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PÉRIURBANISATION ET TRANSFORMATION DU GRADIENT DE LA
MORTALITÉ URBAINE EN SUISSE
Mathias Lerch, Michel Oris, Philippe Wanner et traduit par Patrick Festy
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Institut national d'études démographiques | « Population »

2017/1 Vol. 72 | pages 95 à 126


ISSN 0032-4663
ISBN 9782733210758
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-population-2017-1-page-95.htm
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Mathias Lerch*, Michel Oris** et Philippe Wanner**,
pour la Swiss National Cohort
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Périurbanisation et transformation du gradient


de la mortalité urbaine en Suisse
Dans les pays du Nord, les villes furent dans le passé des lieux néfastes
pour la santé. Les populations urbaines connaissaient un risque de
mortalité plus élevé que celles des campagnes. Le développement des
agglomérations et de leurs infrastructures, la concentration croissante
des emplois qualifiés et des richesses ont modifié cette tendance, et
les écarts entre villes et campagnes ont disparu au xxe siècle. Mais
avec la densification périurbaine et les mobilités résidentielles entre
centre et périphérie, la donne change et des différentiels de mortalité
au sein même des espaces urbanisés apparaissent. À partir du cas de
la Suisse, Mathias Lerch, Michel Oris et Philippe Wanner décrivent
l’évolution de la géographie de la mortalité dans le dernier quart du
e
xx siècle. Ils montrent que le gradient de mortalité entre les zones
rurales, périurbaines et urbaines s’est sensiblement transformé au
cours du temps, puis analysent les mécanismes qui ont permis aux
habitants des zones périphériques des grandes villes de bénéficier
des plus bas niveaux de mortalité.

Les disparités géographiques de la mortalité ont été largement analysées


dans les pays développés, notamment pour déterminer l’état de santé d’une
population et mieux cibler les mesures préventives (Caselli et Vallin, 2006).
Les écarts entre les campagnes et les villes ont moins attiré l’attention des
chercheurs, malgré leur importance historique dans le processus démogra-
phique d’urbanisation (Vries, 1990). Avant le début de la transition démogra-
phique (c’est-à-dire la chute successive des taux de mortalité et de natalité),
les zones urbaines étaient caractérisées par une mortalité élevée causée par la
pression démographique sur l’environnement citadin (Ramiro-Fariñas et Oris,
2016). L’urbanisation était essentiellement due à l’exode rural d’un grand nombre
d’individus. Après une phase de modernisation et de progrès sanitaires qui ont

* Max Planck Institute for Demographic Research.


** Université de Genève.
Correspondance : Mathias Lerch, Max Planck Institute for Demographic Research, Konrad-­­Zuse-
Str. 1, 18057 Rostock, Allemagne, courriel : lerch@demogr.mpg.de

Population-F, 72 (1), 2017, 095-126 DOI : 10.3917/popu.1701.0095


M. Lerch et al.

amené les taux de mortalité urbains en dessous des taux ruraux, c’est l’accrois-
sement naturel qui a alors contribué à l’urbanisation. Toutefois, dans le contexte
de faible natalité, la démographie urbaine devrait être à nouveau liée aux

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disparités spatiales de mortalité (et aux mouvements migratoires). Cet article
se concentre sur l’étude de la géographie urbaine de la mortalité en Suisse.
En 1920-1921, trois décennies après le début de la transition démographique
dans la Confédération helvétique, 29,2 % de la population du pays vivaient
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dans les villes. L’espérance de vie dans les cantons plus urbanisés était supé-
rieure de près de 12 ans à celle des cantons moins urbanisés du fait d’une
mortalité infantile plus élevée à cause des maladies infectieuses (Fei et al.,
1998). En 2013-2014, 73 % des 8,3 millions d’habitants que compte la Suisse
vivent dans des zones urbaines. L’espérance de vie y est la plus élevée du monde
(80,7 ans pour les hommes et 84,9 ans pour les femmes) et les disparités entre
cantons sont fortement réduites, n’étant plus que de 2,2 ans pour les hommes
et 2,4 ans pour les femmes(1). Des recherches antérieures ont souligné l’impor-
tance des facteurs de risque comportementaux et de la mortalité aux âges
avancés dans les disparités spatiales de mortalité aux âges avancés (Wanner
et al., 1997). À mesure que se déroulait cette transition épidémiologique vers
une mortalité aux grands âges liée à des maladies chroniques (Omran, 1971),
un nouveau gradient géographique a émergé dans les années 1980. L’espérance
de vie dans les régions plus urbanisées est devenue inférieure à celle observée
en Suisse périphérique (Bopp et Gutzwiler, 1999 ; Wanner et al., 1997, 2012).
Ce renversement est ici lié aux mouvements de populations à l’origine du
processus historique d’urbanisation (Geyer et Kontuly, 1993). La phase initiale,
marquée par la concentration spatiale de l’industrie et des populations, a conduit
à des effets négatifs dus à la congestion, en termes de trafic et de pollution, des
centres-villes. Au début du xxe siècle, en Europe, ce développement a entraîné
l’extension spatiale des villes et la délocalisation des industries et des emplois,
phénomène nommé suburbanisation. Avec le passage de l’économie industrielle
à l’économie post-industrielle, l’importance de la distance au lieu de travail
comme déterminant des choix résidentiels a reculé du fait du développement
des transports et des technologies de communication. Ces modifications ont
amené un nouveau type d’étalement urbain dans des zones anciennement
rurales situées dans la périphérie urbaine plus éloignée (péri- ou contre-­
urbanisation) (Champion, 1989). Cette tendance reflétait le désir d’installation
dans des contextes environnementaux moins encombrés et plus naturels (Geyer
et Kontuly, 1993). Les changements dans la distribution spatiale de la popu-
lation ont été favorisés par les écarts intra-urbains de coût des logements et la
localisation des activités (Frumkin et al., 2004).
Le processus de périurbanisation a débuté en Suisse dans les années 1960
et aurait entraîné un fort déclin des agglomérations centrales (nommées ici

(1) https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population/naissances-deces/deces-mortalite-
esperance-vie.assetdetail.317642.html

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Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

centres-villes) et des populations suburbaines si l’afflux de jeunes adultes


– surtout des migrants internationaux – n’avait pas compensé l’émigration. Le
départ vers la périphérie urbaine était largement sélectif, avec une surrepré-

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sentation des individus hautement qualifiés et des familles riches. Par contre,
les populations des centres-villes restaient relativement hétérogènes à cause
de l’émergence d’un marché du travail dual proposant à la fois des emplois
hautement qualifiés et d’autres, mal payés, dans le secteur des services (Cunha
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et Both, 2004 ; Rérat et al., 2008).


Étant donné qu’en Suisse, l’inversion de la géographie urbaine de la mor-
talité au détriment des centres-villes s’est produite en même temps que l’inten-
sification de la périurbanisation, il faut analyser les liens entre les deux processus.
En nous appuyant sur la littérature internationale, nous commençons par
montrer les voies par lesquelles la périurbanisation peut affecter la mortalité
urbaine. Après avoir présenté les données et méthodes, nous décrivons les
différences d’espérance de vie le long du continuum urbain-rural, ainsi que les
profils de mortalité par âge et cause au niveau national et par ville depuis 1969.
Un modèle multiniveau est ensuite appliqué à l’ensemble de la population
adulte résidente en 2000-2008, pour comprendre si la concentration spatiale
de certaines caractéristiques de la population et/ou les disparités spatiales des
cadres de vie expliquent le gradient urbain de mortalité.

I. Les causes possibles d’un nouveau gradient


de la mortalité urbaine

La vitesse à laquelle ont changé les villes rend difficile l’analyse de la mor-
talité urbaine. À mesure que la taille et la population des villes augmentent,
les modifications de l’environnement urbain ont des conséquences physiques
et socioéconomiques multiples sur la santé (Ramiro-Fariñas et Oris, 2016).
En premier lieu, l’urbanisation qui désigne un processus de croissance et
de regroupement des populations transforme l’environnement bâti, avec des
conséquences directes pour la santé. Les populations urbaines peuvent subir
des effets négatifs sur leur santé à cause de la pollution de l’air, du smog, des
accidents de la circulation, du manque de temps pour des activités physiques
du fait du temps de transport, et de l’effet de l’îlot de chaleur urbain(2) (Frumkin
et al., 2004). Des études dans les pays occidentaux ont montré que la mortalité
est plus élevée dans les zones densément peuplées que dans celles qui le sont
moins. Les populations urbaines ont des taux particulièrement élevés de

(2) Des épidémiologistes et des environnementalistes ont défini le terme d’« îlot de chaleur urbain »
il y a environ un demi-siècle. Les environnements bâtis de couleur sombre absorbent plus de chaleur
que les zones vertes, ils se refroidissent moins pendant la nuit, et les immeubles de grande hauteur
ralentissent les vents qui rafraichissent l’air urbain. De plus, la concentration des activités humaines
exacerbe les phénomènes météorologiques du fait de la pollution de l’air et de la déperdition de chaleur
associée à une consommation intense d’énergie (Anderson et Bell, 2011).

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M. Lerch et al.

maladies respiratoires, de cancers du poumon, de maladies obstructives pul-


monaires et de maladies ischémiques cardiaques (Chaix et al., 2006 ; Fan et
Song, 2009 ; Gartner et al., 2011 ; O’Reilly et al., 2007 ; Pearce et Boyle, 2005).

