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​Discussion sur « Pina’ina’i : écho de l’esprit et des corps »​

Estelle Castro-Koshy, Flora Aurima-Devatine, Moana’ura Tehei’ura, Tokai Devatine


Dans Journal de la Société des Océanistes 2016/1 (n° 142-143), pages 99 à 115
Éditions Société des océanistes
ISSN 0300-953X
DOI 10.4000/jso.7603
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Le Journal de la Société des Océanistes
142-143 | 2016
Du corps à l’image. La réinvention des performances
culturelles en Océanie

Discussion sur « Pina’ina’i : écho de l’esprit et des


corps »

Estelle Castro-Koshy, Flora Aurima-Devatine, Moana’ura Tehei’ura et


Tokai Devatine

Éditeur
Société des océanistes

Édition électronique Édition imprimée


URL : http://jso.revues.org/7603 Date de publication : 31 décembre 2016
DOI : 10.4000/jso.7603 Pagination : 99-115
ISSN : 1760-7256 ISSN : 0300-953x

Distribution électronique Cairn

Référence électronique
Estelle Castro-Koshy, Flora Aurima-Devatine, Moana’ura Tehei’ura et Tokai Devatine, « Discussion sur
« Pina’ina’i : écho de l’esprit et des corps » », Le Journal de la Société des Océanistes [En ligne],
142-143 | 2016, mis en ligne le 31 décembre 2018, consulté le 18 avril 2017. URL : http://
jso.revues.org/7603 ; DOI : 10.4000/jso.7603
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© Tous droits réservés
Discussion sur
« Pina’ina’i : écho de l’esprit et des corps »
par

Estelle CASTRo-koShy*, Flora AURiMA-DEvATinE**, Moana’ura TEhEi’URA et al.

RÉSUMÉ ABSTRACT
Depuis 2011 se déroule chaque année à Tahiti l’événement Spectacular “Pina’ina’i: écho de l’esprit et des corps” has
« Pina’ina’i : écho de l’esprit et des corps », pendant lequel taken place every year in Tahiti since 2011. During this
des écrivains et orateurs déclament des textes interprétés par event, choreographed by Moana’ura Tehei’ura and organised
des danseurs et des musiciens. « Danse des mots et poésie des by association Littérama’ohi, writers and orators perform
corps prennent vie sur le Paepae-a-Hiro » (Tehei’ura, 2012) their texts, which are also interpreted by dancers and musi-
lors de ce spectacle mis en scène par Moana’ura Tehei’ura et cians; “danced-dancing words and the poetry of bodies come
organisé par l’association Littérama’ohi. Cet article souligne to life on the Paepae-a-Hiro” (Tehei’ura 2012). his article
l’importance et les résonances poétiques, artistiques, socio- highlights the importance of the poetic, artistic, sociopo-
politiques et axiologiques de Pina’ina’i, dont le succès croît litical, and axiological resonances of Pina’ina’i. Nine-
chaque année. Dix-neuf contributeurs, pour la plupart teen contributors, most of whom are Polynesian – among
polynésiens, chorégraphe-metteur en scène, compositeur, them, the choreographer-director, composer, writer-readers,
auteurs-lecteurs, danseurs, spectateurs, chercheurs analysent dancers, spectators, and researchers – analyse the singularity
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la spéciicité et l’originalité de ce « nouveau territoire d’ex- of this “new territory of expression” (Tokainiua Devatine).
pression » (Tokainiua Devatine) qui célèbre la littérature his new expression celebrates indigenous literature, stages
autochtone, met en scène « l’expression des corps propres à la “bodies and movement speciic to Polynesia” (Viri Taima-
Polynésie » (Viri Taimana) et où « chaque art se transforme na), and creates a space where “diferent arts are transfor-
au contact des autres » (Tehei’ura). med through their contact with one another” (Tehei’ura).
Mots-clés : résonance, Polynésie française, arts, lit- keywords: resonance, French Polynesia, arts,
térature, rythme, danse, ‘ori tahiti contemporain literature, rhythm, dance, contemporary ‘ori tahiti

Les auteurs1 - Tokainiua Devatine : spectateur, lecteur au


Pina’ina’i 2015 ;
- Estelle Castro-koshy : chercheuse en études - viri Taimana : spectateur, lecteur en 2014 et
littéraires, culturelles et sur les performances ; 2015 ;
- Flora Aurima-Devatine : auteure, cher- - Jef Tanerii : compositeur de la musique de
cheuse, lectrice, co-fondatrice de Littérama’ohi, Pina’ina’i depuis 2012 ;
présidente de l’association Groupe Littéra- - heinarii Grand : auteure, lectrice ;
ma’ohi de 2002 à 2010 ; - Moeava Grand : auteure, lectrice depuis le
- Moana’ura Tehei’ura : chorégraphe, metteur 1er Pina’ina’i ;
en scène, concepteur de Pina’ina’i ; - odile Purue-Colombani : auteure, lectrice ;
1. Les questions et l’article ont été élaborés par Flora Aurima-Devatine et Estelle Castro-koshy. Tous les auteurs, E. Cas-
tro-koshy, R-J. Devatine et karine Taimana exceptés, sont polynésiens. René-Jean Devatine et karine Taimana vivent à Tahiti.
* James Cook University, estellecastrokoshy@gmail.com ** fdevatine@gmail.com
Journal de la Société des Océanistes, 142-143, année 2016, pp. 99-116
100 JOurNaL De La SOCIÉTÉ DeS OCÉaNISTeS

- Chantal T. Spitz : auteure, lectrice, co-fonda- « spectater », qui rend compte de la dimension
trice de Littérama’ohi, présidente de l’association active de la réception des œuvres.
Groupe Littérama’ohi depuis 2010 ;
- hitihiti hiro-Tehei’ura : danseuse depuis le
1er Pina’ina’i ; D’où a germé l’idée de créer Pina’ina’i ?
- hinanui Mongarde : danseuse à Pi-
na’ina’i, auteure de « J’ai mal à ma danse » (Pi-
na’ina’i 2014) ; Moana’ura Tehei’ura : Lors d’une réunion de
- Teruria Taimana : danseuse ; l’association Littérama’ohi en 2010, nous cher-
- Ta’ero Jamet : danseur depuis le 1er Pina’ina’i ; chions des moyens pour faire la promotion de
- karine Taimana : spectatrice ; notre littérature autochtone, et en 2011, nous
- heipua Ah-Lo : spectatrice du Pina’ina’i faisions le point sur la première lecture publique
2014 ; au marché de Pape’ete qui n’était pas, selon la
- valéry Tura : spectatrice en 2014 et 2015 ; majorité d’entre nous, une très grande réussite.
- Taraua Devatine : lecteur de son poème au Malgré tout, je sentais une conviction com-
Pina’ina’i 2012, spectateur en 2013 et 2014 ; mune à l’ensemble des membres de l’associa-
- René-Jean Devatine : spectateur. tion et j’étais moi-même convaincu qu’il fallait
que je propose la seule chose que je sache faire
artistiquement : l’art de la scène. J’étais aussi
convaincu que les autres membres de l’associa-
Préambule tion étaient à 10 000 lieues d’imaginer ce que
j’attendais de cette « Mise en scène de Lectures ».
Flora Aurima-Devatine : on ne sollicite pas Suite à toutes les rélexions que je m’étais faites, il
assez la pensée des gens. Beaucoup ont une vi- fallait partir d’un concept immuable et général,
sion juste de ce qui se passe, sans étalage. Cela qui traverse le temps et les temps et qui, par déi-
rend humble. nition, n’enferme ni ne cloisonne les écrits dans
Estelle Castro-Koshy : L’entrecroisement des un écrin hermétique et inaccessible. il me parut
rélexions proposées dans cet article-discus- évident que l’idée d’« écho » était la plus appro-
sion répond à plusieurs objectifs. il présente priée : échos des écrits entre eux, échos des écrits
des analyses sur l’événement « Pina’ina’i : écho vers les lecteurs, échos des écrits et du mouve-
de l’esprit et des corps » du point de vue des ment, échos des écrits et de la musique, échos
concepteurs, des contributeurs, et des specta- multiples en résonnance autochtone, singulière,
teurs, certains eux-mêmes chercheurs, rendant unique et communautaire. Echo de l’esprit et
ainsi compte de la « difraction » et de la « po- des corps. Pīna’ina’i3 !
lyphonie » « essentielle[s] des éléments consti- F. Aurima-Devatine : Lors d’un séminaire bi-
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tuant le spectacle » (Biet & Triau : 35). il pro- lan des neuf années de Littérama’ohi en 2010, des
pose majoritairement (seize sur dix-neuf ) des jeunes étaient invités, dont Moana’ura Tehei’ura
contributions d’autochtones polynésiens sur un qui avait déclaré :
événement performatif à Tahiti. L’hétérogénéité
des intentionnalités et la multiplicité des points « Je me rends compte du travail important que vous
avez accompli mais dont personne n’a connaissance
de vue qui se sont concrétisés et exprimés avant, ni conscience. nous les jeunes, nous pouvons le faire
pendant, et après les représentations soulignent connaître sur Facebook. »
aussi l’importance de Pina’ina’i dans la redéini-
tion et la promotion de la littérature et des arts Des interventions à la radio, des lectures pu-
performatifs en Polynésie française. Les auteurs bliques ont aussi été ixées : au kiosque de vai’ete,
revendiquent en outre la richesse et la diver- au marché de Papeete, à la Maison de la Culture,
sité de la littérature contemporaine tahitienne avec des mises en scènes et expressions diverses
sur lesquelles cet événement spectaculaire, fruit pour la sortie du numéro 19. Par la suite, Moa-
d’une féconde collaboration inter-arts, a mis les na’ura, chorégraphe, a présenté à Littérama’ohi
projecteurs (Castro, 2013 : 213). Cet article met son concept Pina’ina’i : écho de l’esprit et des corps,
en relief qu’histoire et mémoire se créent et se qu’il pouvait réaliser avec des jeunes danseurs,
réactivent aussi, notamment, à travers les arts. danseuses, musiciens, « parmi les meilleurs ».
il rappelle que créativité, profondes rélexions, Chantal et moi ne pouvions que penser :
et pleine participation dans la sphère culturelle
sont également le fait des publics, comme le sug- « Les jeunes veulent s’impliquer. Parfait ! Faisons-
gère le néologisme de John Fiske, « audiencing2 », leur coniance ! »

