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Les juifs et l'islam militant après Khomeyni

Yossef Bodansky, Traduit de l'anglais par Claire Darmon


Dans Revue d’Histoire de la Shoah 2004/1 (N° 180), pages 62 à 108
Éditions Centre de Documentation Juive Contemporaine
ISSN 1281-1505
ISBN 9782850567186
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LES JUIFS ETL'ISLAM MILITANT APRÈS KHOMEYNI1

par Yossef BODANSKY*


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Traduit de l'anglais par Claire Darmon

S i l'arrivée au pouvoir de Khomeyni en Iran et la réalisation de son


projet d'État islamique ont constitué un moment cataclysmique dans
l'évolution de l'islamisme militant, elles ne sont pas survenues ex nihilo.
Au moment où se déroula la révolution islamique à Téhéran, la tendance
islamiste de l'islam sunnite à travers le monde s'était accélérée. Les appels
de Khomeyni dans le monde arabe pour un soulèvement islamique et un
acte de défi rencontrèrent donc un terrain fertile. À la fin des années 1970,
la haine envers Israël et les Juifs s'était déjà intensifiée dans le sillage des
revers militaires arabes de Kippour et du processus politique - dominé par
les États-Unis - entrepris par Anouar el-Sadate et qui devait le mener à
Jérusalem en 1977. Pour les islamistes, l'influence et la présence améri-
caines croissantes constituaient un nouvel affront à l'islam et menaçaient
son ascension, crise aggravée par le fait que les Juifs étaient perçus comme
les bénéficiaires du « processus de paix ».
Ces sentiments dominent même au sein de l'élite religieuse égyptienne,
avec l'approbation du président Sadate en personne. Ainsi, à la fin des
années 1970, même des personnalités comme le cheikh Abd al-Halim
Mahmud, le recteur de l'université Al-Azhar, décrivaient ouvertement les

* Directeur de recherche à l'Association d'études stratégiques internationales et direc-


teur du Task Force on Terrorism and Unconventionnal Warfare de la Chambre des députés
américaine. Il est l'auteur de plusieurs livres, dont Some Call it Peace and Arafat’s « Peace
Process » (Certains l'appellent la paix ou le « processus de paix » d'Arafat) et une biogra-
phie de Ben Laden, Bin Laden : The Man who Declared War on America (Ben Laden,
l'homme qui a déclaré la guerre à l'Amérique), États-Unis, Random House, 1991.
1. Ce texte est la traduction du chapitre 6 de Yossef Bodansky, Islamic Anti-Semitism as
a Political Instrument (L'Antisémitisme islamique, un instrument politique), Ariel Center
for Policy Research (ACPR), avril 1999, 200 p.
Juifs comme les pires ennemis de l'islam. Il les qualifiait d’« amis de
Satan » et mentionnait le commandement divin de les combattre 1. En fait,
en Égypte, l'essor de l'antisémitisme islamiste fut à l'origine encouragé
par le gouvernement. Au départ, le principal organe semi-officiel d'incita-
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tion antijuive était Al-Da ’wa, mensuel de l'Association des Frères musul-
mans. En novembre 1998, Anouar el-Sadate autorisa l'Ikhwan à publier cet
revue dans le but de réduire la pression intérieure et de contrôler en partie
l'agitation islamiste. Sadate finit par ordonner la fermeture d’Al-Da ’wa en
septembre 1981 2. Cependant, au cours de sa courte existence, cet organe
fut le principal vecteur de propagande et d'agitation islamiste sur des
questions prisées et approuvées par Le Caire.

Pour les rédacteurs d'Al-Da’wa, les quatre cavaliers de l'Apocalypse


sont : le « judaïsme », les « croisades », le « communisme » et le
« laïcisme », l’« abomination suprême » étant le judaïsme, comme le fait
remarquer Gilles Kepel :

Le mot « Juif » (yahoud) est employé indifféremment pour désigner


aussi bien les citoyens israéliens que les autres Juifs. La citoyenneté israé-
lienne est en fait considérée comme un simple attribut du Juif, défini onto-
logiquement sur la base de critères raciaux, historiques et religieux3.

L'image des Juifs renvoyée par Al-Da ’wa et d'autres organes islamistes
rappelle le « Juif Süss » de l'époque nazie. Et cette puissante diabolisation
s'intensifia avec le processus de paix israélo-égyptien. Ainsi, en novembre
1978, Al-Da ’wa considérait que « tout mahométan qui veut vivre en accord
avec sa foi doit refuser de pactiser avec les Juifs et d'établir avec eux des
relations diplomatiques, économiques et culturelles, car les Juifs sont des
usurpateurs et des agresseurs. On ne peut rien attendre d'eux. Il ne peut y
avoir aucune paix avec eux, mais seulement la guerre sainte. Ils doivent
vivre comme minorité au sein du monde arabe 4 ».

En avril 1980, Al-Da’wa publia une liste des « douze vices juifs » :

1. l'opportunisme
2. la schizophrénie

1. Shaykh Abd al-Halim Mahmud, Jihad and Victory, Le Caire, 1979, p. 150 ; cité par
Ronald L. Nettler, Past Trials and Present Tribulation, Oxford, Pergamon Press, 1987,
p. 21-22.
2. Gilles Kepel, Muslim Extremism in Egypt, Berkeley, Californie, University of Cali-
fornia Press, 1986, p. 103.
3. Kepel, op. cit., p. 111.
4. Péroncel-Hugoz, Le Radeau de Mahomet, Paris, Flammarion, 1984, p. 75.
3. le racisme aveugle
4. le désir de détruire le monde
5. l'égocentrisme
6. le pillage
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7. le sadisme
8. L'amour de l'argent
9. l'extorsion (de fonds)
10. le non-respect des engagements
11. la fourberie
12. l'art de semer la discorde 1.

L'incitation antijuive a fait l'objet d'une attention et d'efforts tout parti-


culiers en direction des jeunes, principalement des enfants. Ainsi, Al-
Da ’wa proposait un supplément pour enfants intitulé Les Lionceaux d'Al-
Da’wa (Ashbal al-Da’wa), sous la forme d'un dépliant inséré dans le
magazine. Une de ses rubriques titrait : « Reconnaissez les ennemis de
votre religion » (Ta'arraf ‘ala Ada ‘Dinika). Le numéro d'octobre 1980
publiait un article intitulé « Les Juifs », dont le texte dispense de tout
commentaire :
Lionceau Frère musulman,
T'es-tu jamais demandé pourquoi Dieu a maudit les Juifs dans Son livre -
Ceux des Israélites qui ne crurent pas furent maudits par David et Jésus le
fils de Marie (V, 78)- après les avoir d'abord préférés au reste du monde ?
Enfants d'Israël, rappelez-vous que je vous ai accordé des faveurs et élevés
au-dessus des nations (11, 47) [...].
Mais par cette préférence, Dieu testait les enfants d'Israël pour voir s'ils
devenaient associateurs [mushrikin désigne ceux qui « associent »
d'autres dieux au vrai Dieu Un et sont donc considérés comme poly-
théistes] ou infidèles : Nous les avons testés par des bénédictions et des
malheurs afin qu'ils puissent cesser de fauter (VII, 168). Et quel fut le
résultat ? Dieu s'est lassé de leurs mensonges. Dieu a entendu les paroles
de ceux qui disaient : « Dieu est pauvre, mais nous sommes riches. »
Leurs paroles Nous les retiendrons, et le fait qu'ils ont tué leurs prophètes
injustement. Nous dirons : « Connaissez désormais le supplice du feu de
l'enfer » (III, 181). Ils ont associé d'autres [divinités] à Dieu, ils furent
infidèles : Les Juifs disent : Ezra est le fils de Dieu (IX, 30). [...] Sa préfé-
rence a été payée par de l'ingratitude et le reniement de la puissance
divine. Les Juifs disent : « La main de Dieu est enchaînée. » Puissent leurs
propres mains être enchaînées ! Puissent-ils être maudits pour ce qu'ils

1. Cité par Péroncel-Hugoz, op. cit., p. 75.


disent (V, 64). Il peut arriver qu'un homme mente ou tombe dans l'erreur,
mais qu'un peuple bâtisse sa société sur le mensonge, c'est le propre des
enfants d'Israël ! Les Juifs qui écoutent les mensonges des autres et ne
tiennent aucun compte de toi (V, 41). Ils écoutent les mensonges et prati-
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quent l'illicite (V, 42). Tels sont les Juifs, mon frère, lionceau musulman,
tes ennemis et les ennemis de Dieu, et telle est la vérité à leur propos
comme il est dit dans le Livre de Dieu [...]. Telle est leur disposition natu-
relle particulière, la doctrine corrompue qui est la leur, [...] ils n'ont
jamais cessé de conspirer contre leur principal ennemi, les musulmans.
Dans l'un de leurs livres, ils disent : « Nous autres Juifs sommes les
maîtres du monde, ses corrupteurs, ceux qui fomentent la sédition, ses
bourreaux ! »
Ils ne t'aiment pas, lionceau musulman, toi qui révère Dieu, l'islam et le
Prophète Mahomet [...].
Lionceau musulman, anéantis leur existence, ceux qui cherchent à
assujettir l'humanité tout entière afin de les contraindre à servir leurs
desseins sataniques.
Dieu a pouvoir sur toute chose, bien que la plupart des hommes ne le
sachent peut-être pas (XII, 21) 1.

Telle était l'éducation dispensée par Al-Da’wa aux enfants égyptiens,


par un périodique approuvé par le gouvernement, à une époque où se
tissaient la paix et la réconciliation avec Israël. L'article ne laisse aucun
doute quant au fait que les Juifs sont par nature corrompus, remplis de faus-
seté et que les musulmans ont tout à perdre en traitant avec eux. Il n'y a
d'autre solution au problème juif que leur extermination. Le périodique
allait même plus loin, définissant la Palestine comme une partie de la nation
islamique usurpée par les Juifs. C'est pourquoi, d'après la définition donnée
par Al-Da’wa, non seulement on ne peut accepter ni légitimer le droit
d'Israël à l'existence, sans parler de la paix avec l'Égypte, mais la présence
même d'habitants juifs ne peut être tolérée, étant donné la menace qu'ils
représentent pour les musulmans. Tout cela dans un mensuel approuvé par
un gouvernement à l'apogée du « processus de paix » israélo-égyptien.

Depuis lors, la révolution islamique de Khomeyni a prouvé que les isla-


mistes pouvaient vaincre un régime dominé par les États-Unis et que des
gouvernements islamistes pouvaient être instaurés. En conséquence, après
la révolution du chef religieux, aussi bien la gauche que les révolution-
naires islamistes en Égypte trouvèrent un intérêt commun capital dans ses
enseignements : la destruction des gouvernements occidentalisés comme

1. Cité par Kepel, op. cit., p. 111-112.


objectif prioritaire pour leur substituer des gouvernements révolutionnaires
islamiques. Les islamistes affirmaient depuis longtemps que les Croyants
devaient purifier leur société et l'amener, même par la force et par la
terreur, à suivre scrupuleusement les principes stricts de l'islam. On ne
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peut espérer un réveil de l'islam que d'une société musulmane pieuse. Cet
état de fait détermine l'établissement des priorités des Croyants pour
l'établissement de leur solution islamique utopiste. Le Précepte absent,
brochure de Abd al-Salam Faraj, constitue une étape importante dans
l'évolution de l'idéologie du djihad islamique ; il a été considérée comme
« capable de changer la face de l'Égypte et de rompre l'équilibre des
pouvoirs dans la région 1 ». Ingénieur en électricité ayant renoncé au
progrès laïc pour devenir l'idéologue de l'organisation égyptienne
Djihad2, Abd al-Salam Faraj définit l'approche de l'islam radical actuel
pour atteindre ses objectifs :

D'aucuns disent que, de nos jours, le djihad devrait concentrer ses efforts
sur la libération de Jérusalem. Il est vrai que la libération de la Terre
sainte est un précepte juridique contraignant pour tout musulman [...]
mais soulignons que le combat contre l'ennemi le plus proche est
prioritaire par rapport au combat contre l'ennemi plus éloigné. D'autant
plus que celui-là n'est pas seulement corrompu, mais également un laquais
de l'impérialisme [...]. Ce djihad islamique requiert aujourd'hui le sang et
la sueur de chaque musulman3.

Fait révélateur, l'idéologie révolutionnaire chiite iranienne, et notam-


ment les écrits de Khomeyni, ne commença à influencer le mouvement
islamiste égyptien qu’à l'époque de la révolution iranienne. La rue égyp-
tienne se passionna pour les nouvelles du triomphe de Khomeyni à
Téhéran, l'interprétant comme une victoire islamique sur l'occidentalisa-
tion et sur les États-Unis. En janvier 1979, des émeutes islamistes éclatè-
rent à Assiout pour protester contre l'arrivée en Égypte du shah destitué.
Les émeutiers, des musulmans sunnites, n'étaient pas des partisans de
Khomeyni ou de son idéologie 4.

I. Hassan Hanafi, L'Intégrisme islamique, Le Caire, Maktabah Madbuli, 1989, p. 110.


NDLR : toutes les citations originellement en arabe sont retraduites de l'anglais.
2. Mohammed Heikal, Autumn of Fury, New York, Random, 1983, p. 248-249 ; Adil
Hamudah, Bombes et Corans : l'histoire de l'organisation du Djihad, Le Caire, Sinai al-
Nashr, 1986 (en arabe) ; Hanafi, op. cit., p. 123.
3. Faraj Abd al-Salam, Le Précepte absent, Le Caire, 1981, cité le 14 décembre 1981
dans Al-Ahrar et Al-Ahram ; cité in Sivan, Radical Islam : Medieval Theology and Modem
Politics, New Haven, Connecticut, Yale University Press, 1985, p. 20.
4. Heikal, op. cit., p. 222.
Le principal livre de Khomeyni, Le Gouvernement islamique, ne fut
traduit en arabe qu'au milieu de l'année 1979. En Égypte, un penseur isla-
mique de gauche, Hasan Hanafi, publia une traduction annotée avec une
introduction et une analyse globalement favorables mais non exemptes de
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critiques. Hanafi soutenait le principe de révolution islamique et de supré-
matie du faqih comme dogme incontesté issu du Coran, mais contestait de
nombreux modes d'application par l'État khomeyniste, qu'il s'agisse du
pouvoir total incontesté du faqih ou du rejet généralisé de tout ce qui est
occidental 1. Si Téhéran publia et diffusa par la suite des éditions en arabe
des écrits de Khomeyni dans l'ensemble du monde arabe, le livre de Hanafi
demeure la référence de base de l'idéologie de l'ayatollah en Égypte.
L'élite théologique égyptienne accueillit la révolution iranienne de
façon mitigée. Les activistes islamistes étaient très partagés quant à la léga-
lité de la révolution chiite en tant que précédent et inspiration d'un mouve-
ment sunnite. Umar al-Tilmisani, membre des Frères musulmans, exprima
une joie sans mélange devant la victoire de la révolution islamique en Iran 2.
Dans son introduction au livre de Khomeyni, Hanafi souligna que les diffé-
rences entre le sunnisme et le chiisme « sont manipulées par l'impérialisme
et le sionisme [...] mais Khomeyni dirige une authentique révolution isla-
mique qui transcende ces frontières religieuses. [...] Sa vigueur rappelle les
réalisations révolutionnaires des premières phases de l'islam3 ».
Rivka Yadlin explique que l'islamisme séduisait Hanafi parce qu'il y
voyait un mouvement populiste susceptible de permettre la mise en œuvre de
réformes sociales et économiques attendues en Égypte depuis longtemps.
C'est pourquoi il s'employa à faire découvrir l'islamiste khomeyniste militant
à la gauche révolutionnaire égyptienne. L'islamisme était en outre à la pointe
de la défense de l'arabisme et de l'islam contre la propagation
de l'impérialisme culturel occidental décidé à assujettir les musulmans.
Hanafi était convaincu que seule une forte résistance populaire à la propaga-
tion d'une civilisation étrangère - l'occidentalisation - pouvait renverser la
tendance, et que seul le courant islamiste était capable de mobiliser et d'unifier
les masses, et non le socialisme qui était l'idéologie de l'élite éduquée 4.

