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Paysages et Cadastres de l’Antiquité

Chronique 2014
Responsable Monique Clavel-Lévêque , Contributeurs Monique Clavel-Lévêque , Jean Peyras
Dans Dialogues d'histoire ancienne 2014/1 (40/1), pages 181 à 211
Éditions Presses universitaires de Franche-Comté
ISSN 0755-7256
ISBN 9782848674872
DOI 10.3917/dha.401.0181
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Dialogues d’histoire ancienne 40/1-2014, 181-211

Paysages et Cadastres de l’ Antiquité


Chronique 2014

Responsable
Monique Clavel-Lévêque
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Contributeurs
Monique Clavel-Lévêque*, Jean Peyras**

Les études sur les territoires et les sociétés du monde rural, sur leur évolution au
cours de l’ Antiquité, gallo-romaine notamment, se sont considérablement multipliées
au cours des dernières décennies comme tente de l’ évaluer Alain Ferdière dans son Bilan
de 20 ans de recherches sur la Gaule rurale1 accessible en ligne. En 2013, ce mouvement
de réflexion se concrétise dans un volume impressionnant de publications, parmi
lesquelles les Actes de colloques ou ouvrages collectifs, souvent pluridisciplinaires et
diachroniques, privilégiant le temps long, tiennent une place toujours plus large, souvent
liée à la dynamique développée dans le cadre de Programmes Collectifs de Recherches
qui relancent, sur la base de fructueuses collaborations pluridisciplinaires, les recherches
régionales. À quoi viennent s’ ajouter quelques synthèses, thématiques ou régionales,
qui réunissent une moisson imposante de données, inédites ou déjà plus ou moins
connues mais dispersées dans plusieurs revues, bilans archéologiques ou contributions
diverses. Cet aspect, traditionnel, de l’ approche des paysages, de leur histoire et de leur
aménagement, où la Gaule tient une place majeure, se prolonge dans cette chronique
par l’ analyse d’ un texte épigraphique éminemment complexe, considéré ici dans ses
implications en Afrique, mais dont la portée est majeure non seulement pour éclairer
les caractères originaux du statut des cités, des terres et des hommes dans cette province,

* Université de Franche-Comté – ISTA (EA 4011)


* Université de Nantes et ISTA (EA 4011)
1 
Alain Ferdière, 20 ans après… ou les mécomptes de Barcelone, Bilan de 20 ans de recherches sur la Gaule rurale, blog Ager,
en ligne : http://ager.hypotheses.org/, 45 p. + Ann.

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mais aussi pour éclairer la compréhension globale et la souplesse fonctionnelle de la


législation agraire romaine.

I - Anthropisation et gestion des milieux

De fait, c’ est sans doute en matière de paléoenvironnement, de paléobotanique ou


d’ archéozoologie que les avancées, souvent liées aux opérations de grands travaux publics,
autoroutiers ou ferroviaires, sont les plus impressionnantes. Les résultats viennent, de fait,
donner chair aux approches économiques, sociales et démographiques en apportant, par
la taille des emprises concernées et par l’ exploitation des prélèvements grâce aux analyses
réalisées en laboratoires qui apportent des données totalement inédites et des niveaux
de précision inconnus jusqu’ ici pour les sociétés de l’ Antiquité. Autant de résultats
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qui permettent de formuler autrement nos interrogations et de reconsidérer certaines
lectures ou interprétations.
Telle est l’ orientation qu’ ont voulu faire prévaloir Vincent Carpentier et
Philippe Leveau dans leur Archéologie du territoire en France2 dont les trois premiers
chapitres envisagent les espaces « naturels » – cours d’ eau, montagne, littoral – et
les problèmes paléoenvironnementaux dans leurs rapports avec l’ accroissement de la
pression anthropique et l’ aménagement consécutif des territoires3. Classiquement, les
campagnes, avec la part donnée aux parcellaires et aux cadastrations, et les villes, situées
dans la diversité concrète des types, permettent d’ évaluer les grandes périodes de mise en
forme de l’ espace français, profondément marqué par la technologie mise en œuvre dans
de grands équipements hydrauliques. Si l’ on retrouve l’ emblématique cas des moulins de
Barbegal, l’ image choisie pour la couverture ne l’ est pas moins de l’ assèchement médiéval
de l’ étang de Montady-Colombiers, dont le devenir, environnemental et historique,
bénéficie désormais du riche bilan des recherches conduites, dans la diachronie, au sein
du PCR Autour de l’ étang de Montady4.
L’ insistance sur les milieux humides, jusqu’ à l’ intervention attendue de
l’ hydraulique agricole, approchée dans la diachronie, s’ inscrit bien en phase, de fait, avec
le mouvement des recherches, initié depuis quelques années.
2 
Vincent Carpentier, Philippe Leveau, Archéologie du territoire en France. 8 000 ans d’ aménagements, La Découverte/
Inrap, Paris, 2013, 176 p.
3 
L’ approche est complétée par des encadrés consacrés à des études de cas.
4 
Jean-Loup Abbé (dir.), Autour de l’ étang de Montady. Espace, environnement et mise en valeur du milieu humide en
Languedoc, des oppida à nos jours, Rapport bilan 2004-2010 du PCR, 2013.

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L’ intérêt, en effet, ne cesse de croître qui porte globalement sur les zones littorales5,
maritimes ou fluviales, la gestion des bords de l’ eau, l’ anthropisation des milieux riverains6,
incluant progressivement une géographie des risques7.
Si les zones méditerranéennes8, gauloises, hispaniques ou romaine9 occupent une
place de choix dans le rythme des ateliers, colloques et publications, elle est de moins
en moins exclusive10, comme en témoigne l’ avancée des recherches sur les relations
Hommes/Milieu dans les régions atlantiques11.

II - Occupation du sol et aménagement du territoire

L’ archéologie des paysages, dont la formulation terminologique et le concept se


sont récemment encore trouvés au centre de débats12, apporte une masse de résultats
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qui mesure la progression des connaissances, tant sur l’ anthropisation et l’ évolution des
divers milieux, on vient de le voir, sur le peuplement et l’ organisation des espaces ruraux

5 
On pense notamment à Virginie Ropiot, Carole Puig, Florent Mazière (dir.), Les plaines littorales en Méditerranée
nord-occidentale. Regards croisés d’ histoire, d’ archéologie et de géographie de la Protohistoire au Moyen Âge, éditions Monique
Mergoil, Montagnac, 2012, 315 p. ou à Corinne Sanchez, Marie-Pierre Jézégou (dir.), Espaces littoraux et zones portuaires
de Narbonne et sa région dans l’ Antiquité, MAM, 28, Lattes, 2011, 288 p.
6 
Ella Hermon, Anne Watelet, Riparia, Un patrimoine culturel BAR 2014 qui poursuit les réflexions collectives de
l’ atelier de 2012.
7 
C’ est le cas pour les 8e Journées d’ Études organisées à Orléans en avril 2013, Géohistoire des risques et des patrimoines
naturels fluviaux. Des milieux ligériens aux autres espaces fluviaux européens, dont les Actes sont à paraître.
8 
En témoignent les XXXIVe Rencontres Internationales d’ Archéologie et d’ Histoire d’ Antibes, tenues en octobre
2013, Implantations humaines en milieu littoral méditerranéen : facteurs d’ installation et processus d’ appropriation de
l’ espace, de la Préhistoire au Moyen Âge, dont les Actes doivent paraître et l’ aboutissement des recherches de Guenaëlle
Bony, Contraintes et potentialités naturelles de quelques sites portuaires antiques de Méditerranée et de mer Noire (Fréjus,
Ampurias, Kition, Istambul, Orgame), Thèse Université Aix-Marseille, 2013.
9 
Diverses rencontres de l’ École française de Rome en témoignent en 2013, comme le colloque qui a concerné à la fois
les milieux fluviaux et littoraux de la zone romaine ou l’ atelier international qui a porté sur le paysage du Latium antique.
10 
Le numéro spécial de Norois, 2011, 3, consacré à l’ apport de la géoarchéologie dans le nord-ouest de la France,
montre les avancées récentes dans la connaissance du colmatage des marais littoraux et des variations du niveau marin, de
l’ occupation du sol et de l’ évolution es paysages.
11 
Marie-Yvane Daire, Catherine Dupont, Anna Baudry, Cyrille Billard, Jean-Marc Large, Laurent Lespez, Eric Normand,
Chris Scarre, Anciens peuplements littoraux et relations Homme/Milieu sur les côtes de l’Europe atlantique, BAR International
Series 2570, Oxford, 2013.
12 
Vincent Carpentier, Philippe Leveau, Archéologie du territoire en France. 8 000 ans d’ aménagements, op. cit.

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ou la mise en forme des paysages et des parcellaires que sur le développement des grands
secteurs de production ou la structuration économique et politique des territoires.
Les volumes de la Carte archéologique nationale parus en 2013 apportent, dans le
cadre du Pré-inventaire, un stock de données et une masse d’ informations, synthétiques et
largement renouvelées, qui constituent une base solide à la fois pour asseoir de nouvelles
synthèses régionales et pour développer les comparaisons indispensables.
Pour la Picardie, le volume sur la Somme13 a permis à Tahar Ben Redjeb, de
réunir une documentation considérable depuis l’ apport pionnier qu’ ont constitué les
prospections aériennes de Roger Agache dès les années 1960/1970 jusqu’ aux données
récentes dues au suivi des grands travaux du TGV Nord, des autoroutes A 28, A 29, A 16
sur plusieurs centaines de km, encore enrichies par l’ étude d’ emprise du gazoduc Loon
Plage-Cuvilly et par le développement des prospections au sol et des fouilles préventives.
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Le sud-ouest de la Gaule bénéficie en 2013 de deux nouveaux volumes. L’ un
est consacré à Périgueux, mais, même s’ il porte essentiellement sur l’ agglomération, le
territoire de la cité gallo-romaine où la densité d’ occupation du sol se fait plus précise,
avec plus de 150 sites recensés, est saisi dans sa complexité avec la dynamique qui revient
aux agglomérations secondaires, aux activités artisanales et au réseau viaire rural qui
sont désormais mieux cernés14. D’ autant que ce volume est heureusement complété
par l’ ouvrage collectif Quoi de neuf chez les Pétrucores15 qui accompagne l’ exposition
temporaire des résultats de 10 ans de recherche archéologique sur le territoire16.
Quant au volume sur Bordeaux17, qui achève le Préinventaire de l’ Aquitaine, il
apporte une masse d’ informations qui renouvelle largement les connaissances sur la zone
urbaine et périurbaine, en synthétisant les résultats des vingt dernières années marquées
par l’ importance des opérations d’ aménagement.

13 
Tahar Ben Redjeb, La Somme, CAG, 80/2, 2013, 840 p., 1268 fig.
14 
Claudine Girardy-Caillat, Etienne Saliège, Hervé Gaillard (éds.), Périgueux, Carte Archéologique de la Gaule, 24/2,
Paris, 2013.
15 
Anne-Laure Brives, Hervé Gaillard, Claudine Girardy-Caillat, Gwénaëlle Marchet-Legendre, Élisabeth Pénisson,
Mathilde Régeard, Étienne Saliège.
16 
L’ exposition temporaire « Quoi de neuf chez les Pétrucores ? Dix ans d’ archéologie en Périgord gallo-romain »,
12 juillet 2013-2 mars 2014, synthétise 10 ans de recherche archéologique sur le territoire.
17 
Cécile Doulan, Xavier Charpentier (éds.), Bordeaux, Carte Archéologique de la Gaule, 33/2, Paris 2014, 388 p.

