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du champ de bataille
Sarah Bocelli 28 oct 2021 23
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• madmoizelle
• Société
• Histoire
Une guerrière… oui, mais pas seulement. On réduit bien trop souvent la Valkyrie à une femme
belliqueuse en armure, fendant les airs sur son cheval. Remballez vos épées : on vous en dit plus sur
cette figure badass de la mythologie scandinave.
Le 9 avril 2014
La Valkyrie. Si vous descendez dans la rue pour demander au premier passant ce que ce mot lui
évoque, il est fort possible que vous vous retrouviez confrontée à deux types d’images mentales.
Soit vous tombez sur quelqu’un qui a un sens de l’humour nul qui va vous répondre « vache qui rit
». Soit vous avez la chance de vous adresser à une personne qui va faire un peu plus d’efforts et
vous décrire une femme en armure.
Une guerrière. Souvent blonde. Parfois qui chante très fort.
Dans l’ensemble, l’image de la guerrière scandinave divine qui envahit le champ de bataille
sous le commandement du dieu Odin est celle qui a le mieux survécu au temps.
Force est de constater que passé le célèbre opéra, on ne sait pas grand chose d’autre de la Valkyrie.
Personnage obscur hantant ces vieux mythes nordiques que l’on connaît si mal, elle rejoint la
file des idées préconçues sur les anciens Scandinaves au même titre que les casques à cornes des
Vikings — qui n’auraient en fait jamais eu de cornes. La déception.
Rassurez-vous : si on creuse un peu plus le mythe, la Valkyrie est loin d’être décevante. Guerrière
surnaturelle, magicienne, demi-déesse messagère de la mort…
En somme, le scandinaviste Régis Boyer résume très bien la situation : les Valkyries, voyez-vous, «
ne sont pas celles que vous croyez ».
La Valkyrie, la guerrière ultime ?
Je ne viens pas entièrement détruire l’image classique de la guerrière qui vient faire la différence sur
le champ de bataille en donnant sa préférence à certains combattants.
Comme dans toute interprétation d’un mythe, il y a du vrai – si tant est que l’on peut parler de
vérité dans ce domaine !
Le problème avec la mythologie scandinave est toujours le même : le manque de sources.
La plupart sont islandaises, datent des alentours du 12ème siècle, on doute de leur volonté de
conserver l’héritage culturel des vieux mythes comme la fiction et le support littéraire stylistique,
mais c’est à peu près tout ce qu’on a.
Ainsi, c’est le Gylfaginning, la première des trois parties de l’Edda du poète/mythographe Snorri
Sturluson, qui sert le mieux la cause de la Valkyrie guerrière.
Tessa
Thompson dans le rôle de Valkyrie dans Thor : Ragnorok
Ainsi, dans le Valhalla, les héros de la fin des temps attendent…
En alternant, pour s’occuper, entre se foutre sur la trogne pour rire (puisqu’on ne se blesse pas dans
le Hall d’Odin) et passer son temps dans un perpétuel banquet, abreuvés d’hydromel par les
Valkyries et nourris de la chair du sanglier Saehrimnir qui ne s’amenuise jamais.
Pratique.
Je reviendrai sur les symboliques possibles derrière le rôle des Valkyries et la « fin des temps » de la
mythologie nordique. Dans l’immédiat, prenons un peu le temps de nous conforter dans l’idée
de la Blonde Guerrière dont la guerre n’est qu’un instrument !
En effet, bien des poèmes par la suite font intervenir ces dames, et le Grímnismál, poème tiré cette
fois de l’Edda Poétique, nous donne les noms de certaines. (Attention, gros copié/collé sentant la
lassitude vis-à-vis des accents bizarres.)
