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Presses

universitaires de
Rennes
Les arts précolombiens | Élodie Vaudry

Chapitre VI. Marché de l’art


des pièces précolombiennes
p. 143-169

Texte intégral
1 L’étude du marché de l’art dans les ventes publiques parisiennes des pièces
précolombiennes, pendant l’entre-deux-guerres, donne des clés pour comprendre la
perception de ces pièces par les Français et leur statut sur la scène artistique
française. D’abord, leur déplacement physique – de leur pays d’origine à la France
puis d’un musée d’ethnographie à un musée d’art ou à une vente d’objets d’art –
induit forcément une modification relationnelle voire sensorielle avec les Français,
puisqu’ils deviennent, géographiquement, proches. Par l’intégration des pièces
précolombiennes sur le marché de l’art français, les acteurs de ce milieu les
rapprochent en même temps des arts occidentaux que des autres aires extra-
occidentales que sont l’Afrique, l’Océanie et l’Asie.

Méthode d’analyse du marché d’art secondaire


2 L’analyse des ventes d’objets précolombiens sur le marché secondaire parisien au
cours de la première moitié du XXe siècle a été permise grâce à un partenariat avec la
doctorante Léa Saint-Raymond. Agrégée d’économie, elle a réalisé, sous la direction
de Ségolène Le Men, une thèse sur Le pari des enchères : le lancement de nouveaux
marchés artistiques à Paris entre les années 1830 et 1939. En associant nos centres
d’intérêts et nos compétences, nous avons entrepris la réalisation d’une base de
données sur les ventes d’art dit « primitif » à Paris de 1925 à 1939, avec un centrage
tout particulier sur les arts précoloniaux d’Amérique latine. La chronologie de
départ correspond à l’entrée des arts dits « primitifs » sur le marché de l’art français.
Si quelques ventes d’objets précolombiens sont répertoriées au XIXe siècle,
notamment lorsqu’Eugène Boban vend ses pièces mexicaines aux particuliers, ces
éléments restent trop sporadiques et minoritaires par rapport à l’éclosion du marché
public dans les années 1920. Cette chronologie se termine avec l’avènement de la
Seconde Guerre mondiale.
3 Notre processus de sélection des catalogues de vente s’est d’abord effectué par le
titre qui doit contenir des termes liés soit à l’Amérique précoloniale soit à l’art
« primitif ». Si ce choix exclut forcément les ventes ne précisant pas explicitement la
nature des lots dans l’énoncé de l’enchère, il a le mérite de sélectionner des enchères
qui ont volontairement mis en lumière les objets précolombiens ou les ont
rassemblés sous le terme de « primitifs ». Ensuite, les catalogues, en français, doivent
être issus de ventes publiques localisées à Paris et plus précisément à l’hôtel Drouot.
4 L’étape suivante consiste à retranscrire de manière exhaustive toutes les
informations présentes dans le catalogue : le titre, les experts, les commissaires-
priseurs, le pourcentage en sus des enchères, le nombre de pages et de
photographies, le lieu d’édition, le nombre total de lots, et les descriptions (formes,
tailles, provenance originelle) relatives aux objets à vendre.
5 La seconde étape se concentre sur les résultats des enchères : via la consultation des
procès-verbaux établis par les greffiers lors des ventes, nous avons pu confronter les
données du catalogue avec ces pièces d’archives. Ces documents nous permettent de
connaître les lots dits « hors catalogues » qui ont été ajoutés au dernier moment, les
prix des pièces, les acheteurs et les vendeurs avec leur adresse précise. La rencontre
de ces sources permet évidemment de comprendre l’évolution de la valeur
pécuniaire des pièces, les goûts pour certaines régions et époques mais également le
réseau de collectionneurs, d’amateurs et de marchands qui se côtoient régulièrement
dans les salles de l’hôtel Drouot. Cette base dévoile aussi des éléments de
comparaison entre les arts asiatiques, africains, océaniens et évidemment
précolombiens. Si ces données ne sont pas exhaustives, leur aspect quantitatif (plus
de 14 000 lots) ouvre un horizon assez large pour en déduire des hypothèses liées à
la considération des objets, à leur évolution marchande et au goût français, voire
européen, pour les créations non occidentales.
6 Pour cette base, 47 ventes, satisfaisant aux critères de sélection exprimés
auparavant, ont été répertoriées et 44 procès-verbaux correspondants ont été
intégrés – les 3 manquants étant introuvables aux Archives nationales de Paris.
Grâce à ces données, 14 823 lots ont été recensés, sachant que l’appellation « lot »
peut regrouper une ou plusieurs pièces et que le nombre exact est impossible à
définir puisque certains portent le vague intitulé de « divers », sans description des
objets individuels.

L’objet « primitif » à Drouot


7 La liste des catalogues permet dans un premier temps d’étudier la fréquence des
ventes à l’hôtel Drouot dans la période qui court de 1925 à 1939. Si l’année 1925
compte trois ventes, celle de 1926 n’en recèle qu’une seule, l’année suivante en
propose cinq et le double se dénombre en 1928, soit près d’une vente par mois. Ce
dernier pic coïncide avec l’exposition des « Arts anciens de l’Amérique » au pavillon
de Marsan. D’ailleurs, si deux ventes se déroulent en février (20-02-1928) et en mars
(11/12-03-1928), trois s’effectuent en mai soit le deuxième mois de l’exposition et les
cinq dernières, entre octobre et décembre. Le graphique (fig. 14) des lots d’arts
« primitifs » mis en vente à l’hôtel Drouot corrobore ces données, puisqu’il montre
une hausse notable des ventes et achats d’arts précolombiens au cours de l’année
1928.
Figure 14. – Lots d’arts dits « primitifs » mis en vente sur le marché de l’art
parisien entre 1925 et 1939
8 Il semble que ces dates soient le fruit de stratégies mercantiles : les événements –
ventes et exposition – s’alimentent mutuellement et génèrent un momentum
nouveau, un changement de tendance qui sert autant la science que les recherches
esthétiques et l’accroissement du marché. Bien que ces créations parviennent au
rang d’œuvre d’art occidental, elles deviennent, par l’action de ces ventes, un objet
d’échange et reçoivent forcément une valeur marchande. La possession de ces
productions n’est plus seulement permise par les dons des voyageurs ou de riches
collectionneurs, mais est aussi rendue possible, dès les années 1920, par le marché
qui oblige derechef les acteurs de ce milieu à attribuer un prix à ces pièces. Ce
nouveau statut implique, pour les estimer, la prise en compte de l’historicité de ces
pièces, de leur origine, de leur état matériel et de leur authenticité – les pièces sont
dites « précolombiennes » si leur création s’effectue avant la conquête –, de leur
parcours et enfin de leur fonction originelle. Une pièce coûte plus cher si son
utilisation première avait une forte portée symbolique, appartenait à des rituels
particuliers ou à des civilisations admises comme « hautes », telles que les Mayas, les
Aztèques ou encore les Incas. Ainsi que l’énoncent Brigitte Derlon et Monique Jeudy-
Ballini : « L’objet ne devient collectionnable et doté de valeur reconnue qu’en tant
qu’il est supposé avoir servi1. » L’utilité première de l’objet qui, dans son
environnement d’origine, lui conférait toute sa valeur devient, par le biais du
marché de l’art, un élément secondaire dont le seul intérêt est de déterminer le prix
du lot. Ces déplacements physiques, conceptuels et taxinomiques modifient l’identité
même de l’objet qui est « relocalisé » et « recréé2 » sous la forme d’un document
historique, esthétique et culturel.
