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Alain Vanier
2010/2 n° 20 | pages 81 à 92
ISSN 1623-3883
ISBN 9782749213187
DOI 10.3917/fp.020.0081
Article disponible en ligne à l'adresse :
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personnelle de l’analyste, au cœur de ses échanges avec Ferenczi, sera diverse-
ment reprise. Mais Lacan est certainement celui qui a manifesté l’intérêt le plus
soutenu pour le problème de la fin de la cure, à entendre aussi comme finalité :
quels sont les buts du traitement et quel est son terme ? Cet enjeu devient avec
lui majeur, puisqu’il a mis l’accent, dans la formation, sur l’analyse du futur
analyste.
son destin, remanié par le traitement. Or, le choix de la pulsion et son corollaire,
la demande, est celui que fait le névrosé au détriment du désir et du fantasme.
C’est ce qui l’oriente en quelque sorte. La notion d’une pulsion génitale va dans
ce sens. Le névrosé repère son fantasme comme imaginaire et il s’en tient pour-
tant à distance. C’est pour cela que la perversion fascine, elle réussit là où la
névrose échoue. Elle met en acte le fantasme et elle y investit quelque chose de
la jouissance. Donc l’idée de l’accomplissement pulsionnel, la solution du bon
objet génital, consiste à jouer la carte de la demande pour méconnaître le désir.
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ce cadre, encore une fois voici seulement quelques jalons. Je fais aussi référence
au remarquable exposé 2 de Gisèle Chaboudez, qui ne centrait pas son propos sur
le tout dernier Lacan uniquement. Elle montrait comment la question de la passe
et de la fin d’analyse se nouent à des questions précoces de son enseignement.
L’enjeu de la fin de l’analyse est bien le symptôme, qui est d’abord une parole
bâillonnée, et Lacan situe alors la terminaison de l’analyse dans le moment où la
satisfaction du sujet se réalise dans la satisfaction de chacun, « ceux qu’elle s’as-
socie dans une œuvre humaine ». Cette formule est-elle obsolète ? Certainement
pas, on y trouve la mention d’une limite nécessaire à la satisfaction – la jouis-
sance –, la possibilité d’inscription renouvelée, dans le lien social, de cet
« asocial » qu’est le névrosé. D’autres formulations suivront : procès de recon-
naissance du désir, repérage des modalités de construction de l’image narcissique
dans le schéma optique, avec la façon dont le sujet va pouvoir, dans une certaine
mesure, savoir quelque chose de son mode fondamental de méconnaissance dans
la capture imaginaire, etc.
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c’est de l’aimer. C’est pour cela qu’on aime Dieu.
Or, cet objet ne peut pas être dit puisqu’il ne peut pas être nommé, il n’y a
pas de signifiant adéquat, pas de signifiant qui lui convienne. Dès lors, Lacan va
mettre l’accent sur le fantasme qui, bien qu’imaginaire, ne s’y réduit pas puisqu’il
loge l’objet. C’est ce qu’il a de réel, et c’est la raison pour laquelle le névrosé s’en
tient à distance, car ce qu’il ne sait pas, il n’est pas sans le savoir. Pour Lacan, cet
objet, l’objet a, supplée à l’absence du rapport sexuel. Il radicalisera cette
approche dans les formules de la sexuation : ce à quoi nous avons affaire dans le
partenaire – c’est une version pour le coup pessimiste de la relation sexuelle et
de la relation au bon objet génital – se réduit à l’objet a ; le véritable partenaire
du sujet, c’est l’objet, dans la sexualité. Mais la face imaginaire – puisque c’est
ainsi que l’objet s’y intègre – sert de bouchon et a comme fonction de tampon-
ner toute rencontre avec la jouissance, donc jugule l’angoisse.
lière, en effet, est la première inscription du sujet dans le champ signifiant. Avec
les quatre discours, elle devient absolue, précisément à cause du passage au
discours analytique, et leur possible écriture.
