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Spatialiser la
pratique médicale dans l’Athènes classique
Hélène Castelli
Dans Dialogues d'histoire ancienne 2023/Supplément27 (S 27), pages 191 à 215
Éditions Presses universitaires de Franche-Comté
ISSN 0755-7256
DOI 10.3917/dha.hs27.0191
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Hélène Castelli
ORCID : 0000-0002-6987-6997
Membre associé au laboratoire ANHIMA, UMR 8210, France
Helene.castelli@univ-paris1.fr
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son cabinet en début de traité, pour autant personne n’a jamais formulé d’hypothèse
de localisation.
Le second intérêt de cette enquête est d’essayer de situer les activités liées au soin
à l’échelle de la cité. Les circulations des médecins à l’échelle de monde méditerranéen
sont connues : Hérodote évoquait déjà Démocédès de Crotone4, les auteurs des
Épidémies évoquent les cités de Grèce du Nord où ils séjournent. Natacha Massar, dans
son ouvrage sur les médecins de l’époque hellénistique, étudie les médecins itinérants,
plus nombreux encore à cette époque, et explique que les praticiens évoluaient dans
toute une région durant leur carrière, conformément aux réseaux d’échanges entre les
poleis5. Pour les médecins hellénistiques, concourir à des postes de médecins publics
et être recruté dans une autre cité que la sienne générait prestige social, renommée et
revenus importants6. Si ces mobilités de médecins, couplées à celles d’autres travailleurs
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4
Hérodote, III, 131-138.
5
Massar 2005, p. 285.
6
Massar 2005, p. 286-287.
7
Pour des exemples athéniens de résidus laissés par les ateliers, voir Sanidas 2013 : p. 42-60 pour
les forges aux résidus de bronze, p. 69-102 pour les ateliers de céramiques dans lesquels on retrouve des
fragments de vases et les outils nécessaires, p. 103-105 pour des ateliers textiles, notamment identifiables
aux pesons et aux résidus de tissus.
8
Xénophon, Économique, VII, 37.
9
Par exemple Sineux 2016.
10
Comme celui de Pausanias, II, 27, 3.
Consciente de l’intérêt mais aussi des difficultés posées par cette entreprise,
j’ai l’occasion d’examiner, pour l’Athènes classique, comment les pratiques de soin
s’inscrivent dans l’espace. Dans les deux premières parties, j’examinerai les sources
d’époque classique concernant les lieux de la pratique médicale dans le monde grec :
d’abord le cabinet médical (I), puis les domiciles des particuliers que le médecin
visite (II). Enfin, j’essaierai de dégager quels éléments peuvent nous permettre d’inscrire
le soin dans l’espace spécifiquement athénien (III).
daté de l’époque hellénistique18. Il reprend les mêmes thématiques et donne des conseils
similaires en matière d’aménagement du local, de disposition des instruments et des
bandages. Les préceptes moraux qui y sont aussi développés rappellent ceux d’écrits
plus anciens, comme le Serment. Cette proximité en fait un ouvrage éclairant en ce qui
concerne la pratique médicale d’époque classique et les Hippocratisants s’accordent
sur le fait que les injonctions données étaient également valables à la période qui nous
intéresse19. Deux autres traités hippocratiques mentionnent un iatreion sans le décrire :
Épidémies I (1, 1, l. 25) et De l’usage des liquides (1, 1 Joly).
Pour l’époque classique, nous trouvons des mentions de cabinets médicaux chez
des auteurs non médecins : Platon, Eschine ou Xénophon évoquent de tels lieux20. De
même, on en retrouve dans des inscriptions concernant l’exercice des médecins publics,
par lesquelles nous savons que l’activité qui s’y pratiquait était rémunérée : mais ces
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18
Jouanna 2017, p. 567-568 ; Craik 2015, p. 165.
19
Nissen 2010, p. 123.
20
Platon, Lois, I, 646c et 6, 720c ; Eschine, Contre Timarque, 124 ; également Xénophon, Helléniques,
II, 1, 3.
21
Nissen 2010, p. 119-120.
22
Voir plus bas la restitution de son décor p. 199 et une de ses faces p. 195
23
Dasen 2011, p. 10.
Figure 1 : Aryballe du Peintre de la Clinique conservée au Louvre (inv. CA 1989-CA 2183). Hauteur : 8,8 cm ; diamètre : 8,6 cm.