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En Suisse, la mortalité par cancer de la trachée, des bronches ou du poumon
s’accroît aussi avec l’exposition aux particules fines et avec la proximité d’une
route importante (Huss et al., 2010). La surmortalité pendant la canicule de
2003 a également été plus élevée dans les centres-villes que dans les zones
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suburbaines, ce qui peut être attribué à un effet d’îlot de chaleur urbain (Grize
et al., 2005).
D’après cette hypothèse environnementale, la mortalité devrait décroître
de façon linéaire du centre des villes vers les zones suburbaines et périurbaines,
la campagne présentant le niveau le plus faible. La périurbanisation exacerbe
les effets environnementaux sur la santé parce qu’elle étend l’environnement
bâti, comme l’ont observé Fan et Son (2009) dans les zones métropolitaines
des États-Unis.
En deuxième lieu, dans une perspective historique, la périurbanisation a
transformé les structures des populations locales en y insérant des populations
aux caractéristiques socioéconomiques et comportements de santé différents.
Des impacts de la migration sélective sur les différences géographiques de
santé et de mortalité ont en effet été révélés dans plusieurs pays européens
(Eggerickx et Sanderson, 2010 ; Kimbele et Janssen, 2013 ; Maguire et O’Reilly,
2015 ; Verheij et al., 1998). En Suisse, le niveau d’instruction et la situation
matrimoniale sont les deux facteurs les plus clairement liés à l’état de santé
(Burton-Jeangros, 2009). Les résultats pour la mortalité sont cohérents, puisque
les hommes de 30 ans avec un diplôme d’enseignement supérieur peuvent
espérer vivre jusqu’à 7,1 ans plus longtemps en moyenne que ceux moins
instruits ; et les mariés ont des avantages similaires sur les célibataires
(Schumacher et Vilpert, 2011 ; Spoerri et al., 2006).
Cette hypothèse structurelle conduit à prévoir que les populations qui
vivent en zone périurbaine auront un avantage en matière de santé. En effet,
les migrants vers ces zones tendent à être sélectionnés parmi les plus ins-
truits et sont – au moins quand leur migration devient effective – plus souvent
mariés que ceux qui vivent soit en centre-ville, soit à la campagne. Dans les
zones rurales, la mortalité devrait être relativement importante car les habi-
tants ont en moyenne un statut socioéconomique peu élevé. Ces hypothèses
sont toutefois plus difficiles à confirmer pour les populations des centres-
villes, la mortalité relativement élevée des personnes moins instruites nées
sur place pouvant être compensée par l’afflux d’immigrants hautement
qualifiés et/ou en bonne santé, ce qui a été observé à Montréal (Choinière,
1991).
Bien que ces deux hypothèses soient clairement distinctes, il est difficile
de démêler les deux impacts sur la mortalité : celui des changements de
composition de la population associés à la dynamique de périurbanisation

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Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

et celui de l’environnement. En décrivant les déterminants de la santé des


citadins, Vlahov et Galea (2002) ont introduit une distinction entre urbani-
sation et urbanicité, qui sont toutes deux affectées par le processus contem-

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porain de périurbanisation. L’urbanisation se réfère ici simplement à l’hypothèse
environnementale préalablement présentée. Le terme d’urbanicité traduit les
interactions et le cumul des (dés)avantages affectant la distribution spatiale
des facteurs de risque (Vlahov et Galea 2002). L’urbanicité diffère selon le
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cadre de vie local puisqu’elle est façonnée par l’agrégation spatiale des com-
portements individuels et par leurs interactions, ainsi que par des facteurs
exogènes (politiques sociales, aménagement du territoire…). Ces caractéris-
tiques collectives du lieu de vie peuvent affecter les styles de vie et la santé
de tous les résidents, indépendamment de leur statut socioéconomique
(Macintyre et al., 2002).
L’urbanicité est souvent appréhendée par les désavantages matériels de la
zone géographique, comme la médiocrité des infrastructures et des logements
qui ont une influence sur la santé (Cyril et al., 2013). Les habitants des zones
pauvres ont généralement une mortalité plus élevée, y compris en Suisse (Moser
et al., 2014). Mais ces effets contextuels sont habituellement modestes comparés
aux effets beaucoup plus importants des caractéristiques individuelles, et ils
concernent surtout les hommes (Pickett et Pearl, 2001). Néanmoins, la prise
en compte des désavantages matériels au niveau géographique permet d’expli-
quer les différences de mortalité urbaine aux États-Unis et en Angleterre-Pays
de Galles (Gartner et al., 2011 ; Singh et al., 2011).
Outre les inégalités socioéconomiques entre zones d’habitation, la distri-
bution inégale des ressources et des richesses au sein des populations d’un
même lieu est aussi associée à une mortalité plus élevée à cause du stress
psychologique que la comparaison sociale suscite chez les individus (Wilkinson,
1996). Ceci pourrait expliquer qu’une des pires situations se situe dans les
zones où pauvres et riches cohabitent. La fréquence des comportements à
risque pour la santé en matière de nutrition, tabagisme et consommation
d’alcool n’est pas seulement plus élevée dans les catégories pauvres, elle peut
aussi s’accroître quand celles-ci vivent dans des zones riches. Bien que l’effet
négatif de ces environnements inégalitaires sur la mortalité subsiste même
après la prise en compte des différences géographiques des structures de
population aux États-Unis, ce n’est pas toujours le cas ailleurs (Jen et al., 2009 ;
Subramanian et Kawachi, 2004).
L’urbanicité présente aussi des opportunités et des contraintes propres aux
villes, telles que la quantité et la qualité des équipements sanitaires et scolaires
qui, historiquement, furent la cause principale du passage d’une surmortalité
à une sous-mortalité urbaine durant la première moitié du xxe siècle (Ramiro-
Fariñas et Oris, 2016). Dans une perspective dynamique, l’émigration sélective
vers la périphérie urbaine depuis les années 1960 a laissé derrière elle les
groupes de population pauvres. Cet appauvrissement a eu un impact direct

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M. Lerch et al.

sur les recettes fiscales des villes, compromettant le maintien de l’avantage


urbain en matière de santé(3).
Cette réduction des revenus se produit lorsque les centres des villes sont

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confrontés à la plupart des « nouveaux risques sociaux » qui incluent non
seulement la précarité, le chômage structurel, la montée de l’isolement des
personnes âgées, mais aussi les nouvelles formes familiales, en particulier les
familles monoparentales qui sont associées à un risque élevé de pauvreté (Ranci,
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2010). En Finlande, la mortalité est plus élevée dans les zones urbaines carac-
térisées par une plus grande hétérogénéité des configurations familiales, même
après la prise en compte de la situation familiale des individus (Martikainen
et al., 2003). Des effets contextuels négatifs sur la santé, liés à de moindres
interactions sociales dans des environnements qui concentrent des formes
familiales non conventionnelles, sont donc probables.
Enfin, si nous considérons que l’afflux d’immigrants faiblement et haute-
ment qualifiés accroît les inégalités dans les centres urbains, il semble clair
que ces zones devraient cumuler des handicaps en matière de survie. Les taux
de mortalité les plus faibles devraient par contre se situer dans les régions
périurbaines, puisque ces zones ont des niveaux de vie relativement élevés et
des équipements de qualité, ainsi que des environnements accueillants pour
les familles (Eggerickx et al., 2002). Ces effets contextuels peuvent jouer dans
des directions opposées dans les zones rurales : les désavantages matériels
peuvent être plus profonds, mais les inégalités locales tendent à y être moindres
qu’au centre des villes.
En résumé, les effets environnementaux de l’urbanisation devraient conduire
à une surmortalité dans les villes. Mais les hypothèses structurelles et contex-
tuelles amènent à envisager un gradient spatial de mortalité plus différencié.
On s’attend à ce que les niveaux de mortalité les plus élevés soient dans les
centres-villes, les plus faibles dans les ceintures des agglomérations, et soient
relativement élevés dans les zones rurales.

II. Données, définitions et méthodes

1. Démarche d’analyse et données


À partir des tendances et des gradients urbains de la mortalité observés
entre 1969 et 2002 au niveau national et au niveau des agglomérations, nous
étudions les liens avec les processus démographiques et socioéconomiques de
périurbanisation. Les données de l’Office fédéral de la statistique suisse utilisées

(3) Un cas extrême est celui de la ville de Liège, la plus peuplée de Belgique francophone. Selon les
statistiques fiscales de 1977, le rapport entre l’impôt sur les revenus des ménages et le nombre d’habi-
tants classait la ville au 6e rang des municipalités les plus riches de la province. Mais vingt ans plus
tard, Liège est tombée au 62e rang. Entretemps, la ville a fait faillite et a été contrainte de fermer de
nombreuses institutions (Eggerickx et al., 2002).

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Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

sont les suivantes : les effectifs annuels moyens de décès enregistrés par l’état
civil au cours des périodes 1969-1972, 1979-1982, 1989-1992 et 1999-2002, et
les populations exposées au risque recensées en décembre 1970, 1980, 1990

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et 2000.
Nous nous demandons ensuite dans quelle mesure le gradient urbain en
2000-2008 peut être expliqué par les conséquences socioéconomiques de la
périurbanisation, en appliquant une analyse multiniveau sur des données
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individuelles de suivi de la mortalité, et par l’utilisation de la base de données


de la Swiss National Cohort (SNC) dans laquelle 94 % des décès survenus entre
25 et 89 ans ont été couplés avec les individus dénombrés au recensement de
2000. Une combinaison de méthodes déterministes et probabilistes d’apparie-
ment a été utilisée (Bopp et al., 2008). Cette analyse inclut aussi les décès non
appariés imputés selon une technique aléatoire stratifiée(4).

