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Publications de l'Institut d'études

et de recherches interethniques et
interculturelles

Les experts. Quelques réflexions pratiques


Paul Bertrand

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Bertrand Paul. Les experts. Quelques réflexions pratiques. In: La formation des coopérants. Actes du colloque organisé par la
Commission nationale pour les études interethniques et interculturelles les 26 et 27 avril 1972 à Paris. Nice : Institut d'études
et de recherches interethniques et interculturelles, 1973. pp. 31-34. (Publications de l'Institut d'études et de recherches
interethniques et interculturelles, 3);

https://www.persee.fr/doc/ierii_1764-8319_1973_act_3_1_855

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Les experts

Quelques réflexions pratiques

PAUL
(Programme
BERTRAND
des Nations Unies pour le Développement)

1. Dans le réseau triangulaire de relations expert-employeur-


gouvernement bénéficiaire, on peut dire, compte tenu de la marge
d'erreur de toute simplification, qu'il y a toutes les catégories
possibles d'experts, depuis ceux dont tous sont satisfaits jusqu'à
ceux qui font l'unanimité contre eux, en passant par les bons
experts dont on désire pourtant le départ, d'autres, apparemment
moins bien choisis, dont on désire pourtant qu'ils restent, et ceux
qui, a juste titre ou non, se font oublier dans l'indifférence géné¬
rale.

2. Étant donné la variété des deux composantes gouvernement et


employeur, et les qualités, de nature encore plus variée, que l'on
attend d'un expert (compétence technique, dons pédagogiques
et/ou diplomatiques, initiative, sens des limites, tolérance, accep¬
tation du milieu climatique, politique, humain — double : fonction¬
naires nationaux et collègues — et administratif — double égale¬
ment : secteur public national et règlements de l'employeur — il
serait surprenant qu'il en soit autrement. Il y aura toujours de
très bons et de moins bons experts, des experts jugés bons par les
uns et moins bons par les autres, bons dans certains pays et
moins bons dans d'autres, des experts qui, contre toute attente,
ne « réussissent » pas, et d'autres qui « réussissent », contre toute
attente également. Surtout, ce qui est encore moins prévisible, il
semble y avoir, quoique dans une proportion relativement faible,
des experts qui évoluent au cours de leur mission, y compris ceux
qui « commencent bien » et finissent moins bien.

3. Une telle présentation peut sembler simpliste, et peu accep¬


table dans la mesure où l'on y verrait celle d'un état de choses
32 Paul Ber

inévitable, donc difficile à améliorer — ce qui n'est pas le c


est probable que tous ceux qui ont eu, sur place, dans les
bénéficiaires, des postes de responsabilité au titre multilaté
peut-être aussi bilatéral, connaissent chacun au moins un e
qui, même techniquement qualifié, n'aurait jamais dû être a
à une tâche de coopération internationale. Ces cas extrêmes
doivent être éliminés à la source, peuvent certainement l'ê
c'est essentiellement un problème de sélection, donc princ
ment de structures et de personnel de recrutement au sièg
organismes responsables. Il est d'autant moins insoluble qu
cas d'erreur grossière sont rares ; bref, ici, le problème est si

4. Il l'est moins pour les autres cas. Le nombre d'experts


pas illimité (dans certains secteurs nouveaux, il a fallu en f
pour pouvoir ensuite les reconnaître et les présenter co
experts) ; le choix ne s'opère évidemment que parmi les cand
c'est-à-dire des volontaires, animés de mobiles divers. Et, co
il est dit plus haut, on ne peut contenter tout le monde dans
les cas. Toutefois, il semble qu'on pourrait réduire le no
d'experts mal choisis ou mal affectés :
a) en affinant l'opération de sélection au départ,
b) ensuite, en introduisant plus de souplesse, donc de po
lités d'adaptation, dans les règlements.

