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Chronique 2014
Responsable Monique Clavel-Lévêque , Contributeurs Monique Clavel-Lévêque , Jean Peyras
Dans Dialogues d'histoire ancienne 2014/1 (40/1), pages 181 à 211
Éditions Presses universitaires de Franche-Comté
ISSN 0755-7256
ISBN 9782848674872
DOI 10.3917/dha.401.0181
© Presses universitaires de Franche-Comté | Téléchargé le 27/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 104.28.42.22)
Responsable
Monique Clavel-Lévêque
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Les études sur les territoires et les sociétés du monde rural, sur leur évolution au
cours de l’ Antiquité, gallo-romaine notamment, se sont considérablement multipliées
au cours des dernières décennies comme tente de l’ évaluer Alain Ferdière dans son Bilan
de 20 ans de recherches sur la Gaule rurale1 accessible en ligne. En 2013, ce mouvement
de réflexion se concrétise dans un volume impressionnant de publications, parmi
lesquelles les Actes de colloques ou ouvrages collectifs, souvent pluridisciplinaires et
diachroniques, privilégiant le temps long, tiennent une place toujours plus large, souvent
liée à la dynamique développée dans le cadre de Programmes Collectifs de Recherches
qui relancent, sur la base de fructueuses collaborations pluridisciplinaires, les recherches
régionales. À quoi viennent s’ ajouter quelques synthèses, thématiques ou régionales,
qui réunissent une moisson imposante de données, inédites ou déjà plus ou moins
connues mais dispersées dans plusieurs revues, bilans archéologiques ou contributions
diverses. Cet aspect, traditionnel, de l’ approche des paysages, de leur histoire et de leur
aménagement, où la Gaule tient une place majeure, se prolonge dans cette chronique
par l’ analyse d’ un texte épigraphique éminemment complexe, considéré ici dans ses
implications en Afrique, mais dont la portée est majeure non seulement pour éclairer
les caractères originaux du statut des cités, des terres et des hommes dans cette province,
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L’ intérêt, en effet, ne cesse de croître qui porte globalement sur les zones littorales5,
maritimes ou fluviales, la gestion des bords de l’ eau, l’ anthropisation des milieux riverains6,
incluant progressivement une géographie des risques7.
Si les zones méditerranéennes8, gauloises, hispaniques ou romaine9 occupent une
place de choix dans le rythme des ateliers, colloques et publications, elle est de moins
en moins exclusive10, comme en témoigne l’ avancée des recherches sur les relations
Hommes/Milieu dans les régions atlantiques11.
5
On pense notamment à Virginie Ropiot, Carole Puig, Florent Mazière (dir.), Les plaines littorales en Méditerranée
nord-occidentale. Regards croisés d’ histoire, d’ archéologie et de géographie de la Protohistoire au Moyen Âge, éditions Monique
Mergoil, Montagnac, 2012, 315 p. ou à Corinne Sanchez, Marie-Pierre Jézégou (dir.), Espaces littoraux et zones portuaires
de Narbonne et sa région dans l’ Antiquité, MAM, 28, Lattes, 2011, 288 p.
6
Ella Hermon, Anne Watelet, Riparia, Un patrimoine culturel BAR 2014 qui poursuit les réflexions collectives de
l’ atelier de 2012.
7
C’ est le cas pour les 8e Journées d’ Études organisées à Orléans en avril 2013, Géohistoire des risques et des patrimoines
naturels fluviaux. Des milieux ligériens aux autres espaces fluviaux européens, dont les Actes sont à paraître.
8
En témoignent les XXXIVe Rencontres Internationales d’ Archéologie et d’ Histoire d’ Antibes, tenues en octobre
2013, Implantations humaines en milieu littoral méditerranéen : facteurs d’ installation et processus d’ appropriation de
l’ espace, de la Préhistoire au Moyen Âge, dont les Actes doivent paraître et l’ aboutissement des recherches de Guenaëlle
Bony, Contraintes et potentialités naturelles de quelques sites portuaires antiques de Méditerranée et de mer Noire (Fréjus,
Ampurias, Kition, Istambul, Orgame), Thèse Université Aix-Marseille, 2013.
9
Diverses rencontres de l’ École française de Rome en témoignent en 2013, comme le colloque qui a concerné à la fois
les milieux fluviaux et littoraux de la zone romaine ou l’ atelier international qui a porté sur le paysage du Latium antique.
10
Le numéro spécial de Norois, 2011, 3, consacré à l’ apport de la géoarchéologie dans le nord-ouest de la France,
montre les avancées récentes dans la connaissance du colmatage des marais littoraux et des variations du niveau marin, de
l’ occupation du sol et de l’ évolution es paysages.
11
Marie-Yvane Daire, Catherine Dupont, Anna Baudry, Cyrille Billard, Jean-Marc Large, Laurent Lespez, Eric Normand,
Chris Scarre, Anciens peuplements littoraux et relations Homme/Milieu sur les côtes de l’Europe atlantique, BAR International
Series 2570, Oxford, 2013.