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Le territoire des Bituriges Cubes bénéficie pour sa part de l’ ouvrage collectif


Regards croisés sur le Berry ancien : sites, réseaux et territoires18 qui réunit onze
contributions. Elles présentent l’ ensemble des travaux conduits dans une démarche
pluridisciplinaire, au sein du PCR Berry, en prenant en compte l’ évolution d’ un espace
régional sur la longue durée de l’ Antiquité. L’ intérêt est tout particulièrement porté sur
les structures territoriales et les formes d’ occupation du sol qui sont considérées à trois
niveaux – le site, le terroir, le territoire. Quatre contributions suivent le développement
des agglomérations secondaires, dont celles de Chateaumeillant/Mediolanum et de
Néris-les-Bains/Neriomagus/Aquae Nerii19, tandis que deux autres abordent les rapports
entre espace rural et équipement viaire, trois interventions étant consacrées à l’ histoire
du territoire appréhendé à partir d’ aspects précis : sa structuration au cours de l’ âge du
fer20 et pour la cité gallo-romaine, l’ implantation des lieux de culte21 et la circulation
monétaire22. L’ ensemble étant complété par une approche du développement du
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christianisme aux époques tardo-antique et alto-médiévale.
Ce territoire peut être inséré dans une perspective ouverte et désormais complétée,
grâce aux soins de Christian Cribellier et d’ Alain Ferdière23, par la publication des Actes
du colloque d’ Orléans (2004) dont les interventions constituent le second volume
consacré, bien au delà des agglomérations secondaires qui animaient la Gaule centrale et
contribuaient à en structurer les cités, à l’ évolution des formes d’ habitat et aux mutations
qui ont affecté cités et territoires sur la longue durée.
La connaissance de la Gaule intérieure vient, en outre, de s’ enrichir avec la parution
du second tome de l’ensemble concernant les campagnes arvernes, désormais mieux

18 
Publié sous la direction de Cristina Gandini et Laure Laüt, le volume fait l’ objet du supplément 45 de la Revue
Archéologique du Centre de la France.
19 
Joël Courchay, Clémence Champion, « Neriomagus/Aquae Nerii (Néris-les-Bains, Allier) : religion, thermalisme et
artisanat ».
20 
Olivier Buchsenschutz, Christophe Batardy et Aline Bohet, « Approche archéologique des réseaux de peuplement et
centres de pouvoir sur le territoire du Berry à l’ âge du fer ».
21 
Simon Girond, « Sanctuaires, territoire et peuplement : Réflexions sur l’ implantation des lieux de culte dans la cité
biturige ».
22 
Philippe Charnotet, « Approche spatiale et circulation monétaire dans une cité de Gaule romaine ».
23 
Christian Cribellier, Alain Ferdière (dir.), Agglomérations secondaires antiques en Région Centre, 2, Tours 2012,
187 p., Supplément 42 de la Revue Archéologique du Centre de la France.

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documentées, qui vient opportunément compléter le premier volume paru en 2011,


publié déjà sous la direction de Frédéric Trément24.
Cette nouvelle livraison, qui fait le point sur les derniers acquis des travaux
collectifs, couvre, en 8 chapitres, les 4e et 5e parties, respectivement consacrées à la
structuration du territoire et à son développement, économique et culturel, non sans
quelque bizarrerie dans la place de tel chapitre dans l’ économie de l’ édifice25. Dans l’ étude
du territoire, une place conséquente est logiquement réservée aux formes d’ habitat, avec
les agglomérations secondaires26, qui bénéficient de trois dossiers monographiques, que
suit la présentation des données sur l’ occupation du sol qui précisent la place de la villa27
dans ces régions. Quant au devenir économique de cette « société de consommation », il
est abordé à partir de deux marqueurs, la céramique et la présence de mobilier métallique
dans la cité28. L’ essai de synthèse qui termine le volume permet à Frédéric Trément de
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souligner le développement différentiel des quatre zones qu’ il détermine, en sollicitant,
ici aussi, le modèle centre/périphérie pour rendre compte de la dynamique de ces régions
sur la longue durée, de la Protohistoire à la période alto-médiévale.
La Narbonnaise quant à elle bénéficie d’ une présentation synthétique de
résultats déjà anciens sur l’ aménagement du Tricastin, qui rassemble, sous la direction
de François Favory, des travaux longtemps emblématiques, dès les années 1980/1990,
concernant l’ aménagement des territoires et l’ emprise des centuriations29. Les données
sur le cadastre B d’ Orange n’ apportent, au reste, aucune révélation – l’ extension et
la morphologie du système sont publiés de longue date – et pas davantage le poids
des potentialités agrologiques des sols dans la mise en place de l’ habitat, l’ échantillon
référentiel des grandes villae domaniales, ou l’ articulation organique entre occupation
du sol et parcellaire centurial. Maintenant bien connu pour d’ autres colonies romaines
de la province, ce rapport structurel est une fois de plus bien montré et confirmé, jusque
24 
Frédéric Trément (dir.), Les Arvernes et leurs voisins du Massif Central à l’ époque romaine. Une archéologie du
développement des territoires, I, Revue d’ Auvergne, 125, 3-4, 2011, 512 p. et II, Revue d’ Auvergne, 127, 1-2, 2013, 456 p.
25 
Le chapitre 13 « Les élites et les marqueurs du développement » serait sans doute mieux venu dans la 5e partie.
26 
Le chapitre 14 « Les agglomérations antiques du Massif Central » est dû à Florent Baret.
27 
Bertrand Dousteyssier, « Existe-t-il des villas gallo-romaines en Auvergne ? Contribution à l’ étude des formes de
l’ habitat rural dans la cite des Arvernes (Ier-Ve siècles) », II, p. 127-146.
28 
La production de la céramique est ciblée à la fois sur l’ évolution des ateliers de l’ Allier à haute époque, et sur la situation
globale dans l’ Antiquité tardive et jusqu’ au haut Moyen Âge.
29 
François Favory (dir.), avec la collaboration de G. Chouquer, C. Jung, B. Ode, Th. Odiot et M.‑P. Zannier, Le Tricastin
romain : évolution d’ un paysage centurié (Drôme, Vaucluse), DARA, 37, ALPARA, Lyon, 210 p., 114 fig. L’ ouvrage est
complété par un SIG.

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dans les variations zonales qu’ on y observe, notamment pour les grands moments
d’ implantation domaniale30. Plus neuf, cet aspect pourra contribuer à une approche plus
dynamique des réseaux centuriés et au fonctionnement différentiel des parcellaires en
leur sein, comme il a été déjà souligné.
La perspective spatiale plus large et comparative, englobant Gaules et Espagnes,
qu’ affichent les Actes du 9e colloque Ager tenu à Barcelone en 201031, retrouvent les
mêmes thématiques et cas d’ étude – les conditions d’ occupation du sol, les formes
d’ habitat, les modes d’ aménagement et d’ exploitation des ressources du territoire –, qui
font l’ objet essentiel des 26 contributions.
Dans la première partie Romanisation, peuplement et cité, on retrouve, aux côtés
des Arvernes et des Bituriges, les cas devenus quasi classiques de Nîmes et de Tarraco32,
les territoires d’Emporiae, de Saguntum-Valentia, de Carthago Nova33, d’Ossonoba. Faut-
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il penser que les contrastes y sont moins marqués qu’entre les zones abordées dans la
seconde partie D’une cité à l’autre : des paysages contrastés ? Les termes de comparaison ne
semblent pas très différents, d’autant qu’on sait bien, outre l’hétérogénéité des référentiels
parfois disponibles, le poids des évolutions sectorielles au sein d’une même cité34, ce qui
ne signifie pas forcément hétérogénéité du développement territorial, y compris pour le
« système de villae ». La troisième partie, la Géographie de la villa, où la problématique
cible essentiellement des exemples gaulois35, intègre les autres formesd’exploitation du
territoire, des ressources montagnardes pyrénéennes aux mines de Carthagène et à la
sidérurgie diablinte et cénomane, en faisant une place à la physionomie originale des franges

30 
François Favory et alii, p. 93-166.
31 
Jean-Luc Fiches (†), Rosa Plana Mallart, Victor Revilla Calvo (dir.), Paysages ruraux et territoires dans les cités de
l’ Occident romain. Gallia et Hispania. Paisajes rurales y territorios en las ciudades del Occidente romano. Gallia e Hispania,
PULM, Montpellier, 2013, 394 p.
32 
Ignacio Grau Mira, Jaime Molina Vidal, « Diversité territoriale et modèles d’ exploitation des paysages ruraux du sud
de la Tarraconaise (IIe siècle av. J.‑C.-IIe siècle apr. J.‑C.) », p. 59-66 et Marta Prevosti, Jordi Lopez, Ignacio Fiz, « Paysage
rural et formes de l’ habitat dans l’ ager Tarraconensis », p. 99-108.
33 
Antonio Javier Murcia Muñoz, Leticia Lopez Mondejar, Sebastian Federico Ramallo Asensio, « El territorio de
Carthago Nova entre los siglos IIe a.c. y IIe d.c. », p. 121-135.
34 
Murielle Georges-Leroy, Jean-Denis Laffite, Marc Feller, « Des paysages ruraux antiques contrastés dans les cités des
Leuques et des Médiomatriques : effet de source ou répartition différentielle des établissements dans l’ espace rural ? »,
p. 181-193.
35 
Pierre Ouzoulias, « La géographie de la villa dans les Gaules romaines : quelques observations », p. 253-267 ;
Ricardo Gonzalez Villaescusa et al., « La villa gallo-romaine d’ Andilly-en-Bassigny. Un projet d’ étude de l’ ager de la cité
des LingonsAndematunnum-Langres, », p. 303-311.

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urbaines36. Ces interfaces ont d’ailleurs la particularité d’être abordées dans leur ambiguïté
– espaces d’habitat, de rencontre… – et leur singularité lors du colloque de Versailles (2012)
dont les actes, débordant la sphère gauloise, vers Rome et l’Africa notamment, sont réunis
dans Franges urbaines et confins territoriaux. La Gaule dans l’Empire37.

Monique Clavel-Lévêque

III - La loi agraire de 643 a.u.c. (111 av. J.‑C.) et l’ Afrique

Individus et communautés
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Douze fragments, vestiges d’ une ou de deux pièces de bronze, nommés couramment
tabula Bembina, permettent de connaître deux lois grâce aux documents originaux : la lex
Acilia repetundarum de 123, la lex agraria de 111. Elles avaient été exposées à la fin du
IIe siècle avant notre ère sur le forum d’ une ville italienne, probablement dans la région
d’ Urbino (Urvinum Metaurense). Leur importance explique que de nombreux savants
cherchèrent à reconstituer et à interpréter ces textes très lacunaires38. Mon point de vue
est à la fois plus modeste et différent : plus modeste parce qu’ il ne considère que la partie
africaine de la loi agraire, c’ est-à-dire les lignes 44 (ou 43)-9539 ; différent, parce qu’ il a
pour origine des interrogations et des réflexions qui ont surgi il y a plusieurs décennies,

36 
Josep Maria Nolla, Lluis Palahi, « El suburbium de la ciudad de Gerunda. algunos aspectos », p. 281-291 et
Pedro Damaso Sanchez Barrero, « El paisaje agrario romano en las proximidades de Augusta Emerita », p. 293-301.
37 
Claire Besson, Olivier Blin, Bertrand Triboulot, Franges urbaines et confins territoriaux. La Gaule dans l’ Empire,
Errance, à paraître.
38 
Les éditions les plus suivies furent celles de Theodor Mommsen, dans E. Lommatzsch et Th. Mommsen, Corpus
Inscriptionum Latinarum, Inscriptiones antiquissimae ad C. Caesaris mortem, Berlin, 1893, I.2, 200 (= 585), et dans
« Lex agraria a.u.c. DCXLIII, ante Chr. 111 », Gesammelte Schriften I, Berlin 1905, p. 65-145. D’ autres lectures
et commentaires antérieurs demeurent précieux. Trois éditions accompagnées d’ une traduction ont vu le jour dans la
seconde moitié du XXe siècle : K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. Text und Kommentar, München, 1971 ;
A. Lintott, Judicial Reform and Land Reform in the Roman Republic, Cambridge, 1992, 2e éd. 2010 ; M. H. Crawford,
« Lex repetundarum, lex agraria », dans Id. (ed.), Roman Statutes, Londres, 1996, vol. I, p. 39-180.
39 
La restitution des lignes 43 à 52 a fait l’ objet d’ un seul et unique essai de recomposition : L. de Ligt, « Studies in legal
and agrarian history IV: Roman Africa in 111 B. C. », Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 182-217.

