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L'antisémitisme travesti en antisionisme

Raphael Israeli, Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Ricard


Dans Revue d’Histoire de la Shoah 2004/1 (N° 180), pages 109 à 171
Éditions Centre de Documentation Juive Contemporaine
ISSN 1281-1505
ISBN 9782850567186
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L'ANTISÉMITISME TRAVESTI EN ANTISIONISME

par Raphaël ISRAELI *


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Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Ricard

Introduction
On peut s'étonner du mépris et de la haine dont Israël est l'objet dans le
discours des fondamentalistes musulmans : ce pays, minuscule si on le
compare à l'immense puissance du monde occidental, y occupe une place
presque aussi importante que cet Occident satanique. On peut avancer
différentes explications à ce phénomène. La première, c'est qu'Israël n'est
pas seulement considéré comme une partie de ce monde occidental honni
mais, à certains égards, comme sa pointe avancée et comme un couteau
planté en plein cœur du monde musulman. La deuxième, c'est que les
musulmans, en particulier ceux qui sont directement impliqués dans le
conflit israélo-arabe, ne peuvent avoir avec Israël les mêmes relations
qu'avec les autres pays occidentaux. Pour les musulmans, les pays occi-
dentaux sont des pays lointains que nul n'est obligé d'imiter et où personne
n'est tenu de se rendre. La proximité d'Israël, en revanche, contraint les
musulmans à une confrontation quasi quotidienne et, bon gré mal gré, à des
échanges ; elle les contraint aussi à répondre aux défis d'Israël et à recon-
naître l'existence de ce pays. La présence de l'Occident dans le monde
musulman est celle d'un invité qui peut être chassé physiquement ou rejeté
spirituellement, alors que la présence d'Israël est une présence politique,
permanente, celle d'un État indépendant et souverain. La troisième expli-
cation, c'est que l'État d'Israël, celui des Juifs et des sionistes, ne peut
valoir mieux que la somme des parties qui le composent : les Juifs étant
méprisés par les Arabes, et le sionisme étant identifié au mal et au racisme,

* Professeur titulaire de la chaire de Civilisation islamique à l'Université hébraïque de


Jérusalem.
les musulmans sont incités à vouloir l'éliminer. Enfin, il faut faire la part
du ressentiment provoqué par la jalousie. La réussite spectaculaire de l'État
juif est difficilement supportable pour le monde musulman : non seulement
elle a remis en cause le stéréotype du Juif « lâche et misérable » mais elle
a aussi, ce faisant, mis à nu l'impuissance, le désespoir et le retard du
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monde musulman.

Un antijudaïsme profondément enraciné


Les sources du sentiment antijuif, anti-israélien et antisioniste dans le
monde musulman ont fait l'objet de nombreux travaux 1. Il suffit ici de
rappeler les composantes essentielles de cette attitude. Tout d'abord, il faut
mentionner l'existence de stéréotypes négatifs profondément enracinés
dans les sources musulmanes. Les Juifs sont qualifiés de « descendants de
nains et d’ânes » tant dans le Coran que dans les hadiths. Le Coran s'en
prend tantôt indistinctement aux peuples de l'Écriture, autrement dit aux
Juifs et aux chrétiens, tantôt spécifiquement aux Juifs ; une partie impor-
tante des hadiths est consacrée au dénigrement des Juifs. Deuxièmement,
il faut rappeler que les grands thèmes de l'antisémitisme chrétien, l'accu-
sation de « crime rituel », les Protocoles des Sages de Sion et la thèse du
complot juif mondial ont été importés par les Arabes chrétiens au
XIXe siècle dans le monde musulman, où ils sont venus renforcer l'arsenal
déjà abondant des récriminations et des griefs antisémites. Le troisième
élément à prendre en compte est la résistance opposée par les Arabes et les
musulmans à l'idée sioniste d'un retour des Juifs dans leur patrie, la
Palestine : ce refus a utilisé tous les stéréotypes antisémites et antisionistes
pour donner naissance à une opposition totale, tant politique que militaire.
Au moment de la fondation de l'État d'Israël en 1948, lorsque les craintes
des Arabes et des musulmans se transformèrent en réalité, une nouvelle
vague d'antisémitisme déferla. Cette fois, elle prit la forme de l'anti-
sionisme et de l'hostilité à Israël, et suivit les différentes péripéties du
conflit israélo-arabe. Chaque fois que ce conflit a atteint un nouveau

1. Voir N. Stillman, The Jews of Arab Lands : A History and Source Book, 1990 ; Bernard
Lewis, The Jews of Islam, Princeton University Press, 1987, rééd. 2002 ; Bat Yeor, The
Dhimmi, N. J., Fairleigh Dickinson University Press, 1985 ; Robert Wistrich, Muslim Anti-
Semitism (rapport de l'American Jewish Committee, 2002) ; Yossef Bodansky, Islamic
Anti-Semidsm ; voir aussi, de Raphael Israeli, Peace is in the Eye of the Beholder ; Poison
Modem Manifestations of the Blood Libel, 1986, et Arab and Islamic Antisemitism, commu-
nication de l'Ariel Research Center, 2000.
paroxysme, comme par exemple après le déclenchement de l'Intifada en
1987 et les attentats du 11 septembre 2001, les Arabes et les musulmans se
sont déchaînés contre les Juifs, Israël et le sionisme, alors que pendant les
rares moments d'apaisement, cette vague, en général, a reflué. Je m'inté-
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resserai ici presque exclusivement aux événements consécutifs au
11 Septembre.
Dans un article publié dans le très officiel Al-Ahram, un chercheur copte
éclairé, le docteur Babawi, a violemment attaqué le Congrès américain,
accusé de ne pas mettre un terme aux « tirs d'artillerie d'Israël contre la
mosquée de la Nativité et Al-Aqsa », et a appelé les musulmans et les
coptes américains à manifester contre « Sharon le fou, qui a commencé à
se conduire comme un dément après avoir été atteint aux parties sensibles
par une balle pendant la guerre de 1948, ce qui l'a laissé avec un testicule
seulement », état qui a eu des répercussions psychologiques : depuis, c'est
devenu un « psychopathe qui se sert de son pouvoir pour cacher son point
faible 1 ». L'évêque de l'Église assyrienne du Liban a déclaré que, même
si les dirigeants actuels du monde chrétien ne sont pas juifs, ils sont dirigés
par des Juifs, dont la foi est « ennemie de Dieu, du peuple et du
christianisme ». Il cite Jésus, qui aurait dit aux Juifs : « Vous êtes les fils
de Satan, et vous accomplissez la volonté de votre père Satan », à quoi ils
auraient répondu : « Non, nous ne sommes pas les fils de Satan, nous
sommes les fils d'Abraham. Si vous étiez les fils d'Abraham, aurait
répondu Jésus, vos actes seraient en accord avec les actes et les préceptes
d'Abraham. Donc, vous êtes les fils de Satan 2. »
Cette haine profonde des Juifs, de la part d'Arabes chrétiens qui
devraient logiquement faire cause commune avec eux contre une majorité
musulmane écrasante en Orient, est un défi à la logique et souvent
exploitée par les fondamentalistes musulmans et d'autres pour démontrer
que les Juifs suscitent un dégoût universel. De nombreux stéréotypes anti-
sémites circulant chez les musulmans ont été empruntés aux chrétiens
d'Orient, d'autres sont d'origine musulmane. Ces deux communautés
multiplient les emprunts réciproques, les chrétiens d'Orient du monde
arabe jouant un rôle d'intermédiaires : ils maîtrisent en effet les deux
cultures et les deux traditions, dont l'antisémitisme fait partie, et n'ont pas
été touchés par les récentes et importantes concessions faites au judaïsme
par l'Église catholique. De plus, pendant l'Intifada Al-Aqsa3, qui a mis au

1. Al-Ahram, 25 avril 2001.


2. Télévision Al-Manar du Hezbollah libanais, 24 avril 2002.
3. Ou seconde Intifada, septembre 2000.
premier plan le rôle chez les Palestiniens des islamikazes1, certains chré-
tiens ont découvert une similitude entre le sort de ces bombes humaines et
le martyre du Christ. Nous citerons sur ce point quelques extraits de
discours tenus par des membres du clergé et des intellectuels arabes
chrétiens :
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[...] Nous nous agenouillons devant le peuple palestinien à la Nativité. Il
meurt de faim et de soif mais il tient bon. Celui qui a dit : « J'ai faim » quand
il était sur la Croix était notre Seigneur Jésus lui-même [...]. Notre peuple
palestinien à Bethléem est mort en martyr crucifié sur le rocher gardé par
des soldats israéliens armés jusqu'aux dents, qui ne connaissent ni la
compassion, ni l'amour, ni la vie ni la tolérance [...]. Les Juifs ont un
principe dont nous souffrons et qu'ils essaient d'imposer : le principe des
gentils. Pour eux, le gentil est un esclave. Aux Palestiniens qui travaillent en
Israël, ils ne donnent qu'un morceau de pain, et ils disent : « Ce morceau de
pain que vous mangez est pris à nos enfants, et nous vous le donnons non
pour que vous viviez en hommes libres sur votre terre, mais en prolétaires et
en esclaves en Israël, pour nous servir[...]. » Les Protocoles des Sages de
Sion sont fondés sur ce principe, et tout lecteur des Protocoles a le sentiment
que nous sommes dans cette période avec les Juifs [...].
L'Église, le pape, les chrétiens et le Nouveau Testament établissent
clairement que, selon la foi chrétienne, ceux qui ont tué Jésus sont les Juifs,
et il n'y a aucun moyen de le nier ou de l'empêcher [...]. Les Juifs sont ceux
qui ont tué Jésus ; après lui, ils ont tué les chrétiens, et après eux les
musulmans [...]. Maintenant, ils tuent de nouveau des musulmans et des
chrétiens. Dans l'histoire, nous avons vu que les Juifs ont persécuté les
chrétiens dans les premiers temps de l'Église, et maintenant, de nouveau,
ils persécutent l'Église et l'islam [...]. Comme tout le monde le sait, même
à notre époque, ils accusent toujours les chrétiens [...]. Le pape Pie XII se
trouve dans une situation difficile. Les Juifs l'accusent de choses
épouvantables [...]. Ils attaquent l'Église parce que le pape ne s'est pas
montré aussi intransigeant qu'ils le voulaient dans la protection des Juifs
face aux nazisme — alors que les Juifs n'ont trouvé asile que dans l'Église
et auprès des familles chrétiennes [...] 2.

1. J'ai proposé le terme « islamikaze », composé d'islam et de kamikaze, dans un article


intitulé : « Islamikaze and their Significance », The Journal of Terrorism and Political
Violence, automne 1997, pour désigner les individus pour lesquels on utilise habituellement
le terme, à mon sens impropre, d’« auteurs d'attentats suicides ».
2. Télévision palestinienne, 22 avril 2002 ; voir aussi Watani, Égypte, 21 avril 2002 ; Al-
Maydan, Égypte, 22 avril 2002 ; et télévision Al-Manar du Hezbollah libanais,
24 avril 2002, MEMRI (Institut de recherche médiatique du Moyen-Orient).
Dans l'imagerie musulmane, les Juifs et les chrétiens sont étroitement
liés : ils sont les représentants des deux religions ennemies de l'islam, dont
ils recherchent la destruction. Donc, comme nous l'avons vu, que ce soit
lors d'une attaque contre l'Occident ou d'un discours dénonçant les actes
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de barbarie commis par les Occidentaux, les Juifs et les chrétiens sont mis
dans le même sac : ils sont visés par la même sourate d'ouverture du
Coran 1. Le psychiatre Adel Sadeq, qui a violemment attaqué le président
Bush et s'en est pris à l’« ignorance occidentale » de la psyché arabe et
musulmane, réserve un traitement encore plus brutal à Israël, une guerre à
mort, totale et politicide, excluant toute possibilité de concession ou de
compromis. Son scénario, s'il se réalisait, signalerait d'une nouvelle esca-
lade dans le conflit israélo-arabe. Son message est effrayant :

Notre message à Israël est que nous n'arrêterons jamais [...]. Il est très
important de transmettre ce message [...]. L'enfant qui lançait des pierres
en 1993 s'attache aujourd'hui une ceinture d'explosifs autour du ventre.
Certains hommes politiques israéliens en tiennent compte et se disent :
« Cette guerre n'aura jamais de fin. » Tant qu'il restera un seul
Palestinien, cette guerre continuera [...]. Ce qui se passe aujourd'hui ne
montre qu'une chose : l'existence d'Israël ne sera pas éternelle. Nous
devons savoir en tant qu'Arabes que cette guerre n'aura jamais de fin. Le
conflit continuera. La terre n'est pas seule en cause [...]. Cette guerre ne
cessera pas, et tous ceux qui se font des illusions et croient qu'on
connaîtra la paix doivent comprendre qu'Israël n'est pas venu dans cette
région pour aimer les Arabes ou pour normaliser ses relations avec eux.
Tous ceux qui pensent que la paix viendra, que ce soit maintenant ou plus
tard, ont une vision historique limitée. Ou nous existerons ou nous
n'existerons pas. Ou bien les Israéliens ou bien les Palestiniens — il n'y pas
de troisième voie [...].
Il n'y a pas de civils israéliens. Les Israéliens sont tous des pillards.
L'histoire nous l'enseigne. Je suis absolument convaincu que l'effet
psychologique [des islamikazes] sur les usurpateurs israéliens sera de leur
faire prendre conscience du caractère provisoire de leur existence [...]. Ils
sont maintenant profondément persuadés que leur existence dans la région
est provisoire [...]. Enlevez les Apaches, laissez les Israéliens face à face
avec le peuple palestinien avec pour seule arme la dynamite, vous verrez
tous les Israéliens partir, parce que parmi eux il n'y a pas un seul homme
qui soit prêt à porter une ceinture de dynamite [...].

1. www.almouhajiroun.com/islamictopics/islamicissues/jihad.html
Au niveau stratégique, il faut un plan panarabe pour atteindre notre but.
Notre but à tous est de libérer la Palestine de l'agresseur israélien. Pour
employer des mots que certains n'aiment plus employer aujourd'hui :
« Nous rejetterons Israël à la mer. » Il n'y a pas de demi-mesure. La
coexistence est une absurdité totale [...]. Le véritable moyen de régler le
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problème d'Israël, ce sont les gens qui se font exploser. D'après ce que je
vois sur le terrain, les corps purs et nobles des Palestiniens sont notre seul
moyen. C'est la seule arme des Arabes, et ceux qui disent autre chose sont
des conspirateurs. Je regrette de devoir employer ces termes, mais les
politiciens et les journalistes arabes qui condamnent ce mouvement fidai
essaient de nous imposer leurs idées pour apaiser l'Occident [...]. Les
corps palestiniens sont le seul moyen dont nous disposions dans cette
bataille1.

C'est là ce qu'un scientifique ayant suivi des études réserve à Israël, ce


sont là les idées développées par les programmes de télévision diffusés en
Égypte et en Arabie Saoudite, pays supposés « modérés » et « pacifiques ».
Dans ces conditions, on se demande si un accord quelconque est possible
entre les deux parties, ou si la caractérisation des Juifs et d'Israël comme
ennemis permanents des Arabes et des musulmans est un fait immuable qui
fait d'eux l'objectif stratégique, quelles que soient les circonstances. Nous
verrons dans les pages suivantes que non seulement Israël est défini
comme un ennemi, mais que c'est aussi le cas des Juifs et du sionisme. Ce
sont les calomnies contre Israël, les Juifs et le sionisme, c'est le rejet total
de tout règlement à l'amiable avec eux qui rendent le problème insoluble
pour les Arabes et les musulmans. De plus, Israël est perçu comme le bras
avancé de l'Occident dans le monde arabe et musulman, ayant pour but de
provoquer sa décadence. La communauté juive mondiale, sous la forme du
mouvement sioniste, est considérée comme la principale puissance sata-
nique qui étend ses tentacules dans tous les centres de pouvoir politique et
économique pour affaiblir les sociétés occidentales de l'intérieur et prendre
le contrôle du monde 2. À ce titre, les Juifs doivent être considérés comme
les premiers ennemis et vus comme une cible prioritaire dans le cadre de
la lutte des musulmans contre l'Occident, ce qui est effectivement le cas.

1. Télévision Iqra (Arabie Saoudite et Égypte), 24 avril 2002. Cf. MEMRI, Dépêche
spéciale n° 373, 30 avril 2002.
2. Voir par exemple la charte du Hamas le mouvement islamique qui a été à l'initiative
des actions des islamikazes et de l'activisme dans le monde musulman, en particulier
l'article 22. Voir « The Charter of Allah : the Platform of the Islamic Resistance
Movement », in R. Israeli, Fundamentalist Islam and Israel, États-Unis, The University of
America, 1992, p. 147-148.
Les chefs du mouvement islamique, du moins ceux des groupes d'islami-
kazes, de Ben Laden au cheikh Yassine du mouvement Hamas, de Tantawi,
cheikh de la mosquée Al-Azhar, aux combattants d'Allah, disséminés
dans le monde entier, adhèrent à cette doctrine et la défendent de toutes
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leurs forces.
Encore une fois, c'est d'Arabie Saoudite et d'Égypte, pays qui sont
censés incarner la modération, défendre des positions pro-occidentales et
être à l'origine des « initiatives de paix » au Moyen-Orient, que provien-
nent non seulement les déclarations les plus violemment anti-américaines,
mais aussi les affirmations d'antisémitisme les plus éhontées. Encore une
fois, il ne s'agit pas ici de sermons isolés prononcés par des obscurantistes
fanatiques ou des individus démunis et exaspérés, mais du discours systé-
matiquement tenu par des responsables politiques, des personnalités reli-
gieuses, des responsables économiques, des intellectuels, des opposants
irréductibles et des stratèges, qui façonne l'opinion publique et est à son
tour façonné par elle. C'est encore plus vrai des écrits des fondamentalistes
musulmans, que nous avons déjà mentionnés, et qui empruntent parfois
aux écrits des non-musulmans. L'hebdomadaire October, par exemple, est
représentatif des milieux dirigeants égyptiens. Il a été fondé et est dirigé
par l'antisémite le plus célèbre du monde arabe, qui était aussi un proche
du président Sadate, le chrétien Anis Mansour 1. Voici ce qu'on pouvait y
lire au sujet des Juifs, sous la plume d'un général à la retraite, Hassam
Sweilem, dans un article qui s'inspire directement de la plate-forme du
Hamas et des Protocoles des Sages de Sion :

Tout au long de l'histoire, depuis l'empereur Justinien jusqu ’à Hitler, les


dirigeants européens ont essayé de se débarrasser des actes de violence, de
la barbarie, de la corruption, des conflits nourris et autres hauts faits que les
Juifs avaient et ont l'habitude d'accomplir dans les sociétés européennes
[...] comme, par exemple, la domination qu'ils exercent sur les systèmes
monétaires, les finances publiques, les banques et les monopoles
commerciaux, qui a provoqué des banqueroutes généralisées et des dégâts
économiques. Ils diffusent aussi la drogue, la prostitution, le commerce des
femmes en tant qu'esclaves sexuelles et l'alcool. Ils ont aussi monopolisé
l'or et le commerce des pierres précieuses. Ils ont versé des pots-de-vin aux
dirigeants et leur ont extorqué des fonds tout au long de l'histoire [...].

1. Pour quelques-unes de ses sinistres calomnies contre les Juifs, voir R. Israeli, Peace is
in the Eye of the Beholder, op. cit.
Les Juifs étaient derrière les guerres et les luttes intestines, cela a conduit
les dirigeants européens à les expulser et à les tuer. Par exemple, les
armées des Croisés, traversant la vallée du Rhin pour rejoindre l'Orient,
ont massacré les Juifs et incendié leurs maisons, ce qui constituait pour
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eux un acte de repentir. Les Juifs ont subi le même sort en Russie [...]. Ils
ont été expulsés de France, d'Angleterre, d'Allemagne, de Hongrie, de
Belgique, de Slovaquie, d'Autriche, de Hollande et enfin d'Espagne, après
avoir comparu devant les tribunaux de l'Inquisition pour avoir organisé un
complot visant à pénétrer la société chrétienne à la manière d'un cheval
de Troie [...]. Le complot juif pour le contrôle de l'Europe a engendré des
révolutions, des guerres et des luttes intestines [...]. La révolution de
Cromwell a échoué en Angleterre en 1649, à la suite du complot juif visant
à entraîner l'Angleterre dans plusieurs guerres en Europe [...]. Puis la
Révolution française a éclaté : les Juifs l'avaient préparée depuis la
première conférence de leurs rabbins et de leurs usuriers, qui avait été
organisée par le premier Rothschild en 1773 afin de s'emparer de toutes
les ressources du monde [...]. Cette « conférence » adopta vingt-quatre
Protocoles, au nombre desquels figurent « la destruction de la croyance en
Dieu dans le cœur des gentils, le divertissement des peuples par la
diffusion de la littérature hérétique et impure, la destruction de la famille
et la destruction de toute morale [...] 1.

