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: DIAGNOSTIQUE ET TRAITEMENT
INTRODUCTION
Selon l’OMS la dépression occupait en 1990 le 4ième rang des maladies et passera en deuxième
position en l’an 2020 juste après les maladies cardio-vasculaires (1). La maladie dépressive
est un réel problème de santé publique en raison de sa fréquence et des conséquences
médicales, sociales et économiques. Cette maladie est sous diagnostiquée et même
diagnostiquée elle reste sous traitée et ceci même dans les pays développés.
EPIDEMIOLOGIE
Aux États-Unis 40 à 60 % des sujets qui souffrent de troubles dépressifs sont vus par des
omnipraticiens mais uniquement 40 à 50 % d’entre eux sont identifiés comme tels (2). Le
même constat a été fait en France (3).
Les facteurs prédisposant de la maladie dépressive sont le sexe féminin, l’hérédité, le manque
de soutien socio- familial et le statut matrimonial à type de célibat ou de divorce. Les facteurs
précipitants sont les événements de vie stressants, les maladies organiques, la iatrogènese
(oestroporogestatifs, anorexigènes, neuroleptiques...) et la puérpéralité.
AU MAROC
ETHIOPATHOGENIE
Biologie
Les principales données biologiques reconnues dans la dépression impliquent :
Une baisse de sérotonine, de noradrénaline et de dopamine dans la fente synaptique
(9)
Une hyperactivité de l’axe corticotrope (10).
Un fléchissement inconstant des fonctions immunitaires (11).
Les hormones de la reproduction dans la survenue de dépression du post-partum (12).
Une altération de l’hippocampe, indépendamment de l’age, dés le premier épisode
dépressif. (13)
Le BDNF (Brain derived neurotrophic factor) stimule la mitose neuronale et influence
la fonction des neurones matures (14).
Une perturbation des systèmes de glutamate, de la synthèse d’oxyde nitrique (NO), N
acétyl aspartate, acétyl choline, et de l’acide gaba-adrenergique (GABA) qui sont des
facilitateurs et intervenant dans la neurotransmission (15).
Un défaut dans la transduction du signal intracellulaire qui intervient dans le
remaniement neuronal ou de neuroplasticité (16).
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L’intervention des sites récepteurs de sérotonine (5HT2A) dans les mécanismes de
régulation de l’humeur (17).
Génétique
L’implication des facteurs génétiques dans la survenue de la dépression est confirmée. Les
principaux gènes impliqués sont situés sur les chromosomes X et 11 (18,19). De plus, il
existerait un éventuel gène spécifique à la dépression chez la femme (20).
Environnement social
Des événements de vie stressants constituent un stimulus déclencheur de la dépression sur
un terrain préalablement vulnérable. De nombreux états dépressifs paraissent directement liés à la
survenue d'expériences de perte (deuil, séparation ou éloignement, abandon, mise à la retraite...), ou
au contraire, à une réussite ou à une promotion professionnelle. À l'inverse, des facteurs comme
la famille, le réseau amical et les loisirs sont des facteurs protecteurs contre la dépression.
Composante psychologique
o Théorie psychanalytique
Pour Freud (21), la dépression est un équivalent de perte. Le deuil est la « réaction à la perte d'une
personne aimée ou d'une abstraction mise à sa place ». Dans ce cadre deuil et dépression
présentent des similitudes cliniques : douleur morale, même perte d'intérêt pour le monde extérieur,
abandon de toute activité qui ne serait pas en relation avec l'objet perdu, incapacité à choisir un
nouvel objet d'amour... Mais contrairement au deuil, le déprimé n'identifie pas forcément ce qu'il a
perdu.
o Théorie cognitive
Selon la théorie cognitive de Beck (22), la perception du patient déprimé est négative de lui-
même (je ne vaux rien), de son environnement tout va mal) et de l'avenir (le futur est sans espoir).
L'examen clinique
L'entretien clinique vise à recueillir des données objectives d'observation, à apprécier le degré
d'urgence, et à initier une prise en charge. Les plaintes du sujet doivent être cernées pour
permettre d'évaluer leur retentissement sur la vie sociale, professionnelle et familiale. Le
praticien cherchera un antécédent personnel ou familial de trouble de l’humeur dans le
versant maniaque ou dépressif
Il est fréquent que l’omnipraticien soit confronté à des symptômes somatiques au premier
plan :
Douleurs localisées (ex. : lombalgies, céphalées) ou diffuses à tout le corps
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Troubles urinaires à type de pollakiurie
Troubles digestifs (constipation le plus souvent).