12
Vincent Carpentier, Philippe Leveau, Archéologie du territoire en France. 8 000 ans d’ aménagements, op. cit.
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ou la mise en forme des paysages et des parcellaires que sur le développement des grands
secteurs de production ou la structuration économique et politique des territoires.
Les volumes de la Carte archéologique nationale parus en 2013 apportent, dans le
cadre du Pré-inventaire, un stock de données et une masse d’ informations, synthétiques et
largement renouvelées, qui constituent une base solide à la fois pour asseoir de nouvelles
synthèses régionales et pour développer les comparaisons indispensables.
Pour la Picardie, le volume sur la Somme13 a permis à Tahar Ben Redjeb, de
réunir une documentation considérable depuis l’ apport pionnier qu’ ont constitué les
prospections aériennes de Roger Agache dès les années 1960/1970 jusqu’ aux données
récentes dues au suivi des grands travaux du TGV Nord, des autoroutes A 28, A 29, A 16
sur plusieurs centaines de km, encore enrichies par l’ étude d’ emprise du gazoduc Loon
Plage-Cuvilly et par le développement des prospections au sol et des fouilles préventives.
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13
Tahar Ben Redjeb, La Somme, CAG, 80/2, 2013, 840 p., 1268 fig.
14
Claudine Girardy-Caillat, Etienne Saliège, Hervé Gaillard (éds.), Périgueux, Carte Archéologique de la Gaule, 24/2,
Paris, 2013.
15
Anne-Laure Brives, Hervé Gaillard, Claudine Girardy-Caillat, Gwénaëlle Marchet-Legendre, Élisabeth Pénisson,
Mathilde Régeard, Étienne Saliège.
16
L’ exposition temporaire « Quoi de neuf chez les Pétrucores ? Dix ans d’ archéologie en Périgord gallo-romain »,
12 juillet 2013-2 mars 2014, synthétise 10 ans de recherche archéologique sur le territoire.
17
Cécile Doulan, Xavier Charpentier (éds.), Bordeaux, Carte Archéologique de la Gaule, 33/2, Paris 2014, 388 p.
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18
Publié sous la direction de Cristina Gandini et Laure Laüt, le volume fait l’ objet du supplément 45 de la Revue
Archéologique du Centre de la France.
19
Joël Courchay, Clémence Champion, « Neriomagus/Aquae Nerii (Néris-les-Bains, Allier) : religion, thermalisme et
artisanat ».
20
Olivier Buchsenschutz, Christophe Batardy et Aline Bohet, « Approche archéologique des réseaux de peuplement et
centres de pouvoir sur le territoire du Berry à l’ âge du fer ».
21
Simon Girond, « Sanctuaires, territoire et peuplement : Réflexions sur l’ implantation des lieux de culte dans la cité
biturige ».
22
Philippe Charnotet, « Approche spatiale et circulation monétaire dans une cité de Gaule romaine ».
23
Christian Cribellier, Alain Ferdière (dir.), Agglomérations secondaires antiques en Région Centre, 2, Tours 2012,
187 p., Supplément 42 de la Revue Archéologique du Centre de la France.
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dans les variations zonales qu’ on y observe, notamment pour les grands moments
d’ implantation domaniale30. Plus neuf, cet aspect pourra contribuer à une approche plus
dynamique des réseaux centuriés et au fonctionnement différentiel des parcellaires en
leur sein, comme il a été déjà souligné.
La perspective spatiale plus large et comparative, englobant Gaules et Espagnes,
qu’ affichent les Actes du 9e colloque Ager tenu à Barcelone en 201031, retrouvent les
mêmes thématiques et cas d’ étude – les conditions d’ occupation du sol, les formes
d’ habitat, les modes d’ aménagement et d’ exploitation des ressources du territoire –, qui
font l’ objet essentiel des 26 contributions.
Dans la première partie Romanisation, peuplement et cité, on retrouve, aux côtés
des Arvernes et des Bituriges, les cas devenus quasi classiques de Nîmes et de Tarraco32,
les territoires d’Emporiae, de Saguntum-Valentia, de Carthago Nova33, d’Ossonoba. Faut-
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30
François Favory et alii, p. 93-166.
31
Jean-Luc Fiches (†), Rosa Plana Mallart, Victor Revilla Calvo (dir.), Paysages ruraux et territoires dans les cités de
l’ Occident romain. Gallia et Hispania. Paisajes rurales y territorios en las ciudades del Occidente romano. Gallia e Hispania,
PULM, Montpellier, 2013, 394 p.
32
Ignacio Grau Mira, Jaime Molina Vidal, « Diversité territoriale et modèles d’ exploitation des paysages ruraux du sud
de la Tarraconaise (IIe siècle av. J.‑C.-IIe siècle apr. J.‑C.) », p. 59-66 et Marta Prevosti, Jordi Lopez, Ignacio Fiz, « Paysage
rural et formes de l’ habitat dans l’ ager Tarraconensis », p. 99-108.