Et cætera ad nauseam. De tels propos trahissent le caractère primitif, la


malhonnêteté et la bigoterie de l'auteur et de ceux qui ont permis à de telles
absurdités d'acquérir une apparence de sérieux en les publiant dans une
revue respectable. Dans cet article, toutes sortes d'événements sont attri-
bués aux Juifs : l'accession de Napoléon au trône puis sa chute, la guerre de
1775 entre l'Angleterre et les États-Unis naissants, la création de la Bank
of America en 1881, destinée à contrôler la richesse de la jeune nation. Les
Juifs sont aussi accusés d'avoir attisé la Guerre civile américaine. Cet
article précise que les Protocoles ont été écrits « par un rabbin allemand en
1770, avec le concours financier de Rothschild », et toujours pour
« détruire tous les gouvernements et les religions, diffuser l'anarchie et les
révolutions, déclencher des guerres, s'emparer de la richesse des nations,
corrompre la jeunesse et contrôler les dirigeants en introduisant dans les
gouvernements des ministres et des conseillers juifs ». Cet esprit malade
continue : les Juifs ont ordonné le début de la Première Guerre mondiale et
provoqué l'intervention des États-Unis en diffusant une rumeur selon
laquelle un navire américain avait été coulé par les Allemands. Pendant
cette Première Guerre mondiale, les Juifs ont préparé le terrain à la fois au

1. October, 17 juin 2001.


communisme et au nazisme, pour continuer l’œuvre accomplie par les Juifs
Marx et Engels un demi-siècle plus tôt, en diffusant le Manifeste du Parti
communiste à Londres. Finalement, le communisme et le nazisme sont
arrivés au pouvoir et se sont affrontés, exactement comme les Juifs
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l'avaient prévu. Ce sont les restrictions imposées par les Alliés à l'Alle-
magne à Versailles, sur ordre des Juifs, qui avaient poussé les Allemands à
faire la révolution et à porter Hitler au pouvoir, ce qui avait déclenché la
Seconde Guerre mondiale. Les Juifs ont aussi provoqué la destruction de
l'Empire ottoman, dont ils devaient tirer profit en concentrant toutes les
richesses entre leurs mains 1.
Le complot juif ne fut pas la seule légende reprise par cet ancien général.
Il avait aussi « découvert » que les racines du sionisme elles-mêmes remon-
taient à ce complot, puisque les Juifs avaient essayé de fonder une première
colonie à Suez dès 1903. Chaïm Weizmann obtint des Britanniques la
déclaration Balfour en 1917 pour sa contribution à l'effort de guerre britan-
nique en tant que chimiste : d'après l'auteur, tout s'explique par des
« secrets volés par Weizmann à des scientifiques russes ». Si les Européens
ont laissé les Juifs partir en Palestine, ce n'est pas par sympathie pour eux
mais pour se débarrasser du cancer juif qui menaçait de les étouffer de tous
côtés, car les Européens ne pouvaient trouver aucun autre pays pour
absorber les « déchets humains empoisonnés qu'on appelle les Juifs ». La
Grande-Bretagne permit aux Juifs de prendre les terres palestiniennes en
facilitant leurs agressions contre les Palestiniens et en laissant les bandes
juives recevoir des armes venues d'Europe [...]. C'étaient les Juifs qui
avaient fait circuler de fausses rumeurs sur la défaite de l'Allemagne lors
de la Première Guerre mondiale et provoqué la ruine de l'économie
allemande ; ils avaient propagé l'anarchie en Allemagne en introduisant le
communisme, et avaient même tenté d'assassiner Bismarck. Hitler avait
voulu collaborer avec les Britanniques pour réduire la menace juive en
Europe, mais les Juifs avaient été plus malins que lui et avaient obtenu la
nomination d'un de leurs agents, Winston Churchill, au poste de Premier
ministre à Londres. Cet article nous apprend même que Hitler avait créé un
institut de recherches spéciales pour enquêter sur les « racines de la corrup-
tion et de la pourriture juives » et sur les moyens de guérir les Juifs de cette
maladie, pour mettre un terme à la menace qu'ils faisaient planer sur
l'humanité. C'est quand il renonça à essayer de les guérir de leurs maladies
incurables que Hitler commença à les écraser et à les neutraliser2.

1. Ibid.
2. Ibid.
Ces déclarations écœurantes, auxquelles il faut ajouter que celle selon
laquelles les Juifs avaient provoqué la crise de 1929 pour préparer la Seconde
Guerre mondiale 1, ne restent pas sans écho en Égypte où elles sont répétées
inlassablement. Elles sont répétées comme des formules magiques, comme
s'il s'agissait de faits établis et de connaissances historiques incontestables.
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Presque aucun intellectuel digne de ce nom, aucun chercheur, aucun savant,
sans parler des hommes politiques ou des personnalités religieuses, n'a jamais
osé contredire ou mettre en doute la validité, la logique, la véracité et l'authen-
ticité de ces allégations. Les citations fabriquées, les « faits » inventés, les
sources falsifiées, les accusations forgées de toutes pièces et les calomnies en
tous genres, qui dans les pays civilisés peuvent entraîner des poursuites judi-
ciaires et sont passibles de peines de prison, sont monnaie courante dans le
monde musulman, et pas seulement parmi les fondamentalistes. Le problème
ne se borne pas à inventer des événements historiques pour s'en servir comme
d'outils de propagande. Ceux qui propagent ces inventions commencent eux-
mêmes à y croire. D'autres, impressionnés par le pouvoir militaire, politique
ou religieux des faussaires, les imitent sans distance critique et répandent ce
poison dans le monde entier. Par exemple, les calomnies que nous venons
d'analyser ont circulé dans l'Europe chrétienne pendant des siècles, puis ont
été importées au Moyen-Orient par des Arabes chrétiens qui souhaitaient se
mettre en valeur aux yeux de leurs compatriotes arabes, avant d'être repro-
duites par les Frères musulmans comme Sayyid Qutb2, puis reprises, presque
mot pour mot, dans la charte du Hamas qui a été publiée au début de l'année
19883, jusqu’à ce qu'elles deviennent monnaie courante. Désormais, il n'est
plus nécessaire de les justifier en s'appuyant sur des références. C'est la raison
pour laquelle tant d'esprits tordus, fanatiques et obscurs apparaissent dans le
monde arabe et musulman, où presque personne ne s'intéresse aux faits et où
on apprend aux enfants à croire à de pareilles escroqueries. Les simples
citoyens, naïfs, trompés et ignorants, n'ont aucun moyen d'avoir accès à la
connaissance. Ils baignent, génération après génération, dans cette culture du
mensonge et de la haine, grandissent dans cette atmosphère et n'ont guère de
chances de voir les choses autrement. Ils sont la matière première humaine
nécessaire pour les islamikazes.

1. Ibid.
2. Sayyid Qutb fut un des dirigeants des Frères musulmans en Égypte avant d'être
exécuté par le régime de Nasser en 1966 pour complot contre le gouvernement. Son livre
Notre Campagne contre les Juifs, un des manifestes antisémites les plus effrayants de
l'histoire, est devenu une référence pour la plupart des mouvements fondamentalistes
musulmans.
3. Pour le texte complet de cette charte, voir Raphael Israeli, Fundamentalist Islam and
Israel, op. cit., chapitre 7.
Les religieux saoudiens, qui en général se moquent du nationalisme
arabe et du panarabisme, insistent sur le fait qu'il n'y a aucun autre moyen
de vaincre les « ânes et les porcs », c'est-à-dire les Juifs, que le djihad. Tant
que les Palestiniens et les autres Arabes combattront pour leurs terres et
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leurs vergers, c'est-à-dire pour leurs biens matériels et au nom d'un faux
nationalisme, ils n'obtiendront pas grand-chose : ils feraient mieux de
revenir à la foi islamique et de combattre au nom de la religion. Ils recom-
mandent à leurs ouailles de tirer les leçons de ce qu'ont fait les Juifs :

Ils [les Arabes] ne sont pas prêts à affronter le peuple de la Bible, le peuple
d'Israël, en livrant une bataille islamique. Alors que les Juifs se réfugient
dans leur religion et trouvent en elle une source d'unité et de force, ces
[Arabes] s'éloignent de l'islam [...]. Les Juifs ont combattu sans
interruption contre notre prophète Mahomet [...], quelqu'un imagine-t-il
qu'ils cèderont face à des gens qui combattent encore pour leurs melons,
leur terre, leurs montagnes, leurs puits, leurs oliviers et leurs orangers 1 ?
Nous devons nous regrouper autour de ceux qui prônent l'islamisation du
conflit [...]. Si nous disons que le problème est un problème arabe, il y a
des Arabes chrétiens, des incroyants et des socialistes. Quel rapport tous
ces gens ont-ils avec la mosquée Al-Aqsa 2 ?
Nous devons prendre conscience que nos défaites face aux Juifs sont dues au
fait que nous n'avons pas laissé l'umma islamique les affronter [...]. Ces
défaites furent celles de régimes arabes qui ne brandissaient pas la bannière
de l'islam [...]. Si nos [fils] perdus reviennent à la vérité, alors les Juifs
retomberont dans le malheur et la malédiction à laquelle ils ont été condamnés
[par le livre sacré]. Rien ne pourra aider les Juifs quand les ignorants se
réveilleront, ceux-ci ne verront jamais la victoire tant qu'ils professeront des
idées erronées, des programmes hérétiques et une paix humiliante 3.
La solution décisive du conflit doit être obtenue par l'Intifada et le djihad
pour Allah, non par le combat pour le nationalisme arabe ou pour la patrie
arabe. L'umma islamique sait que la question de la Terre sainte ne sera
pas résolue en [...] négociant autour d'une table avec les Infidèles. La
seule solution est d'imiter ce que le Prophète fit aux Juifs quand ils
violèrent leurs engagements. La seule solution réside dans les paroles
adressées aux Juifs par le Prophète : « Je vous ai apporté le massacre. »
La solution avec eux n'est ni la paix ni l'harmonie, car le djihad est la
solution, pas la paix. C'est le monde profane qui a cédé face au judaïsme
et au christianisme, a jeté les armes et a battu en retraite, pas l'islam. Car

1. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL=1216. Sans date. MEMRI.


2. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL=3095. Sans date.
3. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL=5530, 22 mars 2002.
l'islam n'a pas été vaincu par le judaïsme et le christianisme, dans le
combat idéologique qu'il a été empêché d'engager [...] 1.
L'umma islamique est assise avec son ennemi pour discuter de la paix,
d'accords et de traités [...]. Les Juifs eux-mêmes n'oublient pas leurs
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haines, et ils propagent leur mensonge au sujet de la Shoah et affirment
que Hitler a tué six millions de Juifs dans des chambres à gaz. Malgré le
fait qu'il s'agit d'un pur mensonge, ils en ont fait une partie essentielle de
leurs souffrances et le diffusent à travers leur puissante machine de
propagande de façon à soumettre au chantage les nations du monde. Ils
ont obtenu des compensations énormes des Allemands, et accusent
maintenant tous ceux qui nient la réalité de la Shoah et soulèvent le monde
contre eux [...]. Les Juifs ont toujours mordu toutes les mains qu'on leur
tendait en temps de paix, ils ont toujours violé tous les accords qu'il ont
signés, ils ont trahi le Prophète, ils ont trahi l'Empire ottoman, et provoqué
son effondrement, ils ont violé tous les traités contemporains, d'Oslo à
Charm-el-Cheikh [...] 2.

On est donc intrigué et méfiant lorsque des Saoudiens font des proposi-
tions de paix aux Juifs dans les médias internationaux, alors même que dans
le secret de leurs mosquées et dans leur presse ils appellent au djihad, au poli-
ticide, au massacre et au génocide en utilisant le précédent de leur Prophète
et en déversant des calomnies contre les Juifs si dangereuses que, même s'ils
changeaient d'avis, ils auraient beaucoup de mal à convaincre leurs citoyens,
systématiquement exposés à ce poison, de changer subitement de positions
et d'attitudes. En effet, selon eux, il est insupportable qu'une « poignée
d’ânes et de singes torturent un milliard de musulmans ; il est impossible
d'échapper au djihad et à la préparation au djihad3 ». Un des prêcheurs de la
mosquée a conclu en des termes dépourvus de la moindre ambiguïté :

Il s'agit d'une question historique, juridique et idéologique. Il est


impossible de faire la paix avec les Juifs, quelles que soient les
circonstances, et on ne peut signer aucune alliance, aucun traité avec eux,
bien que certains d'entre nous pensent le contraire [...] qui sont eux-
mêmes juifs comme les Juifs. Nous ne pouvons échapper au mal et à la
méchanceté des Juifs. Ce sont des créatures impures, une racaille
satanique. Ce sont les auxiliaires de Satan, et ils sont, avec d'autres
infidèles et polythéistes, la véritable cause de tous les malheurs de
l'humanité. Satan les conduira en enfer et à une fin lamentable. Les Juifs

1. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL=5478. Sans date.


2. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL=4367, 22 octobre 2000.
3. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL=3094. Sans date.
sont nos ennemis et nos cœurs sont pleins de haine pour eux. Le djihad
contre eux est pour nous un rituel [...]. Les musulmans doivent préparer
leurs enfants au djihad. C'est l'avantage que nous pouvons tirer de notre
situation : former nos enfants au djihad et à la haine contre les Juifs, les
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chrétiens et les infidèles, et entretenir l'esprit du djihad dans leurs âmes.
C'est cela qui nous est nécessaire aujourd'hui [...] 1.
Par la même occasion, ces prêcheurs de la pacifique Arabie Saoudite
appellent leur peuple à entretenir le courage de ses enfants en leur parlant
des héroïques guerriers musulmans, des enfants parmi lesquels figurent
ceux qui ont suivi leurs pères sur les champs de bataille et « ont achevé les
ennemis blessés, ce qui est une preuve de leur courage 2 ». Il ne faut pas
voir là un enseignement de la terreur, insistent ces prêcheurs, puisqu'il
s'agit seulement de l’« intimidation » coranique (irhab - le mot moderne
pour terrorisme) ; or, celle-ci est autorisée par la loi islamique contre les
hypocrites et les rebelles, ne peut être considérée comme une agression ou
une injustice envers qui que ce soit, et est seulement destinée à « élever la
parole d'Allah et à répandre sa religion ». En d'autres termes, tout ce qui
est autorisé par le Coran est ipso facto parfait et ne peut pas être discuté ou
remis en cause pour des raisons humaines, juridiques et morales. Il suffit
d'employer le mot « intimidation » au lieu du mot « terreur » pour ne pas
être condamné. Le prêcheur revient sur ce point :

Ce qui est qualifié de « terreur » dans les médias est en fait le djihad sur le
chemin d'Allah. Le djihad est l'apogée de l'islam, et certains juristes
voient en lui le sixième Pilier de la foi3. Le djihad, qu'il soit invoqué pour
protéger les terres d'islam comme la Tchétchénie, les Philippines et
l'Afghanistan, ou pour propager la foi, est ce que les ennemis d'Allah
nomment « terreur ». Quand le moudjahid est en route vers le martyre, ou
pour obtenir la victoire et rapporter son butin, les ennemis d'Allah voient
en lui un terroriste [...]. Les fidèles ne doivent donc pas employer ce mot,

1. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL = 3095. Sans date.


2. www.alminbar.cc/alkhutab/khutbaa.asp?mediaURL=5477. Sans date.
3. Les Cinq Piliers (arkan) sont les principes fondamentaux de l'islam. Le premier est le
shahadah : Allah est le seul Dieu et Mahomet est son prophète ; le deuxième est le salat, la
prière cinq fois par jour ; le troisième est le sawm, le jeûne pendant le ramadan ; le quatrième
est le zakat, le versement d'aumônes ; le cinquième est le hadj, le pèlerinage à La Mecque.
Certains courants puritains au sein de l'islam, comme les wahhabites en Arabie Saoudite,
considèrent le djihad comme le sixième rukn, en insistant sur le devoir individuel de chaque
musulman (rad 'ayn), alors que dans les courants majoritaires de l'islam, le djihad est le
devoir de la communauté (fard kifaya), et confié à la responsabilité des chefs et des juristes
musulmans de chaque génération.
car la colère d'Allah pourrait s'abattre sur eux le jour du Jugement. Le
djihad fait partie de notre foi, et le mot « terreur » est seulement employé
pour délégitimer cet élément béni et précieux de notre foi.
L'emploi du mot « terreur » [par les infidèles] vise aussi à discréditer
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l'important principe d’« al-wala wal bara », dont le sens est de soutenir les
autres croyants, qu'ils soient arabes ou non. Car il n'y a pas de différence
pour nous entre un croyant arabe et un croyant non arabe, et le croyant
non arabe vaut mieux qu'un Arabe corrompu. Les gens doivent savoir
qu'ils ont une obligation de fidélité à l'égard des autres croyants, et
d'hostilité aux infidèles qui sont les ennemis d'Allah. Nous aimons celui qui
est aimé d'Allah et nous haïssons celui qui est haï de lui. Le sang des
musulmans est protégé parce que le sang des musulmans est supérieur au
sang des infidèles. Il est interdit de tuer un musulman pour de l'argent [...].
Ce sont là quelques-uns de nos principes qui sont qualifiés de terreur par
les Occidentaux [...]1.
Et comment sait-on qui est haï d'Allah ? L'unique et le meilleur guide
en la matière est bien sûr le Coran, qui est la parole de Dieu, et d'autres
sources de la foi comme la Sunna du Prophète. Ainsi, les Juifs qui sont
qualifiés d'ennemis d'Allah ne peuvent échapper à leur destin fatal, à
moins qu'ils ne se convertissent à l'islam (les chrétiens sont d'ailleurs dans
le même cas) ; en attendant, il faut mener contre eux le djihad en recourant
à l’« intimidation », même si les autres voient là un recours à la « terreur ».
En tout cas, agir ainsi est non seulement légal mais même obligatoire ; le
djihad, par définition, mène au martyre, et est la quintessence de l'islam
aux yeux des fondamentalistes saoudiens (et autres). La seule question qui
reste posée, une fois que les ennemis d'Allah ont été identifiés, est de
savoir comment et jusqu’à quel point il convient de discréditer et de
diffamer les ennemis d'Allah. À cet égard, tout est bon pour donner des
Juifs, des sionistes et d'Israël une image tellement méprisable que ceux-ci
deviennent des cibles « attirantes », et même irrésistibles, pour les fonda-
mentalistes musulmans dévorés par la colère et par un profond désir de
vengeance : on peut s'appuyer sur des arguments profanes, historiques,
logiques, religieux, recourir à des analogies, ou se laisser aller à des accès
de haine atavique et inexpliquée, puisant dans l'inépuisable arsenal de
l'antisémitisme arabe et islamique. Il suffit de voir les millions de manifes-
tants musulmans qui ont envahi les rues de toutes les villes arabes et occi-
dentales depuis le déclenchement de l'Intifada en 2000 : ils ont brûlé des
drapeaux israéliens et des synagogues, insulté Israël, les Juifs et les
sionistes. Il suffit de consulter des centaines de sites internet musulmans,

1. Ibid.
et de voir le mépris absolu qu'ils professent pour les valeurs juives et les
lieux saints du judaïsme pour prendre conscience de la profondeur de cette
haine, qui a atteint son paroxysme à Durban pendant l'été 2001.
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L'antisémitisme encouragé
Le souci le plus immédiat des musulmans dans le monde après le
11 Septembre a été de faire en sorte que les regards accusateurs qui se tour-
naient vers eux se détournent vers d'autres coupables possibles. Les terri-
bles attentats du 11 Septembre étaient en effet tous liés au terrorisme
islamiste et avaient été conçus et commis par des musulmans, pour la
plupart ressortissants d'Arabie Saoudite et d'Égypte, pays qui avaient para-
doxalement bénéficié plus que d'autres de la générosité américaine. Un des
moyens d'atteindre cet objectif fut d'élaborer, comme d'habitude, une
théorie du complot plausible, pouvant compléter la théorie bien connue
du complot juif. C'est pourquoi, au lendemain du 11 Septembre, on
commença à dire dans le monde musulman que les Juifs allaient bénéficier
des attentats, et que ceux-ci pouvaient donc être raisonnablement imputés
aux Juifs, aux sionistes, au Mossad israélien, etc. À titre de « preuve »,
certains avancèrent que la plupart des employés juifs du World Trade
Center ne s'étaient pas rendus à leur travail ce jour-là. Cette théorie, large-
ment répandue dans le monde arabe et musulman, a été défendue par
Yassine, qui avait été arrêté aux États-Unis après la première tentative
d'attentat contre le World Trade Center en 1993, puis avait été libéré et
avait rejoint ceux qui le finançaient à Bagdad. Dans un film diffusé par la
télévision américaine au début du mois de juin 2002, ce détenu, interrogé
dans sa prison irakienne, expliqua en toute candeur, et comme un fait allant
de soi, que les membres de son groupe avaient d'abord prévu de frapper
deux quartiers juifs Brooklyn, Crown Heights et Williamsburg, avant de
s'intéresser aux Twin Towers quand ils eurent compris que celles-ci cons-
tituaient de « meilleures » cibles 1.
Pour autant qu'il soit possible d'analyser les projets de ces individus
inhumains et mentalement perturbés, il ne s'agissait pas seulement pour
eux d'assouvir leur désir, inconcevable et inexplicable, de tuer le plus
grand nombre possible de Juifs (voir infra), ce qu'ils ne cessent de faire en
Israël où les assassinats se succèdent. Ils avaient aussi pour objectif de
provoquer une réaction d'antisémitisme en « montrant » qu'il était dange-
reux de se lier à des Juifs, de vivre dans les mêmes quartiers qu'eux ou de

1. Leslie Stahl dans « 60 minutes », CBS News, juin 2002.


travailler dans les mêmes entreprises. En d'autres termes, il fallait démon-
trer que les Juifs constituent une gêne, sont dangereux et qu'il est préfé-
rable de les éviter. Après quoi des antisémites, aux États-Unis et ailleurs,
réclameraient que les Juifs soient traités comme une marchandise négli-
geable dont on pouvait se débarrasser. Cela s'accorde aussi avec l'idée,
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répandue en Amérique, selon laquelle les Juifs ayant immigré aux États-
Unis ont réussi à s'intégrer à la société américaine, à laquelle ils ont
apporté leur contribution, et qui voudrait que leur réussite, dont témoigne
la place qu'ils occupent dans les domaines politique, économique, intellec-
tuel et culturel, ait suscité une profonde haine née de la jalousie chez des
minorités moins chanceuses, en particulier les Arabes, les musulmans et les
Noirs. D'ailleurs, bien avant le 11 Septembre, en liaison avec l'exportation
de l'Intifada depuis octobre 2000 dans toutes les communautés musul-
manes et arabes des démocraties occidentales, des centaines d'actes d'inti-
midation et de violence, toutes sorte d'agressions, d'incendies volontaires
et de destructions furent commis contre les communautés juives les mieux
établies. Ces agressions se sont produites dans le monde entier, de
l'Australie à la Lituanie, et de l'Afrique du Sud au Canada et aux États-
Unis, mais elles ont été particulièrement violentes en France, au Royaume-
Uni et en Allemagne. Leur but était autant de discréditer Israël que de
menacer les Juifs vivant dans ces pays.
Un journaliste israélien a interviewé l'imam de la mosquée Shihab-al
Din de Nazareth - ce qui a suscité une controverse spécifique 1. Cet imam
a défendu des positions très militantes après le 11 Septembre, en dépit du
fait qu'il avait grandi en Israël et qu'il connaissait bien les Juifs. Comme
ses homologues d'autres parties du monde, il s'est laissé gagner par la
théorie du complot, une théorie essentiellement antisémite mais qui permet
de mettre dans le même sac tous les ennemis de l'islam : les ennemis inté-
rieurs, les Occidentaux et les Israéliens.

