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© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 09/03/2022 sur www.cairn.info via Université Internationale de Rabat (IP: 41.140.2.10)
ISSN 0008-0055
ISBN 9782713228292
DOI 10.4000/etudesafricaines.31478
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-etudes-africaines-2020-3-page-509.htm
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Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/31478
DOI : 10.4000/etudesafricaines.31478
ISSN : 1777-5353
Éditeur
Éditions de l’EHESS
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Édition imprimée
Date de publication : 17 septembre 2020
Pagination : 509-533
ISBN : 978-2-7132-2829-2
ISSN : 0008-0055
Référence électronique
Alvar Jones Sánchez, « La gestion de conflits à l’origine des conflits ? », Cahiers d’études africaines [En
ligne], 239 | 2020, mis en ligne le 03 janvier 2023, consulté le 10 septembre 2020. URL : http://
journals.openedition.org/etudesafricaines/31478 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.
31478
La gestion de conflits
à l’origine des conflits ?
« Peacebuilding » et protection
des ressources naturelles en Casamance*
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Depuis plus d’une trentaine d’années, la participation des populations s’érige
en principe dans les interventions de développement. L’« implication des
populations », leur « adhésion », « l’appropriation » des projets, sont autant
de termes incontournables dans le secteur (Chauveau 1994 ; Lavigne-Delville
2011). La mobilisation souvent abstraite de ces concepts laisse habituellement
en suspens deux questions-clés : quelles sont les populations dont la partici-
pation est attendue, et quelles sont les modalités de cette participation. Surgi
dans les années 1990, le peacebuilding est une stratégie d’intervention qui
postule précisément la nécessité « d’impliquer les populations » en vue de
promouvoir la paix dans les zones post-conflits. Ces deux questions (la parti-
cipation de qui, et à quoi) sont souvent au cœur des problématiques dérivant
des interventions liées au peacebuilding (Pouligny 2006 ; Donais 2009 : 11).
En Casamance, de nombreuses recherches se sont penchées sur le peace-
building. Elles se sont surtout intéressées à la manière dont les outils narratifs
du peacebuilding (la participation des populations, la mobilisation de la tradi-
tion pour la résolution des conflits) ont été instrumentalisés au profit d’enjeux
symboliques, politiques et économiques, aussi bien par les bailleurs de fonds,
les ong nationales et internationales, que par l’État ou le Mouvement des forces
démocratiques de la Casamance (mfdc) (Beck & Foucher 2009 ; Marut 2009 ;
*. Les informations recueillies dans cet article procèdent d’une recherche plus large sur la
participation communautaire des populations aux projets de développement en Casamance,
menée dans le cadre d’une bourse postdoctorale d’un an, octroyée en 2016 par la Fondation
de la Croix-Rouge française et avec le soutien de l’Institut de recherche pour le déve-
loppement (IRD). De nombreux entretiens ont été menés entre janvier et juillet 2017
dans le département de Ziguinchor, auprès des populations villageoises, des opérateurs
humanitaires nationaux et internationaux, des autorités administratives sénégalaises, ainsi
que des membres du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC).
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facilitant des procédures et des moyens de leur participation, l’intervention a
transformé l’écosystème des pouvoirs avec des résultats imprévus. Tandis que
les ong instigatrices du projet assuraient vouloir « promouvoir le dialogue, la
solidarité et la reconstruction du lien social », l’intervention a profondément
exacerbé les tensions existantes.
Depuis les années 2000, le contentieux qui oppose l’État sénégalais et
les forces indépendantistes du mfdc traverse une relative accalmie. C’est
dans ce contexte que de nombreux opérateurs humanitaires en Casamance
se sont donné pour objectif de « doter les communautés » des capacités de
« mieux gérer » les micro-conflits qui pèsent sur la cohabitation. L’approche
repose sur l’idée que les disputes villageoises pourraient alimenter le conflit
indépendantiste. Celles-ci constitueraient un frein à la consolidation de la paix
et au développement de la zone. L’une des stratégies les plus prisées par les
développeurs en Casamance repose donc sur la création de structures sociales
villageoises destinées à prévenir et gérer les conflits qui surviennent au niveau
local. Un groupe de personnes est ainsi désigné sur une zone géographique
déterminée (le quartier, le village, la commune, l’arrondissement, etc.) afin
d’assurer la « gestion communautaire des conflits ». Selon les ong impliquées,
il s’agirait d’éviter que les querelles villageoises ne débouchent sur des litiges
d’envergure susceptibles d’attiser le conflit indépendantiste.
Dans le secteur du développement, la mise en place de comités villageois
est traditionnellement destinée à la gestion d’infrastructures de base ou d’un
secteur social spécifique (le développement agricole, la santé, la protection
de l’enfance ou des ressources naturelles, etc.). Si « comité » est le terme le
1. Si les travaux sur la question en Casamance permettent une lecture critique de
l’instrumentalisation de la tradition au nom de la paix (Foucher 2007 ; Marut 2009 ;
Diédhiou 2013), ils tendent à réduire les actions de peacebuilding au recours à la
tradition pour la résolution de conflits, en négligeant d’autres stratégies qui intègrent
également l’arsenal fréquent du peacebuilding, tels que les comités de paix par exemple
(Jones Sanchez 2018).
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Le peacebuilding est particulièrement compétitif sur le marché du déve-
loppement (Lefranc 2006 ; Cattaruzza & Dorier 2015). Depuis plus d’une
quinzaine d’années, il bénéficie en Casamance de l’engouement des bailleurs
(Marut 2010 : 273-287 ; Diédhiou 2013). Compte tenu des fonds mis à dispo-
sition, d’innombrables ong nationales et internationales se sont engagées dans
cette nouvelle niche de marché. Ainsi, depuis les années 2000, une multitude
d’interventions menées par les acteurs de l’aide s’attellent à la mise en place
de comités destinés à la gestion locale des conflits (Jones Sanchez 2018).