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lorsque Louis Maurin et moi-même découvrîmes la ciuitas Vzalitana Sar40, lorsque, par
la suite, je me suis demandé pour quelle raison une région aussi urbanisée à l’ époque
punique avait produit si peu de cités pendant deux siècles, comme en témoigne la liste
dressée par Pline l’ Ancien dans le livre V de son Histoire naturelle ou comme le montrent
des études régionales41. L’ on commet une erreur de perspective quand on souligne le
grand nombre de cités dans la province d’ Afrique : c’ est un phénomène tardif, d’ époque
antonine ou sévérienne, qui tranche avec la précocité qu’ on découvre dans d’ autres
régions, péninsule Ibérique, Gaules, provinces helléniques d’ Europe ou d’ Asie. La loi
agraire m’ a paru, par sa nature, apte à rendre compte de ce phénomène.
Dans la problématique qui est la mienne, la première recherche à effectuer est de
savoir quelles communautés sont en cause dans la loi. Sept apparaissent avec netteté : il
s’ agit des peuples libres alliés de Rome pendant la troisième guerre punique. Ce sont les
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seules qui soient attestées. La loi envisage d’ autres éléments en les regroupant, mais sans
qu’ on puisse en faire des entités qui seraient analysables en terme de groupements de
droit public, ou même d’ associations privées, à l’ exception de societates de spéculateurs
et de publicains. Peut-être les transfuges qui se joignirent aux forces romaines formèrent-
ils des groupes juridiquement reconnus ? L’ assignation de terres aux stipendiaires, qui
sont qualifiés d’ « homines », fait juridiquement table rase des cités puniques, libyennes
et libyphéniciennes qui existaient jusque-là, tandis que le « ceterum agrum » des lignes
81-82 introduit ce qui concerne les terres des villes détruites. Les citoyens romains eux-
mêmes, qui apparaissent privilégiés, le sont à titre personnel, et non en tant que membres
de la colonia Iunonia Karthago créée par la lex Rubria, laquelle avait été abrogée (quae
fuit), ou parce qu’ ils seraient inscrits dans un registre les assimilant au statut de colon. À
aucun moment les quirites, les alliés (socii) et les Latins, les préfets et les soldats ne sont

40 
L. Maurin et J. Peyras, « Uzalitana, la région de l’ Ansarine dans l’ Antiquité », Les Cahiers de Tunisie, XIX-1971,
n°75-76, p. 11-103.
41 
Pour prendre deux exemples, dans la région entourant Carthage sur une soixantaine de kilomètres, aucune cité, à
l’ exception d’ Utique (et d’ Uzali si l’ on accepte de placer le peuple libre à El Alia, ce dont je doute fort parce que cela
contredit directement l’ affirmation péremptoire d’ Appien, alors même qu’ un autre site peut être proposé, lequel concorde
avec des événements rapportés par Orose), n’ apparaît avant Octavien-Auguste, la plus grande partie des cités voyant le jour
sous Commode, sous les Sévères ou au cours du IIIe siècle ( J. Peyras, « Uthina dans le nord-est de l’ Afrique. 2. La colonie
d’ Uthina et le milieu africain », Oudhna (Uthina), colonie de vétérans de la XIIIe Légion, Histoire, urbanisme, fouille et mise
en valeur des monuments, sous la direction de Habib Ben Hassen et de Louis Maurin, Bordeaux-Paris-Tunis, p. 264-278).
Plus à l’ ouest, entre 60 et 100 kilomètres de Carthage (toujours en deçà de la Fossa Regia), dans le Tell nord-est, quatorze
habitats importants existaient avant l’ époque romaine d’ après les relevés archéologiques. Cinq d’ entre eux, dans les Hédil,
n’ ont laissé aucune trace d’ agglomération à l’ époque romaine ( J. Peyras, Le Tell nord-est tunisien dans l’ Antiquité, essai de
monographie régionale, Paris, 1991, p. 230, fig. 55).

DHA 40/1-2014
190 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

considérés comme un groupe collectif détenteur de droits en tant que groupe. C’ est ce
que je me propose de montrer dans les pages qui suivent42.

1. Les alliés africains de Rome : peuples libres, transfuges, fils de Massinissa


l. 75-77 …. [IIvir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in diebus (…100…)43
proxsumeis quibus factus creatusue erit, quem agrum locum ceivis romanus emerit
de eo agro loco que]I AGER LOCVS IN AFRICA EST QVEI ROMAE PVBLICE
VENIEI<t> VENIERITVE, QVOD EIVS AGRI [loci …. popul]EIS LIBEREIS
<quei> IN AFRICA SVNT QVEI EORVM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANEI
BELLO POINICIOPROXSVMO MANSERVNT, QUEIVE A[d imperatorem populi
romanei ex hostibus perfugerunt, erit, ei ceivi romano aut adiudicari aut dare reddiri
commutareue liceto.
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42 
Le but poursuivi ici est de cerner la situation des communautés et des individus en 111 avant notre ère, situation
qui provient des événements des années 149-146 et 123-121, du bouleversement qui se produisit entre ces dates, de
la confusion qui régna entre l’ assassinat de Caius Gracchus et le vote de la loi. Je ne chercherai donc ici à examiner les
propositions des commentateurs que lorsqu’ elles sont en contradiction avec les restitutions que j’ avance. J’ ai reconstitué
le texte en utilisant les lignes 79-82. Le législateur a voulu, en effet, faire une récapitulation des terres qui présentent un
caractère particulier (extra eum agrum locum) avant d’ introduire les décisions prises à l’ encontre des autres (ceterum
agrum). Il est donc évident que les lignes relatives à l’ Afrique qui ont précédé cette récapitulation traitaient de ce groupe
de terres en entrant dans le détail de tous les cas de figures qui avaient pu ou pouvaient se présenter à leur sujet. C’ est sur
cette base solide qu’ on peut tenter de reconstituer cette loi complexe et terriblement lacunaire. Il est utile d’ avoir à l’ esprit
la catégorie introduite par la locution extra eum agrum. On y trouve :
• la terre qui avait été attribuée à des colons par la lex Rubria et qui n’ a pas fait l’ objet d’ un échange (l. 79).
• La terre qui est à l’ intérieur des frontières territoriales des sept peuples libres demeurés dans l’ amitié du peuple
e
romain au cours de la III guerre punique (l. 79-80).
• La terre qui a été donnée et assignée aux transfuges des armées puniques par décision du Sénat (l. 80).
• La terre qui a été privatisée par la présente loi et qui n’ a pas fait l’ objet d’ un échange (l. 80).
• La terre que le duovir, en application de la présente loi, a donnée et assigné à des stipendiaires, et qui a été portée
sur le cadastre public (l. 80-81).
• La terre que Scipion Émilien a donnée aux fils du roi Masinissa et dont il leur a garanti la jouissance (l. 81).
• La terre où fut l’ oppidum Carthago (l. 81).
• La terre que les commissaires, organisateurs de la province après la conquête en vertu de la lex Livia, ont laissé ou
ont assigné aux Uticéens. (l.81- début 82).
 
Ce qui unit cette catégorie, par ailleurs fort disparate, c’ est qu’ elle est composée de sols qui possèdent un caractère
propre à chacun d’ eux. En revanche, « tout le reste de la terre et lieu » (ceterum agrum locum) réunit en un tout anonyme
et indifférencié la terre publique de Rome qui est destinée à la location.
43 
La lacune de 100 lettres correspond aux 224 lettres de Johannsen (p. 163). Je l’ ai en partie comblée. Il va de soi que la
notion de « lettres » est aléatoire dans tout le texte. Dans une inscription, sauf cas particuliers, on évalue plutôt les espaces
disponibles. Les lacunes considérables de la loi ne permettent que des évaluations approximatives.

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Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 191

Quantum modum eius agri loci ei ceiui Romano, pro eo agro loco tantumdem
modum de eo agro quei publicus populi romani in Africa est, quod eius publice non uenieit,
IIvir commutato.
IIvir, quei ex h.l. factus creatusue erit, in diebus (…) proxsumeis qu]IBVS IIVIR
EX H.[l. fact]VS CREATVSVE ERIT, FACITO <utei> QVANTVM AGRI LOCI
QVOIVSQVE IN POPVLI LIBEREI <agro loco> INVE EO AGR [o loco quei ager
lo]CVS PERFUGEIS DATVS ADSIGNATVSVE EST, CEIVIS ROMANEI EX H.
L. FACTVM ERIT, QVO PRO AGRO LOCO AGER LOC[us ceiui ro]MANO EX
H. L. [commutatus non erit, tantundem agri loci de eo agro loco quei ager locus publicus
populi romanei in Africa est, quod eius publice non venieit, pro eo agro loco quei ceiuis
romanei factus erit, quoeique populo libero perfugare.. assignet].
l. 75-77 …. « (A) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les (..)
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jours qui suivront sa création, aura la faculté d’adjuger au citoyen romain qui l’aura achetée
la terre de la terre publique d’Afrique vendue publiquement à Rome, ou d’en faire une
commutation, (dans le cas où) cette terre se trouverait être le bien, soit d’un des peuples
libres d’Afrique demeurés amis du peuple romain au cours de la guerre punique, soit de l’un
de ceux qui ont passé de l’ennemi44 au commandant en chef de l’armée du peuple romain.
(B) Le duovir devra donner au titre d’ échange au citoyen romain une superficie
prélevée sur la terre publique d’ Afrique non vendue à Rome, égale à celle qui ne lui aurait
pas été adjugée.
(C) Le duovir, dans les (..) jours qui suivront sa création, devra faire en sorte de
donner en échange à chaque peuple libre ou à chaque rallié, par prélèvement sur la terre
publique d’ Afrique non vendue à Rome, une superficie égale à celle qui aurait été faite
sienne à un citoyen romain en vertu de la présente loi, au détriment de la terre donnée à
chaque peuple libre ou à chaque rallié, superficie pour laquelle le citoyen romain n’ aurait
pas reçu un autre terrain en échange ».
Ces peuples libres d’ Afrique sont nommés dans l’ article qui récapitule, aux lignes
79-80, les catégories de terre introduites par la préposition extra :

44 
J’ emploie ici une expression neutre. Je traduis ailleurs par « ralliés ». C’ est le terme qu’ on emploie généralement
quand on accueille des ennemis dans son propre camp. Traduire par « transfuges », ou par « deserters » est péjoratif. Il
s’ agit d’ un jugement de valeur défavorable ou méprisant. Mais ce n’ est pas le point de vue de ceux qui les accueillent. En
fait, les mots perfugae, perfugium, perfugere sont loin d’ avoir toujours une connotation péjorative. Perfugere du camp de
Pompée pour celui de César ne saurait être, pour ce dernier, un acte méprisable (César, B.C., 3, 61), tandis que le perfugium
bonorum de Cicéron est « un refuge (pour les) gens de bien (Fam., 12, 6, 2).

