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Caroline Rolland-Diamond
Dans Communications 2020/2 (n° 107), pages 131 à 145
Éditions Le Seuil
ISSN 0588-8018
ISBN 9782021442540
DOI 10.3917/commu.107.0131
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James Baldwin, La Prochaine Fois, le feu,
Paris, Gallimard, 2018 [1963], p. 42
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La question raciale pendant la présidence Obama a fait l’objet de l’atten-
tion soutenue de nombreux chercheurs, soucieux d’insister sur l’ampleur des
inégalités raciales persistantes et sur la nécessité d’une nouvelle forme de lutte
antiraciste6. S’inscrivant dans la veine des travaux d’Eduardo Bonilla Silva
dans Racism without Racists7 et de David Theo Goldberg, le présent article
entend démêler l’écheveau des diverses manifestations de racisme aux États-
Unis pendant les années Obama et Trump pour montrer comment, en dépit du
caractère historique de l’élection du premier président noir, ces expressions
récentes traduisent une évolution longue de la relation entre racisme et racia-
lisme dans ce pays.
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qui allait être élu président au panthéon des grandes figures du mouvement des
droits civiques, aux côtés de Rosa Parks et Martin Luther King. Obama lui-même
a entretenu cette filiation pendant la campagne. Répétant à l’envi qu’il avait
grandi avec le récit que sa mère lui faisait des hauts faits du mouvement des
droits civiques dans le Sud, Obama présentait sa candidature comme l’une de
ces étapes majeures, une de ces victoires des premières fois, telles la première
fois qu’un Noir a été élu au Congrès, la première fois qu’un joueur de baseball
noir a été recruté dans une équipe de la Major League, ou encore la première
fois qu’un Africain-Américain est devenu juge à la Cour suprême. Avec lui,
l’obstacle ultime serait enfin levé : celui de l’entrée à la Maison-Blanche.
Efficace sur le plan de la campagne électorale, la revendication de cet
héritage permettait aussi de rappeler à l’opinion publique l’ampleur des progrès
réalisés depuis l’ère de la ségrégation. Cette époque s’était achevée dans le sud
des États-Unis avec l’adoption par le Congrès américain, au terme de décen-
nies de lutte héroïque mêlant désobéissance civile, résistance non-violente et
appel au sens moral de la nation, du Civil Rights Act de 1964, interdisant la
ségrégation raciale, et du Voting Rights Act de 1965 redonnant aux électeurs
africains-américains le droit de vote dont ils avaient été privés depuis le dernier
tiers du xixe siècle. Après l’adoption de quelques grandes lois complémentaires,
notamment celle de 1968 interdisant la discrimination raciale dans le logement,
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la nation avait enfin paru libérée des derniers obstacles à l’égalité de droit entre
citoyens américains de toutes origines9.
Certes, dans les années 1960 et 1970, le mouvement du Black Power avait
séduit massivement les jeunes Noirs des grandes villes du Nord et de l’Ouest par
ses mots d’ordre de fierté et de respect et par sa dénonciation de la persistance
d’un racisme structurel touchant l’ensemble des institutions, de l’éducation à
la police en passant par le système judiciaire, le système de santé et le gou-
vernement10. Mais cette critique radicale des institutions avait progressivement
disparu du paysage politique américain sous le triple effet de la répression des
groupes phares du mouvement tels que le Black Panther Party au début des
années 1970, de la montée du conservatisme politique marquée par la domina-
tion idéologique du parti républicain, et de l’émergence d’une classe moyenne
noire. Le développement de cette dernière semblait en effet prouver qu’il était
désormais possible pour quiconque s’en donnait les moyens (par la formation, le
travail et une conduite morale) de jouir de la mobilité sociale au cœur du rêve
américain. Selon cette logique, la persistance de fortes inégalités raciales dans
la société étatsunienne s’expliquait essentiellement par des facteurs culturels.