33
Antonio Javier Murcia Muñoz, Leticia Lopez Mondejar, Sebastian Federico Ramallo Asensio, « El territorio de
Carthago Nova entre los siglos IIe a.c. y IIe d.c. », p. 121-135.
34
Murielle Georges-Leroy, Jean-Denis Laffite, Marc Feller, « Des paysages ruraux antiques contrastés dans les cités des
Leuques et des Médiomatriques : effet de source ou répartition différentielle des établissements dans l’ espace rural ? »,
p. 181-193.
35
Pierre Ouzoulias, « La géographie de la villa dans les Gaules romaines : quelques observations », p. 253-267 ;
Ricardo Gonzalez Villaescusa et al., « La villa gallo-romaine d’ Andilly-en-Bassigny. Un projet d’ étude de l’ ager de la cité
des LingonsAndematunnum-Langres, », p. 303-311.
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urbaines36. Ces interfaces ont d’ailleurs la particularité d’être abordées dans leur ambiguïté
– espaces d’habitat, de rencontre… – et leur singularité lors du colloque de Versailles (2012)
dont les actes, débordant la sphère gauloise, vers Rome et l’Africa notamment, sont réunis
dans Franges urbaines et confins territoriaux. La Gaule dans l’Empire37.
Monique Clavel-Lévêque
Individus et communautés
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36
Josep Maria Nolla, Lluis Palahi, « El suburbium de la ciudad de Gerunda. algunos aspectos », p. 281-291 et
Pedro Damaso Sanchez Barrero, « El paisaje agrario romano en las proximidades de Augusta Emerita », p. 293-301.
37
Claire Besson, Olivier Blin, Bertrand Triboulot, Franges urbaines et confins territoriaux. La Gaule dans l’ Empire,
Errance, à paraître.
38
Les éditions les plus suivies furent celles de Theodor Mommsen, dans E. Lommatzsch et Th. Mommsen, Corpus
Inscriptionum Latinarum, Inscriptiones antiquissimae ad C. Caesaris mortem, Berlin, 1893, I.2, 200 (= 585), et dans
« Lex agraria a.u.c. DCXLIII, ante Chr. 111 », Gesammelte Schriften I, Berlin 1905, p. 65-145. D’ autres lectures
et commentaires antérieurs demeurent précieux. Trois éditions accompagnées d’ une traduction ont vu le jour dans la
seconde moitié du XXe siècle : K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 v. Chr. Text und Kommentar, München, 1971 ;
A. Lintott, Judicial Reform and Land Reform in the Roman Republic, Cambridge, 1992, 2e éd. 2010 ; M. H. Crawford,
« Lex repetundarum, lex agraria », dans Id. (ed.), Roman Statutes, Londres, 1996, vol. I, p. 39-180.
39
La restitution des lignes 43 à 52 a fait l’ objet d’ un seul et unique essai de recomposition : L. de Ligt, « Studies in legal
and agrarian history IV: Roman Africa in 111 B. C. », Mnemosyne, 54, 2, 2001, p. 182-217.
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lorsque Louis Maurin et moi-même découvrîmes la ciuitas Vzalitana Sar40, lorsque, par
la suite, je me suis demandé pour quelle raison une région aussi urbanisée à l’ époque
punique avait produit si peu de cités pendant deux siècles, comme en témoigne la liste
dressée par Pline l’ Ancien dans le livre V de son Histoire naturelle ou comme le montrent
des études régionales41. L’ on commet une erreur de perspective quand on souligne le
grand nombre de cités dans la province d’ Afrique : c’ est un phénomène tardif, d’ époque
antonine ou sévérienne, qui tranche avec la précocité qu’ on découvre dans d’ autres
régions, péninsule Ibérique, Gaules, provinces helléniques d’ Europe ou d’ Asie. La loi
agraire m’ a paru, par sa nature, apte à rendre compte de ce phénomène.
Dans la problématique qui est la mienne, la première recherche à effectuer est de
savoir quelles communautés sont en cause dans la loi. Sept apparaissent avec netteté : il
s’ agit des peuples libres alliés de Rome pendant la troisième guerre punique. Ce sont les
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40
L. Maurin et J. Peyras, « Uzalitana, la région de l’ Ansarine dans l’ Antiquité », Les Cahiers de Tunisie, XIX-1971,
n°75-76, p. 11-103.
41
Pour prendre deux exemples, dans la région entourant Carthage sur une soixantaine de kilomètres, aucune cité, à
l’ exception d’ Utique (et d’ Uzali si l’ on accepte de placer le peuple libre à El Alia, ce dont je doute fort parce que cela
contredit directement l’ affirmation péremptoire d’ Appien, alors même qu’ un autre site peut être proposé, lequel concorde
avec des événements rapportés par Orose), n’ apparaît avant Octavien-Auguste, la plus grande partie des cités voyant le jour
sous Commode, sous les Sévères ou au cours du IIIe siècle ( J. Peyras, « Uthina dans le nord-est de l’ Afrique. 2. La colonie
d’ Uthina et le milieu africain », Oudhna (Uthina), colonie de vétérans de la XIIIe Légion, Histoire, urbanisme, fouille et mise
en valeur des monuments, sous la direction de Habib Ben Hassen et de Louis Maurin, Bordeaux-Paris-Tunis, p. 264-278).