2. La classification urbaine
Nous adoptons l’approche fonctionnelle de l’espace de Schuler et al. (2005)
qui repose sur les concepts d’agglomération et de zones métropolitaines (c’est-
à-dire les marchés du travail centrés sur la ville). Cette classification urbaine
s’appuie sur les données géolocalisées tirées du recensement suisse de la
population en 2000 et regroupe les municipalités situées autour des villes
officielles (soit les municipalités avec au moins 10 000 habitants) sur la base
des critères suivants : la continuité et la forme de la zone bâtie, la densité de
population, la croissance démographique et l’importance des navettes vers la
municipalité centrale de l’agglomération. Comme le montre la figure 1, le sys-
tème urbain suisse est composé de 50 agglomérations et de 5 villes isolées
situées sur un plateau le long d’un axe sud-ouest/nord-est parallèle aux Alpes
(en blanc). Les agglomérations les plus grandes sont Zürich au nord-est (avec
plus d’un million d’habitants), Genève et Bâle aux frontières sud-ouest et nord-
ouest (environ 480 000 habitants chacune), suivies par Berne, la capitale
politique au centre du pays, ainsi que Lausanne à l’ouest (plus de 300 000
habitants chacune).
Au sein de ces agglomérations, on distingue trois grandes catégories
de municipalités afin de représenter le continuum spatial urbain-rural
(figure 1) : les municipalités centrales (désignées comme centres-villes),
les municipalités suburbaines dans la première ceinture des agglomérations,
qui a commencé à être urbanisée au début du xx e siècle, et les municipalités
périurbaines ou celles à hauts revenus (désignées ici aussi comme périur-
baines), qui ont été urbanisées à partir des années 1960. Les centres-villes
sont marqués par leur place centrale d’un point de vue politique ou fonc-
tionnel. Les municipalités suburbaines sont définies en fonction de seuils
minimaux de population, de densité immobilière ainsi que d’emplois

(4) Un test a montré que ceci ne modifiait pas nos résultats.

101
M. Lerch et al.

Figure 1. Typologie urbaine des communes suisses en 2000

Centre Zürich

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Suburbain Bâle
Périurbain
Rural

Bern
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Lausanne

Genève

INED
00617

Source : Schuler et al. (2005).

locaux(5). Les municipalités périurbaines ne satisfont pas ces critères. Les


municipalités à hauts revenus sont une catégorie particulière, caractérisées
par un niveau moyen élevé d’impôt sur le revenu des personnes physiques et
situées généralement en périphérie urbaine (Schuler et al., 2005). Les zones en
dehors de ces agglomérations sont désignées comme rurales.
Pour l’analyse des tendances de la mortalité au niveau agrégé, nous avons
appliqué rétrospectivement la typologie urbaine établie en 2000 aux données
de population et de mortalité à partir de 1969. Les codes des municipalités ont
été harmonisés pour prendre en compte les regroupements administratifs
depuis 1969, selon les indications de l’office fédéral de la statistique (BFS, 2007).
Les tendances démographiques le long de ce continuum urbain-rural sur les
trois décennies d’observations sont conformes aux attentes, avec une baisse
des populations dans les centres-villes et des gains importants dans les zones
périurbaines (multiplication par 1,5 de la population, tableau 1). Cette délimi-
tation des frontières des agglomérations et des zones intra-urbaines à la fin de
la période d’observation nous permet de centrer l’analyse sur les dynamiques
démographiques et la différenciation spatiale des populations au fil du temps
au sein d’unités spatiales constantes. Il y a cependant un risque d’erreur de
classement des zones périphériques des villes dans les premières périodes
d’expansion urbaine. Toutefois, les statistiques descriptives du tableau 1 ne

(5) Les municipalités suburbaines comptent au moins 500 habitants, 40 % d’immeubles de grande
hauteur, et le rapport des individus ayant un emploi dans la zone sur l’ensemble des résidents actifs
et salariés s’élève à au moins 75 % (Schuler et al., 2005).

102
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

Tableau 1. Caractéristiques de la population classée


selon la typologie urbaine de Schuler et al., Suisse, 1970 et 2000

Centre Suburbain Périurbain Rural Total

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1970

Population 2 303 961 1 626 036 695 079 1 633 063 6 264 086
Structure par âge
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Pop. 65-89 ans / Pop. 25-64 ans 0,19 0,13 0,18 0,23 0,18
État matrimonial (%) (a)
Célibataire 14,2 9,8 11,1 14,4 12,8
Marié 70,2 79,0 77,4 73,4 74,0
Séparé/veuf 15,6 11,2 11,5 12,2 13,2
Niveau d’instruction (%) (b)

Aucun ou Secondaire 38,7 44,3 44,5 59,1 45,8


Supérieur 12,9 13,0 14,8 8,9 12,1
Nationalité (%) (b)

Étranger 18,7 20,4 14,2 10,1 16,5

2000
Population 2 145 800 2 117 604 1 066 367 1 953 695 7 283 466
Structure par âge

Pop. 65-89 ans / Pop. 25-64 ans 0,30 0,24 0,24 0,27 0,27
(a)
État matrimonial (%)

Célibataire 15,8 10,3 9,8 10,6 12,0


Marié 62,1 71,6 74,2 73,0 69,6
Séparé/veuf 22,1 18,1 16,0 16,4 18,5
(b)
Niveau d’instruction (%)

Aucun ou Secondaire 29,8 27,5 21,7 33,3 28,8


Supérieur 23,9 20,4 26,0 15,4 21,0
(b)
Nationalité (%)

Étranger 26,0 21,6 14,0 12,0 19,3


(a) Population âgée de 30-89 ans.
(b) Population âgée de 25-89 ans.
Sources : Recensements de 1970 et 2000.

confirment pas l’existence d’un tel biais en Suisse, puisque la composition par
âge et les caractéristiques socioéconomiques de la population des zones classées
périurbaines en 2000 étaient déjà plus proches des zones urbaines que des
zones rurales en 1970.
Pour l’analyse multiniveau des données individuelles de 2000-2008, les
municipalités ont été regroupées en 207 grappes spatiales de niveau supérieur.

103
M. Lerch et al.

Dans les grandes agglomérations (au moins 40 000 habitants), les grappes de
municipalités sont définies par l’agglomération et la zone intra-urbaine à laquelle
elles appartiennent. En raison du faible nombre de décès dans les zones peu

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peuplées, les grappes dans les agglomérations plus petites et dans les zones
rurales sont définies par les « régions de mobilité spatiale », qui regroupent
les municipalités selon leurs caractéristiques structurelles et leurs types de
migration pendulaire (Schuler et al., 2005). Les grappes représentant de petites
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agglomérations sont considérées comme suburbaines, alors que toutes les


régions situées en dehors des agglomérations urbaines sont considérées comme
rurales.

3. Méthodes et indicateurs
Pour chaque zone urbaine, nous avons calculé les espérances de vie à la
naissance des hommes et des femmes à partir des tables de mortalité abrégées
aux dates successives de recensement. Les écarts de chaque zone urbaine à la
moyenne nationale ont été décomposés pour 1970 et 2000 selon la contribution
des grands groupes d’âges. Nous avons utilisé la méthode développée par
Arriaga (1984, 1989), qui estime l’effet total des différences de mortalité dans
chaque groupe d’âges sur les écarts d’espérance de vie (en cumulant les années
gagnées/perdues dans chaque groupe d’âges et les années gagnées/perdues du
fait du nombre accru/diminué de survivants exposés à des conditions de mor-
talité différentes aux âges ultérieurs). Les contributions relatives des principales
causes de décès aux écarts d’espérance de vie peuvent aussi être estimées pour
2000. Nous avons utilisé la classification appliquée par l’Office fédéral de la
statistique (Kohli, 2007) qui distingue les cancers, les maladies cardiovascu-
laires, les maladies respiratoires, les morts violentes et les causes résiduelles
(dominées par les maladies des systèmes nerveux et digestifs, les troubles
mentaux et comportementaux).
Nous avons ensuite estimé des modèles de survie multiniveau afin d’étudier
les effets structurels et contextuels de la périurbanisation sur la mortalité des
individus toutes causes confondues. L’exposition des individus au risque
conditionnel annuel de mortalité débute au moment du recensement de 2000
et se termine avec le décès ou la troncature en novembre 2008 (ou l’émigration
pour les étrangers, car ils ont été appariés au registre des étrangers).
Les modèles sont estimés séparément pour deux grands groupes d’âges
(25-64 ans et 65-89 ans) pour deux raisons. D’une part, la structure de la
mortalité par cause de décès diffère selon l’âge. D’autre part, les mouvements
de population passés qui ont façonné les différences intra-urbaines dans la
composition de la population en 2000 ont créé de la sélectivité par âge (Wanner,
2005), avec des effets potentiellement contrastés sur les différences géogra-
phiques de mortalité. On peut s’attendre à ce que les mouvements des familles
et des travailleurs jeunes soient le fait de populations en meilleure santé, et
qu’ils réduisent (augmentent) donc les mesures transversales de la mortalité

104
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

dans le lieu de destination (d’origine). Aux âges avancés, la mobilité due au


veuvage et à la fragilité accrue des individus a un effet inverse. Les modèles
sont aussi stratifiés par sexe pour tenir compte des spécificités des progrès des

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femmes en matière sanitaire pendant la transition épidémiologique et de leur
moindre sensibilité aux facteurs contextuels (Pickett et Pearl, 2001).
Nous utilisons une régression logistique en temps discret avec constante
aléatoire afin que les écarts types des coefficients des variables explicatives
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tiennent bien compte du regroupement spatial des individus en grappes au


niveau des agglomérations et des zones intra-urbaines. La variance de la mor-
talité est subdivisée en variation entre les individus au sein des grappes spatiales
(e0ij) d’une part, et variation de la mortalité moyenne entre les grappes (u0j)
d’autre part.