Asthénie
Le patient, enfin, peut venir consulter pour une expression physique de l’anxiété fréquemment
associée à la dépression (tachycardie, boule dans la gorge, bouche sèche, tremblements,
céphalées, vertige, oppression thoracique, hypersudation, troubles du transit…)
Devant des signes d’orientation, le praticien cherchera d’autres éléments du tableau dépressif
dont les principaux constituants sont :
L’humeur dépressive
L’individu est globalement triste, incapable de se projeter dans l’avenir (ne voit que ses
échecs, se dévalorise, pense qu’on a plus d’estime pour lui), ne prend plaisir à rien. Dans les
cas plus sévères, il y a une indifférence affective avec une intense sensation de culpabilité
avec une tétanisation de ses émotions. Le déprimé ressent une anhédonie qui est une perte de
plaisir et d’intérêt pour les choses de la vie familiale, sociale et professionnelle.
L’inhibition psychomotrice
Le déprimé perd son élan vital avec un ralentissement des processus intellectuels et de
l’activité motrice, traits figés (tristesse), idées tristes et incapable de réaction rapide.
Ralentissement intellectuel :
Bradypsychie (pensée ralentie), difficultés de concentration, trous de mémoire, aboulie
(absence de volonté), sentiment permanent de fatigue et d’épuisement
Ralentissement moteur :
Le patient a une réduction de l’activité spontanée, une démarche et gestes lents, rares, dos
courbé et épaules voûtées. Le visage est figé, exprimant la tristesse, l’indifférence ou le
découragement ; une hypomimie manifeste avec des yeux fixes et le regard tourné vers le sol.
Le discours est pauvre, monotone, monocorde, centré sur son vécu douloureux avec des
pauses et soupirs. Parfois le patient se présente dans un état de stupeur ou d’agitation avec
déambulations.
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— Mes difficultés ne relèvent pas de la médecine, pourquoi en parler à mon médecin habituel ?
— Mon médecin n'aura pas le temps de m'écouter.
— Je manque de volonté, voilà tout.
— Je dois me retourner vers le coran et la religion
— Je ne suis pas suffisamment croyant(e)
— Je considère comme des problèmes des choses qui n'en sont pas vraiment. Il faut que j'arrête d’y
penser.
— Je suis un(e) faible.
— Je vis dans des conditions stressantes, c'est pour cela que je me sens mal.
— Les autres ne font pas tant d'histoires...
— J'ai honte d'être comme ça.
— Je n'arrive pas à m'adapter, je n'ai qu'à démissionner, laisser tomber ou à ne plus m’occuper de mes
enfants et de mon ménage.
— Je suis fatigué(e), je n'ai qu'à me reposer
— J'ai mal partout, c'est sûrement de l'arthrose.
— Aller chez un psychiatre ? Mais je ne suis pas fou (folle)...
Idées suicidaires
La perte d'espoir, l'incapacité à se projeter positivement dans l'avenir peuvent conduire à l’idée ou au
geste suicidaire, impulsif lors d'un paroxysme anxieux, ou planifié. Inaugural, le passage à l'acte
suicidaire constitue une surprise totale pour l’entourage. Le diagnostic positif de l'idéation
suicidaire établi, le praticien doit impérativement évaluer le caractère actif de ces idées et
rechercher un éventuel caractère d'urgence. Il faut vérifier que les idées de suicide sont
passagères et que le sujet peut les contrôler et les chasser ; ou au contraire vérifier que ces
idées de suicide sont très présentes et devenir la seule solution aux problèmes ; ou plus grave,
vérifier l'absence de projet programmé de réalisation du suicide. Auquel cas l’hospitalisation
dans un milieu spécialisé doit être rapidement enclenchée.
Cependant dans un souci de systématisation, il est possible d’utiliser des outils diagnostiques
comme le mental international neuropsychiatrique interview (M.I.N.I) (23) qui se base sur les
critères diagnostiques du DSMIV (24).