Obama, très versé en histoire africaine-américaine, s’est forgé politique-
ment au contact de ces deux traditions de mobilisation, la première, héritée
du mouvement des droits civiques, revendiquant l’inclusion des Noirs dans la
société au nom de l’égalité de tous les Américains sans considération de race,
et la deuxième mettant l’accent sur la nécessité du respect de la diversité et
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depuis les guerres culturelles des années Reagan et Bush, Obama fonda sa
carrière politique sur sa capacité à séduire un électorat multiracial et multi-
culturel. Rassurant les Blancs progressistes par l’importance qu’il accordait
à la méritocratie et aux politiques universalistes, il attirait aussi les minori-
tés par son discours de progrès social célébrant la diversité de la population
américaine et par son appel à prendre en compte les inégalités persistantes
en termes de « chances de vie ». Mais quand il s’adressait à un auditoire spé-
cifiquement africain-américain, Obama incluait aussi un message mettant en
avant la responsabilité individuelle, l’éducation, l’effort, le travail et la moralité
comme conditions nécessaires à l’élévation sociale, dans la lignée d’une tra-
dition conservatrice africaine-américaine défendue par des éducateurs et des
dirigeants d’Églises depuis le dernier tiers du xixe siècle12.
Son ascension politique, depuis la faculté de droit de l’université Harvard
jusqu’au sénat de l’Illinois puis à l’investiture démocrate pour la présiden-
tielle et enfin à la Maison-Blanche, se voulait l’illustration du rêve américain.
Célébrée par le camp démocrate qui y voyait l’incarnation du progressisme
racial défendu par le parti de Kennedy et Johnson depuis les années 1960, la
carrière d’Obama confortait également l’idéologie dominante, chère aux républi-
cains modérés, selon laquelle la fin des lois ségrégationnistes avait recréé les
conditions d’une véritable égalité des chances. L’accession d’Obama aux plus
hautes responsabilités prouvait, aux yeux de ces derniers, que les programmes
d’aide sociale prenant en compte le facteur racial n’avaient plus lieu d’être.
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Pendant tout son premier mandat, Barack Obama multiplia les efforts pour
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se défaire du poids de la question raciale. Après avoir été contraint, pendant la
campagne, d’aborder le sujet et de rappeler son attachement à l’universalisme
lors de la polémique sur les propos de son ancien pasteur Jeremiah Wright, il
devint par la suite le président démocrate qui aborda le moins les questions
raciales. Surtout, du sauvetage de l’économie à la réforme de l’assurance mala-
die en passant par sa politique éducative, il s’efforça de mener des politiques
publiques colorblind. Certes, par la voix de son Attorney General, l’Africain-
Américain Eric Holder, il engagea timidement son administration sur la voie
de la réforme d’un système judiciaire caractérisé par de fortes discriminations
à l’encontre de la population noire, mais l’ensemble de son action était telle-
ment soucieuse de neutralité que leur déception ne tarda pas à se manifester.
L’électorat noir savait pertinemment que la structure du fédéralisme américain
limitait les capacités d’action du chef de l’exécutif et que les démocrates avaient
perdu la majorité à la Chambre des représentants dès 2010. Cependant, l’élec-
tion d’Obama avait malgré tout suscité chez les Africains-Américains l’espoir
d’une prise en compte inédite de l’ampleur des discriminations et inégalités
raciales persistantes, espoir qui fut largement déçu.
En dépit de toutes les précautions prises par le président Obama pour ne
pas être vu comme le « président noir » et encore moins comme le « président
des Noirs », sa présidence fut marquée à la fois par un retour en force des
manifestations ouvertes de racisme d’une violence inédite depuis l’époque de
Jim Crow, et par l’explosion d’expressions de ce que David Theo Goldberg
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formation du discours politique et public. Depuis la fin des années 1960 et le
démantèlement de l’édifice juridique raciste du Sud, il était devenu politique-
ment intenable de proférer des insultes fondées sur la couleur de peau ou sur des
traits physiques jugés comme caractéristiques de la population noire. En 1968,
le ségrégationniste notoire George Wallace, ancien gouverneur de l’Alabama
et candidat à la présidence, avait attiré de nombreux suffrages de Blancs en
colère face à la disparition en cours de leur modèle social et politique fondé
sur la suprématie blanche ; mais pour la majorité de la population, les com-
mentaires racistes qui avaient rendu Wallace célèbre appartenaient à un âge
révolu, décrédibilisé par les victoires du mouvement des droits civiques et par
la célébration de la diversité du pays dans le sillage des mouvements de fierté
raciale de l’ère du Black Power.