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192 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

EXTRAQVE EVM AGRVM, QVEI INTRA FIN<e>S POPVLORVM


LEBEIRORVM VTICENSIVM H [adrumetinorum T]AMPSATINORVM
LEPTITANORVM AQVILLITANORVM VZALITANORVM TEVDALENSIVM,
QVOM IN AMEICITIAM POPVLI ROMANI PROXSVMVM [bellum manserunt, est
eritue ; extraque eum agrum locum, quei ager locus eis hominibus, quei ad imperatorem
populi romanei bello Poenicio proxsumo ex hostibus perfugerunt, (..49..) datus adsignatusue
est de s(enatus)] S(ententia)] 45.
« en dehors de la terre qui est et sera à l’ intérieur des limites territoriales des
peuples libres d’ Utique, d’ H[adrumète, de Th]apsus, de Leptis, d’ Acholla, d’ Uzali, de
Theudalis, telles qu’ étaient ces limites quand ces peuples demeurèrent lors de la dernière
guerre dans l’ amitié du peuple romain ; et en dehors de la terre et lieu qui a été donnée
et assignée par décision du Sénat à ces hommes qui, lors de la récente guerre punique, se
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sont ralliés au commandant en chef de l’ armée romaine ».
Il est aussi question des terres publiques que les décemvirs chargés d’ appliquer la
lex Livia avaient remis aux Uticéens à la ligne 8146.
l. 81 extraque] EVM AGRVM LOCVM QVEM XVIREI QVEI EX [lege]
LIVIA FACTEI CREATEIVE FVERVNT VTICENSIBVS RELIQVERVNT
ADSIGNAVERVNT.
l. 81 « en dehors de cette terre et lieu que les décemvirs qui furent faits et créés de
par la [loi] Livia ont cédé et assigné aux Uticéens ».
Rome reconnaissait ces communautés en tant que « peuples libres », ce qui
comprend à la fois la reconnaissance d’ un statut de citoyenneté et d’ un privilège de
liberté. Chacune était clairement identifiée par le nom de ses ressortissants.
Tel n’ est pas le cas des transfuges. Ceux-ci ont reçu des terres. La ligne 76 montre
que, dans le cas de figure de la terre vendue à Rome à des citoyens romains, la solution
était la même que pour les peuples libres. En revanche, bien que les Romains les aient
considérés comme un groupe particulier dont les membres bénéficiaient du même
traitement, ils n’ ont pas reçu d’ autres dénominations que le mot « perfugae » (perfugeis,
l. 76). L’ hipparque Imilcon surnommé Phaméas avait rejoint les forces romaines. Il
conduisait 2 200 Carthaginois suivant Appien (Libyca, 107-109), 1 200 selon Diodore
(XXXII, 17), quelques hommes d’ après Zonaras (IX, 27, 465 c). Polybe (XXXVIII, II,

45 
J’ emprunte à Johannsen (p. 166) la restitution de la phrase concernant les transfuges.
46 
Il n’ y a pas de divergences notables sur la restitution et la compréhension de la ligne 81 (peuples libres, ralliés,
stipendiaires).

DHA 40/1-2014
Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 193

12) rapporte que nombreux furent ceux qui désertèrent à cause de la famine pendant
le siège de Carthage. Nous ne savons pas s’ ils rejoignirent les forces romaines ou s’ ils
trouvèrent refuge dans des fermes fortifiées ou dans des bourgs amis. Les transfuges de
Phaméas auraient été principalement établis dans la vallée de la Catada (Oued Miliane)47.
C’ est dans cette région que Scipion Émilien concéda des terres qui demeurèrent
dans le domaine public romain aux fils de Massinissa :
Ligne 81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI<t>.
« [… et en dehors de la terre et lieu que Publius Cornelius, commandant en chef,
a donné aux fi]ls de Massinissa ; il a ordonné de l’ avoir et d’ en jouir ».
Cicéron place ces terres in ora maritima, « dans la zone maritime »48. Il est
probable qu’ elles correspondent à ce qui devint la cité de Thimida Regia, entre Carthage et
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Cercina49. Cette cité n’ est pas nommée dans la loi. Le nom du lieu-dit – Thimida signifie
« les lacs » dans la langue libyenne –, devait exister au moment de l’ attribution, tandis
que Regia, qui désigne une résidence royale, a été attaché au sol attribué par Scipion.
Cette donation, qui demeure dans le cadre de la terre publique romaine, semble avoir été
conçue comme un bien indivis et d’ un seul tenant. C’ est du moins ce que suggère le fait
qu’ il ait été ultérieurement à l’ origine d’ une municipe.
Les alliés ont été considérés différemment : comme constituant une communauté
homogène et autonome dans le cas des populi liberi, expression qui implique une
organisation civique pleinement constituée et reconnue par Rome ; comme un groupe
anonyme récompensé sur décision du Sénat dans le cas des perfugae ; comme un don de
l’ imperator à des enfants royaux sous le régime de la possessio et de l’ usufruit.

2. Les vaincus
Le sort des Carthaginois et de bien d’ autres Africains, devenus esclaves, n’ est pas
évoqué et n’ avait pas à l’ être50.

47 
J.-M. Lassère, Ubique populus, peuplement et mouvements de population dans l’ Afrique romaine de la chute de Carthage
à la fin de la dynastie des Sévères (146 a. C-235 p. C.), Paris, p. 43.
48 
Cicéron, De lege agraria, II. XXII, 58.
49 
J. Peyras, « Oudhna », p. 266-267.
50 
Il est possible, selon moi, de cerner schématiquement la répartition des Africains en libres et esclaves : le groupe
introduit par la préposition extra comprend des individus libres sur le plan personnel ; la catégorie « du reste » (ceterum
agrum locum) rassemble les terres publiques destinées à être affermées à toute personne libre dans le système de la censoria

DHA 40/1-2014
194 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

En revanche, la ligne 80 fait connaître une catégorie de personnes, désignées par


le mot « stipendiaires » :
extra]QVE EVM AGRVM LOCVM QVEM IIVIR EX H. L. STIPENDIARIEIS
DEDIRIT ADSIGNAVERIT QVOD EIVS EX H. L. IN <f>ORMAM PVBLICAM
RELLATVM [erit].
« [En dehors] de la terre et lieu que le duovir aura donné et assigné aux stipendiaires
en vertu de la présente loi, pour la partie de cette terre qui [aura été] reportée sur le
cadastre public conformément à la présente loi ».
Cette ligne fait partie de la récapitulation des « extra » envisagés auparavant.
Les stipendiaires apparaissaient, en effet, aux lignes 77-78. Alors que le duovir, mis en
présence d’ un sol dépendant d’ un peuple libre ou attribué précédemment à un transfuge,
et cependant aliéné à Rome au profit d’ un acheteur, avait la faculté de décider que le lot
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serait ou ne serait pas fait la chose du citoyen romain, avec l’ obligation de dédommager
celui qui ne garderait pas cette terre, il devait conforter nécessairement le citoyen romain
dans son acquisition. Cette infériorité provient du fait que les stipendiaires étaient des
vaincus. Les cités étaient juridiquement dissoutes ; les terres appartenaient à Rome.
Chacun de ceux qui les cultivaient devait régler un stipendium :
Lignes 77-78 : II]VIR, QVEI EX H. L. FACTVS CREATVS ERIT, IS IN
DIEBVS CL PROXSVMEIS QVIBVS FACTVS CREATVSVE ERIT, FACITO –
QVANDO [Xviri quei ex] LEGE LIVIA FACTEI CREATEIVE SVNT FVERVNTVE
EIS HOMINIBVS AGRVM IN AFRICA DEDERVNT ADSIGNAVERVNT QVOS
STIPENDIVM [pro eo agro populo romano pendere oportet, utei, quod eius agri loci ceiuis
romanei publice emit, id eius ceiuis romani siet ; tantumdemque modum agri, de eo agro
quei publicus populi romanei in Africa est, quantum (modum) de agro stipendiariis dato
adsignato ex h(ac) l(ege) ceiuis] ROMANEI ESSE OPORTEBIT, IS STIPENDIAREIS
DET ADSIGNAVITVE IDQVE IN FORMAS PVBLICAS FACITO VTE[i reparatur
i(ta) u(tei) e r(e)p(ublica) f(ide)q(ue) e(i) e(sse) u(idebitur).

locatio. Hardy (Six Roman Laws, « Categories of Land », p. 54-55), avançait qu’ elles étaient constituées par le territoire
des villes qui avaient été détruites et que, parmi les possesseurs, les pérégrins incluaient probablement les habitants de
ces cités. À mon point de vue, il y a deux types de cités disparues, et à chacun d’ eux correspond un sort différent pour
les anciens citoyens : 1) ce que Hardy nomme « conquered communities » : elles sont dissoutes juridiquement, mais les
habitants sont des stipendiaires, libres personnellement. Elles correspondent aux villes qui se sont soumises à temps et qui
ont bénéficié d’ un accord ; 2) ce que Hardy nomme « villes actually destroyed », dont le territoire, devenu public comme
le précédent, est livré à ceux qui veulent louer des terres contre divers impôts. Les villes ont été détruites, prises d’ assaut
ou sans bénéfice d’ un accord réel ou tacite, et il y a tout lieu de penser que les anciens habitants sont devenus esclaves. Et, à
mon avis, c’ est dans cette catégorie qu’ il faut chercher l’ origine des latifundia africains.

DHA 40/1-2014
Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 195

« Que le duovir, quand il se trouvera en présence d’ un terrain donné et assigné


par les décemvirs de la loi Livia à ces hommes qui doivent payer un stipendium51 au
peuple romain pour ce terrain, devra, dans les 150 jours qui suivront son investiture, faire
en sorte que la partie de ce terrain qu’ un citoyen romain a achetée52, appartienne à ce
citoyen romain53, et que le duovir donne et assigne à ces stipendiaires autant de superficie
prélevée sur la terre publique d’ Afrique qu’ il aura été nécessaire qu’ il en appartienne au
citoyen romain au détriment de la terre donnée et assignée aux stipendiaires ».
La ligne 78 les désigne comme étant des « homines » (hominibus) qui doivent
payer le stipendium au peuple romain, autrement dit des « stipendiarii » (stipendiareis).
C’ est leur seul « être », une pure fonction, dans l’ anonymat, tandis que ce sont, en
Bétique, en Tarraconaise et en Lusitanie, des oppida stipendiaria qui sont répertoriés par
Pline l’ Ancien (Pline, III, 7 ; 18 ; IV, 117). Un seul oppidum stipendiarium (oppidum
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stipendiarium unum Castris Corneliis, Pline, V, 29), issu du locus Castra Cornelia, (Pline,
V, 24), se constitua en cité, probablement entre 40/30 avant notre ère et 27 après J.‑C.54
Quand on songe au nombre de communautés qui étaient à l’ origine des homines
stipendiariis, on comprend mieux l’ effacement des cités de l’ époque punique (et leur
fidélité envers Carthage).

51 
Lintott (p. 265-266) traduit stipendium par « tribute », stipendiareis par « tribute-payers ». Tributum devrait être
réservé aux cités pour lesquelles il existe une redevance globale payée à l’ État romain : Ager est mensura conprehensus,
cuius modus universus ciuitati est adsignatus, sicut in Lusitani Salma<n>ticensibus aut Hispania citeriore Pala<n>tinis et
in conpleribus provinciis tributarium solum per universitatem populis est definitum : « La terre comprise par la mesure est
celle dont toute la superficie a été assignée à une cité, comme en Lusitanie aux Salmaticenses ou en Espagne citérieure
aux Palantini, et dans de nombreuses provinces, le sol tributaire a été défini dans sa totalité pour les peuples ». (Frontin,
L’ œuvre gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum IV, texte traduit par O. Behrends et al., Luxembourg, 1998,
p. 4-7, 7). En revanche, le stipendium est une redevance individuelle, même quand il est question, comme dans la péninsule
Ibérique, de civitates stipendiariae ; à plus forte raison, comme ici, quand il n’ est question que d’ homines, les communautés
n’ existant plus juridiquement
52 
(publiquement à Rome).
53 
Crawford (77-78, p. 136, 149, 176) n’ envisage pas un échange. Il prend en compte simplement le fait que la terre
assignée aux stipendiaires ait été portée sur le cadastre. Sa restitution ne comble que très faiblement la longue lacune.
Lintott (p. 265), s’ appuyant sur les premiers éditeurs, penche pour la restitution popul]i Romani et pense qu’ il n’ est pas
question de citoyens romains individuels ni d’ échange de terres. Tout au contraire, ma proposition se rapproche de celles
de Mommsen, de Rudorff, de Husche et de Johannsen.
54 
Sur ce locus et oppidum, cf. J. Desanges, Pline l’ Ancien, Histoire Naturelle, livre V, 1-46, l’ Afrique du Nord, Paris, 1980,
p. 217-128, 301-303.