2. Passim.
3. Pina’i et pina’ina’i : mots tahitiens qui se traduisent par « écho », « échos », « retentissement ».
PINa’INa’I : ÉCho DE L’ESPRiT ET DES CoRPS 101

La danse et la musique sont-elles complé-


mentaires ou au service de la littérature lors
de Pina’ina’i ?

M. Tehei’ura : Les deux à la fois.


Au Heiva-i-Tahiti, l’écriture est au service de la
danse et de la musique traditionnelle à travers
l’écriture du thème qui détermine tout le spec-
tacle. il me paraissait naturel d’inverser le proces-
sus et de mettre la danse et la musique au service
de la littérature.
Rapidement, je me suis rendu compte que les
diférents arts, en créant les connexions, s’enri-
chissaient forcément : les mots apportent des
dimensions nouvelles à une danse et une mu-
sique jusqu’alors enfermées dans des codes et
une esthétique clichéiste et/ou traditionnelle (ou
pseudo-traditionnelle). il fallait, par exemple, dé- Photo 1. – Revues Littérama’ohi (© Littérama’ohi)
pouiller la danse de tout artiice en proposant des
costumes les plus minimalistes possibles pour que
le corps devienne support du mot. Concernant mère/père/enfant, qui crée l’essence même d’une
la musique, auprès des compositeurs, j’ai émis le identité oralisée, récitée, chuchotée, criée et dé-
souhait de déstructuration de la mesure musicale criée, pour en exprimer avec ou sans mots tous
en proposant de travailler avec une équipe réduite ses mots et ses maux !
de musiciens ain que la musique n’envahisse pas
l’espace du mot dans son évolution scénique. Par
ailleurs, pour donner un nouveau soule à cette
musique créée à partir d’instruments polynésiens Comment s’efectue la collaboration entre les
et issus de notre environnement, je donnais des membres de Littérama’ohi, les écrivains, le
amorces de morceaux de musique contemporaine chorégraphe, les danseurs et les musiciens ?
expérimentale que j’appréciais déjà (John Cage
par exemple). il fallait libérer le mot des livres M. Tehei’ura : En tant que metteur en scène
et il fallait aussi libérer la danse et la musique de et chorégraphe, je suis le seul qui puisse tisser les
leurs écrins respectifs. liens avec tout le monde. Par exemple, lorsque
F. Aurima-Devatine : Le Tahitien dit e pehe l’auteur nous fournit un écrit, il prend acte
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te reo ma’ohi, la langue autochtone est une mu- d’abandonner son propre écrit dans les mains
sique, un chant, un poème. Ces arts liés par les d’une autre personne. Pīna’ina’i engage l’auteur
sonorités se basent sur le rythme puisé dans le dans une œuvre collective et communautaire.
corps qui bouge, danse, et qui donne le rythme Au contact de la danse, de la musique et de la
du dit, du poème. Tout est lié. lecture, ainsi qu’au contact d’autres écrits, les
Tokai Devatine : La danse et la musique sont mots se transforment et prennent une autre
complémentaires de la littérature. La musique dimension. Au sein de Pīna’ina’i, il y a une cer-
sert de support à la danse. La danse apporte au taine alchimie complexe qui se crée dans laquelle
texte une amplitude par l’intrusion du choré- chaque art, en déinitive, se transforme, s’adapte,
graphe dans l’œuvre de l’auteur. La musique sou- s’harmonise au contact des autres. Au service
tient le rythme de l’énonciation des textes. En d’une résonnance communautaire.
réalité, la musique unit la littérature et la danse. F. Aurima-Devatine : Tout se fait dans l’en-
il y a une double, parfois une triple narration à tente, en vue d’un même objectif : la mise en va-
l’œuvre dans Pina’ina’i – le triptyque littérature, leur, la promotion de ce qui s’écrit en Polynésie,
danse-musique et musique seule. chacun respectant le travail de l’autre.
Heipua Ah-Lo : Cela forme un tout. on a Jeff Tanerii : Ça marche plutôt bien. Après, il y
un texte d’un côté, une musique, une danse de a l’interprétation du texte par rapport à l’auteur.
l’autre. Quand on les met ensemble, cela crée L’auteur est-il content de l’interprétation de son
une synergie, accroît la portée des trois éléments. texte par la danse ? Par le chorégraphe ? Le texte,
Karine Taimana : La danse et la musique c’est la base, d’où tout découle, c’est le guide. La
sont complémentaires de la littérature, chaque star du spectacle Pina’ina’i, c’est le texte.
art magniie l’autre, ce qui rend l’évènement En 2014, mes parents, venus voir Pina’ina’i
très contemporain (j’y ajouterai volontiers des pour la première fois, ont été agréablement sur-
projections photos et vidéos). Ce triptyque me pris : « Eeh ! C’est vraiment bien ! ». La danse,
renvoie à l’équilibre parfait qu’est une famille : la musique supportent bien le texte. on peut
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dire maintenant : « Eeh ! il y a de la littérature


chez nous ! ». Pina’ina’i permet de dire des choses
qui sont écrites chez nous, qui parlent de nous,
qui nous parlent.
Tokai Devatine : La collaboration porte en
elle quelque chose de profondément polynésien
par le fait que l’utile se conçoit aussi de manière
esthétique. Ainsi, est à l’œuvre dans Pina’ina’i un
lien fort entre fonction et esthétisme.

Comment s’efectue le travail sur les textes,


par les corps ?

M. Tehei’ura : Les corps ne doivent pas s’im-


poser, ils doivent se laisser guider par les textes.
Jusque-là, il n’y a aucune diférence avec le Heiva.
néanmoins, les corps doivent faire vibrer le
mot. Le faire danser. il fallait faire appel à des
danseurs et danseuses expérimentés avec des
bases classiques solides, capables d’appréhender
la complexité du mot dans son mouvement en
sollicitant des appuis techniques de mouvement
inhabituels et qui exigent une expressivité, une
coordination et une technique que l’on ne soup- Photo 2. – Aiche Pina’ina’i 3.13 (© Moana’ura
çonne même pas. Par la force des choses et grâce Tehei’ura/Littérama’ohi)
aux textes qui nous sont proposés, on a ini par
créer la notion de ‘ori tahiti [danse tahitienne] hors salon du livre), 700 en 2015 (hors salon du
contemporain car la danse traditionnelle et ses livre) ce qui montre bien le succès de l’événement.
cloisonnements devenaient insuisants pour Depuis 2013, je suis très content d’entendre dans
faire danser les mots. le public dire qu’ils ont aimé tel ou tel texte ou
alors retenir des citations de ce qu’ils ont vu ou
entendu. Les textes ont su s’imposer dans le re-
Y a-t-il des réactions du public qui vous ont gard et l’oreille des spectateurs. Un écho diicile à
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surpris(e) ? Satisfait(e) ? atteindre mais j’y croyais fortement.
nous restons néanmoins dans une société
très puritaine qui a du mal à avancer avec cer-
M. Tehei’ura : Le premier public est les par-
ticipants à Pīna’ina’i. Les lecteurs et les auteurs, taines notions. Certaines personnes m’ont dit,
ou les auteurs-lecteurs, sont parfois très surpris par exemple, avoir été dérangées par la mise en
par l’évolution de leurs textes. Certains pensent scène du suicide lors de la première représenta-
que je n’ai pas compris leurs textes. En réalité, je tion de Pīna’ina’i en 2011. L’auteure elle-même
n’ai pas compris comme eux. Je conçois qu’il est [Gobrait, 2012 : 50] était dérangée par la mise
diicile d’admettre ou de reconnaître une autre en scène du texte qu’elle avait écrit. Finalement
approche de compréhension d’un texte mais je cela déclenche des remises en question chez
suis convaincu que c’est ce qui donne de la vie l’individu. Chacun est renvoyé à la question de
aux textes. il peut être parfois surprenant de tolérance individuelle ou communautaire. L’art
constater que dans le public spectateur, chacun prend ainsi toute son envergure : il devient thé-
a fait un cheminement intellectuel d’un même rapie pour panser les plaies individuelles et les
texte. C’est ce que je trouve beau inalement : les plaies communautaires. D’une société en maux.
gens s’interrogent, échangent avec eux-mêmes Aujourd’hui, nos partenaires qui n’y croyaient
ou avec d’autres personnes. qu’à moitié lors de notre premier Pīna’ina’i
À dire vrai, il y aura des lectures mais aussi de comme Te Fare Tauhiti nui et tntv, sont entiè-
belles danses et une belle musique. il fallait être rement satisfaits de l’évolution de l’événement.
malin avec le public pour l’attirer car, pour beau- Les portes nous sont grandement ouvertes. on
coup, les lectures publiques peuvent apparaître nous a même donné les clés des portes. il faut
inintéressantes voire ennuyeuses. En 2011, nous ajouter que Pīna’ina’i est un événement gratuit et
avions une petite centaine de personnes présentes, malheureusement on a tendance à croire qu’un
150 en 2012, 300 en 2013 et 600 personnes en événement gratuit est de très mauvaise qualité.
2014 (première année où Pīna’ina’i se produit nous avons su prouver le contraire et garder la
PINa’INa’I : ÉCho DE L’ESPRiT ET DES CoRPS 103