9 Le marché de l’art active cette transformation de la perception des arts
précolombiens par les Français en conférant une nouvelle existence et une nouvelle
essence à ces productions ou, pour reprendre les termes de Maurice Merleau-Ponty,
en le faisant exister par son ou ses horizons de sens3 qui sont déterminés par les
conjonctures qu’il traverse. L’auteur de la Phénoménologie de la perception écrit que
« regarder l’objet c’est s’enfoncer en lui, […] les objets forment un système où l’un ne
peut se montrer sans en cacher d’autres. Plus précisément, l’horizon intérieur d’un
objet ne peut devenir objet sans que les objets environnants deviennent horizon et la
vision est un acte à deux faces4 ». Pour que la pièce précolombienne devienne une
œuvre d’art selon la définition occidentale, son système originel doit être occulté au
profit de son nouvel horizon parisien. Le regard et l’action des collectionneurs et des
marchands produisent à la fois un « rapprochement » avec l’objet précolombien
puisqu’ils lui attribuent les codes connus des œuvres d’art occidentales et l’éloignent
de son contexte et de son identité originels. Cette tension entre « la fascination de
l’altérité et une quête du proche et du familier5 » implique « un processus de
domestication6 » paradoxale des acteurs du marché envers l’objet convoité. Entre
endogamie et exogamie ou entre inclusion et exclusion, les pièces précoloniales
latino-américaines deviennent les manifestations des intentions – Kunstwollen – des
marchands et des collectionneurs et sont symptomatiques d’un choix réformant le
goût académique. En collaboration directe avec les recherches esthétiques de la
période, l’inclusion de ces productions sur le marché de l’art et donc le renoncement
ou « les réactions d’évitement7 », participent de cette mouvance des premières
décennies du XXe siècle qui remettent cause les canons académiques en vigueur. Ainsi
que l’explique Nélia Dias : « À chaque fois qu’un objet non occidental est classé
comme objet d’art, c’est la notion même d’art qui est redéfinie8 ».
10 Après cette impulsion notable de 1928 pour les pièces précolombiennes, le nombre
des ventes revient à cinq par an en 1929, sept en 1930 et à nouveau cinq en 1931.
Pour les années suivantes, le rythme des enchères d’art précolonial américain
diminue à trois par an en 1932 et ensuite de deux à une par an entre 1932 et 1939.
Par conséquent, mis à part un léger sursaut en 1930, la fréquence des ventes stagne
après 1928 et ne s’accroît pas dans le milieu des années 1930. 1928 semble donc être
l’année phare en France pour l’intérêt des arts précolombiens sur la scène artistique.
Nous verrons dans un troisième temps que les artistes décorateurs commencent leur
appropriation de ces motifs au cours de cette période. Le retentissement de l’action
de G. H. Rivière, d’Alfred Métraux et des autres membres du comité organisateur de
l’exposition du pavillon de Marsan peut alors se mesurer autant sur le marché de
l’art que sur les créations françaises de l’époque.
Un nouveau réseau de « spécialistes »
11 Au XIXe siècle, Eugène Boban, pour ne citer que lui, s’apparentait à un marchand d’art
éclairé concernant l’Amérique précolombienne et particulièrement le Mexique, mais
le premier réellement spécialisé dans les arts dits « primitifs » est assurément le
sculpteur et galeriste hongrois, Joseph Brummer. Proche d’Henri Matisse et d’Henri
Rousseau, il s’initie aux arts africains à son arrivée à Paris en 19099 et commence à
en vendre, aux côtés d’objets asiatiques, d’ivoires et de peintures dans sa première
boutique, au 67, boulevard Raspail à Paris. Ayant obtenu le titre de « marchand
d’antiquités », il s’installe au 3, de la même rue en 1911 et expose des pièces
« nègres », péruviennes aux côtés de pièces européennes et asiatiques10. Il met en
vente une grande partie de sa collection en 1912, vraisemblablement pour des
raisons économiques, et quitte la France pour les États-Unis deux ans plus tard11. Si
son commerce florissant outre-Atlantique nous est bien connu, sa période parisienne
est en revanche beaucoup moins documentée. Néanmoins, ce sculpteur hongrois
échoué par hasard sur le marché français représente le premier marchand d’art
« primitif » et son élan participe sans doute de l’éclosion de spécialistes de ces aires
géographiques comme le deviennent par la suite André Portier et Charles Ratton.
12 L’action des marchands apparaît déterminante pour l’entrée des arts dits
« primitifs » et précolombiens sur le marché de l’art français. Ce nouvel intérêt pour
les arts extra-occidentaux génère chez les acteurs de ce milieu la nécessité de se
spécialiser dans ce domaine12. Ainsi, sur les 47 ventes recensées, 10 commissaires-
priseurs13 gèrent les ventes mais seulement quatre se détachent du lot : Léon Flagel
s’occupe de 23 ventes, Alphonse Bellier en gère 8, Fernand Lair-Dubreuil 7 et Étienne
Ader seulement 3. L. Flagel, commissaire-priseur nommé en 1909, sur lequel très
peu d’informations nous sont parvenues, est le principal acteur de ce marché et
l’occupe d’ailleurs presque à lui seul après 1927.
13 Quant aux experts, André Portier s’arroge la part du lion avec une participation à
35 ventes, ce qui laisse peu de place à ses collègues : René Keller, Léonce Rosenberg
et Henri Leman. A. Portier commence en 1908 avec les arts orientaux puis s’oriente
vers les arts dits « primitifs », après avoir été confronté, selon la légende, avec des
objets inconnus déposés par des propriétaires néophytes. Considéré comme le
premier expert spécialisé en art primitif pour les ventes publiques, il est qualifié de
« spécialiste » des arts précolombiens dans le Journal de la Société des américanistes
en 192914, et partage ce palmarès avec ses deux collègues, le Dr Poncetton et Georges
Salles. Auteurs de trois ouvrages en commun – Les arts sauvages, Océanie ;
Décoration océanienne et La Fénime dans l’art japonais –, Poncetton et Portier allient
leurs compétences pour non seulement vendre les objets « primitifs », mais aussi les
inscrire dans un discours théorique historique et artistique. Dans cette veine, le
marchand suit même, plus tard, les cours d’anthropologie dispensés par
l’ethnologue Claude Lévi-Strauss à Paris15. Les disciplines se croisent et s’alimentent
tandis que les frontières s’amenuisent entre l’ancien clivage qui isolait l’érudition
ethnologique de l’esthétique.