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196 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

3. Les citoyens romains


Nous avons rencontré les citoyens romains aux lignes 75-78. Ils y étaient envisagés
dans le cadre du problème d’ un achat effectué à Rome lors d’ une vente publique, alors que
ces terres appartenaient aux cités libres ou à leurs ressortissants, ou avaient été assignées
aux stipendiaires des villes conquises55. À la ligne 58, ces citoyens romains étaient
concernés par le fait qu’ ils n’ avaient pas déclaré dans les délais prescrits la superficie qu’ ils
détenaient. Bénéficiant d’ un traitement privilégié, ils obtenaient en compensation de la
perte de leur terrain une surface équivalente prélevée sur la terre publique à Rome non
vendue à Rome :
l. 58 [… ex edicto magistratus de agro publice proscritendo venden]DO, EI CEIVI
ROMANO TANTVNDEM MODV[M agri loci ….. is IIuir … pro eo agro loco, de agro
loco] QVEI AGER PVBLICE NON VENIEIT, DARE REDDERE, COMMVTAREVE
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LICETO.
l. 58 « [… en vertu d’ un édit du magistrat ordonnant] la vente (publique), à ce
citoyen romain, [le duovir] aura la faculté de donner, de restituer, de céder [en échange
de cette terre et lieu], une superficie équivalente prélevée sur la partie de la terre publique
qui n’ aura pas fait l’ objet d’ une vente publique (à Rome)56 ».

4. Le statut personnel des colons et des inscrits


Est-il légitime de ranger dans la rubrique précédente le « colon ou celui qui a été
inscrit dans le registre du colon » (passim, cf. par ex., ligne 45, COLONEI EIVE QVEI IN
COLONEI NVMERO [scriptei sunt]), celui qui avait reçu des terres en application de la loi
Rubria et qui les avaient conservées ou transmises à ses héritiers sans qu’il y ait eu échange ?
l. 79 [utei extra eum agrum locum quem colono eiue quei in colonei numero scriptum
est herediue quorumue emptoreiue quorum adiudicauerit quo pro eo agro loco ager locus
redditus com]MVTATVS REDDITVSVE [non erit].
55 
Je suis tout à fait d’ accord avec Lintott (p. 265) et Crawford (p. 176) quand ils écrivent qu’ on ne saurait tirer de cette
clause l’ idée qu’ en 146, toute la terre, à part celle qui avait été donnée aux peuples libres et aux ralliés, aurait été assignée aux
stipendiaires, contrairement à ce que pensait Hinrichs (« Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. », Zetschrift der Savigny-
Stiftung für Rechsgeschichte. Romanistische Abteilung, Weimar, 83, 1966, p. 297).
56 
Lintott (p. 190-191), Crawford (p. 119, 147, 171) et Johannsen (p. 148-149) s’ en tiennent à ce qui demeure lisible.
Le premier suggère une introduction brève à une possibilité de compensation quand une injustice est advenue (p. 253).
Mais l’ introduction est d’ une brièveté toute relative : il y a 226 lettres qui manquent avant …]do ei ceiui Romani, et 106
après modu[m agri loci ( Johannsen, p. 148). Rudorff, Mommsen et Husche proposent des restitutions qui conduisent à
une compensation après déclaration (dans un cadre d’ ager privatus vectigalisque, cf. Johannsen, p. 310).

DHA 40/1-2014
Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 197

Les colons de la colonia Iunonia Karthago étaient, suivant une majorité des
commentateurs modernes, des citoyens romains, quitte à admettre que ce statut n’ ait été
accordé, pour certains d’ entre eux, qu’ au moment de la déduction. D’ autres en doutent,
sans toutefois se prononcer jamais pour une colonie latine. J.‑M. Lassère, prenant en
compte la formule mentionnant à la fois « les colons et ceux qui ont été inscrits dans le
registre du colon », ces derniers étant considérés par certains comme pouvant être des
Italiens, concluait : « La formule colonos, eive quei in colonei numero scriptus est … laisse la
question posée »57. Est-il possible de résoudre le dilemme ?
Notons un premier point : à la date de la promulgation de la lex Rubria, une
colonie était ou bien romaine, ou bien latine. C’ est-à-dire que tous les colons étaient
déduits en tant que citoyens romains ou en tant que Latins, quel qu’ ait été le statut de
chacun d’ entre eux avant qu’ on leur donnât et assignât la centurie de 200 jugères. Vouloir
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trancher la question à partir des données littéraires ou historiques (les colons venaient
ἐξ ὅλης Ἰταλίας, « de toute l’ Italie » (Appien, Guerres civiles, I, III, 24), les colonies
romaines étaient habituellement composées de quelques centaines d’ hommes, tandis
que les latines en comprenaient des milliers, ce qui est le cas de la colonie africaine58) est
délicat tant la situation paraît confuse, entre la mission de Caius Gracchus, l’ influence de
Fulvius Flaccus, les surenchères de Marcus Livius Drusus et la trahison de Caius Papirius
Carbo, sans parler du fait que la colonia Iunonia Karthago n’ était pas déduite en Italie.
Les commentateurs admettent, souvent implicitement il est vrai, que la colonie ait été
composée de citoyens romains, qu’ ils l’ aient été originellement ou qu’ ils l’ aient obtenue
dans le cadre de la déduction59.
Si le statut des colons et des inscrits n’ est pas clair dans ce qui reste de la loi, en
revanche, un passage permet, à mon avis60, de se décider pour la citoyenneté romaine des
deux catégories qui bénéficiaient de la donation-assignation :

57 
J.-M. Lassère, Vbique Populus, 1977, p. 107.
58 
E. T. Salmon, Roman Colonisation under the Republic, Aspects of Greek and Roman Life, Londres, 1969, p. 38 et 68.
59 
O.  Behrends, (« Les conditions des terres dans l’ Empire romain », dans Monique Clavel-Lévêque et Georges Tirologos
(éds), De la terre au ciel, paysages et cadastres antiques, Besançon, 2004, II, p. 8) replace le sort de Carthage dans un contexte
de niveau colonial et de droits liés à la citoyenneté romaine, tout en dépassant les causes conjoncturelles de la dissolution de
la colonie : « Les colonies “Junonia” de 122 av. n. è. en Afrique et de “Narbo” de 118, qui avaient une terre de statut égal à
celui de l’ ager Romanus, furent vite supprimées pour conserver la primauté de l’ ager Romanus d’ Italie ».
60 
À mon avis, puisqu’ il s’ agit d’ une proposition originale. Les éditeurs allemands, cf. Johannsen, p. 150) écrivent …]re
Rom[…. ; Lintott, p. 192, ..]ROM (lecture incertaine de ces lettres) ; Crawford, p. 119, +++. Pour la justification de mon
interprétation, cf. les lignes qui suivent, où je mets en relation les lignes 52-53 et 61-62.

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198 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

l. 61-62 [… (172) … IIVIR QVEI [ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, de eo agro
quem ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae colono eiue quei in colonei
numero scriptus est, dari oportuit licuitue ut eorum ex iu]RE ROMA[no siet, quod eius agri
locei colono eiue quei in colonei numero scriptus est d]ATVS AD[signatus fuerit quod eius
agri non abalienatum quodque eius] AGRI EX H.L. ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD
ITA COMPERIETVR, ID EI HEREDEIVE EIVS ADSIGNATVM ESSE IVDICATO
[… (33) …].
l. 61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs avaient l’ ordre
et la faculté de donner et assigner, en vertu de la loi Rubria abrogée, aux colons ou aux
inscrits comme colons de telle manière qu’ elle leur appartienne] selon le droit romain
[pour la part qui a été donnée et assignée à un colon ou à un inscrit comme colon, pour la
part, encore, qui n’ aura pas fait l’ objet d’ une vente, pour la part, enfin, que le duovir], en
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vertu de la présente loi, a la faculté d’ adjuger ; pour tout ce qui est constaté être ainsi, que
le duovir juge que cela a été assigné au colon ou à son héritier [… (33) …] ».
Que signifie, dans le contexte, [ex iu]re roma[no] ? Il y a, certes, dans le droit
romain, divers genres de propriété : le dominium ex iure Quiritium, une propriété
pérégrine, une propriété provinciale, une propriété prétorienne61. Mais ces types sont
en rapport avec la vente, qui est du domaine du ius gentium. Ce n’ est pas le cas ici : le ius
Romanus dont il est question ici s’ applique à la donation-assignation de la lex Rubria.
Cette donation-assignation est un transfert de propriété qui n’ est pas du domaine du ius
gentium. Il faut prendre ius Romanus dans la signification étroite qui était originellement
la sienne. La lex Rubria transférait la propriété à des citoyens romains.
Que signifie la locution colono eiue quei in colonei numero scriptus est (ligne 45),
qu’ on rencontre plusieurs fois dans la partie africaine ? A. Lintott pense que la phrase se
réfère à une personne qui, absente de la liste originelle, avait été incorporée dans la colonie
par la commission sur le lieu même, peut-être à la place du colon originel qui ne se serait
pas présenté62. Th. Mommsen avançait que ces inscrits étaient traités comme des colons,
bien qu’ ils n’ aient pas fait partie des colons autorisés par la loi initiale, C. Gracchus et
Fulvius Flaccus en ayant enrôlé davantage que ce que permettait la loi (Appien, Ibid., I, III,
24), St. Gsell qu’ ils étaient des Italiens63. A. Lintott s’ oppose à l’ hypothèse de Mommsen

61 
A.-E. Giffard, avec la collaboration de R. Villers, Droit romain et ancien droit français (obligations), Paris, 1967, p. 56.
62 
A. Lintott, Judicial Reform, p. 247.
63 
St. Gsell, Histoire ancienne de l’ Afrique du Nord, Paris, 2e éd., 1914-1930, VII, p. 60, n. 11.