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tard, jeune AE de son association, les effets de mutation qu’a produits son analyse
ont des retentissements conjugaux, et font vaciller l’agencement dans lequel il
avait trouvé son assiette jusque-là : la dame qui partageait sa vie depuis long-
temps s’en va et c’est un effondrement véritable. On retrouve une des questions
que Freud soulève dans Analyse finie, analyse infinie : ce qui ne se présente pas
dans la cure, parce que colmaté par quelque chose à ce moment, ne sera pas
analysé, ne peut pas être analysé. Il y a là débat avec Ferenczi qui pensait qu’on
pouvait provoquer l’émergence de ce symptôme pour qu’il puisse être analysé.
Dans le cas évoqué, c’est le symptôme qui s’en va. Quelques années plus tard, la
fin sera possible, au delà de la passe.
Ce que ne sait pas l’analysant, dit Lacan, c’est qu’il est l’agalma du procès
analytique. C’est un temps de séparation, au sens du se parere, de se parer de
cette agalma. Gisèle Chaboudez a souligné que l’analysant peut s’en emparer en
s’en parant, et que c’est une identification. Lacan évoque Balint à propos de l’as-
pect hypomaniaque de l’identification, puis la position dépressive. On peut très
bien saisir l’enjeu et la variation de la présentation clinique de ce moment de la
cure. La passe comme moment maniaco-dépressif. On pense au destin de l’objet
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dans Deuil et mélancolie. Être cet objet, suivant la valence phallique qu’il peut
avoir, c’est le versant plutôt maniaque, l’exaltation, à quoi l’on attribue par abus
beaucoup de succès thérapeutiques. Sur l’autre versant, la position dépressive. La
valeur de l’être dans le désir se livre au psychanalysant comme pur manque en
tant que – ϕ dans le complexe de castration, ou pur objet qui le bouche en tant
que objet (a) de la relation prégénitale.
Ensuite, Lacan propose, en rapport avec ce passage, trois points de fuite, l’ho-
rizon où la psychanalyse en extension se noue à la psychanalyse en intension. Ce
ne sont pas trois points qui permettraient à la psychanalyse de se lier à la culture,
ni les interrogations vives sur lesquelles le psychanalyste en honnête homme
devrait faire porter sa question, mais trois questions qui sont un nouage. Car il
n’y a pas d’analyste sans association, ou sans école, ou sans regroupement d’ana-
lystes ; pas d’analyste seul, ce qui ouvre la question du groupe analytique et, au-
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lui qu’elle se fait. Lacan indique l’IPA comme figure de l’unité du mouvement analy-
tique, dont on sait que, déjà à l’époque, elle était éclatée entre des théories contra-
dictoires. L’unité ne tenait que de l’association. Le groupe – Lacan fait référence
très explicitement à Massenpsychologie de Freud –, au nom de cette quête de
l’unité et de cette érection du Père idéal, obéit inévitablement à la psychologie des
masses. Est-elle absente des nôtres ? Nous ne pouvons pas nous exonérer de cette
question en la reléguant simplement à l’Association internationale.
Enfin, le Réel du camp de concentration est relié par Lacan à l’effet d’univer-
salisation dû à la science et au phénomène de ségrégation qu’elle produit, et
n’est pas sans rapport avec une certaine marginalisation de la dimension
œdipienne dans la cure. Il voit, dans la façon dont Freud a pensé son institution,
dans l’organisation des groupes psychanalytiques, il faut bien le dire, et peut-être
jusqu’à nous, une façon de penser ce qu’il appelle une « flottabilité universelle ».
C’est-à-dire qu’au fond, l’association psychanalytique s’est assez bien adaptée à
tout cela : ce qu’a créé Freud montrait une sorte de préadaptation puisqu’en
somme, le mouvement analytique n’a perdu aucun de ses membres dans les
camps. Ce n’est pas tout à fait juste.