14 Les deux derniers noms qui se distinguent moins par la fréquence de leur présence
que par leur investissement dans le marché des arts « primitifs » sont ceux de
Charles Ratton et de Louis Carré. Le premier collabore avec A. Portier à la vente du
16 décembre 1931 et le second s’associe à C. Ratton pour celle du 22 juin 1932.
15 Charles Ratton, « brocanteur à demeure » dès 1927 et diplômé de l’École du Louvre
en 1923, devient rapidement un des experts d’art extra-occidental à Paris. Ami du
peintre Roger de La Fresnaye et proche des surréalistes auxquels il rend de
multiples services – il prête de l’argent à Paul Éluard et André Breton –, il intègre,
dès ses débuts, le réseau du marché de l’art parisien et particulièrement celui des
arts « nègres ». Convaincu des qualités artistiques des productions africaines,
océaniennes et précolombiennes, il se fait l’ardent promoteur de ces pièces qu’il
expose comme des œuvres d’art dans sa galerie du 39 rue Laffitte à Paris. En
utilisant le médium photographique et les réclames de ses ventes dans les revues
d’art, il participe à l’accroissement de la visibilité de ces objets auprès du grand
public. De même, il prend soin d’exposer les collections à vendre dans sa galerie ou
lors des expositions à la Galerie surréaliste comme celle de 1936 et enfin, prend en
charge l’exposition « Bronze et ivoire du Bénin » en 1932 au musée d’ethnographie
du Trocadéro. En fréquentant Georges Henri Rivière, Paul Rivet ou encore William
Fagg, il devient un marchand éclairé voire un spécialiste des productions extra-
occidentales et par ce changement de statut, déplace la figure du vendeur à celui
d’expert et prend le rôle de médiateur entre le public, les scientifiques et les artistes.
16 Alors qu’il développe une approche ouverte sur de nouvelles perspectives artistiques
et historiques en ruptures avec les perceptions académiques des arts africains,
océaniens et précolombiens, son collègue, Louis Carré, juriste de formation, suit le
même trajet. En 1933, il s’associe avec C. Ratton pour l’exposition « Sculptures et
objets » qu’il présente à la villa Guibert16. Le succès de l’événement manifeste
l’engouement du public pour les pièces provenant des aires non occidentales et le
rôle de premier plan de ces deux experts pour l’acceptation de ces productions en
France au cours de la première moitié du XXe siècle.
17 L’action de ces personnalités dépasse largement le cadre mercantile en ce qu’ils
participent amplement à l’écriture de l’histoire par leurs ouvrages et à l’évolution du
goût, tout en générant un nouvel d’espace d’échanges entre les différentes sphères –
académique, marchande et artistique –, notamment par les dons effectués au musée
d’ethnographie du Trocadéro17.
18 Sur les 44 ventes recensées, 9 sont entièrement dédiées aux arts précolombiens et
mise à part une seule « après décès », toutes sont dites « volontaires », soulignant de
ce fait la volonté des possesseurs de faire de ce nouveau marché une source de profit.
Si les premières ventes en 1925 associent l’Amérique précolombienne, l’Afrique et
l’Océanie sous le titre d’« art primitif », les pièces des régions américaines font aussi
l’objet d’une vente qui leur est entièrement consacrée en décembre 1926, intitulée
Poteries de l’Amérique précolombienne : poteries chimú, poteries colla, poteries
quichua, poteries inca : succession de Mme la Marquise de X. L’utilisation des termes
« Amérique précolombienne » par le commissaire-priseur Lair-Dubreuil et l’expert
A. Portier dénote la mise en place d’une thématique propre à cette région, et une
temporalité bien définie, indépendante des autres arts et assez historiquement et
artistiquement « valable » pour bénéficier d’une vente dédiée. Contrairement aux
pièces océaniennes et africaines qui sont des « objets de surface18 » ou encore, selon
les termes de François Warin, des « primitifs de l’ailleurs19 », les pièces américaines
sont aussi « précolombiennes » ; leur appellation est suivie d’une indication
temporelle. Cette précision chronologique indique que ce sont des « objets de
fouilles20 » ou encore des « primitifs de l’avant21 » : ils sont à la fois extra-occidentaux
et antiques et leur possession nécessite une action archéologique. L’amalgame
effectué par les historiens et les marchands avec les arts africains et océaniens n’est
qu’apparent et les nuances entre ces aires se retrouvent dans les titres des
catalogues.
19 Les précisions culturelles, dans le catalogue de 1926, évoquant les aires andines
« chimu », « colla », « quichua » et « inca », annoncent déjà les faveurs accordées à
ces civilisations – sauf pour Colla – lors des ventes suivantes. Pour le catalogue de
l’enchère suivante datée du 7 et du 8 avril 1927, L. Flagel et A. Portier choisissent
l’appellation d’« Art précolombien » comme s’ils affirmaient le nouveau statut
d’œuvre d’art des productions de ces régions et par cela en augmentaient la valeur :
une pièce d’art vaut bien plus, dans leur esprit, qu’un artefact ethnographique. De
surcroît, le sous-titre du catalogue Poteries péruviennes de Nazca, poteries de
l’Amérique centrale, poteries du Brésil, pierres sculptées, amulettes et bijoux, vitrines
etc. appartenant à trois amateurs montre la volonté d’ouvrir au-delà de l’espace
andin, lors de la vente précédente, et d’élargir l’éventail des matériaux. Cette même
veine est reprise lors de la vente du 30 mai 1927 où le terme « art précolombien »,
repris dans le titre du catalogue, est suivi par des précisions géographiques :
« Pérou », « Vénézuela » (sic), « Colombie », « Costa Rica », « Nicaragua » et
« Mexique ». Ces éléments permettent de distinguer, spatialement et
chronologiquement, ces productions de l’autre partie de la vente composée d’« art
africain et océanien ». Par la suite, les enchères du 19 et 20 mai 1927 ainsi que celles
du 30 juin dissocient dans leurs titres les arts de l’Amérique précolombienne des
arts de l’Afrique et de l’Océanie, notamment dans le titre du catalogue de mai,
Poteries de l’Amérique précolombienne : Art primitif africain et océanien : masques,
statuettes, fétiches, etc.
20 En outre, lorsque les pièces de l’Amérique précoloniale conquièrent le marché
français, leur statut oscille entre la séparation de ces pièces et leur association avec
les arts dits « primitifs ». À partir de la vente du 23 janvier 1930, elles se retrouvent
systématiquement regroupées sous ce terme avec les objets d’Afrique, d’Océanie et
d’Asie.
21 Le singulier de l’appellation « art primitif », employé lors des ventes de 1925,
connote l’idée d’un seul groupe d’objets exclus de la catégorie des arts occidentaux.