[...] Vous, les Occidentaux, vous ne comprenez rien. Ces gens [en
Afghanistan] veulent être des shahids, et même s'ils se retrouvent face à un
tank ou à un avion, ils sont les plus forts parce qu'il n'y a rien au monde qui
soit plus fort qu'un shahid qui ne craint pas la mort [...]. Il y a de nombreux
groupes ethniques aux États-Unis [...]. Pourquoi vos accusations n'ont-
elles visé que les musulmans ? N'y a-t-il pas des Japonais, des Chinois, des
Noirs, des Juifs ? Dites-moi, n'y a-t-il pas aussi des Juifs ? [D'après le

1. Pour une analyse plus détaillée sur ce point, voir Raphael Israeli, Green Crescent over
Nazareth : The Displacement of Christians by Muslims in the Holy Land, Londres, Frank
Cass, 2002.
journaliste, au moment où le mot Juifs a été prononcé, le groupe de
musulmans présents sur place s'est réveillé. Ils ont manifesté bruyamment
leur approbation, comme si un secret qu'ils gardaient au fond d'eux-mêmes
était révélé]. Pourquoi les Juifs n'ont-ils pas été accusés ?
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Je vais vous dire pourquoi. Quatre mille Juifs ne se sont pas rendus à leur
travail ce jour-là, pensez-vous que ce soit une coïncidence ? Les Juifs
veulent que les Américains fassent le sale travail, parce que vous [les Juifs]
voulez qu'ils soient le bâton qui frappe pour vous les musulmans [...]. Bush
et Hitler, c'est la même chose ! [cri d'un participant...]. Vous pouvez
l'écrire, mais ne donnez pas mon nom !!!
En Amérique même, beaucoup de gens veulent renverser le régime, parce
que ce régime est aux mains des Juifs [...]. Le monde est confronté à une
situation face à laquelle deux camps se formeront : ceux qui veulent l'islam
et ceux qui le refusent, les bons sont ceux qui recherchent la justice et la
miséricorde, ceux qui croient à l'islam [...]. L'islam triomphera de ses
adversaires. La vie de ceux qui ne se convertissent pas à l'islam n'a pas de
sens [...]. L'islam est le plus grand don qu'Allah ait fait aux hommes. Le
Prophète est venu au monde pour achever l'œuvre de Moïse et de Jésus, et
sa venue annonçait la fin du rôle des autres religions. Ainsi, tous ceux qui ne
rejoignent pas l'islam sont dans une situation grave et tous ceux qui veulent
mener une vie tranquille, et être tranquilles après la mort, doivent se
convertir à l'islam. À la fin, il ne restera plus qu'une religion, l'islam [...].
Mais avant que l'islam ne réussisse à conquérir le monde, les Américains et
les Israéliens feront tout ce qu'ils peuvent pour gâcher la fête [...]. Avant
que l'islam ne s'étende sur la terre, les musulmans se soulèveront dans leurs
propres pays [...] et chasseront leurs dirigeants corrompus [...] qui sont
voués à se disperser aux quatre vents comme la poussière du désert [...],
et mettront un terme à leur soumission au maître américain [...] 1.

Après le 11 Septembre, des accusations ont été lancées en Amérique contre


les Arabes en général, et les Saoudiens en particulier pour le rôle tenu par
leurs ressortissants dans le massacre. Ce qui est consternant, c'est de voir
que les porte-parole et les médias saoudiens, tout en essayant d'apaiser la
fureur des Occidentaux, ont intensifié leur campagne haineuse contre les
Juifs et Israël, comme si leur but avait été d'éviter la colère des Américains
en canalisant et en détournant leur hostilité sur la cible sioniste, qui ne
pouvait pas rendre les coups. On peut citer à cet égard un article intitulé
« La culture de la haine », publié dans le journal officiel Al-Ryadh, et qui
est un véritable modèle du genre :

1. Haaretz, 28 septembre 2001.


Quand une civilisation particulière se caractérise par des traits négatifs,
comme le recours à l'agression, à la piraterie ou d'autres caractéristiques
du même genre, il est normal qu'elle soit haïe par les autres sociétés, à
l'exception de celles qui partagent les mêmes caractéristiques. C'est une
réaction naturelle [...]. Mais quand une société particulière nourrit une
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haine contre une autre société ou nation en raison de ses croyances, de son
mode de vie, ou parce qu'elle ne peut pas accepter les traditions et les
coutumes de cette nation [il s'agit ici de la haine de l'Occident pour la
nation de l'islam], c'est une attitude inacceptable !
Par exemple, la haine qu'éprouvent la plupart des nations du monde pour
l'’« entité sioniste » n'a rien d'étonnant, en raison de son histoire, riche non
pas en accomplissements mais en massacres barbares et en tromperies [...].
La haine contre les sionistes augmente, en particulier parmi les Arabes, en
raison des conséquences de l'occupation de l'État arabe palestinien, des
catastrophes, des actes de cruauté et des injustices que tout le monde
connaît. Pour cette raison, les petits Arabes, avant d'avoir atteint l'âge de
l'auto-humiliation et de la soumission, sucent la haine de l'ennemi sioniste
avec le lait de leur mère et cette haine ne peut être éradiquée, malgré tous
les discours sur de faux accords de paix [...]. Aussi chaleureuses que soient
les embrassades, aussi fermes que soient les poignées de main, leurs cœurs
sont emplis de haine, leurs âmes sont emplies de rage, et leurs yeux se
détournent avec mépris lorsqu'ils voient le drapeau de l'ennemi sioniste
flotter en plein cœur des capitales arabes [...].
Les hommes d'honneur veulent déchirer ce drapeau, le fouler aux pieds.
Ils veulent expulser ces étrangers [les Israéliens, les Juifs] qui sont venus
sur notre terre, pour que nos frères palestiniens vivent sur leur terre dans
la paix et la sécurité [...]. Je ne prêche aucunement la haine, je ne fais pas
l'éloge de la haine en tant que comportement humain. Mais l'individu ou
la société qui sont l'objet de cette haine doivent essayer de comprendre les
raisons d'une telle situation, puisqu'on ne nourrit jamais sans raison une
telle haine contre une société ou un individu [...]. Je veux vous donner un
exemple de ce qu'est la haine de l'entité sioniste enracinée dans le cœur
des Arabes [...]. Un jour, j'ai assisté à Paris à une conférence
internationale sur les accidents provoqués par des véhicules militaires.
J'étais accompagné d'un collègue [...] dont l'humeur changea quand il
apprit que nous étions assis à côté [...] d'un officier de l'entité sioniste
détestée spécialiste des transports [...]. Mon collègue a été pris de rage, a
juré qu'il resterait pas à côté d'un criminel, qu'il ne lui parlerait pas et
qu'il refuserait d'entrer dans une salle où l'autre était assis [...]. Il ne s'est
calmé que lorsque je lui ai juré que je ne connaissait pas la nationalité de
cet homme, puisqu'il était au milieu d'officiers venus du monde entier, et
que j'étais moi-même incapable de rester à côté de quelqu'un dont les
mains étaient couvertes du sang d'Arabes innocents [...].
Ce sont nos ennemis, et la haine que nous leur vouons est inscrite dans nos
cœurs. La seule chose qui puisse la faire disparaître, c'est qu'ils quittent
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notre terre et que prenne fin la profanation de nos lieux saints 1.
Non seulement ces déclarations haineuses rappellent l'antisémitisme
millénaire européen, mais elles reprennent, outre l'argumentation musul-
mane que nous avons examinée, quelques vieux thèmes empruntés à
l'Occident, comme les Protocoles des Sages de Sion, l'accusation de crime
rituel, la thèse du complot juif et, plus récemment, un thème à la mode,
celui du terrorisme juif exercé par l'État juif. Il peut sembler paradoxal de
considérer cette haine des Juifs, exprimée sans voile dans les médias arabes
et musulmans, comme une expression d’« hespérophobie », autrement dit
de la peur et de la haine de tout ce qui est occidental 2, mais Israël est consi-
déré comme fondamentalement occidental. Ce paradoxe réside dans le fait
que les Arabes/musulmans empruntent certains éléments du vocabulaire
antisémite européen au moment même où ils dénigrent non seulement les
Juifs ou Israël en particulier, mais l'Occident en général. Le principal
journal gouvernemental d'Égypte, qui est aussi le plus prestigieux quoti-
dien du monde arabe, Al-Ahram, a rassemblé tous ces thèmes dans un
article publié avant le 11 Septembre sous le titre éloquent : « Israël, fléau
de notre temps et État terroriste ». Les Juifs, les sionistes et Israël y sont
vilipendés dans un tissu inextricable de récriminations, de peurs, de visions
déformées, de préjugés, d'étroitesse religieuse et de haine pure et simple :

Que veulent les Juifs ? Lisez le neuvième Protocole des Sages de Sion. Il
dit : « Nous sommes animés par des ambitions illimitées, des appétits
insatiables, une vengeance impitoyable et une haine qui dépasse
l'imagination. Nous sommes une armée secrète dont les plans sont
impossibles à comprendre en utilisant des méthodes honnêtes. La ruse est
notre méthode, le mystère notre manière de procéder. La manière des
francs-maçons, en laquelle nous croyons, ne peut être comprise par ceux
des gentils qui sont des porcs stupides [...]. Dans le but de détruire
l'industrie des gentils, nous créons la spéculation, nous augmentons le prix
des marchandises de première nécessité et des matières premières. Nous
contrôlons la bourse, nous distribuons la drogue et semons le désordre chez

1 Al-Riyadh, Arabie Saoudite, 22 novembre 2001.


2. Le mot « hespérophobie » a été employé de façon remarquable par John Derbyshire
dans son article « Hesperophobia : On Blaming the Jews », National Review Online,
13 septembre 2001. Il a lui-même emprunté cette expression à l'historien Robert Conquest.
les ouvriers. Nous harcelons toute forme de sagesse chez les gentils [...].
Nous propageons disputes, conflits et haine entre les peuples en utilisant
des organisations inoffensives comme le Rotary et le Lyons Club et les
Témoins de Jéhovah. Nous cherchons et nous devinons ce qui se passe dans
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l'esprit et le cœur des autres peuples [...]. Nous ne parlons pas ici
d'organisations inoffensives, mais de réseaux organisés et d'observateurs
aux aguets dans toutes les villes. Les gens, aveugles, ne se rendent pas
compte de ce que nous faisons parce qu'ils sont trop occupés à s'adonner
à leurs plaisirs et à assouvir leurs appétits [...].
Le but ultime des francs-maçons est de détruire le monde et de le
reconstruire selon la politique sioniste, de façon à ce que les Juifs puissent
contrôler le monde [...] et détruire les autres religions [...]. Leur but est
qu'il n'y ait pas d'autre religion que celle de Moïse, pas d'autre livre que
la Torah [...]. L'œil qui est au sommet de la pyramide représentée sur les
dollars américains est l’œil perpétuellement aux aguets des francs-
maçons. Au revers du dollar est écrit en latin : « Le nouvel ordre
mondial », ce qui s'applique à la mondialisation et à ses désastres. On
dirait que tous leurs plans sont en train de se réaliser. Ils ont accompli ce
qu'ils préparaient depuis longtemps [...].
Pour eux, tous les hommes sont des bêtes et du bétail créés pour être
dominés et gouvernés. Ce sont les gentils, une populace créée par Dieu
pour qu'ils puissent lui donner des ordres, l'exploiter et sucer son sang. La
destruction de l'Église, la destruction de la mosquée Al-Aqsa, la
destruction du Dôme du Rocher, la destruction de l'église du Saint-
Sépulcre, tout cela fait partie de leurs buts et de leurs rêves. Le Juif Karl
Marx, utilisant le communisme et le marxisme [...] a effectivement détruit
l'Église en Europe de l'Est [...].
Dans le Talmud, l'âme du Juif est considérée comme une partie de l'esprit
divin, comme le fils est une partie du père. Toute âme qui n'est pas juive
est une âme mauvaise [...]. Leur paradis est le paradis de ce monde-ci et
nul autre que les Juifs ne devrait en franchir les portes. Quant aux autres,
leur place est en enfer, quelque part entre les tisons et les flammes. La
propriété des chrétiens est considérée par les Juifs comme la leur ou
comme une propriété n'appartenant à personne. Il est permis au Juif de
tromper un gentil, qui est un non-Juif [...]. Bien que la Torah contienne
mille pages, elle ne mentionne ni la résurrection, ni le Jugement Dernier
ni l'au-delà [...]. Les Juifs ont effacé de leur Bible tout ce qui concerne
l'au-delà et fait de ce monde-ci leur unique souci [...].
L'histoire sioniste a accompli la même falsification au sujet de Jérusalem,
qui est présentée comme la capitale éternelle des Juifs [...] en dépit du fait
que Jérusalem, Urshalim, est le nom ancien d'Al-Quds, qui est un nom
cananéen de Palestine. Le roi Salomon est celui qui possédait Jérusalem
dans le but de détruire ses rivaux, et c'est lui qui a construit le Temple
[juif...]. Les rois d'Israël et de Judée n'ont jamais manifesté le moindre
respect pour le Temple juif lors de leurs luttes intestines. De plus, ils l'ont
pillé à chaque invasion et lors de chaque retraite. Moïse est mort sans
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avoir mis le pied sur la terre de Palestine, la terre qui est au centre du rêve
sioniste [...].
Israël comprend aujourd'hui 13 millions de Juifs ashkénazes venus
d'Allemagne, et de Juifs séfarades venus d'Espagne et d'Europe de l'Est
[sic], qui sont en réalité plus européens, plus slaves ou aryens que sémites.
Leurs affinités ethniques sont totalement indépendantes de leur origine
sémitique et de la Torah dont ils se réclament [...] ce sont des vestiges de
peuples et de nations qui n'ont pas d'autre identité que la pratique du
chantage, du vol et de l'appropriation des biens et des terres d'autrui, avec
le soutien inconditionnel des Américains et le silence méfiant des
Européens [...].
Le problème, ce n'est pas l'islam [...]. Le problème, c'est Israël, État
radical, raciste, obscurantiste sur le plan religieux, plaie de notre temps et
État terroriste [...]. L'alternative est maintenant être ou ne pas être, il n'y
a pas de voie intermédiaire ; ou bien la mort ou bien la vie avec tous les
risques qu'elle comporte. Allah souhaite que cet affrontement ait lieu,
puisque rien de ce qui arrive dans ce monde n'est ignoré de lui ni contraire
à sa volonté [...]. Je dis à nos frères arabes, la mort est inévitable, ne
mourez pas d'une manière honteuse [...]. Serviteurs d'Allah, dépêchez-
vous d'accomplir votre devoir [...]. Le déshonneur ne prolongera pas vos
vies d'un seul jour, et le courage ne les abrégera pas d'un seul instant. À
la fin, il y a la vie éternelle au ciel ou en enfer. Il n'y a pas de voie
intermédiaire 1 [...].
L'insondable ignorance de l'auteur de cet article, écrivant dans le plus
prestigieux des journaux arabes sans qu'aucun membre de la rédaction ne
corrige les erreurs factuelles concernant la population d'Israël et sa compo-
sition, reprenant les Protocoles des Sages de Sion - ce faux forgé par des
Russes à la fin du XIXe siècle et qui, porté à trois reprises devant des tribu-
naux en Occident, n'a jamais résisté à aucun examen sérieux -, est une
insulte aux lecteurs d'un journal par ailleurs tenu en haute estime. C'est
malheureusement la nourriture qui est servie quotidiennement aux lecteurs
de la presse arabe, dans le but de discréditer les Juifs et d'attiser l'antisé-
mitisme. De plus, les « citations » forgées de toutes pièces du Talmud, que
personne ne se donne la peine de vérifier, sont souvent reprises et considé-
rées comme « authentiques », ce qui revient à « former » la jeune généra-

1. Al-Ahram, 23 juin 2001. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 238, 9 juillet 2001.
tion arabe à la malhonnêteté intellectuelle et à la haine irrationnelle ; pire,
cela étouffe toute curiosité scientifique et nuit à toute rigueur et à la possi-
bilité de poursuivre de véritables recherches qui ne laisseraient aucune part
à l'imagination. Apparemment, il est plus important de dénigrer les Juifs et
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Israël que de dire la vérité, plus important de prendre sa revanche et
d'humilier l'ennemi que de respecter les faits, l'histoire, la réalité, et de se
poser des questions.
L'outil le plus efficace dont disposent les antisémites arabes pour
rallier les chrétiens est encore l'accusation de crime rituel, qui sous sa
forme la plus crue accuse les Juifs de verser le sang chrétien à la veille de
la Pâque juive, pour la fabrication de la matza (pain azyme). Cette accusa-
tion peut aussi prendre d'autres formes : les Juifs sont accusés d'empoi-
sonner les puits, de diffuser la peste, et en termes plus modernes d'utiliser
de l'uranium appauvri contre les Palestiniens, de distribuer des bonbons
empoisonnés ou d'injecter le virus du sida aux enfants palestiniens ou de
distribuer aux femmes musulmanes un chewing-gum aphrodisiaque afin de
les corrompre en éveillant leurs appétits sexuels. Alors que l'accusation de
crime rituel a pratiquement disparu chez les chrétiens d'Occident, cette
accusation continue à fleurir dans les cercles arabes et islamiques, souvent
avec le secours financier des gouvernements en place qui ne mettent rien
en œuvre pour qu'elle disparaisse.
Le monde civilisé a été scandalisé quand une « chercheuse » saou-
dienne, le docteur Oumayma al-Jalahma, de l'université du roi Faysal de
Dammam, a prétendu écrire au sujet de la fête juive de Pourim, qui est
fondée sur le Livre d'Esther dans la Bible, en donnant des détails délirants
que seule une malade mentale capable d'une cruauté invraisemblable
pouvait imaginer. Dans les annales séculaires de l'accusation de crime
rituel, rien probablement n'égale la violence de cet article. La grande
« innovation » est que l'accusation classique de crime rituel, en général
associée à la Pâque, l'est cette fois à Pourim, et que cette « révélation » a
été publiée dans le quotidien gouvernemental saoudien Al-Riyadh 1. Le
mieux est de laisser la parole à l'auteur :

J'ai choisi de parler de la fête juive de Pourim, qui est liée au mois de
mars. Il y a dans cette fête des traditions dangereuses qui, j'en suis sûr,
vous horrifieront, et je prie mes lecteurs de m'excuser si je heurte certains
d'entre eux [...]. Pendant cette fête, les Juifs doivent préparer des

1. Al-Riyadh, Arabie Saoudite, 10 mars 2002. Une deuxième partie a été publiée le 12
mars, qui avait pour but d’« expliquer » le Livre d'Esther. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale
n° 354, 13 mars 2002.
pâtisseries très spéciales, contenant un ingrédient qui est non seulement
cher et rare, mais qui est introuvable sur les marchés internationaux. Cet
ingrédient est malheureusement indispensable et ne peut être remplacé par
un autre. Pour cette fête, les Juifs doivent obtenir du sang humain de façon
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à ce que leurs religieux puissent préparer les pâtisseries nécessaires à la
célébration. En d'autres termes, cette fête ne peut être célébrée
conformément à la tradition que si on verse du sang humain.
Avant d'entrer dans les détails, je tiens à préciser que le fait que les Juifs
versent le sang humain pour préparer les pâtisseries nécessaires à leurs
fêtes est un fait bien établi, historiquement et légalement, au cours de
l'histoire. Ce fut une des raisons principales des persécutions et de l'exil
qui furent leur lot en Europe et en Asie à différents moments. La fête de
Pourim commence par un jeûne le 13 mars, à l'imitation de la Juive Esther
qui fit le vœu de jeûner. La fête continue le 14 mars : ce jour-là, les Juifs
portent des masques et des costumes de carnaval et s'adonnent à l'alcool,
à la prostitution et à l'adultère. Les historiens musulmans appellent cette
fête la fête des Masques [...].
Qui était Esther et pourquoi les Juifs l'ont-ils sanctifiée et agissent-ils
comme elle, je l'expliquerai dans mon prochain article [...]. Aujourd'hui,
j'aimerais vous raconter comment on verse le sang humain pour pouvoir
faire des pâtisseries [...]. Pour cette fête, la victime doit être un adolescent
d'un certain âge, non juif bien sûr, c'est-à-dire musulman ou chrétien. On
lui prend son sang, qu'on fait sécher. Les granules obtenus sont mélangés
par le religieux dans la pâte ; ils peuvent aussi être conservés pour la fête
suivante. En revanche, pour la Pâque juive, au sujet de laquelle j'ai
l'intention d'écrire plus tard [...], il faut utiliser le sang d'enfants
chrétiens et musulmans âgés de moins de dix ans, et le religieux peut
mélanger le sang à la pâte avant ou après déshydratation [...].
Examinons maintenant comment on obtient le sang des victimes. On utilise
à cette fin un tonneau d'une taille à peu près équivalente à celle d'un
homme et dont la paroi intérieure est entièrement couverte de clous très
pointus, qui transpercent le corps placé à l'intérieur [...]. Les clous font
leur travail et le sang de la victime s'écoule très lentement. La victime subit
donc une torture épouvantable, qui procure aux vampires juifs une
immense satisfaction lorsqu'ils observent tous les détails de l'opération,
avec un plaisir et une joie difficilement compréhensibles [...].
Après cette démonstration de barbarie, les Juifs recueillent le sang qui
s'est écoulé dans la bouteille placée au cul du tonneau, et le religieux juif
comble ses coreligionnaires de bonheur lors de la fête quand il leur sert les
pâtisseries auxquelles on a mélangé du sang humain [...]. Il existe une
autre manière de verser le sang : la victime peut-être abattue comme un
mouton, et son sang recueilli dans un récipient. On peut aussi tailler les
veines des victimes à différents endroits, en laissant le corps se vider de son
sang. Le sang est très soigneusement recueilli par le rabbin, le chef
spécialisé dans la préparation de ce genre de pâtisseries. L'être humain
refuse ne serait-ce que de regarder les pâtisseries juives, sans parler de les
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préparer et de les manger [...] 1.