Plus à l’ ouest, entre 60 et 100 kilomètres de Carthage (toujours en deçà de la Fossa Regia), dans le Tell nord-est, quatorze
habitats importants existaient avant l’ époque romaine d’ après les relevés archéologiques. Cinq d’ entre eux, dans les Hédil,
n’ ont laissé aucune trace d’ agglomération à l’ époque romaine ( J. Peyras, Le Tell nord-est tunisien dans l’ Antiquité, essai de
monographie régionale, Paris, 1991, p. 230, fig. 55).
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considérés comme un groupe collectif détenteur de droits en tant que groupe. C’ est ce
que je me propose de montrer dans les pages qui suivent42.
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Quantum modum eius agri loci ei ceiui Romano, pro eo agro loco tantumdem
modum de eo agro quei publicus populi romani in Africa est, quod eius publice non uenieit,
IIvir commutato.
IIvir, quei ex h.l. factus creatusue erit, in diebus (…) proxsumeis qu]IBVS IIVIR
EX H.[l. fact]VS CREATVSVE ERIT, FACITO <utei> QVANTVM AGRI LOCI
QVOIVSQVE IN POPVLI LIBEREI <agro loco> INVE EO AGR [o loco quei ager
lo]CVS PERFUGEIS DATVS ADSIGNATVSVE EST, CEIVIS ROMANEI EX H.
L. FACTVM ERIT, QVO PRO AGRO LOCO AGER LOC[us ceiui ro]MANO EX
H. L. [commutatus non erit, tantundem agri loci de eo agro loco quei ager locus publicus
populi romanei in Africa est, quod eius publice non venieit, pro eo agro loco quei ceiuis
romanei factus erit, quoeique populo libero perfugare.. assignet].
l. 75-77 …. « (A) Le duovir, qui, de par cette loi, aura été fait et créé, dans les (..)
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44
J’ emploie ici une expression neutre. Je traduis ailleurs par « ralliés ». C’ est le terme qu’ on emploie généralement
quand on accueille des ennemis dans son propre camp. Traduire par « transfuges », ou par « deserters » est péjoratif. Il
s’ agit d’ un jugement de valeur défavorable ou méprisant. Mais ce n’ est pas le point de vue de ceux qui les accueillent. En
fait, les mots perfugae, perfugium, perfugere sont loin d’ avoir toujours une connotation péjorative. Perfugere du camp de
Pompée pour celui de César ne saurait être, pour ce dernier, un acte méprisable (César, B.C., 3, 61), tandis que le perfugium
bonorum de Cicéron est « un refuge (pour les) gens de bien (Fam., 12, 6, 2).
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45
J’ emprunte à Johannsen (p. 166) la restitution de la phrase concernant les transfuges.
46
Il n’ y a pas de divergences notables sur la restitution et la compréhension de la ligne 81 (peuples libres, ralliés,
stipendiaires).
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12) rapporte que nombreux furent ceux qui désertèrent à cause de la famine pendant
le siège de Carthage. Nous ne savons pas s’ ils rejoignirent les forces romaines ou s’ ils
trouvèrent refuge dans des fermes fortifiées ou dans des bourgs amis. Les transfuges de
Phaméas auraient été principalement établis dans la vallée de la Catada (Oued Miliane)47.
C’ est dans cette région que Scipion Émilien concéda des terres qui demeurèrent
dans le domaine public romain aux fils de Massinissa :
Ligne 81 […. Extraque eum agrum locum quem P. Cornelius imperator lib]EREIS
REGIS MASSINISSAE DEDIT HABERE FRVIVE IVSI<t>.
« [… et en dehors de la terre et lieu que Publius Cornelius, commandant en chef,
a donné aux fi]ls de Massinissa ; il a ordonné de l’ avoir et d’ en jouir ».
Cicéron place ces terres in ora maritima, « dans la zone maritime »48. Il est
probable qu’ elles correspondent à ce qui devint la cité de Thimida Regia, entre Carthage et
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2. Les vaincus
Le sort des Carthaginois et de bien d’ autres Africains, devenus esclaves, n’ est pas
évoqué et n’ avait pas à l’ être50.
47
J.-M. Lassère, Ubique populus, peuplement et mouvements de population dans l’ Afrique romaine de la chute de Carthage
à la fin de la dynastie des Sévères (146 a. C-235 p. C.), Paris, p. 43.
48
Cicéron, De lege agraria, II. XXII, 58.