Selon les priorités des intervenants, il est attendu de ces structures qu’elles
s’impliquent dans des affaires relevant de secteurs variés. Certaines interven-
tions sont davantage orientées vers les tensions découlant du vol de bétail ;
d’autres abordent plutôt les litiges fonciers ou ceux découlant de la divagation
des animaux. L’intervention qui nous occupe concerne l’exploitation des
ressources naturelles. Menée entre 2013 et 2016, elle visait simultanément la
protection de l’environnement et la pacification des conflits. Cette perspective
alliait judicieusement des thématiques particulièrement en vogue auprès des
bailleurs : développement durable, peacebuilding, mais aussi bonne gouver-
nance et gestion participative. Dans le village de Toubacouta, les objectifs
liés à la protection de l’environnement et ceux liés à la gestion des conflits
se sont révélés éminemment contradictoires, débouchant sur de violentes
altercations entre les personnes qui vivent de l’exploitation forestière, et celles
qui, appuyés par les ong, ont tenté de l’empêcher. Les dispositions prises par
les intervenants afin de « promouvoir la cohésion sociale » ou de « raffermir
le lien social » sont venues, au contraire, alimenter les dissensions au sein de
la société villageoise.
2. Depuis une vingtaine d’années, la création de comités de paix est une stratégie particu-
lièrement recourue dans divers contextes post-conflit. Pour n’en citer que quelques-uns
sur le continent africain, ils ont été utilisés sous des formes diverses, en Afrique du Sud,
en RDC, au Rwanda, au Burundi, au Libéria, au Nigéria, au Ghana, ou encore au Kenya.
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l’industrie du développement : celle entre générations, entre villages distincts,
entre populations déplacées et populations retournées, entre « autochtones » et
« allochtones », entre lignages, entre les instances de pouvoir villageoises et
celles communales ou administratives… La non-prise en compte de ces groupes
offre une vision simplifiée de la réalité et empêche d’appréhender leurs intérêts
particuliers, qui inévitablement se manifesteront au cours du projet.
Ce cas d’étude propose de rendre compte de cette complexité du social et
des lignes de fracture qui le traversent, afin de montrer comment les actions
des opérateurs humanitaires, loin des objectifs proclamés, peuvent consti-
tuer de véritables poudrières. Nous nous efforcerons d’abord de situer les
enjeux contradictoires associés à la forêt dans le contexte plus large du conflit
casamançais. C’est dans ce cadre qu’une activité en principe prohibée, la
coupe du bois de teck, est devenue une activité habituelle et une source de
revenus légitime à Toubacouta. La mise en place d’un projet de dévelop
pement au niveau local et les dispositions gouvernementales au niveau national
modifient les relations de pouvoir dans le village. S’instaure alors une nou-
velle économie morale qui permet de criminaliser la coupe et de mobiliser
conjointement et paradoxalement des éléments du mfdc et l’armée sénégalaise
contre l’exploitation du bois, ainsi qu’une partie des populations. D’anciens
coupeurs s’investissent même dans la poursuite d’autres coupeurs. Si les ong
revendiquent l’efficacité des campagnes de sensibilisation, ce sont en réalité
des enjeux économiques qui sont à l’origine de cette mobilisation. Par ailleurs,
les nombreuses altercations entre les coupeurs et ceux qui les traquent mettent
à jour les divisions préexistantes au sein de la société villageoise. Nous mon-
trerons enfin que, en s’appuyant sur des messages de sensibilisation autour de
la protection de la forêt et en criminalisant les coupeurs, les opérateurs n’ont
pas tenu compte des causes sociales et économiques qui sont à l’origine de
l’exploitation du bois.
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et le mfdc sont devenus sporadiques. Les pressions internationales sur le
Sénégal ainsi que celles exercées par les populations rurales sur le mfdc ont
joué un rôle déterminant dans la réduction des combats. À cela s’ajoutent les
divisions internes du mfdc. Même si un accord de paix n’a toujours pas été
conclu, la solution militaire au conflit n’est plus une alternative envisageable
pour les belligérants (Foucher 2009 : 147). Tandis que le mfdc, retranché dans
des zones frontalières et forestières, ne dispose pas de la capacité de s’étendre
au-delà de celles-ci, l’État sénégalais ne peut assumer le coût humain et
diplomatique que supposerait la reprise par la force de ces territoires difficiles
d’accès (Foucher 2007 : 64).
Depuis le milieu des années 1990, certains villages abandonnés au plus
fort des combats sont réinvestis par les populations. Ce mouvement de retour,
qui est toujours en cours, s’accentue avec le recul de la violence dès les années
2000. Le mfdc n’est pas en mesure d’assurer les services de base dans les
zones sous son contrôle. En ce sens, le retour des populations s’accompagne
toujours de la récupération de ces territoires par l’État, accompagné ou devancé
par de nombreux acteurs humanitaires qui assurent le déminage, la délivrance
de services de base, éducatifs ou sanitaires, ou des activités de développement
économique (Marut 2010 : 282-283). Ainsi, la dimension humanitaire et de
développement invoquée par ces organisations et l’État pour légitimer la
promotion du retour n’est pas neutre au regard du conflit casamançais. Elle
s’inscrit dans une politique de reconquête de l’État sénégalais (Foucher 2009 :
156-157).
Si le retour des populations ne peut se faire sans l’accord du mfdc, sa
position sur la question reste délicate : s’il s’y oppose, il risque de perdre un
soutien déjà déficitaire auprès des populations dont il affirme défendre les
3. Les ressources forestières et halieutiques de la Casamance comptent parmi les plus impor-
tantes du pays. La présence d’importantes réserves de pétrole au large des côtes de la
région est également avérée (Marut 2010 : 52).
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intérêts ; s’il y accède, il perd les zones qui sont sous son contrôle. La rébellion
accepte ou s’y oppose au cas par cas, en fonction de facteurs qui relèvent de
la stratégie militaire4 mais aussi des possibilités d’exploitation des ressources
forestières (notamment le bois au nord de la Casamance, et les plantations
d’anacardier abandonnées par les villageois au sud), qui permettent d’alimenter
l’économie de guerre (Marut 2010 : 154-155).
Le retour des populations sur des territoires abandonnés pendant des
années à la végétation participe au recul de la forêt. Le territoire sous contrôle
du mfdc n’en est pas seulement plus réduit mais aussi plus exposé aux mili-
taires sénégalais (Marut 2010 : 109-110). Ces facteurs expliquent les accro-
chages fréquents entre le mfdc et les populations villageoises elles-mêmes,
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qui, souvent à la recherche de moyens de subsistance, s’aventurent dans la
forêt afin d’en exploiter les ressources. En 2008, par exemple, dans le secteur
de Boutoupa Camaracounda, des hommes du mfdc tranchèrent à la machette
les oreilles d’une vingtaine de personnes parties à la recherche de produits
forestiers. Il s’agissait de signifier aux populations de ne plus s’aventurer
dans la forêt5.