Cet amalgame se nuance par la suite lors de la vente du 10 et 11 février 1930 où,
pour la première fois dans la liste des catalogues recensés, les termes « art primitif »
sont employés au pluriel et regroupent les trois continents extra-européens.
L’ouverture de ces notions à la pluralité permet de dissocier la production de ces
continents en déliant la perception des Français, jusqu’alors homogène. À partir de
cette année et en dépit de ces nuances, il n’existera plus, jusqu’à la Seconde Guerre
mondiale, de vente entièrement consacrée aux arts précolombiens ; ils seront
toujours associés aux aires géographiques précédemment mentionnées. Ce
rapprochement est paradoxal puisqu’au lieu d’être « confondus » dès le départ avec
les arts africains et océaniens, les arts précolombiens sont placés, en partie, en
marge de ce groupe, mais s’y retrouvent finalement intégrés par la suite. Or, chez les
artistes comme chez les historiens et les critiques d’art, le processus inverse se
constate. Comme on l’a déjà montré à propos de la presse et des musées, le statut
d’arts précoloniaux de l’Amérique latine suscite le doute chez les esthètes et bien que
ce flou persiste, l’opinion la plus largement consiste à dissocier l’Afrique et l’Océanie
pour les rapprocher de l’Égypte ou de la Mésopotamie.
22 L’analyse de ces catalogues ouvre évidemment sur l’appréhension qu’ont les acteurs
du marché des pièces précolombiennes et permet de comprendre les « messages22 » –
esthétique, historique, symbolique et de goût – que ces derniers ont attribué à ces
pièces. Dotées d’un pouvoir discursif nouveau, les créations de ces régions
« deviennent des reliques », anonymes et métonymiques, des anciennes civilisations
latino-américaines et, en partie, les symptômes des attentes esthétiques françaises
de cette période.

Les vendeurs
23 Grâce à la base de données, plus de 125 vendeurs ont été recensés et leur analyse
permet d’élargir le réseau autour des personnalités intéressées par les arts
précolombiens et de confirmer la présence de certains acteurs « majeurs » de ce
marché.
24 Il serait inutile de lister tous les vendeurs, puisqu’une bonne partie ne vend
seulement qu’une ou deux pièces et que leur identité nous reste encore inconnue. En
revanche, il est intéressant d’établir des catégories en fonction du nombre d’objets
vendus, des personnalités connues comme les artistes et des zones géographiques
favorisées.
25 Ainsi, trois vendeurs se distinguent par la quantité notable qu’ils vendent et par la
particularité de leur personnalité. Walter Bondy, peintre tchèque devenu antiquaire
d’art primitif à Berlin et ami du collectionneur Bela Hein, disperse une grande partie
de son fonds lors de la vente du 9 et 11 mai 1928 à Paris qui lui est entièrement
dédiée23. Sur près de cinq cents lots issus de l’Asie, de l’Océanie, de l’Afrique et de
l’Amérique, une soixantaine provient du Mexique (Zapotèque) et du Pérou (Chimú,
Inca, Nazca et Recuay). Lors d’une seconde vente, le 22 mai 1932, il met sur le
marché une quarantaine d’objets dont la moitié vient d’Océanie et l’autre du
Mexique, du Pérou et de Colombie britannique. Jusqu’alors localisé à Berlin, il
semble avoir gagné les côtes françaises puisque sa nouvelle adresse le situe à la
« Villa La Côte. Port d’Issole à Sanary sur Var » (actuellement Sanary-sur-Mer dans
le Var).
26 Le collectionneur Georges de Miré vend également sa collection le 16 décembre 1931
qui se présente « en raison de l’exceptionnelle qualité des objets qui la composent »
comme « un événement de la saison d’hiver des ventes à Paris24 ». Cette enchère est
effectivement un des « événements » de la saison puisqu’elle est annoncée à la fois
dans L’Art vivant25, Cahiers d’art26, Vogue27, Art et décoration28 et dans Beaux-arts29.
Ainsi que l’écrit Charles Ratton avec mélancolie, ce sont « quinze années de
recherches patientes30 » qui sont dispersées et mises, malgré tout, à l’honneur lors de
l’exposition de cette collection organisée par ce marchand et son compère Louis
Carré et qu’elle est exposée « du 1er au 15 décembre31 ». Georges-Henri Rivière,
auteur de la préface du catalogue de vente, souligne l’exceptionnelle valeur de ce
fonds pourvu « d’autant de beauté digne de tant de sciences32 » et qui ravira autant
les ethnographes, les artistes que les conservateurs de musée et les amateurs.
Quoique plus de la moitié de la collection contienne des pièces d’Afrique, 49 lots
proviennent d’Amérique, principalement du Pérou (Nazca, Chimbote, et région de
Trujillo) mais également de Colombie, du Honduras, du Costa Rica et du Mexique
(Aztèque, Zapotèque et régions de Oaxaca et du Chiapas). Ce collectionneur dont les
liens semblaient étroits avec les ethnologues et les marchands d’arts dits
« primitifs », notamment C. Ratton et Ernest Ascher, possédait dans son petit fonds
de pièces précolombiennes les aires géographiques favorisées par les Français et ses
objets représentent un tel intérêt que le musée du Trocadéro, auxquels ses maigres
finances ne permettaient que rarement des achats dans les ventes, achète plusieurs
pièces (qui ne sont pas détaillées). L’absence du procès-verbal de cette vente dans les
archives ne nous permet pas de connaître plus précisément les acheteurs ni les prix
des lots proposés.
27 L’instituteur et collectionneur Paul Rupalley met également aux enchères, de son
vivant, le 6 décembre 1926 une pièce du Brésil parmi d’autres provenant d’Asie et
d’Afrique. Après sa mort, sa femme, née Francine Landry, vend, le 11 juin 1930,
toute la collection de son feu mari. Le titre du catalogue de vente dépeint la variété
de son fonds Arts Primitifs. Océanie. Armes, fétiches, coupes, tapa. Nouvelle Guinée,
îles Hervey, Nouvelles Hébrides, îles Salomon, Tiki des Marquises, îles Fidji, Nouvelle
Zélande, Nouvelle Calédonie, Australie, îles Samoa. Afrique, fétiches, masques,
statuettes, armes. Congo, Loango, Gabon, Côte d’Ivoire, Dahomey, Cameroun, Soudan.