Les échelles d’évaluation de la dépression sont des outils qui évaluent le degré de gravité de
l’épisode dépressif. Les plus fréquemment utilisées sont : l’échelle Hamilton Depression Rating
Scale (HDRS) (25) à 17 ou 21 items, l'échelle de Montgomery et Asberg Depression Rating Scale
(MADRS) (26).
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Critères d'épisode dépressif majeur ou caractérisé (DSM IV) (24)
A. Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même
période d'une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au
fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit une humeur dépressive, soit
une perte d'intérêt ou de plaisir.
N.B. : ne pas inclure des symptômes qui sont manifestement imputables à une affection
médicale générale, à des idées délirantes ou à des hallucinations non congruentes à
l'humeur.
1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours,
signalée par le sujet (par exemple, se sent triste ou vide) ou observée par les autres (par
exemple, pleure).
N.B. : éventuellement irritabilité chez l'enfant et l'adolescent.
2. Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités,
pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les
autres).
3. Perte ou gain de poids significatif en l'absence de régime (par exemple, modification du
poids corporel en un mois excédant 5 p. 100), ou diminution ou augmentation de l'appétit
presque tous les jours.
N.B. : chez l'enfant, prendre en compte l'absence de l'augmentation de poids attendue.
4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres,
non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
Etc.
B. Les symptômes ne répondent pas aux critères d'épisode mixte.
C. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du
fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
D. Les symptômes ne sont pas imputables directement aux effets physiologiques directs
d'une substance (par exemple, une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d'une
affection médicale générale (par exemple, hypothyroïdie).
E. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil ; c'est-à-dire après la mort d'un
être cher, les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s'accompagnent d'une
altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides de dévalorisation,
d'idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d'un ralentissement psychomoteur.
Le DSM propose en outre de distinguer :
— intensité légère, moyenne, sévère ;
— épisodes avec éléments psychotiques et avec éléments de mélancolie.
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• Chez le sujet âgé, la dépression est trop souvent non diagnostiquée alors qu’à cette age, elle
est la plus fréquente. En dehors des signes trompeurs qui peuvent égarer le diagnostic vers une
maladie physique, le vieillissement banalise le vécu dépressif du sujet âgé
2) Liées au sexe et aux étapes de la vie hormonale
Chez la femme, les principales périodes de la vie sexuelle et hormonale (cycle menstruel,
grossesse, post-partum, ménopause...) sont des périodes à risque pour les troubles de l’humeur.
3) Autres
Manifestations somatiques prévalentes.
Manifestations psychotiques (délire, hallucinations...).
Mélancolie qui est une dépression grave, à risque suicidaire élevé. Elle peut s’associer à un délire
de ruine, de culpabilité, ou de persécution.
TRAITEMENTS
Pharmacologie
1. Choix du traitement antidépresseur
Les antidépresseurs possèdent des propriétés « latérales », stimulantes, sédatives ou anxiolytiques,
qui permettent d'adapter la prescription aux signes de la dépression. Ces signes latéraux se
manifestent dès les premiers jours de traitement, ce qui est un gage de bonne observance du traite-
ment par le patient. En revanche, les symptômes plus spécifiquement dépressifs (tristesse,
pessimisme, incapacité à ressentir du plaisir, sentiment de culpabilité) ont besoin d’un délai de trois
à six semaines pour être soulagés.
3. Durée du traitement
• Traitement d'attaque : au cours des trois premières semaines de traitement ambulatoire.
À l'issue des trois semaines de traitement, un premier bilan de l'action thymo-analeptique est
réalisé. Une amélioration, même partielle, constitue un encouragement à poursuivre la thérapeutique
jusqu'à la sixième semaine de traitement. En cas d'inefficacité totale après six semaines, de
survenue d'effets indésirables gênants ou d'aggravation symptomatique, la stratégie thérapeutique
doit être réévaluée : augmentation de la posologie ou changement de traitement.
De la sixième à la huitième semaine de traitement :
en cas de bonne réponse thérapeutique et en l'absence d'effet indésirable majeur, le traitement
doit être poursuivi à la même posologie jusqu'à la douzième semaine ;
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clinique mensuelle à la recherche de signes de rechute est nécessaire durant cette phase de
consolidation.
• Traitement prophylactique : s’adresse aux patients qui font le plus de récidives dépressives.