1. J. J. G. Jansen, « Echoes of the Iranian Revolution in the Writings of Egyptian


Muslims », in D. Menashri, The Iranian Revolution and the Muslim World, Boulder Co,
Westview Press, 1990, p. 208-209 ; Sivan, op. cit., in Sivan & Friedman, Religions Radica-
lism and Politics in the Middle East, Albany, State University of New York Press, 1990,
p. 40.
2. Al-Wadi, juillet 1982.
3. Cité in Jansen, art. cit., in Menashri, op. cit., p. 212.
4. Rivka Yadlin, Genius Yahir veOsheq (Un esprit arrogant, tyrannique - l'antisionisme
et l'antijudaïsme en Égypte), Jérusalem, Centre Zalman Shazar, 1988, p. 57-61.
Destiné à convaincre ses anciens collègues - l'élite intellectuelle de
gauche en Égypte - de la nécessité de rejoindre le camp militant islamiste
pour lutter contre un ennemi commun, le texte de Hanafi est d'une impor-
tance majeure. Il utilise l'antijudaïsme comme dénominateur commun.
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Dans son approche, la lutte contre les Juifs constitue un objectif singulier
englobant aussi bien la libération de la société égyptienne de la propagation
de la civilisation occidentale antimusulmane grandement accéléré par
l'accès des Juifs à l'Égypte après la signature de la paix, que la libération
de la mosquée Al-Aqsa et de la Palestine dans son ensemble, objectif natio-
naliste majeur pour l'intelligentsia égyptienne. Étant donné le caractère
déloyal des sionistes/Juifs, seule une solution radicale - la destruction
d'Israël - pourra enrayer l'expansionnisme implacable des Juifs et ainsi
éliminer la menace qu'ils font peser sur l'islam. En fait, après les
« crimes » perpétrés par le sionisme à l'encontre des Arabes et des musul-
mans, Hanafi n'envisage d'autre possibilité de réconciliation entre l'islam
et le judaïsme que la conversion à l'islam 1.
En outre, souligne également Hanafi, un examen minutieux du
judaïsme montre que les Juifs d'aujourd'hui ne sont pas monothéistes -
c'est-à-dire peuple du Livre - mais des adorateurs de Satan. Aussi l'islam
ordonne-t-il de les tuer au cours d'un djihad. Hanafi établit une continuité
directe entre le péché premier des Juifs contre Mahomet, version qui séduit
les islamistes, et l'actuel défi politique, version qui séduit la gauche. Afin
de prouver qu'ils sont incorrigibles, Hanafi évoque ensuite la persistance
entêtée des Juifs dans l'apostasie et l'ignorance de la vérité. Ce mépris
patent de la vérité et de la réalité, ainsi que la résistance active à ces deux
notions, se retrouve dans le refus originel des Juifs de reconnaître le
Prophète comme dans leur refus aujourd'hui d'assumer les réalités politi-
ques du Moyen-Orient, c'est-à-dire de reconnaître le droit des musulmans
sur la Palestine 2.
Hanafi reprend également les traits de caractère « ordinaires » attribués
aux Juifs : avides, malhonnêtes, volant l'argent des honnêtes Croyants, ce
qui non seulement réaffirme sa position idéologique, mais situe également
son article dans le contexte des perceptions antisémites solidement ancrées
qui règnent dans le monde musulman. De même, Hanafi souligne que les
Juifs sont ingrats par nature - ils ont d'abord trahi Dieu, comme le décrit la
Bible, puis affronté, résisté et même lutté contre la montée de l'islam, et
sont encore traîtres aujourd'hui en soutenant et en encourageant l'agression

1. Hasan Hanafi, Al-Yisar al-Islami (La gauche islamique), Le Caire, 1981 ; Yadlin,
op. cit., p. 61-80.
2. Ibid., p. 80.
sioniste. L'alliance première conclue entre Dieu et les Juifs que narre la
Bible était conditionnée par leur reconnaissance ultérieure de l'autorité
divine, le prophète Mahomet. Le refus des Juifs d'accepter l'islam
démontre ainsi qu'il ont rompu cette alliance et, par conséquent, la Palestine
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ne leur appartient plus 1.
Hanafi conclut qu'étant donné les caractéristiques générales des Juifs -
fausseté, agressivité et bellicisme -, il est impossible de se réconcilier et de
coexister avec eux. L'existence d'Israël en tant qu'entité sioniste et les
intérêts des Arabes et du monde musulman sont incompatibles. Hanafi
évoque la continuité des menaces que font peser les péchés des Juifs sur
l'islam depuis les premiers jours jusqu’à aujourd'hui. C'est pourquoi Israël
doit être détruit avant que les Juifs n'infligent une plus grande calamité à
l'islam. Il souligne que cette entreprise est urgente car les Juifs en Israël
œuvrent sans relâche à la destruction de la culture et de la civilisation des
autres, à savoir les musulmans. Ils ont été le fer de lance de l'assaut occi-
dental et n'auront pas de repos tant que les musulmans ne se convertiront
pas et que l'impérialisme sioniste ne règnera pas sur leurs terres2.
D'autres organes islamistes en Égypte ont repris des thèmes antisémites
éprouvés. En 1981 par exemple, Al-Shaab explique que l'orientation des
relations internationales menées par les Juifs et Israël se fonde sur les ensei-
gnements des Protocoles des Sages de Sion. Le journal affirme que la
connaissance de ce fait doit déterminer l'approche des Arabes, et notamment
de l'Égypte, dans leurs relations diplomatiques avec Israël : « Cela met en
lumière le danger de l'amitié avec les Juifs quel que soit le nom qu'on lui
donne [...] ou dans le cadre de n'importe quel type de relation internatio-
nale, car leur mode idéologique et leur comportement moral sont dictés par
des principes qu'ils considèrent comme sacrés, mais en réalité, ils sont
racistes, détestables, destructeurs. Il est extrêmement dangereux d'instaurer
des liens avec eux parce que l'attaque idéologique et le colonialisme culturel
sont leur objectif premier, en vue de détruire la chrétienté et l'islam 3. »
La propagation du terrorisme international d'État à partir du début des
années 1980, notamment par des organisations islamistes contrôlées et
financées par l'Iran et la Syrie, nécessita la formulation de théories idéolo-
giques justifiant des attaques dans le monde entier. Alors que le lieu et
l'intensité des attentats terroristes spectaculaires étaient, et sont toujours,
déterminés par les considérations stratégiques et politiques des États soute-
nant le terrorisme, il a toujours été impératif de fournir une justification

1. Ibid., p. 61-80.
2. Ibid., p. 61-80.
3. Al-Shaab, 10 février 1981.
théologique aux actes de ces organisations et de ceux qui les soutiennent.
Après tout, c'est au nom de l'islam et non de quelque calcul stratégique que
les terroristes islamiques tuent, blessent et deviennent des martyrs.

C'est pourquoi, depuis les années 1980, les principaux chefs terroristes
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islamistes élaborent une doctrine générale justifiant l'extension de leur
théâtre d'opérations. Une composante déterminante de cette doctrine est
l'abolition de la distinction entre sionistes - l'ennemi traditionnel localisé
des islamistes — et Juifs dans le monde entier. L'écrasante propagande anti-
sémite - contre les Juifs et le judaïsme - et l'incitation à la haine couram-
ment répandue dans l'ensemble du monde arabe établissent un pont
opportun reliant le djihad anti-Israël au djihad mondial contre les Juifs et
les gouvernements qui les hébergent, à savoir l'ensemble de l'Occident.
Par conséquent, la distinction entre « sionistes » et « Juifs » dans la littéra-
ture théologique et la propagande populaire des diverses organisations
terroristes islamistes s'est totalement estompée. Alors que le Hezbollah
était la première source de cette transformation - et le plus éloquent -,
d'autres organisations, notamment des groupes islamistes sunnites comme
le Hamas, ont rapidement adopté ces principes 1. Et il ne s'agissait pas de
vaines paroles car, depuis la fin des années 1980, de nombreux attentats
terroristes ont été perpétrés contre des cibles juives et d'autres attaques,
encore plus nombreuses, ont été évitées pratiquement dans le monde entier.
Parmi les attentats terroristes les plus meurtriers perpétrés contre des cibles
juives, citons l'attentat contre la synagogue d'Istanbul (en septembre 1986)
et la destruction du bâtiment de l'AMIA (Association mutuelle Israélite
argentine) en février 1994 2.
Celui qui a présenté la « cause » des islamistes contre le monde juif de
la manière la plus éloquente est le chef spirituel du Hezbollah, l'ayatollah
Mohammed Hussein Fadlallah. Depuis la fin des années 1980, il développe
la logique de la continuité du djihad antijuif, entre l'affrontement du
Prophète avec ses ennemis et la lutte contre le complot juif mondial, en
passant par le combat contre Israël, qualifié d’« État juif ». Fadlallah met
en garde contre l'ampleur de la menace juive :

Les Juifs veulent être une superpuissance mondiale. Ce groupe de Juifs


racistes veut se venger contre le monde entier de leur histoire de
persécution et d'humiliation. Les Juifs agiront donc en partant du principe
que leurs intérêts l'emportent sur tous les autres intérêts dans le monde.

1. Martin Kramer, Commentary, octobre 1994 ; Esther Webman, Anti-Semitic Motifs in


the Ideology of Hizballah and Hamas, Tel-Aviv, université de Tel-Aviv, 1994.
2. NDLR : Cet article a été rédigé avant l'attentat d'Istambul de novembre 2003.
Personne n'imaginerait que les Juifs agissent au nom d'une quelconque
puissance grande ou petite ; il est dans leur caractère d'organiser leur
présence dans le monde1.
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L'intensité et la vigueur du djihad islamique doivent être à la hauteur de
l'envergure du complot anti-islamique.

Faisant écho à la doctrine iranienne, l'escalade du terrorisme islamiste


sunnite en Israël a été définie comme faisant partie de la révolution isla-
mique. Le cheikh Abd al-Aziz Awdah, un dirigeant du Djihad islamique de
Gaza, considérait l'ascension de Khomeyni comme « une tentative impor-
tante et sérieuse de réaliser un réveil islamique [et] d'unifier la nation
islamique ». Au milieu de l'année 1987, le cheikh As'aad Bayyud al-
Tamimi, né à Hébron, ancien prédicateur à la mosquée Al-Aqsa et qui, en
1970, avait été expulsé par Israël en Jordanie où il prononça des prêches
incendiaires, situait le djihad islamique dans un contexte historique. Il expli-
quait que jusqu’à la révolution iranienne, l'islam « était absent du champ de
bataille ». En Palestine, le djihad refluait, et ce n'est que par suite du choc
provoqué par la « honteuse défaite » de 1967 que s'était produit un réveil
islamique qui avait conduit à une prise de conscience islamiste. Cependant,
ce fut le triomphe de Khomeyni qui finit par prouver aux masses que
« l'islam était la solution et le djihad la voie à suivre ». Cela était manifeste
si l'on examinait ce qui s'était produit par la suite au Liban, en Syrie,
Turquie, Afghanistan, Égypte et Palestine, en particulier des événements
comme l'assassinat de Sadate, l'explosion de la caserne des marines à
Beyrouth et l'attentat à la grenade à Jérusalem. Tous ces événements appa-
remment sans lien entre eux, concluait le cheikh Tamimi, font en fait partie
d'un seul et même djihad islamiste. Il n'est donc pas étonnant que pour le
Djihad islamique, le problème palestinien soit « un problème islamique,
non un problème national [wataniyya], concernant les Palestiniens, non un
problème général arabe [qawmiyya], concernant les Arabes ».

C'était le problème de la « nation islamique » (umma) tout entière,


comme l'avait enseigné l'ayatollah Khomeyni 2. Cette définition n'atténue
en rien l'intensité de la lutte contre Israël. Le cheikh Tamimi avertit les Juifs
d'Israël de la prochaine confrontation « dans une bataille islamique qui
mettra fin à votre État, afin qu'il devienne un reliquat de l'histoire3 ». Il
défend ses positions dans une brochure intitulée La Destruction/Élimination

1. Middle East Insight, mars-avril 1988.


2. Rekhness, in Menashri, op. cit., p. 193-195.
3. Ziad Abu-Amr, Le Mouvement islamique sur la rive occidentale et dans la bande de
Gaza, Acco, Dar al-Aswar, 1989.
d'Israël - le décret du Coran abondamment diffusée dans l'ensemble du
monde arabe, y compris en Égypte 1.
Des émeutes importantes éclatèrent dans la bande de Gaza en décembre
1987, et gagnèrent bientôt l'ensemble de la Judée et de la Samarie, débouchant
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sur l'Intifada, un défi lancé à l'administration israélienne par le recours à la
violence populaire et au terrorisme. Alors que les émeutes se poursuivaient, de
jeunes militants islamistes influencés par le Djihad islamique appelèrent à fran-
chir une étape de plus dans la participation de l'Ikhwan à la lutte armée associée
à l'Intifada2. D'emblée, le Hamas affirma son engagement dans la destruction
totale d'Israël : « Seul l'islam brisera les Juifs et détruira leurs rêves » - sous-
entendu Israël3. Ainsi, dès le début, le Hamas s'engagea dans un terrorisme et
une violence inflexibles au nom de l'islam, tout en insistant sur le fait qu'il était
à l'avant-garde du combat à venir. Le cheikh Khalil Quqa souligna :

L'Intifada constitue une leçon qui renforce la génération à venir. Elle


écarte tout vœu pieux. L'État d'Israël sera démantelé par la pierre. Le fusil
et le Coran déterminent notre identité dans l'affrontement contre les Juifs 4.

Le Hamas, lui aussi, considérait l'Intifada comme le fer de lance d'une


lutte panislamique : « Israël est un cancer qui se propage dans le monde
islamique tout entier5. » La période de formation de l'Ikhwan prit fin le
18 août 1988, date à laquelle le mouvement islamiste codifia son idéologie
dans la charte du Hamas 6. Le Hamas était alors déjà bien établi comme
force dirigeante de l'Intifada dans la bande de Gaza et devint rapidement
la force principale en Judée et en Samarie7.

En fait, la meilleure façon de constater à quel point l'antijudéité et


l'antijudaïsme sont ancrés dans la lutte islamiste contre Israël est de se
pencher sur l'idéologie du Hamas. Ce dernier se définit lui-même comme
un mouvement islamiste palestinien combattant pour la libération de
l'ensemble de la Palestine et la destruction d'Israël pour lui substituer un
État islamique. Cependant, dès son texte idéologique le plus fondamental,
la charte du Hamas d'août 1988, l'organisation souligne que sa lutte
actuelle est générale et dirigée tout autant contre les Juifs que contre Israël

1. Haaretz, 5 août 1987.


2. Nayif Hawatimah, Fislastin al-Muslimah, mars 1990.
3. Tract du Hamas n° 1, janvier 1988. Shaul Mishal, Haaretz, 23 juin 1989.
4. Al-Siyasa, 26 juillet 1988.
5. Tract du Hamas n° 16, 3 mai 1988 ; Shaul Mishal, Haaretz, 23 juin 1989.
6. Mithaq Haraka al-Muqawama al-Islamiyya - Filastin (La Charte du mouvement de
résistance islamique - Palestine), 18 août 1988, ci-après charte du Hamas.
7. O. Nir, Haaretz, 16 septembre 1988 ; O. Kohen, Hadashot, 10 octobre 1988.
ou ses habitants sionistes. L'idéologie du Hamas a adopté certains thèmes
fondamentaux des Protocoles des Sages de Sion qui évoquent un complot
juif mondial. La propagande populiste du Hamas - les slogans et les graf-
fitis - décrit la lutte de l'organisation comme la suite directe du combat du
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prophète Mahomet contre les Juifs au VIIe siècle de l'ère chrétienne. Voici
deux de ses slogans : « Ô Juifs, quittez notre terre » et « Khaibar, Khaibar,
ô Juifs, l'armée de Mahomet reviendra. » Les dirigeants du Hamas insis-
tent sur le fait que, s'ils ne font pas de différence entre Juifs et sionistes
même lorsque leur djihad est apparemment limité à la Palestine, c'est par
suite de la nature de la menace à laquelle ils sont confrontés. « Ils [les Juifs]
ont fait de leur religion leur nation et leur État », affirme le dirigeant du
Hamas Mahmoud al-Zahar.

