Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Tristan Garcia-Fons
2013/1 n° 88 | pages 15 à 20
ISSN 2101-6046
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-
adolescence-2013-1-page-15.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
© Érès | Téléchargé le 02/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 90.83.146.57)
c’est-à-dire à se faire coller une étiquette identitaire, qui peut aller jusqu’au
diagnostic psychiatrique. Tout le monde, et en particulier les enfants et
adolescents, peut se voir aujourd’hui épinglé dans la « novlangue » classifi-
catoire du dsm – la classification des maladies mentales élaborée par l’asso-
ciation des psychiatres des États-Unis, aujourd’hui hégémonique 2 – qui
réduit les sujets à leurs comportements, à la surface apparente de leurs
comportements, et identifie comme anomalique tout individu hors norme
susceptible dès lors, de bénéficier d’un traitement psychotrope ou
comportemental.
Si l’adolescent cherche à se construire en évoluant de place en place, au
gré des expériences et des rencontres, voire des conflits avec des adultes
amenés à incarner des fonctions symboliques, il doit actuellement se
confronter à cette idéologie de réduction imaginaire des sujets qui se déploie
partout avec sa folie diagnostique et évaluatrice, qui a envahi l’école, en
particulier. La langue de l’évaluation constitue un dispositif de gouverne-
ment des consciences qui cherche à modeler les conduites, et à formater la
pensée. Un homme fonctionnel, transformé en robot procédural, se substi-
tue au sujet désirant, créatif. Et les guides de « bonnes conduites » préconi-
sés par les conférences de consensus, rabattent la complexité de la praxis sur
des procédures uniques désincarnées. L’évaluation avec ses protocoles et ses
patterns comportementaux, produit des sujets non divisés, indifférenciés,
sans complexité ni profondeur. La société des identités fixes et du désaveu
de la limite, de l’illusion de l’illimité (c’est le cas des forfaits dits « tout
compris illimités »), à défaut d’ouvrir à la construction subjective et à l’éta-
blissement du lien collectif, propose des egos, des identités de suppléance
pour tous. Autant d’identifiants réducteurs qui fournissent des prédictions,
voire des destins pour l’adolescent. Certaines de ces nominations valent
parfois comme de véritables malédictions ; en particulier, la prédiction d’un
destin de délinquant, pour l’adolescent coupable désigné de toutes les trans-
© Érès | Téléchargé le 02/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 90.83.146.57)
3. M. Foucault, « Dits et écrits 1984 », Des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales,
14 mars 1967), Architecture, mouvement, continuité, n° 5, octobre 1984.
Trouver un interlocuteur ?
© Érès | Téléchargé le 02/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 90.83.146.57)