hij(t)
logb l = b0(t) + b1x1ij + a1W1j + (u0j + e0ij),
1 – hij(t)

avec les individus i au sein des grappes de municipalités j, x1ij et W1j étant les
effets des variables individuelles et contextuelles respectivement et b0(t) étant
le risque de base de mortalité.
Par ajustement pas à pas du modèle, cette méthode nous permet aussi de
déterminer si les variations géographiques de la mortalité résultent de la dif-
férenciation socioéconomique des populations urbaines et des cadres de vie.
Un premier jeu de modèles n’inclut que l’âge de l’individu et le statut urbain
de la grappe (central, suburbain, périurbain ou rural) et fournit une mesure
non standardisée du gradient de la mortalité urbaine. Dans un deuxième jeu
de modèles, nous annulons l’effet des différences dans la structure de la popu-
lation des grappes en prenant en compte les caractéristiques socioéconomiques
des individus. Nous vérifions alors si cette standardisation abaisse le gradient
de la mortalité urbaine par rapport à celui des premiers modèles. Les structures
de population sont standardisées en fonction de l’état matrimonial (célibataire,
marié, divorcé ou veuf), la nationalité (Suisse, nationalité de l’Union européenne,
autre pays) et le niveau d’instruction en utilisant trois grandes catégories de
la Classification internationale type de l’éducation (CITE) : jusqu’à l’enseigne-
ment secondaire I ; enseignement secondaire II (apprentissage ou enseignement
général) et enseignement supérieur. Depuis 1970, les centres-villes ont une
population vieillissante et immigrée comme le révèle la forte augmentation de
la proportion des personnes âgées et des étrangers (tableau 1). Les parts de
personnes célibataires, divorcées ou peu qualifiées sont également plus impor-
tantes dans les centres-villes que dans les autres zones urbaines. Ces tendances
reflètent l’émigration sélective des centres-villes vers la périphérie urbaine
depuis les années 1960. En conséquence, depuis 1970 les zones périurbaines
ont connu un fort accroissement de la part de population avec une éducation
supérieure (le même phénomène s’observe dans les centres-villes mais s’explique
en partie par l’immigration internationale de personnes de plus en plus

105
M. Lerch et al.

­ autement qualifiées). En 2000, une part relativement élevée des personnes


h
vivant dans les zones périurbaines ou rurales sont mariées. La population des
zones rurales est vieillissante. Les campagnes ont généralement de plus faibles

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proportions d’étrangers et d’individus ayant suivi des études supérieures.
Dans un troisième jeu de modèles, des effets contextuels sont testés, four-
nissant une estimation du gradient de la mortalité urbaine standardisé à
structure démographique et cadre de vie donnés. Les variables contextuelles
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sont tirées du recensement de 2000 pour les 207 grappes de municipalités. Le


désavantage social inter-grappes est estimé par l’indice de Townsend (Townsend
et al., 1988). C’est une somme non pondérée de proportions standardisées
(z-scores) de logements privés surpeuplés (plus d’une personne par pièce), de
ménages privés non propriétaires, du taux de chômage et de la part de la
population âgée de 25 ans ou plus ayant au maximum un diplôme d’enseigne-
ment secondaire I. Un indice élevé pour une grappe donnée reflète un niveau
de désavantage socioéconomique supérieur à la moyenne. L’indicateur de
Townsend est largement utilisé et a été validé pour la Grande-Bretagne et
l’Irlande du Nord, notamment parmi la population d’âge actif (Gordon, 1995 ;
O’Reilly, 2002)(6).
En plus des différences dans le niveau de désavantage social entre grappes,
nous avons estimé l’inégalité matérielle au sein des grappes par un indice de
Gini fondé sur la distribution cumulée des populations locales en termes de
richesse. La richesse est estimée ici pour chaque individu par une somme non
pondérée des attributs inverses de ceux utilisés pour l’indice de Townsend(7).
L’indice de Gini prend des valeurs entre zéro et cent, les valeurs élevées indi-
quant une distribution de richesse plus inégale dans une grappe spatiale
donnée.
Pour rendre compte de la diversité des formes familiales, nous estimons
les différences entre grappes en utilisant un indice résumé pondéré de l’impor-
tance des catégories de ménages non traditionnels (non mariés et sans enfant)
parmi la population adulte âgée de 30 à 49 ans (les pondérations ont été esti-
mées par une analyse factorielle, voir Hermann et al., 2005). Plus le score d’une
grappe spatiale est élevé, plus la proportion de la population de cette grappe
vivant dans des ménages éloignés du modèle familial dominant est elevée. On
notera que dans une perspective comparative européenne, la Suisse a un taux

(6) Un autre indicateur de l’environnement socioéconomique des Suisses a récemment été développé
sur la base du voisinage centré sur les individus, et tenant compte des loyers plutôt que de la pro-
priété du logement (Panczak et al., 2012). Cette démarche ne permet cependant pas de décomposer
les variations de la mortalité aux niveaux contextuel et individuel, les zones spatiales n’étant pas
partagées par les individus. Nous avons conservé la variable « propriété du logement » pour permettre
la comparabilité internationale de nos résultats.
(7) Chaque individu se voit attribuer une valeur de 1 s’il vit dans un logement non surpeuplé ou dont
il est propriétaire, s’il occupe un emploi ou est inactif, et s’il a un niveau d’instruction au moins de
secondaire II. L’indice de Gini mesure la surface entre la courbe de Lorenz obtenue en représentant
le pourcentage cumulé de richesse en fonction du nombre cumulé de bénéficiaires (en commençant
par l’individu le plus pauvre) d’une part, et la ligne droite hypothétique qui supposerait une parfaite
égalité d’autre part.

106
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

élevé de cohabitation prémaritale mais un faible taux de naissances hors


mariage, ce que les chercheurs considèrent comme le reflet d’une conception
normative fortement dominante de ce que la famille doit être (Le Goff et al.,

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2005).
Des modèles ont été estimés dans la version 3.32 de MLwiN par une méthode
de Monte Carlo par chaines de Markov (MCMC ; Browne, 2003 ; Rasbash et
al., 2005). L’importance des facteurs structurels et contextuels pour la géogra-
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phie de la mortalité en Suisse est évaluée en fonction de la décroissance de la


variance entre grappes au fur et à mesure de l’introduction des variables. La
signification statistique de chaque facteur dans l’explication des différentiels
de mortalité individuelle est évaluée en jugeant de l’amélioration pas-à-pas du
modèle par le critère d’information bayésien (Bayesian Information Criterion,
BIC).

4. Tests de sensibilité
Nous avons testé différentes fonctions des effets des variables contextuelles
continues (linéaire, quadratique, et une fonction utilisant une variable binaire
pour chaque quintile) et nous avons retenu les fonctions qui donnaient les
meilleurs modèles selon le BIC. Bien que les indicateurs contextuels soient
apparus significativement corrélés entre eux (en particulier les inégalités au
sein des grappes et les différences dans le désavantage entre grappes ; r = 0,80),
ils mesurent des dimensions différentes du contexte qu’il est important de
prendre en compte quand on cherche à déterminer les effets cumulés des
désavantages. Nous avons ajusté le modèle en incluant pas-à-pas ces variables
et nous avons vérifié si des effets de confusion intervenaient. Quand c’était le
cas, les effets d’interaction entre les deux variables considérées ont été testés.
Les résultats de ce test ont montré que ces effets n’étaient pas statistiquement
significatifs ou qu’ils n’amélioraient pas la qualité des modèles (données non
présentées ici). La robustesse de nos résultats vis-à-vis de la définition des
grappes spatiales a aussi été vérifiée en appliquant les modèles sur la population
urbaine seulement, et en utilisant une classification spatiale fondée sur les
municipalités (plutôt que sur les zones urbaines). Les résultats sont restés
qualitativement les mêmes (données non présentées ici).
Comme la migration entre grappes pendant la période de suivi (2000-2008)
n’est renseignée que pour les individus décédés, nous avons dû supposer la
résidence des personnes constante dans le temps, c’est-à-dire la grappe de
résidence au moment du recensement. Cette résidence ne correspondait pas
nécessairement au lieu du décès pour les personnes âgées qui vivaient encore
de manière indépendante en 2000, puisque la majorité des décès en Suisse
surviennent en maison de retraite ou en milieu hospitalier (Hedinger et al.,
2015). Ceci ne pose pas de problème pour notre analyse car un certain temps
doit s’écouler entre l’exposition à un cadre de vie et son effet sur la mortalité.
Toutefois, le lieu de résidence au moment du recensement peut ne pas être

107
M. Lerch et al.

celui où les individus ont passé l’essentiel de leur vie. D’une part, la migration
entre zones urbaines est à l’origine de la différenciation spatiale de la population
et des cadres de vie qui peut influencer le gradient de la mortalité urbaine.

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D’autre part, la migration biaise aussi nos résultats, en particulier aux âges
avancés, puisque la mortalité est endogène à l’entrée des personnes fragiles en
établissements de soins (Jonker et al., 2013 ; Kimbele et Janssen, 2013).
Malheureusement, le recensement contient peu d’informations permettant de
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traiter ces questions (seul le lieu de résidence cinq ans auparavant est connu).
À titre de test de sensibilité, nous avons établi des modèles qui éliminaient la
mobilité récente entre grappes en prenant en compte, pour les migrants internes
(les immigrants internationaux étaient exclus), la grappe de résidence en 1995
(au lieu de 2000), qui pourrait être l’environnement socioéconomique auquel
ils ont été exposés le plus longtemps. Aux âges avancés, nous avons exclu aussi
des modèles les populations vivant en maisons de retraite ou en milieu
hospitalier.