Crédits/source : 2011 RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Stéphane Maréchalle. Permalien : https://collections.louvre.fr/
ark:/53355/cl010250724.
passages concernés par ce thème dans De l’officine du médecin24. Sur l’aryballe du peintre
de la Clinique, deux des patients de la salle d’attente arborent d’ailleurs un bandage
cruciforme mis en valeur par un rehaut blanc25, l’un au mollet, l’autre au bras. Le vase
montre le médecin s’apprêtant à pratiquer une saignée sur un patient qui lui tend le bras.
En effet, les incisions thérapeutiques, abondamment évoquées dans les traités comme
l’un des gestes les plus pratiqués par les médecins, pouvaient être réalisées au iatreion.
En outre, dans les Helléniques, Xénophon indique un cas d’affection oculaire traité dans
le cabinet médical de Chios26. Le traité hippocratique Du médecin évoque également
les yeux affaiblis des patients, qu’une clarté trop intense pourrait affecter encore
davantage27. On y soignait donc les pathologies oculaires. Enfin, dans les Lois, Platon
évoque le fait que certains vont au iatreion pour boire des potions (pharmakoposia)28.
En bref, en l’absence d’hôpital à l’époque classique, le iatreion faisait figure de lieu
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24
Dans le traité De l’officine du médecin qui comprend vingt-cinq parties, les parties 7 à 25 sont
consacrées aux bandages et dispositifs de réduction des luxations et fractures.
25
Visible en 1906 (voir Pottier 1906, p. 152) mais plus aujourd’hui : Dasen 2016, p. 12.
26
Xénophon, Helléniques, II, 1, 3.
27
Hippocrate, Du médecin, II, invite à éviter au cabinet πάντως μὲν οὖν τοιαύτην τὴν αὐγὴν μάλιστα
φευκτέον, δι’ἣν ξυμβαίνει τοὺς ὀφθαλμοὺς νοσέειν, « Par-dessus tout, il faut fuir cette clarté par laquelle il
arrive aux yeux de devenir malades » (Littré IX, p. 207) […] πᾶσα δ’ἱκανὴ πρόφασις ἀσθενέοντας ὀφθαλμοὺς
ἐπιταράξαι, « Et toute cause suffit pour troubler des yeux faibles » (Littré IX, p. 209).
28
Platon, Les lois, I, 646c.
29
Nissen 2010, p. 125.
30
Galien, Commentaire à l’Officine du médecin d’Hippocrate, I, 8 (Kühn XVIIIb, 678).
Δεῖ δὲ πρῶτον μὲν τόπον ἔχειν οἰκεῖον, ἔσται δὲ τοῦτο ἐὰν μήτε πνεῦμα ἐς αὐτὸν παραγινόμενον
ἐνοχλῇ μήθ’ἥλιος ἢ αὐγὴ λυπέῃ31
D’abord il faut avoir un lieu commode ; et il y aura commodité si le vent n’y pénètre ni ne
gêne, si le soleil ou l’éclat du jour ne causent du malaise32
Le lieu choisi par le médecin pour abriter son cabinet devait donc être
oikeion. Littré traduit ce terme par « commode ». Cet adjectif signifie littéralement
« domestique », « de la maison », « familier »33. Le seul espace composant le
iatreion dont parlent les auteurs de traités médicaux est la pièce qui sert à l’examen et
aux opérations, puisque c’est dans cette pièce qu’ils vont pouvoir exercer leur savoir-
faire. Cet espace, peut-être une pièce séparée, est décrit dans De l’officine du médecin : il
requérait suffisamment de place pour que tiennent ensemble, au minimum, le médecin,
son patient sur la table d’opération ou sur un siège, un ou deux assistants, un ou
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31
Hippocrate, Du médecin, II, l. 4-6.
32
Littré IX, p. 207.
33
Chantraine 2009, p. 754.
34
Παρὰ τὸ ἐργαζόμενον δὲ τοῦ σώματος. Hippocrate, De l’officine du médecin, V, l. 1-3.
35
Sur les images, la ventouse constitue un attribut du médecin depuis le ve siècle avant notre ère. On
en aperçoit également deux sur une stèle funéraire originaire d’Asie mineure et datée d’environ 500 avant
notre ère qui représente un médecin et son patient (Bâle, Antikenmuseum, inv. n° BS 236, à voir dans
Dasen 2011, p. 8). Massar 2015, p. 20, explique que le choix de cet objet par les imagiers est peut-être lié
à sa forme aisément reconnaissable et son caractère moins menançant que d’autres instruments médicaux,
comme le scalpel.