Amérique et Asie, armes et masques. Livres sur les Arts Primitifs, etc. Ainsi qu’un
auteur anonyme l’écrit dans Le Bulletin de la vie artistique en 1920, P. Rupalley
réalise sa collection :
« Sans guère sortir de Paris, il a su constituer une ample collection d’objets d’Afrique,
d’Océanie et de l’Amérique du Nord-Ouest. Les belles pièces y bondent, quoiqu’il
prétende n’avoir eu d’autre souci qu’ethnographique, et il nous a permis d’en
photographier, eux aussi, de précieux documents chez M. Rupalley : les murs de sa
salle à manger se papelonnent de quinze cents cuillers33. »
28 Quoique son intérêt se soit surtout concentré sur l’Afrique et l’Océanie, il a tout de
même possédé près de 40 lots provenant majoritairement de Guyane, du Brésil et
d’Amérique du Nord avec quelques objets du Mexique, du Pérou, des Antilles,
d’Amérique centrale et du Sud. La quantité de ces pièces vendues, leur hétérogénéité
ainsi que l’année de sa première vente indiquent qu’il s’est très tôt intéressé à ce
marché. Son goût pour ce type de création s’accompagnait aussi de lectures érudites
comme le montrent les quelques ouvrages vendus sur les spécimens
ethnographiques de W. D. Webster ainsi que celui sur les collections d’ethnographie
du British Museum. Enfin, la variété de son fonds – des pagaies, des clous, des
bouteilles, de vêtements, etc. – connote un intérêt qui dépasse le seul domaine de
l’esthétique pour s’ouvrir aux documents ethnographiques.
29 Mis à part ces trois vendeurs dont les collections semblaient conséquentes, la
majorité vend entre 30 et 50 lots précolombiens par vente. Ainsi, quelques noms
parmi cette variété ressortent : le critique d’art et expert en objets d’art Arthur
Bloche se sépare d’objets des Caraïbes (Haïti) et de Guyane, le 9 et 11 mai 1928 ; le
consul du Costa Rica à Genève, Vitrato Figueredo Lora propose, le 2 et 3 décembre
1929, des pièces de Colombie et d’Amérique centrale ; ensuite, un Monsieur Fabre,
probablement le narbonnais Maurice Fabre, collectionneur de Gauguin et Van Gogh,
vend, le 24 janvier 1930 des objets du Pérou, de la Colombie, de la Bolivie, du Costa
Rica et du Mexique.
30 À ce groupe, s’adjoint celui des américanistes comme Désiré Pector, consul du
Nicaragua et auteur de plusieurs articles et ouvrages tels que Desiderata de
l’américanisme en 190034, le Dr Louis Capitan et un vendeur nommé Bonnet. Le
premier vend, lors des enchères du 30 juin 1927, près d’une centaine d’objets et
seulement trois l’année suivante, en avril 1928. Ainsi que l’écrit E. T. Hamy dans le
Journal de la Société des américanistes, Désiré Pector souhaite diffuser ses
connaissances sur son pays et plus généralement sur l’Amérique centrale35. Cette
première mise en vente massive de pièces provenant du Nicaragua, du San Salvador,
du Mexique, du Pérou et en plus grande quantité de Colombie et du Costa Rica
participe peut-être de cette volonté de « développer chez ces visiteurs [les jeunes
latino-américains à Paris] le goût des études locales presque toujours négligées chez
eux36 ».
31 Le second vendeur est le Dr Louis Capitan, professeur et membre de la Société des
américanistes, dont la « succession » est mise sur le marché le 28 mars 1930, après
sa mort en 1929, sous le titre Arts précolombiens, Amérique du Nord, Mexique,
Amérique centrale, Antilles, Pérou, etc. Pierres sculptées, Poteries, Fétiches en argent et
en bronze, Bois sculptés, Étoffes, etc. Importante bibliothèque sur les arts
précolombiens et sur la Préhistoire. Sa collection est telle – plus de 350 lots – qu’une
vente lui est entièrement consacrée. Son intérêt s’est surtout porté sur le Pérou et
particulièrement sur les cultures nazca, chimú et dans une moindre mesure sur les
Incas, les créations chancay et les régions de Trujillo, de Huacho, d’Ancón, de
Pachacamac et de Beytia. Une petite partie de son fonds concerne les Antilles,
l’Amérique centrale, le Costa Rica et le Mexique. Ainsi que l’indique le titre, toutes les
formes et toutes les matières sont vendues, ce qui suggère que leur possesseur avait
cherché à se constituer un véritable microcosme de l’Amérique précolombienne.
32 Le dernier vendeur, Jean-Louis André-Bonnet, localisé à Paris, probablement
l’archéologue français, explorateur en Amérique du Sud et auteur de plusieurs
ouvrages sur ce thème dont Sous le signe du Quetzal37, met aussi en vente une
centaine de pièces le 21 décembre 1927 et sa collection, bien qu’hétéroclite, semble
davantage centrée sur l’Amérique centrale et le Costa Rica. En dépit de la vente
d’une partie de sa collection (ou de l’entièreté ?), il reste actif dans le réseau des
personnalités rayonnant autour des arts précolombiens puisqu’il participe à
l’organisation de l’exposition « Les arts anciens de l’Amérique » au pavillon de
Marsan en 192838.
33 Les artistes de tous horizons, en lien direct avec les marchands tiennent une place
prépondérante sur le marché secondaire des arts dits « primitifs » en vendant et en
achetant des œuvres, à l’image des surréalistes comme André Breton et Paul Éluard,
séduits par l’Amérique du nord et du sud.
34 Paul Éluard, parfois inscrit dans les ventes sous le nom d’Eugène Grindel, parfois
orthographié Élluard ou présent via sa femme Hélène, née Diakonoff, vend à
plusieurs reprises sur le marché parisien. Le 3 juillet 1924, il se sépare d’une petite
centaine de bois « nègres » et d’une divinité en terre cuite de l’ancien Pérou que le
vicomte de Noailles achète pour seulement quatre-vingt-dix francs. Trois ans plus
tard, le 20 mai 1927, il participe avec André Breton en tant que vendeur à la vente
d’une dizaine de pièces du Pérou (Chimú) tandis que le chef de file des surréalistes
vend le même nombre d’objets provenant aussi de la culture chimú mais également
du Mexique. Lors de ces enchères auxquelles Bela Hein participe, les deux écrivains
ne revendiquent pas encore leur nom dans le titre du catalogue et vendent toutes
sortes de créations – des statuettes, des vases, des fétiches, des masques. Cet
anonymat se retrouve lors de la vente du 21 décembre 1927 lorsque le poète
s’associe à une vingtaine de collectionneurs dont Tristan Tzara, François Poncetton,
Madame Tinoco, Guintini, etc., pour mettre sur le marché une dizaine d’objets issus
du Mexique, du Pérou (Chimú et Incas) et d’Argentine. Ensuite, le 9 mars 1931, il
s’associe entre autres à Madame Blaverie pour vendre une centaine d’objets
africains, océaniens et américains dont une trentaine provient en majeure partie du
Pérou (Chimú) et en quantité moindre du Mexique, de l’Amérique centrale, de
Colombie et du Venezuela.
