Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Anne Cauquelin
2013/1 16 | pages 73 à 78
ISSN 1298-6216
ISBN 9782859447717
DOI 10.3917/hyp.121.0073
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-hypotheses-2013-1-page-73.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Le fréquentatif
À partir de ces travaux, commence à se préciser une certaine conception
de l’habiter qui intègre la matérialité de l’habitation (disposition, forme,
emplacement, circulation intérieure et extérieure, aménagements, inscrip-
tion dans une époque et un style) et l’immatérialité des rapports entretenus
entre habitants et habitation. Revenant sur le projet des quatre chercheurs,
on peut comprendre à la lecture de leurs analyses, que le véritable enjeu
– révélé in fine comme celui qui a été poursuivi – est de comprendre l’ha-
biter non comme un concept à portée universelle, attribut essentiel de
l’humain en tant qu’humain à la manière heideggérienne, mais selon le
mode conditionnel et conjecturel du fréquentatif.
La fréquentation (d’un espace, rue quartier ou ensemble de logements)
est un élément nécessaire, fondamental pour saisir ce que signifie habiter1.
© Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 25/04/2022 sur www.cairn.info (IP: 109.130.206.247)
1. Ainsi peut-on parler, par exemple d’« habiter les aéroports ». Voir A. Urlberger,
abiter les aéroports. Paradoxes d‘une nouvelle urbanité, Genève, 2012 ; également A. Cau-
H
quelin, « Habiter la peinture Toscane », Habiter les paysages, 176 (déc. 2008‑janv. 2009),
p. 31 [En ligne : http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/ac-dic/documents/176_part2.pdf ].
76 ANNE CAUQUELIN
Le lieu propre
Joachim du Bellay, étant à Rome n’y habitait pas, cependant ; il habitait
en réalité son pays angevin qui lui était « une province et beaucoup davan-
tage ». Nous devrions exploiter davantage cet oikos, (maison), qui se décline
de plusieurs façons : oikos renvoie en effet à se loger ou loger quelqu’un,
résider, être chez soi ; et, en ce qui concerne notre propos ici, topos oikeion,
lieu propre, désigne le lieu qui convient, le lieu naturel. Un lieu attaché à
un sujet, qu’il soit animal végétal ou humain.
Si je fais appel ici à ce topos oikeion, c’est qu’il traverse et nourrit, tout
à la fois la biologie, la physique, la politique et l’économie. Chez Aristote,
tout d’abord, mais aussi, et sans que nous le sachions vraiment, parce qu’il
régit notre attitude concernant l’habiter, qu’il s’agisse d’habiter un logement,
une maison, un quartier ou la cité.
En biologie, ce que nous appelons milieu naturel ou écosystème n’est autre
que ce topos, ce lieu naturellement et donc nécessairement lié à son occupant.
Ainsi voit-on dans le traité des Parties des animaux nombre de passages savou-
reux liant l’éléphant aux marécages et l’âne indien au rocher… le premier car
s’il a une trompe, c’est pour respirer quand il est dans l’eau, à la manière des
© Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 25/04/2022 sur www.cairn.info (IP: 109.130.206.247)
5. « On fera cinq mille quarante lots et on coupera chaque lot […] ». Platon, Les Lois,
Livre V, XIV.
78 ANNE CAUQUELIN
6. Politeia désigne aussi bien la constitution telle quelle s’inscrit dans les lois que l’atti-
tude de vie qui caractérise la vie dans une cité.