Photo 3. – Pina’ina’i 4.14 Scène inale (© Matareva/Littérama’ohi)

gratuité de l’événement ain de pouvoir donner tion envers des auteurs autochtones. En général,
libre accès à n’importe qui sans que la question je rencontre un public adhérant, heureusement.
inancière ne se pose. Moeava Grand : oui, les réactions du public
F. Aurima-Devatine : Le public a été extrême- sont parfois surprenantes. Pendant le spectacle,
ment et savoureusement surpris par la nouveauté ils n’applaudissent pas forcément aux moments
du spectacle, lecture dansée, musiquée, épurée, où nous nous y attendons. Après le spectacle,
simple. D’année en année, un public enthousiaste, nous recevons toutes sortes de commentaires de
plus nombreux, suit Pina’ina’i, certaines personnes la part des spectateurs.
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l’inscrivant dans leur programme annuel. Heinarii Grand : La réponse du public me sur-
Viri Taimana : Avec « odieuse autochtonie » prend chaque année. Dans notre pays, face à des
de Mareva Leu en 20144, le contenu incisif du démarches inclassables et libres, vraiment libres,
texte avait plongé le public dans un efroi à de ce genre, c’est la réticence qui est attendue.
chaque mot ou phrase dont la portée l’avait ra- Et c’est pourtant l’engouement qui a éclos et qui
mené à un temps où la parole était conisquée. La domine. Chaque Pina’ina’i qui provoque ça est
conseillère du ministre de la culture m’interpella à marquer d’une pierre blanche. il s’agit d’une
à la sortie de Pina’ina’i, dans le parking, pour victoire en soi.
me faire part de sa réaction sur le texte qu’elle Tokai Devatine : Je n’ai pas perçu de disso-
venait d’entendre et qu’elle jugeait atroce mais nances de la part du public, c’est aussi la force
interprété avec tellement de sincérité qu’elle était de cet événement qui rencontre l’adhésion d’un
persuadée que le texte était le mien. il est vrai public de plus en plus nombreux. Pina’ina’i unit
que la dernière partie du texte faisait le constat, des personnes qui soutiennent la cause d’une ex-
avec ironie, d’une situation politique. Les mots pression écrite polynésienne, d’une danse, d’une
ont des portées bien distinctes suivant ceux qui musique loin des malentendus, des préjugés.
les reçoivent et dans cette délicate opération, il Pina’ina’i ouvre les spectateurs sur des rélexions
faut faire preuve d’une performance technique qui, sans cette manifestation, resteraient incon-
pour que le contenu soit inalement surpassé par nues. Pina’ina’i fait évoluer les mentalités. Ainsi
l’interprétation. les textes les plus engagés politiquement, mais
Odile Purue-Colombani : il y a des intéressés au-dessus des querelles partisanes des formations
avec leurs encouragements ; des sceptiques avec politiques trouvent un certain succès auprès des
leur indiférence ; des idiots avec leur ignorance. spectateurs présents. il est très vraisemblable que
J’analyse cela comme un manque de considéra- tout le monde ne partage pas les mêmes points
4. 45:11-48:55 : https://www.youtube.com/watch?v=bqipTUZAZPs
104 JOurNaL De La SOCIÉTÉ DeS OCÉaNISTeS

de vue, mais Pina’ina’i fait évoluer les points de La troisième année, ce fut : « Tu porteras telle
vue sur les sujets abordés. couleur ! » « Ah ! Bien. » (rires).
Cela m’a surpris d’apprendre que Pina’ina’i est
entré dans le calendrier oiciel des événements
du pays ! Sans qu’aucune démarche dans ce sens Comment les costumes sont-ils élaborés ou
n’ait été menée ! C’est une belle reconnaissance ! choisis ?
Toutefois, la 4e édition n’a pas été redifusée télé-
visuellement comme cela a été le cas lors des an-
nées précédentes. Est-ce lié au fait que des textes M. Tehei’ura : Pour les danseurs et les dan-
seuses, le costume est dans son aspect le plus
engagés de jeunes auteurs polynésiens aient été
minimaliste : pareu blanc. Le plus contempo-
lus publiquement ? rain inalement. Les hommes sont vêtus d’un
Valéry Tura : Tout le monde était attentif, pagne appelé maro qu’ils attachent à l’ancienne
même sous la pluie ! Tout le monde était dans (sans velcro comme on l’observe dans le Heiva
l’émerveillement ! d’aujourd’hui). il y a dans cette attache quelque
chose de noble, de simple, de respectueux. Le
fait d’attacher son maro de manière tradition-
Quels sont les enjeux lors des répétitions ? nelle nous plonge dans un processus conscient
de l’exécution. Je n’enile pas juste mon costume
avec des velcro et je vais sur scène. Le geste (pour
M. Tehei’ura : Prendre conscience de ce pour- l’attache) doit être juste et précis ain que le dan-
quoi on est là. nous ne sommes pas là pour bril- seur ne le perde pas sur scène. Le danseur est mis
ler sous les projecteurs. nous sommes ToUS là donc en condition de justesse pour exprimer sa
pour faire briller une lampe, pour protéger sa danse pour qu’elle ne soit pas cacophonique avec
lamme. il faut souvent que je me batte contre le mot.
l’individualisme. Le mien et celui des autres. Au tout premier Pīna’ina’i, aucun costume
Redonner sens au Paepae-a-hiro5 est tout aussi n’était imposé aux lecteurs car je pensais qu’il ne
important. Tas de pierres avec du sable et deux fallait pas brusquer les consciences. Au il des an-
tumu ra’au [arbres] dessus. ok. Mais sous le nées, j’ai intégré les costumes chez les lecteurs ain
sable, il y a notre histoire. Commune. Cette prise qu’ils soient encore plus conscients de leur rôle de
de conscience est importante lors des répétitions. lecteur. Parallèlement, je devenais plus exigeant
il faudrait donc écouter les autres et s’écouter avec les lecteurs. Je devrais même dire que nous
soi-même. Apprivoiser les mots et l’espace du sommes arrivés à un rôle d’acteur pour certains
paepae. nous ne sommes pas là pour construire puisque nous travaillons la gestuelle, la diction,
un autre paepae ou pour lui mettre des parpaings. le volume, le débit, la tonalité et le regard. Et les
nous y sommes pour consolider ses fondations, textes sont appris par cœur. Aujourd’hui les lec-
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le nourrir, arroser les arbres qui s’y trouvent, de teurs attendent impatiemment le costume que
nos savoirs et savoir-faire. Pour le faire, il est im- je vais leur donner. Pour moi, il s’agit aussi d’un
portant de fouler l’espace de ses propres pieds, de moyen visuel pour accentuer le point d’ancrage
faire trébucher le mot et les textes pour qu’ils se du regard-spectateur vers le lecteur. vers le mot.
relèvent et inissent par danser. Etant donné que nous avons toujours le risque
F. Aurima-Devatine : il y a un bel échange que le mouvement dansé vienne parasiter le
entre lecteurs ; on se connaît mieux. Moana’ura verbe par une gestuelle présente.
voudrait que les textes soient appris par cœur. Les danseurs, les danseuses et le mouvement
Pour Chantal et moi, cela doit rester « une lec- sont vêtus de blanc tandis que les seuls éléments
ture » parce que nous ne pouvons ni ne voulons de couleurs sont les lecteurs et le mot.
apprendre par cœur (rires). Chez quelques lec-
teurs plus très jeunes comme nous qui avions
l’habitude de diriger, de donner notre avis, il a En quoi Pina’ina’i se distingue ou/et se
bien fallu accepter que l’on nous dirige, que l’on rapproche du Heiva ?
nous impose des déplacements, une façon de po-
ser la voix. Finalement, nous avons trouvé notre M. Tehei’ura : Pīna’ina’i se distingue du Heiva
place (rires). Une belle leçon d’humilité. Pour les par sa liberté.
costumes, la première année, Moana’ura a laissé il peut être paradoxal de concevoir que l’on
faire. L’année d’après, il a demandé : « Quelles se sent plus libre sur un espace de 300 m2 que
sont tes couleurs ? » Et il harmonisait l’ensemble. sur un espace de 900 m2. Pīna’ina’i permet une
5. Paepae-a-hiro est le nom donné à une plateforme surélevée en pierres sèches et recouverte de sable blanc, après la
mort du poète tahitien henri hiro – en hommage à celui-ci – qui l’avait édiiée dans la cour intérieure de la maison de la
Culture. Elle est devenue la place des discours oiciels en extérieur sur la culture, des colloques et tables rondes pendant le
salon du livre, et la scène des soirées de lectures « Pina’ina’i : écho de l’esprit et des corps ».
PINa’INa’I : ÉCho DE L’ESPRiT ET DES CoRPS 105