Soucieux de concevoir une stratégie électorale susceptible de les ramener
au pouvoir de manière durable, les républicains s’étaient alors réinventés en
champions de la « majorité silencieuse » sous la direction de Richard Nixon
et de Ronald Reagan. Depuis cette période, les critiques visant les Africains-
Américains avaient perdu leur fondement racialiste. En lieu et place de
commentaires sur la « race », ces attaques étaient désormais présentées comme
une défense de « la loi et l’ordre » face à une criminalité rampante supposée
dans les ghettos noirs, de la méritocratie contre les programmes d’affirmative
action, ou comme une dénonciation des abus du système de protection sociale,
dans la lignée des analyses du sociologue Daniel Patrick Moynihan qui avait
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dont ils devaient pourtant assumer le coût financier20.
Face à l’accaparement du discours victimaire par les Américains blancs,
toute personne noire osant parler de discrimination était désormais accusée de
jouer la « carte raciale » à son propre avantage. Dans une société proclamée
colorblind et méritocratique, il n’y avait plus de place pour une dénonciation
d’un racisme structurel. Pour la majorité des Américains blancs, les Noirs
s’efforçant de dénoncer des inégalités « raciales » systémiques déchiraient la
nation en ravivant des accusations typiques de la fin du xixe siècle jusqu’aux
années 1960 mais révolues depuis plus d’un demi-siècle. Ce faisant, les Noirs
s’insurgeant contre le « racisme » d’une société américaine toujours dominée par
les Blancs et profondément inégalitaire se rendaient eux-mêmes coupables du
mal qu’ils souhaitaient éradiquer par la simple mention de la « race » comme
facteur déterminant de l’existence. En fondant racisme et racialisme en un seul
et unique phénomène, les Américains blancs réduisirent le racisme au fait
d’individus marginaux non représentatifs de la société américaine et morale-
ment condamnables. Comme l’explique David Theo Goldberg, le racisme était
désormais « réduit dans sa singularité supposée à l’invocation de la race, et
non à ses effets structurels débilitants ou à l’héritage de ses impacts injustes
permanents21 ».
Ainsi, sous Obama, tandis que les attaques se fondant sur la couleur de
la peau d’un individu particulier, y compris le président, étaient largement
dénoncées par l’opinion publique, celles indirectes, faites sans mention de race
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Une telle situation a posé des défis nouveaux pour l’antiracisme sous la
présidence Obama. Alors que ce dernier impose, pour être efficace, de connaître
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le passé afin de pouvoir en mesurer le poids présent et de relier les inégalités
actuelles à leurs origines, l’assimilation contemporaine entre racisme et racia-
lisme suppose un effacement total de la race22. L’idée dominante dans l’opinion
publique était qu’il était temps de passer à autre chose, d’arrêter de parler des
questions raciales, d’oublier le passé, et ce, d’autant plus qu’il y avait désormais
un président noir à la Maison-Blanche, preuve que les obstacles à l’égalité
raciale étaient définitivement levés.
Obama lui-même, dont l’objectif politique était de dépasser les clivages
raciaux et partisans, a fait le choix, tout au long de son mandat, de ne pas
répondre directement aux attaques dont il faisait l’objet en dénonçant leur
racisme. Tournant en dérision les rumeurs comme celles concernant sa religion
ou sa nationalité, il préféra démonter les préjugés racistes en incarnant à la
perfection ce que l’historienne Evelyn Higginbotham a appelé la « politique
de la respectabilité23 ». Cette stratégie utilisée de longue date par les Noirs
américains pour se faire accepter en tant qu’égaux dans la société américaine,
en effaçant autant que possible leur identité raciale, a été remise au goût du jour
par la famille Obama à la Maison-Blanche : offrant l’image de la famille idéale
au comportement irréprochable, les Obama démontraient au jour le jour qu’il
était possible d’être noir et président, sans convaincre une partie des Américains
qui ne se remirent jamais d’avoir un Africain-Américain dans le Bureau ovale.
Ce choix d’Obama de ne pas ouvertement dénoncer le racisme s’expliquait
aussi par sa volonté de ne pas attiser les tensions raciales en restant au-dessus
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système judiciaire ; d’autre part, il alimenta un retour de bâton conservateur et
accrut la polarisation politique du pays sur cette question centrale de la « race ».