Cet article a été désavoué par le rédacteur en chef du journal, à la suite


des protestations qu'il a suscitées aux États-Unis et dans le monde. Il n'en
reste pas moins qu'il a été publié, agrémenté de « détails » précis et écœu-
rants qui ajoutent à sa crédibilité aux yeux de lecteurs mal informés, et qu'il
n'aurait sans aucun doute jamais été désavoué sans les protestations en
provenance de l'étranger. De plus, la tendance dangereuse à la haine à
l’œuvre dans cet article témoigne de la réceptivité des lecteurs aux
messages de ce genre et peut donner une idée du contenu « universitaire »
de l'enseignement dispensé par une chercheuse de ce genre. Suite à la
réprobation provoquée par cette publication, on a cassé le thermomètre,
mais la fièvre elle-même n'a pas disparu si l'on en juge par la quantité et la
variété des documents que j'ai rassemblés. L'auteur de l'article que je
viens de citer a aussi exigé des États-Unis qu'ils expulsent les Juifs de leur
territoire, en se fondant sur les pères fondateurs de l'Amérique, George
Washington et Benjamin Franklin2. Cet article, lui, n'a jamais été désa-
voué. Cependant, l'accusation la plus remarquée de crime rituel lancée
contre les Juifs a été le fait du ministre syrien de la Défense, Mustafa Tlass.
Il s'agit d'un épisode célèbre dans le monde arabe, en raison de l'impor-
tance de la personnalité impliquée. La première édition du livre de Tlass
sur le sujet remonte à 1983. Elle fut suivie d'une autre édition, sous forme
de « thèse de doctorat » plus « scientifique » en 1986. Les deux versions de
ce livre étaient fondées sur l’« affaire de Damas » de 1840 : la communauté
juive de la ville avait été accusée d'avoir assassiné un prêtre chrétien,
Thomas al-Kaboushi, ainsi que son assistant, dans le but de préparer des
gâteaux pour Yom Kippour ( !). L'ignorance de l'auteur est effrayante : il
ne sait pas que les Juifs jeûnent pour Yom Kippour et qu'il leur est donc
interdit de manger des gâteaux ce jour-là, ni que l'accusation de crime
rituel était à l'origine liée au pain azyme (matza) que les Juifs préparent

1. Ibid.
2. Al-Riyadh, 2 mars 2002. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 357, 21 mars 2002. Voir
aussi Al Sharq al-Awsat, Londres, 12,20 et 25 mars 2002. Benjamin Franklin aurait fait des
déclarations antisémites lors d'une pause de la Convention constitutionnelle des pères
fondateurs, et celles-ci furent notées par Charles Cotesworth Pinckney, le délégué de Caro-
line du Sud, qui les nota dans son journal. Ces propos ont été cités dans le Manuel sur la
question juive, livre de propagande antisémite publié en 1933 par l'Allemagne nazie. Voir
Dépêche spéciale n° 362 du MEMRI, 5 avril 2002.
pour la Pâque, ni encore que les interdits alimentaires observés par les Juifs
excluent la consommation de sang sous quelque forme que ce soit. En
dehors de cette inculture, le récit de Tlass est en lui-même effrayant.
L'accusation de crime rituel n'est pas exceptionnelle dans la presse arabe 1.
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Cependant, émanant d'un responsable politique de premier plan qui
n'aurait pas osé publier de pareilles absurdités sans l'approbation du prési-
dent syrien, autre antisémite notoire, les accusations de Tlass ont non
seulement alimenté la littérature des antisémites européens qui utilisent ces
inepties dans leur propagande2, mais ont fourni un modèle aux antisémites
du monde arabe.
Dans la version de 1986 du livre de Tlass, on trouve la photographie du
prêtre assassiné, accompagnée de la légende : « Assassiné par les Juifs. »
Sur les couvertures des deux versions figure une image impressionnante
représentant un individu qui a été égorgé et dont le sang est recueilli dans
un grand récipient. Dans la première édition, le crime est attribué à un
groupe de Juifs, tandis que dans la version ultérieure c'est une menorah
juive qui égorge la victime. Cette « étude scientifique » relie cet horrible
« crime commis par les Juifs » aux « principes de la religion juive », sans
préciser lesquels ; ces principes sont « énoncés dans le Talmud », sans
qu'on nous dise où, mais l'auteur conclut que « ces principes comprennent
des falsifications dangereuses provenant de la profonde haine des Juifs à
l'égard de l'humanité et de toutes les religions sans exception ». Le livre
de Tlass relate ensuite toutes les pressions exercées dans le monde par les
Juifs influents de l'époque, comme Moïse Montefiore, et tous les pots-de-
vin versés pour obtenir la libération des « coupables ». Écrite par le respon-
sable du massacre de Hama (1982), au cours duquel 20 000 Frères musul-
mans de son pays furent massacrés par les forces armées sous ses ordres,
l'introduction de Tlass à la dernière version de son livre finissait sur une
note sinistre sous la plume de ce boucher inhumain :

Le crime de 1840 s'est répété au XXe siècle, quand les sionistes ont commis
des crimes épouvantables en Palestine et au Liban qui ont bouleversé les
honnêtes gens du monde entier. À chaque fois, les médias, l'influence
politique et financière des sionistes ont réussi à apaiser cette colère et à

1. Voir, par exemple, Al-Ahram, 28 octobre 2000, ou Al-Akhbar, 20 octobre 2000 et


25 mars 2001. Voir aussi les dépêches spéciales du MEMRI n° 150, 201 et 354.
2. Voir, par exemple, le site web des historiens négationnistes, Worldwide Revisionnist
News, http://64.156.139.229/vcot/rituamord/id39m.htm. D'après ce site, le livre de Tlass
fut publié pour la première fois en arabe en 1968, puis traduit en anglais en 1991.
détourner l'attention de l'opinion. Au lieu d'être châtiés, les sionistes ont
obtenu une aide financière gigantesque et des armements effrayants.
Le meurtre [du père Thomas] se produisit à Damas, la ville de la tolérance
et de la paix, exactement comme d'autres crimes se produisirent ailleurs
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dans le monde. Comment cela était-il possible à une époque où les Juifs
constituaient une infime minorité dans les sociétés où ils vivaient ?
Comment ces sociétés pouvaient-elles ignorer cette minorité animée par la
haine ? [...] Il est possible que ce soit le climat de tolérance inauguré par
les Arabes musulmans qui permit aux Juifs de vivre dans une liberté totale
dans les pays arabes musulmans. Les Juifs connaissent très bien ces pays,
mais ils vivaient entourés de mystère, si bien que les musulmans ne
savaient rien d'eux. Il n'est donc pas étonnant que Damas ait été
profondément bouleversée par ce crime atroce, mais la ville apprit bientôt
la vérité à leur sujet. Toutes les mères mirent en garde leurs enfants :
« Fais bien attention à ne pas t'éloigner de la maison, les Juifs pourraient
te prendre, te mettre dans un sac, te tuer pour recueillir ton sang pour la
matza de Sion [c'est le titre du livre de Tlass]. De génération en
génération, la population s'est transmis cette mise en garde contre les
« Juifs malhonnêtes ».
Entre-temps, un État fut créé pour les Juifs à Al-Sham 1, mais la haine des
Juifs ne disparut pas, et les règles du Talmud, qui approuvent toutes sortes
de mensonges et de crimes, continuent à gouverner leur attitude haineuse
à l'égard de l'humanité [...]. Toute personne qui suit les événements se
déroulant quotidiennement dans les territoires occupés comprend sans le
moindre doute que ce qui est qualifié de « racisme sioniste » n'est que la
poursuite et l'’« approfondissement » de l'application des principes du
Coran [...]. En publiant ce livre, il était dans mon intention de mettre en
lumière certains secrets de la religion juive, en analysant les actes des
Juifs, leur fanatisme aveugle et leur application des enseignements du
Talmud, qui ont été consignés par les rabbins de la diaspora, lesquels ont
dénaturé les principes de leur propre foi, à savoir la loi mosaïque, comme
cela est dit dans la sourate Baqra du Coran, verset 79 [...] 2.

1. Al-Sham est à la fois le nom de Damas en arabe et celui de la province de Damas dans
l'Empire islamique, qui comprenait la Palestine. En soulignant le fait que l'État d'Israël a
été fondé à Al-Sham. Tlass souligne les prétentions syriennes sur la Palestine. En Syrie, ni
la Palestine, ni Israël - et ni le Liban, d'ailleurs - ne sont reconnus comme des entités indé-
pendantes de l'autorité syrienne.
2. À la fin de son introduction, Tlass mettait en garde contre une répétition de « l'erreur
désastreuse commise par le président Sadate », qui conduisit à son assassinat : il avait
compromis l'intégrité de son pays en faisant la paix avec Satan-Israël.
En dehors de l'accusation de crime rituel, les Protocoles des Sages de
Sion, qui seront analysés en détail un peu plus loin, sont l'escroquerie antisé-
mite la plus populaire dans le monde arabe et musulman, où elle occupe
exactement la même place que dans l'antisémitisme européen avant 1945.
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Beaucoup d'auteurs arabes, y compris des « intellectuels » et des
« scientifiques », sont prêts à faire feu de tout bois pour justifier leur haine à
l'égard des Juifs et d'Israël. Sans le moindre esprit critique, sans réflexion et
sans la moindre exigence méthodologique, ils parlent des Protocoles comme
d'une réalité historique et y font souvent référence. Le Ramadan, qui est une
période de jeûne et d'examen spirituel, est aussi une période de production
intellectuelle destinée à satisfaire les musulmans qui se réunissent en famille
pour observer des règles d'abstinence physique et spirituelle pendant la
journée, avant de se détendre autour de repas abondants et de s'adonner à
toutes sortes de divertissements après le coucher du soleil. Au moment des
réunions de famille organisées après le jeûne, de nouvelles séries télévisées
s'adressant au grand public sont diffusées. Une de ces séries, créée dans
l'État du Golfe, représentait le ministre israélien Ariel Sharon en train de
boire du sang arabe, ce qui est dans la même lignée que l'accusation de crime
rituel dont nous avons parlé. Au cours du Ramadan qui suivit le
11 Septembre, en décembre 2001, les chaînes de télévision arabes, y compris
dans ce pays « modéré » qu'est l'Égypte, lancèrent une nouvelle série qui
prenait pour point de départ les Protocoles des Sages de Sion : Le Cavalier
sans monture. Voici dans quels termes était évoquée cette série télévisée
dans l'hebdomadaire populaire Roz-al-Youssuf :

Pour la première fois, l'auteur de la série s'attaque courageusement aux


24 Protocoles des Sages de Sion, en les faisant connaître et en montrant
qu'ils restent à ce jour au cœur de la politique, des aspirations et du
racisme d'Israël [...]. La première scène de la série se situe en 1948, après
la retraite des quatre armées arabes et l'invasion sioniste en terre de
Palestine. De là, un flash-back nous fait remonter au XIXe siècle [...].
L'idée de dénoncer les Protocoles par une série télévisée a pris forme dans
l'esprit du réalisateur à la suite de deux événements : le premier était la
convention de Londres [sic] qu'il considérait comme la plus grande
calamité qui ait jamais frappé la région arabe. Cette convention, pour lui,
était l’œuvre de trois rabbins sionistes, défenseurs de l'idéal sioniste, qui
mirent au point un plan prévoyant l'annexion de la Palestine à l'Égypte,
après quoi la Grande-Bretagne envahirait l'Égypte et accorderait la
Palestine aux sionistes. C'est là ce qui éveilla en lui l'envie d'enquêter sur
l'idée sioniste, qui existait des années avant la convention de Londres,
mais apparut seulement au premier Congrès sioniste de Bâle, en Suisse, au
cours duquel les Juifs commencèrent à apparaître comme l'organisation
sioniste ; auparavant, ils n'avaient été actifs qu'au sein d'associations et
de grandes institutions dans le monde [...].
La seconde raison était un livre de l'Égyptien Al-Aqqad sur le mouvement
sioniste, dans lequel il affirmait que, pour savoir si les Protocoles étaient
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une invention, comme le prétendaient les Juifs, il fallait s'intéresser à
l'application des 24 Protocoles. Ainsi, si nous découvrons que certains
d'entre eux sont entrés dans les faits, nous sommes obligés de penser que
les autres sont vrais aussi. Le réalisateur de cette série a suivi ce conseil et
découvert que sur les 24 Protocoles, 19 étaient devenus réalité [...].
D'après le réalisateur, grâce à cette série, il a pu faire connaître tous ceux
des 24 Protocoles qui ont déjà été appliqués à ce jour, d'une manière
dramatique, comique, historique, nationale, tragique et sentimentale [...].
Voici quelques citations des Protocoles, qui sont devenues des faits :
« Nous agirons pour créer un État qui sera une superpuissance qui
gouvernera le monde, nous ruinerons sa moralité par la pornographie, la
prostitution et la drogue, et nous corromprons le monde des gentils. »
« Nous devons choisir une personne corrompue [pour gouverner cet État],
et quand il nous résistera, nous le dénoncerons. » À ce sujet, le réalisateur
a remarqué que nous devions nous rappeler ce qui est arrivé au président
Clinton et à d'autres présidents dans l'histoire [...].
La série veut aussi révéler certains conseils des Protocoles, comme par
exemple : « Donne à manger à un chien, mais pas à un musulman ou à un
chrétien », et : « Tue un musulman ou un chrétien et fais de sa maison ta
maison et de sa terre la tienne. » Le réalisateur a aussi posé des questions
comme celle-ci : « Comment un pays comme l'Amérique peut-il collaborer
avec les Juifs alors qu'il connaît bien les directives des Protocoles contre
lui [...]1 ? »

Si des fantasmes de ce genre étaient ceux d'un imbécile ou d'un obscu-


rantiste raciste, on pourrait les ignorer superbement, avec un sourire de
condescendance et de pitié, en plaignant celui qui les a inventés. Mais il
s'agit des fantasmes d'un artiste, aux méthodes douteuses. Au nom de l'art,
il recourt à des stéréotypes injurieux et sans fondement contre certains de ses
congénères, et répand ses âneries auprès de millions de téléspectateurs,
lesquels supposent que ce réalisateur respectable a enquêté sérieusement
avant de présenter les faits qu'il évoque comme une réalité historique. Les
mérites de cette série sont vantés dans la grande presse du plus grand des
pays arabes qui ont fait la paix avec Israël. On se demande si tous ceux qui
participent à cette farce sont fous, s'ils sont dépourvus de la moindre intelli-

1. Roz-al-Youssuf. Égypte, 17 novembre 2001. Voir aussi Al-Alam al-Yaum, Égypte,


4 octobre 2001.
gence et de tout sens critique, ou s'ils sont tellement aveuglés par la haine
qu'ils considèrent le livre d'un de leurs auteurs antisémites comme un évan-
gile pouvant servir de point de départ à une série scandaleuse que
l'UNESCO devrait être la première à condamner. Il y a probablement un peu
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de tout cela, ce qui rend suspecte la qualité de la recherche historique en
général dans ce monde dominé par des mensonges et des fantasmes que
personne n'ose dénoncer. Cela pose aussi le problème de la capacité de ces
sociétés à sortir de leur obscurantisme pour entrer dans le monde moderne et
réel. On constate en effet que les individus y confondent leurs désirs avec la
réalité, et qu'une série télévisée prétendant « éclairer » et « instruire » ne fait
que renforcer les préjugés et l'aveuglement des spectateurs.

L'encouragement à la violence contre les Juifs et Israël


Nous avons vu l'importance et l'ampleur du soutien apporté par les reli-
gieux et les journalistes musulmans aux actions des islamikazes contre
l'Occident et les « ennemis d'Allah » en général, et analysé précisément la
façon d'agir des Palestiniens à l'encontre d'Israël. Il nous faut maintenant
examiner la part de l'antisémitisme dans les actions des islamikazes et dans
le soutien que leur apportent leurs partisans. Une Palestinienne, interrogée
au sujet de son fils qui avait participé à un attentat suicide, ne se contenta
pas de répéter les formules habituelles sur l'obligation religieuse de se
sacrifier dans le djihad, pour le bien d'Allah, et d'affirmer que son devoir
avait été d'encourager son fils dans ce sens depuis qu'il avait sept ans et
qu'elle faisait de même avec ses autres fils. Elle reconnut aussi, sans honte,
qu'au moment de son départ en mission, elle avait prié Allah de « lui
donner » dix Israéliens. Autrement dit, elle espérait que son fils tue dix
Israéliens, et Allah avait « répondu à sa demande » : son fils avait « réalisé
son rêve et assassiné dix soldats et colons israéliens ». Cette mère ajouta
froidement qu'Allah « avait honoré son fils plus encore, puisque de
nombreux autres Israéliens avaient été blessés ». Lorsqu'elle apprit la
nouvelle, elle se mit à pleurer de joie : « Allah est le plus grand ! » Elle pria
et remercia Allah « pour la réussite de l'opération ». Elle déclara égale-
ment que des jeunes avaient tiré des coups de feu en l'air pour fêter ce
succès, parce que c'était « ce que nous avions espéré ». Elle concluait cette
entrevue de la façon suivante :

Après l'opération martyre, mon cœur était en paix pour Mohammed. J'ai
encouragé tous mes fils à mourir en martyrs, et je souhaite que cela
m'arrive souvent. Après, je me suis préparée à recevoir le corps de mon
fils, le pur shahid, afin de le veiller une dernière fois et de recevoir les
nombreuses personnes qui vinrent lui rendre hommage et prirent part à la
joie que nous donnait le martyre de Mohammed 1.

De la même façon, après l'horrible attentat contre une discothèque de


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Tel-Aviv en juin 2001, au cours duquel 21 jeunes ont trouvé le mort, la
famille du terroriste Hotari, de Zarqa, en Jordanie, a manifesté une telle joie
et célébré l'événement d'une manière si choquante que le journaliste
étranger qui suivait les événements a été sidéré par ce spectacle. Il a raconté
que les voisins accrochaient aux arbres des photographies du terroriste tenant
sept bâtons de dynamite à la main, bombaient sur les murs les inscriptions :
« 21 [Israéliens tués], et ce n'est pas fini », et ornaient les portes des maisons
de fleurs disposées de façon à représenter des cœurs et des bombes. La liesse
était plus ou moins générale et ne se limitait pas à la famille du martyr. « Je
suis très fier de ce que mon fils a fait, et franchement un peu jaloux, déclara
à la presse le père du terroriste, un homme de 54 ans, j'aurais bien aimé
commettre cet attentat, mon fils a accompli les volontés du Prophète. C'est
devenu un héros. Dites-moi ce qu'un père peut demander de plus. » Le but
de ces meurs, à en juger d'après les entrevues accordées au correspondant de
USA Today, Jack Kelly, était de « mer et de blesser le plus de Juifs possible,
dans l'espoir qu'Israël se retirerait de la rive ouest et de Gaza ». En agissant
ainsi, ils « assuraient la sécurité financière de leurs familles, se promettaient
le martyre éternel et des jouissances sexuelles infinies dans la vie future ».
Même s'ils ne peuvent atteindre leur but, ils infligent des pertes à Israël 2 Ce
journaliste a visité des écoles maternelles du Hamas où des écriteaux
proclament : « Les enfants des maternelles sont les shahids de demain. » Un
dirigeant du Hamas de la rive ouest lui a assuré que quand il se promenait
dans les mes de son quartier, de jeunes enfants venaient lui demander
d’« organiser un nouvel attentat pour [leur] faire plaisir ! ». « Je ne peux pas
les décevoir, ajouta-t-il, ils n'auront pas besoin d'attendre longtemps. » Au
cours des mois précédant le 11 Septembre, ces groupes affirmaient que des
dizaines des milliers de jeunes étaient prêts à suivre l'exemple des martyrs et
à devenir eux-mêmes des martyrs. « Nous aimons prendre en charge leur
éducation, ajouta le cheikh, de la maternelle à l'université 3. »
Dans cette culture de la mort, le journaliste américain a vu, à l'université
an-Najah de Naplouse et à l'université islamique de Gaza, des pancartes
affirmant : « Israël a des bombes atomiques, nous, nous avons des bombes

1. Al-Sharq al-Awsat, Londres, 3 juin 2002. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n°391,
19 juin 2002.
2. USA Today, 26 juin 2001.
3. Ibid.
humaines. » À Gaza, il a rencontré un garçon de onze ans si déterminé à mer
qu'il a déclaré au journaliste : « Je ferai de mon corps une bombe qui déchirera
la chair des sionistes, ces fils de porcs et de singes, je déchirerai leurs corps en
petits morceaux et je leur ferai subir des souffrances inimaginables. » Un de
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ses camarades de classe a répondu en psalmodiant « Allah Akbar ! » (« Allah
est le plus grand », cri de guerre des musulmans). L'instituteur a crié :
« Puissent les vierges te donner du plaisir ! » Le principal de l'école, qui était
présent, a souri et opiné de la tête 1. Ce culte du martyre est profondément
enraciné : il commence dès l'école maternelle et prépare le candidat à passer à
l'acte à l’âge adulte ou parfois même dès l'adolescence. Il est indépendant des
enjeux économiques de ce type d'opération meurtrière, puisque les enfants
pauvres n'ont pas conscience de leur pauvreté ni des possibilités qui se présen-
teront à eux quand ils seront plus grands. Expliquer ces actes atroces par des
raisons d'ordre économique est non seulement factuellement erroné mais
aussi insultant, dans la mesure où cette explication laisse entendre que pour un
simple avantage économique ou financier, on renoncerait à la vie éternelle au
nom du bonheur ici-bas. C'est pourquoi sont recrutés pour se sacrifier des
musulmans religieux au casier judiciaire vierge, qu'on conditionne pendant la
période d'entraînement en leur parlant de l’« occupation illégale » d'Israël,
des « mauvais traitements réservés aux Palestiniens » et de l’« appel du
Prophète aux musulmans à lancer le djihad contre les infidèles ». Le cheikh
citait sur un ton approbateur : « Tuez les idolâtres où que vous les trouviez 2 ! »

En récompense du martyre, le Hamas promet aux jeunes que leurs


familles seront dédommagées, que leurs portraits seront accrochés dans les
écoles et les mosquées, et qu'une place leur sera réservée au ciel. On promet
aux jeunes hommes que dans leur vie future, ils auront à leur disposition
soixante-douze vierges, dont le Coran dit qu'elles seront « belles comme des
rubis, avec des peaux comme des diamants et des perles » et « que les
martyrs et les vierges jouiront ensemble, couchés sur des coussins verts et de
beaux tapis ». Il y a là de quoi enflammer l'imagination de très jeunes
hommes sexuellement frustrés et vivant dans une société puritaine, qui
rejette et condamne les relations sexuelles avant le mariage. Mais avant de
goûter au bonheur céleste, les jeunes hommes doivent accomplir le sacrifice
suprême, et ils le font armés de la conviction d'être promis à des délices éter-
nelles. En d'autres termes, les facteurs déterminants sont la ferveur reli-
gieuse, la motivation doctrinale, le goût pour la gloire, l'approbation sociale
et familiale et les promesses de la vie future, non les considérations écono-
miques ou les sentiments de vengeance, qui sont secondaires et peuvent

1. Ibid.
2. Ibid.
simplement contribuer à faire franchir aux hésitants le pas décisif. Un diri-
geant de la jeunesse du Hamas, lui-même âgé de seize ans seulement, a
confié au journaliste américain : « Je sais que je vis pauvrement comparé à
la situation en Europe et en Amérique, mais quelque chose m'attend qui
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donnera toute sa valeur à ma souffrance. La plupart des garçons pensent sans
arrêt aux vierges 1. » Il est vrai que certains obsédés sexuels peuvent être
séduits par ces perspectives, mais il ne fait aucun doute que le dévouement
absolu à Dieu inculqué aux candidats islamikazes, la promesse d'une vie
future dans la proximité d'Allah en tant que martyrs et leur désir de tuer le
plus de Juifs possible l'emportent sur le rôle des pulsions sexuelles, même si
celui-ci ne peut être totalement écarté. L'obstacle de la peur est en partie
surmonté quand l'apprenti terroriste est conduit dans un cimetière où on le
fait demeurer allongé au milieu des tombes pendant des heures, entièrement
couvert d'un grand linceul blanc comme ceux qui sont utilisés pour enve-
lopper les cadavres avant les enterrements. Ensuite, le futur islamikaze est
emmené dans une maison où il se déclare prêt à devenir un martyr par
dévouement à l'islam, et il est photographié. Cette photographie sera ensuite
diffusée dans tout le pays 2.