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Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 199

en se référant à la ligne 60 qui montre clairement que l’ inscrit était considéré comme
ayant des droits suivant la loi et non simplement de facto. La phrase est la suivante :
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero] SCRIPTVS EST
AGRVM QVEI IN AFRICA EST, AGRVM DARE OPORT{EB}<u>IT64 LICVITVE,
AMPLIVS IVG(era) [… data adsignata fuise iudicato].
l. 60 « Il devra juger qu’ aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’ [a été
donnée assignée au nom] d’ un seul individu, [au moment où le triumvir déducteur de la
colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence de donner [au colon ou]
à l’ inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».
Elle donne raison au savant d’ Oxford sur ce point.
La conjecture de Gsell ne me semble pas pouvoir être retenue : les inscrits étaient,
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si ce que j’ ai écrit plus haut est juste, des citoyens romains. La proposition de Lintott n’ est
pas à écarter.
Il reste qu’ à mon avis, cette manière d’ écrire est une redondance juridique destinée
à cerner le groupe qui bénéficiait de la donation-assignation de la lex Rubria. Le fait qu’ elle
soit mécaniquement répétée dans la suite du texte va dans ce sens. Il s’ agit aussi d’ une
clause de style qui peut provenir de formules toutes faites, issues de la tradition juridique
et du désir de ne rien omettre, comme c’ est le cas à la ligne 61 dans la proposition QVAM
QVANTVM NUMER[um ex lege Rubria quae fuit … a IIIviris coloniae dedu]CENDAE
IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM COLONIASVE DEDVCI OPORTVIT
LICVITVE, puisqu’ il n’ y eut qu’ une seule colonie65. Car, comment admettre qu’ il y ait
eu, d’ un côté un registre des colons, de l’ autre « des colons » ? Où étaient inscrits ces
derniers, sinon dans un registre sur lequel étaient portés les noms des bénéficiaires de
la donation-assignation ? La particule enclitique -ve unit « surtout des mots formant
couple » et, de disjonctive, « se rapprochait souvent, dans l’ emploi, d’ une particule
copulative »66. Il s’ agit, certes, d’ une conjecture, une de plus ! En tous cas, il est nécessaire
de raisonner, comme l’ a souligné Lintott, dans le cadre de la lex Rubria, et non dans
64 
Lintott (p. 192, p. 247) écrit « oportebit ». Mais la correction « oportuit » est nécessaire à cause de « licuitue »
(comme Huschke, Mommsen et Johannsen l’ ont proposée). Le savant a d’ ailleurs fait implicitement la correction en
traduisant : « it was right and legitimate to give land in Africa » (« legitimate » ne me paraît pas correspondre tout à fait
à licuit, qui est plutôt du domaine de la permission, de l’ autorisation).
65 
Cf. Johannsen, p. 335-336.
66 
A. Ernout et F. Thomas, Syntaxe latine, Paris, 1953, p. 446-447. Les auteurs renvoient aux exemples donnés par
Cicéron (Ph., 5, 13) et par l’ inscription CIL XI, 3571.

DHA 40/1-2014
200 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

celui de la loi de 643 a. u. c. qui s’ essaie à résoudre l’ incroyable confusion qui a suivi la
dissolution de la colonie, avec ses ventes publiques de terres données et assignées, ses
ventes privées, l’ intervention d’ hommes d’ affaires et de sociétés, la disparition des ayants-
droit initiaux, les héritages et autres réalités justifiables ou non.
Le processus de reconnaissance de propriété est immédiatement engagé en faveur
du colon ou de l’ inscrit, la déclaration appelant l’ intervention rapide d’ un enquêteur :
l. 52 [….(128) … IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit …] IN BIDVO
PROXSVMO QVO FACTVS CREATVSVE ERIT, E<d>IC<t>O … (57)
l. 52 « [… (170) … « que le duovir qui sera créé en vertu de la présente loi, dans les
deux jours qui suivront la création, prenne un édit … (57) ... »
l. 53 [… (170) ex hoc edicto utei colonus isue quei in colonei numero scriptus est, quoi
ager locus de eo agro loco quei in Africa est, a IIIuiris a(gris) d(andis) ads(ignatis) ex lege
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Rubria quae fuit, datus adsignatus erit, in diebus] XXV PROXSVMEIS QVIBVS ID IN
EDICTVM ERIT, [… (128) … apud IIuirum …. profiteatur quantum modum quoque loco
possideret quodque eiusdem agri locei ei a IIIuiris a(gris) d(andis) ads(ignandis) ex lege
Rubria quae fuit, da]TVM ADSIGNATVM SIET, IDQVE QVOM PROFITEBITVR,
COGNITOR[em dare ei liceat].
l. 53 [… (170) … « qu’ aux termes de cet édit, le colon ou celui qui aura été inscrit
dans le registre du colon, auquel une terre et lieu situé en Afrique aura été donné et assigné
par les triumvirs en vertu de la loi Rubria abrogée, dans les 25 jours qui suivront cet édit,
fasse, [auprès du duovir, une déclaration indiquant la superficie qu’ il possède et le lieu de
sa situation et la part de cette même terre ou lieu] qui aura été donnée et assignée par les
duovirs en vertu de la loi Rubria abrogée ; et quand il aura déclaré cela, qu’ il soit permis de
lui donner un enquêteur ».
En cas de conformité, l’ enquête aboutit à la confirmation de propriété du colon
citoyen romain que j’ ai proposée plus haut pour les lignes 61-62.
Nous sommes dans le cadre d’ une assignation individuelle conforme au droit
romain (viritim adsignatio)67. Les propriétaires sont des citoyens romains, mais ils ne
constituent pas une communauté de droit public.

67 
Ch. Saumagne (« Sur la loi agraire de 643/111, essai de restitution des lignes 19 et 20 », Revue de Philologie, 1927
= ibid., dans « Essai d’ histoire sociale et politique relative à la province romaine d’ Afrique », Les Cahiers de Tunisie,
1962, t. X, Tunis, p. 233) a relevé la phrase, de prime abord surprenante, du clarissime cirtéen Marcus Cornelius Fronton :
Gracchus … Carthaginem uiritim diuidebat. La colonie de Carthage présente vraiment des particularités sur lesquelles il
conviendra de revenir. Contentons-nous ici de relever cette uiritim adsignatio réalisée dans un cadre colonial.

DHA 40/1-2014
Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 201

5. Les socii et les Latins


D’ autres Italiens sont cités dans la loi, dès la ligne 50. Contentons-nous pour
l’ instant de constater qu’ il s’ agit de militaires auxiliaires de l’ exercitus Romanus, recrutés
dans le cadre de la formula togatorum, ce qui conduit à admettre qu’ il était question des
socii et des Latini68.
l. 50 [… (73) … socium nominisue Latini69, quibus ex formula t]OGATORVM
MILITES IN TERRA ITALIA INPERARE SOLENT EIS POP[uleis, … (106) …]
l. 50 « [… (73) …] des alliés ou du nom latin, auxquels, en accord avec la charte]
d’ alliance, ils ont coutume de commander des soldats en Italie à ces peu[ples ….
(106) …] ».
Cinq lignes plus bas, dans le cadre des déclarations des terres devant le duovir, il
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est question d’ un achat de terre par un préfet ou par un soldat, ce qui fait penser qu’ il est
question, dans la lacune, des alliés et des Latins.
l. 54 [… (174) item, ex hoc edicto, utei is quei a colono ab eove quei in colonei numero
scriptus est agrum locum emerit, in iisdem diebus apud IIuirum … profitetur quid eius agri
loci quoius pri]MVM EMPTOR SIET AB EO QVOIVS HOMIN[is … (128) .. priuatei
eius agri locei uenditio siet ; item, ex hoc edicto, utei emptor profiteatur … sei uenditio agri
loci ante kalendas I(anuarias)70… M(arco) Liuio L(ucio)] CALPVRNI<o> COS FACTA
SIET, QVOD EIVS POSTEA <ne>QVE IPSE NE[que heres eius uenditionem facere
licuit …
l. 55 seiue emptio ab eo sociorum nominis Latinive ab eoue quei] PRAEFECTVS
MILESVE IN PROVINCIAM ER[it .. (120) … facta siet].
l. 54 « […. (174) … de même, aux termes de cet édit, celui qui aura acheté à un colon
ou à un inscrit comme colon, fasse, dans le même délai auprès du duovir la déclaration de
la quantité de terre ou de lieu dont] il aura été acheteur de première main (pour l’ avoir
achetée) de celui de qui [la vente aura été faite à titre privé ; de même, qu’ aux termes de
cet édit, l’ acheteur déclare si la vente de la terre ou lieu a été faite avant les calendes du

68 
On s’ est parfois demandé ce que faisaient ces soldats dans une loi consacrée à des civils. En réalité, rien n’ empêchait
des militaires d’ acheter des terres. Quant à la présence de corps auxiliaires, elle est du domaine de l’ évidence : selon Orose,
30 000 soldats de l’ armée romaine tenaient garnison à Utique (Aduersus paganos, V, 11).
69 
Dans les lignes qui suivent, je restitue socius avant Latinus, conformément à la tradition écrite.
70 
Crawford (p. 119) restitue I(anuarias).

DHA 40/1-2014
202 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

mois de janvier, sous les consulats de M(arcus) Liuius] et L(ucius) Calpurnius71, attendu
que, après cette date, ni le colon lui-même, ni son héritier
l. 55 [n’ ont eu licence de l’ accomplir ; … (qu’ il déclare encore) si l’ achat a été
réalisé par un allié ou un Latin ou par quelqu’ un qui] aurait été préfet ou soldat dans la
province ».
La raison de cette disposition est que l’ allié et le Latin ne seront pas traités aussi
favorablement que le citoyen romain, lequel est un citoyen romain civil. En effet, si miles,
dans le contexte de la ligne 51, désigne très probablement un auxiliaire, en revanche,
les praefecti étaient dès cette époque des officiers dotés de la cité (sous le Haut Empire,
cette fonction constituait une des milices permettant d’ intégrer le corps des procurateurs
équestres).
Celui-ci sera considéré comme ayant bénéficié d’ une assignation au même titre
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qu’ un colon ou qu’ un inscrit de la loi Rubria, comme nous l’ avons vu précédemment aux
lignes 61-62 ; ceux-là recevront, finalement, un bien grevé du vectigal :
l. 63 [… 252) … quod quand]OQVE EIVS AGRI ANTE KAL. I(anuarias)
[M(arco) L(iuio) L(ucio) Calp]VRNIO CO(n)[s(ulibus) emptor] EST AB EO QVOIVS
EIVS AGRI LOCEI HOMINIS PRIVATI VENDITIO FVIT TVM QVOM IN EVM
AGRVM EMIT, QVEI [… (29) …]
l. 64 [… (254) … neque is sociorum nominisue Latini neque praefectus milesue in
prouinciam erit ….],
l. 63 « …. que le IIvir examine72 sur quelle part et à quel mo]ment avant les
calendes de janvier, sous les consulats de Marcus Livius et Lucius Calpurnius, [s’ est trouvé
un acheteur] ayant acquis de celui de la part de qui la vente de la terre et lieu a eu lieu à
titre d’ homme privé, sous la condition que celui qui a acheté la terre et lieu
l. 64 [n’ est, ni allié, ni Latin, ni préfet ni soldat dans la province] ».
l. 64 [eo agro quem is qui em]IT PLANVM FACIET FECERITVE EMPTVM
ESSE, [quod eius agri locei neque ipse] NEQVE HERES EIVS NEQVE QVOI IS HERES
ABALIENAVERIT, QVOD EIVS AGRI LOCO PLANVM FACTVM
l. 65 ERIT, IIVIR ITA [iudicato utei is ager locus ei quei ita emerit datum
adsignatum siet].

71 
643 a.u.c = 111 avant J.‑C.
72 
Ici était exprimé, ou sous-entendu, le fait qu’ il était question de la même catégorie de terres, dans l’ hypothèse où le
colon l’ aurait aliénée.