49
J. Peyras, « Oudhna », p. 266-267.
50
Il est possible, selon moi, de cerner schématiquement la répartition des Africains en libres et esclaves : le groupe
introduit par la préposition extra comprend des individus libres sur le plan personnel ; la catégorie « du reste » (ceterum
agrum locum) rassemble les terres publiques destinées à être affermées à toute personne libre dans le système de la censoria
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194 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014
locatio. Hardy (Six Roman Laws, « Categories of Land », p. 54-55), avançait qu’ elles étaient constituées par le territoire
des villes qui avaient été détruites et que, parmi les possesseurs, les pérégrins incluaient probablement les habitants de
ces cités. À mon point de vue, il y a deux types de cités disparues, et à chacun d’ eux correspond un sort différent pour
les anciens citoyens : 1) ce que Hardy nomme « conquered communities » : elles sont dissoutes juridiquement, mais les
habitants sont des stipendiaires, libres personnellement. Elles correspondent aux villes qui se sont soumises à temps et qui
ont bénéficié d’ un accord ; 2) ce que Hardy nomme « villes actually destroyed », dont le territoire, devenu public comme
le précédent, est livré à ceux qui veulent louer des terres contre divers impôts. Les villes ont été détruites, prises d’ assaut
ou sans bénéfice d’ un accord réel ou tacite, et il y a tout lieu de penser que les anciens habitants sont devenus esclaves. Et, à
mon avis, c’ est dans cette catégorie qu’ il faut chercher l’ origine des latifundia africains.
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Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 195
51
Lintott (p. 265-266) traduit stipendium par « tribute », stipendiareis par « tribute-payers ». Tributum devrait être
réservé aux cités pour lesquelles il existe une redevance globale payée à l’ État romain : Ager est mensura conprehensus,
cuius modus universus ciuitati est adsignatus, sicut in Lusitani Salma<n>ticensibus aut Hispania citeriore Pala<n>tinis et
in conpleribus provinciis tributarium solum per universitatem populis est definitum : « La terre comprise par la mesure est
celle dont toute la superficie a été assignée à une cité, comme en Lusitanie aux Salmaticenses ou en Espagne citérieure
aux Palantini, et dans de nombreuses provinces, le sol tributaire a été défini dans sa totalité pour les peuples ». (Frontin,
L’ œuvre gromatique, Corpus Agrimensorum Romanorum IV, texte traduit par O. Behrends et al., Luxembourg, 1998,
p. 4-7, 7). En revanche, le stipendium est une redevance individuelle, même quand il est question, comme dans la péninsule
Ibérique, de civitates stipendiariae ; à plus forte raison, comme ici, quand il n’ est question que d’ homines, les communautés
n’ existant plus juridiquement
52
(publiquement à Rome).
53
Crawford (77-78, p. 136, 149, 176) n’ envisage pas un échange. Il prend en compte simplement le fait que la terre
assignée aux stipendiaires ait été portée sur le cadastre. Sa restitution ne comble que très faiblement la longue lacune.
Lintott (p. 265), s’ appuyant sur les premiers éditeurs, penche pour la restitution popul]i Romani et pense qu’ il n’ est pas
question de citoyens romains individuels ni d’ échange de terres. Tout au contraire, ma proposition se rapproche de celles
de Mommsen, de Rudorff, de Husche et de Johannsen.
54
Sur ce locus et oppidum, cf. J. Desanges, Pline l’ Ancien, Histoire Naturelle, livre V, 1-46, l’ Afrique du Nord, Paris, 1980,
p. 217-128, 301-303.
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196 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014
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Les colons de la colonia Iunonia Karthago étaient, suivant une majorité des
commentateurs modernes, des citoyens romains, quitte à admettre que ce statut n’ ait été
accordé, pour certains d’ entre eux, qu’ au moment de la déduction. D’ autres en doutent,
sans toutefois se prononcer jamais pour une colonie latine. J.‑M. Lassère, prenant en
compte la formule mentionnant à la fois « les colons et ceux qui ont été inscrits dans le
registre du colon », ces derniers étant considérés par certains comme pouvant être des
Italiens, concluait : « La formule colonos, eive quei in colonei numero scriptus est … laisse la
question posée »57. Est-il possible de résoudre le dilemme ?
Notons un premier point : à la date de la promulgation de la lex Rubria, une
colonie était ou bien romaine, ou bien latine. C’ est-à-dire que tous les colons étaient
déduits en tant que citoyens romains ou en tant que Latins, quel qu’ ait été le statut de
chacun d’ entre eux avant qu’ on leur donnât et assignât la centurie de 200 jugères. Vouloir
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57
J.-M. Lassère, Vbique Populus, 1977, p. 107.
58
E. T. Salmon, Roman Colonisation under the Republic, Aspects of Greek and Roman Life, Londres, 1969, p. 38 et 68.
59
O. Behrends, (« Les conditions des terres dans l’ Empire romain », dans Monique Clavel-Lévêque et Georges Tirologos
(éds), De la terre au ciel, paysages et cadastres antiques, Besançon, 2004, II, p. 8) replace le sort de Carthage dans un contexte
de niveau colonial et de droits liés à la citoyenneté romaine, tout en dépassant les causes conjoncturelles de la dissolution de
la colonie : « Les colonies “Junonia” de 122 av. n. è. en Afrique et de “Narbo” de 118, qui avaient une terre de statut égal à
celui de l’ ager Romanus, furent vite supprimées pour conserver la primauté de l’ ager Romanus d’ Italie ».