À la lisière de la frontière avec la Guinée-Bissau, où se trouve retran-
chée une faction importante du mfdc, ces questions font apparaître la forêt
comme un enjeu crucial. Si pour les rebelles elle est essentiellement un espace
stratégique associé à la défense de ces positions, elle revêt pour une partie
importante des populations une dimension économique. Son exploitation,
notamment celle du bois, s’inscrit dans une économie de subsistance, d’autant
plus que de nombreuses terres cultivables ont été minées. Pour les populations
qui n’ont pas encore reçu le feu vert du mfdc pour regagner leur village, la
forêt constitue un patrimoine (des terres, des vergers) à préserver en vue d’un
possible retour. Pour les tenants du projet dont il est question dans ces lignes,
c’est la dimension environnementale de la forêt qui est mise en avant. C’est à
la croisée de ces rationalités qu’il est possible d’appréhender l’escalade de la
violence suite à l’intervention des opérateurs humanitaires à Toubacouta, qui
entraîne, en janvier 2018, l’assassinat de quatorze personnes et la réactivation
des affrontements entre l’armée sénégalaise et le mfdc.
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donné au début des années 1990 en raison des combats entre l’armée sénégalaise
et les factions rebelles. À partir de 1992, les habitants de Toubacouta commen
cèrent à regagner leurs maisons. Ce furent alors les militaires sénégalais,
cantonnés dans la zone depuis 1994, qui promurent assidûment l’exploita-
tion de la forêt de Toubacouta. Le bois d’œuvre constituait une opportunité
d’enrichissement personnel pour les soldats mobilisés en Casamance. Tous
les témoignages des villageois recueillis (en mai-juin 2017) attestent que des
éléments de l’armée mirent en place une scierie et une menuiserie dans le
village. Selon ces mêmes sources, les militaires autorisaient les habitants à
couper le bois à condition d’être les destinataires de la revente. Profitant de
l’extrême dénuement des familles, les prix d’achat par les militaires étaient
souvent dérisoires. L’exploitation était d’autant plus importante que les moyens
de l’armée étaient mis à disposition. Leurs véhicules permettaient d’acheminer
le bois ou les meubles confectionnés jusqu’au port de Ziguinchor, afin d’y
être embarqués vers le nord du pays. L’existence d’un trafic orchestré par
les militaires à Toubacouta entre 1995 et le début des années 2000, ainsi que
l’implication de certains cadres de l’armée, semblent aujourd’hui avérées.
Les témoignages des populations villageoises, des responsables associa-
tifs, ainsi que celui d’un journaliste de la rts (Radiodiffusion Télévision
Sénégalaise) alors affecté dans la zone l’ont également confirmé8. La tolérance
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(Marut 2010 : 117), mais aussi du pillage organisé des ressources naturelles de
la Casamance11. Le nouveau gouvernement se montrait soucieux de modifier
l’image de l’armée sénégalaise ; d’une part, pour ne pas alimenter davantage le
rejet du Sénégal par les populations casamançaises et, d’autre part, pour disposer
de l’appui diplomatique des puissances occidentales dans sa lutte contre les
forces indépendantistes du mfdc (Foucher 2009 : 152-154).
Selon les populations villageoises, l’exploitation par les militaires serait
aujourd’hui marginale. Il n’en reste pas moins que le souvenir de camions de
l’armée emplis de bois est une image encore vivace en Casamance. Elle illustre
pour beaucoup l’idée selon laquelle c’est l’État sénégalais qui organise le
pillage des ressources naturelles de la région. Cette perception alimente le sen-
timent indépendantiste au sein de certains secteurs de la société casamançaise.
Au début des années 2000, l’exploitation intensive du bois par les villageois
s’est donc libérée de la « tutelle » militaire12. Des habitants de Toubacouta
marchandent la coupe et la vente du bois avec des commerçants d’autres
localités qui se chargent de son acheminement vers Ziguinchor ainsi que
de sa revente. Les marges de bénéfices sont telles que des négociants venus
de loin, de Sédhiou, ou même de Podor de l’autre côté du pays, se seraient
investis dans le trafic. La forêt de Toubacouta est ainsi devenue la base d’un
large réseau intégrant des villageois, des charretiers, des commerçants, des
scieries, des menuiseries, mais aussi des militaires et des agents de la direction
des Eaux et Forêts. Cette dernière n’est d’ailleurs pas en mesure d’assurer la
protection du bois de teck. Elle manque d’effectifs suffisants pour ce faire,
et la présence de bases du mfdc à proximité de la forêt du Bayot empêche
ses agents de patrouiller.
Ces dernières années, la route entre Toubacouta et Ziguinchor connaît un
va-et-vient incessant de charrettes chargées de bois ou de vélos transportant
quelques planches. De manière ponctuelle ou régulière, la plupart des habitants
de Toubacouta reconnaissent avoir eu recours à l’exploitation du bois de teck
pour subvenir à leurs besoins. L’ampleur de l’activité, menée en plein jour
jusqu’en 2015, rappelle que malgré les dispositions juridiques qui l’interdisent,
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il s’agit d’un phénomène communément accepté.
Dès les années 2000, des comités villageois sont mis en place un peu
partout au Sénégal. L’éclosion de ces structures « communautaires » s’inscrit
dans la ligne de la décentralisation promue en 1996, qui transfère vers les
collectivités des compétences que l’État n’est souvent pas en mesure d’assurer
(Boutinot 2003). Ces dispositifs, souvent appuyés par des organisations inter-
nationales, sont destinés à impliquer directement les populations dans la
protection des ressources naturelles, et notamment dans la lutte contre les feux
de brousse et la coupe de bois illicite. Certains ressortissants de Toubacouta et
d’autres villages environnants sont ainsi regroupés en comités. Dans la forêt
du Bayot, comme sur l’ensemble du territoire national (Blundo 2014 : 216),
ces structures sombrent rapidement dans l’inaction. Le manque de moyens
afin d’assurer le transport pour se rendre aux réunions démotive rapidement
l’ensemble des adhérents. De plus, si à Toubacouta les personnes sélection-
nées par le chef du village pour constituer ces comités n’exploitent plus le
bois de teck, beaucoup d’entre elles ont cessé cette activité que depuis peu.