τῷ χειριζομένῳ, πλὴν ὥστε μὴ ἐπισκοτάζειν· οὕτω γὰρ ἂν ὁ μὲν δρῶν ὁρῴη, τὸ δὲ χειριζόμενον
οὐχ ὁρῷτο36.
De la lumière, il y a deux espèces : la lumière commune, la lumière artificielle. La lumière
commune n’est pas à notre disposition ; la lumière artificielle est à notre disposition. On
se sert de chacune de deux façons, ou en face, ou de côté. De côté, l’usage en est restreint,
et le degré d’obliquité se détermine sans difficulté. Quant à la lumière de face, il faut
tourner, vers la plus vive des lumières présentes, si elle est la plus utile pour le cas actuel, la
partie sur laquelle on opère ; mais, quand il s’agit d’une partie qu’il faut cacher ou que la
décence ne permet pas de montrer, elle doit être placée en face de la lumière, l’opérateur
doit se mettre en face de l’opéré, sans cependant se faire ombre à lui-même ; de cette façon,
l’opérateur verra, et la partie opérée ne sera pas vue37.
36
Hippocrate, De l’officine du médecin, III.
37
Littré III, p. 279-281.
38
Damas 2012, p. 24.
39
Voir note 29.
40
Des torches selon Jouanna 2017, p. 126 ; des torches ou des lampes à huile selon Damas 2012, p. 26,
qui invite à prendre en compte le dégagement de chaleur de ces dispositifs.
43
Dasen 2011, p. 10 fait le même constat.
44
Marrou 1965, p. 63.
45
Comme cadeau dans le cadre homoérotique, voir Reshetnikova 2019. Pour Samama 2003, il est
destiné à payer le médecin en nature. Il y aurait un jeu sur ce présent. Pour Véronique Dasen, il pourrait
être un des assistants du médecin, qui récupère un paiement en nature pour le médecin : Dasen, King 2008,
p. 101 ; Dasen 2011, p. 10 affirme que cela pourrait être un patient qui paye en nature. Il est infibulé, ce qui
montre son statut d’homme libre.
46
Kéi 2022, p. 266-278 montre que la céramique attique à figures rouges intègre la fleur aux
représentations des relations pédérastiques : c’est généralement l’éraste qui tend une fleur à l’éromène dans
une dialectique de don/contre-don amoureux.
47
Dasen 2011, p. 10 : « Sur l’épaule du vase, deux Erotes volants tiennent des couronnes végétales qui
pourraient évoquer les succès du médecin » et 2016, p. 12.
48
Kylix à figures rouges originiare de Vulci (Étrurie) et datée d’environ 500 avant notre ère. Référence :
musée d’État, Berlin, inv. F2278.
Οὗτος γὰρ πάντων μὲν πρῶτον, ἐπειδὴ ἀπηλλάγη ἐκ παίδων, ἐκάθητο ἐν Πειραιεῖ ἐπὶ
τοῦ Εὐθυδίκου ἰατρείου, προφάσει μὲν τῆς τέχνης μαθητής, τῇ δ’ἀληθείᾳ πωλεῖν αὑτὸν
προῃρημένος, ὡς αὐτὸ τοὖργον ἔδειξεν. Ὅσοι μὲν οὖν τῶν ἐμπόρων ἢ τῶν ἄλλων ξένων ἢ τῶν
πολιτῶν τῶν ἡμετέρων κατ’ἐκείνους τοὺς χρόνους ἐχρήσαντο τῷ σώματι Τιμάρχου, ἑκὼν καὶ
τούτους ὑπερϐήσομαι, ἵνα μή τις εἴπῃ ὡς ἄρα λίαν ἅπαντ’ἀκριϐολογοῦμαι49·
Timarque, au sortir de l’enfance, commença par s’établir au Pirée dans la maison de santé
d’Euthydique, sous prétexte d’étudier la médecine ; en réalité, il avait l’intention de se
vendre, comme les faits l’ont prouvé par la suite. À cette époque, en grand nombre, des
marchands, des étrangers, même des citoyens d’Athènes ont obtenu ses faveurs50.
49
Eschine, Contre Timarque, 40.
50
Martin, de Budé 1973, p. 33.