60
À mon avis, puisqu’ il s’ agit d’ une proposition originale. Les éditeurs allemands, cf. Johannsen, p. 150) écrivent …]re
Rom[…. ; Lintott, p. 192, ..]ROM (lecture incertaine de ces lettres) ; Crawford, p. 119, +++. Pour la justification de mon
interprétation, cf. les lignes qui suivent, où je mets en relation les lignes 52-53 et 61-62.
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198 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014
l. 61-62 [… (172) … IIVIR QVEI [ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit, de eo agro
quem ex lege Rubria quae fuit a IIIuiris coloniae deducendae colono eiue quei in colonei
numero scriptus est, dari oportuit licuitue ut eorum ex iu]RE ROMA[no siet, quod eius agri
locei colono eiue quei in colonei numero scriptus est d]ATVS AD[signatus fuerit quod eius
agri non abalienatum quodque eius] AGRI EX H.L. ADIOVDICARI LICEBIT, QVOD
ITA COMPERIETVR, ID EI HEREDEIVE EIVS ADSIGNATVM ESSE IVDICATO
[… (33) …].
l. 61-62 « […. (172) … En ce qui concerne la terre que les triumvirs avaient l’ ordre
et la faculté de donner et assigner, en vertu de la loi Rubria abrogée, aux colons ou aux
inscrits comme colons de telle manière qu’ elle leur appartienne] selon le droit romain
[pour la part qui a été donnée et assignée à un colon ou à un inscrit comme colon, pour la
part, encore, qui n’ aura pas fait l’ objet d’ une vente, pour la part, enfin, que le duovir], en
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61
A.-E. Giffard, avec la collaboration de R. Villers, Droit romain et ancien droit français (obligations), Paris, 1967, p. 56.
62
A. Lintott, Judicial Reform, p. 247.
63
St. Gsell, Histoire ancienne de l’ Afrique du Nord, Paris, 2e éd., 1914-1930, VII, p. 60, n. 11.
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en se référant à la ligne 60 qui montre clairement que l’ inscrit était considéré comme
ayant des droits suivant la loi et non simplement de facto. La phrase est la suivante :
l. 60 NEIVE VNIVS HOMINVS [nomine, cum IIIuir coloniae deducendae ex
lege Rubria quae fuit … (106) … colono eiue quei in colonei numero] SCRIPTVS EST
AGRVM QVEI IN AFRICA EST, AGRVM DARE OPORT{EB}<u>IT64 LICVITVE,
AMPLIVS IVG(era) [… data adsignata fuise iudicato].
l. 60 « Il devra juger qu’ aucune] superficie supérieure à 200 jugères n’ [a été
donnée assignée au nom] d’ un seul individu, [au moment où le triumvir déducteur de la
colonie en vertu de la loi Rubria abrogée,] a eu ordre et licence de donner [au colon ou]
à l’ inscrit [comme colon] la terre située en Afrique ».
Elle donne raison au savant d’ Oxford sur ce point.
La conjecture de Gsell ne me semble pas pouvoir être retenue : les inscrits étaient,
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celui de la loi de 643 a. u. c. qui s’ essaie à résoudre l’ incroyable confusion qui a suivi la
dissolution de la colonie, avec ses ventes publiques de terres données et assignées, ses
ventes privées, l’ intervention d’ hommes d’ affaires et de sociétés, la disparition des ayants-
droit initiaux, les héritages et autres réalités justifiables ou non.
Le processus de reconnaissance de propriété est immédiatement engagé en faveur
du colon ou de l’ inscrit, la déclaration appelant l’ intervention rapide d’ un enquêteur :
l. 52 [….(128) … IIuir, quei ex h(ac) l(ege) factus creatusue erit …] IN BIDVO
PROXSVMO QVO FACTVS CREATVSVE ERIT, E<d>IC<t>O … (57)
l. 52 « [… (170) … « que le duovir qui sera créé en vertu de la présente loi, dans les
deux jours qui suivront la création, prenne un édit … (57) ... »
l. 53 [… (170) ex hoc edicto utei colonus isue quei in colonei numero scriptus est, quoi
ager locus de eo agro loco quei in Africa est, a IIIuiris a(gris) d(andis) ads(ignatis) ex lege
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Ch. Saumagne (« Sur la loi agraire de 643/111, essai de restitution des lignes 19 et 20 », Revue de Philologie, 1927
= ibid., dans « Essai d’ histoire sociale et politique relative à la province romaine d’ Afrique », Les Cahiers de Tunisie,
1962, t. X, Tunis, p. 233) a relevé la phrase, de prime abord surprenante, du clarissime cirtéen Marcus Cornelius Fronton :
Gracchus … Carthaginem uiritim diuidebat. La colonie de Carthage présente vraiment des particularités sur lesquelles il
conviendra de revenir. Contentons-nous ici de relever cette uiritim adsignatio réalisée dans un cadre colonial.