35 Si Paul Éluard et André Breton restaient jusqu’alors « anonymes » dans leurs
participations aux ventes, ils font de leur nom et de leur renommée un argument
publicitaire pour celle du 2 et 3 juillet 1931. D’emblée les enchères annoncées
prennent une tout autre envergure. D’abord parce que Charles Ratton expose du 1er
au 27 juin les pièces à vendre dans sa galerie du 14, rue de Marignan à Paris39,
ensuite parce que les deux protagonistes veulent suggérer qu’ils ne se séparent pas
d’objets collectionnés, mais de supports de penser qui ont nourri leurs créations.
Cette vente, comme une « mise à nu » de leurs réflexions, « révèle l’esprit de
collection de ces deux personnalités », comme une « quête de l’objet » dont
« l’activité créatrice » participe à l’élaboration de la pensée surréaliste40. Les
enchères ne sont pas classées seulement par aires géographiques, ce sont au
contraire un groupe de Sculptures d’Afrique, d’Amérique et d’Océanie. La spécificité
donnée à la sculpture indique le lien fait avec l’art dit majeur, selon la hiérarchie
occidentale des genres et tend probablement à augmenter la valeur des pièces
vendues. Ce titre est exclusivement publicitaire puisque l’analyse des lots vendus
met en lumière une multitude d’objets – pipes, amulettes, vases, masques,
pendentifs, cuiller, pilon, etc. – et la sculpture tient finalement une place minoritaire.
La valeur des lots est aussi garantie par le personnel de la vente qui a été choisi
parmi les « spécialistes » des arts extra-occidentaux : le commissaire-priseur
Alphonse Bellier dirige les enchères tandis que Charles Ratton, Louis Carré et
Georges F. Keller font l’expertise des pièces.
36 Les deux artistes vendent des œuvres d’art et le catalogue doit, par conséquent, être
à la hauteur des lots proposés. Les collectionneurs prennent « à leur charge
l’impression, le tirage et les frais d’un catalogue de luxe41 ». Leur stratégie consiste
probablement à valoriser la collection en utilisant la publicité faite par le catalogue –
ils décident de l’imprimer à 2 500 exemplaires ce qui représente une quantité très
élevée pour ce type de publication – et en leur conférant davantage de valeur étant
donné son aspect luxueux et sa conception par deux artistes en vue. Ce livre,
normalement destiné à donner des précisions sur les enchères, devient un ouvrage
d’art qui élève forcément la vente à un statut supérieur relevant du domaine
purement artistique. À l’image d’une publication artistique, les textes sont précédés
d’un planisphère du monde s’ouvrant sur deux pages et suivi de vingt-quatre
planches en noir et blanc représentant certaines pièces vendues.
37 Sur 330 lots proposés, 30 proviennent d’Afrique, 139 d’Océanie, 15 de Malaisie et 134
d’Amérique précolombienne et du Nord et 15 sont des « divers ». Pour les lots
américains, 86 proviennent du Pérou (Nazca) et du Mexique et quelques autres
viennent de Colombie (Medellín), de l’Amérique centrale et du Costa Rica. Si tous les
objets sont répertoriés au nom des deux écrivains – André Breton et Eugène Grindel,
tous deux domiciliés à l’adresse de Breton, le 42, rue Fontaine à Paris –, nous
pouvons supposer d’après les ventes précédentes de Paul Éluard, que les pièces
péruviennes appartenaient à ce dernier et que celles du Mexique sont issues de la
collection d’André Breton. Au vu des quantités recensées, l’attrait égal pour l’Océanie
et l’Amérique est évident et, au sein de l’ensemble américain, la préférence pour les
pièces mexicaines et péruviennes est tout aussi manifeste.
38 Le succès attesté de cette vente se perçoit par le grand nombre d’acheteurs – une
cinquantaine – dont leur ami Tristan Tzara et le musée d’ethnographie du Trocadéro
qui achètent des objets océaniens. Pour les lots précolombiens, les marchands tels
que Charles Ratton, Louis Carré et Segredakis s’offrent quelques sculptures,
certaines acquises à plus de deux mille francs. Le poète Louis Aragon et le peintre
André Lhote en saisissent aussi quelques-unes, mais ce sont l’américaniste Anna
Barnett et le collectionneur de La Rancheraye, dont nous ignorons l’histoire, qui
profitent le plus des enchères en achetant chacun près d’une vingtaine de lots.
39 Roland Tual, producteur, réalisateur de cinéma et membre du groupe surréaliste,
participe aux expositions de la galerie éponyme42. C’est probablement grâce à son
ami André Masson qu’il découvre les arts dits « primitifs » et entreprend sa
collection d’art africain, océanien et américain. Les 10 et 11 février 1930, alors qu’il
est directeur des studios Pathé de Billancourt, il partage une vente avec deux
amateurs. Intitulée Arts primitifs. Océanie, Afrique, Amérique, Indonésie, Nouvelle-
Guinée, Nouvelle-Poméranie, îles Nias, Île Letti, Beau masque en écaille du détroit de
Torrès. Nouveau-Mecklembourg, îles Salomon, îles de l’Amirauté, îles Marquises,
Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande. Côte d’Ivoire, Gabon, Congo Français, Congo
Belge, Soudan, Table du Cameroun, Nord-Ouest Américain, Mexique, Costa Rica,
Pérou, Java, Sumatra, Bornéo, etc. Appartenant I) à Monsieur R. T. II) à deux
Amateurs, ces enchères regroupent presque deux cents lots, dont un quart est
consacré à l’Amérique et particulièrement au Pérou (Chimú, région de Huacho et
d’Ancón), à la Colombie, au Costa Rica, au Mexique et à l’Amérique centrale. Le
31 mai 1930, il vend à Drouot une trentaine de pièces dont un tiers provient de
l’Amérique du Nord, du Mexique, du Pérou et du Costa Rica. Dans ces deux ventes, la
répartition des lots par aires géographiques est presque égale entre l’Afrique,
l’Amérique et l’Océanie – l’Indonésie ne représentant qu’un petit nombre. Par
conséquent, Roland Tual semblait collectionner ces trois continents sur un pied
d’égalité – du point de vue quantitatif – et y allier, par la variété des matériaux et
des provenances, une vision « générale » de ces régions « primitives ».
40 François Poncetton, ami de Georges Salles, associé d’André Portier pour qui il rédige
les catalogues de vente, montre un intérêt ostensible pour les arts dits « primitifs »,
notamment lorsqu’il écrit sur la découverte de l’Amérique dans Les Cahiers de la
République des lettres, des sciences et des arts d’avril 1928 et qu’il corédige des
ouvrages sur les arts océaniens, africains et japonais. Sa collection, dispersée à
quatre reprises – le 21 décembre 1927, le 12 mars 1928, le 26 février 1929 et le
25 mai 1935 –, contenait près d’une centaine de lots provenant presque
exclusivement du Pérou (Chimú, Chinchas, Incas, Chiclayo et région d’Ica) avec
seulement une pièce du Mexique et une autre de Colombie.