Les coordonnées de la cure sont comptables de ces trois repères. Les versants
maniaco-dépressifs de la passe, cinq ans plus tard, s’énoncent : « L’analysant ne
termine qu’à faire de l’objet (a) le représentant de la représentation de son
analyste. C’est donc autant que son deuil dure de l’objet (a) auquel il l’a enfin
réduit, que le psychanalyste persiste à causer son désir : plutôt maniaco-dépressi-
vement. » Lacan considérait le moment de la passe, comme relevant de la phase
dépressive de Melanie Klein. Il poursuit : « C’est l’état d’exultation que Balint, à
le prendre à côté, n’en décrit pas moins bien : plus d’un “succès thérapeutique”
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sublime (voir Dante là encore) qui ne fasse révérence ». Sérieusement, c’est la
série, et il faut une limite. Cette limite est du côté du comique ; on sait l’usage du
comique – la Divine Comédie –, voire du grotesque, dans l’Enfer justement, les
formes de la poésie comique à l’époque – la tristesse comme péché, « faute
morale » – nouées à la question du sublime. Le comique comme mise à plat du
phallus, rien d’autre que ce qui fait rire au cinéma quand Charlot tombe. Quand
Charlot tombe, on rit, parce que le rire est la disjonction d’une identification dans
laquelle on était pris à suivre ce personnage. Quand il perd la position érigée, la
dimension phallique qui fait tenir son corps debout, on rit. Donc, pas de sublime
qui fasse référence. La limite est essentielle au sérieux, à la série, limite à « la
production de vérité » – « des vérités, j’en ai à la pelle » – vers le hors sens,
qu’ouvre la mise à plat du phallus.
Troisième point : « … et puis que l’insulte, si elle s’avère par l’επος être du
dialogue le premier mot comme le dernier (conféromère), le jugement de même,
jusqu’au “dernier”, reste fantasme, et pour le dire, ne touche au réel qu’à perdre
toute signification ». Pas de jugement ultime à la fin de l’analyse, pas de dernier
mot, au fond rien d’ultime dans le moment qu’on peut considérer comme la fin
de l’analyse. En ce sens, elle est à la fois finie et infinie. L’insulte qui vise le réel
dans l’Autre, par exemple, cet innommable, reste aussi fantasme, puisqu’elle ne
touche au réel qu’à travers lui. Et elle ne touche au réel que si elle perd toute la
signification phallique.
4. J. Lacan, « L’étourdit » (1972), dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 487.
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symptôme, qui me semble être le point ultérieur avec lequel on peut comprendre
et articuler ce qui se développera dès lors.
5.Ibid.
6. J. Lacan, L’insu que sait de l’une bévue…, séminaire inédit, le 16 novembre 1976.
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Il n’y a pas de bonne identification pour le sujet. « Alors en quoi consiste ce
repérage qu’est l’analyse ? Est-ce que ce ne serait ou non, s’identifier, tout en
prenant ses garanties d’une espèce de distance, à son symptôme ? 8 » Pour que
cette identification soit possible, il ne s’agit pas du symptôme du début, et là-dessus
il serait intéressant de reprendre le nœud de la Troisième. Il y a une réduction des
symptômes, certes, mais il y a un reste irréductible, un reste remanié mais inélimi-
nable qui particularise le sujet. Ce symptôme, ce ne sont pas les symptômes : il y a
un reste. Ce versant du symptôme est réel. Ce qu’il a de particulier : c’est un symp-
tôme qui ne fait pas appel à l’Autre en tant que tel, il n’est pas adressé.
7. Ibid.
8. Ibid.
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question du « Qui suis-je ? », le sujet construit ses réponses à travers son symp-
tôme. Ces questions s’ordonnent dans la névrose autour d’un savoir sur le
manque imputé à l’Autre, manque à être du sujet d’un côté et manque dans
l’Autre. Ce manque est à relier à la question du phallus maternel. Le sujet ne veut
pas que l’Autre soit dépourvu de réponse à sa question, donc il va le nourrir de
cette présomption. La part du manque du côté du sujet est celle qui s’inscrit dans
le symptôme, elle est une signification, une métaphore : je suis comme ça parce
que l’Autre le veut. D’ailleurs, et on le voit lorsqu’on pratique depuis longtemps,
la diffusion du discours analytique dans la culture fait qu’aujourd’hui les gens
viennent expliquer à l’analyste qu’ils sont comme ça parce que leurs parents
étaient comme ça, ils le disent d’emblée.