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On s’ est parfois demandé ce que faisaient ces soldats dans une loi consacrée à des civils. En réalité, rien n’ empêchait
des militaires d’ acheter des terres. Quant à la présence de corps auxiliaires, elle est du domaine de l’ évidence : selon Orose,
30 000 soldats de l’ armée romaine tenaient garnison à Utique (Aduersus paganos, V, 11).
69
Dans les lignes qui suivent, je restitue socius avant Latinus, conformément à la tradition écrite.
70
Crawford (p. 119) restitue I(anuarias).
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mois de janvier, sous les consulats de M(arcus) Liuius] et L(ucius) Calpurnius71, attendu
que, après cette date, ni le colon lui-même, ni son héritier
l. 55 [n’ ont eu licence de l’ accomplir ; … (qu’ il déclare encore) si l’ achat a été
réalisé par un allié ou un Latin ou par quelqu’ un qui] aurait été préfet ou soldat dans la
province ».
La raison de cette disposition est que l’ allié et le Latin ne seront pas traités aussi
favorablement que le citoyen romain, lequel est un citoyen romain civil. En effet, si miles,
dans le contexte de la ligne 51, désigne très probablement un auxiliaire, en revanche,
les praefecti étaient dès cette époque des officiers dotés de la cité (sous le Haut Empire,
cette fonction constituait une des milices permettant d’ intégrer le corps des procurateurs
équestres).
Celui-ci sera considéré comme ayant bénéficié d’ une assignation au même titre
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643 a.u.c = 111 avant J.‑C.
72
Ici était exprimé, ou sous-entendu, le fait qu’ il était question de la même catégorie de terres, dans l’ hypothèse où le
colon l’ aurait aliénée.
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Il s’ agit d’ une fiction juridique. L’ acheteur se trouve assimilé au colon originel.
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l. 66 « cette terre et lieu soit acheté un sesterce par celui que cette présente loi en
a fait le propriétaire, et que cette terre et lieu soit privé et redevable du vectigal, ainsi qu’ il
a été écrit plus haut dans cette présente loi ».
En revanche, l’ allié ou le Latin est traité de la même manière que le citoyen romain
pour ce qui est du vectigal, des decumae et de la scriptura dus au peuple romain ou au
publicain pour la possession et la jouissance du domaine public. Il ne s’ agit plus, en effet,
des terres qui avaient été destinées à des colons citoyens romains, mais de l’ ager publicus
constitué par ce qui appartenait aux cités détruites ou à leurs habitants.
l. 83 [Quei populi leiberi, queive perfuga, queive socium nominisue Latini quibus ex
formula togatorum milites in terra Italia inperare solent, agrum publicum in Africa possidebit
frueturue, is pro eo agro uectigal decumas] SCRIPTVRAM POPVLO AUT PVBLICANO
ITEM DARE DEBETO, VTEI PRO EO AGRO LOCO, QVEM AGRVM LOCVM
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part, dans le contexte de la formula togatorum (lignes 50, 54, 63-64), laquelle a été
conservée dans cette même partie, nous avons affaire à des militaires présents sur le sol
d’ Afrique.
6. Des individus
Le citoyen romain, le Latin, l’ allié sont toujours considérés comme des individus
relevant d’ un statut qui engendre certaines possibilités ou certaines obligations. Par
exemple, celui qui détenait une terre en vertu de la loi Rubria abrogée était considéré
comme un individu pendant la période qui s’ étendait de la décision provisoire du duovir
suivant laquelle il la « posséderait et en jouirait» à la décision finale de reconnaissance
ou non de propriété ou de la possession (l. 51-52) :
l. 51 QVEI A<g>ER LOCVS IN AFRICA EST, QVOD EIVS AGRI [locei
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l. 58 « [Le duovir créé par la présente loi, dans les … jours qui suivront sa création,
sera tenu : en ce qui concerne les terres et lieux qu’ il est appelé à déclarer par jugement
être et avoir été assignés, d’ en organiser le règlement ; en ce qui concerne le nombre et les
noms des hommes dont la loi Rubria abrogée ordonnait ou autorisait la déduction par les
IIIvirs, d’ en faire le compte et d’ en dresser la liste] ».
l. 59 [et de] EIS AGREIS ITA RATIONEM INIT{I}O, ITAQVE H[ominum
numerum computato, utei … nei unius] HOMINI[s nomine, ……. non iudicato] ET,
NEIVE VNIVS HOMINIS NOMINE, QVOI EX LEGE RVBRIA QVAE FVIT,
COLONO EIVE QVEI [in colonei numero scriptus est, IIIuir deducendae coloniae iugera
dederit adsignauerit, iugera extra eum agrum quem IIIuir coloniae
l. 60 deducendae dare oportuit licuitue, data adsign]ATA FUISE IVDICATO.
l. 59 « Ce règlement touchant les terres, [et ce recensement des] h[ommes],
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Le formulaire était très probablement le même dans les deux cas, d’ où ma proposition de restituer homini[s nomine…].