Ils ont déclaré la guerre à l'islam, fermé des mosquées et massacré des
fidèles sans défense à Al-Aqsa et à Hébron. Ils sont des assassins de
musulmans et dans ces circonstances, notre religion nous oblige à nous
défendre.

L'avalanche d'attentats terroristes contre des civils au cœur d'Israël est


la façon dont le Hamas conçoit la défense contre un ennemi qu'il définit
comme les « Juifs ou [les] sionistes 1 ».

La charte du Hamas est l'un des documents fondamentaux de la


doctrine islamiste au sujet des Juifs et d'Israël, et mérite à ce titre une
analyse détaillée. L'organisation islamique y revendique le leadership dans
la lutte palestinienne comme composante de la lutte islamiste plus large de
l'Ikhwan.

Le mouvement de résistance islamique est une branche de l'organisation


des Frères musulmans en Palestine. L'organisation des Frères musulmans
est une organisation mondiale et est le mouvement islamique le plus
important de l'époque moderne 2.

Le Hamas insère la lutte pour la libération dans le contexte du djihad


islamique.

1. R. Israeli. Fundamentalist Islam and Israel, Lanham, Maryland, University Press of


America, 1993, p. 123-168 ; Ziad Abu-Amr, Islamic Fundamentalism in the West Bank and
Gaza : Muslim Brotherhood and Islamic Jihad, Bloomington, Indiana, Indiana University
Press, 1994, p. 63-89 ; Beverley Milton-Edwards, Islamic Politics in Palestine, Londres,
Tauris Academic Studies, 1966, p. 185-193.
2. Charte du Hamas, article 2.
Du point de vue du mouvement de résistance islamique, le nationalisme
[wataniya] fait partie intégrante de la croyance religieuse. Il n'est pas de
nationalisme plus grand et plus profond qu'une situation dans laquelle
l'ennemi occupe une terre musulmane. Le djihad devient alors un devoir
obligatoire pour tout musulman, homme et femme 1.
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Le Hamas décrivait l'OLP comme « l'organisation la plus proche » de
l'Ikhwan, mais soulignait son profond désaccord avec l’« idée d'un État
laïc » adoptée par cette organisation. « L'idée laïque entre en contradiction
totale avec la pensée religieuse », décrétait-il 2. Par ailleurs, dans d'autres
publications doctrinales, il appelle à l'unité et à la détermination de toutes
les forces participant à l'Intifada contre Israël :

La question d'une attaque occidentale-sioniste contre la Palestine est


absente de la scène islamique depuis plusieurs années. En Palestine, la
diversité islamique et le pluralisme continuent à n'avoir que des
conséquences négatives. Rien de décisif, de positif n'a été réalisé parce que
la diversité islamique est un phénomène qui, conjugué à d'autres conditions
propres au monde arabe et islamique, retarde le réveil islamique de ce
monde. Ce phénomène, qui doit son existence à la question nationale
palestinienne, empêche de déclencher un conflit avec l'ennemi sioniste,
principal opposant au peuple musulman de Palestine. C'est une immense
tragédie que le projet national palestinien ait été exposé de la sorte alors que
les musulmans n'entendaient le considérer que sous le seul angle de la foi.

À nouveau, la Palestine est devenue la principale préoccupation de la


plupart des forces islamiques palestiniennes et de nombreuses forces
islamiques dans le monde. Une formule d'unité des forces islamiques
palestiniennes doit maintenant être trouvée afin de mettre en œuvre le
projet islamique en Palestine . 3

L'engagement indéfectible du Hamas contre les Juifs et le judaïsme fait


partie intégrante de sa nature panislamique. Beverley Milton-Edwards a
attiré l'attention sur son attitude antijuive généralisée :

Chaque fois que le Hamas s'adresse aux Palestiniens ou expose une thèse,
une critique ou un argument, son raisonnement insiste sur son opposition
à l'existence des Juifs en Palestine. Sa haine des Juifs quasiment aveugle
va bien au-delà d'un conflit religieux, théologique ou œcuménique.

1. Ibid., article 12.


2. Ibid., article 27.
3. Al-Islam wa Filastin, 1er août 1988.
Certaines affirmations du Hamas, même dans son propre registre
religieux, dépassent les limites de la crédibilité et constituent un net
symptôme de racisme plus qu'une différence religieuse 1.
À l'égard du judaïsme, le Hamas a adopté l'approche des islamistes, à
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savoir que les Juifs sont les ennemis de l'islam, et non pas seulement le
sionisme, et que par conséquent la lutte pour la Palestine n'est pas un
affrontement, aujourd'hui et maintenant, avec Israël en tant qu'État, mais
une nouvelle étape dans la lutte éternelle entre musulmans et Juifs entamée
par le prophète Mahomet. De fait, la charte du Hamas codifie cette défini-
tion. C'est contre les Juifs, et non contre Israël, que le Hamas s'efforce de
poursuivre la lutte ; ce que stipule l'introduction de la charte :

Voici la charte de la Résistance islamique (Hamas) qui expose son visage,


révèle son identité, détermine sa position, clarifie son objet, présente ses
espoirs, appelle à soutenir et renforcer sa cause et à rejoindre ses rangs.
Car notre lutte contre les Juifs est sérieuse et d'une grande portée, au point
qu'elle nécessitera tous les efforts loyaux que nous pourrons investir ; elle
sera suivie d'autres mesures et renforcée par des bataillons successifs
venus du foisonnant monde arabe et islamique, jusqu ’à ce que les ennemis
soient vaincus et que la victoire d'Allah s'impose. Nous les voyons se
profiler à l'horizon et cela sera connu sous peu 2.
Plus important, et plus révélateur aussi, est l'article 32 :

Le sionisme mondial et les forces impérialistes tentent, par des démarches


habiles et une planification réfléchie, de pousser les pays arabes, l'un
après l'autre, hors du cercle du conflit avec le sionisme afin, en définitive,
d'isoler le peuple palestinien. Dans une large mesure, l'Égypte a déjà été
bannie du conflit, par les perfides accords de Camp David, et elle tente
d'attirer d'autres pays vers des accords similaires afin de les évincer du
cercle du conflit.
Le Hamas appelle les peuples arabes et islamiques à agir sérieusement et
sans ménager leurs efforts afin de faire échouer ce funeste stratagème et
de faire prendre conscience aux masses du danger que représente un
retrait du conflit contre le sionisme. Aujourd'hui, c'est la Palestine et
demain, ce pourrait être un autre pays ou d'autres pays. Car les intrigues
des sionistes n'ont pas de fin et, après la Palestine, ils voudront s'étendre
du Nil à l'Euphrate. Quand ils auront digéré la région conquise, ils
aspireront à une autre expansion, et ainsi de suite. Leur projet est exposé

1. Beverley Milton-Edwards, Islamic Politics in Palestine, op. cit., p. 185.


2. Introduction de la charte du Hamas.
dans Les Protocoles des Sages de Sion et leur comportement actuel est la
meilleure preuve de ce que nous avançons.
Quitter l'arène du conflit contre Israël est un acte de trahison caractérisé
et conduira à la malédiction de ceux qui l'auront commis.
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En ce jour, quiconque leur tourne le dos [aux Juifs], à moins qu'il ne
s'agisse d'une manœuvre de bataille ou du projet de rejoindre une troupe,
encourt véritablement la colère d'Allah, et sa demeure sera l'enfer, la fin
d'un périple malchanceux [Sourate 8 (al-Anfal, Dépouilles de guerre),
verset 16].
Nous n'avons d'autre choix que d'unir toutes les forces et toutes les
énergies pour affronter cette détestable invasion nazie-tatare. Sinon, nous
assisterons à la chute de [nos] pays, au déracinement de leurs habitants, à
la propagation de la corruption sur terre et à la destruction de toutes les
valeurs religieuses. Que chacun réalise qu'il est responsable devant Allah.
Quiconque accomplit un atome de bien bénéficiera [des conséquences] et
quiconque commet un atome de mal en subira [les conséquences].
Dans le cadre du conflit contre le sionisme mondial, le Hamas se considère
comme le fer de lance et l'avant-garde. Il se joint aux efforts de tous ceux
qui militent sur la scène palestinienne, mais d'autres démarches doivent
être entreprises par les peuples arabes et islamiques et les associations
islamiques à travers le monde arabe et islamique afin de permettre la
prochaine manche contre les Juifs, les marchands de guerre.
Nous avons semé l'hostilité et la haine parmi eux jusqu'au jour de la
Résurrection. Chaque fois qu'ils allument un feu de guerre, Allah l'éteint.
Il s'efforcent de corrompre le pays et Allah n'aime pas les corrupteurs.
[Sourate V (al-Ma’idah, la table mise), verset 64] 1.

Les écrits idéologiques du Hamas empruntent ces citations pour justi-


fier et expliquer pourquoi les Juifs sont l'ennemi. Cette explication décrit
également en détail l'ampleur du complot international auquel est
confronté le Hamas, explique Beverley Milton-Edwards.

Les auteurs des publications du Hamas sont apparemment convaincus que


le sionisme et Israël font partie d'un complot juif visant à conquérir le
monde. En fait, le sionisme, Israël et les Juifs sont pour eux des mots
interchangeables. Pour le Hamas, l'idée d'un antisioniste juif est
inconcevable ; tous les Juifs sont des sionistes 2.

1. Charte du Hamas, article 32.


2. Milton-Edwards, op. cit., p. 188.
Et ce thème a été utilisé avec succès pour inciter les Palestiniens à
perpétrer des attentats terroristes et à se dresser contre toute forme de
coexistence avec Israël.
Pendant l'Intifada, toutes les tendances et organisations palestiniennes
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ont utilisé en priorité le tract pour exposer leurs messages idéologiques de
la façon la plus populiste, et aussi la plus autoritaire. Le contexte et la
terminologie de ces tracts sont donc l'expression précise et/ou le reflet de
la conception des organisations terroristes palestiniennes1. Les tracts du
Hamas traitent abondamment du problème juif. Esther Webman a
remarqué que la terminologie employée pour y décrire les Juifs est « un
mélange de rhétorique occidentale antisémite et islamique ». Parmi les
termes de ce type les plus fréquemment utilisés, citons : « Les frères des
singes », « les tueurs de prophètes », « suceurs de sang », « fauteurs de
guerre », « barbares », « lâches », « cancer s'étendant dans le pays d'Isra’
[référence à la Palestine qui était la destination du voyage nocturne de
Mahomet] et de Mi’raj [ascension au ciel de Mahomet] et menaçant le
monde islamique tout entier », « peuple vaniteux et arrogant », « l'ennemi
de Dieu et de l'humanité », « les descendants de la perfidie et de la
tromperie », « nazis », « diffusant la corruption en terre d'islam »,
« coupables sionistes qui autrefois empoisonnaient l'eau, tuaient les
enfants, les femmes et les personnes âgées », « voleurs, monopolistes,
usuriers2 ».

Le Hamas n'est pas la seule organisation islamiste à diffuser des incita-


tions à la haine des Juifs. Le Djihad islamique décrit systématiquement
Israël en termes de lutte de l'islam contre les Juifs. Le 23 novembre 1988,
le cheikh Al-Tamimi publie ainsi une lettre ouverte à Arafat dans laquelle
il souligne la pérennité de la lutte islamique pour la Palestine :

Cette terre est une éternelle zone de conflit entre les infidèles et les
musulmans. Elle fut perdue autrefois dans l'histoire, mais les musulmans
n'ont pas reconnu l'État des croisés. L'Europe des croisés a rapidement
disparu et nous avons recouvré notre pays.

Aujourd'hui, explique Tamimi, la révolution palestinienne se rue vers


des solutions politiques qui équivalent à la trahison de l'héritage islamique.
Et cela parce que, ayant renoncé à l'islam, elle s'essouffle.

1. Shaul Mishal et Reouven Aharoni, Avanim ze lo hakol (Les Pierres ne sont pas tout :
l'Intifada et l'arme des tracts), Tel-Aviv, Hakibboutz Hameouhad. 1989).
2. Esther Webman, Anti-Semitic Motifs in the Ideology of Hizballah and Hamas, Tel-
Aviv, université de Tel-Aviv, 1994, p. 18-19.
Les révolutionnaires sont fatigués de la longue marche. Ils ont voulu
reconnaître le droit des Juifs à s'installer et à demeurer dans un pays qui
est le joyau du monde. Ce pays est le phare des musulmans. Non. cette
décision ne sera pas couronnée de succès. Les Juifs ne s'installeront pas
dans notre pays1.
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La même attitude générale se retrouve dans les organisations chiites.
Dans son analyse de la doctrine du cheikh Fadlallah, du Hezbollah, Martin
Kramer souligne la dimension antijuive générale de la lutte islamiste contre
Israël2. Le cheikh affirmait que l'objectif d'Israël n'était pas seulement
une confrontation avec les Palestiniens pour le contrôle d'un certain terri-
toire. En fin de compte, Israël n'est « pas seulement un groupe qui a créé
un État aux dépens d'un peuple. C'est un groupe qui aspire à établir la
culture juive aux dépens de la culture islamique ou de ce que d'aucuns
appellent la culture arabe ».

La création d'Israël a pour objectif ultime d'amener « tous les Juifs du


monde dans cette région, d'en faire le noyau à partir duquel ils étendront
leur domination économique et culturelle 3 ». Utilisant Israël comme un
tremplin territorial, les Juifs continueront ensuite à œuvrer pour atteindre
leur objectif ultime : l'éradication totale de l'islam.

Cela ne doit pas surprendre les musulmans de notre époque, souligne


Fadlallah, car la lutte contre Israël qui se déroule aujourd'hui au Moyen-
Orient se situe dans le droit fil du premier combat du Prophète contre les
Juifs d'Arabie.

Nous constatons que la lutte contre l'État juif que mènent les musulmans
est la poursuite de la lutte ancestrale des musulmans contre le complot juif
à l'encontre de l'islam.

Fadlallah explique alors qu'il existe « un mouvement juif mondial


s'employant à déposséder l'islam de ses actuelles positions de pouvoir
spirituellement, sur la question de Jérusalem ; géographiquement sur la
question de la Palestine ; politiquement, en faisant pression pour bloquer le
mouvement de l'islam en plus d'un lieu ; et économiquement, en s'effor-
çant de contrôler les ressources et le potentiel de l'islam, dans le domaine
de la production et de la consommation 4 ».

1. Radio arabe palestinienne Al-Quds, 23 novembre 1988.


2. Martin Kramer, « The Oracle of Hizbullah », in R. Scott Appleby, Spokesmen for the
Despised, Chicago, Illinois, The University of Chicago Press, 1997, p. 116.
3. Al-Nahar, 24 juin 1989.
4. Al-Muntalaq, n° 77, avril 1991.
Étant donné l'intensité et le caractère fatidique de l'actuelle lutte
israélo-arabe, il n'est guère possible qu'Israël accepte et respecte des
accords bilatéraux - qu'il s'agisse de la paix avec un voisin arabe ou
d'accords de sécurité générale au sud-Liban. Ainsi, indépendamment des
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conditions particulières d'un quelconque accord de paix ou de sécurité,
souligne Fadlallah, Israël « trouvera toujours des justifications pour
relancer ce problème à l'avenir » afin de poursuivre l'expansion territoriale
juive et de parvenir à la destruction de l'islam 1.

La signification et la logique de cette argumentation n'ont cessé de se


développer à l'ère du « processus de paix ». Un aspect plus important et
politiquement décisif de l'antisémitisme musulman contemporain est
l'intense diabolisation des Juifs dans la mesure où elle contrebalance le
« processus de paix ». Si la « paix » est un instrument étatique étranger à
l'islam, l'hostilité implacable envers les Juifs est stipulée dans le Coran, et
irréfutable. L'ayatollah Fadlallah définit de manière très explicite le rôle de
l'antisémitisme islamiste pour contrôler le « processus de paix ».