Les attentats des islamikazes ont été l'arme privilégiée des Palestiniens.
Ils en avaient perpétré plus de cent en juin 2002. Ces actions (auxquelles il
faut ajouter les échanges de tirs depuis octobre 2000) avaient provoqué la
mort de plus de 500 Israéliens, contre 1500 morts du côté palestinien au
cours de la même période. Du côté israélien, 75 % de ces victimes étaient
des civils (45 % du côté palestinien) et 30 % des femmes (5 % seulement
dans le camp palestinien). Du côté israélien, beaucoup de jeunes, de
femmes et de personnes âgées ont été assassinés parce que les attentats ont
souvent visé des lieux fréquentés par des civils (discothèques, restaurants,
bus et cafés). Les nombreux enfants palestiniens figurant parmi les
victimes étaient soit armés, soit en train de participer à des missions isla-
mikazes, ou encore ils étaient présents dans des zones de combat au lieu
d'être à l'école ou chez eux. Ils ont donc été tués ou blessés accidentelle-
ment, jamais délibérément. De plus, pour aggraver l'effet des attentats sur
la population civile, les bombes contiennent des clous et des boulons.
L'attentat perpétré à Netanya lors du Seder de Pâque le 27 mars 2002 a fait

1. Ibid.
2. Pour d'autres aspects de la préparation pour un attentat martyre, voir Amos Harel et
Omer Barak, « Portrait of the Terrorist as a Young Man », Haaretz, 23 avril 2002, où un
recruteur capturé, commandeur et expéditeur de l'opération israélienne « Bouclier
défensif » (avril 2002), parla naïvement avec des journalistes israéliens, mais en présence
des services de sécurité israéliens qui avaient arrêté l'homme, l'interrogea et mit certaines
limites à ce qu'il pouvait dire au cours de l'entrevue.
29 morts et 140 blessés parmi les civils. Une des femmes blessées ce jour-
là se retrouva avec 40 clous dans les jambes et dans les bras, ce qui
provoqua d'abondantes pertes de sang et des traumatismes qui auraient pu
entraîner la mort si la tête ou les organes internes avaient été atteints 1.
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Un journaliste égyptien a appelé explicitement les islamikazes à
accroître le nombre de leurs opérations contre les Juifs et exhorté de
nouveaux volontaires à les rejoindre. C'est un nouvel exemple d'incitation
à la violence contre Israël, parmi beaucoup d'autres. Ce journaliste fait
preuve d'une imagination et d'une cruauté effrayantes :

[...] à chaque coup porté par l'Intifada Al-Aqsa, ma conviction se renforce


que moi et tous ceux qui pensent de la même façon avons toujours eu raison,
et que j'ai encore raison de croire que l'entité juive raciste et méprisée sera
anéantie. Mais contrairement à d'autres, je n'ai pas honte de parler de les
jeter à la mer ou en enfer ou dans le dépôt d'ordures qu'ils méritent [...].
J'affirme, qu'Allah m'en soit témoin, que l'anéantissement et la défaite des
Israéliens, qui ne seront suivis d'aucune résurrection, n'exigent pas tant
que cela. Il suffit seulement de se concentrer sur des actions martyres, ou ce
qu'on appelle une stratégie d'équilibre de la terreur.
Calculons un peu : 250 Palestiniens se sont portés volontaires pour des
opérations suicides, et il n'est pas impossible d'augmenter ce nombre
jusqu’à 1 000 dans tout le monde arabe [...] soit un fida’l pour 250 000
Arabes. Le produit moyen de chaque action martyre est de dix morts et de
cinquante blessés. Ainsi, 1 000 actions martyres feraient au moins 10 000
morts et 50 000 blessés chez les sionistes. C'est le double des pertes
israéliennes au cours de toutes leurs guerres avec les Arabes depuis 1948
[sic]2. Pour eux, c'est insupportable. Ces avantages ont un mérite
supplémentaire, rarement mentionné, c'est de provoquer une émigration
juive négative. S'il y avait 1 000 opérations martyres, cette émigration
toucherait au moins un million de personnes, et serait suivie du retour de
tous les Juifs au lieu d'où ils sont venus [...].
Je m'engage personnellement comme premier martyr égyptien et je déclare
que je suis prêt à commettre une action martyre à tout moment. Je me placerai
sous les ordres de Hassan Nasrallah [chef du Hezbollah], du Hamas, du
Djihad islamique ou de tout autre mouvement menant le djihad [...]. Jamais

1. Informations recueillies par l'Institut de politique internationale contre le terrorisme


du Centre interdisciplinaire d'Herzliya, et publiées par Sylvana Foa, The Village Voice, 5-
11 juin 2002.
2. En réalité, le total des pertes subies par Israël depuis 1948 dans le cadre du conflit
israélo-arabe dépasse 20 000 hommes, soit le double de cette estimation.
de ma vie je n'ai demandé à Allah argent, honneur ou pouvoir. Tout ce que
j'ai demandé, tout ce que je demande et tout ce que je demanderai, c'est
qu'Allah m'autorise à devenir un shahid et m'accorde l'honneur de faire la
moisson de vies israéliennes la plus abondante possible [...] 1.
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Si ces encouragements à la violence palestinienne viennent d'Égypte,
les choses sont pires encore en Iran, plaque tournante de la violence et du
terrorisme musulmans. Des représentants du Djihad islamique, du Hamas
et de l'Autorité palestinienne se sont rencontrés en Iran en vue de réclamer
des soutiens financiers pour leur campagne de violence contre Israël, et les
dirigeants iraniens leur ont promis de l'argent pour « faire face aux
dépenses nécessaires au recrutement de jeunes Palestiniens pour des opéra-
tions suicides ». Les Iraniens ont promis au Djihad islamique qu'il dispo-
serait d'un budget opérationnel indépendant du Hezbollah libanais 2. Le
dirigeant du Djihad islamique, qui a nié publiquement tout lien entre son
organisation et l'Iran, a néanmoins menaçé Israël et l'Amérique d'actions
islamikazes, alors que la télévision du Hezbollah cite systématiquement les
discours de Khomeyni pour justifier sa haine d'Israël et pour expliquer
pourquoi cet État doit être détruit :

Si l'Amérique divise le monde en deux camps, celui du Bien et celui du Mal,


et si elle range les Palestiniens et les combattants du djihad dans le camp
du Mal, en prétendant que les martyrs sont au service du Mal, alors nous,
nous disons : Allah, fais que nous soyons tous mauvais, fais que nous
provoquions tous la colère de l'Amérique et fais-nous exploser au cœur de
la maudite entité sioniste [...]. L'Amérique, l'Occident ou tout autre pays
du monde n'ont moralement aucun droit de décider si un Palestinien a ou
non le droit de se faire exploser [...]. Pourquoi l'Amérique ne proteste-t-
elle pas quand un Américain ou un Européen donne des millions de dollars
pour des chats ou des chiens ? Nos âmes nous appartiennent... Personne
n'a le droit de nous empêcher de donner notre âme et de nous transformer
en bombes humaines pour une cause que nous considérons comme plus
importante et plus sacrée que nos vies [...] 3.
La Palestine tout entière est soumise au pillage. Il n'y a aucune différence
entre les territoires de 1948 [perdus] et ceux de 1967. Je pose la question
aux musulmans, pourquoi combattre sur l'autre rive du Jourdain alors que
la Palestine entière est pillée ? [...] Le danger d'Israël ne se limite pas à
la Palestine [...]. Il s'étend à toute la région. L'imam Khomeyni a dit : le

1. Al-Usbu, Égypte, 28 mai 2001. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 224, 4 juin 2001
2. Al-Sharq al-Awsat, Londres, 8 juin 2002.
3. Ibid.
but de ce virus [Israël] qui a été introduit au cœur du monde islamique
n'est pas seulement d'anéantir la nation arabe [...]. Le danger existe pour-
tout le Moyen-Orient [...] et la solution consiste à détruire le virus. Il n'y
a pas d'autre traitement [...]. Les États islamiques et les musulmans
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devraient commencer à détruire ce foyer de corruption [Israël] par tous les
moyens à leur disposition. Il est permis d'employer à cette fin l'argent
donné aux œuvres de bienfaisance. L'imam Khomeyni a ouvert la voie [...].
Le président Khatami défend la même position malgré les pressions
internationales [...].
La lutte contre Israël n'est pas une promenade de santé. Elle exige de
grands sacrifices, et quand je vois une mère dire adieu à son fils et attendre
de le voir revenir en shahid, je sais que le peuple palestinien est un peuple
de combattants du djihad qui l'emportera à coup sûr [...]. Nous devons
maintenir l'axe irano-syro-libano-palestinien [...]. Notre ennemi ne peut
rien contre nous quand nous sommes unis [...] 1.
Dans d'autres publications, c'est l'umma musulmane qui est appelée à
s'unir afin de faire face à la menace conjointe de l'Amérique et d'Israël,
qualifiée de « terrorisme d'État » dirigé par l'Iran contre les âmes pures des
musulmans. Les Arabes sont appelés à n'accepter aucune médiation euro-
péenne ou américaine au Moyen-Orient, parce que les médiateurs éventuels
« sont tous des sionistes ». Exactement comme les croisés ont quitté la région
après avoir occupé Jérusalem pendant 88 ans, un jour ou l'autres, les Juifs
devront aussi partir. Un auteur iranien appelle le monde musulman à aider les
Palestiniens avec des armes et des armées et à ranimer l'esprit du djihad2.
Ces déclarations émanent non seulement d'extrémistes musulmans, mais
aussi de musulmans représentatifs de l'opinion moyenne, au mépris total du
Coran, qui est la parole d'Allah lui-même, et dans lequel celui-ci parle des
Enfants d'Israël comme de « son peuple » et les appelle à « entrer dans la
Terre sainte qu'Allah leur a attribuée3 ». Ou encore : « Nous avons installé
les Enfants d'Israël dans un bel endroit, et nous leur avons accordé la
meilleure subsistance4 » ; et : « Séjournez en paix dans la Terre promise5. »
Malgré ces paroles sacrées, les fondamentalistes musulmans encouragent à
la violence contre les Juifs et les Israéliens et appellent à les chasser de la terre
d'Israël. En Égypte, les Frères musulmans, dont les activités politiques sont
interdites, ont organisé une sinistre démonstration à l'université Al-Azhar du

1. Télévision Al-Manar du Hezbollah libanais, 2 juin 2002.


2. Al-Kayhan, Iran, information donné par l'Iranian News Agency (IRNA), 7 mai 2002.
Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 379, 16 mai 2002.
3. Sourate 5, verset 21.
4. Sourate 10, verset 93.
5. Sourate 17, verset 104.
Caire pendant une manifestation étudiante de soutien aux Palestiniens : ils
ont présenté au public huit membres de leur Tanzim al-istishaddiyyin (Orga-
nisation des martyrs islamikazes), qui sont des hommes entraînés pour mener
des actions suicides en territoire israélien. Alors que, par téléphone portable,
le cheikh Yassine, dirigeant du Hamas, s'adressait de Gaza à une foule de
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plusieurs milliers d'étudiants, les huit combattants masqués, la tête recou-
verte d'un masque noir et le front ceint d'un bandeau rouge orné de l'inscrip-
tion « Le djihad est notre voie » faisaient une démonstration d'arts martiaux.
Après ce spectacle d'une demi-heure, sous le contrôle de la police qui avait
entouré le campus universitaire pour empêcher des événements de ce genre,
les futurs martyrs se débarrassèrent de leurs costumes et se mêlèrent à la foule
pour ne pas être arrêtés. L'un d'entre eux, dans une entrevue accordée au
correspondant d'Al-Mustaqbal, le quotidien libanais appartenant au premier
ministre al-Hariri, fit le serment de « donner son âme pour la cause du peuple
palestinien musulman ». Il déclara que la formation idéologique et l'entraî-
nement qu'il avait suivis étaient tous dirigés contre l'ennemi israélien, et
renouvela son soutien au Fatah de l'OLP, au Hamas et au Djihad islamique 1.
Un journaliste saoudien a restitué une « discussion » qu'il avait eue
avec un ami, alors qu'ils venaient d'entendre dans une mosquée un sermon
appelant au meurtre et à l'anéantissement des Juifs et des chrétiens, qui
condamnait leurs femmes et leurs enfants à une existence de veuves et
d'orphelins. Voici quelques extraits de cette conversation, reconstituée par
le journaliste, qui refusait quant à lui ces propositions effrayantes mais
jugeait nécessaire de porter ce débat à la connaissance de ses lecteurs. On
ne peut qu'émettre des suppositions sur le nombre de dialogues ou de
débats de ce genre qui se déroulent dans les sociétés islamiques sans que
personne en ait connaissance ; pire encore, qui sait combien de sermons
appelant au meurtre des Juifs et des chrétiens sont entendus sans susciter la
moindre opposition ni le moindre débat ? Il est même permis de supposer
que si ce dialogue n'a jamais vraiment eu lieu, il s'agit d'un procédé heuris-
tique employé par l'auteur pour poser un problème qu'il jugeait important,
et d'autres avec lui :
— [Cette incitation au meurtre] est une véritable hérésie...
- Donc, tu soutiens [les chrétiens et les Juifs ?] Dans ce cas, on peut
t'appliquer les paroles d'Allah selon lesquelles « Tous ceux qui les sou-
tiennent leur appartiennent » [...].
— Le Prophète n'a pas appelé à l'anéantissement du Peuple du Livre,
mais l'a appelé à bien se comporter Il nous a appelés à engager le dialogue
avec eux.

1. Al-Mustaqbal, Liban, 19 mars 2002.


- Mais le Peuple du Livre d'aujourd'hui n'est pas le Peuple du Livre du
temps du Prophète. Celui d'aujourd'hui a associé d'autres dieux à Allah
[il s'agit des chrétiens qui croient à la Sainte-Trinité], et ont introduit dans
leur religion des choses qu'Allah n'a pas ordonnées [ici, il s'agit des Juifs
qui ont introduit des préceptes inacceptables pour les musulmans]. De
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plus, ils nous ont combattus et nous ont chassés de chez nous [...].
— Mais ils étaient comme ça aussi au temps du Prophète [...]. Malgré
cela, il a appelé au dialogue avec eux [...]. Les chrétiens et les Juifs sont
nos hôtes et sont protégés par les pactes par lesquels nous nous engageons
à assurer leur sécurité. La recommandation du Prophète à son armée
n'était pas de tuer leurs enfants, les vieillards et les femmes, ou les prêtres
vivant en ermites, ni d'arracher leurs arbres ou d'assécher leurs puits [...].
- Mais les civils des sociétés occidentales paient des impôts qui permet-
tent à leurs gouvernements de mener des politiques dirigées contre les
musulmans [...].
- Nul ne peut échapper aux impôts, pas même les musulmans vivant
dans ces sociétés [...].
- Le Prophète avait décrété un mois pour l'anéantissement des Infidèles
de Quraish, parce qu'ils avaient capturé et torturé des musulmans [...].
- C'était une réponse spécifique à un acte particulier, car « aucun
blâme ne tombe sur ceux qui exercent une juste vengeance après qu'on leur
a fait du tort » [...].
- Si les chrétiens et les Juifs n'avaient pas été impurs, Allah n'aurait
pas ordonné qu'ils soient expulsés de la péninsule arabe. Omar ibn al-
Khattab a exécuté cet ordre en chassant les Juifs de Khaibar [...].
— Dans ce cas, pourquoi le Prophète ne les a-t-il pas chassés aussi du
Yémen et de Najran ? Le Prophète a déclenché une guerre contre les Juifs
et les a chassés de partout, de Médine à Khaibar. Ils ont persisté dans leur
hostilité aux musulmans, qui ne pouvaient pas se sentir en sécurité avec eux.
La raison a imposé qu'ils soient chassés de la ville fortifiée de Khaybar vers
Tabouk, qui est aussi en Arabie [...]. Le Prophète est mort alors que son
bouclier était gardé par un Juif [...]. Le Prophète a rendu visite à un Juif
qui était sur son lit de mort et l'a invité à se convertir à l'islam [...]. Il a fini
par mourir en musulman [...]. Cela aurait été impossible sans des relations
humaines et neutres avec les tenants des autres religions. Donc, un prê-
cheur plein d'animosité contre les fidèles d'autres religions ne peut pas les
convaincre que l'islam est une religion de miséricorde et de tolérance [...].
Allah, ne nous punis pas à cause des actes de ces imbéciles [...] 1.

1. Al-Hayat, Londres, 21 octobre 2001. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 295,


1er novembre 2001.
Sous le titre : « Allah, anéantis les Juifs !!! », un autre journaliste saou-
dien semble plutôt en accord avec le prêcheur qualifié d’« imbécile » par
l'auteur précédent. Un autre titulaire de doctorat, le docteur Al-Nahari, et
un de ses collègues, Abdallah Al-Kaid, ne mâchaient pas leurs mots :
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[...] Depuis que j'ai appris à connaître l'Amérique et Israël [...] chaque
vendredi soir j'implore Allah [pendant la prière] d'anéantir les Juifs, qui
ont semé la corruption sur la terre, et tous ceux qui les soutiennent, y
compris, bien sûr, leur principal soutien, l'Amérique [...]. Depuis
l'apparition du conflit dans le monde musulman, nous appelons Allah à
soutenir nos frères musulmans, en Palestine, en Afghanistan, en
Tchétchénie et dans les Balkans [...]. Auparavant, nous appelions Allah à
soutenir les musulmans en Somalie et en Bosnie... Dans toutes les
occasions, nous avons prié Allah de rendre Al-Aqsa aux musulmans, et de
faire trembler la terre sous les pieds des usurpateurs juifs, qui ont tué des
vieillards, des femmes et des enfants [...], mais chaque fois la tyrannie des
Juifs l'a emporté et ils ont continué à tuer de manière impitoyable [...].
Non à cause d'Israël, mais à cause de l'Amérique, qui a répété des slogans
sur les droits de l'homme tout en fournissant à Israël des armes, des
munitions et de l'argent pour tuer les Palestiniens [...] je me suis souvent
demandé pourquoi Allah ne répond pas à nos prières, et la réponse est que
nous avons commis le péché de trahison et que nous avons tué d'autres
musulmans, ce qui est à juste titre interdit par Allah. Nous complotons les
uns contre les autres et nous collaborons avec les ennemis de l'islam afin
de nuire à des musulmans et à leurs pays 1 [...].

La stratégie arabe d'incitation à la violence et de recours systématique à


la force contre Israël vise à épuiser les ressources limitées de cet État et à
obliger sa population à se soumettre. Certains voient déjà les résultats de
cette stratégie se dessiner à l'horizon. Farouq Qaddoumi, le « ministre des
Affaires étrangères » de l'OLP, qui n'a pas accepté les accords d'Oslo et est
resté à Tunis, a formulé des prédictions allant dans ce sens depuis son exil :

Sharon est la dernière arme d'Israël. S'il est vaincu, le compte à rebours
commencera pour l'existence d'Israël, parce que cet État a été
historiquement établi par la contrainte, et finira comme l'URSS et la
Yougoslavie [...]. La résistance palestinienne continuera, mais nous devons
veiller à ne pas mettre en danger la sécurité des Palestiniens et à réduire nos
pertes [...]. La résistance n'est pas une guerre conventionnelle. Elle est
fondée sur l'effet de surprise dans le temps et dans l'espace. Dans cette

1. Al-Hukadh, Arabie Saoudite, 22 novembre 2001.


guerre, nous avons besoin de mobiliser l'opinion 20 heures [par jour] et de
combattre pendant peut-être deux heures. [Le Hamas et le Djihad islamique]
ont suspendu leurs activités quelque temps, parce que la guerre de guérilla
est comme le commerce : comme l'a dit Mao Tsé-Toung, nous faisons du
commerce quand cela est à notre avantage, mais nous interrompons les
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relations commerciales quand nous perdons [...]. Nous avons condamné les
actes de terreur [du 11 Septembre] contre l'Amérique, mais ces événements
ont constitué une leçon pour les Américains. C'est la première fois que des
noms arabes sont devenus familiers aux Américains, leur ont fait
reconsidérer leur politique et examiner les vraies raisons de la terreur 1.

Les calomnies contre les Juifs, Israël et les sionistes


Les Arabes et les musulmans, connaissant la sensibilité particulière des
Juifs dès qu'il est question de Hitler et du régime nazi, accusent souvent les
victimes du nazisme, c'est-à-dire les Juifs, d'être eux-mêmes des nazis, et
font des dirigeants juifs des émules d'Hitler. Il suffit de parcourir la plate-
forme du Hamas et les écrits de nombreux musulmans, fondamentalistes ou
non, pour constater la récurrence de cette comparaison, qui est à l'évidence
destinée non seulement à discréditer Israël en recourant à la calomnie, mais
aussi à inviter l'Occident, en particulier l'Amérique, qui soutient Israël, à
se tenir à l'écart de ce nouveau pays « nazi ». Sous le titre « Le Hitler de
l'année 2002 », par exemple, un journaliste du respectable Al-Hayat a
comparé Sharon à Hitler et a parlé de « nazisme » à propos des actions
d'Israël dans les territoires occupés. Pour ne pas avoir l'air de recourir à
l'hyperbole, l'auteur avance des preuves à l'appui de ses découvertes qui
sont le produit de son imagination. Il affirme qu'Israël a « reconstitué des
camps de concentration semblables à ceux de Hitler », « assassiné les
membres de la garde d'Arafat après leur capture » et « imposé une
conquête terroriste au peuple palestinien ». Comme les nazis, les Israéliens
incendiaient les habitations d'innocents civils, privaient les Palestiniens
d'eau et d'électricité. Ainsi, selon cet article, quand « la bêtise américaine
converge avec la barbarie israélienne, le monde doit se protéger contre un
nouvel hitlérisme nazi 2 ». Dans une veine légèrement différente, une jour-
naliste égyptienne a lancé un appel à Hitler, le « Frère qui l'avait fait » :

1. Al-Hayat, Londres, 12 décembre 2001.


2. Al-Hayat, Londres, 1er avril 2002.
Ils [les Juifs] sont maudits au Ciel et sur la terre. Ils sont maudits depuis le
jour de leur création et depuis le jour où leur mère les a portés. Ils sont
maudits parce qu'ils ont tué les Prophètes : ils ont assassiné le prophète
saint Jean-Baptiste [...]. Allah les a aussi maudits parce qu'ils discutaient
ses paroles de vérité et y résistaient, trompaient le prophète Moïse et
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adoraient un veau qu'ils avaient créé [...]. Ces maudits sont une
catastrophe pour la race humaine. Ils sont le virus condamné à une vie
d'humiliation et de misère jusqu'au jour du Jugement Dernier. Ils sont
maudits parce qu'ils ont essayé à plusieurs reprises de tuer le prophète
Mahomet [...] ils ont essayé d'introduire du poison dans sa nourriture, mais
la Providence l'a sauvé [...]. Allah les a maudits parce qu'ils ont perpétré
un crime contre des Palestiniens paisibles à Sabra et à Chatila [...].
Ils sont maudits, eux, leurs pères et leurs ancêtres [...] parce que leurs
pieds souillés sont entrés dans la mosquée Al-Aqsa et qu'ils ont violé
l'enceinte sacrée. Ils sont maudits parce que de tout temps ils sont un
véritable fléau pour la race humaine. Leur histoire a toujours été marquée
par la malhonnêteté et le mensonge [...]. Les documents historiques le
prouvent [...]. Ainsi, les Juifs sont maudits, les Juifs de notre temps, ceux
qui les ont précédés et ceux qui viendront après eux, si tant est qu'il y ait
des Juifs après eux [...]. Depuis leur apparition, les Juifs ont accumulé de
la haine et de l'hostilité à l'encontre de l'islam [...]. Ils ont toujours tendu
des pièges aux musulmans, préparé des crimes et des complots contre eux,
et ont des a priori favorables aux ennemis des musulmans et à ceux qui les
occupent [...]. Ils essaient toujours de déformer tout ce qui est noble et
beau. Fondamentalement, ils baignent dans l'horreur morale, la bassesse
et la dégradation. Si seulement Allah pouvait les maudire plus encore,
jusqu 'à la fin des générations ! Amen 1.