41 À ces personnalités, s’ajoute celle du philosophe français Maurice Merleau-Ponty,
installé à Bordeaux, qui vend par deux fois – le 24 et 25 juin 1931 et le 23 décembre
1932 – son importante collection d’objets majoritairement issus d’Océanie, de
Nouvelle Calédonie, des Nouvelles Hébrides et des îles Fidji. Dans ces lots, se glissent
malgré tout quelques pièces africaines et américaines, notamment des colliers de
perles d’Amérique du sud.
42 Dans ces groupes ainsi que dans les lots des autres vendeurs répertoriés, des
préférences pour le Mexique, le Pérou et le Costa Rica se dessinent.
43 Bien que les objets mexicains se retrouvent presque dans toutes les ventes, trois
personnalités se détachent de l’ensemble par leur spécialisation dans ce pays. Le
collectionneur Pani, probablement Alberto José Pani, ancien ministre des relations
extérieures mexicaines sous la présidence d’Álvaro Obregón de 1920 à 1924, vend le
13 et 14 novembre 1928, puis le 24 janvier 1930 et le 5 décembre 1930 plus de
151 lots issus de l’horizon culturel nahua au Mexique. Vivant au 20, avenue du
président Wilson à Paris, il semble profiter du goût français pour les réalisations
anciennes de son pays puisque la première vente lui est entièrement dédiée.
Connaissant l’intérêt des Français pour son pays pour avoir été sollicité par Louis
Metman pour l’exposition de 1928 sur « Les arts anciens de l’Amérique43 », il voulait
peut-être faire profit et alimenter l’entreprise indigéniste du Mexique.
44 Dans la même veine, le Mexicain Augusto Vallejo Leal dont l’adresse est située rue
Saint-Denis à Paris et qui est en contact direct avec Joseph Brummer à New York44,
vend le 25 mai 1934 près d’une trentaine de pièces mexicaines avec seulement
quelques objets guatémaltèques et d’Amérique centrale.
45 Enfin, un inconnu, Maza, localisé rue Chauchat à Paris, met en vente, le 25 et
26 février 1929, une trentaine de lots – des vases, des coupes, des masques, des
bijoux, et des fétiches – provenant tous du Mexique et principalement de la
civilisation nahua.
46 Le Pérou paraît séduire davantage les spécialistes puisque douze personnalités
possèdent des collections entièrement constituées de créations originaires de ce
pays.
47 Trois autres collectionneurs se distinguent par la grande quantité – environ
200 lots – de leur collection. Un certain Henri Golblin, dont la biographie nous reste
inconnue, vend pour la seule année de 192745 216 lots originaires du Pérou et
particulièrement de Nazca et du pays Chinchas.
48 Ensuite, Edmond Haenflein, collectionneur de Copenhague qui a déjà organisé en
1923 une petite exposition de pièces anciennes américaines aux musées royaux d’Art
et d’Histoire de Bruxelles et qui est décrit comme le propriétaire d’une « des
collections d’antiquités péruviennes les plus importantes d’Europe46 », vend une
partie importante de son fonds lors de l’enchère qui lui est consacrée le 22 mai 1928.
Titrée Arts du Pérou précolombien : collection Edmond Haenflein (première vente),
poteries Nazca, Recuay, Chiclayo, Cuzco, etc. ; bois sculptés ; vases en argent ; fétiches
en or, argent et bronze ; armes couteaux en bronze ; colliers ; instruments de musique ;
importante momie dans son manteau de plumes, collection d’étoffes, la vente
revendique la primauté de cette collection sur le marché, comme si cette
particularité augmentait la valeur voire l’authenticité des objets proposés. À cette
enchère, s’ajoutent celles du 16 octobre 1928 et du 26 février 1929 lors desquelles il
s’adjoint à d’autres vendeurs. En un peu plus d’un an, il écoule plus de quatre cents
lots provenant des cultures du Pérou – nazca, chiclayo, chimú, inca, chancay, recuay
et des régions de Trujillo, de Huacho, de Yauca et de Cuzco – et nourrit de manière
non négligeable le marché français de pièces précolombiennes.
49 Le marchand d’art slovaque et actif à Paris, Bela Hein vend également 229 lots du
Pérou – horizons nazca, chimu et inca – lors de l’enchère datée du 20 mai 1927.
Propriétaire d’une galerie parisienne à partir de 1923, il se consacre aux arts de la
Haute Époque ainsi qu’aux arts dits « primitifs47 ». Dans le réseau des marchands, il
fréquente le frère de Joseph Brummer, Ernest, le critique d’art Adolphe Basler et le
collectionneur Walter Bondy. Alors qu’il est décrit comme l’un des premiers
découvreurs de l’art nègre et qu’il participe à plusieurs événements sur ce thème
comme lors de l’exposition sur « L’art indigène des colonies françaises d’Afrique et
d’Océanie et du Congo belge » au pavillon de Marsan en 1923-192448, il semblerait
que son intérêt pour les arts précolombiens soit également à prendre en compte.
D’ailleurs, le centrage de sa collection sur le Pérou dénote une volonté de se
spécialiser dans une aire géographique précise.
50 Enfin, le Dr Édouard Gaffron, ophtalmologiste de Lippstadt est devenu, au début du
XIX siècle, un antiquaire spécialisé dans les productions péruviennes puisque plus de
e

11 000 antiquités de cette région lui passent entre les mains pendant sa période
d’activité berlinoise49. Sa collection était accessible au public à Lima, mais il la
transporte pour la revendre à Paris peu de temps avant son décès50. Après avoir
exposé ses pièces en 1928 chez A. Portier au 24 rue Chauchat, il commence à en
mettre une partie – 263 lots – sur le marché lors de l’enchère du 11 décembre de la
même année qui lui est entièrement consacrée puis lors de deux autres ventes – le
24 janvier 1930 et le 5 décembre 1930 – où il vend 174 lots. L’entièreté de sa
collection concerne le Pérou – Chimú, les régions d’Ica, de Huacho, d’Ancón, de
Chicana, de Santa-Clara, de Pachacamal et de Cuzco – mais avec une préférence
marquée par la culture nazca.
51 En 1927, d’autres nombreux lots de l’archéologie péruvienne sont mis sur le marché,
comme deux de Cosme de la Torriente y Paraza, homme politique et juriste cubain,
deux inconnus, Monsieur Magnier-Cadiot et Monsieur Maître, un certain Vidal –
peut-être Pierre Vidal-Senèze, explorateur et américaniste –, Madame Guintini,
probablement l’actrice Calixte Guintini et Madame Blaverie, femme du notaire Série.
Ces quelques vendeurs possèdent presque tous dans leur fonds des pièces chimu,
incas, nazcas et chinchas et dans une moindre mesure des objets « quichuas »,
chimbote ou provenant des régions d’Ancón, d’Ica, de Huacho ou de Trujillo. Ce goût
pour ces dix cultures précoloniales péruviennes, avec une nette préférence pour les
quatre premières, se retrouve également dans l’ensemble de la base de données, ce
qui indique qu’il était probablement partagé par une grande partie des Français et
que son esthétique, très géométrique, correspondait aux attentes artistiques
françaises ou au moins séduisait l’œil des amateurs. La mise en lumière de ces
préférences est corroborée par les nouvelles découvertes archéologiques,
notamment celle des géoglyphes nazcas en 1927 qui a probablement réactivé
l’intérêt des collectionneurs pour cette région51.