DHA 40/1-2014
Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 203

« terre que] l’ acheteur démontrerait ou aurait démontré qu’ il l’ a achetée, [pour


la part de cette terre que n’ aurait aliéné ni lui-même] ni son héritier ni celui qui serait
l’ héritier de ce dernier, pour la part qui serait démontrée être bien dans cette situation,
que le duovir juge [de telle sorte que cette terre et lieu soit donné et assigné73 à cet
acheteur] ».
l. 65 [Quoi eo sociorum nominisue Latini quei agrum locum de eo agro loco quei colono
eiue quei in colonei numero scriptus est ex lege Rubria quae fuit datus erit, emit emeritue,
eiue quei de agro loco post kalend. I(anuarias), M(arco) L(iuio) L(ucio) Calpurnio co(n)
s(ulibus), ab eo, quoius agri loci uenditio hominis priuati uenditio fuerit, emptor erit ; quod
ita emptum fuisse planum factum erit, IIuir id ei procuratoriue heredeiue eius re]DDITO
QVOD IS EMPTVM HABVERIT, QVOD EIVS PVBLICE NON VENIE[t].
l. 65 « [À l’ allié ou au Latin qui aurait acquis une terre ou lieu donné au colon
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en vertu de la loi Rubria abrogée ; ou à celui qui, après les calendes de janvier sous les
consulats de Marcus Livius et de Lucius Calpurnius, aurait acheté de celui qui le lui aurait
vendu à titre d’ homme privé : pour la partie de cela qui aurait été constatée dans ces
situations, que le duovir] fasse [à cet individu, ou à son procurateur ou à son héritier],
une restitution de ce qu’ il aurait acheté pour la part qui n’ aurait pas fait l’ objet d’ une
vente publique ».
l. 65 [Quei item IIuir, sei is] AGER LOCVS EI EMPTVS FVERIT PVBLICE
VENIEIT, TANTVNDEM MODVM AGRI LOCEI DE EO AGRO, QVEI AGER
LO[cus publicus populi Romanei in Africa est … ei quei ita emptum habuerit, eo loco agro
quei Romae publice uenieit, commutato].
l. 65 [de même, si cette] terre et lieu ainsi acheté avait été vendu publiquement
à Rome, que le duovir donne à cet acheteur une superficie équivalente de terre et lieu
prélevé sur la terre publique du Peuple Romain en Afrique ».
l. 65 [Quoieique agrum locum de eo agro loco quei in Africa est … IIuir ita reddiderit
commutaueritue, is ager locus ab eo
l. 66 quoius in h(ac) l(ege) f ]ACTVS ERIT, HS N(ummo) I EMPTVS ESTO,
ISQVE AGER LOCVS PRIVATVS VECTIGALISQVE ITA [utei in h(ac) l(ege) supra]
scriptum est, esto].
l. 65 « [À celui auquel le duovir aura ainsi rendu ou échangé une terre et lieu
prélevé sur le domaine public d’ Afrique, que]

73 
Il s’ agit d’ une fiction juridique. L’ acheteur se trouve assimilé au colon originel.

DHA 40/1-2014
204 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

l. 66 « cette terre et lieu soit acheté un sesterce par celui que cette présente loi en
a fait le propriétaire, et que cette terre et lieu soit privé et redevable du vectigal, ainsi qu’ il
a été écrit plus haut dans cette présente loi ».
En revanche, l’ allié ou le Latin est traité de la même manière que le citoyen romain
pour ce qui est du vectigal, des decumae et de la scriptura dus au peuple romain ou au
publicain pour la possession et la jouissance du domaine public. Il ne s’ agit plus, en effet,
des terres qui avaient été destinées à des colons citoyens romains, mais de l’ ager publicus
constitué par ce qui appartenait aux cités détruites ou à leurs habitants.
l. 83 [Quei populi leiberi, queive perfuga, queive socium nominisue Latini quibus ex
formula togatorum milites in terra Italia inperare solent, agrum publicum in Africa possidebit
frueturue, is pro eo agro uectigal decumas] SCRIPTVRAM POPVLO AUT PVBLICANO
ITEM DARE DEBETO, VTEI PRO EO AGRO LOCO, QVEM AGRVM LOCVM
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POPVLVS [romanus ex h. l. locabit, que]M AGRVM LOCVM CEIVIS ROMANVS EX
H. L. POSSIDEBIT, DARE OPORTEBIT.
l. 83 « [… (193) … Considérant la terre et lieu à partir de cette terre et lieu qu’ un
ressortissant d’ un peuple libre74, ou un rallié, ou d’ un membre des alliés ou du nom Latin
desquels ils ont coutume d’ exiger des soldats en application du traité d’ alliance, possédera
et dont il jouit, il sera tenu de payer le vectigal, [la dîme] et le droit de pâture, pour cette
terre et lieu, au peuple ou au publicain dans les mêmes termes qu’ un citoyen romain est
dans l’ obligation de les payer pour cette terre et lieu que le peuple romain afferme et
qu’ un citoyen possède de par cette loi ».
M’ appuyant sur la restitution de Mommsen, j’ introduis la mention du perfuga.
Sur le plan de la forme, il n’ y a aucune raison de changer les mots et les locutions utilisées.
Sur le fond, il n’ y a aucune raison d’ exclure des locataires de la terre publique ceux qui
sont sur le sol africain dans la capacité personnelle de le faire. La position, ferme de
Johannsen, incertaine de Lintott, recèle le même point de vue quand ils proposent de
restituer Latinus peregrinusve, ce dernier mot pouvant englober les socii, les ressortissants
des peuples libres et les transfuges. Leur proposition repose sur un passage de la partie
italienne, dans lequel on lit, à la ligne 29, item Latino peregrinoque dans un contexte
de possession et de jouissance de la terre publique à égalité avec un citoyen romain. La
locution Latinus peregrinusve est susceptible d’ englober tous les éléments que je propose,
mais, d’ une part, le mot peregrinus n’ apparaît nulle part dans la partie africaine ; d’ autre
74 
Mommsen restitue « populus leiber ». Les terres d’ un tel peuple sont privées pour les Romains. Mais il s’ agit ici de
terres publiques romaines. Deux possibilités existent : ou bien le populus leiber loue des terres romaines, ou bien c’ est un
citoyen du peuple libre qui le fait. Les deux sont possibles, ce qui rend compte de la possibilité du génitif.

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Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 205

part, dans le contexte de la formula togatorum (lignes 50, 54, 63-64), laquelle a été
conservée dans cette même partie, nous avons affaire à des militaires présents sur le sol
d’ Afrique.

6. Des individus
Le citoyen romain, le Latin, l’ allié sont toujours considérés comme des individus
relevant d’ un statut qui engendre certaines possibilités ou certaines obligations. Par
exemple, celui qui détenait une terre en vertu de la loi Rubria abrogée était considéré
comme un individu pendant la période qui s’ étendait de la décision provisoire du duovir
suivant laquelle il la « posséderait et en jouirait» à la décision finale de reconnaissance
ou non de propriété ou de la possession (l. 51-52) :
l. 51 QVEI A<g>ER LOCVS IN AFRICA EST, QVOD EIVS AGRI [locei
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queicomque ex lege Rubria quae fuit, habebit]
l. 51 « En ce qui concerne la terre et lieu qui est dans l’ Africa, pour la part de
cette terre [et lieu qu’ il aurait ou posséderait et dont il jouirait en vertu de la loi Rubria,
abrogée,] »
l. 52 possidebit fruiturue cum IIuir ex h(ac) l(ege) creatus erit, is id habeat pos]
SIDEAT FRVATVRVE ITEM SEI IS AGER LOCVS PVBLI[ce Romae ei uenditus erit
usque eo quoad is IIuir de unoquoque aliter ioudicauerit.
l. 52 « [au moment où le duovir aurait été créé par la présente loi, que cet individu
l’ ait, la pos]sède et qu’ il en jouisse comme si cette terre ou lieu [lui avait été vendue
publiquement à Rome, jusqu’ à ce que ledit duovir en décide autrement pour chacun ».
Cette situation purement individuelle est la seule qu’ on découvre dans le texte. Le
singulier est d’ ailleurs employé le plus souvent.
Le substantif homo, qu’ il soit employé au singulier ou au pluriel, par le caractère
de généralité qu’ il revêt, marque tout autant l’ absence de toute association qui pourrait
défendre collectivement des droits :
l. 58 [IIuir qui ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, in … diebus proxsumeis quibus
factus creatusue erit, de agris locis quos ex h(ac) l(ege) datus adsignatus esse fuiseue iudicare
oportebit, rationem initio, et numerum conputatio nominaque inscribito hominum quos ex
lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae in coloniam coloniasue deduci oportuit
licuitue].

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206 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

l. 58 « [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa création,
sera tenu : en ce qui concerne les terres et lieux qu’ il est appelé à déclarer par jugement
être et avoir été assignés, d’ en organiser le règlement ; en ce qui concerne le nombre et les
noms des hommes dont la loi Rubria abrogée ordonnait ou autorisait la déduction par les
IIIvirs, d’ en faire le compte et d’ en dresser la liste] ».
l. 59 [et de] EIS AGREIS ITA RATIONEM INIT{I}O, ITAQVE H[ominum
numerum computato, utei … nei unius] HOMINI[s nomine, ……. non iudicato] ET,
NEIVE VNIVS HOMINIS NOMINE, QVOI EX LEGE RVBRIA QVAE FVIT,
COLONO EIVE QVEI [in colonei numero scriptus est, IIIuir deducendae coloniae iugera
dederit adsignauerit, iugera extra eum agrum quem IIIuir coloniae
l. 60 deducendae dare oportuit licuitue, data adsign]ATA FUISE IVDICATO.
l. 59 « Ce règlement touchant les terres, [et ce recensement des] h[ommes],
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devront être organisés [et réalisés] selon les directives suivantes : [1. il ne devra pas juger
…. au nom] d’ un homme75 […….) ; 2. il devra juger que tout jugère donné assigné par les
triumvirs] au nom d’ un homme qui est colon ou inscrit comme colon en vertu de la loi
Rubria abrogée, [s’ il a été donné hors de cette terre dont le triumvir »
l. 60 « chargé de fonder la colonie avait l’ ordre ou la faculté de donner], n’ a été,
[ni donné], ni assigné ».
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINIS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex lege
Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero] SCRIPTVS EST AGRVM
QVEI IN AFRICA EST, DARE OPORTVIT LICVITVE, AMPLIVS IVG(era) CC […
data adsignata fuise iudicato
l. 61 neiue maiorem numerum hominum in coloniam coloniasue deductum esse
fuis]EVE IVDICATO QVAM QVANTVM NVMERVM [ex lege Rubria quae fuit ….
(106) … a IIIuiris coloniae dedu]CENDAE IN AFRICA HOMINVM IN COLONIAM
COLONIASVE DEDVCI OPORTVIT LICVITVE (… 38 ….).
l. 60 « [3. il devra juger qu’ aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’ [a été
donnée et assignée au nom] d’ un seul individu, [au moment où le triumvir déducteur de
la colonie en vertu de la loi Rubria abrogée] a eu ordre et licence de donner [au colon ou]
à l’ inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».

75 
Le formulaire était très probablement le même dans les deux cas, d’ où ma proposition de restituer homini[s nomine…].
D’ autres restitutions de ces lignes ont été présentées. Elles ne contredisent pas mon propos, qui est de montrer que le
passage n’ envisage que des individus.

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Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 207

l. 61 (d) « [il devra] juger que n’ a pas été [déduit dans la ou les colonies] un
nombre supérieur au nombre [que, en vertu de la loi Rubria abrogée] il était prescrit et
permis [aux triumvirs] déducteurs de la colonie, de déduire dans la ou les colonies (…
38….) ».