D’ autres restitutions de ces lignes ont été présentées. Elles ne contredisent pas mon propos, qui est de montrer que le
passage n’ envisage que des individus.
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l. 61 (d) « [il devra] juger que n’ a pas été [déduit dans la ou les colonies] un
nombre supérieur au nombre [que, en vertu de la loi Rubria abrogée] il était prescrit et
permis [aux triumvirs] déducteurs de la colonie, de déduire dans la ou les colonies (…
38….) ».
7. Les societates
Si aucun groupement public, aucune association privée qui défendraient les
intérêts des Italiens ou des stipendiaires ne sont nommés dans la loi, en revanche, des
groupes d’ intérêt privé y sont implicitement attestés, comme l’ indique la présence de
magistri. Le magister est chargé de la gestion d’ une societas qui regroupe des associés
nombreux. Son rôle est défini par le contrat créant l’ association, laquelle ne constitue
pas une personne morale. La responsabilité du magister est importante puisque c’ est lui
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qui est donné et assigné [à un colon ou à un inscrit comme colon, et qu’ un acheteur de
biens ait été l’ acheteur, que cet acheteur de biens fasse la déclaration de la partie achetée ;
ou bien, si un gestionnaire a été nommé en vue de la vente de la terre ou lieu, que ce
gestionnaire fasse la déclaration ; ou bien, si un curateur a été constitué pour cette terre et
lieu] que son curateur fasse la déclaration ».
l. 56 « De même : si …. (ou) si un magistrat a prescrit par un édit qu’ une terre et
lieu soit mis en vente et vente, qui, pour la partie ainsi vendue en vertu] de l’ édit, celui qui
l’ a [achetée] de l’ acheteur de biens »,
l. 57 du gestionnaire ou du curateur, [en fasse la déclaration] ».
Un autre type de société est implicitement attesté à la ligne 73, bien qu’ apparaisse
seulement le mot publicanus. Les publicani avaient formé, à partir des guerres puniques,
des sociétés d’ industrie pour la fourniture des armées et pour percevoir l’ impôt à ferme
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Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014 209
dans les 120 jours les plus proches des dates d’ échéances susdites, qu’ il donne caution
sous l’ arbitrage du préteur qui dira alors le droit entre citoyens ».
« Ce même préteur, ….
l. 74 sauf le cas] où un gage foncier aurait été auparavant engagé publiquement
pour ce même terrain ou [qu’ un garant aurait été donné] publiquement, mettra en vente
au comptant la terre et lieu pour lequel il n’ aurait pas été suffisamment souscrit selon
l’ arbitrage du préteur ».
Conclusion
La loi admet peu de communautés : les sept peuples libres sont les seuls qui
constituent une entité civique. Les transfuges alliés de Rome n’ ont d’ autre caractère
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Jean Peyras
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210 Paysages et Cadastres de l’Antiquité. Chronique 2014
IV - Paysages et patrimoine
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tenu en 2006, au fil desquelles sont abordés trois domaines qu’ investit la recherche
récente. La première partie « Le passé : reconstitutions, transmissions et nouveaux
indicateurs des dynamiques environnementales », à la fois méthodologique et informative,
regroupe 20 interventions distribuées sur un très large éventail spatio-temporel. Dans
la seconde, « Représentations sociales et formes de l’ action », parmi les 9 contributions
on peut notamment retenir, pour une démarche de valorisation qui nous intéresse ici,
l’ approche des paysages témoins de Wallonie83. On retrouve d’ ailleurs une logique assez
proche dans la dernière partie « Modélisations, scénarios prospectifs et rétro-prospectifs »
avec deux contributions qui s’ attachent, l’ une à la production d’ un outil d’ aide à la
décision84 et l’ autre à la sensibilisation du public85.
Quant à l’ ouvrage de Joël Chatain, Jardin, Paysage et Patrimoine. Nouvelles
pratiques, il se situe, lui, dans une perspective qui, au-delà de la production des
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Monique Clavel-Lévêque
83
Émilie Droeven, « La méthode d’ inventaire des paysages témoins de Wallonie (Belgique). Lire, déchiffrer, comprendre
et documenter les paysages à la recherche de morphologies paysagères porteuses de sens », p. 321-333.
84
Marie Lion, « La simulation paysagère : un outil d’ aide à la décision. Application à l’ essaimage des pins sur les
sommets supra-forestiers du massif du mont Lozère (Cévennes, France) », p. 433-442.
85
Philippe Fajon, Sophie de Champsavin, Virginie Maury, Gilles Pesquet, « Dynamique historique du paysage en
haute-Normandie : de la démarche scientifique à la sensibilisation des publics, de l’ histoire à la prospective », p. 443-453.
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