Des membres de leur propre famille exploitent encore régulièrement la forêt
pour subvenir à leurs besoins. Cette proximité sociale avec la coupe entraîne
des conflits d’intérêts qui rendent difficile la mise en place d’actions pour
lutter contre une activité soutenue par l’ensemble du village, et qui assure la
subsistance de nombreuses familles.
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acronyme anglais), le projet est mené dans cinq communes du département de
Ziguinchor entre 2013 et 201613. Selon l’un des responsables, l’intervention
est destinée à « doter les villages des outils nécessaires, pour mieux gérer
les ressources naturelles, et pouvoir assurer la prévention et la médiation
des conflits liés à l’environnement ». Pour ce faire, le projet conduit entre
2013 et 2016 une campagne intense de sensibilisation sur des thématiques
variées, telles que la gestion et la médiation de conflits, la communication
non violente, la bonne gouvernance, la protection de l’environnement, le
leadership féminin, etc. Par ailleurs, l’intervention procède également à la
création de comités villageois (cv) ainsi que de comités inter-villageois (civ).
Les six villages du Bayot-Est, dont Toubacouta, sont concernés. Dans chaque
village, huit personnes sont choisies pour former la structure villageoise.
Chaque comité mandate alors une personne pour la représentation au niveau
inter-villageois (civ).
Pour la désignation des personnes intégrant les comités, les intervenants
imposent certains critères tels que la parité et la prise en compte de « personnes
ressources » (le chef du village, l’imam et/ou le catéchiste, la présidente du
groupement de promotion féminin, un représentant de l’association des jeunes,
etc.). Le choix des personnes restantes et la distribution des postes (président,
secrétaire, trésorier, etc.) sont laissés aux populations. Le vote préconisé
par les opérateurs pour ces questions, à main levée, au vu et au su de tous,
est rarement démocratique. Dans des contextes villageois où les femmes ne
peuvent ouvertement s’opposer à leurs maris, ni les jeunes à leurs aînés, et dans
lesquels la confrontation publique est sanctionnée socialement, le processus
relève davantage du consensus que de la démocratie (Souley & Hahonou 2004 :
43). Ainsi, le président du civ rappelle que lorsqu’un animateur influent dans
13. Nous nous attachons ici aux enjeux sociaux que le projet a soulevés dans une zone
particulière, le Bayot-Est, et notamment dans le village de Toubacouta.
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de Toubacouta, où le service des Eaux et Forêts vient récupérer le matériel
intercepté. Ces actions bénéficient de l’appui financier des ong qui assument
les frais de communication téléphonique et de déplacement du civ. En outre,
les membres du civ sollicitent le concours de l’armée qui, avertie des jours
de sortie du civ, assure à distance la protection de ses membres et intervient
si la situation dégénère.
Le civ opère une importante saisie en mars 2015. En une seule nuit,
512 troncs sont interceptés, répartis sur 11 charrettes et 8 bicyclettes. La nou-
velle, reproduite par les médias14, scelle la légitimité du comité sur la scène
publique. Ainsi, les membres du civ ainsi que les ong qui le soutiennent se
targuent-ils d’avoir mis en place un système efficace contre l’exploitation
illicite du bois de teck.
Le dispositif mis en place, qui met à contribution l’armée et les services des
Eaux et Forêts, parvient même à intégrer les forces indépendantistes. Pour ce
faire, les membres du civ vont à la rencontre des dirigeants du mfdc15. Selon
les émissaires du civ, les rebelles se montrent particulièrement réceptifs dans
la mesure où la disparition progressive de la forêt du Bayot expose leurs bases
à l’armée sénégalaise, mais aussi parce que les coupeurs sont parfois utilisés
par l’armée afin de repérer leurs positions (Marut 2010 : 303). Le mfdc fait
également valoir des arguments idéologiques. Gérôme Diédhiou, le secrétaire
général du bureau politique du mfdc, signale lors de la rencontre avec les
émissaires du civ que la protection de la forêt casamançaise constitue l’une des
raisons de lutte du mfdc contre l’« occupant » sénégalais. Ainsi, les rebelles
14. « Sur les traces des pilleurs des forêts de Casamance », ScoopsdeZiguinchor, 20/03/2015,
<http://scoopsdeziguinchor.com/article.php?pageNum_rsSameCat=7&totalRows_rsSame-
Cat=311&id=3623&&id_rubrique=3>.
15. La rencontre a lieu en 2015 en Guinée-Bissau. Appuyés financièrement par les ONG à
l’origine du projet, deux membres du CIV s’y déplacent pour rencontrer les représentants
du MFDC.
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à travers cette escalade progressive, le mfdc envoie un message clair : les gains
potentiels de l’exploitation de la forêt ne sont pas à la hauteur des risques.
Face à cette nouvelle donne, un grand nombre de personnes impliquées dans
le trafic abandonnent cette activité.
Une étrange alliance se forge donc autour du civ, intégrant des interlo-
cuteurs antagoniques, tels que l’armée sénégalaise et les services de l’État,
d’un côté, et les rebelles indépendantistes, de l’autre. Au-delà de cet apparent
consensus autour de la protection des ressources naturelles, la mise en place de
ce dispositif s’accompagne d’une dégradation des relations sociales, qui laisse
transparaître des intérêts divergents qui vont bien au-delà des préoccupations
environnementales.
Pour les ong qui ont mis en place le projet, la mobilisation des populations
pour la protection de la forêt du Bayot est l’illustration de l’apparition d’une
conscience environnementale qu’elles ont activement participé à diffuser.
Cette présentation des faits passe sous silence les enjeux économiques liés
au civ ainsi que les nombreuses suspicions dont il a été l’objet.
Selon le code forestier en vigueur, les saisies de bois provenant de forêts
classées peuvent se révéler extrêmement rentables. Le matériel intercepté
(le bois ainsi que les véhicules) doit faire l’objet d’une vente aux enchères.