7. Les societates
Si aucun groupement public, aucune association privée qui défendraient les
intérêts des Italiens ou des stipendiaires ne sont nommés dans la loi, en revanche, des
groupes d’ intérêt privé y sont implicitement attestés, comme l’ indique la présence de
magistri. Le magister est chargé de la gestion d’ une societas qui regroupe des associés
nombreux. Son rôle est défini par le contrat créant l’ association, laquelle ne constitue
pas une personne morale. La responsabilité du magister est importante puisque c’ est lui
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qui aura à répondre des dysfonctionnements et à contrôler la régularité des agissements
des membres76. Dans le cas présent, le magister est attesté quand la societas, détentrice de
biens qui avaient été destinés aux colons ou aux inscrits, se propose de vendre ces terres. Il
doit en faire la déclaration. La societas n’ est pas nommée, ce qui est normal. N’ étant pas
dotée d’ une personnalité morale, elle n’ est considérée qu’ à travers ses membres et, plus
précisément, par son responsable, qui est le magister.
l. 55 [Item : utei, sei magistratus agrum locum quei colono eiue quei in colonei nu]
MERO SCRIPTVS EST, DATVS ADSIGNATVS EST, QVODVE EIVS[dem] AG[ri
locei ex edicto possideri proscribi uenerique iusserit,
l. 56 idque bonorum emptor emerit, is bonorum emptor id profiteatur ; uel, sei
magister creatus erit ad agrum locum uendendum, utei is magister id profiteatur ; uel, sei
agro loco curator constitutus erit] VTEI CVRATOR EIVS PROFITEATVR. ITEM :
VT[ei …., sei magistratus … eum agrum locum ex edicto possideri proscribi ueneri iusserit,
quod eius agri uenditum erit ex e]DICTO, VTEI IS QVEI AB BONORVM
l. 57 EMPTORE MAGISTRO CVRATO[reue emerit, id apud IIuirum
profiteatur].
l. 55-56 : « [De même que, si un magistrat avait ordonné par son édit la mise en
possession ou la mise en vente publique ou la vente publique de la terre ou du lieu] »
76 
A.-E. Giffard, Droit romain, p. 78-81. En revanche, la présence, dans le même cadre, d’ un acheteur de biens (bonorum
emptor), d’ un mandataire (procurator), d’ un curateur (curator), n’ implique pas nécessairement que nous soyons en
présence d’ une societas (mais cela n’ est pas à exclure). Les cas du procurator et du curator sont du domaine du mandatum
(ibid., p. 81-84). La societas et le mandatum, « qui figurent en tête de la liste des judicia bonae fidei donnée par Cicéron,
sont des contrats de bonne foi, synallagmatiques et consensuels » (ibid., p. 78).

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208 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

qui est donné et assigné [à un colon ou à un inscrit comme colon, et qu’ un acheteur de
biens ait été l’ acheteur, que cet acheteur de biens fasse la déclaration de la partie achetée ;
ou bien, si un gestionnaire a été nommé en vue de la vente de la terre ou lieu, que ce
gestionnaire fasse la déclaration ; ou bien, si un curateur a été constitué pour cette terre et
lieu] que son curateur fasse la déclaration ».
l. 56 « De même : si …. (ou) si un magistrat a prescrit par un édit qu’ une terre et
lieu soit mis en vente et vente, qui, pour la partie ainsi vendue en vertu] de l’ édit, celui qui
l’ a [achetée] de l’ acheteur de biens »,
l. 57 du gestionnaire ou du curateur, [en fasse la déclaration] ».
Un autre type de société est implicitement attesté à la ligne 73, bien qu’ apparaisse
seulement le mot publicanus. Les publicani avaient formé, à partir des guerres puniques,
des sociétés d’ industrie pour la fourniture des armées et pour percevoir l’ impôt à ferme
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(Tite Live, 23, 48-49). Ce type était nommé societas quaestus, qui correspond à la société
d’ industrie du Code civil (art. 1842)77. Le publicain peut percevoir l’ impôt de la terre
privée et vectigalienne.
l. 73 [… 235 Quei agrum locum // publicum populi romanei in Africa emit emeritue,
quei ager locus ex h. l. priuatus uectigalisque factus erit, pro quo agro loco pequniam
populo aut publicano dare debebit, sei – in (x) diebus post eid. Mart. quae, posteaquam
uectigalia consistent, primae erunt, ea pequnia quam populo debebit pro eo agro loco quei
uenieit] VENIERIT, SOLVTA NON ERIT, IS PRO EO AGRO LOCO IN DIEBVS
CXX PROXSVMEIS EA[rum dierum uectigalium] QVAE S(upra) S(cripta) S(unt),
ARB(itratu) PR(aetoris) QVEI INTER CIVES TVM ROMAE IOVS DEICET, SATIS
SVPSIGNATO
PR(aetor) QVEI INTER CIVES ROMAE IOVS DEI[cet … (14) ..]  l.  74 […
(235) … sei] PRAEDIVM ANTE EA OB EVM AGRVM LOCVM IN PVBLICO
OBLIGATVM ERIT IN PVBLICV[mve praes datus eri]T, AGRVM LOCVM, QVO
PRO AGRO LOCO SATIS EX H. L. ARB(itratu) PR(aetoris) SVBSIGNATVM NON
ERIT, PEQVNIA PRAESENTI VENDITO (… 14 …)]
l. 73 « [Celui qui aura acheté une terre et lieu public du peuple romain en Afrique
– terre et lieu qui aura été fait privé et vectigalien en vertu de la présente loi – et pour
lequel il doit payer une somme au peuple ou au publicain – si, dans les (x) jours qui
suivront les Ides de Mars suivant l’ échéance, la somme au peuple due pour la terre et lieu
qui aura été] ou serait vendu, n’ était pas payée, cet individu, pour ce même terre et lieu,
77 
A.-E. Giffard, ibid., p. 79.

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Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 209

dans les 120 jours les plus proches des dates d’ échéances susdites, qu’ il donne caution
sous l’ arbitrage du préteur qui dira alors le droit entre citoyens ».
« Ce même préteur, ….
l. 74 sauf le cas] où un gage foncier aurait été auparavant engagé publiquement
pour ce même terrain ou [qu’ un garant aurait été donné] publiquement, mettra en vente
au comptant la terre et lieu pour lequel il n’ aurait pas été suffisamment souscrit selon
l’ arbitrage du préteur ».

Conclusion

La loi admet peu de communautés : les sept peuples libres sont les seuls qui
constituent une entité civique. Les transfuges alliés de Rome n’ ont d’ autre caractère
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collectif que le fait qu’ ils aient bénéficié d’ un certain nombre de dispositions. Les fils
de Massinissa ont été récompensés en tant qu’ héritiers du roi directement par Scipion
Émilien. Il s’ agit un arrangement dans un cadre d’ alliance entre Rome et une royauté.
Des societates faisant commerce de terres et des publicains s’ occupant des impôts sont
les seules associations perceptibles. Elles groupent des individus sans constituer des
personnes morales.
Tout le reste est strictement individuel : la colonie Iunonia Karthago étant dissoute,
la loi ne reconnaît plus que des cas individuels, traités un à un, aussi bien pour les citoyens
romains que pour les alliés et les Latins, et il en est de même pour les stipendiaires. Il
existe, certes, des listes, mais celles-ci servent à connaître les droits, les devoirs ou les
possibilités de chacun des individus qui s’ y trouvent inscrits, non à permettre à des
groupes de constituer des entités reconnues, publiques ou privées.
Cette conception individualiste provient pour une grande part de la conjoncture
historique – conquête de l’ Africa, annihilation de la plupart des cités, suppression de la
colonie gracchienne – mais elle obéit aussi aux changements qui se sont produits dans le
droit romain, dès la lex Licinia Sextia, et qui servirent de base à la loi agraire de Tibérius
Gracchus.

Jean Peyras

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210 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014

IV - Paysages et patrimoine

En ce 20e anniversaire de la loi Paysage de 1993, qui prévoit notamment de


protéger certains éléments du paysage, le rappel est salutaire de l’ apport original de cet
héritage patrimonial dont la préservation et la valorisation, si elles sont loin d’ aller de soi
à un moment ou le développement galopant des friches agricoles favorise l’ opportunisme
foncier, est désormais pris en compte dans la démarche des chercheurs.
Partie intégrante d’ un patrimoine culturel encore lisible dans nos paysages, cet
héritage, qui n’ en est pas moins chaque jour plus menacé, notamment par l’ extension des
zones urbanisées, est au cœur d’ une réflexion collective qui envisage à la fois les enjeux et
les conditions au sein desquels s’ inscrit sa nécessaire valorisation.
L’ analyse, menée dans le dossier thématique constitué par la revue Projets de
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Paysage78, de l’ impact de la loi dans l’ action publique et de ses retombées, relève quelques
initiatives encourageantes, à Bordeaux ou Toulouse, qui fédèrent, depuis les années 2000,
un large panel d’ acteurs dans un réseau « Paysage » pour développer la réflexion et la
formation, grâce, en particulier, à divers colloques et Journées d’ Études doctorales79, et
impulser sur le terrain une action qui a parfois du mal à suivre80.
C’ est dans une perspective analogue, qui interroge l’ efficacité des instruments
de régulation et les nombreuses résistances observables, que se situe le volume collectif
Paysage et développement durable81.
Parmi les contributions qui viennent d’ être apportées à tous les acteurs concernés,
il faut retenir deux ouvrages, très différents de poids et de portée.
Le volume collectif Paysages et Environnement. De la reconstitution du passé aux
modèles prospectifs82 rassemble une bonne trentaine d’ interventions, issues d’ un colloque
78 
Dans son numéro 9, 2013 où Didier Labat et Gaëlle Aggeri interrogent « La loi paysage a-t-elle eu un impact sur la
planification territoriale ? ».
79 
Sidonie Marchand dans cette même Chronique, DHA, 39/1, 2013, p. 216-219.
80 
Didier Labat, Pierre Donadieu, « Le paysage, levier d’ action dans la planification territoriale », L’ Espace géographique,
1, 42, 2013, p. 44-60.
81 
Yves Luginbühl, Daniel Terrasson (dir.), Paysage et Développement durable, Éditions Quae, Versailles, 2013,
notamment, Corinne Larrue, Mathieu Bonnefond, Jean-David Gerber, Peter Knoepfel, « Ressource paysagère et
territoire : une nécessaire régulation ? », p. 129-142.
82 
Didier Galop (dir.), Paysages et Environnement. De la reconstitution du passé aux modèles prospectifs, PUFC, Besançon,
2013, 489 p. Le volume rassemble les principaux résultats obtenus par les recherches pluriannuelles dans le Réseau
Thématique Pluridisciplinaire du CNRS Paysage et Environnement.

DHA 40/1-2014
Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 211

tenu en 2006, au fil desquelles sont abordés trois domaines qu’ investit la recherche
récente. La première partie « Le passé : reconstitutions, transmissions et nouveaux
indicateurs des dynamiques environnementales », à la fois méthodologique et informative,
regroupe 20 interventions distribuées sur un très large éventail spatio-temporel. Dans
la seconde, « Représentations sociales et formes de l’ action », parmi les 9 contributions
on peut notamment retenir, pour une démarche de valorisation qui nous intéresse ici,
l’ approche des paysages témoins de Wallonie83. On retrouve d’ ailleurs une logique assez
proche dans la dernière partie « Modélisations, scénarios prospectifs et rétro-prospectifs »
avec deux contributions qui s’ attachent, l’ une à la production d’ un outil d’ aide à la
décision84 et l’ autre à la sensibilisation du public85.
Quant à l’ ouvrage de Joël Chatain, Jardin, Paysage et Patrimoine. Nouvelles
pratiques, il se situe, lui, dans une perspective qui, au-delà de la production des
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connaissances, touche plus concrètement à un projet de mise en valeur d’ un site
patrimonial. Il se propose, en effet, de donner des orientations tant pour la définition
que pour la conduite du projet en générant un cahier technique ciblé comme une aide à
la prise de décision et à l’ aménagement. C’ est dire que progresse la conception unitaire
de la démarche, de la recherche à la préservation qui doit prévaloir pour garantir une
valorisation intégrée de l’ héritage paysager.

Monique Clavel-Lévêque

83 
Émilie Droeven, « La méthode d’ inventaire des paysages témoins de Wallonie (Belgique). Lire, déchiffrer, comprendre
et documenter les paysages à la recherche de morphologies paysagères porteuses de sens », p. 321-333.
84 
Marie Lion, « La simulation paysagère : un outil d’ aide à la décision. Application à l’ essaimage des pins sur les
sommets supra-forestiers du massif du mont Lozère (Cévennes, France) », p. 433-442.
85 
Philippe Fajon, Sophie de Champsavin, Virginie Maury, Gilles Pesquet, « Dynamique historique du paysage en
haute-Normandie : de la démarche scientifique à la sensibilisation des publics, de l’ histoire à la prospective », p. 443-453.

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