51
La réalité de ces accusations est impossible à prouver : Fisher 2001, p. 169 indique qu’aucun témoignage
n’est produit à ce propos.
52
Fisher 2001, p. 169. Fisher indique qu’Euthydicos, également évoqué par Démosthène, était
certainement un citoyen athénien.
53
Voir le passage cité p. 205.
que les échoppes/ergastèria sont interchangeables. Le glissement qui s’opère n’a rien
d’innocent : à en croire l’auteur, seul un changement d’activité au sein de l’échoppe
différencierait un cabinet médical d’une maison de passe. Même le personnel est le
même : qu’il soit apprenti médecin ou prostitué, c’est toujours Timarque qui officie.
L’aryballe de la Clinique constitue peut-être, de manière humoristique, une critique de
la posture des médecins qui érigent le iatreion en lieu de savoir médical par excellence.
Le vase présente plutôt un lieu de séduction où les hommes patientent avec langueur
pour se faire examiner et soigner par un jeune médecin au profil avantageux. Dès
lors, comment relier ces représentations à d’éventuelles pratiques effectives ? On peut
penser que les salles d’attente des iatreia centraux, à proximité de l’agora, pouvaient
aussi remplir cette fonction de sociabilité entre hommes, partagée avec celle d’autres
commerces (tels que les barbiers et les boutiques54). Le nombre plus restreint de
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Τὰ μὲν οὖν κατ’ἰητρεῖον ἀναγκαῖα ὄργανα, καὶ περὶ ἃ δεῖ τεχνικὸν εἶναι τὸν μανθάνοντα,
ταῦτ’ἐστίν57
Tels sont les instruments nécessaires dans l’officine et au maniement desquels l’élève doit
être exercé58.
54
Voir l’article de L. Fauchier dans ce volume, p. 167-190.
55
Hippocrate, Du médecin, II, l. 3-4.
56
Littré IX, p. 207.
57
Hippocrate, Du médecin, IX, l. 1-2.
58
Littré IX, p. 215 et 216.
Si le cabinet est le lieu privilégié de la formation pratique des apprentis, c’est parce
que les patients qui y viennent souffrent d’affections considérées comme relativement
bénignes telles que celles que nous avons précédemment recensées : ophtalmies, luxations
et fractures. Certains viennent ingérer un médicament ou faire faire une saignée. Dans
tous les cas, les patients sont valides puisqu’ils ont pu se rendre au cabinet. Aucun n’est
en danger de mort. Les jeunes peuvent ainsi se « faire la main » sur eux, sans trop
risquer l’erreur médicale grave. Il n’est pas possible de savoir si les apprentis pouvaient
exercer seuls quand le médecin s’absentait, ou s’ils ne pouvaient s’entraîner que sous sa
supervision. Une autre question se pose concernant les apprentis : habitaient-ils dans
le iatreion, dans le logement du médecin propriétaire des lieux ? Eschine explique par
plusieurs allusions que Timarque n’exerçait pas seulement dans le cabinet d’Euthydicos
mais vivait également avec le médecin, qui connaissait la réalité de ses activités : cela
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Contre Timarque suggère également que certains de ces apprentis pouvaient également
demeurer sur place, mais était-ce le cas si leur relation était purement professionnelle ?
Nous avons dégagé les différentes fonctions du iatreion. Ce lieu n’était cependant
pas le seul où s’exerçait l’art médical : les médecins se déplaçaient régulièrement chez
leurs patients.
Il semble que les maladies bénignes qu’il vient d’évoquer entrent donc dans la
catégorie des maux traités au iatreion. Il ne donne aucun exemple ni nom précis, il ne
présente pas de fiche de malade car il opère une synthèse de ce qu’il a vu en cabinet.
En effet, les personnes atteintes de fièvre légère ou d’une oreille gonflée ont très
certainement pu se rendre au iatreion. Il expose ensuite la maladie plus grave qui a
frappé la population à partir de l’été : la phtisie, affection qui se manifeste par une fièvre
le plus souvent mortelle qui a, dit-il, fait s’aliter celles et ceux qui en souffraient69.