Le combat qui reprendra après la réconciliation avec Israël sera le combat


contre la soumission de l'Arabe et du musulman à Israël dans les domaines
de la politique, de la culture, de l'économie et de la sécurité. Dans le
vocabulaire du Coran, les islamistes trouvent une bonne partie de ce dont
ils ont besoin pour réveiller la conscience des musulmans, en se fondant
sur le texte littéral, car le Coran parle des Juifs de façon négative, qu'il
s'agisse de leur conduite dans l'histoire ou de leurs intrigues futures. Les
islamistes doivent déployer leur culture juridique islamique et coranique
pour combattre la normalisation 2.

C'est pourquoi, indépendamment des discours des États et de leurs


gouvernements, l'opinion publique dans le monde arabe ne fera pas la paix
avec un État d'Israël démonisé, pas plus qu'elle ne le légitimera, le recon-
naîtra ou acceptera son droit à l'existence. Étant donné que les gouverne-
ments constituent la source principale de l'antisémitisme dans le monde
musulman, on peut mettre en doute la nature de leur engagement dans le
« processus de paix » et leur volonté ne serait-ce que de reconnaître le droit
d'Israël à l'existence.
Au milieu des années 1990, la remise en cause de la légitimité d'Israël
et du « processus de paix » par l'utilisation de précédents antijuifs
empruntés au Coran est devenue le principal thème des islamistes. Le lien

1. Middle East Insight, mars-avril 1988.


2. Shuun al-Awsat, 14 décembre 1992.
direct établi entre les propres problèmes du Prophète face aux Juifs et les
événements politiques contemporains rendit quasiment impossible tout
discours s'écartant de l'interprétation islamique des relations avec les Juifs
et Israël. Et les médias islamistes continuent de marteler cette ligne d'inci-
tation à la haine en direction d'un public réceptif. Les médias islamistes ont
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signalé que le mufti égyptien Mohammed Sayyid Tantawi avait terminé
une thèse de doctorat sur les Juifs dans le Coran dont un chapitre portait sur
les « maux et les péchés » que les Juifs sont encouragés à perpétrer par
leurs livres saints. Malheureusement non publié à l'heure où nous écrivons,
ce document fournirait de précieux témoignages sur le danger que les Juifs
représenteraient pour le monde 1. Ce type de prise de position a ouvert la
porte à un flot de débats.

Ainsi, au printemps 1994, les médias islamistes ont mentionné que le


mot « paix » tel qu'il était défini dans le « processus de paix » recherché
entre les États arabes et Israël n'apparaissait pas dans le Coran ou dans les
dictionnaires classiques de la langue arabe. En outre, il ne saurait y avoir
aucun accord avec les Juifs parce qu'ils ont pour habitude de violer les
accords. Croyant être le Peuple élu par Dieu, les Juifs insistent pour créer
un Grand Israël aux dépens des Arabes. Mais il n'y a rien de nouveau ou
d'inattendu dans ce comportement car le Coran a déjà repéré la perfidie des
Juifs, environ 30 % des blasphèmes évoqués par le Coran les concernant.
Ces sinuosités psychologiques et les traits malfaisants inhérents aux Juifs
les motivent encore davantage à poursuivre le « processus de paix », affir-
ment les islamistes 2.
Au même moment, le Hezbollah poursuit la même ligne de propagande
et d'incitation à la haine. Le Coran « nous enjoint de mettre fin à l'hégé-
monie des Juifs sur la terre des musulmans », note cet été-là le cheikh
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah. « Et, bien que nous
soyons témoins d'une importante ascension des Juifs, [cela] nous fait
ressentir que la réalisation de la promesse divine du triomphe sur les Juifs
approche3. » Collaborateur régulier du journal du Hezbollah Al-Ah'd,
Mustapha Mashhur a souligné que c'était l'héritage des Juifs qui rendait
impossibles la réconciliation ou la coexistence avec eux. Il explique :
« Nous avons déjà expérimenté les rapports avec les Juifs. Nous avons vu
la manière dont ils ont projeté de contrôler notre commerce et notre
économie, comment ils ont étendu leur monopole sur plusieurs produits de

1. Dina Porat, Anti-Semitism Worldwide 1994, Tel-Aviv, Projet pour l'étude de l'antisé-
mitisme, université de Tel-Aviv, éd. 1994, p. 162-163.
2. Al-Liwa, 27 avril 1994 ; cité in D. Porat, op. cit., 1994, p. 162-163.
3. D. Porat, op. cit., 1994, p. 154.
première nécessité et comment ils ont manipulé les prix au service de leurs
intérêts. [...] Les Juifs n'ont pas changé1. »

Ces observations avaient des ramifications directes en ce qui concerne


la sélection de cibles légitimes par le Hezbollah. En fait, pour les terroristes
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islamistes, il n'y a pas de réelle distinction entre les cibles « sionistes » et
les cibles « juives ». Ainsi, à la mi-décembre 1994, évoquant l'affronte-
ment attendu avec Israël, le cheikh Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah,
promettait une escalade du terrorisme antijuif, notamment des attentats
suicides à travers le monde. Il formula sa menace lors de l'enterrement de
quatre membres de son organisation qui venaient d'être tués au cours
d'affrontements avec les forces israéliennes au sud-Liban. Le cheikh
Nasrallah mit en garde « tous les dirigeants de l'ennemi que l'islam [...]
l'islam des moudjahids [combattants] et des shuhada [martyrs], arrive
jusqu’à vous, Juifs ; au sud-Liban, en Palestine et dans le monde entier. Il
vous vaincra ! »

La lutte qui s'annonce contre les Juifs sera acharnée et impitoyable


malgré les menaces de représailles de la part d'Israël : « Les sionistes
commencent à comprendre qu'ils combattent des gens qui n'ont pas peur
de la mort, déclarait Nasrallah. Les menaces de l'ennemi ne nous effraient
pas et ne changeront rien à la détermination ou à la volonté de la
résistance. » Nasrallah promettait également que la lutte du Hezbollah
contre Israël ne prendrait fin que lorsque « les cortèges funéraires israé-
liens commenceraient à atteindre les terres occupées en Palestine », c'est-
à-dire lorsque le niveau des pertes deviendrait insupportable pour la popu-
lation israélienne 2.

Les islamistes sunnites invoquent également la relation entre le complot


juif contre le monde et la menace que font peser les sionistes sur les Arabes
autour d'eux. À l'automne 1994, le Hamas met en garde contre « les
risques de rapprochement entre les Arabes et l'ennemi sioniste ». Son argu-
ment principal est les passages du Coran sur l'avidité naturelle aux Juifs,
mais il souligne ensuite que la littérature occidentale contemporaine (anti-
sémite) confirme cette caractéristique juive. À l'appui de sa propre argu-
mentation, le Hamas reprit aussi les thèmes antisémites développés dans
les médias égyptiens. Il rapporta ainsi que des « sionistes » avaient été
arrêtés au Caire pour avoir encouragé la prostitution et le trafic de drogue,
afin de propager le sida parmi les Égyptiens. À eux seuls, ces cas
montraient la perfidie des « sionistes » et prouvaient que les musulmans ne

1. D. Porat, op. cit., 1994, p. 155-156.


2. La Voix de l'opprimé, 19 décembre 1994.
devaient pas leur faire confiance. « Les Juifs sont en voie de contrôler
l'économie mondiale » fut le cri de ralliement de la propagande islamiste
cet été-là. Les islamistes invoquaient abondamment Les Protocoles des
Sages de Sion à l'appui de leur affirmation. Ils soulignaient que les Proto-
coles étaient tout à fait d'actualité au Moyen-Orient car « le fondement
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philosophique et religieux des plans des Juifs visant à contrôler les
ressources économiques du monde » s'applique également aux aspirations
des sionistes au Moyen-Orient 1.

La signature de l'accord de paix israélo-jordanien à l'automne 1994


provoqua une explosion de sentiments anti-israéliens et antisémites chez les
islamistes jordaniens. Les plus virulents furent les représentants jordaniens
du Front d'action islamique (FAI) affilié aux Frères musulmans. Le FAI
déclara que le nouvel accord de paix n'était qu'une étape dans le « vaste
complot » visant à scinder la nation musulmane et à légitimer la présence
d'Israël dans le Moyen-Orient musulman. « Tel est le projet de créer un
grand Israël sans guerre, sans pertes humaines ni usure des ressources
économiques de l'ennemi », commenta un journaliste affilié au Hamas. Le
FAI jugeait la Jordanie particulièrement vulnérable et menacée par ce « plan
sioniste tyrannique » destiné à dominer le Moyen-Orient par l'impact
cumulé de moyens économiques, politiques, culturels et militaires, ainsi que
par l'information plutôt que par un affrontement direct et par une guerre 2.
Si la situation de la Jordanie s'avérait particulièrement précaire, c'était, entre
autres, parce que les Juifs étaient à même d'exercer une pression psycholo-
gique directe en circulant librement dans le pays. Par exemple, avertit le
FAI, les fréquentes visites de Juifs sur les sites archéologiques jordaniens
pourraient être suivies de revendications israéliennes, les autorités affirmant
que ces lieux étaient historiquement juifs et devaient donc appartenir à
Israël. Une fois que les Juifs auront découvert une « dimension de Torah »
dans l'un de ces lieux, ils en prendront prétexte pour revendiquer des droits
sur la Jordanie3. Cependant, soulignaient les dirigeants musulmans, le
problème de la propagation judéo-sioniste n'était pas limité à la Jordanie.

Tout le débat islamiste qui suivit à partir du début de 1995 fut mené
dans le contexte d'un jugement sans ambiguïté du chef du Hamas, le
cheikh Ahmed Yassine. Dans une interview donnée clandestinement d'une

1. D. Porat, op. cit., 1994, p. 155-156.


2. Filastine al-Muslima, décembre 1994, cité in D. Porat, Anti-Semitism Worldwide
1995-1996, Tel-Aviv, Projet pour l'étude de l'antisémitisme, université de Tel-Aviv, éd.
1996, p. 182-187.
3. Al-Usbu al-Arabi, 27 avril 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996,
p. 182-187.
prison israélienne, il déclara que toute forme de réconciliation avec les
Juifs était « un crime si elle aboutissait à légitimer l'occupation ». L'islam
n'autorisait l'imam des Croyants qu’à proclamer une trêve temporaire ou
une cessation des combats, et seulement pour une période limitée, lorsque
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les musulmans sont faibles et ont besoin de temps pour reconstituer leurs
forces. Toutes les relations des Arabes avec Israël devraient être menées
dans l'esprit de ce préambule, décréta Yassine :

Je distingue le cas de la Palestine en particulier, parce que c'est une terre


de lieux saints et un bien religieux islamique [Waqf] qui ne peut être cédé
par aucun dirigeant, président ou roi. Pas plus qu'aucune génération ne
peut le céder, parce que c'est le bien de toutes les générations de
musulmans jusqu'au Jour du Jugement 1.

Ainsi, à partir du début de l'année 1995, les dirigeants islamistes


comme le porte-parole du Hamas en Jordanie, Ibrahim Ghosheh, soulignè-
rent l'attitude profondément différente de l'Autorité palestinienne et des
islamistes palestiniens envers Israël. Alors que l'Autorité palestinienne, à
l'instar de certains États arabes, accordait la priorité aux activités contem-
poraines d'Israël - à savoir la poursuite du « processus de paix » et la
normalisation -, les islamistes invoquaient la profondeur de la perspective
historique. Pour les islamistes, la référence aux sionistes et au sionisme
n'est qu'une partie intégrante d'un défi global du judaïsme et des Juifs à
l'islam. Ghosheh soulignait que les accords avec Israël avaient en réalité
été rédigés par les Juifs, reflétaient donc leur mode de pensée et visaient à
précipiter la réalisation de leurs projets. Il s'exprime en ces termes :

Au sein du mouvement islamique, nous avons étudié les Juifs à partir d'une
base religieuse et historique, ce qui vaut mieux que la voie empruntée par
ceux qui se prétendent à la pointe en matière tactique. Malheureusement,
l'Autorité palestinienne et l'OLP n'ont pas examiné attentivement le
sionisme et le judaïsme et ne savent pas exactement ce que veulent les Juifs.
C'est pourquoi ils récoltent aujourd'hui des fruits amers.

Les gouvernements arabes ne parviennent donc pas à comprendre que


leurs accords conclus avec Israël l'aident à concrétiser l'aspiration juive
d'un grand Israël s'étendant du Nil à l'Euphrate par des voies économiques
et culturelles. Ghosheh souligne que cet objectif a été mentionné à maintes
reprises par des écrivains et des hommes politiques juifs 2.

1. Filastine al-Muslima, mars 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996,
p. 182-187.
2. Al-Aswaq, 8 et 9 mars 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996, p. 182-187.
Dans le sillage d'une paix relativement récente avec Israël, les médias
jordaniens islamistes ont mis en garde contre l'hostilité foncière insurmon-
table entre musulmans et Juifs. Ils ont souligné que les Juifs suivaient les
commandements d'un Dieu militant qui, croient-ils, ordonne aux Enfants
d'Israël de détruire toutes les civilisations, de procéder à des purifications
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ethniques et de tuer tous les non-Juifs. Cette croyance est en contradiction
avec la conception islamique de Dieu et d'êtres humains bienveillants. Un
examen attentif des livres saints des Juifs - la Torah et le Talmud - révèle que
leur thème dominant est un soutien religieux et une légitimation des activités
raciales et terroristes que perpètrent habituellement les sionistes. Cependant,
alors que la menace sioniste est dirigée principalement contre les Arabes, la
menace générale juive concerne le monde entier. Le terrorisme juif en Occi-
dent et contre l'Occident est perpétré clandestinement par le mouvement
franc-maçon avec l'objectif déclaré de détruire le christianisme 1. Ce dernier
thème se fonde sur les études de Salih Hasan al-Maslut, professeur d'histoire
de la prestigieuse université Al-Azhar, spécialiste de l'histoire de la franc-
maçonnerie, de ses fondements et de ses objectifs. Le professeur al-Maslut
considère la franc-maçonnerie comme « une organisation clandestine » dont
l'objectif premier est de détruire les nations non juives et les gouvernements
non juifs pour instaurer un gouvernement juif mondial. Afin d'assurer l'asser-
vissement du vaincu, les Juifs, par l'intermédiaire des francs-maçons, veulent
effacer tous les autres sentiments religieux et nationalistes 2.
Pour les islamistes jordaniens, ces caractéristiques et ces objectifs
pervers des Juifs contribuent à expliquer l'état actuel du conflit israélo-
arabe, l'image de plus en plus négative de l'islam en Occident et - c'est le
plus important — sont la cause première de la supériorité d'Israël sur les
Arabes. Les islamistes se demandent ouvertement comment 15 millions de
Juifs peuvent déterminer le sort du monde : en confortant leur ancien
leadership religieux, les Juifs sont des dirigeants sans peuple, alors qu'en
l'absence de direction islamique, les Arabes sont un peuple sans dirigeants.

Les Juifs sont historiquement connus pour leur opportunisme, leur lâcheté
et leur manque de responsabilité, mais en cette époque exécrable, ils ont
choisi des dirigeants capables de réaliser des gains substantiels 3.

Conformément au thème répandu de la prédominance religieuse juive


sur la direction politique, c'est-à-dire israélien, les islamistes jordaniens

1. Al-Liwa, 12 avril, 19 avril et 16 juin 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-
1996,p. 179-181.
2. Aqidati, 13 juin 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996, p. 179-181.
3. Al-Liwa, 19 juillet 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996, p. 178.
mettent en relief le rôle joué par le leadership religieux juif dans le compor-
tement et les actes des sionistes aujourd'hui. Un événement récent
confirme cette observation, précisent les islamistes. Une « fatwa
rabbinique » prononcée par un rabbin militaire israélien affirmait que tuer
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les Arabes était un devoir sacré. Ainsi, l'ennemi juré et la violence qui y est
liée sont voués à se perpétuer 1.