16. Rappelons cependant que l’implication du MFDC dans la protection des ressources
naturelles varie en fonction d’intérêts politiques, économiques ou militaires. Si la forêt du
Bayot n’a pas été exploitée à des fins commerciales par le MFDC, les forêts de Bignona
ont amplement alimenté l’économie de guerre de la rébellion casamançaise (Marut 2010 :
150).
17. Entretien avec l’un d’eux à Darsalam, le 19/01/2017.
18. Entretien avec deux d’entre eux à Toubacouta, le 4/05/2017.
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70 % des bénéfices sont en principe reversés aux communautés rurales. Les
30 % restants reviennent, d’une part, à l’agent verbalisateur (20 %), soit les
services des Eaux et Forêts et, d’autre part, à celui qui procède à la dénoncia-
tion (10 %), soit le civ dans le cas présent (loi nº 98/03 du 8 janvier 1998).
Compte tenu de la quantité de troncs interceptés par le civ du Bayot-
Est depuis sa mise en place en 2015 (près de 800 jusqu’au début 2017), les
dividendes attendus sont considérables. Les versements correspondant aux
premières saisies ne font qu’accroître la motivation des membres du civ.
Cependant, pour des raisons encore floues, la direction des Eaux et Forêt
ne réalise pas les rétributions suivantes correspondant à l’année 2016. La
multiplication des intervenants (le civ, les agents des Eaux et Forêts, l’armée)
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et des lieux de décisions (le civ, la commune, les services des Eaux et Forêts
ou la sous-préfecture) favorise les malentendus et les disputes autour de la
répartition de dividendes. Selon les membres du civ, plus de 2 millions de
fcfa devraient leur revenir. Or, moins d’un dixième de ce montant leur aurait
été versé. Cela s’expliquerait par le fait que le matériel saisi par le civ a été
déposé au cantonnement militaire et que c’est à ce stade que la direction des
Eaux et Forêts est venu le récupérer. C’est donc à l’armée que la rétribution
correspondant aux saisies a été remise. Le civ s’en est plaint au sous-préfet
de Nyassia, qui reconnaît le malentendu (Nyassia, le 10/03/2017) mais qui,
selon le civ, n’a toujours pas pris de dispositions pour le remboursement.
Ces manquements découragent les membres du civ, qui réduisent notablement
leurs sorties sur les routes ; d’autres abandonnent simplement.
Selon les coupeurs de Toubacouta, l’absence de bénéfices attendus dans le
cadre de la loi mènerait certains membres du civ à pratiquer à leur compte la
revente d’une partie du matériel saisi. Ces soupçons soulèvent l’indignation
des coupeurs. Impuissants, ils observent comment leur butin bénéficie à ceux
qui, au nom de la légalité, le leur soustraient : « Ils disent que c’est de l’argent
facile ce que nous faisons. Aller couper du bois, le ramener, affronter les
rebelles, ce n’est pas facile. Ce qui est facile c’est d’attendre sur la route pour
nous prendre le fruit de notre travail. Ce n’est pas un comité inter-villageois.
Ce sont des caïmans inter-villageois » (Toubacouta, le 10/05/2017).
Les motivations économiques des membres du civ expliquent pourquoi le
comité s’en prend uniquement à l’exploitation du bois de teck, ne manifestant
aucun intérêt pour d’autres pratiques également nocives pour l’environnement.
La coupe destinée à la production et à la commercialisation de charbon, par
exemple, est également prohibée selon les textes de loi. Il s’agit pourtant d’une
activité habituelle dans le milieu rural mais dont les enjeux économiques sont
sans commune mesure avec ceux du bois de teck.
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des « trafiquants » de bois constitue donc une nouvelle manière de bénéficier
des retombées de l’exploitation de la forêt. Elle semble rentable et plus sûre
que la coupe illégale.
Ces enjeux économiques sont également à l’origine des disputes qui
opposent les organisations porteuses du projet aux autorités de l’État et aux
élus locaux. En 2015, les ong proposent aux autorités communales une conven-
tion relative à la gestion des ressources naturelles dans le Bayot-Est, destinée
à fixer les engagements réciproques entre le civ, l’administration et les élus
locaux. Sur le conseil de la sous-préfecture, les autorités concernées rejettent
la proposition19. Le nœud du problème provient surtout de la rivalité pour le
contrôle des ressources. Le document rejeté attribue une large part des bénéfices
dérivés des taxes forestières et de la vente aux enchères des matériaux saisis au
civ, au détriment des collectivités locales et des services forestiers. Le maire
de la commune de Nyassia, à laquelle sont rattachés les villages du Bayot-Est,
affiche alors sa volonté de constituer ses propres comités de surveillance des
ressources naturelles, plutôt que de compter sur le civ. Le sous-préfet, quant
à lui, se montre particulièrement réticent vis-à-vis de structures « qui n’ont
aucun compte à rendre à l’autorité administrative ». Il s’agit donc également
d’une question politique, puisque la possibilité d’attribuer des compétences
au civ est perçue comme une perte de pouvoir pour les autorités en place.
Ces rivalités sont favorisées par la structure même du système. Les services
destinés à protéger les forêts dépendent économiquement du matériel saisi.
Ces services sont donc paradoxalement amenés à souhaiter l’existence de la
coupe illégale. Une grande partie de leurs revenus (formels et informels) en
dépend directement. Ainsi, la répression, l’action lorsque les dégâts sont déjà
là, est préférée à la prévention dans la mesure où la première est plus rentable
19. Des conventions similaires sont cependant acceptées dans d’autres communes de la
Casamance, notamment dans la région de Sédhiou. À ce propos, voir également
Antona et al. (2014).
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Début 2017, l’exploitation illicite du bois de teck n’a pas disparu, mais son
recul dans la zone est indéniable. En matière de gestion de conflits cependant,
le bilan semble beaucoup plus problématique. Le projet, originellement des-
tiné à la résolution des conflits, a ostensiblement accru les tensions interper-
sonnelles, aussi bien au niveau des relations familiales que villageoises et
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inter-villageoises.
L’exploitation de la forêt du Bayot ne concerne pas que les « étrangers ».
De nombreux villageois, notamment les jeunes, y sont directement impliqués.