5. Sélection.
a) La formation est évidemment essentielle, mais au m
autant comme moyen, occasion de sélection, qu'en elle-même,
bien entendu que les responsables de la formation savent ce
expert doit être et, plus encore, ne doit pas être (avec les nu
attachées aux divers pays ou régions concernés), qu'ils expl
la période de formation pour connaître chacun des stagiair
jouissent ou devraient jouir d'un pouvoir de recommand
pour ne pas dire de veto, auprès des autorités exécutives des
nismes dont relèveront les experts.
b) Le personnel chargé du recrutement doit et peut être
posé, au moins en partie, de fonctionnaires connaissant le m
en voie de développement et dont on est assuré qu'ils fero
choix judicieux et sévère (le vrai problème étant de n'avoir d
choix que de nommer le seul candidat, jugé « moyen », à un
donné, ou d'attendre — et de faire attendre le gouverne
Les experts 33

similaires, appliquées, dans le système des Nations unies, par


quelques pays (Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne, etc.) donnent
d'excellents résultats : les jeunes ainsi recrutés sont en règle géné¬
rale de très bons éléments et sont tout désignés pour devenir
ensuite des experts de choix. La sélection ne pourrait que gagner,
sans aucun doute, pour une bonne part, à une application plus
vaste — par d'autres pays — et plus intensive — par le système
des Nations unies — de ce genre de formule.

6. Souplesse. Aussi exemplaire qu'il soit, le recrutement initial


d'un expert ne peut éliminer à la source les problèmes ultérieurs.
Il ne devrait pas être impossible :
— tout d'abord de s'assurer — mais pas nécessairement au sein
d'une seule organisation pour les disciplines qui s'y prêtent — le
concours prolongé des meilleurs experts (grade, type de mission,
lieu d'affectation, sécurité de l'emploi), en dépit des fluctuations
des besoins dans une branche d'activité donnée ;
— de faire en sorte qu'on puisse rapidement corriger les erreurs
et aplanir les incidents de parcours : ajuster les fonctions réelles
de l'expert (ou laisser l'intéressé trouver son vrai rôle d'entente
avec le gouvernement et le responsable local, représentant rési¬
dent par exemple), faciliter les transferts, rendus nécessaires ou
inévitables, d'un pays à un autre, multiplier les missions d'inspec¬
tion, etc., bref, ne pas laisser se prolonger, se pourrir parfois, des
situations inconfortables ou indésirables lorsqu'un ajustement
local est possible et surtout lorsqu'il ne l'est plus. La méthode du
« trial and error » s'impose pour les nouveaux experts, à condition
de comporter un mécanisme de correction humanisé mais rapide.
Rien n'est plus désolant, pour un gouvernement, un responsable
de la coopération (multilatérale en tout cas) — ou pour l'expert
lui-même — que de se résigner à attendre, dans des cas plus ou
moins malheureux mais n'exigeant pas le recours au rappel, les
deux, trois, parfois cinq années qui séparent de la fin d'un contrat.

7. Deux dernières remarques :


a) Un bon expert est encore meilleur, et un expert moyen un
élément utile lorsque l'ambiance et les conditions de travail sont
sympathiques. Le rôle des responsables (représentants résidents
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trop signaler que les bons représentants résidents ont en général


de bons experts.
b) Dans ce qui précède, on s'est délibérément placé dans le cadre
actuel de l'assistance, sans ïe remettre en question. D'autres vou¬
dront peut-être élever le débat (développement endogène, transfert
de connaissances, etc.). On pourrait aussi l'élargir. Par exemple, on
a pu dire, s'agissant d'un sous-continent, que l'assistance multi¬
latérale consistait pour une large part à recruter des experts dans
un pays A pour les affecter en B, C, D, des experts en B pour les
affecter en A, C, D, etc. L'idée vient, alors, de savoir s'il y aurait
de très sérieuses objections de principe, ou pratiques, à ce qu'un
expert (multilatéral) le soit dans son propre pays, sans pour autant
éroder la notion de coopération internationale. A l'état brut, cette
idée, séduisante, rend un peu perplexe. Elle gagnerait peut-être à
être vue de plus près, et assortie de conditions d'application qui
en atténueraient les dangers apparents. Elle ne pourrait qu'être
bien comprise, en bonne logique, de la part des pays qui, disposant
de cadres qualifiés, estiment, non sans raison, qu'il est temps
d'appeler les choses par leur nom et réserver le terme d' « homo¬
logue » ou de « contrepartie » non plus aux responsables natio¬
naux, mais à ceux qu'il désigne proprement, c'est-à-dire les experts
extérieurs.

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