Un an après l’affaire Trayvon Martin, le développement du mouvement Black
Lives Matter après l’assassinat de Michael Brown par la police à Ferguson
dans le Missouri à l’été 2014 est à lire dans cette optique. Rendant public
un problème affectant de longue date la communauté africaine-américaine, le
mouvement de mobilisation autour de la mort du jeune homme et l’explosion
de colère qui l’accompagna galvanisèrent une grande partie de la population
africaine-américaine. Revinrent alors dans le débat public des discussions qui
avaient disparu depuis la fin du Black Power sur le manque de pouvoir politique
des Noirs dans une banlieue comme Ferguson dont ils constituaient pourtant
la majorité de la population ; sur la vision des jeunes Noirs par les forces de
l’ordre et la société en général ; sur les multiples inégalités de traitement ; sur
les violences policières et sur les injustices du système judiciaire. L’ampleur
prise par le mouvement Black Lives Matter dans les mois et années qui suivirent,
renforcée à chaque fois qu’un nouveau nom de victime africaine-américaine
venait s’ajouter à la liste des personnes tombées aux mains des forces de police,
laissa un temps penser que l’Amérique prenait enfin conscience du problème
du racisme institutionnel et était prête à s’y attaquer.
Toutefois, la radicalité du discours des militants et militantes du mouvement,
la violence urbaine qui l’accompagna à Baltimore par exemple, et le problème
d’un slogan soulignant uniquement l’humanité des Noirs en négligeant le sort
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Une brève trêve fut décrétée au moment de la fusillade de Charleston par un
partisan du nationalisme blanc qui fit neuf morts dans une église baptiste noire
en juin 2015. L’éloge funèbre prononcé par Obama fut bien reçu par l’opinion
publique, y compris dans les rangs conservateurs, qui salua le chant a capella
de l’hymne Amazing Grace par Obama. Mais, en dernière analyse, l’événement
tragique servit à confirmer le discours devenu dominant selon lequel le racisme
se limitait aux faits et gestes de personnalités extrémistes et marginales et que
toute autre forme de racisme n’existait pas. Une personnalité montante en par-
ticulier excellait dans cet art du déni du racisme : Donald Trump.
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propos et d’inciter les groupes nationalistes blancs à passer à l’acte.
Le rassemblement « Unite the Right » qui s’est tenu à Charlottesville en
Virginie à l’été 2017 et qui regroupa des suprémacistes blancs, des nationa-
listes blancs, des membres de l’alt-right et des néonazis pour protester contre
le retrait de la statue de Robert Lee, général confédéré pendant la guerre de
Sécession, en est un exemple. Du fait de son message de célébration d’un héros
de la lutte pour le maintien de l’esclavage, ce rassemblement suscita une vaste
opposition des milieux antiracistes qui se solda par des affrontements violents,
la mort d’une manifestante et 19 blessés.
Face à ces événements, Trump s’est exprimé en trois temps. Il commença
par condamner les violences dans les deux camps. « Nous condamnons dans
les termes les plus forts ces démonstrations flagrantes de haine, de sectarisme
et de violence de tous les côtés, de nombreux côtés », déclara-t‑il. Puis, devant
les critiques qui s’élevèrent pour l’équivalence qu’il avait établie entre la droite
raciste américaine et les militants antiracistes, il se ravisa et dénonça le Ku
Klux Klan. Cependant, dès le lendemain, il revenait une nouvelle fois sur
les événements pour dire : « À Charlottesville, il n’y avait pas seulement des
néonazis, mais aussi des gens bien, venus protester contre l’enlèvement de
la statue de Robert E. Lee. » Cette louange aux activités de l’alt-right et du
suprémacisme blanc, doublée de la dénonciation de la violence de militants
comme ceux de Black Lives Matter, accrut la polarisation autour de la question
raciale et sembla donner un feu vert aux pires exactions.
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par les groupes nationalistes blancs extrémistes, Trump soutient régulièrement
qu’il est « la personne la moins raciste » qui soit, et prend ses distances vis-
à-vis de la rhétorique raciste de trois manières27 : tout d’abord, il nie la moindre
déclaration ou action raciste de sa part ; puis, lorsqu’il est confronté à ses
propres propos, il refuse de les considérer comme racistes ; enfin, il nie toute
responsabilité dans l’éventuel racisme existant et dans ses effets. Avec Trump,
on assiste donc à la réunification des deux formes de racisme : l’un fondé sur
le racialisme et l’autre qui agit de manière détournée mais efficace politique-
ment, pour souder un électorat blanc qui regarde d’un œil inquiet l’évolution
démographique et politique contemporaine des États-Unis.
Conclusion.
