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Ouverture : La problématique de l'encyclique Fides et ratio

François Bousquet
Dans Transversalités 2009/2 (N° 110), pages 17 à 21
Éditions Institut Catholique de Paris
ISSN 1286-9449
DOI 10.3917/trans.110.0017
© Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 02/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 212.81.209.60)

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Transversalités, avril-juin 2009, n° 110, p. 17-21

OUVERTURE
LA PROBLÉMATIQUE DE L’ENCYCLIQUE
FIDES ET RATIO
François BOUSQUET
Vice-Recteur à la Recherche, Directeur de l’École doctorale

Mesdames, Messieurs, chers collègues, chers étudiants, chers amis,

Je me réjouis d’avoir à ouvrir en tant que Vice-Recteur à la Recherche


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et Directeur de l’École doctorale ce colloque du 10e anniversaire de l’ency-
clique Fides et ratio. Nous allons vivre un grand moment universitaire,
d’intelligence ecclésiale, de réflexion et d’échange sur une parole qui ne
s’adresse pas seulement à l’intérieur de l’Église, mais au monde, à toute
pensée qui cherche le vrai, le juste, le bien de nos sociétés comme de nos
destins particuliers.

Enjeux du colloque
Il y a dix ans déjà était publiée par le pape Jean-Paul II l’encyclique
Fides et ratio, dont l’impact fut considérable. Les deux Facultés de
Philosophie et de Théologie de l’Institut Catholique de Paris, en partena-
riat avec la Faculté Notre-Dame, ont voulu célébrer l’événement, avec le
soutien du Vice-Rectorat à la Recherche et de l’École doctorale. Je salue
les deux doyens, M. Hubert Faes et le P. Philippe Bordeyne, ainsi que le
Doyen de la Faculté Notre-Dame. Merci à vous, enseignants, étudiants,
membres d’autres institutions universitaires, et à tous les participants amis,
d’être venus si nombreux. Je voudrais remercier particulièrement le
professeur Philippe Capelle et le professeur Vincent Holzer, respecti-
vement Directeur des Études doctorales de la Faculté de Philosophie et de
la Faculté de Théologie, pour avoir été les maîtres d’œuvre, auxquels les

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DOSSIER

soucis n’ont pas manqué, de cette journée. Je voudrais aussi marquer la


continuité de notre travail commun dans ce champ de la foi et de la raison,
en soulignant deux événements marquants : d’abord en mars 2004, le
colloque conjoint entre les deux Facultés sur « l’intelligence de la foi dans
les rationalités contemporaines », publié depuis sous le titre Dieu et la
raison ; puis la célébration en novembre 2006 des dix ans de la collection
Philosophie & Théologie, dont chacun sait la qualité et le succès.
Une conviction forte nous anime : la réflexion sur le rapport entre foi et
raison est aujourd’hui décisive à plus d’un titre, les contributions des
intervenants y reviendront avec l’ampleur requise. J’ajouterai cependant
un point qui personnellement m’a toujours émerveillé, à savoir que l’alté-
rité entre foi et raison, qui rend leur dialogue nécessaire, et qui prend
institutionnellement la forme d’une altérité consistante dans un dialogue
incessant entre les Facultés de Philosophie et Théologie, renvoie à un
dialogue interne, cette fois (comme le dialogue interreligieux, si je puis me
permettre, renvoie à un dialogue intrareligieux qui traverse chacun). La
raison en effet est dialogue interne en elle-même, entre la quête de rationa-
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lité et d’un discours réglé, qui élève l’expérience à l’universel par la
médiation du langage et de la parole échangée, et l’étonnement vivace
devant la source inépuisable que recèle en elle-même la recherche de la
vérité. Tandis que la foi, que la théologie réfléchit dans la culture, ne
saurait elle aussi, ne fût-ce que pour être partagée, séparer son point de
départ qui n’est pas seulement étonnement, mais admiration ou adoration,
de la quête d’intelligence, ou de comprendre ce que l’on croit. Le mystère
n’est pas ce qui arrête la pensée, mais ce qui nous donnera toujours plus à
penser, et à vivre.
Le projet de notre colloque a vivement intéressé le Conseil Pontifical
de la Culture et son Président, Mgr Ravasi. Celui-ci nous a envoyé spécia-
lement le P. Laurent Mazas, membre de ce Conseil, porteur d’un message
destiné à notre auditoire, que je salue fraternellement.
Avant d’évoquer la problématique de l’encyclique comme telle, je veux
vous prier d’excuser le professeur David Tracy, à qui son médecin a
interdit de franchir l’Atlantique en raison d’un sérieux problème de santé.
Il nous a envoyé sa contribution, que Transversalités, avec les conférences
majeures de ce jour, s’est engagé à publier. Je remercie en même temps et
vivement le professeur Jean-Yves Lacoste d’avoir accepté, au pied levé, de
nous donner une conférence cet après-midi.

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LA PROBLÉMATIQUE DE L’ENCYCLIQUE FIDES ET RATIO

La problématique de l’Encyclique
Comment présenter très brièvement la problématique de l’encyclique
Fides et ratio, publiée le 14 septembre 1998 ? La réponse consistera en un
rappel « apéritif ». On ne parlera ni des circonstances de la rédaction, ni de
la réception, même si cette réception a suscité une littérature importante.
S’il fallait une mention bibliographique appropriée à ce que nous sommes
en train de faire, on pourrait volontiers citer l’article superbe, paru dans
Esprit en octobre 2004, écrit en commun par Henri-Jérôme Gagey et
Philippe Capelle, cosigné par les doyens des Facultés canoniques de
France, et intitulé Une tradition universitaire de rencontre entre foi et
raison.

