par rapport au syndrome délirant.
Question 15 /
A. Réponse 3 : des idées de dévalorisation : elle se juge inutile
B. Réponse 2 : des idées délirantes de négation d’organes : intestin pourri
C. Réponse 3 : une psychose maniaco-dépressive bipolaire d’antécédent maniaque
Question 16 / Réponse dans l’approche athéorique de la mélancolie : Trouble
bipolaire, Épisode le plus récent mélancolique.
Question 17 / Réponse dans l’approche comportementale de la dépression.
Question 18 / Réponse dans l’approche cognitive de la dépression.
Question 19 / Les notions de transfert, d’association libre et d’Inconscient relè-
vent d’un cadre de référence théorique psychanalytique tandis que les notions
d’entretien socratique, d’apprentissage, de relation de collaboration, d’identifica-
tion des schémas cognitifs et de modification des pensées automatiques relèvent de
l’approche cognitive.
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 258

Récapitulatif des reproductions

Sigmund Freud, Métapsychologie, traduction de Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, ©


Éditions Gallimard.
Sigmund Freud, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, traduction
de Rose-Marie Zeitlin, © Éditions Gallimard, Folio/essais n° 126.

Extrait de Jeanclaude, La Question de l’angoisse, Éditions De Boek Université,


Bruxelles, 2001.

Chambon O. et Marie-Carine M., Psychopathologie cognitive des psychoses chro-


niques, Masson, 1994.

Daniel-Paul Schrebert, Mémoires d’un névropathe, © Éditions du Seuil, 1975, pour


la traduction française.
Françoise Dolto, Le Cas Dominique, © Éditions du Seuil, 1971.
Anny Duperey, Le Voile noir, © Éditions du Seuil, 1992
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 259

BIBLIOGRAPHIE

Manuels et ouvrages de références


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2001.
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l’adulte, Masson, 1977.
PEWZNER E., Introduction à la psychopathologie de l’adulte, Armand Colin, 2000.
RACAMIER P.C., Les Schizophrènes, Payot, 1983.
SECHEHAYE M.A., Journal d’une schizophrène, Payot, 1983.
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WIDLÖCHER D., Les Logiques de la dépression, Fayard, 1983.
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WIDLÖCHER D., Traité de psychopathologie, PUF, 1994.
WINNICOTT D.W., La Défense maniaque, 1935, in De la pédiatrie à la psychanalyse,
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Approche psychanalytique
ABRAHAM K., Œuvres Complètes, t. I & t. II, Payot, 1965.
ANDRÉ J., LANOUZIERE J., RICHARD F., Problématiques de l’hystérie, Dunod, 1999.
BALIER C., La Psychanalyse des comportements violents, PUF, 1988.
BERGERET J., BÉCACHE A., BOULANGER J.-J., CHARTIER J.-P., DOBOR P., HOUSER M.,
LUSTIN J.-J., Psychologie pathologique théorique et clinique, Masson, 1972, 1998.
BERGERET J., La Personnalité normale et pathologique, Dunod, 1974, 1996, 3e
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260 • Repères en psychopathologie

DOLTO F., Le Cas Dominique, Éditions du Seuil, 1971.


FREUD A., Le Moi et les mécanismes de défense, 1946, PUF, 1952.
FREUD S., Cinq psychanalyses, PUF, 1954.
FREUD S., Essais de psychanalyse, Payot, 1551.
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FREUD S., Métapsychologie, 1917, traduction de Jean Laplanche et J.-B. Pontalis,
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FREUD S., Névrose, psychose et perversion, PUF, 1973.
FREUD S., Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, 1933, traduction
de Rose-Marie Zeitlin, Gallimard, Folio/essais n° 126.
GILLIERON E., Manuel de psychothérapies brèves, Dunod, 1997.
JEANCLAUDE, La Question de l’angoisse, Éditions De Boeck Université, Bruxelles,
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JUIGNET P., Manuel de psychopathologie psychanalytique (enfant et adulte), PUG,
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Bibliographie • 261

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COTTRAUX J., Les Thérapies cognitives, Retz, 1992.
FRITH C.D., Neuropsychologie cognitive de la schizophrénie, 1992, PUF, 1996.
WOLPE J., La Pratique de la thérapie comportementale, Paris, Masson, 1975.