Photo 4. – Pina’ina’i 5.15 navigations - karine Taerea, Steeve Reea (© Florent Collet, La Dépêche de Tahiti)

libération des sentiments, de l’expression du des auteurs interprètent les textes qu’ils ont écrits
corps… Liberté des mots qui parlent aussi bien et que la danse et la musique mettent en exergue.
des paripari [poème d’éloge] d’autrefois, des en- J. Tanerii : il y a beaucoup de choses que l’on
gagements d’aujourd’hui que des inquiétudes de fait à Pina’ina’i, et qu’on ne fait jamais au Hei-
demain. va. Le Heiva, c’est un concours, avec un cadre.
Les mots autochtones se libèrent des images cli- C’est limité. Pina’ina’i, c’est souple, ce n’est pas
chéistes qui les condamnaient à une écriture de igé. La seule limite, c’est que la musique créée à
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légende et de mythe. ils se libèrent aussi du com- partir des textes, exprime l’essence, l’identité, et
plexe de la langue, des langues, des cultures. Du que tout garde une base traditionnelle autour de
complexe tout court. Les langues s’entremêlent laquelle on crée, on ajoute des sonorités qui ne
sans se heurter. Avec impertinence parfois. sont pas de chez nous. Mais on doit reconnaître
Le Paepae-a-hiro n’a pas de limites ni de bar- notre identité dans tous les morceaux.
rières. L’espace inini qu’il propose nous pousse à Tokai Devatine : Le petit ilm vidéo que j’avais
l’exploration de notre propre histoire. De nous- fait en 2006 et présenté en 2007 au musée du
mêmes. il nous autorise les fausses notes et les quai Branly sur la littérature et la danse préju-
dissonances volontaires sans que nous ne cou- geait de l’apparition d’approches renouvelées de
la danse grâce aux auteurs de littérature. Dans
rions après le temps. Car, inalement, Pīna’ina’i ce ilm de recherche, Moana’ura Tehei’ura, alors
suspend le temps et nous invite à nous asseoir à chorégraphe de la troupe o Tahiti E, était no-
son embouchure. tamment à l’œuvre avec Patrick Amaru, l’au-
À l’inverse, le Heiva court après le temps sans teur des textes, ainsi que Tautu Chan et Tena-
jamais le rattraper. A l’image de la société d’au- nia Temataua, compositeurs et musiciens dans la
jourd’hui. création du spectacle « Mara’i, la nuit du long
F. Aurima-Devatine : Le Heiva, c’est le grand sommeil ». Cette collaboration entre textes,
festival de chants et danses traditionnels, Place musiques et danses, que j’ai perçue au Heiva
To’ata, avec des milliers de spectateurs, et plu- en 2006, avait commencé peu avant les années
sieurs soirées de concours, dont un de costumes, 2000. néanmoins, cette amorce d’évolution ne
en more (ibre végétale), en végétaux, avec des s’est pas développée dans les Heiva de manière
coifes, décorations de nacre, colliers de leurs, aussi directe que dans Pina’ina’i depuis 5 ans.
graines variées, le tout très élaboré. Les chefs Pina’ina’i amène un vent de nouveauté, qui met
de groupes sollicitent les auteurs pour écrire les en avant une créativité nouvelle, dense, riche par
thèmes, les textes de leurs spectacles. À Pina’ina’i, la forme et dans le contenu.
106 JOurNaL De La SOCIÉTÉ DeS OCÉaNISTeS

Photo 5. – Pina’ina’i 4.14 Autochtonie - heinarii Grand, viri Taimana, nailea Foissac (© Matareva/Littérama’ohi)

Taraua Devatine : Pour moi, Pina’ina’i n’a rien dire, nous raconter, nous être. Au passé, au pré-
à voir avec le Heiva, mais tous les deux sont sur sent et au futur. Au conditionnel parfois. Sans
le thème de la culture. impératif. Sans prétendre être plus que parfait.
V. Tura : Les textes sont plus profonds et plus La diversité de lecteurs et d’auteurs nous
provocateurs à Pina’ina’i. Au Heiva, il y a des montre bien la diversité de notre communauté
thèmes traditionnels, des récits mythiques ; il y a dans ses rondeurs et ses formes ines, dans sa jeu-
l’efet spectaculaire par le nombre important des nesse et dans sa sagesse. Le public qui vient est
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danseurs. À Pina’ina’i, une seule personne, par là pour se retrouver dans ces ressemblances et ces
son jeu, est plus puissante qu’un efet de groupe ; diférences, pour se reconnaître et se connaître.
il y a une profondeur dans les textes que l’on ne F. Aurima-Devatine : Des questionnements
trouve pas au Heiva. Pina’ina’i, c’est un mono naissent sur la culture, l’identité. Puis naît un
spectacle comparé à un grand spectacle. sentiment de ierté à se découvrir d’une terre
René-Jean Devatine : Ce sont les districts et avec une littérature. Se retrouver soi-même :
les îles qui participent au Heiva. Si le Heiva tire telle est l’expérience intime vécue par tous dans
sa force de la masse, Pina’ina’i puise sa ressource l’écho des textes. Grâce aux mots, une plus belle
dans la formation intellectuelle de ses partici- conscience de soi, de la culture, de la littérature,
pants dont beaucoup ont fréquenté l’Université. de la poésie naît, se développe. C’est très impor-
Certes, Heiva et Pina’ina’i partagent textes, danse tant.
et musique, mais on ne peut les confondre. Pi- J. Tanerii : Cette année, il est particulièrement
na’ina’i, c’est un mélange de textes qui s’appuient question de transmission. Les autres années, il
les uns sur les autres pour rendre la population y avait des textes sur les essais nucléaires, où on
plus concernée, plus participative, et pour porter est fâché, pas content (rires), sur le mariage pour
la culture le plus loin possible. tous, sur l’inceste, le viol, la guerre 14-18, les
problèmes de société. À Pina’ina’i, on ne parle
pas que de marae, de montagnes, on ne fait pas
de légendes. on parle de choses réelles qui se
Pina’ina’i se fait-il transmetteur de valeurs ? passent maintenant.
Si oui, quelles sont-elles ? V. Taimana : Pina’ina’i à travers la mise en
situation de personnages et d’histoires amène
M. Tehei’ura : Pīna’ina’i et Littérama’ohi n’ont à prendre conscience de la liberté d’expression
pas la prétention de vouloir transmettre des va- décomplexée. Pina’ina’i nous donne à vivre des
leurs. ils ont juste la prétention de vouloir nous moments où sont tissées la compassion, la tolé-
PINa’INa’I : ÉCho DE L’ESPRiT ET DES CoRPS 107