L'importance politique actuelle de la continuité directe entre le compor-


tement traître des Juifs à l'époque du Prophète et au milieu des années 1980
se reflète nettement dans la publication de plusieurs études, les plus impor-
tantes étant la série d'articles de Hasan Makki Muhammad et de Salah al-
Khalidi. Ensemble, elles constituent une tentative détaillée d'expliquer les
relations islamo-juives à partir d'expériences historiques islamiques malheu-
reuses. Les articles de Hasan Makki Muhammad soulignaient l'actualité des
rapports entre le Prophète et les tribus juives d'Arabie. Bien que le Prophète
ait à maintes reprises souhaité accueillir les Juifs, ceux-ci Le rejetèrent obsti-
nément Lui et Son message, et violèrent les accords conclus. Ce comporte-
ment juif n'a rien de fortuit et se retrouve dans l'attitude des Israéliens face
aux accords qu'ils signèrent avec les Arabes, conclut Hasan Makki
Muhammad. La série d'articles de Salah al-Kahlidi, quant à elle, fait appa-
raître deux thèmes. Le premier réaffirme le rôle des musulmans en tant que
Peuple élu de Dieu, depuis que les Juifs ont rompu leur promesse envers
Dieu et ont donc été déchus de leur position. Par la suite, les Juifs ont pris
l'habitude de déformer la Torah par de nombreux mensonges et des
coutumes erronées. Ils ont en outre refusé d'adopter l'islam et ont lancé une
guerre agressive contre le Prophète. Ainsi, conclut Salah al-Khalidi, débuta
un affrontement fatidique entre musulmans et Juifs qui se poursuit toujours
et constitue la quintessence des relations arabo-israéliennes 2.
Une série d'articles d'Isam Abd al-Aziz allant dans le même sens
examinait la possibilité d'une normalisation dans le contexte de cet héri-
tage des relations islamo-juives. « La question de la normalisation s'est
avérée constituer le cœur du développement et du changement dans la
région », écrit-il.

L'actuel conflit culturel avec le sionisme dans lequel le monde arabe est
plongé est l'évolution directe d'une confrontation historique de l'islam
avec les Juifs. Les événements actuels se comprennent mieux dans le

1. Al-Liwa, 28 septembre 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996, p. 179-181.
2. Muhammad Hasan Makki, Al-Liwa, 17, 24, 31 mai et 7 juin 1995, Salah al-Khalidi,
Falastine al-Muslima, mars à octobre 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996,
p. 179-181.
contexte de l'histoire juive et de l'aspiration juive au pouvoir. À travers
l'histoire, « les sionistes » [une expression qu'il remplace souvent par
« les Juifs »] n'ont pas été capables ou n'ont pas voulu vivre avec les
autres peuples ou se mêler à eux, et ont donc créé des ghettos et des
sociétés séparées. À partir de là, ils ont cherché à se venger et à diriger les
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autres. Il est dans la nature du mouvement sioniste de soutenir Israël, isolé
par un programme destiné à dominer le Moyen-Orient musulman et à
permettre à l'Occident de préserver ses intérêts dans la région.

Al-Aziz conclut : « [...] le processus de normalisation relève cependant


d'une autre démarche impérialiste opportuniste. Ses objectifs liés sont de
soutenir Israël comme future entité pour tous les Juifs du monde et de
consolider une influence politique et économique globale dans le monde,
en commençant par le Moyen-Orient. Les objectifs sionistes ont toujours
été agressifs et stratégiques parce qu'ils reflètent la mentalité juive. Le
processus de normalisation n'est guère différent1 ».

Pour les islamistes jordaniens, la question israélienne a été tranchée en


octobre 1995, date à laquelle dix-neuf oulémas jordaniens ont publié une
fatwa interdisant la vente ou la location à des Juifs de terres ou de tout autre
bien en Jordanie. Fait révélateur, la fatwa soulignait que le décret était
publié non seulement en réaction au « processus de paix » en cours, mais
répondait également à un contexte historique plus vaste. Elle décrétait qu'il
avait été établi que les Juifs étaient les êtres les plus hostiles aux musul-
mans et que « Dieu faisait obligation aux Croyants de tuer les Juifs, les
usurpateurs, les agresseurs, et de les chasser de tous les pays qu'ils avaient
usurpés ». Si on leur donnait accès à des terres musulmanes, comme en
Jordanie, avertissait la fatwa, les Juifs pourraient, selon leurs habitudes
honteuses et corrompues, en profiter pour diffuser un langage obscène et
pour introduire la fornication et les crimes2.

Durant cet automne 1995, les islamistes égyptiens développèrent une


vision encore plus radicale des relations avec Israël dans le contexte histo-
rique des relations islamo-juives. La simple existence d'Israël, affirmèrent-
ils, n'était qu'une phase transitoire dans une lutte décisive dont l'issue
finale était certaine. « Dieu a annoncé dans le Coran que nous finirons par
vaincre les Juifs. » On ne peut donc accepter à long terme un État juif en
Palestine.

1. Isam Abd al-Aziz, Falastine al-Muslima, mai à août 1995 ; cité in D. Porat, op. cit.,
édition de 1995-1996, p. 182-187.
2. Falastine al-Muslima, octobre 1995 ; cité in D. Porat, op. cil, édition de 1995-1996,
p. 182-187.
Nous considérons la simple existence d'Israël comme un outrage constant
pour nous, Arabes et musulmans, et on ne pourra envisager la
normalisation qu'après l'expulsion de tous les sionistes de Palestine et
leur renvoi dans leur pays d'origine.
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Un autre intellectuel, Abd al-Qadir Salah, souligna que les Juifs consi-
déraient toute normalisation comme un instrument de soumission de la
société arabe à la volonté sioniste. Le « processus de paix » vise à vaincre
les Arabes de l'intérieur, en paralysant leur résistance et en supprimant
l'identité arabe et islamique. Mustafa Mashhur, l'adjoint du guide des
Frères musulmans égyptiens, conclut que « les intrigues sionistes » se
poursuivent depuis l'époque du Prophète Mahomet. C'est pourquoi,
tranche-t-il, c'est « un devoir national et religieux » de ne pas s'abuser sur
ce que les Israéliens appellent la paix, et qui est en réalité « la soumission
imposée, un jour par la force et la coercition et un autre par la ruse et la
duperie 1 ».

À cette époque, le Hezbollah et l'élite chiite n'étaient pas loin derrière


leurs homologues sunnites. Leurs organes de propagande et d'incitation à
la haine reprenaient les mêmes thèmes. Un analyste déclarait :

Si nous tentons de lire l'histoire des Juifs partout où ils furent, nous
découvrons que ces traits malfaisants sont profondément ancrés dans
l’âme des générations juives et furent à l'origine de crises consécutives,
menant à leur rejet par toutes les sociétés, à leur expulsion et fréquemment
à leur massacre.

Il n'est donc pas étonnant qu'en avril 1995, les oulémas jordaniens aient
organisé une conférence à Beyrouth pour entériner la fatwa interdisant la
cession aux Juifs de terres musulmanes à Jérusalem, en Palestine ou
ailleurs. L'objectif ultime, cependant, demeure la lutte fatidique. « Dieu
Tout-Puissant [...] sait mieux ce qu'est un Juif », déclara le cheikh Hasan
Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah. « Il nous parle de ces Juifs,
nous disant que ce sont des tueurs et des criminels, perfides et corrompus. »
Le cheikh Mohammed Hussein Fadlallah, chef spirituel du Hezbollah,
souligna que la paix avec Israël était juridiquement interdite. « Les Juifs
israéliens ont usurpé la Palestine », expliquait-il.

1. Al-Shaab, 8 septembre, 29 septembre et 6 octobre 1995 ; cité in D. Porat, op. cit.,


édition de 1995-1996, p. 182-187.
Les Juifs nous ont massacrés et expulsés de nos maisons. Ils poursuivent
les musulmans partout dans le monde, les oppriment, les affaiblissent et
font alliance contre eux avec l'arrogance du monde.

D'autres chefs terroristes abondent dans ce sens. « Pour nous, la paix,


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déclare Ramadan Abdallah, du Djihad islamique, signifie le démantèle-
ment des colonies et de la tumeur cancéreuse qu'on appelle Israël [...]. La
Palestine est notre propriété ; c'est une loi divine et historique qui ne peut
être abrogée par aucun de ces accords 1. »

Les islamistes ont intensifié leurs efforts en 1996 pour assortir leur posi-
tion intransigeante vis-à-vis d'Israël d'une justification théologique
globale. Plusieurs séries d'articles ont été publiées dans les journaux isla-
mistes, diabolisant les Juifs, les stigmatisant comme un peuple maudit,
délégitimant leur droit sur la Palestine. Salah al-Khalidi a fait paraître une
autre série d'articles soulignant que « les Juifs sont des corrompus et des
menteurs qui ont falsifié la Torah ». À long terme, la menace la plus grave
réside dans les efforts sans relâche déployés par les Juifs pour « sioniser »
les dirigeants du monde et les institutions internationales afin qu'ils
soutiennent leurs positions2. Une longue série d'articles d'Ibrahim al-Ali
étudie l'hostilité inhérente des Juifs à l'islam et leur comportement malé-
fique, ainsi que la colère de Dieu et le châtiment mérité, conformément aux
paroles du Prophète Mahomet à leur propos 3. Salah al-Khalidi reprit égale-
ment la série d'articles qu'il avait entamée en 1995, qui analysait la signi-
fication contemporaine des versets coraniques ayant trait aux Juifs et
d'autres épisodes historiques relatifs aux Juifs de l'époque du Prophète,
afin de montrer la menace permanente qu'ils font peser sur l'islam et les
musulmans. Salah al-Khalidi affirma que les récits historiques comme les
réalisations actuelles des Juifs prouvaient qu'ils étaient méprisables, lâches
en situation de faiblesse et oppresseurs en situation de force. Parce qu'ils
avaient diffusé à leur profit des mythes et des idées fausses parmi les
Arabes, les Juifs devaient être haïs et détestés. Jusqu’à ce qu'ils soient
détruits par la volonté de Dieu, concluait-il, l'umma (la nation) musulmane
devait être consciente du danger qu'ils représentaient et accomplir le
devoir divin de débarrasser le monde de la menace juive 4.

1. D. Porat, op. cit., édition de 1995-1996, p. 179-187.


2. Falastine al-Muslima, juin à septembre 1995 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de
1996-1997, p. 186-188.
3. Ibrahim Al-Ali, Filastin al-Muslima, janvier à octobre 1996 ; cité in D. Porat, op. cit.,
édition de 1996-1997, p. 186-188.
4. Salah Al-Khalidi, Al-Liwa du 2 mars au 25 septembre 1996 ; cité in D. Porat, op cit,
édition de 1996-1997, p. 186-188.
Muhsin Abd al-Hamid étudia lui aussi les relations judéo-musulmanes
durant trois périodes décisives de l'histoire islamique, depuis l'époque du
Prophète. Ce travail réaffirme la mise en garde du Prophète dans le Coran
selon laquelle « les Juifs sont les plus hostiles aux Croyants 1 ». « Le
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danger que représentent les Juifs, affirmait Abd al-Munim Abou Zanat,
s'était accru ces dernières années avec la création de leur “État cancéreux
malfaisant”. Les Juifs ont pratiqué le mensonge, falsifié la Torah et le
Talmud afin de justifier la création d'Israël. Par ailleurs, les Juifs du monde
entier continuent à adorer l'argent et à fomenter des complots contre leurs
adversaires, nuisant à leur cohésion mentale, sociale, économique, poli-
tique et militaire. » Il avertit : « Étant donné l'ampleur de la menace juive,
les Arabes doivent déraciner cet État cancéreux avant qu'il n'explose dans
le corps de l'humanité 2. »

Ces définitions religieuses ont constitué le fondement de l'analyse poli-


tique des événements qui se déroulaient au Moyen-Orient. Un islamiste
jordanien affirma ainsi que l'on pourrait mieux comprendre la politique de
Nétanyahou, alors Premier ministre d'Israël, à la lumière de plusieurs prin-
cipes religieux de la Torah et du Talmud. Cette politique se fondait sur
l'hypothèse que les Juifs furent créés par Dieu et étaient le Peuple élu de
Dieu. Nétanyahou est donc convaincu que les Juifs sont les meilleurs et que
tous les autres sont des goyim qui constituent le mal suprême. Les Juifs sont
également convaincus que la terre et tout ce qu'elle offre leur appartient.
En outre, tuer des non-Juifs et verser leur sang n'est pas seulement autorisé
par le Dieu des Juifs, c'est un devoir sacré. Nétanyahou est déterminé à
poursuivre ces objectifs juifs sacrés au Moyen-Orient, en créant une patrie
juive s'étendant de l'Euphrate au Nil aux dépens des Arabes haïs 3.

Les islamistes égyptiens ont eux aussi suivi une ligne continue de
diabolisation des Juifs pour justifier leur politique vis-à-vis d'Israël. Les
Juifs sont absorbés dans un complot visant à dominer le Moyen-Orient,
première étape dans leur objectif de domination mondiale. Le seul obstacle
qu'ils ont à affronter est la lutte arabe contre Israël. C'est pourquoi cette
lutte est éternelle, et exige la mobilisation des forces armées et des bases
de l'industrie militaire de la nation musulmane tout entière. En formulant
leur position envers Israël, a souligné Mustafa Pashhur, le guide suprême

1. Muhsin Abd al-Hamid, Filastin al-Muslima, mars à mai 1996 ; cité in D. Porat, op. cit.,
édition de 1996-1997, p. 186-188.
2. Abd al-Munim Abu Zanat, Al-Sabil, 17 et 24 septembre ; 1er et 8 octobre 1996 ; cité
in D. Porat, op. cit., édition de 1996-1997, p. 186-188.
3. Jawdat Al-Sad, Al-Liwa, 19 juin 1996 ; cité in D. Porat, op. cit., édition de 1996-1997,
p. 191-192.
des Frères musulmans égyptiens, les Arabes ne doivent pas oublier que le
Coran a déjà établi que les Juifs, rancuniers, agressifs et malhonnêtes,
étaient les ennemis les plus malfaisants et les plus dangereux des Arabes.
Un autre commentateur a souligné que l'histoire juive était pleine de cons-
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pirations contre les musulmans, à commencer par celle qu'ils fomentèrent
contre le Prophète Mahomet. La haine des Juifs à l'égard du Prophète
surpasse tous les affrontements qui les opposèrent par la suite aux musul-
mans, parce qu'ils ne le reconnurent tout simplement pas comme leur
messie. Le Prophète n'eut donc pas d'autre choix que de les expulser défi-
nitivement d'Arabie. L'héritage de la confrontation juive avec le Prophète
sert également à expliquer leur duplicité, puisqu'ils trahirent le Prophète.
Les Juifs avaient tenté de l'emporter sur l'islam par l'Isralyyat (anecdotes
faussement attribuées au Prophète), et ils poursuivent aujourd'hui dans
cette voie en publiant des mensonges anti-islamiques sur Internet 1.

Ainsi, à la fin des années 1990, les principales organisations terroristes


- principalement le Hezbollah et le Hamas - ont unifié les objectifs de leur
djihad pour inclure à la fois le sionisme/Israël et le monde juif. La justifi-
cation et l'élucidation idéologiques de cette évolution dérivent de la litté-
rature antisémite classique qui circule dans le monde arabe et musulman.

L'OLP/Autorité palestinienne d'Arafat suit de près le djihad des isla-


mistes, en ce qu'elle reprend les thèmes antisémites classiques et anticipe
la reprise de la lutte, à la fois contre Israël et contre les Juifs. Aujourd'hui,
les médias officiels de l'Autorité palestinienne sont au premier rang dans
la propagande antisémite et l'incitation à la haine. La ligne de propagande
de l'Autorité palestinienne est que les Palestiniens sont victimes de
complots juifs pervers. « Nous luttons et combattons contre un ennemi qui
est Shylock. Nous devons savoir qu'il s'agit de Shylock », explique
Othman Abou Gharbiya, conseiller d'Arafat pour l'orientation politique
nationale2. L'Autorité palestinienne doit donc lutter contre les machina-
tions juives de tout son pouvoir. « L'Autorité [palestinienne] ne peut rien
faire d'autre que protéger son peuple et elle-même contre un ennemi qui
découvre ses crocs juifs aux quatre coins de la terre », explique le journal
officiel de l'Autorité palestinienne, Al-Hayat al-Jadida 3.