La chaîne de télévision Al-Jazira, qui est peut-être la chaîne la plus


attentive aux grandes questions qui préoccupent les Arabes et les musul-
mans en général, a organisé en mai 2001 un débat intitulé : « Le sionisme
est-il pire que le nazisme ? » - en soi une injure aux Juifs et à Israël. Ce
débat, qui se présentait comme scientifique, était en réalité mené par le
docteur Al-Qassem et par un autre docteur, Hayat Atiya, « chercheuse »
spécialiste du sionisme et disciple de Roger Garaudy, célèbre négationniste
français, dont elle a traduit le livre en arabe. La diffusion de ce débat faisait
suite d'une part aux violentes attaques antisémites lancées par le président
Assad de Syrie et, d'autre part, à la signature par quatorze intellectuels d'un

1. Al-Akhbar, Égypte, 29 avril 2002. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 375,2 mai 2002.
Le rédacteur en chef de ce journal de la bonne société égyptienne a manifesté une virulence
comparable à l'égard d'Israël. Cf. 19 décembre 2001.
manifeste dénonçant l'organisation d'une conférence internationale néga-
tionniste à Beyrouth. Afif Al-Akhdar, courageux intellectuel tunisien
libéral, devait répliquer à Atiya. Tous les participants à ce débat compre-
naient certainement que le simple fait d'ouvrir la comparaison entre
sionisme et nazisme n'avait pour but que de calomnier Israël, mais
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personne ne contesta ce libellé. Tous savaient que la résolution des Nations
unies accusant le sionisme d'être une « forme de racisme », adoptée en
1975, avait été annulée par ces mêmes Nations unies en 1991, et était donc
anachronique et dépassée avec le processus de paix qui était encore le prin-
cipal point de référence des parties opposées au Moyen-Orient. Néan-
moins, Atiya jugea nécessaire de parler des « similarités » entre le
sionisme et le nazisme comme d'une réalité, manifestant par la même occa-
sion son ignorance du domaine dont elle se prétendait une spécialiste. Elle
avait « découvert » que ces deux mouvements étaient caractérisés par le
racisme et par une politique d'expansion territoriale, fondés sur un senti-
ment de supériorité vis-à-vis des peuples alentour. Mais elle fut incapable
de citer le moindre exemple correspondant pour les sionistes à la politique
de destruction des Juifs (et d'autres) menée par les nazis 1. C'est peut-être
la raison pour laquelle les négateurs de la Shoah (dont elle fait partie)
tentent de minimiser le nombre de Juifs qui ont été exterminés, afin de
rendre la comparaison entre les sionistes et les nazis plus acceptable.

Le sionisme a rassemblé dans le cadre de l'État juif des gens originaires


de plus de cent pays différents, depuis les Juifs noirs éthiopiens jusqu'aux
blonds venus d'Ukraine, le plus grand mélange possible de peuples
regroupés sous le toit d'une même nation. Cela n'a aucun rapport, aussi
lointain soit-il, avec le racisme, surtout lorsque cette accusation est lancée
par des pays arabes qui interdisent aux Juifs de s'installer ou même d'entrer
sur leur territoire. Il n'y a pas de « race » juive, si ce n'est aux yeux des
nazis et de leurs disciples contemporains, alors que les nazis, eux, ont
défendu des théories aryennes. Cette « chercheuse » chrétienne arabe
aurait dû savoir que les sionistes avaient acheté chacune des parcelles de
terre sur lesquelles ils s'installèrent avant la fondation de l'État d'Israël en
1948 ; qu'ils n'auraient pu mener une politique d'expansion territoriale,
même s'ils l'avaient voulu, parce qu'une puissance étrangère (la Grande-
Bretagne) était maîtresse de ce territoire ; que c'était Israël qui avait
accepté le plan de partition des Nations unies en novembre 1947, et les
Arabes qui avaient envahi le territoire attribué à Israël, et non l'inverse ; et
qu'après la fondation de l'État d'Israël, celui-ci avait reçu en toute légalité

1. Chaîne de télévision Al-Jazira, 15 mai 2001. Cf. MEMRI, Dépêche n° 225,


6 juin 2001.
de la puissance mandataire britannique toutes les terres n'appartenant pas
à des particuliers (80 % dans le système du Moyen-Orient) exactement
comme cette puissance les avait reçues auparavant de l'Empire ottoman
après la défaite de celui-ci. Hayat Atiya cita aussi favorablement un auteur
qui avait « découvert » que les « racines de l'expansionnisme nazi étaient
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dans le Livre de Josué » et qui avait relevé des « similitudes » entre Mein
Kampf et le Pentateuque 1. Inutile de préciser que cette insulte au livre
sacré des Juifs et des chrétiens, de la part d'une maronite, relevait d'un
comportement de dhimmi à l'égard d'une culture islamique dominante qui
avait condamné à mort de nombreux Rushdie accusés d'avoir introduit des
versets sataniques dans le Coran.
Même l'intellectuel tunisien qui prit ses distances avec les perfidies
gratuites de Hayat Atiya évita de se situer sur le terrain de l'histoire et de la
morale pour dénoncer énergiquement ce parallèle entre sionisme et nazisme.
Il préféra justifier son désaccord par des raisons d'ordre diplomatique,
puisqu'il craignait que les Arabes ne s'aliènent l'opinion mondiale en conti-
nuant de défendre des positions sur les Juifs et le sionisme inacceptables pour
la communauté internationale. Atiya l'accusa de chercher à « apaiser »
l'opinion occidentale et porta la même accusation contre d'autres intellec-
tuels arabes. Elle, au contraire, « disait la vérité » en dénonçant la
« collaboration entre les sionistes et les nazis » et le « soutien accordé par les
Juifs aux lois de Nuremberg ». Al-Akhdar, l'intellectuel libéral, finit par
céder et par reconnaître l'existence de « points communs entre le nazisme et
le sionisme ». Il souligna que tous les mouvements nationaux qui privilé-
giaient l'appartenance ethnique, comme les Juifs avec leur idée de « peuple
élu » ou les islamistes qui prétendaient être « la plus grande nation qui ait été
donnée à l'humanité » étaient tous atteints de racisme, et que seules les
nations qui renonçaient au narcissisme national atteignaient les degrés supé-
rieurs de la civilisation. Quand le docteur al-Qassem, qui jouait le rôle de
modérateur dans ce débat, proposa de ressusciter la résolution de sinistre
mémoire qu'avaient adoptée les Nations unies en 1975, al-Akhdar lui
répondit que cette proposition « n'était pas opportune », parce qu'Israël était
internationalement reconnu comme un État sans ressemblance avec l'État
nazi. Mais Atiya persista, en déclarant que la comparaison entre le sionisme
et le nazisme permettait de porter un « coup psychologique » à l'Occident, si
sensible à la référence au nazisme, et que cette comparaison devait être main-
tenue pour humilier l'Occident et le sionisme2.

1. Chaîne de télévision Al-Jazira, 15 mai 2001. Cf. MEMRI, Dépêche n° 225, 6 juin 2001
2. Ibid.
Le point culminant du débat fut l'entrée en lice de Robert Faurisson,
autre négationniste français trop connu. D'après lui, il fallait adopter les
positions du révisionnisme historique, qui était l'arme la plus redoutable
contre le sionisme. Il invita les Arabes à défendre la Palestine non avec des
fusils et des obus, mais en dénonçant le « plus grand mensonge des XXe et
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XXIe siècles », autrement dit la Shoah, une dénonciation qui deviendrait
l’« arme nucléaire des pauvres ». Al-Akhdar essaya de calmer le jeu en
déclarant qu'il n'était pas bon pour les Arabes de défendre le nazisme et
d'accuser les Juifs, alors même que la plupart des Allemands rejetaient le
nazisme. Mais Atyia et le modérateur l'interrompirent et lui reprochèrent
de remettre en cause le consensus existant parmi les intellectuels arabes sur
la négation de la Shoah. Atiya brandit la photographie d'un enfant arabe
tué accidentellement pendant l'Intifada, sur laquelle on pouvait lire, en
lettres rouges : « Les meurtriers du Prophète sont les meurtriers de
l'innocent. » Au mépris total des enfants juifs quotidiennement massacrés
par les terroristes dans les autobus et les restaurants, elle cria devant les
caméras : « Le voilà, l'Holocauste... Il n'y a pas d'Holocauste juif ! Il n'y
a qu'un Holocauste, celui des Palestiniens ! » Le modérateur conclut par
les résultats d'un sondage Internet organisé sur le débat : 84,6 % des spec-
tateurs arabes pensaient que le sionisme était pire que le nazisme, et consi-
déraient que les sionistes étaient allés plus loin que les nazis. Avant cette
conclusion, il avait cité une déclaration relevée sur le site web d'Al-Jazira :

Rien ne dissuadera les fils de Sion, que notre Dieu a décrits comme les
descendants des singes et des porcs, sauf un véritable Holocauste qui les
exterminera tous d'un seul coup, en même temps que les traîtres, les
collaborateurs, la racaille de l'umma [...]1.

En février 2000, le ministre israélien de la Coopération régionale,


Shimon Peres, probablement le plus grand défenseur de la paix dans la
région, prononça un discours à la conférence de Davos en Suisse au cours
duquel il déclara qu'Israël ne désirait pas être la seule « seule tache de
prospérité » au milieu d'un océan de pauvreté. Cette invitation au dévelop-
pement régional suscita un véritable torrent d'insultes. Il est impossible de
considérer les attaques qui s'abattirent sur lui, en tant que Juif et Israélien,
comme des réactions logiques et raisonnables. Le rédacteur en chef du
quotidien Al-Akhbar répondit que la société israélienne était elle-même
une société corrompue et raciste, dans laquelle les Juifs venus d'Éthiopie
étaient victimes de discrimination et vivaient en dessous du seuil de
pauvreté. Israël n'avait de leçon à donner à personne sur la lutte contre la

1. Ibid.
pauvreté. Pour lui, la « tache de prospérité et de progrès » dont avait parlé
Peres n'était « pas différente de la tache sur la jupe de Monica
Lewinsky » : il s'agissait d'une tache occidentale, qui serait un jour
éliminée par un nouveau détergent1. La version anglaise de ce même
article, qui fut publiée le lendemain dans l'Egyptian Gazette, journal des
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milieux dirigeants égyptiens, précise que cette « tache sera enlevée par un
puissant détergent arabe 2 ». Les universitaires égyptiens n'hésitent pas
non plus à recourir à ce langage. Le docteur Abd-al-Wahhab, par exemple,
a publié un recueil encyclopédique sur « Les Juifs, le judaïsme et le
sionisme » dans lequel il prétend que le sionisme avait inventé le peuple
juif pour imposer sa mentalité de ghetto aux peuples du monde. Ce recueil
a inspiré de nombreux journalistes et universitaires égyptiens respectables.
L'un d'entre eux, dans le prestigieux journal Al-Ahram, a cité ces mots
d'Abd-al-Wahhab3, et le Centre d'études politiques du Caire a organisé
une conférence les 29 et 30 mars 2000 pour discuter de ce « chef-
d’œuvre » encyclopédique trafiqué.
Dans les journaux égyptiens et la presse arabe en général, les stéréo-
types antisémites sont omniprésents, en particulier dans les dessins humo-
ristiques. Un journal de l'opposition égyptienne, Al-Ahali, a publié un
dessin représentant un Juif au nez crochu, un couteau ensanglanté à la
main, portant sur le dos un sac orné de l'inscription : « terres arabes » ; il a
la tête ornée des symboles du sionisme et du nazisme, présentés comme des
frères siamois. Une lampe de poche projette un puissant rayon lumineux
sur ce lamentable Juif : c'est la « presse arabe », célèbre forteresse du jour-
nalisme d'investigation, qui a révélé la vérité sur les Juifs et Israël. Cette
caricature était dirigée contre l'ambassadeur israélien au Caire, qui avait
émis des protestations après la publication d'articles violemment anti-
israéliens dans la presse. La légende du dessin explique que le Juif hideux
du dessin n'est autre que « l'ambassadeur d'Israël qui a déclenché une
campagne hystérique contre la presse égyptienne 4 ». Les stéréotypes anti-
sémites établissent des liens entre les défauts ataviques des Juifs et ce qui
s'est passé en Israël. Un journaliste d'Al-Ahram énumère tous les actes de
corruption commis en Israël, et y trouve la « preuve décisive » de l'identité
entre Juifs et sionisme, affirmée dans l'encyclopédie juive d'Al-Masir. Les
Juifs et le sionisme sont « cupides, dévorés par la convoitise et dépourvus
de morale ». Tel est bien le caractère des Israéliens : ils « ont de la

1. Al-Akhbar, 2 février 2000.


2. Egyptian Gazette, 3 février 2002.
3. Al-Ahram, 13 février 2000.
4. Al-Ahali, Égypte, 5 avril 2000.
mauvaise volonté avant que celui qui négocie avec eux ait triché, refusent
de céder quoi que ce soit jusqu'au moment où ils sont forcés de le faire, et
ne s'y résignent alors qu'après avoir semé le désordre et le chaos, et
répandu des mensonges et des légendes concernant le droit d'exercer leur
autorité que Dieu leur a accordé 1 ».
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Le thème du complot juif, emprunté aux Protocoles des Sages de Sion,
a lui aussi une place importante dans la presse arabe ; dans la littérature des
fondamentalistes musulmans, il est agrémenté d'une petite touche d'isla-
misme, comme dans la charte du Hamas que j'ai citée plus haut. Dans les
caricatures, la pieuvre juive étend ses tentacules dans toutes les directions,
pour pouvoir sucer le sang et l'eau des Arabes et s'infiltrer dans tous les
centres de décision du monde2. Ainsi, toute conférence, toute réunion ou
toute convention qui n'est pas du goût des Arabes, comme la Conférence
mondiale sur la démographie organisée dans le cadre des accords du
GATT, a été considérée par la presse arabe comme une tentative de prise
de contrôle du Tiers-Monde par les Occidentaux, tentative attribuée aux
États-Unis, eux-mêmes « guidés par une bande sioniste qui désire diriger
les affaires du monde depuis les couloirs de la Maison-Blanche, afin de
semer la destruction et le chaos3 ». D'autres journaux arabes ont expliqué
que les Juifs projetaient de prendre le contrôle du Canada et de certains
pays européens, comme la Suède 4. Les Juifs sont aussi accusés de falsifier
leur histoire. Lorsque l'historien négationniste anglais David Irving fut
jugé à Londres en 2000, l'opinion égyptienne ne manifesta aucun intérêt
pour les aspects humains du procès, la question de la Shoah. Ce procès fut
mis au service de la cause arabe et considéré comme une occasion de
dénoncer le sionisme et les Juifs. Irving, qui est un négationniste célèbre,
fut présenté comme une victime du sionisme mondial qui « terrorisait la
presse mondiale pour empêcher la publication de ses livres 5 ». Les Juifs
furent accusés d'utiliser leur puissance politique, financière et médiatique
pour « continuer à répandre leurs mensonges sur la Shoah et à réduire au
silence ceux qui les dénoncent publiquement6 ».
Après le déclenchement de l'Intifada à la fin de l'année 2000, la haine
des Palestiniens contre Israël connut une nouvelle escalade. Ainsi, à

1. Al-Gomhuria, Égypte, 7 décembre 1999.


2. Al-Wafd, Égypte, 7 mars 2000 ; et Al-Ahram, 25 mars 2000.
3. Al-Wafd, Égypte, 27 mars 2000.
4. Al-Ahram, 20 mars 2000 et 17 mai 2000 ; Al-Wafd, 4 avril 2000 ; et Al-Gomhuria,
12 février et 5 mars 2000. Ces trois journaux sont publiés en Égypte.
5. Al-Ahram, 25 janvier 2000.
6. Al-Akhbar, 11 mai 2000.
Ramallah, un âne au front orné d'une croix gammée et couvert d'un châle
de prière juif défila dans les rues. À Naplouse et à Jéricho, des lieux saint
juifs furent incendiés. Ces actions poussèrent à l'action d'autres Arabes qui
n'étaient pas directement mêlés au conflit, comme les Égyptiens, en parti-
culier après les élections qui portèrent Ariel Sharon au pouvoir. Une
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nouvelle flambée de haine se produisit, qui n'avait d'autre but que de
heurter les sentiments de l'adversaire et d'en tirer un plaisir pervers. Dans
l'hebdomadaire Al-Usbu, par exemple, un journaliste raconta un de ses
rêves : le gouvernement égyptien l'avait envoyé servir de garde du corps à
Ariel Sharon lors de sa visite officielle au Caire [visite rêvée, elle aussi].
Le rêve commence à l'aéroport. Un porc, animal détesté des Juifs (et des
musulmans aussi, d'ailleurs), y tient le rôle principal :

Au bout d'un moment, le cochon atterrit ; il avait une tête diabolique, une
tête d'assassin ; ses mains étaient souillées du sang de femmes et
d'enfants ; on aurait dit un criminel qui devait être exécuté sur la place
publique. Devais-je me taire comme beaucoup d'autres l'avaient fait ?
Devais-je protéger ce boucher sur le sol de ma patrie ? Soudain, j'oubliai
tout : le passé et l'avenir, ma femme et mes enfants, et je décidai de passer
à l'action. Je sortis mon pistolet et visai la tête du cochon effrayé :
« Vengeance pour les prisonniers de guerre [égyptiens] ! Vengeance pour
les martyrs. » L'assassin s'effondra sous mes pieds. Je compris ce que
c'était qu'être un homme, et ce que voulait dire le sacrifice de soi. Le
criminel mourut. Je posai mes chaussures sur la tête de ce porc et m'écriai
de tout mon cœur : « Vive l'Égypte ! Vive la Palestine ! Jérusalem ne
mourra jamais, et jamais l'honneur de la nation ne sera perdu ! » Je
continuai à crier de toute la force de mes poumons jusqu'au moment où ma
femme me réveilla. En sortant de ce rêve magnifique, je décidai de ne pas
m'abandonner à l'humiliation 1.

Dans le monde arabe, les articles et les commentaires de ce genre sont


innombrables depuis quelques années. Ils ont été, pour les Arabes et
d'autres musulmans, un moyen de se défouler contre Israël, sans tenir
compte de l'évacuation par cet État des territoires occupés, des concessions
en faveur de la paix ou des gestes destinés à faciliter la coopération régio-
nale. Rien de ce que fait Israël ne peut être positif : quand Israël ne cède
pas, c'est une preuve d'avidité et d'obstination ; quand Israël cède, c'est
uniquement parce que les pays arabes l'ont contraint à le faire. Si Israël

1. Al-Usbu, Le Caire, 12 février 2001, cité par Al-Quds al-Arabi, Londres,


13 février 2001. Cf. MEMRI, Dépêche n° 188, 27 février 2001.
refuse la coopération avec les Arabes, c'est une attitude raciste, arrogante,
qui témoigne de son caractère d'étranger au Moyen-Orient, mais quand
Israël accepte la coopération, on l'accuse aussitôt d'impérialisme écono-
mique. Les échecs d'Israël témoignent de son caractère intrinsèquement
mauvais et de la malédiction à laquelle Allah a condamné les Juifs, alors
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que ses succès spectaculaires s'expliquent par ses liens avec les États-Unis,
etc. L'échantillon que j'ai présenté de ces attaques haineuses contre les
Juifs dans la presse arabe n'est que le sommet de l'iceberg. L'essentiel
reste caché, dissimulé à l'opinion, sauf à ceux qui suivent ces événements
par obligation ou par intérêt personnel, et les analysent régulièrement. Les
Israéliens, en particulier, las du conflit du Moyen-Orient, ne veulent pas
entendre parler de choses qui risqueraient de perturber leurs rêves de paix.
Face à cette litanie de propos haineux, ils réagissent avec une indifférence
étrange et dangereuse, vingt ans après avoir cru naïvement à la paix. Les
Occidentaux, eux, ont du mal à comprendre que leurs bonnes intentions ne
sont pas nécessairement partagées par leurs interlocuteurs ; et quand ils
discutent avec des personnes qui parlent de démocratie, de tolérance, de
droits civiques, de liberté, de paix, de justice, de mensonges, de vérité, de
concessions et de négociations, ils ne comprennent pas que ces personnes
ont de ces notions une interprétation différente de celle des Occidentaux.