III. Le gradient de la mortalité urbaine en Suisse, 1969-2002

Le tableau 2 montre les évolutions de l’espérance de vie à la naissance pour


chaque zone urbaine entre 1970 et 2000 (voir aussi Wanner et al., 2012). En
trois décennies, l’espérance de vie en Suisse s’est accrue de 7 ans pour les
hommes, atteignant 77,3 ans, et de 6,6 ans pour les femmes, atteignant 82,9 ans.
L’accroissement a bénéficié à toutes les zones urbaines, mais le taux d’ac-
croissement a varié, conduisant à une transformation du gradient de la mortalité
urbaine. L’analyse géographique par période, ainsi que les tendances par lieu
sur trois décennies, donnent des résultats similaires pour les hommes et les
femmes, bien que les variations soient plus marquées pour les hommes. En
1970, l’espérance de vie dans les zones rurales était autour de 1,5 an inférieure
à celle des villes. L’espérance de vie des hommes était comparable dans les
municipalités centrales, suburbaines et périurbaines (entre 70,5 et 70,8 ans).
Pour les femmes, on observait un gradient linéaire du même ordre qu’au début
du xxe siècle, l’espérance de vie la plus haute étant dans les centres-villes
(76,9 ans).
En 1970, l’avantage des hommes suburbains et periurbains, et des femmes
des centres-villes, s’expliquaient par une moindre mortalité à partir de 40 ans.
La décomposition montre un gain d’espérance de vie chez les hommes subur-
bains (de 0,25 an à 40-64 ans), periurbains (de 0,14 an), ainsi que chez les
femmes dans les centre-villes (de 0,53 an aux âges de 65 ans et plus). La sur-
mortalité des hommes dans les zones rurales provenait de taux de mortalité
plus élevés chez les enfants et les jeunes adultes (de 20 à 39 ans), principalement
dus à des maladies de l’enfance et à des morts violentes. La migration des
campagnes vers les villes chez les jeunes avant 1970 peut aussi avoir été sélec-
tive, laissant derrière elle des membres des catégories sociales plus défavorisées

108
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Tableau 2. Espérance de vie à la naissance (e0) pour les hommes et les femmes selon une classification urbaine fonctionnelle,
et contributions par âge et par cause de décès (en années) aux écarts de l’e0 à la moyenne nationale, 1969-2002
Hommes Femmes
Total (Réf.) Centre Suburbain Périurbain Rural Étendue Total (Réf.) Centre Suburbain Périurbain Rural Étendue
1970 e0 70,3 70,5 70,8* 70,7 69,3* 1,4 76,3 76,9* 76,3 76,1 75,2* 1,7
Écart à
+ 0,2 + 0,5 + 0,4 – 1,0 + 0,6 0 – 0,2 – 1,1
la moyenne-total
Décomposition par âge
0-19 ans 0,11 0,13 0,12 – 0,29 0,07 0,1 – 0,04 – 0,16
20-39 ans 0,13 0,15 – 0,02 – 0,41 – 0,02 0,04 0,03 – 0,05
40-64 ans – 0,08 0,25 0,14 – 0,19 0,07 0,05 – 0,01 – 0,18
65 ans et + 0,04 – 0,05 0,16 – 0,09 0,53 – 0,13 – 0,17 – 0,70
1980 e0 72,5 72,4 73,1* 73,0* 71,7* 1,4 79,1 79,2 79,4* 79,1 78,5* 0,9

1990 e0 74,3 73,6* 74,8* 75,3* 73,8* 1,5 81,1 80,8* 81,3 81,4 81,0 0,4

2000 e0 77,3 76,7* 77,8* 78,5* 76,8* 1,6 82,9 82,4* 83,3* 83,3* 82,9 0,4
Écart à
– 0,6 + 0,5 + 1,2 – 0,5 – 0,5 + 0,4 + 0,4 0,0
la moyenne-total
Décomposition par âge
0-19 ans – 0,01 0,03 0,12 – 0,07 0 0,01 0,03 – 0,02
20-39 ans – 0,03 0,04 0,12 – 0,09 – 0,10 0,02 0,09 0,06
40-64 ans – 0,43 0,17 0,54 – 0,06 – 0,25 0,02 0,24 0,12
65 ans et + – 0,16 0,28 0,37 – 0,28 – 0,12 0,33 0,02 – 0,18
Décomposition par cause
Cancer – 0,13 0,07 0,29 – 0,10 – 0,10 0,04 0,02 0,08
Cardiovasculaire 0 0,09 0,19 – 0,21 0,07 0,09 0,06 – 0,25
Système respiratoire 0 0,07 0,10 – 0,12 – 0,02 0,03 0,03 – 0,02
Violence 0,02 0,14 0,23 – 0,29 – 0,09 0,03 0,10 0,03
Autres causes – 0,52 0,15 0,35 0,22 – 0,33 0,19 0,17 0,13
Note :* indique un écart à la moyenne nationale significatif au seuil de 95 %.
Lecture :En 2000, les hommes dans les zones périurbaines vivent 1,2 an de plus que la moyenne nationale (78,5-77,3), parce qu’ils gagnent 0,12 année de vie grâce à une moindre
mortalité à entre 0 et 19 ans, 0,12 année entre 20 et 39 ans, 0,54 année entre 40 et 64 ans, et 0,37 année à 65 ans et plus. Pour les de causes de décès, l’écart des espérances de vie
résulte pour 0,35 an d’une moindre mortalité par cause résiduelle, pour 0,23 an par violence, pour 0,10 an par maladie du système respiratoire, pour 0,19 an par maladie cardiovasculaire,
et pour 0,29 an par cancer.
Source :Calculs des auteurs à partir des statistiques d’état civil et les recensements de population.
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

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M. Lerch et al.

qui tendent à adopter des comportements sanitaires plus à risque. Mais chez
les femmes, la mortalité aux âges avancés explique l’essentiel du désavantage
des campagnes.

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Entre 1970 et 2000, les municipalités rurales ont rattrapé leur retard, avec
des hausses d’espérance de vie de 7,5 ans pour les hommes et 7,7 ans pour les
femmes. L’espérance de vie dans les zones périurbaines a augmenté de 7,8 ans
pour les hommes et 7,2 ans pour les femmes, à comparer avec les centres-villes
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où ce gain est de 6,2 ans pour les hommes et 5,5 ans pour les femmes. En 2000,
les niveaux de mortalité dans les centres-villes sont devenus semblables ou
légèrement inférieurs à ceux des campagnes. Le gradient de mortalité intra-
urbain s’est donc élargi, en particulier entre 1980 et 1990, quand les gains en
espérance de vie ont été deux fois plus importants dans les zones périurbaines
que dans les centres-villes. Cette période correspond à la phase la plus intense
de périurbanisation, au cours de laquelle les familles des catégories supérieures
ont quitté les zones centrales.
L’espérance de vie masculine en 2000 est la plus faible dans les centres-
villes et dans les zones rurales (76,7 ans), et la plus élevée dans la zone périur-
baine (78,5 ans). Les communes suburbaines occupent une position intermédiaire.
Chez les femmes par contre, les habitants des deux zones ceintures des agglo-
mérations ont l’espérance de vie la plus élevée (83,3 ans) alors qu’elle n’est que
de 82,4 ans dans les centres-villes. Bien que les gradients urbains (1,6 an pour
les hommes et 0,4 an pour les femmes) soient statistiquement significatifs au
niveau national, ils restent faibles par rapport aux différences fondées sur des
caractéristiques individuelles comme le niveau d’instruction et l’état matrimo-
nial. La non-linéarité du gradient reflète néanmoins les différences spatiales
dans les compositions socioéconomiques des populations (tableau 1).
Les profils de la surmortalité rurale par âge et cause de décès en 2000
indiquent le rôle joué par les facteurs infrastructurels (la proximité des services
d’urgence) et suggèrent aussi des différences dans les comportements à risque.
Par comparaison à la mortalité des zones urbaines, la contribution de la popu-
lation âgée (65 ans ou plus) et des maladies cardiovasculaires, ainsi qu’un surcroît
de morts violentes et une moindre mortalité pour les causes résiduelles (chez
les hommes), sont les raisons principales de ce différentiel dans les zones rurales.
Les plus fortes mortalités masculine et féminine dans les centres-villes en
2000 concernent principalement les adultes de 40 à 64 ans, alors que ces der-
niers sont avantagés quand ils vivent dans les ceintures des agglomérations.
Cette surmortalité dans les centres-villes est attribuable aux maladies des
systèmes nerveux et digestif et aux troubles mentaux et comportementaux
(c’est-à-dire aux causes résiduelles). Inversement, les avantages propres des
ceintures des agglomérations proviennent des mêmes causes (plus les cancers
chez les hommes). Ce gradient par âge et cause de décès laisse penser que les
différences de styles de vie entre centres-villes et zones périurbaines (l’urba-
nicité) jouent un rôle important.

110
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

Afin de vérifier si la nouvelle différenciation intra-urbaine de la mortalité


est liée au processus de périurbanisation, nous avons associé graphiquement
pour chaque agglomération la différence intra-urbaine des espérances de vie

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masculines à la naissance en 2000 et une mesure simple de l’expansion urbaine
entre 1970 et 2000 (la différence moyenne entre le taux de croissance démo-
graphique intercensitaire des ceintures des agglomérations et celui de leurs
centres-villes) (figure 2). Pour accroître la robustesse des résultats, nous avons
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retranché le taux de croissance et l’espérance de vie du centre-ville des esti-


mations regroupant à la fois les zones suburbaines et périurbaines.