1. Majdi Husayn Ahmad, Al-Shaab, 7 mai 1996, Mustafa Mashhur, Al-Shaab, 11 juin
1996, Al-Shaab, 30 juillet 1996, Al-Wafd, 11 octobre 1996 ; cité in D. Porat, op cit., édition
de 1996-1997, p. 186-188.
2. La Voix de la Palestine, 15 mars 1997.
3. Al-Hayat al-Jadida, 6 août 1997.
Les médias contrôlés par l'Autorité palestinienne intensifient leur viru-
lente incitation à la haine des Juifs et du judaïsme. Ainsi, l'organe même
d'Arafat, Al-Hayat al-Jadida, s'est fait l'écho de la recherche d'un certain
Ahmad al-Awadeh sur « L'histoire du conflit entre les musulmans et les
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Juifs » et l'a soutenue. Cette étude établit que les Juifs vivent toujours selon
les principes du Talmud et des Protocoles des Sages de Sion. C'est pour-
quoi, conclut Awadeh — et Al-Hayat al-Jadida approuve -, le conflit entre
musulmans et Juifs est éternel, à l'instar du conflit entre les hommes. Pour
leur part, les Palestiniens doivent servir d'avant-garde au monde musulman
tout entier dans cette lutte éternelle des musulmans comme de toutes les
autres nations contre la « nation des Juifs 1 ». En étudiant les défis auxquels
est confrontée l'Autorité palestinienne, il est impossible de dénier le carac-
tère crucial du conflit avec les Juifs.

Il est important de mener le conflit conformément aux principes sur lesquels


nous nous appuyons tous deux [...] particulièrement les Juifs [...] comme
la Torah, le Talmud et Les protocoles [des Sages de Sion],.. Tous les signes
prouvent sans équivoque que le conflit entre les Juifs et les musulmans est
éternel, même s'il s'interrompt par brèves intermittences [...]. Ce conflit est
similaire au conflit entre l'homme et Satan [...]. C'est le destin de la nation
musulmane et, au-delà, le destin de toutes les nations du monde, d'être
tourmentée par cette nation [les Juifs], Le destin du peuple palestinien est
de lutter contre les Juifs au nom des peuples arabes, des peuples islamiques
et des peuples du monde entier 2.
En réalité, affirme un autre article de Al-Hayat al-Jadida, les musul-
mans ne sont pas les seules victimes des conspirations juives : « Les
soldats de l'offensive talmudique n'hésitent pas à appeler ouvertement à la
vengeance contre le christianisme pour la persécution des Juifs d'Europe »,
explique Hasan al-Kashef, directeur général des services d'information de
l'Autorité palestinienne.

Nous savons que Jésus fut la victime de l'extrémisme talmudique qui


brandit actuellement l'étendard national, porte le casque d'une armée
nationale et recourt au terrorisme d'État par l'intermédiaire de colons
armés et d'une armée 3.
Et de telles conspirations sont la marque de la confrontation des Juifs
avec tous leurs ennemis. Un éditorial d'Al-Hayat al-Jadida explique :

1. Nadav Haetzni, Maariv, 12 septembre 1997.


2. Al-Hayat al-Jadida, 1er septembre 1997.
3. Al-Hayat al-Jadida, 7 juillet 1997.
Nous croyons que les Israéliens ne sont pas aventureux parce que le
cerveau juif est lâche et n'aspire pas à l'aventure qu'il troque plutôt contre
des complots. Ces choses doivent être dites pour décrire la situation et
pour décrire l'ignominie de ce monde juif américain réactionnaire et
cruel1.
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C'est le gouvernement américain tout entier qui est à la fois victime et
contrôlé par les Juifs conspirateurs. « La Maison-Blanche est otage des
“deux prisons” ou des deux Chambres - le Sénat et la Chambre des repré-
sentants - qui sont plus extrémistes que les Sages de Sion », écrit en édito-
rial Hafiz al-Barghouti, le rédacteur en chef d'Al-Hayat al-Jadida 2. Plus
tard, dans un autre éditorial, al-Barghouti fait remarquer qu'Edward
Walker, l'ambassadeur des États-Unis en Israël, « avait obtenu son poste
parce qu'il avait été entendu au Congrès, c'est-à-dire au Conseil des sages
de Sion3 ». Il n'est guère étonnant que les gouvernements arabes refusent
de céder à la pression américaine. Dans un autre éditorial d'Al-Hayat al-
Jadida, al-Barghouti explique : « L'Égypte a proclamé son refus absolu
d'accorder une récompense à Israël - la réunion du sommet de Doha - et a
manifesté son indifférence devant les tactiques de pression américaines
employées par le Congrès judaïsé 4. »

À l'automne 1997, le journal Al-Quds, qui paraît à Jérusalem, déplorait


que la situation désastreuse dans laquelle se trouvait l'Autorité palesti-
nienne - son incapacité à recouvrer davantage de terres d'Israël - résultait
du fait qu'elle ignorait le « facteur juif » en négociant avec le gouverne-
ment israélien. « Nous n'avons pas pris en considération le mode de pensée
de l'autre partie ; il s'agit d'une mentalité juive fondée sur la passion du
contrôle sur toute chose, et qui n'accorde pas facilement leurs droits aux
autres », expliquait un éditorial5. Quelque temps plus tard, un autre édito-
rial d'Al-Quds développait la question de « La légende de la supériorité
juive ?! » Il concluait que les Palestiniens étaient confrontés à une conspi-
ration juive visant à préserver l'idée de supériorité juive afin que les Arabes
ne leur résistent pas.

La rumeur qui circule sur le « Juif supérieur » face aux « imbéciles » qui
ne valent rien et ne sont que des sujets est fort répandue à travers le monde.
Les Juifs ont employé tous leurs efforts pour la créer. Tout génie doit être

1. Al-Hayat al-Jadida, 27 juillet 1997.


2. Al-Hayat al-Jadida, 14 octobre 1997.
3. Al-Hayat al-Jadida, 30 octobre 1997.
4. Al-Hayat al-Jadida, 18 novembre 1997.
5. Al-Quds, 1er novembre 1997.
d'ascendance juive ; s'il ne l'est pas, il est contraint de s'en trouver une.
En outre, s'agissant d'un militaire de talent, soit sa mère est juive si son
nom a une consonance juive soit, si sa mère n'est pas juive, il finit par être
un agent juif. Les Juifs réussirent, au cours de leur histoire, à transformer
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les massacres qu'ils avaient subis en une « arme de destruction de masse »
contre leurs adversaires et utilisèrent l'arme de l'antisémitisme de façon
impressionnante [...]. Afin d'établir leur « supériorité », ils affirmèrent
que Sigmund Freud, le fondateur de la psychologie moderne, était juif par
son origine et par le sang et en apportèrent la preuve ; qu'Albert Einstein,
le père de la théorie de la relativité qui changea la face de la science, était
totalement juif et qu'Isaac Newton, qui découvrit la loi de la gravité, était
juif de cœur. La meilleure preuve de la capacité politique des Juifs est le
communiste Karl Marx qui était lui aussi un Juif de naissance. Quant aux
millionnaires [...] de Rothschild à Moskowitz en passant par Montefiore,
ne sont-ils pas la preuve de la « supériorité » juive 1 ?
En fait, affirmait Al-Hayat al-Jadida à la fin de novembre 1997, dans
ses rapports avec Israël, l'Autorité palestinienne était confrontée au
complot juif mondial.

Le « plan de Nétanyahou » rejoint totalement les fondements du grand


projet sioniste élaboré en étapes spécifiques qui furent définies à l'époque
où furent rédigés les Protocoles des Sages de Sion et où Herzl, ainsi que
Weizmann, parcoururent le monde entier pour déterminer l'emplacement
approprié pour l'application du complot2.
Un complot aussi pervers nécessite une réaction décisive et résolue de
la part des Palestiniens. Ces sentiments se manifestent dans les appels à
l'action lancés par les principaux dirigeants palestiniens. Ainsi, le
2 décembre 1997, à la télévision de l'Autorité palestinienne, Saadi al-
Karnaz, membre du Conseil législatif de l'Autorité palestinienne, appela
ouvertement à la lutte contre les Juifs afin de détruire Israël et d'y substi-
tuer un État palestinien.

Notre lutte est toujours nécessaire, nous sommes encore au début du


chemin. Notre guerre contre Israël et les Juifs n'est pas terminée et ne sera
pas terminée tant qu'un État palestinien n'aura pas été créé sur l'ensemble
du territoire de la Palestine 3.

1. Al-Quds, 11 novembre 1997.


2. Al-Hayat al-Jadida, 30 novembre 1997.
3. Télévision palestinienne, 2 décembre 1997 ; traduit dans Palestinian Media Review,
2-3 décembre 1997.
L'un des utilisateurs les plus tenaces et les plus efficaces de cette
logique est Yasser Arafat. Dans ses discours en arabe, il met sans cesse en
relief cette contradiction entre l'obligation sacrée de l'islam de manifester
son hostilité envers les Juifs et le « processus de paix » avec Israël. Le
6 août 1997, un Arafat enhardi appelle les Palestiniens à se préparer à « la
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grande bataille » qui approche. Dans un discours prononcé lors d'une
grande conférence réunissant les principaux responsables du Fatah, pour la
plupart des membres des services de sécurité, du renseignement, de
l'armée et de la police, Arafat jura que la lutte continuerait jusqu’à ce que
le drapeau palestinien flotte sur Jérusalem. « La prochaine confrontation
est un défi ardu », insista-t-il.

Les campagnes passées étaient relativement faciles comparées à celles qui


nous attendent. Nous sommes tous des martyrs vivants, immédiatement
prêts à exprimer notre fidélité au message de la lutte armée que nous avons
entamée il y a plusieurs années.

Tout au long de son discours, Arafat répéta à plusieurs reprises un


slogan capital - « un contrat est un contrat et un serment est un serment »
- repris en chœur par le public. Cette parole islamique, généralement asso-
ciée au Hamas, est d'une importance fondamentale pour comprendre l'état
d'esprit d'Arafat. Elle établit une distinction entre deux formes d'accords
acceptables pour les musulmans : entre un contrat, tels le traité de Hudai-
biya conclu par le prophète Mahomet (qu'il viola et qui aboutit au massacre
des Juifs) ou les accords signés par Arafat avec Israël, qui constituent une
forme d'accord transitoire signé par opportunisme et qu'un Croyant n'est
pas tenu de respecter lorsqu'il n'est plus d'utilité ; et un serment - comme
la déclaration sur l'intégralité de la terre d'Israël « de la mer au Jourdain »
en tant que Waqf sacré - qui est une obligation religieuse éternelle
qu'aucun musulman ne peut désavouer. Ainsi, en adoptant ce slogan,
Arafat déclare que personne ne doit confondre les accords transitoires avec
Israël et l'engagement sacré envers la terre d'Israël tout entière. Arafat
conclut :

Particulièrement en ce moment et dans ces conditions, nous sommes tous


liés par ce slogan et nous devons comprendre que les campagnes
auxquelles nous sommes confrontés seront bien plus difficiles et
requerront donc, aussi bien de la part des Palestiniens que des Arabes,
davantage de ferveur 1.

1. Yossef Bodansky, Arafat’s Peace Process, Tel-Aviv, Ariel Centre for Policy
Research, bulletin n° 18, 1997, p. 64-65.
Si nous conservions le moindre doute quant à la position et aux inten-
tions d'Arafat, Hassan al-Turabi clarifie les choses. Présentant l'islam
comme l'élément-clé de l'avenir du monde, il aborde la question juive.
L'islam ne peut accepter l'État d'Israël en tant qu'État juif « parce que ce
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pays est fondé sur la violence, le génocide et l'agression ». À sa place,
Turabi envisage une entité régionale dominée par les musulmans dans
laquelle Juifs et chrétiens vivront comme des dhimmis selon les principes
de l'umariyah. Turabi ne croit pas que les Juifs dirigeront longtemps Israël
parce que « Dieu n'a pas donné Israël aux Hébreux pour l'éternité. Le
Coran l'explique clairement ». Au cours de l'histoire, les Juifs ont été
évincés et exilés de Palestine à plusieurs reprises par des armées inspirées
par Dieu pour les punir de leurs péchés. « Cette leçon est importante pour
les musulmans également », affirme Turabi. De plus, les fautes commises
par les Juifs à l'égard du prophète Mahomet ont conduit à leur éviction
d'Arabie, un précédent souvent évoqué tant par Arafat que par les isla-
mistes pour justifier l'hostilité irréductible entre musulmans et Juifs.

Turabi n'a aucun doute sur la position d'Arafat sur ces questions. Celui-
ci s'efforce de parvenir à une « réconciliation entre l'OLP qu'il dirige et le
mouvement islamiste Hamas », et Turabi lui prête secours. Les différences
apparentes entre Arafat et les islamistes - qu'il s'agisse du Hamas ou de
Turabi lui-même - ne sont pas aussi importantes qu'elles le paraissent. Il
pense qu'Arafat « a eu tort de signer les accords d'Oslo avec les
Israéliens », mais son erreur réside dans le choix des modalités pour
atteindre leur objectif commun. « En réalité, il [Arafat] aspire à la même
chose que moi, déclare-t-il. Je suis certain qu'au fond de son cœur, rien ne
nous sépare en ce qui concerne nos objectifs ultimes. » Si les stratégies
divergent entre Arafat et les islamistes, leur objectif est le même, affirme
Turabi. Et cet objectif ultime, Turabi l'a clairement énoncé, de même
qu'Arafat 1.

Et il ne s'agit pas de vaines menaces. Fin octobre 1997, les thèmes anti-
sémites du complot présentant les Juifs comme contrôlant tant les États-
Unis qu'Israël constituaient la logique du communiqué de l'Avant-garde
de la conquête et du groupe du Djihad, tous deux placés sous le comman-
dement d'Ayman al-Zawahiri, un protégé de Hassan al-Turabi. « Le djihad
islamique contre la domination mondiale de l'Amérique, contre l'influence
internationale des Juifs et contre l'occupation par les États-Unis de terres
musulmanes se poursuivra », déclarait le communiqué.

1. Hassan Al-Tourabi, Islam, avenir du monde, Paris, Lattès, 1997, p. 270-277.


Les États-Unis se rendent compte que leur véritable ennemi, comme ils
l'ont déclaré à plusieurs reprises, est l'extrémisme islamique, par quoi ils
entendent le djihad islamique, le djihad de la nation islamique tout entière
contre la domination mondiale de l'Amérique, l'influence internationale
des Juifs et l'occupation de terres musulmanes par les États-Unis. Le
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djihad islamique est dirigé contre le vol des richesses de l'umma
musulmane, cette déplorable escroquerie sans équivalent dans l'histoire.
Pour éviter la vague de violences qu'ils ne manqueront pas de subir, de
même que leurs alliés du Moyen-Orient, les États-Unis doivent être
chassés de la région comme ils doivent admettre la création de gouverne-
ments islamiques. Faute de quoi, les islamistes promettent une campagne
de terrorisme impitoyable contre les États-Unis.

Oui, l'ennemi de l'Amérique est l'extrémisme islamique, c'est-à-dire le


djihad islamique contre la prééminence de l'Amérique [...] le djihad
islamique qui se dresse contre l'expansion juive 7.
Les terroristes de Zawahiri sont responsables du carnage terroriste de
novembre 1997 à Louqsor.
Début décembre 1997, dans une déclaration de guerre islamiste plus
virulente encore, le groupe Djihad d'Ayman al-Zawahiri déclare qu'un
affrontement essentiel entre les États-Unis et l'islam militant est à la fois
inévitable et imminent et que le djihad a l'intention « d'offrir des
martyrs ».