Plus loin, il réalise une première série de fiches de malades pour exposer des cas
précis de gens atteints70. Le cas de ladite « Femme de Philinos » est présenté de la
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La maladie dure ensuite 20 jours et trouve une issue fatale puisque la femme
décède. Le médecin décrit son état au début, puis aux jours 6 (délire), 7 (soif ), 8 (frisson,
fièvre, insomnie), 9 (convulsions), 10, 11 (sommeil mais délire, urines anormales), 14
(retour du délire), 17 (perte de la voix) et 20 (mort). On peut raisonnablement penser
que ces jours correspondent aux visites du médecin. D’ailleurs, au 11e jour, concernant
l’aspect des urines, il note :
67
Hippocrate, Épidémies I, 1, 8.
68
Jouanna 2016, p. 3.
69
Hippocrate, Épidémies I, 2, 1 Jouanna. Symptômes décrits en 3 : fièvres avec frissons (puretoi), sueurs,
refroidissement des extrémités, ventre troublé.
70
Hippocrate, Épidémies I, 27, 1 Jouanna.
71
Hippocrate, Épidémies I, 27, 4 Jouanna.
72
Jouanna 2016, p. 45.
73
Hippocrate, Épidémies I, 27, 4 Jouanna.
74
Jouanna 2016, p. 47.
75
Hippocrate, Épidémies VI, 8, 30 : « Le lendemain j’allais dans sa maison » (Littré V, 354, 13) ;
Épidémies IV, 25 : « Le mari de la femme en couches, celui qui habitait près du gardien du grenier à blé,
l’ictérique, que je visitai au septième jour, mourut le huitième » (Littré V, 166, 5) ; Épidémies V, 53 : « Elle
en était au quatrième jour quand je la visitai » (trad. J. Jouanna, 2000, p. 24-25) ; Prorrhétique, II, 1 (Littré
IX, 6, 7).
76
Aucune source ne l’atteste en tout cas.
77
Hippocrate, Épidémies I, 15, 1.
78
Jouanna 2016, p. 22.
79
Hippocrate, Épidémies I, 15, 2.
80
Jouanna 2016, p. 22.
Pourquoi s’aliter chez autrui ? On peut penser que l’hôpital n’existant pas,
s’installer chez un tiers est parfois le seul moyen pour certains d’être nourris, toilettés
et soignés, tout en demeurant « en observation » sous le regard de quelqu’un
qui convoque le médecin quand la maladie semble s’aggraver ou que de nouveaux
symptômes apparaissent.
Le Contre Conon de Démosthène nous livre une autre possibilité. Le locuteur,
victime d’une agression, témoigne ainsi :
Συνέϐη τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, καὶ Εὐξίθεον τουτονὶ τὸν Χολλῄδην, ὄνθ’ἡμῖν συγγενῆ, καὶ
Μειδίαν μετὰ τούτου ἀπὸ δείπνου ποθὲν ἀπιόντας περιτυχεῖν πλησίον ὄντι μοι τῆς οἰκίας ἤδη,
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Dans ce passage85, le plaignant vient d’être tabassé dans la rue et il est récupéré
par des parents qui jugent plus prudent, vu son état, de le déposer plus près, chez un
certain Midias, où le médecin viendra l’examiner.
81
Hippocrate, Épidémies I, 21, 3.
82
Jouanna 2016, p. 32.
83
Démosthène, Contre Conon, 10.
84
Gernet 1959, p. 105-106.
85
Merci à Nicolas Siron qui me l’a indiqué.
86
Par exemple, les fables 133 et 249.
87
Ésope, Fables, 87.
88
Chambry 2018, p. 41.
89
Le Serment pourrait dater de la fin du ve-début du ive siècle avant notre ère pour Craik 2015, p. 149
et pour Jouanna 2018, p. XXXIX.
90
Hippocrate, Serment, VI.
91
Jouanna 2018, p. 4.
92
Gernet 1957, p. 14-15.
93
Martin, de Budé 1973, p. 16.
94
Démosthène, Contre Apatourios, 18. Pour Fisher 2001, p. 169, ce serait un métèque.
95
Eschine, Contre Timarque, 123-124.
bordent nos rues, celle-ci prend le nom de cabinet médical. Et si, dans ce même endroit,
le médecin étant parti, s’établit un forgeron, le local s’appelle alors forge, ou atelier de
foulon si c’est un foulon qui l’occupe ou atelier de charpentier si c’est un charpentier ;
enfin, quand des prostituées viennent s’installer avec leur patron, la maison prend aussitôt
le nom de mauvais lieu96.