Certains coupent le bois afin de le revendre, certains logent les « étrangers »
venus pour l’acquérir, d’autres l’acheminent jusqu’à Ziguinchor. Ainsi, la
création d’un comité villageois et inter-villageois n’oppose pas exclusivement
les « étrangers » aux habitants de la localité, mais crée des divisions au sein
même de ces derniers.
À Toubacouta, le déroulement du projet a profondément divisé les villageois.
D’un côté, se trouvaient ceux qui, dans le sillage du projet, avaient intégré le
civ et patrouillaient avec celui-ci afin d’arrêter les « trafiquants » ; de l’autre,
figuraient les « trafiquants » ainsi que leurs familles, pour lesquels les retombées
économiques de la coupe constituaient, de manière ponctuelle ou habituelle, une
source de revenus pour l’économie du foyer. À plusieurs reprises, au cours des
rondes nocturnes réalisées par le civ, les coupeurs du village ont été interceptés
et dessaisis de leurs marchandises et de leur véhicule par des co-villageois du
comité. Selon leur propre témoignage, certains se sont vus interpellés par un
voisin ou un oncle. Le climat au village s’est rapidement détérioré. Certains
coupeurs, par exemple, dépourvus de leur véhicule et de leurs marchandises,
ont menacé de mort les membres du civ. D’autres ont proféré des insultes et
des menaces à l’encontre des militaires cantonnés à Toubacouta, chez qui le
matériel saisi était déposé. Ces invectives ont valu à certains d’être emprisonnés
plusieurs jours à la gendarmerie. Les personnes arrêtées ainsi que leur famille ont
rendu responsables de leur détention leurs co-villageois impliqués dans le civ.
La confrontation s’est polarisée entre les jeunes, les plus actifs au niveau
de la coupe, et leurs aînés, notamment ceux pour lesquels le bois de teck ne
représentait pas, ou plus, une ressource économique. Les premiers rappellent
d’ailleurs que ceux-là mêmes qui aujourd’hui les poursuivent leur ont montré
hier le chemin de la forêt. Les femmes, qui avaient initialement pris le parti
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des jeunes, compte tenu de leur apport dans l’économie domestique, les ont
finalement convaincus de renoncer lorsque les interventions punitives du mfdc
ont fait peser de nouveaux risques sur les coupeurs. La plupart des jeunes
ont en effet eu à faire aux rebelles à plusieurs reprises. De leur propre aveu,
le changement de ton de ceux-ci s’est révélé décisif : « Avant, nos frères du
maquis, tu pouvais leur expliquer : c’était parce que tu étais dans le besoin,
c’était pour tes études… ils comprenaient. Maintenant, ils ne te donnent même
pas le temps de parler qu’ils te battent déjà » (Toubacouta, le 4/04/2017).
En mai 2017, il ne resterait plus que trois jeunes du village qui, de manière
régulière, pratiqueraient encore la coupe du bois de teck.
Si la plupart des jeunes de Toubacouta ont abandonné, une grande partie
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des membres du civ ont également déserté. Ils étaient près d’une vingtaine
en 2015, ils sont seulement six disposés à faire des rondes nocturnes en mai
2017. Répondant à des décisions personnelles ou aux pressions familiales, la
plupart ont décidé une mise en retrait. Au-delà du manque de garanties quant
aux bénéfices légaux relatifs aux saisies, ces défections découlent du coût
social associé aux activités de patrouillage nocturne. Celles-ci engendrent
de profondes animosités qui mettent en péril l’équilibre villageois. Suite aux
arrestations, aux menaces de mort, à la mise en jeu de ressources économiques
d’envergure pour une partie importante des villageois, le déroulement du projet
a creusé des rancunes qui ne se sont guère atténuées lors de sa finalisation.
Une femme âgée du village déplore : « Avant, on vivait en paix. Aujourd’hui
ce sont des frères qui ne se parlent pas, des familles qui ne s’entendent plus.
Certaines personnes ne parlent pas à d’autres ; certaines ne rentrent pas dans
la maison de leurs voisins » (Toubacouta, le 9/06/2017).
Les tensions existantes sont également venues à bout d’une importante
organisation villageoise. L’udes (l’Union pour le développement économique
et social de Toubacouta) était une association d’initiative locale essentiellement
composée de jeunes. Elle était régulièrement sollicitée par les agriculteurs du
village pour les travaux champêtres. La rémunération des travaux était versée
dans une caisse communautaire qui permettait d’assurer certaines dépenses
villageoises, liées à l’organisation des fêtes et au financement d’infrastructures
agricoles. Certains jeunes intégrant l’association villageoise ont refusé de
travailler pour les membres du civ qui les ont interpellés et dessaisis de leur
butin lors des rondes nocturnes. Ces difficultés ont achevé de détruire l’udes
(qui battait déjà de l’aile pour des questions de détournement de fonds) privant
le village d’une force de travail importante ainsi que de revenus commu
nautaires non négligeables. Loin des objectifs fixés par les intervenants en
termes de cohésion sociale, le projet a contribué à la dislocation d’un dispositif
communautaire qui participait précisément à la consolidation du lien social.
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La coupe est longtemps apparue comme une activité certes illicite, mais consi-
dérée comme légitime par une grande partie de la population rurale. Beaucoup
d’activités désignées par les textes de loi comme « illégales » n’en sont pas
moins pratiquées au vu et au su de tous. L’incapacité de l’État à faire appliquer
ses propres lois, l’absence de volonté de régulation, ou la connivence des auto-
rités avec des activités en principe prohibées (Charmes & Adair 2014) rendent
caduques les oppositions à priori entre les notions de légalité et d’illégalité.
Celles-ci se construisent de manière dynamique à travers les relations de pou-
voir (Chauveau, Le Pape & Olivier de Sardan 2001). Ainsi, loin de l’époque
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où l’armée participait impunément à la coupe, la « tolérance zéro »20 prônée
par le gouvernement, conjuguée à l’appui matériel et idéologique fourni par le
projet, a permis la transformation des rapports de force, retranchant du côté de
l’illégalité cette activité qui, pendant longtemps, est apparue comme commu-
nément acceptée. Conséquence de ce nouvel équilibre des pouvoirs, ceux qui la
pratiquaient se sont vus désignés comme des « trafiquants », des « pilleurs », des
« délinquants ». Pendant les assemblées organisées à Toubacouta par le projet,
le président du civ en est même arrivé à souhaiter depuis l’estrade « la mort
de ceux qui vont dans la forêt pour couper le bois ». Ces discours sur la scène
publique attestent de l’évolution de l’économie morale locale. La criminalisation
des coupeurs a constitué un enjeu-clé dans la justification des actions entreprises
à leur encontre. Cette identité stigmatisante a permis de faire l’impasse sur
l’histoire et les causes sociales qui sous-tendent le trafic.