• Hrist (« celle qui secoue ou bouleverse »)
• Mist (« Brume »)
• Skeggjöld (« temps des haches » : combat)
• Sköguld (« qui se porte en avant »)
• Hildr (« combat »)
• Drudr (« vigueur »)
• Hlökk (« éclat »)
• Herfjötur (« qui paralyse l’armée ou le guerrier »)
• Göll (« vacarme »)
• Geirölul (« lance pointée vers l’avant »)
• Randgrid (« ravage des boucliers »)
• Radgrid (« avide de commander »)
• Reginleif (« héritière des dieux »).
• Gunn (« combat »)
• Róta (« bataille »)
• Skuld (« futur »)
Normalement, si vous êtes bien le lectorat attentif et chaleureux que je connais, vous avez dû
remarquer quelque chose. À part le fait que vous n’arrivez pas à prononcer les noms.
Oui, voilà, bravo : ils évoquent tous avec une certaine dureté le champ lexical de la guerrière…
sauf la petite dernière.
Les bonnes élèves dans l’assistance me diront même « madame ! » (braves petites), « mais Skuld,
c’est pas une Norne plutôt qu’une Valkyrie ? ». Si. Prends un bonbon.
Les Nornes, similaires aux Parques dans la mythologie gréco-romaine, sont les trois divinités du
Destin : Urd, le passé, Verdandi, le présent, et Skuld, le futur.
Leur rôle en tant que personnification du Destin peut être bien vaste, et on s’accorde généralement
pour dire qu’elles sont responsables de la fatalité, heureuse ou malheureuse, que connaît tout
mortel.
Que vient faire une Norne (« et en plus ça ressemble à nonne, uhuhu ») chez les terribles
Valkyries ?
Si je serais bien incapable de vous répondre, j’aimerais mettre en avant deux détails : le premier,
c’est que selon les descriptions — un peu vagues, certes — les Valkyries auraient une sorte de
pouvoir de vie ou de mort sur les guerriers qu’elles choisissent.
Le second, c’est que sans les noms donnés dans le Grímnismál, les Valkyries n’auraient aucun
autre attribut guerrier.
Eh bien, on en garde plusieurs traces, même si ce n’est pas évident, dont les plus anciennes sont des
gravures et sculptures remontant jusqu’à l’âge de bronze.
Des gravures représentant souvent, et ça va plaire à certain-e-s, des vulves.
« Houlàlà, Valkyrie, Vulve, tout ça va un peu trop loin. »
Bon, bon. Si le frifri dont tu es issue t’inquiète, gardons simplement en tête que la mythologie
scandinave, fondée sur ce principe archaïque, ne peut que donner une place cruciale à la femme,
complémentaire à celle de l’homme.
J’en veux pour exemple les trois plus grandes déesses scandinaves : Freya, déesse de l’amour et de
la fertilité (celle qui crée la vie), Frigg, déesse de la maternité (celle qui entretient la vie), et Skadi,
déesse de l’ombre (celle qui met fin à la vie).
Tout cela n’est que spéculations. Mais encore une fois, est-il seulement possible de faire autre
chose que des spéculations avec les mythes fondateurs et archaïques ?
Ce rôle crucial accordé à la femme correspond cependant à la perception de la femme dans les
anciennes civilisations nordiques, qui agit comme la fondation solide, gardienne en sa maison…
et gardienne de la vie ?
Le Héros et la Valkyrie
En fin de compte, pourquoi avoir gardé l’image de la guerrière, si elle ne combat pas ? Mmh, mais
faut-il saigner sur le champ de bataille pour être une guerrière ?
Ce ne sont pas les déesses-guerrières qui manquent dans les mythologies en général : prenez la
déesse romaine Bellone, ou la Morrigan, toutes deux impitoyables et destructrices.
Elles ne combattent pas mais influent sur les mortels, ayant le pouvoir de vie ou de mort sur
eux. Elles demeurent des symboles guerriers.
La guerre étant ce qui rapproche le plus de la mort (les accidents cons mis à part), il n’est pas
étonnant alors que ces créatures mythiques soient en étroite relation avec celle-ci. Les Valkyries
peuvent très bien être des « guerrières de la mort ».