rance, l’égalité et la revendication d’être des libres Quels sont les enjeux de Pina’ina’i ?
penseurs au service d’une culture bien vivante.
O. Purue-Colombani : oUi. La liberté d’ex- J. Tanerii : J’aime bien Pina’ina’i. C’est une fa-
pression. L’estime de soi : être capable de parler çon de parler de nous entre nous, de parler de ce
sa langue. L’assurance et l’engagement : assumer qui se passe chez nous. Pina’ina’i donne la possi-
une mission. Témoigner. Le respect et la recon- bilité à ceux qui écrivent de pouvoir dire ce qu’ils
naissance : abattre les préjugés. Accorder à la ont à dire, sans que ça frustre. Et ça passe mieux !
langue sa légitimité. Pina’ina’i, c’est un bon concept, c’est l’oppor-
M. Grand : oui, Pina’ina’i transmet des valeurs. tunité de travailler sur des textes écrits par des
Celles véhiculées dans les textes que nous lisons, auteurs qui ont des choses intéressantes à dire.
et celles qui animent et rassemblent les membres Ta’ero Jamet : Pina’ina’i fait naître la rélexion…
de l’association. La liberté d’expression, la soli- sur notre identité, nos racines, notre vie tout sim-
darité autochtone, la défense et la promotion de plement. Chacun mériterait de vivre cela.
notre culture, de nos langues, le respect de la di- Teruria Taimana : Pina’ina’i doit être un ren-
versité, des personnalités, sensibilités de chacun, dez-vous incontournable pour les amoureux, les
le devoir de mémoire... défenseurs de nos langues, pour ceux qui aiment
H. Grand : il faudrait demander au public les mots, pour ceux qui se laissent toucher par
jusqu’à quel point il se sent impacté. Après le eux, pour nous. Pina’ina’i ramène à qui nous
spectacle, beaucoup de gens éprouvent de la mo- sommes, vers les racines de ce tumu ‘ora [banyan]
tivation pour publier, comme si Pina’ina’i com- qui surplombe le Paepae-a-hiro, ce tumu qui est
muniquait cette impulsion de sortir du mutisme. acteur autant que nous sommes danseurs.
De l’intérieur, cette expérience est extrêmement Pina’ina’i est, par-delà sa beauté et le divertisse-
riche, elle pousse à l’humilité, au partage. Elle ment qu’elle peut engendrer, un rappel à l’ordre
invoque des certitudes en soi, profondes, et les à nous autochtones du xxie siècle.
phases de doutes qu’elle provoque enseignent Hinanui Mongarde : Pīna’ina’i, c’est la non-
elles aussi. Pina’ina’i continuera, je l’espère, à réduction du devoir-être à l’être. C’est une tri-
transmettre ces valeurs qui cultivent le meilleur bune où la liberté est vécue-évacuée, constatée-
de notre autochtonie. contestée, habitée-habillée par tous les moyens
Tokai Devatine : Les valeurs transmises par Pi- dont nous disposons. Pīna’ina’i, c’est la volonté
na’ina’i sont celles de notre temps : la reconnais- de transporter, de transcender, de transcrire, de
sance d’une conscience polynésienne et d’une transmettre.
expression autochtone, l’indépendance d’esprit Un peu comme le kaléidoscope de nos émo-
(textes, chorégraphies, morceaux de musique) et tions. Avec les mêmes ingrédients, composants,
d’actions (organisation et implication bénévole on arrive à faire, refaire, défaire, parfaire mul-
de la manifestation), l’ouverture d’esprit (d’une tiples compositions, à changer les couleurs de
association libre de personnes au-delà de clivages
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nos sentiments.
sociaux, culturels, politiques, économiques), la Des mots pour des maux. Des mots qui
tolérance à travers la reconnaissance mutuelle de soignent les bleus de nos âmes.
cultures, d’inluences diverses, le partage à tra- La danse comme support de l’écriture. L’écri-
vers la multitude d’œuvres présentées au public, ture comme support de notre existence.
et la gratuité des spectacles au public, le dialogue Hitihiti Hiro-Tehei’ura : Je pense que l’enjeu
intergénérationnel, intragénérationnel, le respect réside essentiellement dans la découverte ou la
des anciens, de nos origines, de nos terres et de redécouverte de notre patrimoine littéraire. Le
nous-mêmes. Polynésien doit d’abord savoir que, contraire-
Taraua Devatine : L’ensemble de textes qui ne ment à ce qui est traditionnellement véhiculé,
vont pas dans le même sens permet à chacun de l’écriture est accessible à tous, même à lui et sur-
forger, d’inventer une conscience collective. tout à lui.
K. Taimana : oUi. La ierté d’une identité, la L’écriture est certainement la meilleure façon de
richesse d’une culture, la famille, l’amour, l’hu- traduire la pensée de l’homme, pour partager ses
milité, le travail, la compassion, la combativité, idées, ses émotions, sa vision du monde. nous
la créativité. avons la liberté de le faire, pourquoi s’en priver ?
V. Tura : oui, les valeurs de l’identité, de la V. Taimana : Pina’ina’i est un espace expéri-
famille, des coutumes. Pina’ina’i agit contre la mental qui mêle littérature, danse, musique et
perte de son identité, de ses valeurs. Celle [hei- théâtre. Chacun, à son niveau, contribue à faire
narii Grand] qui est montée sur la table pour exister Pina’ina’i avec beaucoup d’implication et
dire sa tirade m’a éblouie6 ! La petite ille [nailea d’efort. Les thématiques abordées à travers Pi-
Foissac] avec sa grand-mère [odile Purue-Co- na’ina’i sont de l’ordre du social, de la politique
lombani] ! Avec Pina’ina’i, je suis dans la poly- et de la culture… Chaque auteur met les mots
culture, avec une variété de textes. pour déinir ou redéinir les non-dits, dédrama-
6. 49:26-54:14 : https://www.youtube.com/watch?v=bqipTUZAZPs.
108 JOurNaL De La SOCIÉTÉ DeS OCÉaNISTeS

tiser le regard que nous portons sur nous-mêmes, À Jef Tanerii


tout en évoquant nos relations individuelles à
notre environnement et nos relations collectives Quelle a été votre réaction lorsque l’on vous a
en tant que société héritière d’une culture spéci- proposé de participer à Pina’ina’i ?
ique augmentée par des apports extérieurs, en
quelque sorte multiculturelle. Mais aussi être les J’étais très emballé, car je revenais d’Australie
porteurs des messages d’espoir pour une société où j’ai composé de la musique pour de petits
en accord avec elle-même. ilms faits par des Aborigènes à Tennant Creek,
La lecture de textes en langues vernaculaires des Aborigènes qui parlent le warrumungu. J’ai
amène une redécouverte des mots qui selon les pensé : « Si j’ai bossé pour des ilms là-bas, pour-
tournures fascinent et dérangent à la fois car on quoi je ne le ferai pas chez nous ? ».
se rend bien compte de l’hégémonie de la langue
française sur nos langues. Pina’ina’i est l’occasion Qu’est-ce qui vous inspire pour la composition
pour les spectateurs de se reconnecter avec la ri- musicale de Pina’ina’i ?
chesse linguistique autochtone et si ces moments
sont propices au début d’un apaisement identi- La composition musicale change chaque an-
taire pour une revendication existentielle, alors, née. À ma première participation, la deuxième
c’est une aventure qui mérite notre investisse- année de Pina’ina’i, il y avait beaucoup de textes.
ment et implication. Cette année [2015], Moana’ura a beaucoup
O. Purue-Colombani : Gagner en notoriété travaillé la partie spectacle. L’idée générale du
et garder son âme authentique de ‘aito [héros] spectacle, le mélange des idées m’inspirent. Le
conçu par un Polynésien pour les Polynésiens. texte « Au Pari » [vaitiare, 1980 : 150-151], un
Pina’ina’i ? Un pur jus ma’ohi intellectuel qui fa’ateni [poème de célébration] du lieu Te Pari (la
difuse gratuitement et publiquement la lecture falaise), m’a inspiré7.
animée.
M. Grand : Attirer toujours plus de monde
pour promouvoir la littérature autochtone, Comment concevez-vous la musique pour l’événement ?
continuer de surprendre chaque année, donner
envie de lire et d’écrire à de plus en plus d’au- Une phrase, l’atmosphère du texte, m’ins-
tochtones pour que notre littérature se déve- pirent. C’est toujours à partir du texte. il y a des
loppe encore et encore. textes où c’est le tariparau (le tambour) qui va
H. Grand : Chaque année la teneur des textes s’imposer, pour d’autres, il faut composer. il y a
change et Pina’ina’i change lui aussi, diicile de quelques années, le texte que Mareva Leu [une
trouver ou d’anticiper une autre permanence auteure, lectrice] dit devant le miroir, m’avait
dans ce spectacle, que l’expression qu’il permet donné l’idée de composer une musique avec
des baguettes frappées sur des bols pour pro-
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et la sincérité qu’il concentre. Pina’ina’i crée cette
phase entre les auteurs, les danseurs et les spec- duire des sons glacés, de verre. Ce morceau a
tateurs ; une communication qui est un enjeu à servi de générique pendant un an à l’émission
elle seule. Une communication trop rare et for- « a fa’ati’a mai » [Raconte-moi] de John Mairai.
midablement libre. Des espaces-temps de cette Cette année, le texte sur la femme [Aurima-De-
qualité-là doivent exister. vatine, 2015 : 42], rythmé par une énumération
Tokai Devatine : L’enjeu, c’est d’entreprendre de verbes, m’a inspiré.
des interprétations riches, sensibles, contempo-
raines, constructives, paciistes de pensées d’au- Pourquoi avez-vous décidé de composer et de
jourd’hui ! il est sain d’exprimer ce qui pèse dans continuer à composer pour Pina’ina’i?
les consciences souvent muettes ou inaudibles,
de les déclamer, de les publier. Cela permet de Chaque année, Pina’ina’i est un challenge. Ça
traverser les problèmes, d’aller au-delà. Cela fait me sort du contexte du Heiva, plus traditionnel.
avancer la société. Pina’ina’i, c’est plus ouvert, tout en restant tradi-
Taraua Devatine : L’écrit et la parole. Que cha- tionnel. on expérimente.
cun puisse déposer ce qu’il porte en soi, - ce qui
le bloque - et continue sa route. Y a-t-il des diicultés, des déis, des découvertes,
K. Taimana : Donner l’envie d’exprimer son des plaisirs particuliers liés à l’élaboration de
identité par le biais, entre autre, de l’écriture et Pina’ina’i?
de l’oralité mais aussi devenir curieux de mieux
connaître l’histoire de son « fenua » [terre, pays] Tous les ans, c’est un déi. Je ne sais jamais ce
pour mieux vivre en harmonie avec soi-même et qui m’attend. Ce n’est jamais la même chose.
faire que la mémoire culturelle survive. J’aime ce côté non igé.
7. Te Pari se trouve à Tautira, au Fenua ‘Aihere.
PINa’INa’I : ÉCho DE L’ESPRiT ET DES CoRPS 109