Encyclopédie médico-chirurgicale
FEFFERI M., BOTTÉRO A., ALBY J.-M., Sémiologie des états dépressifs de l’adulte,
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HARDY-BAYLÉ M.C., OLIVIER V., SARFATI Y., ChEVALIER J.-F., Approches contem-
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ISRAËL L., DEPOUTOT J.-C., KRESS J.-J., SICHEL J.-P., Hystérie, 37340 A10, 10-1985.
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Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 262

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos ................................................................................................... 5

Chapitre 1
LES BASES DE LA MÉTAPSYCHOLOGIE
I. RAPPEL THÉORIQUE ........................................................................................ 7
II. TESTEZ VOS CONNAISSANCES .......................................................................... 21

Chapitre 2
LES NÉVROSES
I. HISTORIQUE ................................................................................................... 23
II. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ........................................................................ 23
III. APPROCHE ATHÉORIQUE ............................................................................... 29
IV. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE .................................................... 31
V. TESTEZ VOS CONNAISSANCES ........................................................................... 35

Chapitre 3
LA NÉVROSE HYSTÉRIQUE
I. HISTORIQUE ................................................................................................... 37
II. SÉMIOLOGIE ................................................................................................. 41
III. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ...................................................................... 53
IV. APPROCHE ATHÉORIQUE ............................................................................... 57
V. TESTEZ VOS CONNAISSANCES ........................................................................... 62

Chapitre 4
LA NÉVROSE PHOBIQUE
I. SÉMIOLOGIE ................................................................................................... 67
II. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ........................................................................ 75
III. APPROCHE ATHÉORIQUE ............................................................................... 79
IV. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE .................................................... 81
V. TESTEZ VOS CONNAISSANCES ........................................................................... 84
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 263

Table des matières • 263

Chapitre 5
LA NÉVROSE OBSESSIONNELLE
I. HISTORIQUE ................................................................................................... 89
II. SÉMIOLOGIE ................................................................................................. 89
III. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ...................................................................... 98
IV. APPROCHE ATHÉORIQUE ............................................................................... 103
V. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE ..................................................... 106
VI. TESTEZ VOS CONNAISSANCES ......................................................................... 109

Chapitre 6
LES PSYCHOSES
I. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ......................................................................... 113
II. APPROCHE ATHÉORIQUE : DE LA PSYCHOSE AUX TROUBLES PSYCHOTIQUES ....... 119
III. APPROCHE COGNITIVE .................................................................................. 120
IV. TESTEZ VOS CONNAISSANCES .......................................................................... 123

Chapitre 7
LES PSYCHOSES DÉLIRANTES CHRONIQUES
LES PSYCHOSES PARANOÏAQUES ................................................................... 127
I. HISTORIQUE ................................................................................................... 127
II. SÉMIOLOGIE DES PSYCHOSES PARANOÏAQUES ................................................... 128
LA PSYCHOSE HALLUCINATOIRE CHRONIQUE .............................................. 136
LES PSYCHOSES FANTASTIQUES OU PARAPHRÉNIES ...................................... 139
I. HISTORIQUE ................................................................................................... 139
II. SÉMIOLOGIE ................................................................................................. 139
III. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ...................................................................... 141
IV. APPROCHE ATHÉORIQUE ............................................................................... 145
V. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE ..................................................... 147
VI. ILLUSTRATIONS ............................................................................................. 148
1. Le cas « Aimée » ou la paranoïa d’autopunition selon J. Lacan .......... 148
2. L’acte meurtrier des sœurs Papin ......................................................... 150
VII. TESTEZ VOS CONNAISSANCES ........................................................................ 153
Repères psycho 5/07/05 12:06 Page 264

264 • Repères en psychopathologie

Chapitre 8
LES SCHIZOPHRÉNIES
I. HISTORIQUE ................................................................................................... 157
II. SÉMIOLOGIE ................................................................................................. 158
III. APPROCHES ORGANICISTES ........................................................................... 172
IV. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ....................................................................... 172
V. APPROCHE ATHÉORIQUE ................................................................................. 175
VI. APPROCHE COGNITIVE .................................................................................. 179
VII. ILLUSTRATION : ANTONIN ARTAUD ................................................................ 181
VIII. TESTEZ VOS CONNAISSANCES ...................................................................... 186

Chapitre 9
LES TROUBLES DE L’HUMEUR
I. HISTORIQUE ................................................................................................... 193
II. SÉMIOLOGIE DU SYNDROME DÉPRESSIF ........................................................... 194
III. LA PSYCHOSE MANIACO-DÉPRESSIVE .............................................................. 205
IV. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ....................................................................... 214
V. APPROCHE ATHÉORIQUE ................................................................................. 222
VI. APPROCHES COMPORTEMENTALES ET COGNITIVES DE LA DÉPRESSION .............. 225
VII. ILLUSTRATION : AURELIA DE GÉRARD DE NERVAL ........................................ 229
VIII. TESTEZ VOS CONNAISSANCES ...................................................................... 231

Éléments de réponses aux tests de connaissance ........................................... 237

Bibliographie .................................................................................................. 259

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