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Psychologie médicale

Pratique médicale du sujet âgé


Semaine 2 Heure : 10h – 11h Professeur : Leroy
Date : 21/10/2021
Remarques du professeur : Objectifs pédagogiques :
- Définir un vieillissement normal, pathologique et réussi
- Comprendre les spécificités cliniques relatives à la prise en charge d’une personne âgée
- Identifier les éléments cliniques résultant d’un vieillissement physiologique
- Identifier les éléments sémiologiques relevant d’une pathologie, exemple de la dépression

I. Le vieillissement : généralités et définitions

Pourquoi parler du sujet âgé ?


La population vieillit. Entre 2015 et 2050, la proportion des 60 ans et plus dans la population mondiale va
presque doubler, passant de 12% à 22%. Le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans va dépasser
celui des enfants de moins de 5 ans.
Le vieillissement de la population est plus rapide que dans le passé. Cela entraîne des défis majeurs pour
les systèmes de santé.

A. Définitions

Vieillissement : ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui modifient la structure et les
fonctions de l’organisme.
Il possède des facteurs génétiques et environnementaux (tabac, alcool). C’est un processus lent et progressif.

La perception de sa propre vieillesse ou de celle des autres est très variable et personnelle.
- Selon l’OMS : 65 ans
- Elle dépend du développement du pays
- Définition sociale : arrêt du travail
- Âge moyen dans les institutions gériatriques : 85 ans
Dans nos sociétés, on est pris en charge en gériatrie au-delà des 60 ans.

B. Généralités

L’altération d’une fonction varie fortement d’un individu âgé à


l’autre. Il y a une grande hétérogénéité et une grande variabilité
interindividuelle.
L’enjeu est de distinguer la physiologie de la pathologie.

On a 3 types de vieillissement :
- Normal : c’est l’ensemble des changements anatomiques et
psychologiques « physiologiques »
o Il est purement lié à l’âge
o En l’absence de maladie invalidante
- Réussi : c’est un vieillissement quasiment sans pertes de fonction
o Absence de pathologie
o Fonctions physiologiques peu ou pas atteintes, voire
des performances identiques ou supérieures aux sujets
plus jeunes et de même niveau d’éducation
- Pathologique : avec des pathologies chroniques, des handicaps,
des hospitalisations répétées, un ± grande dépendance

La dépendance varie en fonction du type de vieillissement

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C. Vieillissement du système nerveux et ses conséquences
1. Vieillissement cognitif

Modifications morphologiques cérébrales :


- Élargissement des sillons
- Dilatation des ventricules
- Raréfaction dendritique et atrophie des corps cellulaires
- Augmentation du nombre de cellules non nerveuses (cellules gliales)
- Diminution de la neuroplasticité = capacité du cerveau à favoriser les circuits tout le temps utilisés et
défavoriser ceux qui ne le sont pas

La vitesse d’exécution et de réponse peut diminuer : augmentation des temps de réaction


Réduction modérée de certaines performances mnésiques concernant notamment l’acquisition
d’informations nouvelles (mémoire d’acquisition ou d’apprentissage)
Raisonnement inductif = façon de raisonner par rapport à l’expérience qu’on voit plutôt que par rapport à
des connaissances

Tout ça n’explique pas un retentissement sur la vie quotidienne.

Il existe une variabilité interindividuelle importante suivant :


- Le maintien, l’absence ou le renforcement d’une activité
- L’appauvrissement, l’accroissement des stimulations sensorielles
o Ex : hypoacousie  des personnes peuvent s’exclure progressivement des conversations car
elles ont une mauvaise audition, l’isolement peut aussi venir de la famille
- Le développement éventuel des troubles psychiatriques associés

Certaines maladies ou syndromes dont la fréquence augmente avec l’âge ont longtemps été confondus avec
l’expression du vieillissement (maladie d’Alzheimer)

2. Vieillissement perceptif

Tous les types de perceptions peuvent être altérés :