L’exploitation massive des forêts classées en Casamance21 ne peut être
abordée sans rendre compte de la détérioration de la situation socio-économique
locale. Depuis des décennies, la diminution progressive des précipitations est
à l’origine d’une importante baisse de la production agricole. La salinisation
des terres, également renforcée par les conditions climatiques et la déforesta-
tion, exige davantage de travail que par le passé pour l’entretien des rizières.
Ces circonstances ont participé à l’exode rural, diminuant la force de travail
mobilisable dans les champs, et se répercutant à nouveau sur les capacités
d’exploitation et de production (Bosc 2005 : 74-84, 90). Le conflit armé entre
20. « Sénégal : tolérance zéro contre le trafic de bois », Afrique. La Tribune, 12/11/2016,
<https://afrique.latribune.fr/politique/politique-publique/2016-11-12/senegal-tolerance-
zero-contre-le-trafic-illicite-de-bois.html>.
21. La région de Ziguinchor compte une trentaine de forêts classées. Beaucoup d’entre elles ont
pratiquement disparu du fait de l’exploitation intensive. Dans le département de Bignona,
il ne reste presque plus de forêts de teck, mais seulement des rejets, c’est-à-dire les arbres
coupés qui ont repoussé. C’est la raison pour laquelle les exploitants se sont dirigés vers
les forêts de Bissine et du Bayot dans le département de Ziguinchor.
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sanitaires, la préparation de cérémonies ou l’achat de matériel scolaire) et à
d’autres d’assurer les dépenses quotidiennes de base.
Les difficultés qui frappent le secteur agricole en font une activité fra-
gilisée et peu attractive, notamment pour les jeunes. Pour beaucoup d’entre
eux, d’ailleurs, la recherche de revenus alternatifs s’inscrit également dans
le désir de s’affranchir de l’autorité des aînés. Ils y sont généralement sujets
lorsqu’ils participent aux activités agricoles dont la production est contrôlée
par ces derniers. L’exploitation du bois de teck leur donne ainsi une certaine
indépendance économique.
Ces dimensions n’ont pas été prises en compte par le projet. Les res-
ponsables du projet interrogés reconnaissent que les jeunes coupeurs n’ont
pas assisté aux activités de sensibilisation environnementale (Ziguinchor,
12/01/2017). Quant à ces derniers, ils assurent ne pas avoir été contactés.
Ce n’est que début 2016, lorsque les tensions commencent à miner la cohabi-
tation, qu’ils sont réunis par les promoteurs du projet grâce à l’association des
jeunes du village. Ils se montrent alors peu réceptifs aux injonctions liées à la
protection des ressources naturelles. Les résistances à abandonner l’exploitation
de la forêt de teck sont d’autant plus importantes que, pour certains, l’activité
a fait l’objet d’investissements importants (charrette, âne, tronçonneuse, etc.)
engageant parfois la famille. Les jeunes coupeurs sollicitent alors un appui de
la part des ong afin de mettre en place des activités alternatives génératrices
de revenu. « Si tu interdis le vin, il faut au moins amener du lait » assure à
cet effet le représentant de l’association des jeunes de Toubacouta. Leurs
doléances ne sont pas prises en compte par les intervenants, dans la mesure
où elles ne s’intègrent pas dans les lignes directrices du projet. Et pourtant,
la diversification des revenus villageois constitue l’une des principales issues
pour réduire la pression sur les ressources forestières.
Espérer que la diffusion de messages de sensibilisation sur la nécessité
de protéger les ressources naturelles modifie les comportements relève de
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une tendance plus large des opérateurs humanitaires en Casamance qui, en
réduisant les conflits locaux à des questions de développement communautaire,
négligent leur origine structurelle (Marut 2009 : 117, 215 ; Diédhiou 2013 ;
Jones Sanchez 2018 : 29).
Le projet s’est donc appuyé sur une dialectique articulée autour du
« qui » et du « quoi », mettant en rapport la responsabilité/culpabilité de cer-
taines franges de la population avec la déforestation. Cette perspective a fait
l’économie du « pourquoi » et du « comment », négligeant les raisons qui
ont favorisé cette pratique. Elle s’est, du même coup, privée des moyens de
mettre en œuvre des actions pertinentes dans ce domaine.
22. Le Bayot-Est est composé des villages de Boffa Bayotte, Bouhouyou, Toubacouta, Katouré,
Badème et Bagame. Les quatre premiers ont initié, à des degrés divers, une dynamique
de retour, tandis que les ressortissants des deux derniers n’ont pas encore reçu le feu vert
du MFDC pour regagner leur village.
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d’accord avec le mfdc, n’ont pas encore pu regagner leur localité d’origine.
Beaucoup d’entre eux, installés à Ziguinchor, observent impuissants comment
une ressource qu’ils estiment également leur appartenir23 est dilapidée sans qu’ils
n’en perçoivent le moindre bénéfice. Ils craignent, non sans raison, que cette
ressource, sujette à l’exploitation illicite, n’existe simplement plus lorsqu’ils
auront enfin la possibilité de regagner leur village. « Les jeunes ne pensent qu’à
leur propre intérêt, alors que la forêt ne leur appartient pas », affirme le président
du civ originaire de Badème (Ziguinchor, 28/06/2017). Face à la logique de court
terme des coupeurs de Toubacouta, les ressortissants des villages déplacés ne
peuvent s’inscrire que dans le long terme : celui dans lequel ils pourraient envi-
sager leur retour, et dans lequel le bois de teck pourrait constituer un élément
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essentiel pour la revalorisation de la zone. « Si on ne s’organise pas, comment
préparer le retour ? La forêt c’est notre futur. C’est de l’argent, c’est aussi de
l’eau, de la pluie, de l’ombre, le bois sacré, le vin de palme » assure un autre
membre du civ de Badème (Ziguinchor, 3/02/2017).