Figure 2. Corrélation entre la différence moyenne de croissance


démographique des ceintures des agglomérations comparées aux centres-villes
(1970-2000) et le gradient intra-urbain d’espérance de vie à la naissance
des hommes (e0) en 2000, pour les villes suisses de plus de 50 000 habitants
Écart moyen de e0 en 2000
(Suburbain et Périurbain – Centre)
5

r = 0.69 * Fribourg
4

3 Bâle
Bienne
Wil
Zürich Bern
2
Lausanne
Chur Vevey-Montreux Winterthur
Arbon-Rorschach
1 St. Gallen
Luzern Lugano
Solothurn Genève
Thun Neuchâtel
0 Schaffhausen Olten-Zofingen

Zug
Aarau
-1
Baden-Brugg
INED
00717
-2
0 5 10 15 20 25 30
Écart moyen de croissance démographique annuelle (p. 1 000),
1970-2000 (Suburbain et Périurbain – Centre)

Note : Les ceintures des agglomérations regroupent les municipalités suburbaines et périurbaines,
alors que les centres-villes correspondent à la municipalité centrale de chaque agglomération
(voir la section de données et méthodes). * significatif à 0,05.
Source : Calculs des auteurs à partir des statistiques d’état civil et des recensements de population.

Le coefficient de corrélation est positif et statistiquement significatif à 95 %


(r = 0,69*). Les villes qui ont connu la périurbanisation la plus intense dans
les décennies précédentes ont en 2000 un différentiel intra-urbain d’espérance
de vie plus important que les autres villes. Il en va de même quand nous testons
la corrélation entre la périurbanisation des agglomérations et les évolutions
des différentiels intra-urbains des espérances de vie entre 1970 et 2000
(r = 0,58*) ; les résultats sont similaires mais moins extrêmes pour les femmes
(données non présentées ici). La périurbanisation et le gradient de la mortalité
intra-urbaine sont plus significatifs dans les villes qui sont les principaux

111
M. Lerch et al.

pivots du système urbain suisse (Zurich, Bâle, Berne, Lausanne et, dans une
moindre mesure, Genève), et dans les villes qui ont connu récemment une
forte expansion (Fribourg, Bienne, Will, Winterthur et, dans une moindre

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mesure Lucerne, et Lugano ; voir Rérat et al., 2008)(8). Le différentiel des espé-
rances de vie masculines dans ces agglomérations urbaines dépasse trois ans,
soit davantage que le gradient intercantonal récent.
Des recherches supplémentaires au niveau des agglomérations montrent
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une association entre les conséquences socioéconomiques de la périurbanisa-


tion et le gradient de la mortalité intra-urbaine. Les différences d’espérance de
vie masculine à la naissance en 2000 sont en effet corrélées positivement avec
la concentration croissante, dans les ceintures des agglomérations, des indi-
vidus mariés (r = 0,59*) et des personnes avec au moins un diplôme de niveau
secondaire II (r = 0,41*) ; nous avons estimé ces grandeurs par les variations
des indices relatifs de localisation entre les recensements de 1970 et 2000(9).
Pour éviter d’éventuels biais écologiques (soit la fausse inférence de compor-
tements individuels à partir de changements démographiques observés au
niveau des populations), la section suivante examine si cette interprétation
socioéconomique du gradient de la mortalité urbaine est confirmée par une
analyse multiniveau des données de niveau individuel.

IV. Effets structurels et contextuels de la périurbanisation


sur le gradient de la mortalité urbaine

Nous avons fait figurer dans les tableaux 3 et 4 les effets de la périurbani-
sation sur le gradient de la mortalité urbaine à structures socioéconomiques
et cadres de vie donnés parmi les individus recensés en 2000, pour lesquels
le statut de survie est connu de 2000 à 2008 (les résultats apparaissent sous
forme de rapports des cotes). Les gradients de la mortalité urbaine standardisée
par âge, des hommes et des femmes d’âge actif, sont cohérents avec les estima-
tions des espérances de vie à la naissance pour 1999-2002 (tableau 3, modèle 1).
L’introduction des variables socioéconomiques améliore substantiellement la
qualité du modèle (modèle 2). Les effets de ces caractéristiques individuelles
s’accordent avec ce que nous savons des différentiels socioéconomiques de la
mortalité en Suisse. Les individus célibataires et divorcés/veufs ont une mor-
talité plus élevée, de même que ceux peu instruits. Les personnes mariées et
plus instruites – en particulier celles de niveau supérieur – présentent une
moindre mortalité. Les Suisses ont une mortalité plus élevée que les étrangers

(8) La petite ville de Zug est un cas particulier à cause de la composition spécifique de sa population.
Des avantages fiscaux ont conduit de nombreuses sociétés internationales à y établir leur siège admi-
nistratif. Un grand nombre de personnes riches vivent ainsi à Zug. L’espérance de vie dans le centre-
ville était plus élevée que dans la ceinture de l’agglomération en 1970, mais l’écart s’est réduit depuis.
(9) L’indice relatif de localisation pour les zones ceintures des agglomérations est obtenu en divisant
les proportions de population mariée/instruite par les mêmes indicateurs calculés pour l’ensemble
de l’agglomération urbaine.

112
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

venant de l’Union européenne et, plus encore, que les non-Européens. On peut
expliquer cet écart par la sélection positive des émigrants dans leur pays d’ori-
gine et qui ont de ce fait des profils sanitaires plus favorables et une moindre

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aversion face aux risques (Zufferey, 2014).
La prise en compte de ces facteurs structurels élimine partiellement le
gradient de la mortalité urbaine (comparaison du modèle 2 au modèle 1) :
l’avantage dans les zones périurbaines disparaît à la fois pour les hommes et
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les femmes, en particulier quand on prend en compte les différences de niveau


d’instruction. Toutefois, le risque de décès continue à être plus élevé dans les
centres-villes qu’en milieu rural.
Comme dans d’autre pays, les effets du cadre de vie sur la mortalité des
adultes de 25 à 64 ans apparaissent modestes par comparaison aux détermi-
nants socioéconomiques individuels (modèle 3). Ces effets contextuels sont
également plus importants pour les hommes que pour les femmes, comme le
montre le critère de qualité du modèle et la diminution de la variance spatiale
de la mortalité (comparé au modèle 2). Vivre dans une zone défavorisée est
significativement associé à une mortalité accrue des hommes, et la prise en
compte de cet effet explique entièrement la surmortalité des hommes des
centres-villes (comparaison du modèle 3 au modèle 2). La même surmortalité
chez les femmes s’explique par une plus forte hétérogénéité des configurations
familiales – même si la faiblesse du rapport des cotes appelle à la prudence
dans l’interprétation de ce résultat. L’inégalité intragrappe n’a d’impact signi-
ficatif pour aucun des deux sexes.
L’analyse prenant en compte la migration récente (en se référant pour les
migrants à leur grappe de résidence en 1995), non présentée ici, confirme
généralement ces résultats. La seule différence porte sur l’avantage en termes
de mortalité des zones périurbaines (modèle non ajusté), qui est significatif
mais plus faible pour les hommes et non significatif pour les femmes. La
migration vers la périphérie urbaine a donc bien sélectionné des individus en
meilleure santé.
Les résultats pour la population âgée (tableau 4) s’accordent moins bien
avec nos hypothèses. Les gradients de la mortalité urbaine standardisée par
âge sont moins marqués. Les hommes dans toutes les zones urbaines ont des
niveaux de mortalité significativement plus faibles que leurs homologues dans
les zones rurales (modèle 1). Toutefois, les hommes en milieu périurbain
bénéficient du plus grand avantage en termes de survie, et cet avantage est
également significatif chez les femmes. Les caractéristiques socioéconomiques
ont le même effet sur la mortalité aux âges élevés que sur la mortalité aux âges
actifs (modèle 2).
La prise en compte de ces effets structurels (variables sociodémographiques
individuelles) améliore substantiellement la qualité du modèle. Ces effets
expliquent aussi les niveaux plus bas de la mortalité masculine dans les zones
suburbaines, mais n’expliquent pas entièrement l’avantage des zones

113
M. Lerch et al.

Tableau 3. Facteurs contextuels et individuels de la mortalité par sexe,


rapports de cotes, adultes 25-64 ans, Suisse, 2000-2008

Hommes Femmes

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M1 M2 M3 M1 M2 M3
Âge
25-44 ans 0,21* 0,19* 0,19* 0,20* 0,20* 0,20*
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45-64 ans (Réf.) 1 1 1 1 1 1


Catégorie urbaine
Centre 1,11* 1,14* 1,04 1,21* 1,20* 1,08
Suburbain 0,98 1,02 1,00 1,07* 1,08* 1,03
Périurbain 0,88* 0,95 1,00 0,93* 0,98 1,01
Rural (Réf.) 1 1 1 1 1 1
État matrimonial
Célibataire 1,63* 1,63* 1,58* 1,58*
Marié-e (Réf.) 1 1 1 1
Divorcé-e, veuf-ve 1,80* 1,80* 1,68* 1,68*
Nationalité
Suisse (Réf.) 1 1 1 1
U. européenne 0,78* 0,78* 0,75* 0,74*
Non U. européenne 0,55* 0,55* 0,56* 0,56*
Niveau d’instruction
Aucune ou
secondaire I
1,38* 1,37* 1,44* 1,44*
Secondaire II (Réf.) 1 1 1 1
Supérieur 0,66* 0,66* 0,82* 0,81*
Contexte régional
Désavantage social
intergrappes
1,03* 1,00
Inégalité intragrappe 0,99 1,02
Diversité familiale
(intergrappes)
1,00 1,005*

vj 0,017* 0,010* 0,008* 0,004* 0,004* 0,003*


BIC 58 265 51 379 51 372 43 483 40 703 40 699
N personnes-années 14 725 121 14 714 796
N événements 50 177 28 040
Note : v
 j = variance géographique de la mortalité intergrappe.
Significativité statistique : * au niveau 0,05.
Source :Base de données Swiss National Cohort (recensement 2000 et état civil 2000-2008).