- Vision : presbytie
- Audition : presbyacousie (baisse d’audition pour les sons aigus)

Conséquence en pratique clinique : s’adapter


- Au cours de l’examen clinique : parler lentement et distinctement, dans une pièce silencieuse, face au
patient, une personne à la fois
- Chez le malade âgé, les symptômes caractéristiques chez le sujet jeune sont souvent atypiques voire
absents (la douleur est absente dans 30% des cas d’infarctus du myocarde)
- Bien connaître le vieillissement physiologique pour pouvoir identifier les pathologies

II. Vieillissement normal et fonctionnement psychique

Quel est l’impact du vieillissement normal sur le fonctionnement psychique ? En quoi vieillir modifie la
psychologie des sujets âgés ?
L’influence du vieillissement sur le fonctionnement psychique est peu étudiée chez les sujets non
pathologiques.

A. Vieillissement et estime de soi

L’estime de soi joue un rôle essentiel dans les processus d’adaptation.


Le vieillissement peut être à l’origine d’une diminution des performances
- Souvent traduite de façon négative (perte, déclin des compétences)
- la diminution de l’estime de soi est ± accentuée selon le degré de sévérité et la personnalité

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Processus de comparaison sociale
- L’évaluation que nous faisons de nous-mêmes dépend du groupe social auquel nous nous comparons
- Peut nous valoriser ou non : en fonction des sociétés, par exemple au Japon, on a longtemps beaucoup
valorisé les personnes âgées

L’estime de soi selon les individus est stable et peu affectée par les échecs pour certains, alors que chez
d’autres, elle est instable, facilement affectée par les échecs.
- Étude transversale : l’estime de soi est stable de 25 à 49 ans, puis augmente jusqu’à 69 ans pour
diminuer ensuite jusqu’à 90 ans
o Au plus les personnes se sentent jeunes, au plus leur estime de soi était haute

B. La plainte mnésique : témoignage de vulnérabilité psychologique

Concordance entre plainte mnésique et symptomatologie anxio-dépressive : les plaintes cognitives


peuvent cacher une dépression-anxiété et vice-versa
Pour certains auteurs : plainte mnésique = expression d’une vulnérabilité psychique

C. L’exemple de la retraite

Passage à la retraite : transition majeure


- Mérite d’être appréhendé d’un point de vue psychoclinique
- Pour 20 à 30% des sujets, la retraite est un choc, une crise
- Anxiété face à la mort

Pour la majorité des sujets : bonne adaptation à cette transition

Parfois, réactions pathologiques : déstabilisation momentanée, troubles psychologiques


- Troubles de l’alimentation
- Surutilisation de psychotropes : problèmes des benzodiazépines et des somnifères (un sujet qui prend
des somnifères a un risque de chute plus élevé)
- Isolement social
- Majoration des consommations de tabac et d’alcool

Le vieillissement peut donc entraîner des modifications psychologiques complètement psychologiques,


associées à l’âge

III. Vieillissement et dépression

A. L’épisode dépressif caractérisé : définition

C’est une pathologie caractérisée par un syndrome dépressif sous forme de triade :
- Tristesse de l’humeur avec anhédonie (absence de plaisir à faire des choses) : dévalorisation, perte de
l’estime de soi, sentiments de culpabilité, honte
- Ralentissement psychomoteur : gestes lents et réduits en ampleur, expressivité du visage pauvre
(amimie), pensée ralentie, temps de latence allongé, débit verbal ralenti, discours appauvri
- Trouble des fonctions instinctuelles : sommeil, appétit, libido perturbés

Elle doit durer plus de 15 jours avec un retentissement significatif.