Un conflit entre l'umma musulmane et les États-Unis est inévitable ; en


fait, nous n'avons pas d'autre option que d'affronter l'athéisme et son chef
de file, les États-Unis auxquels nous sommes confrontés partout.
Dans un bulletin spécial, le Djihad présente Israël comme le fer de lance
américain au cœur de l'islam, et ne suggère qu'une seule solution viable
à ce problème. « L'umma islamique rejette au premier chef l'existence
d'Israël, sans parler de sa politique d'agression perpétuelle et des massacres
répétés perpétrés contre nous. »
Cependant, le djihad terroriste imminent ne va pas se limiter à porter
des coups à Israël. « Avec l'aide d'Allah, nous connaissons bien les États-
Unis, précise le Bulletin du Djihad, nous connaissons aussi leur faiblesse. »
Ce bulletin souligne que « le point le plus vulnérable des États-Unis et
d'Israël réside dans l'envoi des corps de leurs fils ». C'est pourquoi,

1. Al-Hayat, 29 octobre 1997.


déclare le Djihad. « nous leur jetterons au visage la chair de leurs fils
hachée et grillée. Les États-Unis doivent payer le prix ; ils le paieront très
cher ».

Le groupe Djihad de Zawahiri ne laisse planer aucun doute sur l'ultime


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objectif de l'affrontement imminent. « Les Américains eux-mêmes ont
admis la moitié de la vérité lorsqu'ils ont dit que l'ennemi numéro un des
États-Unis était l'extrémisme islamique, mais ils cachent l'autre moitié, à
savoir que leur destruction sera entre les mains - Inch 'Allah — des
musulmans 1. »

Une nette escalade dans la lutte islamiste contre l'Occident et sa nation


dirigeante, les États-Unis, se produit depuis le début de 1998. Les fonde-
ments théologiques de cette escalade sont codifiés dans une série de fatwas
publiées fin février. La première fatwa islamiste, parue le 20 février, donne
le ton de l'appel au djihad. En substance, elle annonce la création d'un
« front mondial du djihad contre les Juifs et les croisés » - désormais connu
sous le nom de Front islamique mondial - et proclame que celui-ci
s'engage à « tuer les Américains, civils et militaires », en représailles à
toute attaque des États-Unis contre l'Irak ou à toute autre manifestation
d'hostilité dans tout autre endroit du monde musulman. La fatwa décrète
en outre que la menace américaine est sérieuse et généralisée parce que « la
politique d'agression des États-Unis affecte les civils musulmans et pas
seulement les militaires ». Les principaux signataires sont le cheikh
Oussama Ben Laden, Ayman al-Zawahiri, Amir du groupe Djihad, Rifa
Ahmad Taha (Abou-Yassir), un dirigeant du groupe islamique égyptien, le
cheikh Mir Hamzah, secrétaire du Jamiat-ul-Ulema-e-Pakistan, Fazlul
Rahman Khalil, chef du mouvement Ansar du Pakistan et le cheikh Abdul
Salam Mohammed, Amir du mouvement Djihad au Bangladesh 2.

Il est significatif que, bien qu'inspirée par des périls immédiats et


concomitants pesant sur le monde musulman, comme la présence et l'inter-
vention des États-Unis ou la menace militaire israélienne, la fatwa dési-
gnait les menaces générales et historiques contre le monde musulman sous
le terme de « croisés », c'est-à-dire d'envahisseurs chrétiens qui, à l'instar
de leurs prédécesseurs quelques siècles plus tôt, finiraient par être vaincus
et évincés de la région — et de « Juifs » -, et non pas seulement sous la
dénomination de sionistes ou d'État d'Israël. Le fait que les Juifs soient
identifiés aux ennemis des islamistes n'est pas accidentel. Il signifie que la

1. Bulletin du Djihad in Al-Mujahidun, décembre 1997 ; Mohammed Salah, Al-Hayat,


8 décembre 1997.
2. Al-Quds al-Arabi, 23 février 1998.
destruction d'Israël et la défaite et/ou l'expulsion des sionistes ne résou-
draient pas le problème de l'hostilité et du conflit/combat entre musulmans
et Juifs. Le djihad des islamistes se poursuivra. Et il ne s'agit pas là de
menaces stériles ou d'expressions symboliques. Même les gouvernements
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les plus laïcs et les plus pro-américains du Moyen-Orient soutiennent la
position islamiste selon laquelle les États-Unis sont décidés à punir le
monde arabe parce que musulman et qu'en conséquence, aucun compromis
ne peut advenir entre les États-Unis et le monde musulman ; la poussée du
militantisme et du terrorisme islamistes n'est donc pas près de s'arrêter.
Compte tenu du soutien populaire, le Front islamique mondial pour le
djihad contre les Juifs et les croisés continuera dans sa lancée, ne serait-ce
que pour renforcer et conserver sa légitimité dans le monde musulman. À
la mi-mai 1998, le Front islamique mondial pour le djihad contre les Juifs
et les croisés publia une seconde déclaration intitulée : « Blessures de la
mosquée Al-Aqsa ». Cette déclaration réaffirmait l'urgence du « djihad
contre les Américains et les Israéliens partout où ils se trouvent » et préci-
sait certaines positions du Front. Elle soulignait que ce dernier était « l'une
des tranchées où se trouvaient réunies les énergies de la Nation
[musulmane] afin d'accomplir leur devoir imposé par Dieu, à savoir le
djihad contre les athées parmi les chrétiens américains et les Juifs
israéliens ». Le Front signalait le rôle central du complot américain judéo-
chrétien dans l'oppression israélienne de la Palestine.

Les Juifs et les chrétiens des États-Unis utilisent Israël pour mettre à
genoux les musulmans [...] l'alliance des Juifs et des croisés dirigés par
les États-Unis et Israël opère désormais de façon éhontée [...] les États-
Unis, gouvernement et Parlement, se sont toujours efforcés de gâter Israël
et de soutenir sa puissance économique et militaire.

Cette situation n'est cependant pas irréversible ou fatale. La déclaration


du Front soulignait que « malgré l'ampleur de la catastrophe, la lueur
d'espoir est devenue une réalité et les espoirs persistent grâce au sang des
martyrs, aux souffrances des victimes et aux balles de ceux qui combattent
pour la cause de Dieu 1 ».

Parallèlement, le noyau dirigeant islamiste palestinien à Jérusalem -


aussi bien les prédicateurs nommés par l'Autorité palestinienne que ceux
qui représentent des instances islamistes internationales - a intensifié la
virulence de ses attaques tant contre les Juifs que contre Israël. Le plus
significatif est le thème sans cesse repris des complots juifs contre les

1. Mohammed Salah, Al-Hayat, 19 mai 1998.


musulmans et le reste du monde. Il apparaît très nettement dans les
sermons du vendredi prononcés à la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem et
diffusés ensuite sur la radio de l'Autorité palestinienne et/ou diffusés dans
l'ensemble du monde musulman par Internet et par une foule de publica-
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tions islamistes. Non seulement ces sermons sont remplis de haine, mais ils
décrivent constamment chaque catastrophe que subit le monde musulman
- et pas seulement la question palestinienne - comme la conséquence des
malveillantes machinations et conspirations des Juifs. À ce titre, les
sermons jouent un rôle très important dans l'incitation générale à la haine
d'Israël à laquelle se livrent les Palestiniens. L'infâme délégitimation des
Juifs et de toute possibilité de parvenir à un accord avec eux - au sujet de
la Palestine comme sur d'autres points - complète et renforce ce travail
d'incitation de l'Autorité palestinienne, qui est relativement plus centré sur
les questions israélo-arabes.

Ainsi, en 1997, des prédicateurs nommés par l'Autorité palestinienne


ont ouvertement développé des thèmes antisémites classiques comme le
contrôle juif exercé sur les États-Unis, qu'ils présentaient comme la cause
des revers de l'instance de pouvoir palestinienne. À la différence de celle-
ci qui feint être en bons termes avec les fonctionnaires de Washington, les
prédicateurs n'ont pas de telles contraintes pour leurs sermons. Le mufti
Ikrima Sabri, le prédicateur de la mosquée Al-Aqsa nommé par l'Autorité
palestinienne, a ainsi invoqué Dieu pour qu'il punisse les États-Unis : « Ô,
Allah, détruis l'Amérique, car elle est contrôlée par les Juifs sionistes. »
Évoquant la situation dans les territoires, Sabri emploie des termes abjects
traditionnels pour décrire les Juifs, faisant ainsi en sorte que son public soit
convaincu de l'impossibilité d'une quelconque coexistence avec les Juifs.
« Au nom de son Prophète, Allah prendra sa revanche sur les colonialistes
qui sont les descendants de singes et de porcs. » Et il ajoute, reprochant aux
foules de ne pas être assez actives contre les Juifs : « Pardonne-nous, ô
Mahomet, pour les agissements de ces singes et de ces porcs qui voulaient
profaner ta sainteté 1. » À la mosquée Al-Aqsa, un autre prédicateur
nommé par l'Autorité palestinienne a développé le thème de la menace
représentée par la conspiration juive contre le monde musulman tout entier.
« Les Juifs ont toujours tendu un piège à la communauté des musulmans,
a-t-il expliqué. Le Coran lance à plusieurs reprises des avertissements
contre les pièges et les complots du “Peuple du Livre”. Ils intriguent sans
trêve, en tous lieux et en tous temps et c'est ce qu'ils font aujourd'hui et ce
qu'ils feront demain contre le camp musulman 2. »

1. La Voix de la Palestine, 11 juillet 1997.


2. La Voix de la Palestine, 24 octobre 1997.
Au printemps 1998, les sermons d'Al-Aqsa ont été diffusés au
Royaume-Uni par l'organisation al-Muhajiroun, et d'autres organisations
islamistes de la même obédience en Occident sont devenues parmi les
sources d'incitation majeures sur les questions islamiques. Ces sermons
d'Al-Aqsa ne laissent aucun doute sur l'objectif ultime des islamistes - le
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rétablissement du Khilafa mondial - et sur l'identité de leurs principaux
ennemis — les Juifs. Ils insistent sans cesse sur la primauté de la solution
militaire dans la lutte acharnée de l'islam contre ses ennemis.

Notre puissance politique et militaire représente l'unique moyen de


parvenir à la soumission des Juifs. Notre puissance politique et militaire
représente l'unique moyen de contraindre l'Amérique et l'Europe à se
plier à nos exigences. L'armée islamique et l'État islamique sont la seule
façon de garantir la libération de la Palestine 1.

En outre, dans le contexte palestinien, le martèlement continu des


causes sacrées islamistes et la désignation répétée des ennemis implacables
- les Juifs - garantissent que les Croyants rejetteront toute perspective de
normalisation avec Israël ou de légitimité de cet État, quelle que soit la
situation autour d'eux, en raison de ce contexte général de lutte des musul-
mans contre les Juifs.

Durant l'été, les sermons d'Al-Aqsa soulignèrent la profonde et inso-


luble antinomie entre le réveil islamiste et le complot occidental orchestré
par les Juifs pour l'étouffer. C'est une lutte fatidique pour l'avenir de
l'islam. « Juifs et chrétiens sont du même bord contre nous, les musulmans.
Ils ne seront jamais satisfaits tant que nous autres [musulmans] n'aurons
pas changé de voie pour suivre la leur2 », déclara le prédicateur d'Al-Aqsa.

En fait, le sort actuel des musulmans en Palestine, comme dans


l'ensemble du monde arabe, est le résultat d'une série de conspirations
fomentées par les Juifs et qu'ils ont mises en œuvre avec les croisés.

La décision d'unifier Jérusalem, et auparavant la décision d'occuper


Jérusalem, et auparavant la décision de créer l'État d'Israël, et
auparavant la décision de démolir le Khilafa islamique, toutes ces
décisions ont été concoctées dans les cuisines des Croisés et des Juifs et
dans les cuisines de la franc-maçonnerie internationale. Ce sont eux qui
gardent rancune contre la parole de « La ilaha illa Allah » [ « Il n'est pas

1. Sermon de la mosquée Al-Aqsa du 15 mai 1998, cité in Murray Kahl, Israeli & Global
News.
2. Sermon de la mosquée Al-Aqsa du 19 juin 1998, cité in op. cit.
d'autre Dieu qu'Allah »] depuis le moment où cette parole est descendue
sur terre.

Le prédicateur avertit que l'absence de solution décisive au problème de


la Palestine - la destruction d'Israël et son remplacement par un État isla-
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mique - ne fait qu'encourager les Juifs à l'expansion et les invite à inten-
sifier leur agression contre l'islam.

Les Juifs deviennent aujourd'hui plus arrogants qu'ils l'ont jamais été sur
la terre, ils exultent avec une formidable insolence. Tout ceci s'est produit
en l'absence de ceux qui pourraient les stopper et détruire leur puissance.

La conclusion qui s'impose est que seul un djihad résolu, commençant


en Palestine, peut renverser la tendance actuelle 1.

Ces sermons d'Al-Aqsa associent une analyse des principaux événe-


ments dans le monde, notamment de ceux impliquant directement des
musulmans, à des « précédents historiques » - aussi bien des traditions
coraniques que des mythes - visant à conforter les conclusions des prédi-
cateurs. Toutes les nouvelles et tous les événements qui ont lieu
aujourd'hui sont interprétés comme différents aspects de l'extension inces-
sante du complot juif contre l'islam et les musulmans.

Ainsi, début octobre 1998, le prédicateur d'Al-Aqsa examine l'amélio-


ration des relations entre Israël et la Turquie, et la tension croissante à la
frontière syro-turque par suite du soutien et du financement apportés par la
Syrie aux terroristes du PKK.

Ce qui se passe actuellement aux frontières syro-turques est un nouveau


complot contre les musulmans, fomenté par les Juifs malveillants, parce
que les Juifs haïssent les Turcs, les Syriens et quiconque dit : « Il n'est pas
d'autre Dieu qu'Allah ».

Les islamistes considèrent l'effondrement de l'Empire ottoman comme


le début de la crise actuelle. Le prédicateur d'Al-Aqsa souligna que « le
Khilafa islamique tomba aussi avec l'aide des Juifs dunmeh dirigés par un
agent britannique, Mustafa Kemal Atatürk ». Ce prédicateur voyait une
continuité directe entre les événements d'il y a près de 80 ans et la situation
actuelle au Moyen-Orient. Il s'agissait de différentes facettes d'un complot
juif mondial qui engloutissait aujourd'hui même la Maison-Blanche.

1. Sermon de la mosquée Al-Aqsa du 26 juin 1998, cité in op. cit.


Les petits-enfants d'Atatürk complotent désormais une nouvelle guerre qui
pourrait embraser la région tout entière entre sunnites et chiites. Et Israël
sortira de cette guerre comme l'État le plus fort de la région. Les Juifs
trouvent aujourd'hui le moment opportun du fait de la faiblesse politique
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américaine dans la région. Clinton est faible, cet homme qui a fait l'objet
de chantage de la part des Juifs à propos de ses scandales sexuels. Les
Juifs ont envoyé leurs prostituées chez Clinton et finalement, c'est la Juive
Monica Lewinsky qui l'a emporté dans ce qu'on a appelé le
« Monicagate ». À l'instar de l'Irangate, du Contragate, du Watergate...
tous ont été concoctés par les Juifs pour faire pression sur le président
américain au bon moment. Et le moment est venu pour eux de mettre en
œuvre leurs plans au Moyen-Orient1.