D’après l’accusateur, les locaux abritant différentes échoppes donnant sur rue
– ergastèria – n’ont pas en eux-mêmes une vocation prédéterminée, qui leur vaudrait
d’avoir été conçus de telle ou telle manière d’un point de vue architectural. Au
contraire, ils sont polyvalents et les activités menées en leur sein sont interchangeables :
un forgeron, un foulon ou un tenancier de porneion (« bordel ») peuvent récupérer
l’échoppe dans laquelle exerçait un médecin, et inversement.
Le cabinet médical a des points communs avec la forge et le fouloir. D’abord,
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96
Martin, de Budé 1973, p. 61.
97
Étienne 2004, p. 111.
98
Démosthène, Pour Phormion, 4.
99
Lysias, Contre Ératosthène, 17-20.
100
Démosthène, Contre Aphobos, I, 24.
101
Isée évoque une sunoikia qui était la propriété d’Euktémon de Kephisia, un de ses clients qui reconnaît
devant les juges en avoir fait un porneion : Isée, Succession de Philoctémon, 19.
102
Étienne 2004, p. 111.
103
Étienne 2004, p. 100-102 et 111. Garland 1987, p. 143 indique qu’on n’a retrouvé aucune sunoikia au
Pirée mais qu’elles devaient exister.
104
Garland 1987, p. 143. Il indique p. 145 que des fountain houses ont été installées au Pirée à la fin du ve
siècle (après 430).
105
Garland 1987, p. 142.
fréquentées sont celles qui sont le plus près de l’agora106, l’archéologie a ainsi établi la
présence d’ateliers dans un vaste espace situé au sud-ouest, tout à l’est et au nord-est
de celle-ci107. Il est très possible que des cabinets médicaux se trouvaient également à
proximité, profitant de la fréquentation des rues qui constituaient des axes de circulation
pour les citoyens et les métèques. En outre, une douzaine de maisons ont été fouillées dans
le quartier de l’agora d’Athènes108, considéré comme peu désirable par les classes les plus
aisées. Ce sont des maisons modestes bâties sur des modèles divergents (contrairement
à Olynthe ou au Pirée109) mais toutes constituées de petites pièces donnant sur une
cour centrale. Plusieurs iatreia étaient certainement intégrées à de telles maisons. Ces
iatreia devaient être plus exigus que les importants locaux lumineux, dotés de grandes
ouvertures, décrits ultérieurement par Galien. Barbara Tsakirgis, partant des fouilles
archéologiques de trois maisons/ateliers proches de l’agora, décrit des édifices qui ne
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Conclusion
Au terme de l’enquête, plusieurs éléments se font jour. D’abord, dès la période
classique, les lieux de la pratique médicale font l’objet de discours et d’images, émanant
des principaux intéressés, les médecins, mais aussi du public. Celui-ci fait preuve
d’une certaine agency et ne se soumet pas à l’ordre médical que les auteurs des traités
hippocratiques appelleraient de leurs vœux : l’usage du iatreion peut être détourné en
lieu de sociabilité, voire de rencontres masculines. La possession du iatreion ne semble
pas être porteuse d’un prestige particulier : elle semble faire partie de la pratique
normale de la médecine, couplée avec les visites à domicile. Ces dernières ont lieu chez
les patients ou chez des tiers chez qui ils résident le temps de la maladie. Elles sont
destinées à des patients atteints de lourdes pathologies, la plupart étant en fait des
mourants, même si certains réchappent. Les visites sont régulières, accompagnées de
prise de notes tournées prioritairement vers de l’observation.
106
Lysias, Pour l’invalide, 20.
107
Camp 1986, p. 135-139, évoque des ateliers de poterie, des forges, des ateliers de sculpture, des
tavernes, des cordonniers et des fabriques de chaussures.
108
Tsakirgis 2005, p. 67.
109
Tsakirgis 2005, p. 69.
À Athènes, il faut pour le moment faire le deuil de données précises, à part dans
le cas d’un établissement du Pirée. Les iatreia étaient certainement à la fois partout
et nulle part, à l’image des médecins de l’époque classique, occupés à légitimer et à
consolider leur corps professionnel, soucieux d’être à la fois invisibles car banals et
omniprésents car indispensables. L’activité médicale ne laisse pas de trace après son
passage et il y avait peut-être un important turn-over, d’où nos difficultés à la localiser
précisément. Les axes les plus fréquentés étaient sans doute les lieux les plus prisés pour
installer un cabinet, mais la réputation du praticien jouait aussi dans la constitution
d’un commerce prospère.
Bibliographie
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