Le mouvement de l’Encyclique pourrait être décrit ainsi.


Le prologue donne le ton, en reprenant l’image classique des deux ailes
de la foi et de la raison pour aller à Dieu. « La foi et la raison sont comme
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les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contem-
plation de la vérité. C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de
connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le
connaissant et L’aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même. »
L’introduction (§ 1-6), en méditant sur l’impératif « connais-toi toi-
même », conduit à une dimension universelle, avec la quête de la vérité.
L’Église comprend aussi sa tâche comme étant apte à répondre à cette
recherche. Il est beau, d’une part, de poster la théologie en diaconie de la
vérité, c’est-à-dire en position de service et non de maîtrise ; et d’autre
part, (le thème et le souci étant passés d’ailleurs de Jean-Paul II à Benoît
XVI), de souligner que la manière dont la foi tient à la vérité vient en
quelque sorte combattre le manque de confiance en elle-même que peut
avoir la raison en matière de vérité.
Le chapitre 1 (§ 7-15), sur la révélation de la sagesse de Dieu, déploie
tout ce qu’il peut y avoir d’éclairant dans cette intime conviction, plus :
dans la certitude constitutive de la foi, que la vérité s’est dévoilée. Avec
deux insistances : dévoilée, mais comme mystère, un mystère, au sens
technique du mot, qui paradoxalement et du même mouvement est inépui-
sable et source de cohérence ; par ailleurs instaurant ainsi un rapport entre
foi et raison qui d’aucune manière n’est violence.

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DOSSIER

Le chapitre 2 (§ 16-23), credo ut intelligam, « je crois pour


comprendre », réintroduit dans notre culture quelque peu oublieuse de sa
tradition longue une corrélation entre la sagesse et la foi comme source
d’intelligence, qui, d’une part, ne réduit pas la sagesse à un niveau pratico-
pratique de recettes empiriques pour la gouverne de nos saisons et de nos
jours, et, d’autre part, combat le préjugé tenace d’une foi forgée d’irra-
tionnel et facteur d’obscurantisme. En même temps, il me semble que le
second point d’attention dans ce chapitre est la distinction que les croyants
peuvent faire entre sagesse païenne et sagesse issue de l’irruption de la
Parole de Dieu au cœur même de notre histoire. En effet, et cela est au
maximum en la personne du Christ Jésus, s’instaure alors une sorte de
rupture épistémologique, si je puis ainsi commenter librement le texte :
après lui, plus rien ne peut être pensé comme avant : ni la terre, ni la Loi,
ni le culte, ni le Temple, ni l’amour, ni Dieu, ni l’homme lui-même.
Mais le chapitre 3, intelligo ut credam, « je comprends pour croire » (§ 24-
35), ne laisse pas s’instaurer une mauvaise asymétrie. La vérité s’est dévoilée,
non pour contraindre l’esprit, mais pour être recherchée au même titre que la
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liberté motrice de l’intelligence. On relèvera ce qui échappe trop souvent au
lecteur inattentif: la révélation elle-même ne se présente pas comme réponse
toute faite ou prédéterminée, mais initialement comme question : la vie
a-t-elle un sens? Quel est son but? Et la suite des paragraphes présente
merveilleusement les divers visages de la vérité de l’homme.
Je n’insisterai pas sur le chapitre 4 (§ 36-48), qui présente à sa manière
l’histoire des « rapports entre la foi et la raison » en trois vagues : les
différentes étapes de l’apprivoisement puis des noces entre christianisme et
philosophie (sans oublier que comme toute histoire d’amour elle a aussi
ses ruptures et ses disputes (dans un article d’Esprit et Vie, Philippe
Capelle parlait, entre philosophie et théologie, d’une « histoire
tourmentée », avant d’en décrire la nouvelle géographie). Puis, seconde
vague, un éloge de la nouveauté durable du geste intellectuel de saint
Thomas d’Aquin ; enfin, troisième vague, le drame que représente pour
l’époque moderne et contemporaine la séparation de la raison et de la foi.
Du chapitre 5 (§ 49-63), sur les interventions du Magistère dans le
domaine philosophique, on retiendra l’intérêt de l’Église pour la philoso-
phie. Je me souviens moi-même de mon étonnement en lisant Dei Filius,
de Vatican I, énoncer que nous devons tenir dans la foi à l’autorité de la
raison ! Combattre la tentation rationaliste ne doit pas faire tomber dans le

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LA PROBLÉMATIQUE DE L’ENCYCLIQUE FIDES ET RATIO

piège qui amoindrirait la possibilité et l’existence de fait d’une connais-


sance « naturelle » de Dieu…
Le chapitre 6 et dernier (§ 64-98) relève alors des points d’attention
particuliers, dans le contexte actuel : d’abord la crise du sens, puis
l’exigence pour la théologie d’un langage clair et fort, l’attention à porter
aux cultures enfin. Je n’entrerai pas plus avant dans la détermination des
problèmes plus techniques engagés dans ce magnifique chapitre, par
exemple le rapport entre le signifié et la vérité, ou la validité des concep-
tualités engagées dans l’effort pour dire la foi, la rendre intelligible à tous.
Ce propos est à la fois trop long et trop court : son but majeur est de
mettre en appétit pour les contributions qui vont suivre.

François BOUSQUET
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