Ces éléments donnent un nouvel éclairage sur les conflits survenus avec
la mise en place du civ dans le cadre du projet. Les ressortissants des villages
abandonnés ont été privilégiés dans le choix de la direction du comité de
par leur statut de « déplacés ». Son président n’est pas de Toubacouta et, par
conséquent, pas du tout préoccupé par l’hostilité que ses actions peuvent
éveiller entre ses habitants. Originaire de Badème, un village abandonné
situé de l’autre côté de la forêt du Bayot, ses inquiétudes sont tout autres.
Elles portent sur la conservation des ressources, afin de pouvoir en bénéficier
lorsque le retour au village sera possible. Par ailleurs, certains membres du
civ, originaires de Badème, sont simultanément les interlocuteurs du mfdc
dans la négociation pour le retour des populations originaires de cette localité.
Ainsi, il est également question d’éviter des allées et venues dans la forêt liées
à la coupe du bois qui puissent froisser le mfdc et compromettre la recherche
d’un accord avec celui-ci sur la question du retour.
Compte tenu de ces enjeux, les ressortissants des villages « déplacés »
occupant les principales instances de décision du civ se sont donc mobilisés
de manière particulièrement virulente contre l’exploitation illégale du bois
de teck. Disposant de l’argument écologique déployé par le projet et de son
appui financier, ils sont à l’origine des « opérations coup de poing » destinées
à intercepter le bois acheminé vers Ziguinchor.
La « manière forte » imposée par les « déplacés » au civ a mis une partie de
ces membres, particulièrement ceux résidant à Toubacouta, dans une position
inconfortable. Leur participation aux rondes nocturnes a entraîné l’hostilité mani-
feste d’une bonne partie de leurs co-villageois. Ces tensions se sont finalement
23. Certains d’entre eux ont même participé, dans les années 1970, à la plantation de la forêt.
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La criminalisation des membres du comité suggère en tous cas un nouveau
retournement des relations de pouvoir, lorsque le projet, finalisé, n’assure plus
l’appui financier, logistique, et la visibilité de leurs actions.
Les tensions dans la zone dégénèrent dans les semaines qui suivent.
Le 6 janvier 2018, 14 personnes sont violemment abattues dans la forêt du
Bayot tandis qu’elles coupent du bois à quelques kilomètres de Toubacouta.
Suite à ce que les médias décrivent comme la « tuerie de Boffa-Bayotte », des
membres du civ, des jeunes de Toubacouta, ainsi que des personnalités civiles
liées au mfdc sont incarcérées. Tous clament leur innocence et dénoncent une
procédure judiciaire bâclée. Si le mfdc nie catégoriquement son implication
dans cette attaque, le gouvernement sénégalais affirme le contraire et réactive
l’affrontement armé contre le groupe rebelle dans la zone.
Dans le cas d’étude relaté, la coïncidence postulée entre les objectifs liés à
la protection environnementale et à la gestion des conflits villageois s’avère
problématique. Ces deux dimensions s’avèrent finalement contradictoires
lorsque, sur la base des enjeux locaux, la protection des ressources naturelles
prend le pas sur la pacification des conflits.
Afin d’assurer la gestion d’un domaine particulier, en l’occurrence celui
des ressources naturelles, les opérateurs humanitaires s’attellent à la créa-
tion d’instances relevant du modèle technocratique. Toute l’attention porte
sur l’établissement d’un ensemble de règles « rationnelles » édictant le fonc-
tionnement des structures sociales implantées. Les intervenants portent, en
revanche, moins d’attention à la légitimité de ces structures, à leur ancrage
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social souvent déficient, ainsi qu’aux mécanismes de réappropriation, souvent
très éloignés de ceux prévus par les projets (Lavigne Delville 2006). Lorsque
surviennent des blocages, ils sont souvent interprétés en termes de manque
de volonté personnelle. Cette lecture individualiste s’ajuste mal à la réalité.
L’alignement (ou pas) des acteurs locaux avec les discours et les actions des
ong ne relève pas tant de la volonté personnelle que de la position de chacun
au sein de la structure sociale (Antona et al. 2013 : 127). L’adhésion aux vues
des opérateurs ne dépend pas tant de la libre identification avec les valeurs
proclamées (sur la paix, la réconciliation ou la protection de l’environnement)
que des avantages et désavantages qu’elles peuvent générer sur la scène locale.
Les mécanismes « d’appropriation » tant désirés par les intervenants huma-
nitaires relèvent souvent de l’instrumentalisation des dispositifs matériels,
économiques et discursifs mis à disposition par les ong, au profit d’intérêts
particuliers qui relèvent des enjeux locaux de pouvoir. Les conditions et les
formes que revêtent ces mécanismes « d’appropriation » sont d’une impor-
tance cruciale puisqu’ils peuvent donner lieu à des résultats aux antipodes de
l’effet recherché. Initialement représentés comme des lieux où les différentes
voix villageoises coexistent et délibèrent, les comités villageois peuvent alors
devenir partie prenante au sein des conflits. Loin des objectifs formulés, ils
se structurent dans le prolongement des conflits existants. Comment peut-on
alors s’assurer qu’ils ne participent pas davantage à diviser la société et qu’ils
ne marginalisent ou ne criminalisent pas des collectifs sociaux particuliers ?
BIB L IO G RA PH IE
Antona M., Boutinot L. & Kassibo B, 2014, « La figure du contrat dans la décentralisation
de la gestion des ressources naturelles », Anthropologie & développement, 37-38-39 :
121-223.
Beck, L. J. & Foucher V., 2009, « (Re)creando la comunidad : el uso de la autoridad
consuetudinaria para resolver el conflicto de Casamance en Senegal », Revista CIDOB
d’Afers Internacionals, 87 : 95-121.
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20070133
- Folio : p533 - Type : pINT 20-07-17 09:29:57
L : 160 - H : 240 - Couleur : Black
Résumé
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Mots-clés : Sénégal, Casamance, Ziguinchor, bois de teck, comités villageois, conflit casamançais,
exploitation forestière illégale, gestion des conflits, peacebuilding, ressources naturelles, tuerie de
Boffa-Bayotte.
Abstract