Photo 6. – Pina’ina’i 5.15 Enterrement de la mémoire (© Florent Collet, La Dépêche de Tahiti)

Aux danseurs : La nouvelle approche de la danse qui vient en


soutien des mots m’a intriguée et j’étais curieuse
Pourquoi avez-vous décidé de danser et souhaite- de savoir comment cela pouvait se concrétiser. Je
rez-vous danser à nouveau pour Pina’ina’i ? suis depuis de longues années admirative du tra-
vail artistique de Moana’ura. Je voulais connaître
T. Jamet : Une aventure que je suis et vis depuis sa et comprendre son univers dont je suis encore
loin d’avoir découvert tous les aspects. Je parti-
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naissance… mise au monde par un ami, un génie
en qui j’ai une coniance aveugle et suivrai les yeux ciperai à Pina’ina’i aussi longtemps que l’on me
fermés… une vie qui promet… une vie qui encou- permettra de le faire.
rage… une vie sans tabous… notre vie désormais.
T. Taimana : Danser à Pina’ina’i est un hon- Y a-t-il des diicultés, des déis, des découvertes,
neur. Danser avec mes amis, les meilleurs pour des plaisirs particuliers liés à la danse, à votre
moi, encadrée par Moana’ura, un chorégraphe participation pour Pina’ina’i ?
d’un talent indéniable, ain de mettre en avant
notre langue, notre terre, nos messages est une T. Jamet : Les textes sont majestueux… un plai-
chance. Montrer à tous que notre danse sert le sir de pouvoir les partager en art corporel. Des dé-
mot. Je danse pour Pina’ina’i parce que je suis is certes, à la hauteur de cet événement… à notre
ière d’être une danseuse et ière d’avoir été choi- hauteur. Une coniance règne et la magie opère.
sie pour cette aventure. T. Taimana : Le style de danse de Pina’ina’i est
H. Mongarde : C’est comme une évidence. particulier à notre chorégraphe et c’est ce qui
Pīna’ina’i c’est le rendez-vous des amoureux des fait notre richesse. notre richesse et ce qui peut
mots, des pas, des gestes. Ce sont ces mots qui être diicile est l’interprétation que nous devons
résonnent et qui raisonnent en nous. C’est tou- mettre dans nos danses. nous devons également
jours un réel honneur que de prendre part à ce être très attentifs à notre musique également par-
rassemblement. il ne s’agit pas simplement de ticulière. nous devons donc nous contorsionner
danser ou de faire danser les mots, c’est surtout ou danser sur des gouttes ou des grillons, c’est un
partager, porter la parole-pensée en toute liberté. enrichissement constant.
Merci pour ce privilège. H. Mongarde : il n’y a que des déis, que
H. Hiro-Tehei’ura : Moana’ura m’a proposé de des découvertes, que des diicultés et que des
participer à ce projet avant la première édition plaisirs. on se découvre, on se déie mais sur-
de Pina’ina’i en 2011. J’ai rapidement accepté. tout on se fait plaisir. Aucune lourdeur, aucune
110 JOurNaL De La SOCIÉTÉ DeS OCÉaNISTeS

contrainte. on est prisonnier volontaire et on en de il nous retenant à nos traditions ? Surtout


redemande. on veut se dépasser se surpasser. lorsque l’exploration devient trop expérimentale.
Au-delà de la technique requise il y a surtout les En tous les cas, la danse existe avec une forte
expressions que nous devons travailler. Les ins- présence visuelle, sensuelle qui envoute, nous
pirations, expirations, respirations ou comment plonge et rallonge la captation spatiale. La dualité
souler sans s’essouler. texte et musique s’interconnecte et se déconnecte
H. Hiro-Tehei’ura : il y a tout cela dans Pi- et dans cet ensemble évolue la danse complice de
na’ina’i. Les diicultés sont plutôt d’ordre tech- la musique mettant en forme sa représentation
nique. Les pas de danse sont particuliers et géné- spatialisée à travers la gestuelle et l’expression des
ralement diiciles à maîtriser, d’autant que la corps propres à la Polynésie. Parfois la danse se
scène a elle-même une coniguration sur laquelle met au service du texte et quelquefois en déca-
le danseur n’a pas l’habitude d’évoluer. Mais on lage. La trilogie des disciplines, littérature, danse
revient toujours parce qu’il y a une atmosphère et musique, qui se joue fait naître d’autres sen-
pleine de magie qui découle de ce spectacle. C’est sations qui jusqu’alors ne faisaient pas partie de
un monde à part, on joue sur les mots, avec les notre univers culturel conventionnel mais qui au
mots, on les interprète par les gestes et on init il du temps et des inluences feront leur place
par les comprendre dans toute leur substance. dans nos références.
J’ai découvert à travers chaque édition la litté- O. Purue-Colombani : Une motivation pour
rature de notre Pays que je pensais quasi-inexis- faire connaître et partager à travers mes écrits et
tante jusqu’à maintenant. Elle est riche autant la lecture, les mémoires lointaines, authentiques
dans la profusion que dans la qualité. Je suis de la vie et culture mangaréviennes. C’est laisser
ière de pouvoir être au contact de ces auteurs des traces et répercuter ses sonorités pour éviter
qui sont les défenseurs de notre culture, ils en sa disparition. Une quête pour ma part, pour
constituent même le socle. sauvegarder ma langue.
M. Grand : Pina’ina’i est une formidable tri-
bune pour les textes autochtones. C’est un hon-
Aux lecteurs (auteurs, ‘orero…) neur pour moi de participer à la promotion de
notre littérature, cause qui nous (me) dépasse
individuellement mais qui nous rassemble au
Qu’est-ce qui vous a porté à faire des lectures ou à sein de Littérama’ohi : quand nous sommes sur
écrire pour Pina’ina’i ? le Paepae-a-hiro, prêts à ofrir au public le meil-
leur de nous-mêmes, j’ai l’impression que nous
V. Taimana : L’engouement pour la théâtralité. ne sommes qu’un, portant et portés par tous les
Les textes sont lus, récités ou interprétés avec auteurs de notre pays, ceux du passé, ceux du
les émotions qu’ils drainent, il y a des tentatives
présent et ceux à venir.
intéressantes où la lecture s’eface le temps d’une
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scène et réapparaît pour une mise à distance H. Grand : Cet acte fort de célébrer la littéra-
entre le spectateur et le lecteur et s’ouvrent alors ture autochtone de notre pays.
les mots distillés venant d’une introspection trop
longtemps retenue dont l’émergence invite à Pourquoi avez-vous décidé de participer à cet
l’empathie ou à être l’étranger de quelques tour- événement, et de continuer à lire et/ou à écrire
nures inédites en langue française ou des mots pour Pina’ina’i ?
anciens et formulations propres à nos langues
vernaculaires. V. Taimana : En faisant le choix personnel de
Lorsque la combinaison des textes en langues soutenir les arts visuels polynésiens et en particu-
autochtones et des danses polynésiennes s’exé- lier les expressions artistiques contemporaines de
cutent sur des musiques empruntées à la variété nos cultures polynésiennes, je ne pouvais refuser
internationale, l’ensemble devient inattendu. l’invitation de Moana’ura Tehei’ura, de rejoindre
Lorsque l’accompagnement sonore est une re- l’équipe déjà en place depuis quatre années ain
création rythmique mêlant nos percussions à des de tenir le rôle d’un lecteur/comédien. C’est
sons numériques il devient surprenant. Ces com- aussi pour soutenir une culture vivante et sur-
positions sonores amènent une excitation men- tout accessible à tous et pour tous. La gratuité
tale qui permet de saisir la confrontation décalée, de l’événement me conforte dans cette idée.
inattendue, partagée et inalement acceptée. Une Pina’ina’i tient une place de plus en plus impor-
exaltation qui se nourrit aussi de la diversité des tante dans le paysage culturel de la Polynésie du
situations décrites dans les textes augmentées xxie siècle.
par les efets sonores révélant parfois des univers O. Purue-Colombani : Pina’ina’i est une
douloureux, tragi-comiques et/ou perturbants. conception originale, unique qui se rapproche
Le rôle alors de la danse est-il d’amoindrir les de la comédie musicale ou théâtrale, réalisée et
soubresauts sarcastiques et parfois caustiques de adaptée par notre réalisateur-chorégraphe averti
la narration ? ou encore, la danse fait-elle oice et exigeant, Moana’ura. C’est un honneur pour
PINa’INa’I : ÉCho DE L’ESPRiT ET DES CoRPS 111

