Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Leïla Baracchini
Leïla Baracchini
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/lhomme/36596
DOI : 10.4000/lhomme.36596
ISSN : 1953-8103
Éditeur
Éditions de l’EHESS
Édition imprimée
Date de publication : 27 février 2020
Pagination : 45-74
ISBN : 9782713228360
ISSN : 0439-4216
Tableaux et titres
Les enjeux de la traduction dans un atelier d’art au Botswana
Leïla Baracchini
promu par les Ong entre l’art et l’empowerment n’est pas dénué d’ambiguïtés.
De nombreux auteurs ont ainsi montré que l’intégration d’objets d’art non
occidentaux au sein des mondes de l’art requiert de nombreuses opérations
46
de médiation qui ne sont pas sans effets sur la capacité de ces objets à servir
de moyen de représentation de soi (Clifford 1988 ; Price 1989 ; Steiner 1994 ;
Myers 2002 ; Seltzer Goldstein 2012). L’étude de ces nouvelles pratiques
artistiques suppose alors de s’interroger sur la chaîne des acteurs engagés
dans la médiation des objets entre divers régimes de valeurs, ainsi que sur
les transformations induites par le passage au statut prisé d’art et d’artiste.
Comment la circulation d’un objet est-elle susceptible d’en modifier la
valeur, le statut et les usages ? Quels sont les acteurs impliqués dans ces
processus ? Dans quelle mesure ces transformations agissent-elles sur le
pouvoir représentationnel des objets ainsi produits ?
Cet article développe ainsi une réflexion sur la manière dont le sens se
négocie, s’affirme ou s’oppose dans un contexte marqué par un accès inégal
à des moyens d’expression et, donc, à des moyens de représentation de soi
et/ou de l’autre. Si les disjonctions de sens (Myers 1991) existant entre les
discours des artistes et ceux des intermédiaires ont régulièrement été mises
en avant pour les arts non occidentaux (Fisher 2012 ; Seltzer Goldstein
2012) et pour l’art san contemporain (Guenther 2003), il y a également
lieu de s’attacher à saisir comment ces glissements s’opèrent.
Pour cela, je m’intéresse ici à un espace-temps particulier : la pose des
titres. En effet, parmi les multiples médiations qui interviennent au Kuru
Art Project, les procédés d’intitulation, qui impliquent toute une dynamique
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
1. La notion de domestication (Venuti 1998) désigne un mode de traduction « ethnocentrique » dans
lequel le texte étranger est transformé de manière à épouser les normes culturelles du public cible.
Il s’oppose à la foreignization qui vise, à l’inverse, à conserver dans la traduction les particularités
linguistiques et culturelles du texte initial.
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p47 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
2. Cet article est fondé, pour l’essentiel, sur des observations et des prises de notes menées au sein
du Kuru Art Project, entre 2010 et 2015, dans le cadre de ma thèse de doctorat en anthropologie
(Baracchini 2019). Ces observations sont complétées par des entretiens et par une analyse des titres
répertoriés dans la base de données des œuvres du Kuru Art Project. Créée dans le cadre de cette étude,
elle regroupe 2513 peintures, dessins et gravures, réalisées au Kuru Art Project entre 1990 et 2015.
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p48 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p49 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
6. Il existe une vingtaine de groupes linguistiques « san » différents, répartis sur cinq pays (Botswana,
Namibie, Angola, Zimbabwe et Afrique du Sud). Dans la région de D’kar, c’est la langue naro
qui prédomine.
7. Cf. Kuru Development Trust, Project Memorandum for Kuru Art Project. D’kar, Kuru Development
Project, 1990.
8. Au Botswana, le setswana est la langue d’enseignement pour le niveau primaire.
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p50 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
9. Au cours des observations menées au Kuru Art Project, entre septembre 2012 et novembre
2013, une large majorité (près de 90 %) des peintures et gravures a été vendue à des clients venus
d’Europe et d’Amérique du Nord. Seuls 15 % des personnes ayant effectué un achat à l’atelier étaient
originaires d’Afrique australe. Sur les 160 peintures et gravures vendues, seule une linogravure a
été achetée par un citoyen du Botswana, en l’occurrence un représentant du Département de l’art
et de la culture pour les collections du National Museum and Art Gallery de Gaborone.