B. Dépression associée au vieillissement

Pathologie mentale la plus fréquente chez le sujet âgé


Sous-diagnostiquée et insuffisamment traitée : souvent banalisée, mais il n’est pas normal « d’être triste
quand on est vieux », d’avoir un ralentissement psychomoteur, d’arrêter de s’alimenter
- Traiter précocement parce que les personnes âgées ont du mal à retrouver ce qu’elles ont perdu

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10 à 30% des personnes de plus de 65 ans (30% pour les personnes en institution, surtout la première année)
Clinique et étiologies hétérogènes (âge de début des EDC)
Symptômes dépressifs trop souvent attribués au vieillissement normal ou à une maladie non
psychiatrique
Pertes affectives ou matérielles : deuil, dépression  limites parfois floues
En plus, il y a une difficulté à exprimer sa détresse, une symptomatologie différente de l’adulte jeune et une
dépression souvent masquée par une symptomatologie non psychiatrique qui prend le dessus

Prise en charge insuffisante : la dépression non traitée


- Empêche la résolution de problèmes non psychiatriques concomitants
- Allonge le temps d’hospitalisation (retour à domicile plus complexe)
- Altère l’observance thérapeutique

Facteurs de risque : antécédents de dépression, sexe féminin, maladies non psychiatriques (surtout si elles
entraînent une perte d’autonomie), maladies douloureuses, isolement, veuvage, événements de vie (surtout
récents, mais dans certains cas aussi anciens comme la guerre)

Au niveau clinique, la présentation est moins franche que la forme typique de l’adulte jeune
- Les symptômes ne correspondent pas forcément à la triade
- Plaintes physiques, irritabilité, délire et agitation plus fréquents

C. Dépressions dites masquées

Le masque peut être physique (douleurs), hypocondriaque, délirant, hostile, centré sur la démotivation
(conative  le patient peut faire un syndrome de glissement)

Dans le cadre du dépistage en médecine générale, des échelles ont été développées spécifiques pour le sujet
âgé. Elles se présentent sous forme de questionnaires qui permettent de rechercher la dépression malgré les
signes spécifiques du sujet âgé. Elles ne sont pas fiables à 100% mais permettent un 1er dépistage.

La dépression du sujet âgé est insuffisamment reconnue (formes cliniques trompeuses).


Son dépistage doit être amélioré en médecine générale.

IV. Vieillissement et suicide

A. Quelques chiffres

La dépression est une cause importante de suicide. Chez le sujet âgé, le taux de suicide est le double de la
population générale. 50% des sujets âgés qui se suicident ont consulté leur médecin 1 mois avant leur mort,
on peut donc certainement améliorer la prévention à ce niveau.

Deux pics : un entre 35 et 50 ans l’autre après 65 ans


Les suicides après 65 ans représentent un tiers des décès par suicide en France
Le taux global a tendance à diminuer (meilleure formation, dépistage)

B. Le suicide de « raison »

Le suicide de « raison » est l’idée reçue de suicide pour la maîtrise de son propre corps, pour arrêter de
souffrir.
- Pas de preuves voire aucune de son existence  probablement un mythe
- La majorité des suicides chez les sujets âgés arrivent dans le contexte de dépression (et pourtant c’est
une maladie traitable), avec des pensées suicidaires régulières
Toute évaluation d’une personne âgée exprimant le souhait de mourir doit comporter un bilan
psychiatrique approfondi ou au moins un dépistage de dépression.

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C. Prévention

Selon une étude britannique, il y a une diminution des décès par surdosage médicamenteux depuis
l’introduction des conditionnements maximaux (ex : paracétamol) : limitation du nombre de médicaments
par plaquette, plus globalement, limiter l’accès aux moyens de mourir entraîne une réduction de la mortalité

Autre approche : cibler les catégories à haut risque (chez les sujets âgés : dépression et auto-agression 
scarifications, blessures auto-infligées)
- Soutien social aux sujets à risque : utile car l’isolement est dangereux
- Service téléphonique et contacts téléphoniques réguliers : réduction des taux de suicide chez les
sujets âgés socialement isolés

CONCLUSION :
Importance de bien dépister la dépression et le suicide chez sujets âgés
Prendre en compte les caractéristiques propres aux sujets âgés en fonction des différents modèles de
fragilité

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