C'est pourquoi, dans ce monde kafkaïen où il n'y a pas de lien de causa-


lité, où on peut conclure la paix sans que celle-ci soit synonyme de récon-
ciliation, où on peut déclencher les hostilités sans que soit prononcé le mot
« guerre », où le massacre des civils n'est pas considéré comme du terro-
risme, où on peut revenir sur ses concessions une fois qu'on a atteint le but
qu'on poursuivait et où l'on n'est tenu par ses engagements qu'aussi long-
temps qu'on le juge utile, il ne faut pas attendre grand-chose des accords
de « paix ». La haine anti-israélienne et antisémite, la jalousie, le sentiment
d'impuissance, le mépris et la totale incompréhension de la société israé-
lienne qui caractérisent les Arabes et les musulmans, sont si profondément
enracinés dans les consciences arabes depuis des siècles, et plus encore
depuis le début du conflit israélo-arabe, au cours duquel les Juifs se sont
montrés redoutables pour la première fois et ont traité avec les Arabes
d'égal à égal, qu'il est difficile de trouver un moyen de débloquer la situa-
tion. Le processus de paix, en tout cas, n'a en rien apaisé ces sentiments.
Au contraire, il a mélangé tous ces éléments de manière à former un ciment
très solide dont on voit mal de quelle manière il pourrait se dissoudre, à
moins que le monde musulman ne le décide et ne choisisse de se remettre
véritablement en cause, avec courage et détermination, depuis les écoles
maternelles jusqu'aux médias et au monde universitaire. Il est difficile
d'imaginer que cela puisse se produire prochainement.
Il n'est pas difficile de trouver dans la presse arabe et islamique des
documents insultants envers les Juifs, Israël et le sionisme. Les longs
commentaires politiques sont inutiles. Les exemples sont si nombreux,
transparents et répétitifs, si présents dans les différents aspects de la société
arabe et islamique, depuis si longtemps, que ce soit en temps de guerre ou
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en temps de paix, que nul ne peut y échapper : ils constituent la base de
l'éducation et de la socialisation dans ces sociétés. Il y a pire : aucun des
gouvernements de ces pays n'a jusqu’à présent sérieusement essayé de
lutter contre ces tendances dangereuses, si bien que personne ne pourrait
avancer une date plausible quant à leur disparition. Au contraire, le fait que
les dirigeants de ces pays ferment les yeux, quand ils ne manifestent pas
leur compréhension par un clin d’œil complice, est nécessairement inter-
prété comme un encouragement officiel apporté à ces prises de position
intolérables. Ces écrits, en particulier ceux qui émanent d'Égypte, pays
considéré comme le centre culturel du monde arabe, sont nécessairement
lus et cités dans le reste du monde arabe et musulman, où ils sont pris pour
argent comptant. Il ne suffit donc pas que le monde civilisé prenne la juste
mesure de ces conduites haineuses, il faut aussi y sensibiliser ceux qui ont
le pouvoir de changer les choses.
Israël est en grande partie responsable de cet état de fait. De peur de
« torpiller le vaisseau de la paix », il n'a pas suffisamment subordonné ses
concessions à l'adoption par les gouvernements arabes de véritables
mesures pour mettre un terme à ces flambées de haine. Camp David I n'a
pas mis fin aux calomnies contre Israël et les Juifs dans les médias égyp-
tiens, en dépit des engagements du président Sadate. Il suffit de consulter
les manuels scolaires en circulation pour voir que ces idées sont systéma-
tiquement inculquées aux élèves 1. Dans les accords d'Oslo et de Wye, des
obligations précises ont été imposées aux Palestiniens dans ce domaine,
mais elles se sont heurtées à une réalité tenace 2. Au lieu de réagir avec
fermeté, comme au moment de l'arrivée au pouvoir du parti de Haider en
Autriche, Israël a adopté une attitude étrangement conciliante avec les
Arabes qu'il voulait amadouer et avec lesquels il voulait conclure la paix.
Par cette indulgence, Israël a encouragé ces individus à continuer leurs
attaques antisémites une fois qu'ils eurent compris quelles concessions ils
pouvaient obtenir en soumettant l'État juif à des pressions permanentes.
Cette faiblesse d'Israël n'est pas perçue dans le monde arabe comme une

1. NDLR : cf. dans ce numéro la contribution de Yohanan Manor.


2. Voir R. Israeli, « Education, State Building, and the Peace Process : Educating Pales-
tinian Children in the Post-Oslo Era », Journal of Terrorism and Political
Violence, janvier 2000.
stratégie visant à éviter les conflits et à promouvoir le dialogue. Certains y
trouvent la confirmation tacite des calomnies que doit supporter Israël,
d'autres un moyen d'obtenir de nouvelles concessions de sa part, en bran-
dissant la menace d'un mépris encore accentué et de calomnies. Ils obser-
vent Israël en souriant derrière leurs moustaches et s'étonnent de la timidité
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avec laquelle les Juifs défendent leur honneur national et individuel, alors
qu'ils subissent des attaques d'une extrême violence.
En 1999, une jeune Juive de Hébron eut l'audace de dessiner une affiche
insultante pour les musulmans. Comme dans toute société régie par l'état
de droit, on considéra qu'elle avait commis un délit : elle fut interpellée par
la police israélienne, poursuivie, et finalement condamnée à quelques mois
de prison. Pour les musulmans, cette procédure n'était que normale, parce
que leur foi ne tolère pas les calomnies, même si celles-ci sont le fait d'indi-
vidus et ne bénéficient du soutien officiel d'aucun État. Si l'on appliquait
les mêmes critères aux insultes proférées contre les Juifs, la plupart des
intellectuels, des journalistes, des dirigeants politiques et religieux musul-
mans devraient être condamnés à des peines de prison. Non seulement ils
attaquent délibérément les Juifs, mais ils défendent souvent la politique
officiellement antisémite de leur société et de leur gouvernement. Leurs
calomnies contre les Juifs et contre Israël ne se heurtent à aucune limite.
Comme Israël ignore ces attaques systématiques, ceux qui les profèrent
sont incités à continuer et à aller toujours plus loin. Ces questions ne sont
pas traitées de la même façon dans les deux camps. Pour être plus précis,
les Arabes sont libres de dire ce qu'ils veulent contre les Juifs et Israël au
nom de la liberté d'expression, alors que les Juifs sont tenus par l'obliga-
tion de respecter leurs propres lois. Une des pires conséquences de cette
dissymétrie, c'est qu'il est facile d'en conclure pour les Arabes que l'islam
demeure intouchable alors que le judaïsme est une proie offerte à tous.
Depuis le début de l'Intifada, on assiste à un déchaînement de la propa-
gande antijuive et anti-israélienne. Les médias arabes déversent des tombe-
reaux de calomnies sur les Juifs et Israël. On constate une escalade
continuelle de cette violence verbale. En 1983, Israël a été accusé, sans la
moindre preuve, d'avoir « empoisonné les écolières de la rive
occidentale 1 ». Cette farce, à l'époque, bénéficia de la complicité de
l'Europe, des Nations unies et de la Croix-Rouge. Israël ayant été le seul
pays à réfuter ces accusations, le délégué palestinien à la Commission des
droits de l'homme des Nations unies, le docteur Nabil Ramlawi, accusa
Israël d'inoculer le virus du sida à des enfants palestiniens, une fois de plus

1. Voir R. Israeli, Poison : Modem Manifestations of the Blood Libel, Lexington, 2002.
sans que personne lui demande de fournir des preuves1. Aucune voix,
comme d'habitude, ne s'étant élevée contre ces calomnies, Arafat déclara
pendant l'Intifada qu'Israël employait des balles contenant de l'uranium
appauvri contre les Palestiniens, distribuait des bonbons empoisonnés aux
enfants palestiniens, et d'autres sornettes du même genre. Il n'est donc pas
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étonnant qu'après le 11 Septembre et le début de panique provoqué par
l'anthrax aux États-Unis, les Arabes, en l'occurrence les Égyptiens
« modérés », dans une revue scientifique bénéficiant de financements
publics, Al-Ilm (Science), retournèrent contre l'Occident les accusations
lancées par les Américains. Cette revue accusa l'Amérique et Israël des
pires crimes de guerre, dont l'utilisation d'armes non conventionnelles de
destruction massive. Lorsque certaines choses sont imprimées noir sur
blanc, on a tendance à les croire :

Les premiers cas d'anthrax aux États-Unis sont apparus en même temps que
débutait la guerre des Américains contre l Afghanistan. Les informations en
provenance d'Afghanistan font état de symptômes d'une étrange maladie
[...] qui provoque des fièvres, des maux de tête et des hémorragies [...]. Cela
nous ramène à la découverte d'une usine d'armes biologiques en Oural, par
les services de renseignements américains [...]. Les Russes ont fait des
révélations sur les activités des Américains dans ce domaine destructeur,
ainsi que sur la mort de scientifiques américains qui travaillaient dans des
laboratoires de biologie [...]. Les scientifiques de 52 universités collaborent
avec le Pentagone en vue d'une guerre biologique [...]. Les États-Unis ont
aussi conclu des contrats avec plusieurs universités étrangères, dont des
universités israéliennes. Les missiles fournis par les États-Unis à l'OTAN
sont équipés de têtes biologiques. Tout cela a été approuvé par la Maison-
Blanche [...].
Selon un rapport du docteur Joseph de l'UNESCO, la Corée, la Chine et
le Vietnam ont été attaqués avec des armes biologiques [...]. Ce n'était pas
le premier incident de ce genre. Les Alliés ont une expérience bien connue
dans le domaine de l'industrie biologique. Après le déclenchement de la
Seconde Guerre mondiale, Churchill, alors Premier ministre, reçut une
lettre secrète de son conseiller scientifique lui demandant de se faire livrer
par les Américains le virus de l'anthrax [...] pour l'utiliser contre les
Allemands, parce que c'était une arme efficace qui détruisait massivement
les hommes et le bétail [...]. Finalement, il fut décidé de fabriquer des
armes biologiques en Grande-Bretagne plutôt que d'importer des bombes
à anthrax des États-Unis [...].

1. Ibid. Voir en particulier p. 65-66 et 106-108.


Les colonialistes européens ont donné la variole aux Indiens d'Amérique.
Pendant la guerre de Sécession, les deux camps polluèrent les sources
d'eau avec des cadavres d'animaux [...]. À l'époque moderne, les armes
biologiques furent employées pour la première fois lorsque la Bulgarie
conclut une alliance secrète avec l'Autriche contre la Serbie. Au cours de
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l'été 1949, à la suite de la création de l'État d'Israël, une épidémie de
choléra frappa l'Égypte. Des documents égyptiens indiquent que la
maladie provenait d'Israël. Lorsque le Japon mena ses premières
expériences dans ce domaine, il inocula à des prisonniers le virus de la
peste, de l'anthrax, de la variole et du choléra. Trois mille prisonniers
moururent [...]. Des avions répandirent le bacille de la peste pendant la
guerre sino-japonaise de 1940-1942. En 1944, ces épidémies se
répandirent jusqu ’à la frontière soviétique ; un an plus tard, le Japon
utilisa ces armes contre la Mongolie.
Les États-Unis utilisèrent des armes bactériologiques contre le Vietnam, la
Corée du Nord et la Chine [...]. Des recherches sur les armes biologiques
sont menées dans les universités israéliennes. Avant la guerre du Kippour
(1973), des oiseaux porteurs de certains microbes ont été lâchés au-dessus
de la Jordanie, de la Palestine et du canal de Suez [...]. Les États-Unis et
Israël disposent d'armes biologiques conservées dans les bases
américaines ; si elles étaient employées, elles détruiraient la moitié de la
population de la zone attaquée. Certaines de ces armes provoquent des
fausses couches [...]. Les États-Unis ont demandé à l'État d'Ottawa [sic]
de mener des expériences avec des armes biologiques mortelles. Il est
possible que la soif de vengeance des États-Unis les pousse à tester leurs
armes biologiques les plus modernes sur un ennemi réel, pour en tester
l'efficacité [...]. Des touristes juifs atteints du sida voyagent dans les pays
asiatiques et africains dans le but de propager la maladie. Ce n'est pas une
coïncidence si les États-Unis sont le seul pays membre des Nations unies à
ne pas avoir signé l'accord sur les sanctions encourues en cas de
destruction collective d'un peuple [...]. Israël continue à livrer une guerre
bactériologique pour détruire les Palestiniens dans les territoires occupés,
tout en défiant la communauté internationale [...]. Un certain nombre de
médecins ont dit que la maladie de la vache folle s'était développée en
Grande-Bretagne à cause de l'introduction dans des aliments pour
animaux de cadavres d'animaux de laboratoires, dont des souris et des
porcs. C'est après l'introduction d'éléments provenant de ces cadavres
dans les aliments destinés aux moutons et aux vaches qu'est apparue la
maladie de la vache folle [...] 1.

1. Al-Ilm, Égypte, novembre 2001. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 322,28 décembre 2001.
De pareilles attaques contre l'Occident et Israël, émanant des milieux
« scientifiques » officiels d'un pays comme l'Égypte, donnent une idée de
ce que peuvent raconter des activistes moins « scientifiques ». Mohammed
Jamia, représentant de l'université Al-Azhar aux États-Unis, exerce aussi
les fonctions d'imam au Centre islamique de New York. Après le
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11 Septembre, il est rentré précipitamment en Égypte où il a répondu à des
interviews. Il s'est plaint d'avoir fait l'objet de « persécutions » aux États-
Unis, « comme tous les musulmans et tous les Arabes » après les attentats
de Manhattan. D'après lui, les musulmans n'osaient plus envoyer leur
femme faire des courses ou leurs enfants à l'école. Ils n'osaient plus non
plus aller chez le médecin, parce que « les médecins juifs d'un hôpital
avaient empoisonné des enfants musulmans qui avaient fini par mourir ».
Tout cela était dû, selon lui, à la mauvaise image des musulmans diffusée
par les médias sionistes, qui présentaient l'islam comme une « religion de
la terreur ». Lors de discussions avec un groupe d'Américains qui étaient
venus le harceler chez lui, il avait « compris que tout le monde savait que
les Juifs et les sionistes étaient derrière ces actes criminels, mais que
personne n'avait le courage de le dire publiquement ». Il souligna que les
Américains « savaient que les sionistes contrôlent tout, y compris les déci-
sions politiques, les médias et les grands centres financiers et économiques,
mais savaient aussi que toute personne qui oserait le dire serait accusée
d'antisémitisme ». Sa campagne de calomnies contre les Juifs franchit un
degré supplémentaire quand il les accusa d'être derrière les attentats de
New York et de Washington :

Les Juifs sont conformes à la parole d'Allah : « Ils ont répandu la


corruption sur la terre. » Nous savons qu'ils ont toujours violé les accords,
tué injustement les Prophètes et trahi la confiance qu'on leur avait accordée
[...]. On les voit à tout moment répandre la corruption, le blasphème,
l'homosexualité, l'alcool et la drogue. Ils ont créé le strip-tease, les clubs
d'homosexuels et de lesbiennes partout, afin d'imposer leur hégémonie et
de coloniser le monde entier [...]. Maintenant, ils exercent leur domination
sur les grandes puissances, ils cherchent toujours à se rapprocher de la
puissance hégémonique du moment et à coexister avec elle [...]. Il ont aussi
exercé leur domination sur l'Allemagne, mais Hitler les a éliminés parce
qu'ils l'avaient trahi et parce qu'ils avaient violé l'accord qu'ils avaient
passé avec lui [...]. Nous avons vu les images sionistes diffusées par la BBC,
une heure seulement après les événements, montrant les Arabes, en
particulier les Palestiniens, en train de fêter la mort des Américains. En
réalité, il s'agissait d'un vieux film datant de 1991, du temps de la guerre
du Golfe, au moment de l'invasion du Koweït par l'Irak [présenté comme si
c'était une réaction à chaud des Palestiniens aux attentats de New York]
mais Allah a déjoué leur complot lorsqu'un professeur d'université
brésilien a prouvé que ce film vidéo était un faux [...]. Ces gens ont des
scénarios tout prêts pour toutes les occasions et ils sont capables de
fabriquer des événements à leur avantage. Malheureusement, cela a
provoqué la haine des Américains contre toute personne arabe ou
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musulmane. Ce n'est pas étonnant, puisque tout le monde, au début,
envisageait 50000 morts et que les Arabes faisaient la fête. Les gens veulent
se venger, c'est normal. C'est ce que les Juifs ont manigancé, et ils ont pris
les Arabes pour victimes [...].
Tous les signes convergent en direction des Juifs, parce qu'ils sont les
seuls capables de concevoir une action pareille. D'abord, on a découvert
que les systèmes de pilotage des avions avaient été neutralisés avant le
décollage, ce qui prouve que les pirates s'étaient assurés des tours de
contrôle ; deuxièmement, les boîtes noires ne contenaient aucune
information, ce qui est impossible à moins que cela ait été programmé à
l'avance ; troisièmement, les États-Unis ont les services de rensei-
gnements les plus puissants du monde, le CIA et le FBI, et il est
inimaginable que quelqu'un ait pu infiltrer les États-Unis sans se faire
repérer ; quatrièmement, ce sont les Juifs qui contrôlent le mécanisme de
prise de décision politique dans les aéroports et dans les lieux sensibles
que sont la Maison-Blanche et le Pentagone ; cinquièmement, l'Amérique
n'a à ce jour apporté aucun élément prouvant l'existence d'un lien entre
Oussama Ben Laben et Al-Qaida et les attentats.
[...] Toutes ces considérations prises ensemble montrent que seuls les Juifs
étaient capables de mettre au point une opération pareille [...]. J'ai dit à des
responsables américains que le peuple américain n'identifierait jamais le
véritable ennemi qui l'a frappé au cœur, à moins qu'il ne s'éveille et cesse
d'accuser les Arabes et les musulmans [...]. Aussitôt après les événements,
30 % des Américains se sont réveillés et ont compris qu'ils étaient victimes
d'une gigantesque escroquerie de la part des Juifs, qui leur présentaient les
Arabes et les musulmans comme une nation de barbares assoiffés de sang
[...]. Le peuple américain a compris que des mains mystérieuses avaient
joué avec son destin. J'ai entendu de nombreux Américains venus me voir au
Centre islamique, me dire qu'ils avaient été trompés par les Juifs et venaient
exprimer leur solidarité avec les Arabes et les musulmans.
En Amérique, la nouvelle s'est répandue que 4 000 Juifs ne s'étaient pas
rendus à leur travail ce jour-là dans les Tours Jumelles, et que la police
avait arrêté des groupes de Juifs qui manifestaient leur joie dans les rues
pendant les événements [...]. Mais ces informations ont été immédiatement
étouffées, et comme les Juifs contrôlent les médias, ils ont pu les étouffer
pour empêcher le peuple américain de savoir. Si les Américains avaient
appris la vérité, ils auraient fait aux Juifs la même chose que Hitler. Les
30 % d'Américains qui ont compris l'escroquerie ont manifesté à
Washington et à New York et ont appelé le gouvernement américain à agir
avec logique et à attendre d'avoir trouvé les coupables et d'avoir arrêté les
Juifs qui sont les vrais responsables.
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J'espère que les Américains n'écoutent pas les sionistes qui veulent
détruire le monde [...]. J'appuie l'appel du président Moubarak à agir
avec logique avant que ne soit versé le sang des innocents. Une offensive
américaine contre l'Afghanistan reviendrait à exercer la terreur, comme
cela a déjà été fait en Irak et en Palestine. Si la guerre reprend, on assistera
à la répétition des actes de terreur contre les Arabes et les musulmans. Ce
ne sera pas une Troisième Guerre mondiale, ce sera la fin de l'oppression
américaine. Je considère l'Amérique comme une seconde Ad, parce que
l'Amérique a le même caractère que l'Ad1 : elle a des gratte-ciel et de
grandes usines, donc Allah lui réservera le même sort qu'à la première Ad.
quand leur puissance les a rendus arrogants, mais Allah se vengera [...].
Le résultat de tout cela, c'est que les Américains savent maintenant que
l'islam existe, après avoir découvert la tromperie juive [...]. Allah a
dévoilé le complot des Juifs qui essayaient de déformer l'image des
musulmans, et montré aux Américains la vérité. Donc, je pense qu'un
avenir brillant attend les musulmans aux États-Unis d'Amérique 2.

La négation de la Shoah
Un des grands amusements des Arabes et des musulmans consiste à nier
la Shoah et à saluer en héros les négationnistes du monde entier. On peut
supposer qu'ils agissent ainsi non par souci de la vérité historique, mais
parce que les propos négationnistes appuient certaines accusations lancées
depuis par les Arabes contre les Juifs (et contre les chrétiens aussi,
d'ailleurs) : les Juifs auraient falsifié leur propre histoire et, pire encore, les
Saintes Écritures. Pour ce qui est de la Shoah, les Juifs sont accusés de
« recourir au terrorisme organisé pour cultiver cette légende et de l'avoir
transformée en un fait qui laisse aux historiens les mains liées 3 ». La falsi-

1. Dans l'histoire de l'islam, les Ads et les Thamouds étaient des tribus arabes d'Arabie
qui furent totalement détruites après avoir refusé de suivre le sentier d'Allah.
2. www.lailatalqadr.com/stories/p5041001/shtml. Cf. MEMRI. Dépêche n° 23,
4 octobre 2001. Les mêmes accusations contre les Juifs furent lancées par un membre du
conseil Shura saoudien, le docteur Ahmed al-Twijri, sur la chaîne de télévision Al-Jazira, le
12 juin 2002.
3. Al-Wafd, 13 février 2000 ; Al-Ahram, 19 avril 2000 ; et The Egyptian Gazette,
20 avril 2000.
fication de l'histoire par les Juifs est constamment réfutée par des articles
« scientifiques » qui ont démontré que les chambres à gaz n'ont jamais
existé, ou qui ont révisé à la baisse leur nombre de victimes1. La presse
arabe a réuni une abondante « documentation » à l'appui de ces accusa-
tions2. Certains journaux ont même affirmé que, loin d'être victimes de la
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Seconde Guerre mondiale, les Juifs en avaient au contraire tiré profit, car
si le Japon et l'Allemagne avaient gagné la guerre, les Juifs « n'auraient
pas pu continuer à exercer leur chantage avec leurs mensonges 3 ». Lorsque
certaines voix se sont élevées dans le monde arabe pour condamner le
négationnisme, elles l'ont fait pour des raisons d'ordre utilitaire, de peur
que les Arabes ne défendent les mêmes positions que certains éléments
racistes et anti-arabes en Europe 4, et non pour des raisons morales qui les
auraient conduits à condamner purement et simplement le mal commis par
les nazis. D'autres, tout en reconnaissant la réalité du génocide, ont cherché
toutes sortes d'explications afin de le justifier. Anis Mansour, par exemple,
célèbre antisémite égyptien, a expliqué la sensibilité des Juifs aux pertes en
vies humaines qu'ils subissent en raison des « actes de barbarie commis
contre les Palestiniens » par leur nombre limité, si on le compare à l'impor-
tance de la population arabe et musulmane. Mais il a aussi affirmé que sans
leurs pertes croissantes, il serait devenu évident aux yeux du monde entier
que ce qui était arrivé aux Juifs en Allemagne, en Pologne et en Russie était
justifié. Il n'est pas vrai que tous les Juifs veuillent la paix. Il existe parmi
eux une secte suicidaire qui ne désire pas vivre. C'est pourquoi ils entre-
tiennent la haine et l'hostilité des autres, de sorte que les gens se retournent
contre eux. Bien qu'il existe de nombreux individus intelligents parmi eux,
ils se servent de leur intelligence pour inventer de nouveaux moyens de se
faire haïr partout et de susciter l'union des peuples contre eux...