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p51 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
d’un titre rend difficile l’emploi de certaines stratégies, telles que la glose
ou la paraphrase, habituellement utilisées en traduction (Jaccomard 2018 :
52
77). Ces contraintes liées à l’adoption d’un format conventionnel sont alors
susceptibles d’introduire des transformations plus ou moins importantes,
pouvant aller jusqu’à une réintitulation (Ladmiral 2010 : 27), au moment
du passage du texte-source à son inscription scripturale sous forme de titre.
53
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
s’accordent mal avec le format de titre adopté au Kuru Art Project. Inscrits
au dos de la toile ou, dans le cas des impressions, directement au bas de la
ÉTUDES & ESSAIS
vue, il est rare que les artistes soumettent un titre qui soit immédiatement
considéré par les administrateurs comme « prêt à l’emploi ». Au contraire,
54
afin que le contenu final corresponde au format souhaité, les administra-
teurs procèdent le plus souvent à une reformulation des propos de l’artiste.
L’opération ne se résume alors pas à traduire un contenu linguistique vers
un autre, mais implique également des processus de généralisation et de
sélection. Certains éléments, tels que les plantes, disparaissent du titre, tandis
que d’autres sont regroupés sous un terme générique ; des termes spécifiques
tels que oryx, eland et steenbok sont finalement résumés par l’appellation
générale Antilopes.
Ces cadrages linguistiques introduisant un décalage entre « ce que la toile
montre et la représentation construite par le titre » (Bosredon 1997 : 212)
ne sont pas propres au Kuru Art Project. Mais, l’une des particularités ici
est que les administrateurs ne traduisent pas des textes qui existeraient
ensuite séparément et pourraient être lus et comparés par d’autres, mais
ils les produisent. Les énoncés de départ disparaissent en effet au cours
du processus pour ne laisser, en définitive, que la version traduite. En
outre, les titres étant déterminés dans l’interaction, le contenu n’est pas
nécessairement choisi, ni même énoncé par l’artiste – le terme général
antilope n’ayant pas d’équivalent en langue naro –, mais choisi a posteriori
par le traducteur.
Ces transformations ne sont pas sans effets sur le sens produit. Dans le
cas présent, l’idée d’abondance exprimée par Cg’ose Ntcõx’o, aussi bien
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
10. Cf., à ce sujet, la typologie des registres de valeurs proposée par Nathalie Heinich (2017 :
245-258). Le registre aesthésique se caractérise par une « prééminence accordée à la sensation » ;
il comprend « les valeurs de plaisir, de gourmandise, de sensorialité et de sensualité » (Ibid. : 248).
Le registre affectif est, quant à lui, associé à l’attachement, à l’émotion, au sentiment (Ibid. : 252-253).
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p55 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
Limites traductionnelles
Si le passage de l’oral à l’écrit s’accompagne de processus de sélection,
de généralisation et de reformulation, le passage d’une langue à l’autre et
les fréquentes limites rencontrées par les compétences traductionnelles des
divers intervenants exigent d’autres formes d’aménagements. De ce point
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p57 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
pintades, les outardes kori, les chouettes, les colombes, ou bien encore
les cigognes.
13. À noter que la précision des noms donnés en anglais se limite le plus souvent à l’ordre, voire
parfois à la famille, et ne va généralement pas jusqu’à en préciser l’espèce.
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p58 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
Le mari de la coordinatrice :
— Could it be an egret ? »
59
L’assistante administrative traduit
en naro aigrette par le terme ghòè
xanese. Le nom est différent de celui
donné au départ par Cg’ose Ntcõx’o,
mais d’après elle il s’agirait d’un
oiseau similaire.
Co : — « Do you have anything
special in your culture about this
bird ? Is it a sacred bird ?
T1 [après une discussion avec les autres
personnes présentes dans la salle] :
— Some say that these birds are
sometimes called “cow’s birds”,
because you know in our language
ghòè means cow.
Co : — Do you have any stories on
this bird ?
T1 [sans réponse de Cg’ose Ntcõx’o] :
— By us, we sometimes say that
these birds count the cows.
Co : — Okay… So, can we call
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p61 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Yellow
Cyan
Magenta
Black
Mars 2010. Après un bref échange en afrikaans avec Jan Tcega John (Jtj) 14
au sujet de l’une de ses peintures [Ill. 3], la coordinatrice (Co) explique en anglais
à l’assistante administrative (T1) et à moi-même :
Co : — « The price is now fixed.