On ne doit pas être surpris par l'ampleur de cette entreprise juive,


explique le prédicateur d'Al-Aqsa. Il existe des témoignages historiques
sur de tels complots mondiaux. À titre de preuve, il développe une histoire
forgée de toutes pièces mettant en scène des dirigeants romains et des
personnages bibliques œuvrant ensemble au même complot. S'adressant à
un public en grande partie ignorant, l'incongruité historique de ce récit est
sans importance. D'aucuns sont vaguement familiers avec certains noms -
anciens ou contemporains - et cela suffit. Le message, lui, est précis et
pervers :

C'est une habitude des Juifs tout au long de l'histoire. Ils ont tué leurs
propres prophètes. Ils ont conspiré contre les saints. Et nous savons qu'ils
mordent la main qui les aide. Regardez ce qu'ils ont fait à Hérode, ils lui
ont fait épouser Esther et, par l'intermédiaire d'Esther, ils ont voulu
contrôler l'Empire romain jusqu 'à ce que Chitous se mette en colère et se
rende à Jérusalem où il fit s'écrouler leur temple sur leurs têtes, les tuant
au début de la chronologie chrétienne. Clinton n'est en aucune façon
meilleur qu'Hérode. Et les Juifs ne changeront aucunement leurs
habitudes et leurs agissements criminels . 2

L'inévitable conclusion de ce sermon d'Al-Aqsa et d'autres de la même


eau est que le djihad résolu et inflexible doit s'intensifier, car il n'est pas
d'autre moyen d'assurer la survie de l'islam et du monde musulman contre
les Juifs, ces intrigants.
La signature des accords de Wye par lesquels l'Autorité palestinienne
s'est engagée une fois de plus à cesser l'incitation à la haine n'a pas réduit

1. Sermon de la mosquée Al-Aqsa du 9 octobre 1998, cité in op. cit.


2. Ibid.
au silence les prédicateurs nommés par l'Autorité palestinienne. Le
3 novembre 1998, la télévision de l'Autorité palestinienne a ainsi diffusé
une émission religieuse dans laquelle les Juifs étaient décrits dans les
termes antisémites les plus crus.
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Il n'y a plus de lumière ni d'enseignement dans leur Torah aujourd'hui.
Leur Torah n'est qu'un recueil de textes dans lequel ces gens ont écrit des
mensonges sur Dieu, Ses prophètes et Ses enseignements [...] les Juifs sont
la graine de Satan et des démons [...]. Les Juifs croient seulement aux cinq
premiers livres, dont le livre de la Genèse, qui sont tous des mensonges à
propos de Dieu et du jour de la Création [...]. Ils attribuent à leurs
prophètes les plus grands crimes : meurtres, prostitution et ivrognerie. Les
Juifs ne croient pas en Dieu ni en la Fin des Temps. Ils l'ont déformée [la
Torah], ont menti à son propos et l'ont falsifiée [...]. Ils en ont fait un livre
d'histoire des Juifs, rempli des promesses faites à Abraham, Isaac et Jacob
de recevoir la terre de Palestine [...] la Torah tout entière en arrive à
réclamer la propriété de la terre pour les Juifs. Leur histoire est pleine de
révoltes et d'humiliations — que Dieu nous protège des humiliations ! Ils
ont déformé la foi et troqué le présent de Dieu contre l'hérésie, la rébellion
et la prostitution, et ils ont falsifié la Torah 1 [...].

Alors même que l'Autorité palestinienne s'orientait vers la relance du


« processus de paix » dans le cadre des négociations de Wye, à Gaza, ses
médias continuaient à véhiculer les sermons remplis de haine prononcés
dans des mosquées locales. Les prédicateurs utilisaient la commémoration
d’« événements historiques » pour inciter leur auditoire à la vengeance et
soulignaient l'importance de considérer Israël comme le pire ennemi.
Parfois, les prédicateurs de Gaza englobaient tous les Juifs et le judaïsme
dans cette incitation à la haine. Le cheikh de la mosquée Adjlaan de Gaza
évoqua ainsi le massacre de Sabra et Chatila perpétré en 1982 par des chré-
tiens libanais pour souligner l'hostilité historique de l'islam envers les
Juifs :

En cet anniversaire du massacre de Sabra et Chatila, les Juifs n'ont pas


changé leur nature invétérée, les élèves sont allés à l'école hier et sont
revenus chez eux se vautrant dans leur sang. Lors du 16e anniversaire du
massacre de notre peuple par les Juifs dans les camps libanais de Sabra et
Chatila, nous nous souvenons du douloureux massacre qui fut planifié par
un individu qui sert aujourd'hui dans le gouvernement d'occupation. Nos
ennemis ont commis ce crime ignoble contre nos fils, enfants, femmes et

1. Télévision de l'Autorité palestinienne, 3 novembre 1998.


vieillards. Les têtes des enfants ont été tranchées, leurs corps déchiquetés
et leurs membres dispersés, et l'honneur des femmes a été bafoué aux yeux
de tous. Nos ennemis veulent toujours les têtes de nos fils et le sang
palestinien est toujours versé comme de l'eau ; cela ne s'est pas arrêté et
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ne s'arrêtera pas parce que la politique menée par nos ennemis à
l'encontre des musulmans est écrite depuis le début de notre histoire. Ils
[les Juifs] furent la première tribu à violer le pacte conclu avec Mahomet.
Telle est la façon dont les Juifs ont agi avec notre Prophète au moment de
l'anniversaire des douloureux massacres et pendant le meurtre incessant
de notre peuple ; notre seule consolation est que nos morts sont au Jardin
d'Eden et que leurs assassins brûlent dans les flammes 1.

Le même thème - la perpétration par les Israéliens des massacres de


Sabra et Chatila - a été développé par des notables de l'Autorité palesti-
nienne comme le général de brigade Saib Alajiz, chef de la sécurité natio-
nale au nord de Gaza. Toutefois, dans une interview accordée à la
télévision de l'Autorité palestinienne, Alajiz est allé bien au-delà de
l'observation habituelle que « les Israéliens voulaient tuer le maximum de
Palestiniens », imputant l'événement aux caractéristiques propres aux
Juifs. Il expliqua que « de nombreux massacres avaient été perpétrés contre
le peuple palestinien » et que celui de Sabra et Chatila ne pouvait être
considéré comme un événement unique en son genre ou même comme une
aberration. Les massacres répétés de Palestiniens par les Israéliens s'expli-
quaient selon lui par deux causes :

L'une est la mentalité israélienne qui se fonde sur le Talmud et la Torah


selon lesquels les Juifs sont un peuple élu, et l'autre est que leur présence
dans cette région se fonde sur la puissance, et toute personne dont
l'existence se fonde sur la puissance est conduite à des politiques reposant
sur la puissance et la terreur 2.

Cette diabolisation des Juifs pour expliquer les actions d'Israël est un
motif fréquemment repris à la télévision de l'Autorité palestinienne. « Je
voudrais qu'il soit bien clair que le caractère juif ou les caractéristiques
israéliennes n'ont pas du tout changé lorsqu'on considère la personnalité
de celui avec lequel nous négocions aujourd'hui ; absolument rien n'a
changé : l'opportuniste ne respectant ni contrat ni accord », expliquaient
les personnes interviewées quelques jours avant la conférence de Wye 3.

1. Télévision de l'Autorité palestinienne, 18 septembre 1998.


2. Ibid.
3. Télévision de l'Autorité palestinienne, 6 et 13 octobre 1998.
Ce n'est pas un hasard si le 23 octobre 1998, la signature des accords de
Wye - censés permettre au « processus de paix » de sortir de l'impasse et
hâter le progrès vers un accord permanent entre Israël et l'Autorité palesti-
nienne - s'est accompagnée d'un déluge d'incitations antisémites dans les
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médias contrôlés par l'Autorité palestinienne. Le thème dominant était la
duplicité historique des Juifs, la conspiration mondiale qu'ils orchestraient,
leur influence sur le reste du monde. Début novembre 1998, un article paru
dans Al-Hayah al-Jadida, contrôlé par l'Autorité palestinienne, était plus
révélateur :

La corruption est inhérente à la nature des Juifs. Au point qu'on ne trouve


que très rarement une corruption sans que les Juifs soient derrière. Leur
goût immodéré pour l'argent et pour l'accumulation des richesses est bien
connu, et peu leur importe la méthode pour y parvenir. Ils pourront
recourir aux méthodes les plus viles et les plus commodes pour atteindre
leurs objectifs. Si l'on étudie leur histoire, il devient évident que les Juifs
ont subi des pertes et des expulsions par suite de leur vilenie et de leurs
agissements détestables. Tout cela s'est produit lorsque leur vraie nature
et leur responsabilité dans la destruction du monde ont été révélées.

Ce passé historique conditionne le comportement actuel des Juifs.


« Comme c'est leur mode de comportement, ils ont concentré leurs efforts
sur le développement de leur mentalité conspiratrice, car ils croient que le
secret de leur survie réside dans le contrôle de l'économie des pays qui leur
ont ouvert leurs portes », poursuit l'article.

Ces conspirations et ces complots juifs ont un impact néfaste direct sur
les Palestiniens et l'Autorité palestinienne, souligne Al-Hayah al-Jadida.
Et ce, du fait de l'influence disproportionnée des Juifs sur les États-Unis
qui, à leur tour, ont servi de médiateur dans les accords de Wye. L'article
conclut :

Il est intéressant de remarquer comment ceux qu'ils prennent pour cible


demeurent toujours sous leur influence [...] parmi ceux qui ont ainsi subi
un préjudice, se trouve Bill Clinton, le président du plus grand pays du
monde. Le sionisme a commencé à le harceler alors qu'il était encore
gouverneur d'un État. Il a commencé à exécuter ce que le sionisme
mondial lui dictait par peur que ses tendances ne soient révélées. Bien
qu'il soit à la tête du plus grand pays du monde, il comprend qu'il est un
serviteur de ses désirs par lesquels les conspirateurs l'ont fait trébucher 1.

1. Al-Hayat al-Jadida, 7 novembre 1997.


Le sous-entendu évident de cette diatribe est que les Juifs ont contraint
les États-Unis à soutenir un accord que l'Autorité palestinienne estime
défavorable aux intérêts palestiniens. C'est pourquoi, compte tenu de
l'hostilité et de la duplicité inhérentes aux Juifs, il est impossible de se
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conformer à un tel accord, malgré la signature d'Arafat. En outre, la
description générale négative des Juifs, notamment la répétition des stéréo-
types antisémites, renforce le sentiment fondamental qu'il est impossible
de s'entendre et de se réconcilier avec les Juifs et/ou le sionisme, indépen-
damment des accords que les États-Unis, manipulés par les Juifs, ont
contraint l'Autorité palestinienne à signer.

Les médias égyptiens ayant approuvé les accords de Wye, les médias
islamistes ont là encore fait contrepoids à ce soutien. L'article de Fahmi
Abd al-Salaam, intitulé : « Le Talmud, les Juifs et les sacrifices humains »
et publié dans Al-Shaab, est à cet égard des plus significatifs. Se fondant
sur un livre d'Orpah Abdah Ali, The Jews in Egypt in the Modem Era
(1991), Abd al-Salaam utilise la classique accusation de crime rituel -
selon laquelle les Juifs consommeraient à Pâque du pain azyme cuit avec
du sang humain — comme indicateur de la véritable nature des Juifs.
L'auteur oppose le caractère propre aux Juifs et l'influence de la pratique
du judaïsme sur leur comportement.

À travers l'histoire, les Juifs sont connus pour être un peuple abattu et
geignard. Il existe un lien évident entre la race juive et l'abattement, et de
nombreux auteurs ont décrit la dépression juive comme un trait
caractéristique de cette race méprisable.

C'est l'accomplissement de leurs cérémonies religieuses sanguinaires


qui rend les Juifs agressifs. Une attention particulière doit donc être
accordée aux « cérémonies religieuses accomplies par les Juifs au nom de
leur Dieu, qui est un Dieu avide de sang que les Juifs ont inventé confor-
mément à leur nature », observe Orpah Abdah Ali dans son livre.

Ce livre explique également que « le Talmud, qui est rempli d'erreurs,


de mensonges et d'inventions, a joué un rôle important dans la l'élabora-
tion du phénomène du “nationalisme fanatique” parmi les Juifs, et ils le
préfèrent à la Torah ».

Et ce « nationalisme fanatique » est la force motrice de la politique


agressive des Juifs envers le monde arabe.
Les principales cérémonies qui contribuent à conforter la violence juive
sont les « sacrifices humains destinés à satisfaire leur Dieu assoiffé de
sang », principalement durant la « fête de la matza » [Pâque] au cours de
laquelle ils utilisent du pain azyme mélangé à du sang humain », explique
Abd al-Salaam. Et il fournit des détails macabres sur le déroulement de ces
cérémonies.
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L'auteur du livre [Orpah Abdah Ali]passe en revue les méthodes utilisées
par les rabbins pour égorger une personne avant qu'elle ne soit offerte en
sacrifice à Dieu : 1) La première méthode consiste à amener la victime
encore vivante et à la placer dans un grand tonneau dans lequel ont été
fichées des aiguilles pointues. Les aiguilles transpercent la peau de la
victime et son sang commence à couler dans le tonneau. Plus la victime
bouge à cause de la douleur, plus ses blessures s'aggravent jusqu ’à ce que
finalement son corps soit vidé de tout son sang. Ainsi, lorsque son âme
quitte son corps, la dernière goutte de son sang s'échappe aussi. 2) La
seconde méthode est employée dans les endroits peu sûrs pour les Juifs, là
où ils sont contraints de perpétrer leurs crimes rapidement sans s'en
délecter : ils assassinent la victime en lui tranchant le cou et les artères,
après avoir placé un récipient sous elle pour que le sang puisse s'y écouler.
Puis le sang est recueilli dans un pot. À Pâque et à Pourim, ces pots sont
apportés au rabbin qui bénit le sang. Puis, ils mélangent le sang avec la
farine pour confectionner la matza [pain azyme]. Ensuite, la matza est
distribuée aux Juifs pieux et ils la mangent avec un appétit à la mesure de
la haine qu'ils éprouvent envers Jésus et les chrétiens.

De crainte que ses lecteurs doutent de la véracité de cet article veni-


meux, Abd al-Salaam explique qu'avant de l'écrire, il pensait lui-même
que « cette histoire de matza juive mélangée à du sang était une invention,
mais ce qui est choquant, c'est qu'il s'agit d'un fait, d'un fait avéré dans
quelque 400 cas connus, le nombre de cas non révélés étant nettement
supérieur ». En conclusion, il souligne que le sang doit être celui d'un chré-
tien et, dans une claire allusion à la normalisation des relations israélo-
arabes, il souligne que la victime « doit être un ami des Juifs, afin que le
sang ne soit pas contaminé par la haine qu'elle ressent à leur égard ». En
cela réside le message latent mais cru : la haine des Juifs n'est pas seule-
ment justifiée, elle peut éviter au lecteur de devenir leur victime 1.

En fin de compte, affirment les auteurs islamistes, ni les Palestiniens ni


les Égyptiens ne sont les seules victimes des complots juifs. Le sort actuel
de l'islam, sa mauvaise image et son identification avec le terrorisme sont
le résultat d'une vaste conspiration juive. « Les médias occidentaux
possédés et dirigés par les Juifs » ont été l'instrument privilégié dans ce

1. Fahmi Abd al-Salaam, Al-Shaab, 17 novembre 1998, cité in IMRA.


complot par suite duquel « le monde s'est convaincu que l'islam était syno-
nyme de terrorisme ». Cependant, bien qu'une des composantes les plus
flagrantes de la campagne juive contre l'islam, les médias ne constituent
qu'un élément relativement mineur dans une conspiration aux multiples
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facettes, d'une grande persévérance et d'une puissance colossale.

Les Juifs ne sont pas un peuple stupide. Tout au contraire. Ils sont très
intelligents. Quiconque a lu les Protocoles des Sages de Sion peut
l'attester. Les Protocoles ont été écrits bien avant qu'aucun des désastres
politiques contemporains se produise. Ils les décrivent cependant en détail.
N'est-ce pas une fine ironie que la femme qui a renversé le président des
États-Unis d'Amérique soit juive ?
Les musulmans n'ont donc pas d'autre choix que « d'unir leurs forces
pour constituer un État islamique, même sur le papier, dirigé par le
Khilafa » et qui serait capable de conduire le djihad contre les conspirations
grandissantes, afin de recouvrer les droits et l'honneur des musulmans1. Les
islamistes n'ont donc pas d'autre solution qu'un affrontement armé décisif,
seul moyen viable de faire échouer la conspiration juive contre l'islam.

1. « Um Nuha » (pseudonyme), BIC News, 7 novembre 1998.

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