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Pour désigner et nouer cette dernière catégorie, ce symptôme réduit, qu’il
nomme sinthome et qu’il fait équivaloir dans la névrose au Père, au Père qui
nomme – une des vraies questions du quatrième rond introduit dans RSI –, Lacan
dit que c’est un trou. Il est réduit à sa fonction de nomination, point de l’énon-
ciation. Le psychanalyste, c’est son énonciation, disait-il. Il y a un paradoxe dans
l’idée de faire de ce rond un trou – et c’est pour ça peut-être qu’entre le nœud
borroméen à quatre et le nœud borroméen à trois avec la place de l’objet a au
centre, il y a quelque chose à penser topologiquement qui n’est pas nécessaire-
ment une figure contradictoire ou un progrès par rapport à ce qu’ont été les
propositions de Lacan.
Le problème du névrosé, c’est qu’il a un père. Le père est plutôt une impasse,
car ce père qui parle est un imposteur. C’est pour cela que la métaphore pater-
nelle ou l’Œdipe s’accomplit toujours de façon imparfaite, car ce n’est pas le père
qui parle, c’est le langage en tant que tel. Or, ce père a, pour le névrosé, une
dimension réelle. Dès lors, le sujet – qu’on regarde l’Homme aux rats ou Dora,
etc. – se construit sur le désir et la jouissance du père. Toute la vie est organisée
autour, c’est la dimension de l’impossible du rapport sexuel, de ce qui se
conjugue mal, par définition, entre le père et la mère. C’est pourquoi je soutiens
que le dernier Lacan revient à Klein, certes pour l’interpréter, en considérant que
la psychose témoigne de la forme généralisée de la structure, dont la névrose
n’est plus qu’un cas particulier, une solution. D’une certaine façon, le névrosé
délire – voir Dora –, il fait parler un point réel, le père.
Donc, le symptôme à la fin n’est pas le même que celui des débuts de l’ensei-
gnement de Lacan. Il y a une réduction du père, qui a à voir avec la nomination,
l’énonciation même, et l’identification au symptôme n’est évidemment pas
l’identification au père réalisée, telle qu’elle peut être demandée au début.
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d’un objet pour cette jouissance. Pour la psychanalyse, il n’y a pas de vie pulsion-
nelle sans symptôme. La pulsion – qui renvoie à la question du plus-de-jouir – est
ce qui se repère à la fin de l’analyse comme le lien précis du vivant et du langage,
du langage qui a pris fonction d’organe pour le névrosé.
9. Ibid.
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france. Quelque chose en souffrance a été libérée. L’Autre n’existe plus, c’est l’ef-
fet même de l’orientation temporelle de la cure, la régression. Il y a une certaine
libération des possibilités de jouissance – pulsionnelle – sans le cadre obligé du
fantasme. Et, plus tard, il avancera que l’analyse ne consiste pas à ce qu’on soit
libéré de ses symptômes, mais à ce qu’on sache pourquoi on est empêtré.
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garantie dans la communauté au titre de la formation, mais elle n’est pas suffi-
sante parce que, à ce qui serait la fin de l’analyse, à distinguer de la passe, ne
correspond aucun dispositif. Lacan n’en a proposé aucun. Il y a là quelque chose
qui ne rentre pas dans le champ même de la communauté, qui n’est pas traitable
ou transmissible sur le versant de la communauté analytique. Nos jurys n’en repè-
rent que des traces, comme l’archéologue, comme le pisteur qui suivrait les traces
de ce qui a pu advenir, difficilement repérables.
RÉSUMÉ
L’analyse de l’analyste a pris, avec Lacan, une place décisive dans la « formation » du
psychanalyste. Une lecture de quelques moments de son enseignement tente de suivre le
fil de ce qui, dans son mouvement, se dégage quant à la question cruciale de la fin de la
cure et de ses enjeux.
MOTS-CLÉS
Fin de l’analyse, formation psychanalytique, Lacan, passe, symptôme.
SUMMARY
The analysis of the analyst became, with Lacan, conclusive in the psychoanalytic training. A
reading of some points of his teaching will try to follow the trails of the decisive question
of the end and the aim of the psychoanalytic treatment.
KEY-WORDS
Aim of psychoanalysis, end of the treatment, Lacan, psychoanalytic training, symptom.