­ éri­urbaines pour les deux sexes : les rapports de cotes associés s’approchent
p
de l’unité mais ils restent significativement inférieurs à 1 (comparaison du
modèle 2 au modèle 1). En outre, la moindre mortalité dans les centres-villes
se transforme en surmortalité après la prise en compte des différences de niveau
d’instruction. Les gens plus instruits avec une moindre mortalité sont sur­
représentés dans la population âgée au centre des villes. Ceci peut s’expliquer

114
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

Tableau 4. Facteurs contextuels et individuels de la mortalité par sexe,


rapports de cotes, adultes 65-89 ans, Suisse, 2000-2008

Hommes Femmes

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M1 M2 M3 M1 M2 M3
Âge
65-74 ans 0,28* 0,30* 0,30* 0,21* 0,25* 0,25*
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75-89 ans (Réf.) 1 1 1 1 1 1


Catégorie urbaine
Centre 0,96* 1,03* 1,06* 0,98 1,01 1,09*
Suburbain 0,95* 1,00 1,00 0,99 1,01 1,02
Périurbain 0,88* 0,95* 0,95* 0,91* 0,96* 0,93*
Rural (Réf.) 1 1 1 1 1 1
État matrimonial
Célibataire 1,51* 1,51* 1,77* 1,76*
Marié-e (Réf.) 1 1 1 1
Divorcé-e, veuf-ve 1,48* 1,48* 1,73* 1,73*
Nationalité
Suisse (Réf.) 1 1 1 1
U. européenne 0,84* 0,84* 0,86* 0,86*
Non U. européenne 0,62* 0,62* 0,71* 0,70*
Niveau d’instruction
Aucune ou
secondaire I
1,23* 1,23* 1,21* 1,21*
Secondaire II (Réf.) 1 1 1 1
Supérieur 0,79* 0,79* 0,83* 0,83*
Contexte régional
Désavantage social
intergrappes
0,99 0,98*
Inégalité intragrappe 1,01* 1,02*
Diversité familiale
(intergrappes)
1,00 1,00

vj 0,004* 0,002* 0,002* 0,004* 0,004* 0,003*


BIC 56 001 47 271 47 274 53 837 41 838 41 830
N personnes-années 3 714 686 5 083 403
N événements 156 175 156 271
Note : v
 j = variance géographique de la mortalité intergrappe.
Significativité statistique : * au niveau 0,05.
Source :Base de données Swiss National Cohort (recensement 2000 et état civil 2000-2008).

par le processus historique de diffusion de l’enseignement supérieur des zones


centrales vers la périphérie en Suisse.
Les principales différences dans les déterminants du gradient urbain de
la mortalité aux âges avancés, comparé aux âges plus jeunes, portent sur les
effets des facteurs contextuels (tableau 4, modèle 3). Premièrement, la mor-
talité s’accroît significativement avec le niveau d’inégalités au sein des grappes

115
M. Lerch et al.

s­ patiales pour les deux sexes. Cet effet n’est pas contrecarré par des différences
locales dans la diversité des configurations familiales, qui n’affectent pas du
tout la mortalité aux âges avancés ; ni par une colinéarité avec les niveaux

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de désavantage entre grappes. Deuxièmement, le désavantage social entre
grappes ne joue un rôle significatif que pour les femmes, et il est associé à
un niveau de mortalité plus faible (et non plus élevé). Nous n’avons pas
d’explication pour ce paradoxe(10). Troisièmement, la prise en compte des
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différences de contexte chez les hommes n’explique pas la variance géogra-


phique de la mortalité et n’améliore pas la qualité du modèle (comparaison
du modèle 3 au modèle 2). Le contexte socioéconomique n’est donc pas un
facteur important de la mortalité aux âges avancés chez les hommes. Quand
les différences de cadre de vie sont prises en compte chez les femmes, le
modèle s’améliore et la variance géographique de la mortalité diminue. Le
gradient urbain s’élargit significativement : avec des caractéristiques struc-
turelles identiques et des cadres ­socioéconomiques de vie semblables, les
femmes âgées sont particulièrement vulnérables dans les centres-villes et
très protégées dans les zones périurbaines.
L’analyse de sensibilité prenant en compte la migration depuis 1995 donne
quasiment les mêmes résultats (non présentés ici). On note une seule différence
qualitative quand on exclut la population vivant en maison de retraite ou en
établissements de soins : l’inégalité intragrappe n’entraîne plus d’accroissement
significatif de la mortalité féminine. L’entrée en établissements de soins aux
âges avancés est donc particulièrement défavorable à la survie quand ces éta-
blissements sont situés dans un cadre de vie local marqué par de fortes inégalités
socioéconomiques.

V. Discussion et conclusion

Compte tenu de la diminution des taux de natalité à travers le monde, la


géographie de la mortalité joue un rôle de plus en plus important dans la
démographie urbaine. Sur la base des recensements et des statistiques d’état
civil, nous avons décrit l’évolution du gradient de mortalité entre 1969 et 2002,
en recourant à un découpage spatial cohérent des agglomérations et des zones
urbaines en Suisse. En nous appuyant sur des données exhaustives de suivi
de la mortalité au niveau individuel, nous avons ensuite cherché à vérifier si
les conséquences socioéconomiques de la périurbanisation pouvaient expliquer
le gradient urbain en 2000-2008.

(10) Ceci peut être dû à l’intervalle qui doit séparer l’exposition aux effets physiologiques et le décès
aux âges avancés. C’est pourquoi nous nous sommes demandés si les désavantages des zones en
1970, 1980 ou 1990 avaient un impact négatif indépendant sur la mortalité, ou si l’amélioration ou
la détérioration du classement des zones sur ce point au long des 30 dernières années affectait le
phénomène. Nous n’avons pu confirmer aucune de ces deux hypothèses (résultats non présentés ici).

116
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

L’éventail des niveaux de l’espérance de vie le long du continuum urbain-


rural ne s’est pas élargi de façon substantielle depuis 1969, car une baisse de
la mortalité a aussi été observée dans les zones rurales. Mais une différenciation

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intra-urbaine est apparue depuis les années 1980, lorsque la périurbanisation
est devenue la forme dominante de résidence dans les villes suisses. La géo-
graphie de la mortalité est passée d’une époque où les villes bénéficiaient d’un
avantage sur les zones rurales au début du xxe siècle à un gradient non linéaire
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sur le continuum urbain dans les années 2000. Nos résultats montrent que la
mortalité est désormais plus élevée en centres-villes et à la campagne que dans
les zones de ceintures des agglomérations urbaines, comme c’est le cas en
Belgique et au Canada (Eggerickx et Sanderson, 2010 ; Ostry, 2009). Ces résul-
tats contredisent l’hypothèse environnementale, qui stipulerait une plus faible
mortalité dans les zones rurales.
La surmortalité des zones rurales se concentre sur la population âgée, en
particulier en 2000, et est due principalement aux décès par accidents et mala-
dies cardiovasculaires. Ces types de décès suggèrent que la proximité des
services d’urgences joue un rôle (Lopez-Rios et al., 1992). Les maladies car-
diovasculaires peuvent être en outre reliées à des comportements sanitaires à
risques. Dans les milieux urbains, le gradient de mortalité entre les zones
périurbaines et les centres-villes est maximal pour les hommes. Il provient
principalement des taux de mortalité différentiels entre 40 et 64 ans et est dû
aux maladies des systèmes nerveux et digestif, aux troubles mentaux et com-
portementaux ainsi qu’aux cancers. Ces résultats indiquent l’existence de styles
de vie spécifiques parmi la population des centres-villes, par comparaison à
celle des zones périurbaines. L’argument selon lequel cette différenciation de
l’urbanicité s’expliquerait par l’émigration sélective des centres vers la périphérie
urbaine est confirmé par nos observations au niveau des villes : le gradient de
mortalité est plus important dans les agglomérations qui ont connu des niveaux
plus élevés d’expansion urbaine et de redistribution spatiale de la population
en fonction de caractéristiques socioéconomiques.
Le rôle des conséquences socioéconomiques de la périurbanisation est
confirmé dans l’analyse multiniveau à partir de données individuelles, et il
explique entièrement le gradient urbain chez les adultes d’âge actif en 2000-
2008. La moindre mortalité des zones périurbaines reflète la concentration
spatiale de personnes très instruites et de familles. Nous avons aussi fait
apparaître une sélection des migrants en bonne santé en direction de la péri-
phérie urbaine. À l’inverse, la surmortalité des centres-villes peut être attribuée
au cadre de vie, à ses désavantages socioéconomiques chez les hommes et (dans
une moindre mesure) à une plus grande diversité des formes familiales chez
les femmes.
Le cadre de vie joue davantage sur les niveaux de mortalité des hommes
que des femmes. En outre, les effets contextuels propres à chaque sexe sont
conformes à des observations déjà effectuées pour la Suisse, selon lesquelles

117
M. Lerch et al.

le revenu affecte la santé des hommes plus que celle des femmes, alors que les
dimensions sociales sont plus importantes pour le bien-être physique et mental
des femmes que des hommes (Burton-Jeangros, 2009). Le fait que le lien soit