Photo 7. – Pina’ina’i 5.15 ne ferme pas ton cœur - heinarii Grand, hitihiti hiro-Tehei’ura (© R.-J. Devatine)

moi d’écrire et de participer au Pina’ina’i. La ren- situation peu confortable. Dans un deuxième
contre et le contact avec des personnes intergé- temps, comprendre l’atmosphère dans lequel le
nérationnelles permettent une évolution riche et metteur en scène souhaite faire exister le dia-
mature, orientée vers plus de connaissances et de logue des sentiments invoqués. L’intérêt de la
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compréhension. découverte du texte passe par l’entretien avec
M. Grand : Parce que je ne me considère pas l’auteur pour avoir des précisions sur la genèse
vraiment comme une auteure comparée à nos de son écrit, l’état d’esprit dans lequel il se trou-
grands écrivains autochtones, et que si je défends vait pour décrire ces sentiments ou les situations.
l’idée qu’il faut lire et écrire, que chacun de nous Cette phase amène à concevoir une tentative
peut le faire et est légitime de le faire, je me dois interprétation qui se rapproche de l’univers de
de donner l’exemple. l’auteur en essayant toutefois de s’en extraire
H. Grand : J’y ai participé pour la première fois pour une réinterprétation plus personnelle.
avec le sentiment de contredire le déni ambiant O. Purue-Colombani : Chaque année, je sou-
concernant notre littérature. Comme si notre au- mets un texte de mon inspiration à partir d’une
tochtonie n’avait jamais « mûri » jusqu’à l’écrit, légende ou d’un vécu, donc un choix libre. Le
qu’elle n’avait jamais su relever son déi. C’était gros travail de montage, construction de la trame
et c’est toujours pour moi une des manières les relève du réalisateur–chorégraphe. Sous sa hou-
plus profondes de réfuter ces inaptitudes, de les lette, le texte est intégré dans un thème et je me
désagréger même, dans notre intégrité. dois d’interpréter sa lecture théâtrale selon ses
objectifs culturels à atteindre.
Comment concevez-vous votre lecture ou le choix M. Grand : Le choix peut se faire sur un coup
de votre texte pour Pina’ina’i ? de cœur, un texte que j’ai lu et que j’aime par-
ticulièrement, ou parce que j’ai envie de trans-
V. Taimana : C’est une distribution de textes mettre un message en particulier, ou parce que
savamment orchestrée par Moana’ura, qui après l’on me propose un texte en accord avec le thème
des justiications personnelles passionnées dans du Pina’ina’i.
une gesticulation théâtrale dont lui seul a le se- H. Grand : Diféremment chaque année, il y
cret, vous tend un texte dont le contenu et la a une vraie instantanéité dans cette expérience,
portée vous mettent, de prime abord, dans une quand bien même la préparation du spectacle
112 JOurNaL De La SOCIÉTÉ DeS OCÉaNISTeS

dure des semaines. L’important, c’est cette au- M. Grand : Pina’ina’i est un spectacle à part
tochtonie qu’on incarne en particulier et cet en- entière né du génie créateur de notre concepteur,
semble qu’on révère. Pour le reste, il faut lâcher metteur en scène, chorégraphe... un formidable
prise. Les pré-conceptions se diluent comme si édiice auquel chaque auteur, lecteur, danseur
la conviction devait vibrer nue. C’est peut-être apporte sa pierre. Cela demande davantage de
ça aussi la puissance de Pina’ina’i. travail qu’une lecture au marché et ne laisse pas
de place à l’improvisation, mais le résultat en
Y a-t-il des diicultés, des déis, des découvertes, des vaut largement la peine. Chaque année le public
plaisirs particuliers liés à la lecture à Pina’ina’i ? vient plus nombreux.
H. Grand : Pina’ina’i se distingue par la mise
V. Taimana : La diiculté réside dans le peu en scène des corps, danseurs et lecteurs compris.
de temps à consacrer aux répétitions car nous il y a une forme d’exposition et de conscience
sommes tous engagés dans des métiers diférents de soi qui n’est pas comparable aux autres lec-
et du temps à consacrer à une vie sociale et fami- tures publiques. Le il qui assure la cohérence de
liale capteuse d’énergie. toutes ces actions et notre cohésion au sein de
O. Purue-Colombani : Rien n’est immuable, Littérama’ohi, c’est la cause, l’engagement pour
tout est découverte et nouveauté avec son l’écrit et pour tous ces messages qui composent
lot d’anxiétés, de mésestime, de manque de notre autochtonie.
coniance (suis-je capable ou pas), enin un déi
contre le démon de la timidité, de la réserve, de
la peur du ridicule. ou des plaisirs et ierté cer- Aux spectateurs
tains lorsque je surmonte, je dompte ces diicul-
tés sans omettre l’esprit de solidarité qui s’installe Quelle a été votre réaction devant Pina’ina’i ?
au sein de l’équipe : une famille d’artistes.
En vérité, une victoire sur moi-même et une Tokai Devatine : Pina’ina’i, c’est l’heureux résul-
reconnaissance envers le mentor, toujours en tat d’une année d’attente. Alors même que nous
quête de la perfection. Une stimulation à aller ne sommes pas habitués à apprécier cette asso-
de l’avant, à vaincre les doutes, les craintes de ciation simultanée de représentations culturelles,
l’échec. Pina’ina’i nous semble pourtant familier dans le
M. Grand : oh oui ! S’exposer au public, dé- contenu des messages délivrés. Pina’ina’i nous sur-
couvrir de nouveaux textes, se dépasser pour la prend et nous enchante par le fait que ces lectures
cause, se rassembler pour elle dans un spectacle permettent de nous raconter. C’est un nouveau
qui ne se cantonne pas à la lecture publique mais territoire d’expression qui s’ouvre en Polynésie.
ofre de véritables mises en scènes qui boule- Pina’ina’i est une navigation à bord de la
versent nos confortables habitudes... c’est à la pirogue des arts qui nous transporte sur notre
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fois diicile et addictif. Aucun autre spectacle océan intérieur, celui que nous redécouvrons,
n’allie textes, musiques, danses et mises en scène explorons, sondons et partageons. Je ressens une
comme Pina’ina’i, c’est une chance d’y participer. émotion semblable à celle qui surgit devant un
H. Grand : oui, tout ça, assurément. vivre Pi- événement déterminant de la création de la Poly-
na’ina’i de l’intérieur est intense et exigeant aussi. nésie du xxie siècle.
J’ai dû me dépasser à chaque édition et j’ai appris Lorsque j’assistais aux éditions de Pina’ina’i en
beaucoup grâce à ça. J’ai aussi appris au contact 2012-2013, une envie d’y participer s’emparait
des autres participants, puisque nous vivons de moi ou du moins celle d’assister à la mise en
cette aventure côte à côte. Pina’ina’i ne laisse pas place de la manifestation. En 2014, c’est ce que
indemne, il crée volontairement des collisions je is, et en 2015, j’y participe en tant que lecteur.
intérieures, mais il ne s’agit pas de chocs trauma- Parfois, je suis un peu perplexe devant certains
tiques. Quelque part, ces chocs sont libérateurs. tableaux… J’ai envie d’apprécier uniquement
Taraua Devatine : C’est agréable d’être dans un les textes, d’écouter davantage les arrangements
groupe. musicaux inédits qui sont de véritables œuvres
tels les textes, les chorégraphies. Mais j’apprécie
en quoi la lecture à Pina’ina’i se distingue ou/et se rap- les « surprises » créées par des trésors de mise en
proche-t-elle des autres lectures, de celles au marché ? scène dans lesquels textes, musiques et danses
trouvent un équilibre et se subliment mutuelle-
O. Purue-Colombani : Tous les textes sont ment. Des moments qui ancrent la manifesta-
écrits et lus par des autochtones. De plus en plus, tion dans les mentalités et qui participent au suc-
ils se dévoilent, s’airment et revendiquent leur cès de Pina’ina’i. il y a un gros travail fourni par
identité, leur culture. Au marché, c’est la lec- Moana’ura Tehei’ura, Jef Tanerii, les danseurs et
ture expressive en langues polynésiennes et c’est les interprètes.
la rencontre des gens de diférentes ethnies des H. Ah-Lo : C’est un public averti, intéressé
milieux socioculturels. qui est présent à Pina’ina’i ! il y a là une culture
PINa’INa’I : ÉCho DE L’ESPRiT ET DES CoRPS 113