But there is still a problem with
the title. I told Jan that it looks
as if the man is inside the tree
and suggested something like
The spirit of the tree. But I guess,
you don’t have anything like
that in your culture ?
T1 [après en avoir discuté en
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
14. Né en 1968 à D’kar, Jan Tcega John a rejoint le Kuru Art Project en 2005. Scolarisé pendant
plusieurs années, il a appris à lire et à écrire le setswana. Sans être totalement à l’aise avec l’afrikaans
et l’anglais, il est en mesure de comprendre et de parler ces deux langues.
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p62 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
Jtj [en anglais] : — Just help me, I’m trying to tell you many things.
[Il continue de parler en naro, mais l’assistante administrative ne traduit pas.]
62
Co : — We could make a title about red skin. Isn’t it the way you call
yourself ? Ncoakhoe ? Your ancestors were close to animals and to nature.
They were almost the same. They could talk with animals.
T1 : — [après en avoir discuté en naro avec Jan Tcega John] : Jan seems to
agree for a title like that. For me, it’s the first time to hear such a thing.
Co : — In their old stories, there is no clear line between animals and
humans. It’s as if they are all the same. Human can turn into animals
and animals into human. Could we not say Red man with nature ?
[L’assistante administrative traduit en naro à Jan Tcega John, qui répond
directement en anglais.]
Jtj : — When I did this painting, I wasn’t thinking on the title. So you can
just put it the way you want. This thing about old people close to nature
and animal is ok. We are Ncoakhoe.
Co : — Ok, let’s write : Ncoakhoe were one with nature ».
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p63 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Yellow
Cyan
Magenta
Black
15. Né au début des années 1970, Xgaoc’õ X’are, de son nom d’artiste Qhaqhoo, est l’un des tout
premiers artistes à avoir intégré l’atelier en 1991.
16. Répondant à une commande pour illustrer un livre pour enfants, Ostrish and Lark (Nelson
2012), les artistes ont réalisé une série des peintures dont certaines n’ont pas été retenues pour le
livre. Ces peintures, à l’instar de celle discutée dans cet extrait, ont alors été mises en vente.
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p64 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
l’objet. Il rappelle que la traduction est aussi une zone de tension (Simon
1996) qui s’inscrit dans des rapports asymétriques aux moyens d’expression
65
(Niranjana 1992 : 2 ; Venuti 1998 : 158 sq.). Ce qui, d’un côté, est conçu
comme une mise en sens, afin de favoriser la rencontre entre l’œuvre et le
spectateur, en donnant à ce dernier matière à « réfléchir », est conçu, de l’autre,
comme une tentative d’imposition d’une logique conceptuelle étrangère,
subvertissant le sens jusqu’à mettre en doute le savoir-faire de l’artiste.
Tout comme avec Qhaqhoo, il arrive que les artistes opposent une résis-
tance aux tentatives de « recodage » des administrateurs, que ce soit en refu-
sant ouvertement leurs propositions ou, indirectement, en faisant échouer
toute tentative de mise en sens de l’objet. En effet, malgré les arguments
promotionnels (« People will like this ») et économiques (« It might help
to sell ») avancés par les administrateurs, il n’est pas rare que l’auteur de
l’œuvre signifie explicitement, lors de la pose des titres, qu’il n’y a aucun
lien narratif à tisser entre les divers éléments figurés dans l’image, aucune
pratique culturelle, aucun récit ou aucun mythe à y rattacher, ou encore
aucune signification socioculturelle à rechercher.
Notons, toutefois, que la non-adaptation des discours au champ de
compréhension du public ne relève pas nécessairement d’une résistance de
la part des artistes, mais qu’elle peut être liée, au contraire, à la conviction
que le public partage avec eux une compréhension de l’importance des sujets
représentés. Ainsi, l’artiste X’aga Tcuixg’ao devait me confier à propos de
sa peinture intitulée Morama plant :
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
incite certains des artistes à investir les cadres conceptuels et les valeurs
du public – ou, pour le moins, ce qui a été compris de ces cadres et de ces
valeurs –, de façon à agir sur les spectateurs à partir des codes présupposés
17. Le terme morama ou marama vient du setswana. En langue naro, les graines sont appelées cgùi
et les tubercules càm. Les deux sont comestibles.