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malgré tous ses efforts pour transcender la race, Obama n’a pas réussi pendant
ses deux mandats à se défaire de ce poids. Alors que ses partisans discutent
encore de l’ampleur (mais aussi des limites) de son action pour réduire les
inégalités raciales, ses détracteurs ont continué de voir en lui avant tout un
président noir dans la Maison-Blanche. Paradoxalement, l’élection historique
du premier président noir de l’histoire du pays a libéré la parole raciste ainsi
que le racisme néolibéral sans racistes. Mais tandis que sous Obama la première
forme de racisme (ouvert) restait difficile à tenir politiquement, la situation a
considérablement évolué avec Trump. En effet ce dernier, poursuivant la libé-
ration du discours amorcée par les militants du Tea Party et reprise par ceux
de l’alt-right, se mit à multiplier les commentaires racistes non codés, avec un
succès politique considérable. Aujourd’hui, plus encore qu’hier, la question
raciale reste la ligne de faille de la politique américaine contemporaine.
Caroline Rolland-Diamond
carollan@parisnanterre.fr
Centre de recherches anglophones (CREA),
Université Paris Nanterre
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NOTES
1. Shannon Sullivan, Good White People : The Problem with Middle-Class White Anti-Racism, Albany,
State University of New York Press, 2014, p. 117.
2. Tasha S. Philpot, Daron R. Shaw et Ernest B. McGowen, « Winning the race : Black voter turnout
in the 2008 presidential election », The Public Opinion Quarterly, vol. 73, n° 5, p. 995‑1022.
3. Sondage Gallup, « Americans see Obama election as race relations milestones », cité dans Thomas
Sugrue, Le Poids du passé : Barack Obama et la question raciale, Paris, Fahrenheit, 2012, p. 12.
4. Ta-Nehisi Coates, « Is Obama black enough ? », Time, 1er février 2007 ; David A. Graham, « A short
history of whether Obama is black enough », The Atlantic, 8 octobre 2015 ; voir aussi H. Samy Alim et
Geneva Smitherman, Articulate while Black : Barack Obama, Language and Race in the US, New York,
Oxford University Press, 2012, 224 p.
5. David Theo Goldberg, The Threat of Race : Reflections on Racial Neoliberalism, Malden, Wiley-
Blackwell, 2009, 395 p., p. 4‑5.
6. Johnny Bernard Hill, The First Black President : Barack Obama, Race, Politics, and the American
Dream, New York, Palgrave Macmillan, 2009, 198 p. ; Thomas Sugrue, Le Poids du passé, op. cit. ; James
Kloppenberg, Reading Obama : Dreams, Hope, and American Political Tradition, Princeton, Princeton Uni-
versity Press, 2011, 320 p. ; Michael Eric Dyson, The Black Presidency : Barack Obama and the Politics of
Race in America, New York, Houghton Mifflin Harcourt, 2016, 288 p. ; David J. Garrow, Rising Star : The
Making of Barack Obama, New York, Harper Collins, 2017, 1 460 p. ; Ta-Nehisi Coates, We Were Eight
Years in Power : An American Tragedy, New York, One World, 2017 ; Julian Zelizer (dir.), The Presidency
of Barack Obama : A First Historical Assessment, Princeton, Princeton University Press, 2018, 368 p.
7. Eduardo Bonilla-Silva, Racism without Racists : Colorblind Racism and the Persistence of Racial
Inequality in the United States, Lanham, Rowman and Littlefield, 2003, 214 p.
8. Cité dans Thomas Sugrue, Le Poids du passé, op. cit., p. 17.
143
9. Sur l’histoire du « long mouvement pour les droits civiques », théorisé par l’article de Jacquelyn
Dowd Hall, « The long civil rights movement and the political uses of the past », Journal of American
History, vol. 91, n° 4, 2005, p. 1233‑1263, voir Caroline Rolland-Diamond, Black America : Une histoire
des luttes pour l’égalité et la justice (xixe-xxie siècle), Paris, La Découverte, 2016, 576 p.
10. Toute une littérature a vu le jour ces deux dernières décennies sur le Black Power. Voir en
particulier Robert O. Self, American Babylon : Race and the Struggle for Postwar Oakland, Princeton,
Princeton University Press, 2003, 408 p. ; Peniel Joseph, The Black Power Movement : Rethinking the
Civil Rights-Black Power Era, New York, Taylor and Francis, 2006, 386 p. ; Peniel Joseph, Neighborhood
Rebels : Black Power at the Local Level, New York, Palgrave Macmillan, 2010, 255 p. ; Donna Murch, Living
for the City : Migration, Education, and the Rise of the Black Panther Party in Oakland, California, Chapel
Hill, University of North Carolina Press, 2010, 312 p. ; ou encore Ashley Farmer, Remaking Black Power :
How Black Women Transformed an Era, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2017, 288 p.