Photo 8. – Pina’ina’i 5.15 Lecture de Littérama’ohi - Chantal T. Spitz (© Florent Collet, La Dépêche de Tahiti)

d’une élite intellectuelle, des gens qui ont fait Comment apparaît le travail sur les textes, par les corps ?
des études, qui comprennent le texte. Ce sont
des métro et des demis. C’est un réseau culturel Tokai Devatine : En tant que spectateur, ce
et intellectuel. il y a tout un aspect de revendi- n’est pas du théâtre, c’est autre chose. il s’agit
cation culturelle face aux colonisateurs, aux ins- d’une véritable interprétation de textes. Pina’ina’i
tances politiques, présent à Tahiti où longtemps permet une superposition de narrations.
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peut-être des Tahitiens ont soufert ! venant des K. Taimana : Tantôt les corps accompagnent,
Marquises [de Ua-Pou], je ne sais pas trop. A Ta- supportent le texte, tantôt les corps complètent, il-
hiti, plus de personnes ont pu sortir de l’île, voir lustrent les mots, tantôt les corps libèrent, allègent
comment c’était ailleurs, et se rendre compte de le verbe.
ce qui se passait chez eux ! Pendant longtemps, V. Tura : Cohérent, très harmonieux, bien à pro-
on a un peu muselé la parole ! pos. Le jeu entre le texte et la danse était provoca-
Pina’ina’i est un lieu de parole libérée, un teur. Cela a été bien imaginé, bien joué. J’ai trouvé
peu comme Le Cercle des poètes disparus ! C’est ça très beau. Je me suis sentie dans mon élément.
l’image que j’ai du Pina’ina’i : un cercle de pen-
seurs vivants ayant une parole libérée ! Que dire de la danse, de la musique lors de
Tout sort du Pina’ina’i : la revendication ; l’illus- Pina’ina’i ?
tration d’un passé ; un passé douloureux pour
certains ; un présent qui évolue ; un présent qui Tokai Devatine : La liberté d’expression :
fait peur aussi.
Taraua Devatine : A la fois intéressé et pas inté- « Liberté, J’écrirai ton nom !
ressé, en accord et pas en accord, avec certains Je le déclamerai,
textes, avec certaines mises en scène. Je l’entendrai,
K. Taimana : Pina’ina’i me procure toujours Je le mettrai en musique,
un grand plaisir, c’est pour moi un très bel évé- Je le danserai ! »
nement culturel et artistique qui met en avant
toutes les capacités incontestables des Polyné- Que dire de la chorégraphie, de la mise en scène
siens, et dont je suis très admirative. Plusieurs de Pina’ina’i ?
émotions y sont mêlées : joie, bonheur, tristesse,
soufrance, nostalgie, empathie… rélexion sur Tokai Devatine : Les chorégraphies sont mo-
soi, sur autrui. dernes mais restent très proches de la danse tahi-
114 JOurNaL De La SOCIÉTÉ DeS OCÉaNISTeS

Photo 9. – « Et ressortent les racines de l’arbre mûrissant » (F. Aurima-Devatine) (© Florent Collet / La Dépêche de Tahiti)

tienne. Tantôt Moana’ura transgresse les codes de lieu, un moment de partage, d’interprétation des
la danse, tantôt y revient. C’est un équilibre qui textes écrits, publiés ou non, avec les mots mis
peut nous apprendre beaucoup sur la déinition en scène, en danse, en musique, une manière
contemporaine du ‘ori Tahiti. Jusqu’à quel point ludique de faire connaître la littérature autoch-
les danses sont-elles toujours de la danse tahi- tone. Pina’ina’i, ce sont avant tout les jeunes,
tienne ? La démarche de chorégraphes comme danseurs et danseuses expérimentés, superbes,
Moana’ura est très importante pour le monde de lecteurs, auteurs, poètes, artistes, interprètes,
la danse en général. La musique y tient une place orateurs magniiques, autour de Moana’ura,
très importante. metteur en scène, chorégraphe, d’un talent indé-
niable, d’une belle sensibilité, humanité. C’est
Que dire des textes et des lectures par les lecteurs, l’appropriation par les jeunes de la Culture, de la
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lectrices ? Littérature, de la Poésie.

Tokai Devatine : De ce que j’en ai retenu, de


ce à quoi j’ai été sensible, les textes sélectionnés À Chantal T. Spitz
témoignent d’une conscience autochtone du
genre, de la mémoire, de l’histoire, de l’autodé-
termination, des préjugés, du concept culturel,
du ras-le-bol. en 2015, Pina’ina’i est consacré à l’œuvre de Flora au-
Taraua Devatine : il y a des textes que l’on rima-Devatine. Vous avez été l’initiatrice de cette idée.
comprend et d’autres, pas ; des textes qu’on Comment vous est-elle venue ? Les enjeux de Pina’ina’i
aime et d’autres, pas. Ce qui est bien, c’est de cette année seront-ils diférents des autres années ?
sentir que ce que les gens pensent peut sortir,
être exprimé, et que les gens – aussi bien auteurs, il y a quelques années, nous avons initié, grâce
lecteurs que spectateurs – ne restent pas bloqués à ‘Aimeho Charousset, membre de Littérama’ohi,
sur ce qu’ils ressentent. une rélexion sur les pertes immenses de savoirs à
chaque fois qu’un détenteur de ces savoirs meurt
et sur les discours de reconnaissance publics
grandiloquents qui rendent hommage tardive-
À Flora Aurima-Devatine ment aux détenteurs de savoirs. Partant du mo-
dèle de « trésors vivants » japonais, nous avons
Pourquoi Pina’ina’i est important pour vous ? au il des discussions convenu que nos « trésors
vivants » seraient des « porteurs de patrimoine »
Pina’ina’i est dans le droit il de Littérama’ohi, et nous en avons fait le thème du dossier du der-
cet espace de publication, de partage, de sou- nier numéro de la revue. Pour être en cohérence
tien, ofert à ceux qui écrivent. Pina’ina’i est un avec nos rélexions, il m’est apparu évident que
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Photo 10. – Pina’ina’i 5.15 (© R.-J. Devatine)

nous devions nous-mêmes entamer le processus de rendre hommage à sa vie d’engagement et son
de reconnaissance de nos porteurs de patrimoine immense œuvre.
dans le domaine de la littérature. Flora Aurima-
Devatine me paraissait la seule digne de cette
reconnaissance. J’ai donc soumis à Moana’ura BiBLiogrAPhiE
l’idée de rendre hommage à Flora au travers de
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Pina’ina’i 5.15 et, après son accord, la proposi- Aurima-Devatine Flora, 2015. Femme, in
tion a été soumise aux membres de l’association L’importance de la femme en Polynésie
qui se sont montrés enthousiastes, non seule- (2013), in A. Brochet (éd.), Paciique, L’Ate-
ment de la possibilité de rendre hommage à Flo- lier, Tahiti, 2015, p. 42.
ra, mais aussi de l’occasion de connaître un peu
mieux son œuvre puisque nous lirons ses textes. Biet Christian et Christophe Triau, 2009. La
Les quatre premières éditions de Pina’ina’i ont comparution théâtrale. Pour une déinition
permis de présenter aux publics un large éven- esthétique et politique de la séance, Tangence
tail d’auteurs autochtones parmi lesquels beau- 88, pp. 29-43.
coup étaient peu connus voire inconnus. Elles Castro Estelle, 2013. Axiopraxis et reconnais-
ont aussi été un tremplin pour des auteurs qui sance en mouvement. Festivals et production
n’avaient jamais publié ni partagé leurs textes et artistique autochtone océanienne comme
certains sont devenus auteurs assidus. lieux de production politique du culturel,
Pina’ina’i 5.15 a pour ambition d’airmer que in L. Dousset, B. Glowczewski et M. Salaun
les patrimoines sont vivants et continuent d’être (eds), Les Sciences humaines et sociales dans le
vivants malgré le peu d’intérêt qui leur est porté Paciique Sud, Marseille, Paciic-Credo Publi-
par la société en général, d’inciter au travers de cations, pp. 207-228.
la reconnaissance de Flora les autres à la recon-
naissance d’autres porteurs de patrimoine avant Gobrait valérie, 2012. vers Reva, Littérama’ohi
qu’ils ne disparaissent, de faire découvrir aux pu- 20, p. 50.
blics la pensée foisonnante profonde et originale Tehei’ura Moana’ura, 2012. Editorial. Dossier
de Flora qui reste très peu connue dans notre Pina’ina’i. Echo de l’esprit et des corps, Litté-
pays à cause de sa discrétion, de son humilité et rama’ohi 20, p. 9.
le manque de publications locales, de permettre
à l’association littéraire dont elle est à l’origine vaitiare, 1980. Humeurs, Polytram, Tahiti.
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2011, 198 p., bibliographie, index, 2 cartes et 2 illustrations en noir et blanc - 19 €.


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