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p66 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
de ces derniers. À cet égard, alors même que la direction du Kuru Art
Project vise, depuis les débuts, à privilégier une expression spontanée avec
66
un minimum d’interférence plutôt qu’un art formaté au goût du public
(Scheepers 1991), les interactions qui entourent le choix des titres parti-
cipent indirectement de la mise en place d’un langage commun entre les
artistes et le public, et ce, grâce à l’acte médiateur des administrateurs.
Les questions posées, les limites traductionnelles rencontrées, ou encore
les propositions émises contribuent à véhiculer auprès des artistes une
certaine conception des attentes et des connaissances des acheteurs en
venant indirectement marquer une distinction entre l’intelligible et le
non-intelligible, l’intéressant et l’ennuyeux, le cadre et le hors-cadre. Ce
faisant, les procédés d’intitulation induisent une forme de pidginisation
(pour reprendre le terme employé par Paula Ben-Amos [1977]) de cet
art, en amenant les artistes à adapter leur expression iconographique et
verbale par voie de simplification aux limites de ce qu’ils pensent pouvoir
être compris et apprécié par un large public.
Aussi certains artistes choisissent-ils de restreindre volontairement leur
propos afin de (re-)produire un sens qui se base sur et fasse appel aux
connaissances préalables du public. Pour cela, ils tendent non seulement
à attirer l’attention sur les sujets aisément reconnaissables et, en premier
lieu, sur la grande faune, mais ils reprennent et reproduisent également
une perspective générique telle que : « C’est juste un arbre, n’importe quel
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p70 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
RÉFÉRENCES CITÉES
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p71 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
2009 Faire voir. L’art à l’épreuve 2010 « La traductologie que j’ai déve-
de ses médiations. Bruxelles, Les Impressions loppée est une réflexion qui s’appuie
nouvelles (« Réflexions faites »). essentiellement sur mon propre travail de
2017 Des valeurs. Une approche sociologique. traducteur ». Entretien réalisé par Muguraş
Paris, Gallimard (« Bibliothèque des sciences Constantinescu, Atelier de traduction 14 :
humaines »). 15-30.
Tableaux et titres
20010454
- Folio : p72 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
Leïla Baracchini
20010454
- Folio : p73 - Type : pINT 20-02-12 18:41:03
L : 170 - H : 240 - Couleur : Black
RÉSUM/ABSTRACT
Leïla Baracchini,Tableaux et titres : les enjeux de Leïla Baracchini,Tableaux and Titles :The Issues
la traduction dans un atelier d’art au Botswana. of Translation in an Art Workshop in Botswana.
— Cet article porte sur la relation entre tra- — This article discusses the relationship
duction linguistique (passage d’une langue à between linguistic translation and social trans-
l’autre) et traduction sociale (médiation), à lation through a study of the social actions
travers une étude sur le travail social engagé involved in the transformation of objects into
dans la transformation d’objets en objets artworks in a postcolonial context. Based on an
d’art en contexte postcolonial. À partir d’une ethnographic study of a contemporary San art
ethnographie menée dans un atelier d’art san workshop in Botswana, it explores how trans-
contemporain au Botswana, il s’intéresse à lations processes condition and modify the
la manière dont les opérations de traduction definition and status of artworks. To this end,
structurent et modifient la définition des this article examines one particular moment
œuvres et de leur statut. Pour cela, l’attention – the titling of pieces – through which many
est portée sur un espace-temps particulier, la operations of translation are set in motion :
pose des titres, mettant en jeu de multiples the transition from image to discourse on the
processus de traduction : passage d’une image image, from orality to script, from one lan-
à un discours sur l’image, de l’oral à l’écrit, guage to another, and eventually from non-art
d’une langue à l’autre, et du non-art à l’art. to art. Through an analysis of the collabo-
En se fondant sur une analyse des façons dont rative discussions involved in the titling of
les titres se co-construisent dans l’interaction artworks, it highlights the misunderstandings,
entre artistes et interprètes, il met en évidence the reformulations and the shifts in meaning
les malentendus, les glissements de sens et les generated by these operations of translation.
reformulations générés par les opérations de Notably it shows how a differentiated access
traduction. Il montre notamment comment to means of expression has a direct impact on
des différences dans les ressources d’expression the production of meaning and on the capa-
à disposition agissent sur le sens, ainsi que sur city of these pieces to become a new medium
la capacité des objets produits à incarner, pour of representation for their authors. Finally,
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182)
Mickaël Orantin