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plus fort entre la mortalité et le contexte social (plutôt qu’économique) chez
les femmes renforce l’idée que celles-ci sont à un stade plus avancé de la tran-
sition épidémiologique que les hommes. Autre différence entre les gradients
de mortalité masculin et féminin : l’espérance de vie des femmes n’est pas plus
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faible dans les banlieues que dans les zones périurbaines. Ceci pourrait indi-
quer un effet négatif chez les hommes de la classe ouvrière, qui ont été davantage
exposés que les femmes dans le passé à un environnement dommageable à la
santé sur leur lieu de travail, notamment dans les industries suburbaines.
Ces résultats suggèrent que la composition socioéconomique des popula-
tions et les lieux de vie participent à la différenciation des comportements
sanitaires en ville, et conduisent en fin de compte au gradient de mortalité
observé. L’absence de différences urbaines-rurales des états de santé actuelle-
ment observés dans les enquêtes suisses (Heeb et al., 2011) ne met pas néces-
sairement en cause cette interprétation. Des différentiels intra-urbains de
comportements (reproduisant le gradient de mortalité non linéaire observé
dans cet article) peuvent brouiller la comparaison dichotomique entre zones
urbaines et rurales. En outre, la mortalité actuelle résulte de comportements
des cohortes dans les décennies passées, qui n’ont pas été couverts par les
enquêtes de santé.
Le gradient de mortalité urbaine pour les populations âgées résulte d’un
ensemble de causes plus complexe. L’importance du contexte socioéconomique
pour la mortalité des femmes âgées, mais pas des hommes, peut s’expliquer
par la plus forte prévalence du veuvage chez les premières. Perdre le soutien
émotionnel du mari peut accentuer le rôle du contexte(11). Comme les femmes
vivent plus longtemps que les hommes, elles peuvent aussi être moins sélec-
tionnées aux âges avancés et constituer ainsi un groupe plus hétérogène,
davantage sujet aux influences contextuelles. Bien que nos analyses de sensi-
bilité confirment que la mortalité féminine dans les zones désavantagées est
étonnamment faible, la possibilité de biais liés à la migration avant 1995 ne
peut pas être exclue. Le lieu de résidence d’une personne âgée n’est pas forcé-
ment représentatif du lieu dans lequel elle a passé la majeure partie de sa vie.
La personne peut avoir migré pendant sa retraite ou pour faire face à l’aggra-
vation de sa fragilité. Il se peut aussi que l’indice de Townsend ne reflète pas
correctement le cadre de vie matériel des personnes âgées, comme l’a montré
O’Reilly (2002) en Irlande du Nord. Enfin, le résultat le plus inattendu chez
les personnes âgées est que la prise en compte de la différenciation spatiale de
la population et des cadres de vie n’explique pas une part importante de leur

(11) La perte du soutien économique pourrait aussi être envisagée. Mais alors que la pauvreté des
veuves était un sujet de débat public et mesurée empiriquement à la fin du xxe siècle en Suisse, cette
relation a disparu au début du xxie siècle suite à une réforme du régime des retraites favorable aux
veuves (Gabriel et al., 2015).

118
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

gradient de mortalité urbaine. Ce gradient se rattache donc sans doute à des


facteurs autres que ceux de la vie urbaine.
Des différences de mortalité aux âges avancés pourraient s’expliquer par

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des différences de comportement et d’état de santé qui ne s’accordent pas avec
le statut socioéconomique, comme House et al. (2000) l’ont montré pour les
États-Unis. La surmortalité résiduelle dans les centres-villes et l’avantage dont
bénéficient les zones périurbaines peuvent aussi indiquer l’importance des
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effets environnementaux de l’urbanisation. Les personnes âgées souffrant


d’affections chroniques sont particulièrement vulnérables à des effets comme
la chaleur (Grize et al., 2005). Au total, nos résultats pour la mortalité aux âges
avancés posent plus de questions qu’ils n’offrent de réponses. Davantage de
recherches sont nécessaires sur la vulnérabilité des populations âgées dans
des environnements densément bâtis.
Dans le même temps, les résultats pour la population d’âge actif indiquent
clairement que la périurbanisation a joué un rôle dans la réémergence histo-
rique d’une surmortalité urbaine aux stades avancés de l’urbanisation. Bien
qu’on ait montré que la longévité variait davantage au sein de certaines agglo-
mérations qu’elle ne le faisait entre les cantons suisses en 2000, les facteurs
sous-jacents ne sont pas les mêmes que ceux des premières phases de la tran-
sition épidémiologique. Le stress environnemental lié à la surpopulation dans
les villes était la première cause de surmortalité autrefois, alors que le désa-
vantage récent provient principalement de la différenciation spatiale de la vie
urbaine.
C’est pourquoi les formes continuellement changeantes de l’urbanisation
ont de l’importance. De grands centres métropolitains aux États-Unis et en
Europe occidentale ont récemment connu une renaissance démographique
due à divers facteurs, dont la réhabilitation de quartiers pauvres par l’arrivée
de populations favorisées (gentrification), l’allongement des étapes du parcours
de vie et la concentration spatiale d’une économie de services hautement spé-
cialisée (Buzar et al., 2007 ; Guest et Brown, 2005 ; Kabisch et Haase, 2011).
Certains gradients urbains de mortalité ont même été inversés aux États-Unis,
la mortalité étant maintenant plus faible au centre des métropoles que dans
les zones ceintures des agglomérations ou dans les petites villes (Cosby et al.,
2008 ; Singh et al., 2012). Étant donné les signes démographiques récents (mais
discrets) d’un renouveau urbain en Suisse (Rérat, 2012), on peut s’attendre à
ce que le gradient de mortalité urbaine dans le pays se modifie à l’avenir par
le jeu des effets structurels et contextuels des mouvements de populations. Les
recherches à venir devront nous permettre une meilleure compréhension des
effets indépendants des flux migratoires – migration interne et mobilité inter-
nationale – qui sélectionnent des sous-groupes de population en plus ou moins
bonne santé en fonction de l’âge. En éclairant la complexité de ces évolutions
liées à la mobilité, il peut être envisagé d’élaborer des mesures sanitaires pré-
ventives sur le plan territorial.

119
M. Lerch et al.

Remerciements : Nous avons bénéficié du soutien de l’IP213 du Pôle national de


recherche LIVES- « Surmonter la vulnérabilité : Perspective du parcours de vie »,
financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. Nous remercions

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aussi l’Office fédéral suisse de la statistique et la Swiss National Cohort pour l’accès
aux données.
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Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en Suisse

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Références
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Mathias Lerch, Michel Oris et Philippe Wanner, pour la Swiss National Cohort •
Périurbanisation et transformation du gradient de la mortalité urbaine en
Suisse

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Alors que les différences régionales d’espérance de vie se sont estompées en Suisse, quels sont les effets de
la périurbanisation sur la géographie de la mortalité ? À partir des données de l’état civil et des recensements,
on observe un accroissement des différentiels intra-urbains de mortalité depuis 1980, en particulier dans les
villes les plus grandes ou qui se sont récemment étendues. Un gradient non linéaire émerge : l’espérance de
vie est plus faible dans les centres-villes et les zones rurales que dans la ceinture des agglomérations urbaines.
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Les profils de mortalité par âge et cause suggèrent que cela tient à la fois aux styles de vie propres aux popu-
lations des centres-villes et à la concentration spatiale des groupes défavorisés. Pour la mortalité entre 20 et
64 ans, un modèle multiniveau appliqué à des données de mortalité couplées aux recensements montre que
la moindre mortalité observée dans les zones périurbaines résulte de la concentration d’individus très instruits
et de familles. À l’inverse, la surmortalité des 20-64 ans dans les centres-villes reflète des désavantages matériels
et sociaux. Cependant, ces conséquences socioéconomiques de la périurbanisation ne suffisent pas à rendre
compte du gradient de la mortalité urbaine observé chez les personnes âgées.

Mathias Lerch, Michel Oris and Philippe Wanner, for the Swiss National Cohort •
Periurbanization and the Transformation of the Urban Mortality Gradient in
Switzerland
While regional differences in life expectancy have flattened out in Switzerland, we investigate the effect of
periurbanization on the geography of mortality. Using data from vital statistics and censuses, we find an
increasing intra-urban differentiation of mortality since 1980, especially in the largest and most recently
sprawling cities. A non-linear gradient, in which life expectancy is lower in city centres and rural areas than in
urban agglomeration belts, has emerged. Age- and cause-specific mortality profiles suggest that lifestyles
specific to the population of the city centres and related to the spatial concentration of disadvantaged groups
play a dominant role in shaping this pattern. Considering mortality at ages 20-64, a multilevel model applied
to census-linked mortality data shows how the mortality advantage observed in periurban areas can be
explained by a concentration of highly educated individuals and of families. Excess mortality at ages 20-64 in
city centres, by contrast, arises from more deprived material and social living environments. However, these
socioeconomic consequences of periurbanization fail to account for the urban mortality gradient observed
among older people.

Mathias Lerch, Michel Oris y Philippe Wanner, para el Swiss National Cohort •
Peri - urbanización y transformación del gradiente de la mortalidad urbana en
Suiza
Mientras que las diferencias regionales de mortalidad en Suiza han prácticamente desaparecido ¿qué efectos
produce la peri-urbanización sobre la geografía de la mortalidad? A partir de datos del estado civil y de los
censos, se observa un aumento de los diferenciales intra-urbanos de mortalidad desde 1980, particularmente
en las ciudades más grandes o en las que han crecido recientemente. El gradiente que aparece no es linear: la
esperanza de vida es más baja en el centro de las ciudades y en las zonas rurales que en la cintura de las aglo-
meraciones urbanas. Los perfiles de mortalidad por edad y causa sugieren que este fenómeno se debe tanto
a los estilos de vida propios a los residentes del centro de las ciudades como a la concentración espacial de los
grupos desfavorecidos. Un modelo multinivel aplicado a los datos de la mortalidad a 20-64 años asociados a
los censos, muestra que la menor mortalidad observada en las zonas periurbanas se debe a la concentración
de individuos muy instruidos y de familias. Por el contrario, la mortalidad excesiva de los 20-64 anos en el
centro de las ciudades refleja desventajas materiales y sociales. Sin embargo, las consecuencias socioeconómicas
de la peri-urbanización no son suficientes para explicar el gradiente de la mortalidad urbana observado en
las personas mayores.

Mots-clés :mortalité urbaine, gradient de mortalité, urbanisation, périurbanisation,


urbanicité, analyse multiniveau, Suisse.
Keywords:urban mortality, urbanization, periurbanization, urban living, multilevel
analysis, Switzerland.
Traduit par Patrick Festy.

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