11. Sur ce point, voir Andrew Diamond, « Against the declining significance of race : The underclass
debate and the history of the African American working class from below », Transatlantica, n° 1, 2009,
p. 1‑10, mis en ligne le 8 décembre 2015, http://transatlantica.revues.org/4371 (consulté le 16 mai 2020).
Voir aussi Thomas Sugrue, Le Poids du passé, op. cit., p. 77‑83.
12. Thomas Sugrue, Le Poids du passé, op. cit., p. 91‑94.
13. Sur cette tendance qui se prolonge actuellement, voir les données du Pew Research Center, par
exemple, Jens Manuel Krogstad, « Reflecting a demographic shift, 109 U.S. counties have become majority
nonwhite since 2000 », FactTank. News in the Numbers, 21 août 2019.
14. Terence Samuel, « The Racist backlash Obama has faced during his presidency », « Obama’s
Legacy », Washington Post, 22 avril 2016.
15. David Ehrenstein, « Obama, the “Magic Negro” », Los Angeles Times, 19 mars 2007, thème
repris en chanson parodique par Paul Shanklin diffusée dans l’émission radiophonique du très populaire
conservateur Rush Limbaugh, cf. Jason DeParle, « G.O.P. receives Obama parody to mixed reviews »,
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New York Times, 28 décembre 2008.
16. Michael Eric Dyson, The Black Presidency, op. cit., p. 140‑141.
17. Sur le rapport Moynihan, « The negro family : The case for national action » [1965] et son impact,
voir Daniel Geary, Beyond Civil Rights : The Moynihan Report and its Legacy, Philadelphie, University
of Pennsylvania Press, 2015, 276 p.
18. Sur l’incarcération massive, voir en particulier Michelle Alexander, The New Jim Crow : Mass
Incarceration in the Age of Colorblindness, New York, The New Press, 2010, 312 p.
19. Robert Mason, The Republican Party and American Politics from Hoover to Reagan, New York,
Cambridge University Press, 2012, 310 p., p. 272.
20. Sur cette évolution, voir Nikhil Pal Singh, Black is a Country : Race and the Unfinished Struggle
for Democracy, Cambridge, Harvard University Press, 2004, 285 p., p. 30‑32.
21. David Theo Goldberg, The Threat of Race, op. cit., p. 360, cité dans Darrel Enck-Wanzer,
« Barack Obama, the Tea Party, and the Threat of Race : On racial neoliberalism and born-again racism »,
Communication, Culture & Critique, vol. 4, n° 1, 2011, p. 23‑30.
22. Sur ce point, voir Michael Omi et Howard Winant, Racial Formation in the United States : From
the 1960s to the 1990s, New York, Routledge, 1986, p. 152.
23. Evelyn Brooks Higginbotham, Righteous Discontent : The Women’s Movement in the Black Baptist
Church, 1880‑1920, Cambridge, Harvard University Press, 1993.
24. « Remarks by the President on Trayvon Martin », 19 juillet 2013, disponible sur The White House
– Barack Obama, https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2013/07/19/remarks-president-
trayvon-martin (consulté le 16 mai 2020).
25. Morris Kaplan, « Major Landlord Accused of Antiblack Bias in City », New York Times, 16 octobre
1973, p. 1.
26. Vanessa Williamson et Isabella Gelfand, « Trump and racism : What do the data say ? »,
Brookings, 14 août 2019. Disponible sur https://www.brookings.edu/blog/fixgov/2019/08/14/trump-and-
racism-what-do-the-data-say/ (consulté le 16 mai 2020).
27. « Donald Trump speaks to the Press before Marine One Departure », FactBase, 21 août 2019.
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RÉSUMÉ
SUMMARY
© Le Seuil | Téléchargé le 01/12/2023 sur www.cairn.info par René Ndayisenga (IP: 91.177.37.49)
Racism without Racists and David Theo Goldberg in The Threat of Race, this article seeks to unravel the
various manifestations of racism in the United States during the Obama and Trump years to show how,
despite the historic election of the first black president, these recent expressions reflect a long evolution in
the relationship between racism and racialism in the United States.
keywords : United States, Obama, Trump, racism, racialism, colorblindness, conservatism
RESUMEN