5. Associations médicamenteuses
L'adjonction d'une benzodiazépine, lors de gros troubles de sommeil ou d’angoisse, est de pra-
tique fréquente et sans inconvénient dans la mesure où la durée de prescription se limite au
délai d'action propre de l'antidépresseur.
6. Effets indésirables
Ils sont une source de mauvaise observance thérapeutique. Il est donc nécessaire de les
monitorer afin de proposer des remèdes ou un changement de famille d’antidépresseur.
Tricycliques
Thérapeutiques psychologiques
La prescription d'un antidépresseur doit s'accompagner d'un soutien psychologique. Les
antidépresseurs ne gênent aucunement le travail psychothérapique. Plusieurs études ont montré
la supériorité de l'association antidépresseur-psychothérapie sur chacun de ces traitements pris
isolément. Dans d’autres cas, la psychothérapie est utilisée seule en particulier lors d’une
contre indication aux autres traitements, lorsque le malade refuse un traitement
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médicamenteux ou lors de d’un premier épisode dépressif d’intensité mineur chez un patient
n’ayant pas de terrain vulnérable évident.
D’autres moyens relèvent du milieu hospitalier et visent le traitement des formes graves :
Electroconvulsivothérapie : (ECT) consiste à déclencher une crise convulsive
généralisée sous anésthésie générale. L’efficacité de cette technique est prouvée
depuis longtemps (27)
EVOLUTION
Un épisode dépressif peut être émaillé d’une évolution variable, de ce fait il peut y avoir une :
Guérison
Le concept de guérison implique deux possibilités pour le clinicien : Le traitement peut être
arrêté ou être poursuivi au titre de la prévention d’un épisode ultérieure.
Récidive (récurrence)
La récidive correspond à l’apparition d’un nouvel épisode chez un patient qui avait été
préalablement considéré comme guéri de l’épisode précédent. La survenue d’une récidive
dépressive doit faire poser l’indication de la mise en place d’un nouveau traitement.
Résistance
Elle se définit par la persistance des symptômes après deux traitements antidépresseurs bien conduits,
de familles différentes, à posologies efficaces et pendant une durée suffisante (au moins 4 à 6
semaines chacun).
Chronicité
Persistance pendant au moins 2 ans après l’épisode index
CONCLUSION
La dépression est une maladie fréquente et l’omnipraticien constitue la première ligne
franchie par les patients et souvent la dernière. Il est alors hautement souhaitable que ce
praticien se sente confortable avec ce genre de maladies en ayant une bonne maîtrise du
diagnostique et de la prise en charge thérapeutique pour les formes non compliquées.
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Références :
9
20. Zubenko GS, Hughes HB 3rd, Stiffler JS, Brechbiel A, Zubenko WN, Maher BS,
Marazita ML. Sequence variations in CREB1 cosegregate with depressive disorders
in women. Mol Psychiatry. 2003 Jun;8(6):611-8.
21. Freud, S., 1917, Deuil et mélancolie in Métapsychologie, Gallimard.
22. Beck A.T. Rush A.J. Shaw B.F. Emery G. Cognitive therapy of depression. Guilford
Press, New York, 1979.
23. Sheehan D, Y. Lecrubier, K.Harnett-Sheehan, Knapp E, Sheehan P. Amorim,
J.Janavs, E. Weiller, T. Hergueta, R. Baker, G.Dunbar The Mini International
Neuropsychiatric Interview (M.I.N.I.): The developpment and validation of a
structured Diagnostic Psychiatric Interview for DSM-IV and ICD-10. J.Clin
Psychiatry 1998; 50 (Suppl 20).
24. American psychiatric Association (1994): Diagnostic and Statistical manual of
mental Disorders, 4th Edition. Washington, DC, American psychiatric Association.
25. Hamilton M.: A rating scale for depression. J. Neurol. Neurosurg. Psychiatry 1960, 23,
56-62.
26. Montgomery SA., Asberg M., A new depression scale designed to be sensitive to change.
Brit. J. Psychiatry , 1979, 134 , 382-389.
27. Birkenhager TK, Renes JW.Pluijms EM. One-Year follow-Up after successful
ECT: A Naturalistic Study in Depressed Inpatients. J Clin Psychiatry. 2004 Jan;
65(1):87-91.
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