Étant donné que les Juifs sont atteints de mégalomanie, ils ne courbent pas
la tête pour survivre, ils préfèrent conseiller les dirigeants européens et
américains et avoir la sympathie de la planète [...]. Avant l'établissement
de l'État d'Israël, ils étaient dans l'ombre, à l'arrière, dans les chemins
bien cachés. Ils préfèrent un État d'Israël entouré d'ennemis à un ghetto
dont personne n'a entendu parler. Il y a des sectes en Israël qui
considèrent l'État juif comme un État hérétique. Ils pensent que les
Israélites méritent d'être torturés, et que le traitement réservé par Hitler

1. Al-Ahram, 30 décembre 1999.


2. Voir, par exemple, Roz al-Youssuf 28 janvier 2000, p. 61-63.
3. Al-Hayat, 31 janvier 2000 ; Al-Akhbar, 26 janvier 2000 ; Al-Ahram, 18 avril et
17 mai 2000 ; The Egyptian Gazette, 17 avril 2000 ; on pourrait multiplier les citations.
4. Al-Ahram, 19 avril 2000. Voir aussi Al-Ahram al-Arabi, 6 mai 2000.
aux Juifs d'Occident est un châtiment approprié aux mauvais traitements
infligés aux Juifs orientaux [...] 1.
L'auteur ne semble pas le moins du monde embarrassé par le fait que la
Shoah a précédé chronologiquement les « mauvais traitements » infligés
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en Israël aux Juifs orientaux par les Juifs d'Europe, puisque leur rencontre
s'est produite pour l'essentiel en Israël après le génocide. Il n'est pas gêné
non plus par l'effet que peuvent produire la négation de la Shoah et l'expli-
cation qu'il en donne. Un autre aspect de ces déclarations est intéressant :
l'auteur y projette sur l'ennemi (Israël) les défauts de son propre camp. En
effet, au moment où les attentats des islamikazes atteignaient leur intensité
maximale dans le monde musulman, et au moment où certains musulmans
prétendaient que leur avantage sur l'Occident venait de ce qu'ils étaient
prêts à mourir, l'auteur attribuait à certaines « sectes israéliennes » ce désir
de mort, totalement étranger au monde juif. En tout cas, l'auteur était
certain que lorsque les Juifs d'Israël ne seraient plus capables de supporter
les pierres et l'artillerie des Arabes, ils seraient forcés d'émigrer et de
retourner dans leurs pays d'origine. Il en concluait que les Juifs étaient
forcés de vivre dans un état d'alerte permanent, en étant toujours sur le qui-
vive, ce qui constituait entre eux un ciment, au-delà de leurs différences de
couleur de peau, de religion, d'idées et de classes. Sans ce ciment, « il ne
resterait rien d'Israël, en dehors des religieux, des vieux, des malades et
d’[Ariel] Sharon2 ». Cette explication pitoyable venant de quelqu'un qui
se considère comme un grand intellectuel et à qui ce statut est unanime-
ment accordé en Égypte, prétendait éclairer la raison pour laquelle cet
étrange État juif avait connu un certain nombre de réussites, en dépit de
toutes ses faiblesses. Ces écrits haineux ont une fonction précise : en traî-
nant dans la boue les Juifs et Israël, ils sont censés apporter un certain
réconfort aux Arabes, qui sont confrontés à un mystère inexplicable.
Comment expliquer, en effet, l'existence de ce minuscule État démocra-
tique, prospère et éclairé au milieu de pays arabes qui sont en général
pauvres et gouvernés par des régimes autoritaires, arriérés et corrompus.
De toute évidence, ces journalistes arabes préféreraient détruire l'État
d'Israël, qui fait ressortir, par contraste, les faiblesses de leur pays, que s'en
inspirer pour multiplier par vingt leur produit national brut.
D'autres auteurs arabes négationnistes s'appuient sur toutes sorte
d’« autorités », auxquelles ils font systématiquement référence :

1. Al-Ahram, 13 février 2001. Cf. MEMRI, Dépêche n° 188, 22 février 2001.


2. Ibid.
En ce qui concerne l'escroquerie de l'Holocauste, [...] de nombreuses
études françaises ont prouvé qu'il s'agit d'une invention, d'un mensonge et
d'une falsification. C'est un complot inventé de toutes pièces, à partir de
plusieurs photographies truquées n'ayant aucun rapport avec la réalité [...].
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Hitler lui-même, qu'ils accusent de nazisme [...], est totalement innocent de
l'Holocauste dont il est accusé, véritable invention. Toute cette affaire,
comme de nombreux chercheurs français et britanniques l'ont montré, n'est
qu'un vaste complot israélien destiné à extorquer de l'argent au
gouvernement allemand [...]. Mais personnellement, et à la lumière de cette
fable inventée de toutes pièces, je dis à Hitler du fond du cœur : « Si
seulement tu l'avais fait, mon frère, j'aurais bien aimé que cela arrive
vraiment, pour que le monde puisse pousser un soupir de soulagement et soit
débarrassé de leurs maux et de leurs péchés [...] 1. »
Le modéré Abou Mazen, qui a étudié en Occident et est mesuré dans ses
propos, a joint sa voix à cette cacophonie antisémite. Il a rejoint le camp
des négationnistes dans sa thèse de « doctorat » soutenue en 1982 au
Collège oriental de Moscou puis publiée deux ans plus tard en arabe pour
répondre à la curiosité d'un public arabe antisémite toujours en quête
d'arguments 2. C'est là qu'il a repris les positions des négationnistes, dont
les thèses sont systématiquement rejetées par les tribunaux occidentaux. Il
a émis des doutes sur l'existences des chambres à gaz, et réduit le nombre
des victimes juives à « moins d'un million », comme si ce nombre n'était
pas déjà effrayant. Il a aussi affirmé que le mouvement sioniste avait intérêt
à convaincre l'opinion publique mondiale que le nombre de victimes était
supérieur afin d'obtenir des « avantages plus importants » après la guerre,
au moment du « partage du butin ». Il a accusé l'Occident d'avoir
« dissimulé un complice fondamental du crime », en l'occurrence le
mouvement sioniste, et a « démontré » l'existence d'une « communauté
d'intérêts et de similitudes fondamentales entre les théories des deux
mouvements », le nazisme et le sionisme. Il s'agissait de « prouver » que
le sionisme avait « conspiré contre le peuple juif et collaboré avec les nazis
pour l'anéantir », mais Abou Mazen n'expliquait pas sur qui auraient pu
s'appuyer les sionistes dans l'hypothèse d'une extermination des Juifs.
Sans doute sous l'influence de l'atmosphère oppressante qui régnait à
Moscou pendant la Guerre froide, et dans le souci de plaire aux membres
de son jury de thèse, il attaqua l'Occident, coupable d'avoir dissimulé « les
détails, les faits et les crimes dont il ne voulait pas reconnaître

1. Al-Akhbar, Égypte, 29 avril 2002. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 375, 2 mai 2002.
2. Ce livre a été publié sous le titre Les Liens secrets entre les nazis et la direction du
mouvement sioniste, Dar Ibn Rushd, Amman, 1984.
l'existence », d'avoir « accusé les responsables nazis de tous les crimes
commis pendant la guerre, et d'avoir lancé une chasse implacable contre
ceux qui étaient restés en vie alors que leurs crimes appartenaient à
l'histoire ancienne 1 ». Comme si les génocides devenaient des crimes
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pardonnables dès lors que leurs responsables réussissent à rester cachés
suffisamment longtemps ou que les recherches menées pour les arrêter se
révèlent infructueuses.

Non seulement Abou Mazen reprocha à l'Occident de s'être contenté


d'une « moitié » de vérité pour régler leur compte aux criminels de guerre,
mais il l'accusa aussi d'avoir « négligé l'autre moitié », c'est-à-dire la
vérité concernant les Juifs. Mettant dans le même sac tous ceux qui étaient
morts à cause de la guerre, aussi bien les Allemands que leurs victimes, il
fit le compte des « sacrifices » subis par les nazis (10 millions d'hommes),
qu'il comparait aux 20 millions de Soviétiques et aux 10 millions de
Yougoslaves, Polonais et autres, en ignorant totalement la destruction
systématique des Juifs et des Tsiganes. Or, les Juifs et les Tsiganes furent
les seuls à mourir non au combat mais à la suite d'une décision les condam-
nant à l'extermination, non parce qu'ils avaient résisté aux Allemands ou
les avaient combattus mais en raison de ce qu'ils étaient. Il fait allusion aux
« affirmations avancées à propos des victimes juives après la guerre », en
précisant que le chiffre de six millions de morts est considérablement
exagéré, et que le chiffre exact est peut-être « inférieur à un million », ce
qui ne change rien à la gravité du crime, eût-il été commis « contre un seul
homme ». Il accuse aussi le sionisme d'avoir créé ce chiffre imaginaire afin
d'accroître la sympathie pour les Juifs dans le monde. Il cite le « célèbre
auteur canadien, Roger Delarom » - si célèbre qu'il est difficile d'établir
son identité -, lequel rejetait le chiffre de 6 millions de morts parce qu’« il
n'avait jamais été prouvé ». Il accusa même les sionistes d'avoir avancé le
chiffre de 12 millions de victimes juives, soit un chiffre égal aux deux tiers
de la population juive mondiale au début de la guerre, « après quoi ce
chiffre descendit brutalement à six millions ». Il affirme que « ce nombre
descendit encore jusqu’à quatre millions, car les Allemands n'auraient pas
pu tuer ou exterminer plus de Juifs qu'il n'y en avait dans le monde à
l'époque ». Il n'explique par pourquoi les Juifs, qui étaient 18 millions
avant la guerre, n'étaient plus que 12 millions après. En revanche, pour
confirmer sa théorie des « millions [de morts] imaginaires », il falsifie les
chiffres avancés par l'historien américain Raul Hilberg. Page 670 de son
livre, il affirme que selon ce dernier, le nombre de victimes juives était
inférieur à un million, alors que dans La Destruction des Juifs d'Europe,

1. Ibid. Voir Dépêche MEMRI n° 95, 30 mai 2002.


Hilberg a montré qu'en dix ans, entre 1935 et 1945, un tiers des Juifs sont
morts et que leur nombre est passé de 16 à 11 millions - ce qui veut dire
que 5 millions furent victimes des déportations et des massacres organisés
pendant la guerre 1.
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Cette obsession des chiffres tient une place plus importante dans la
version arabe du livre que dans le texte original russe de la thèse. Abou
Mazen a accusé le mouvement sioniste d'avoir « essayé d'expliquer
comment les Juifs furent assassinés dans les camps de concentration et les
chambres à gaz » sans prendre en compte deux données fondamentales. La
première, c'est que « de nombreux Juifs détenus dans les camps restèrent
en vie et furent sauvés par les sionistes » - ces même sionistes dont on nous
a dit qu'ils avaient organisé leur extermination -, puis envoyés en
Palestine ; beaucoup d'autres furent sauvés par l'Union soviétique, et
deux millions d'entre eux furent envoyés en Asie centrale. La seconde
donnée fondamentale, c'est que les Juifs ne furent pas tous tués dans les
camps de concentration, mais que beaucoup moururent au combat, ou
succombèrent à la faim ou aux maladies qui avaient frappé toute l'Europe,
et que les prisonniers des camps de concentration n'étaient pas tous juifs.
Il cite le célèbre négationniste antisémite français, Robert Faurisson, qui ne
cesse de répéter que les chambres à gaz n'étaient pas destinées à tuer et
n'étaient utilisées que pour « incinérer des cadavres afin de juguler les
épidémies ». Abou Mazen conclut son « étude », qui ne lui aurait valu un
doctorat dans aucun autre pays que l'Union soviétique, en attaquant le
mouvement sioniste :

Il n'est pas difficile de prouver la vérité au sujet de la Seconde Guerre


mondiale [...]. Cependant, il y a un autre aspect de la vérité qui demeure
enveloppé de mystère, comme la face cachée de la lune [...]. Comment une
personne raisonnable pourrait-elle croire que les institutions du
mouvement sioniste, qui s'étaient formées pour défendre la cause du
« peuple juif », devinrent ensuite une des causes de la destruction des
Juifs ? L'histoire nous enseigne que Néron a incendié Rome, mais il était
fou, et sa folie l'a privé de sa responsabilité [...]. Il y a aussi des dirigeants
qui ont trahi leur pays et leur peuple et les ont vendus à l'ennemi. Mais ils
sont rares, et sont seuls responsables de leurs actes. C'est pourquoi l'idée
d'un mouvement politique et populaire complotant contre son propre
peuple est étonnante et nécessite une analyse soigneuse et approfondie.
Quand on se penche sur les idées des sionistes [...], on découvre qu'ils
croient en la pureté de la race juive, comme Hitler croyait en la pureté de

1. Ibid.
la race aryenne ; et que leur mouvement appelle à [...] la solution décisive
du « problème juif » en Europe par le biais de l'émigration en Palestine.
Hitler lui aussi y appela [à la solution du problème juif] et la mena à bien.
Le mouvement sioniste considère que l'antisémitisme est la cause
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fondamentale de l'émigration des Juifs, ce qui veut dire que si
l'antisémitisme n'existait pas, il aurait fallu l'inventer, et que quand cette
flamme s'éteint, il faut la ranimer [...]. Ces idées autorisent les racistes du
monde entier, en particulier Hitler et les nazis, à accorder aux Juifs le
traitement de leur choix, du moment que cela permet l'émigration en
Palestine [...].
« Quand des différends surgissent entre voleurs, le vol est découvert », dit
un proverbe arabe [...]. C'est ce qui s'est passé avec le mouvement
sioniste. Quand le Parti travailliste gouvernait Israël, il refusa d'accorder
leur part aux révisionnistes1, qui commencèrent à révéler la vérité et à
déchirer le voile du mensonge. Cependant, dans le feu de la discussion sur
le rôle des travaillistes [dans le complot avec les nazis], les révisionnistes
ont oublié de parler de leur rôle, qui n'était pas différent de celui des
autres. Un troisième camp est apparu, qui a révélé les véritables positions
des uns et des autres 2.
Quand on nie la Shoah ou qu'on minimise ses horreurs, quand on
accuse les sionistes d'avoir comploté avec les nazis contre le peuple juif,
on en arrive vite à défendre Hitler devant le « tort causé » par les Juifs et
leurs partisans. À la suite des protestations émises par les Occidentaux et
les Israéliens auprès du gouvernement égyptien au sujet du soutien incon-
ditionnel souvent accordé à Hitler dans la presse égyptienne et arabe en
général3, le quotidien gouvernemental Al-Akhbar modéra quelque temps
ses attaques mais ne put dissimuler longtemps sa fascination pour Hitler. Il
revint rapidement sur la question par l'intermédiaire d'un religieux de
l'université Al-Azhar, Mahmoud Kadr, dont la contribution était intitulée :
« En défense de Hitler ». Celui-ci en profita pour attaquer non seulement
Israël et les Juifs, mais aussi l'Occident honni :

Hitler et un grand nombre de ses ministres se sont suicidés pour ne pas être
obligés de voir l'expression du visage du vieux singe Churchill et du gros
ours Staline lorsqu'on les condamnerait à mort sans que personne les
défende [...]. Chacun d'eux avait le droit d'être défendu [...] mais les

1. NDLR : Il s'agit évidemment ici du mouvement sioniste révisionniste fondé par


V. Z. Jabotinsky en 1925.
2. Ibid.
3. Voir R. Israeli, Peace is in the Eye..., p. 33-34, p. 231, p. 326 et passim.
exécuteurs d'Hitler supprimèrent ce droit et lui attribuèrent à la fois des
crimes qu'il avait commis et d'autres qu'il n'avait pas commis [...]. Je ne
sais pas ce qui serait arrivé à Churchill, à Roosevelt et à de Gaulle si Hitler
avait gagné la guerre. Peut-être les crimes pour lesquels ils méritent la
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peine de mort auraient-ils été bien pires que tout ce qu'a fait Hitler [...].
Mais tous les délits et tous les crimes de Hitler ont été oubliés, à l'exception
d'un seul, qui a été exagéré et artificiellement amplifié par les soins du
sionisme mondial de façon à entretenir le feu. La raison de cette politique,
c'est que les fils de Jacob avaient le besoin d'extorquer de l'argent à
l'Allemagne et de grignoter ses ressources. Il est incroyable que les
Occidentaux, auxquels est reconnue la liberté de penser, d'accepter ou de
nier n'importe quoi, y compris l'existence des prophètes d'Allah, soient
incapables de se poser la « question juive », ou plus précisément celle du
faux Holocauste, dont ils ont exagéré l'importance et le nombre de victimes,
jusqu ’à parler de la destruction impitoyable de six millions de Juifs, éliminés
uniquement parce que Hitler voyait en eux une race inférieure indigne de
vivre aux côtés de la race germanique, qui devait gouverner le monde [...].
Toute personne qui aborde ce sujet est accusée des choses les plus
épouvantables et est traînée devant les tribunaux occidentaux pour
antisémitisme [...] pour deux raisons : la première, c'est la mainmise des
sionistes sur la pensée dans le monde et la force de l'oppression
idéologique exercée par l'appareil de propagande sioniste dans les pays
occidentaux. Personne ne peut s'opposer à cette oppression, de peur
d'aller en prison ou de voir ses ressources ou sa réputation menacées [...].
La seconde, c'est la crainte que les mensonges du sionisme ne soient
dévoilés si la question de l'Holocauste était étudiée à partir des faits et si
l'on tirait les conclusions logiques de cette étude.
Le premier point discutable est le nombre de six millions de Juifs brûlés [sic]
dans les chambres à gaz. Avaient-ils des familles, des enfants qui exigèrent
des compensations, ou le sionisme s'est-il considéré lui-même comme leur
seul héritier ? En supposant que chaque individu avait en moyenne une
famille de cinq personnes, cela porterait le nombre de Juifs concernés à
trente millions. Il est incontestable que de nombreux Juifs se sont enfuis avant
le naufrage et que beaucoup d'entre eux ont survécu malgré la prétendue
extermination et les fours. Cela signifie que le nombre de Juifs en Allemagne
aurait été de soixante millions, alors que les Allemands n'ont jamais été aussi
nombreux [...]. Même si nous enlevions un zéro à ce nombre de 6 millions et
si nous le divisions par dix, le chiffre de 600 000 victimes semblerait encore
exagéré et mériterait de faire l'objet d'enquêtes approfondies [...] 1.

1. Al-Akhbar, 27 mai 2001. Cf. MEMRI, Dépêche spéciale n° 231, 20 juin 2001.
Il est difficile d'imaginer que l'auteur cité ignorait les chiffres de la
population allemande pendant la guerre, ou ne savait pas que la plupart des
Juifs victimes de l'extermination étaient non de nationalité allemande mais
citoyens de Pologne, des États baltes ou de l'URSS. Il savait sans doute
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aussi que, les Juifs ayant souvent été exterminés par familles entières,
représentant trois générations, ils ne laissaient pas d'héritiers. Toutes ces
manipulations atroces de chiffres ne tiennent pas debout. Elles sont
empruntées aux livres des négateurs de la Shoah et n'ont d'autre but que
d'en minimiser l'importance et d'accuser les Juifs d'avoir artificiellement
gonflé les chiffres. La suite logique de leur raisonnement serait de dire que
Hitler n'avait aucune raison d'exterminer un aussi grand nombre de Juifs,
et qu'en conséquence il ne l'a pas fait. Mais les négateurs de la Shoah, y
compris les Arabes et les musulmans, se trouvent pris dans une
contradiction : d'un côté, ils minimisent le nombre de victimes pour faire
du massacre un simple « détail », comme dirait Jean-Marie Le Pen ; de
l'autre, ils expliquent et exagèrent la menace que les Juifs auraient repré-
sentée pour les Allemands, rendant leur élimination nécessaire. L'islamiste
égyptien de l'université Al-Azhar tombe dans la même contradiction
quand il entreprend de justifier le meurtre de masse dont il a commencé par
nier la réalité :

Personne ne peut demander pourquoi Hitler a châtié les Juifs. La raison


de ce châtiment n'a rien à voir avec ce qu'on appelle l'antisémitisme. Si
Hitler était antisémite, pourquoi n'en a-t-on parlé qu'après le
déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ? Dans la période au cours
de laquelle Hitler a construit l'Allemagne et l'a préparée à la guerre pour
regagner ce qu'elle avait perdu après la Première Guerre mondiale, il
aurait pu expulser cette race indésirable d'Allemagne et la planter en
Afrique du Sud ou n'importe où dans le monde. Hitler a-t-il attaqué les
Juifs, ou leur crime méritait-il pire encore ?
Les sionistes ont constitué une cinquième colonne en Allemagne, ils ont
trahi le pays qui les avait accueillis pour transformer leurs aspirations en
réalité. Cela devait être révélé, et en effet Hitler a découvert que les
sionistes étaient des espions au service des puissances alliées.
Inévitablement, il est devenu furieux et leur a fait payer leur grande
trahison. Les sionistes et les puissances alliées avaient les uns et les autres
intérêt à ce que cela reste secret, de façon à ce que l'on ne sache pas que
les sionistes avaient été châtiés en raison de l'aide qu'ils avaient apportée
aux puissances alliées, de leur trahison, et du coup de poignard dans le dos
qu'ils avaient assené à Hitler.
Même l'Allemagne [d'après-guerre] et le gouvernement formé par les
puissances alliées n'ont pas pu dire la vérité, alors qu'ils la connaissaient,
parce que le pays était sous influence alliée et parce que les pays vaincus
doivent payer. C'est ainsi que les sionistes se sont emparés du sujet en
Europe et aux États-Unis, et ont aisément fait adopter des lois permettant
de juger toute personne désireuse d'aborder cette question. Les historiens
eux-mêmes peuvent faire des recherches sur n'importe quel sujet, à
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l'exception de ce sujet tabou. De plus, l'influence de l'oppression sioniste
a atteint certains pays arabes, qui ont empêché la tenue de deux
conférences d'historiens qui voulaient étudier cette question et faire
connaître la vérité. Cette conférence a été repoussée à plusieurs reprises,
mais certains des plus grands journalistes d'Égypte ont promis de
l'accueillir, et nous espérons qu'elle parviendra à dévoiler les secrets qui
entourent cette question.
Nous dénonçons la discrimination raciale et la persécution de toute
personne pour des raisons de religion, de race, de couleur, où que ce soit
dans le monde. Ceux qui poussent des cris au sujet de fausses persécutions
qui se seraient déroulées il y a un demi-siècle ne doivent pas ignorer la
persécution que subissent des personnes qui ont été chassées de leurs
maisons et de leurs terres et dont les biens ont été confisqués. Ils ne
devraient pas commettre contre d'autres les crimes dont ils prétendent
avoir été victimes [...]. De la même façon, l'Allemagne devrait verser des
compensations aux victimes des mines qui ont été posées dans le désert de
l'Ouest [de l'Égypte] et des indemnités pour les terres qu'il a été
impossible de toucher pendant un demi-siècle à cause de ces mines, avant
d'indemniser les victimes de crimes imaginaires dont la réalité ne se fonde
que sur des allégations mensongères et fallacieuses [...] 1.

1. Ibid. Pour une version plus complète de cet article, Cf. dans ce numéro « Un journal
gouvernemental en faveur d'Hitler ».

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