52 Pour le Pérou, 1927 est une année phare marquée par le fait que les principaux
collectionneurs proviennent du nord de l’Europe. Outre ce pays et le Mexique,
favoris chez les Français depuis le XIXe siècle, les années 1930 voient aussi
l’émergence d’un goût nouveau pour la Colombie et le Costa Rica.
53 Dans la même veine que pour les deux pays précédents, la diffusion des objets
colombiens et l’accroissement de leur valeur passent, entre autres, par leur entrée
sur le marché de l’art français. Ainsi, Madame Bartissol, probablement la femme
d’Edmond Bartissol, homme politique français et ingénieur au canal de Panama (qui
appartenait alors à la Colombie) vend deux pièces le 21 décembre 1927. La même
année, en décembre, un certain Hemmerdinger dont le nom presque illisible dans le
procès-verbal ne permet pas d’identification précise mise à part son adresse postale
(1, cité Paradis à Paris), vend plus de quatre-vingts lots issus de la côte colombienne,
surtout de Santa Marta. Un inconnu, Azam, met en vente, l’année suivante, le
28 avril 1928, 22 lots colombiens précoloniaux. Le même mois, le 4 avril 1928, le
Vicomte de Fontenay, collectionneur et ambassadeur à Madrid puis au Vatican, met
sur le marché 25 lots provenant de la côte colombienne précoloniale. Deux ans plus
tard, le 24 janvier 1930, le collectionneur Sidi, dont le passé nous est inconnu, vend
seize lots tandis que quatre mois plus tard, le 31 mai 1930, Brunon-Guardia,
probablement Georges Brunon-Guardia, le critique d’art et rédacteur en chef des
Cahiers de la République des lettres, des sciences et des arts52, en met cinq en vente.
Enfin, un autre collectionneur de pièces colombiennes précoloniales, sûrement
l’américaniste et consul du Nicaragua Désiré Pector, vend près d’une vingtaine de
lots de ce pays en 1927.
54 Pour le Costa Rica, il en est de même que pour la Colombie, les pièces ne sont pas
nombreuses, mais elles sont assez récurrentes pour qu’elles soient symptomatiques
d’un goût naissant pour ces pays. Si ce même Désiré Pector vend une dizaine de lots
en 1927, et que deux dames, Fernandez de Tunaco et Evelyn Grenier en vendent neuf
en mars 1928, il faut attendre le 26 février 1929 pour que des lots plus conséquents
(28) soient vendus par une certaine Madame de Tuseo et qu’une autre, Madame
Tinoco, épouse de Federico Tinoco Granados, ex-président du Costa Rica exilé à
Paris53, en vende douze l’année suivante, le 24 janvier 1930. Les archives de l’UCAD
conservent une lettre datée du 18 avril 1928 de Madame Tinoco adressée au
directeur du musée des Arts décoratifs Louis Metman54. Dans ce courrier, elle
explique sa participation à l’exposition sur les arts précolombiens de 1928, ses
contacts en Amérique latine et les prêts éventuels pour lesquels elle peut
s’entremettre. Ces informations mettent en lumière son rôle de médiatrice entre des
acteurs de la scène artistique parisienne et d’autres personnalités – archéologues et
politiques – latino-américains.
55 Le marché des pièces provenant du Costa Rica semble provenir majoritairement de
personnalités, essentiellement féminines, dont les noms ont des consonances latino-
américaines. L’adjonction de ces lots dans les ventes parisiennes survient surtout à
partir de l’année 1927, exactement comme pour le Pérou et la Colombie, ce qui pose
l’hypothèse d’un goût croissant pour ces pays au cours de cette période. De surcroît,
les vendeurs venant, en partie, de l’Europe du Nord et de l’Amérique latine,
semblent influer sur les préférences des Français.
56 L’analyse des vendeurs met en lumière une variété de personnalités, des spécialistes
aux amateurs, qui interagissent lors des ventes et donne un aperçu de l’amplitude
des collections possédées au cours de cette période.
57 Si le marché contribue à la reconnaissance des arts précolombiens sur la scène
artistique française, il génère également des tensions à la fois entre les différentes
disciplines et dans la conception même de la création artistique : pour reprendre les
mots d’André Breton, le marché participe d’une « crise de l’objet » qui fait émerger
« des champs de force55 » dont une grande partie des productions décoratives des
années 1930 est issue. D’ailleurs, l’étude des acheteurs révèle des artistes, des
musées et des mécènes qui sont les témoins et les acteurs de ces tensions. Elle permet
enfin de resserrer le réseau par la constatation que régulièrement, ceux qui vendent
sont aussi ceux qui achètent, mais aussi que les marchands achètent plus de lots sur
le marché secondaire qu’ils n’en vendent.

Les acheteurs
58 Grâce à la base de données, on dénombre près de quatre cents acheteurs, dont une
grande partie n’achète qu’une ou deux pièces précolombiennes. La plupart d’entre
eux nous sont inconnus mais d’autres, comme les musées, les artistes, les marchands
et les collectionneurs sont des personnalités actives dans le réseau du marché de
l’Amérique précoloniale.
59 Lors de la vente du 30 juin 1926, le musée d’ethnographie du Trocadéro n’achète que
des pièces africaines, mais le musée Cernuschi acquiert une dizaine d’objets
précolombiens et deux autres datant de la conquête espagnole. De même, le musée
Rochefort devient l’acquéreur en décembre 1932 de deux « importantes collections
de vases, fétiches et fragments de statue, en poterie grise » du Mexique (Nahua).
Enfin, le musée de Stockholm devient, lors de la vente du 11 décembre 1928, le
propriétaire d’une momie péruvienne.
60 Chez les artistes et écrivains, André Breton et Paul Éluard utilisent aussi le marché
pour étoffer leurs collections. Le premier achète plusieurs fois en 1927 – sachant
qu’il rachète parfois ses propres objets, peut-être lorsque le prix de l’enchère ne lui
convient pas – quatre pièces du Pérou (Chinchas) en avril 1927, trois céramiques
chimú le mois suivant, cinq du Pérou et du Nicaragua en juin, deux du Mexique et de
Colombie en décembre de la même année et enfin une autre mexicaine en
février 1929. Bien qu’il dépense en moyenne trois cents francs par objet –
précolombien, africain ou océanien –, il fait une exception de taille pendant la vente
du 30 juin 1927 lorsqu’il paie trois mille trois cent cinquante francs un « Tsauté : tête
d’Indien momifiée après désossement, selon la méthode des Indiens Jivaros. Elle est
ornée d’une longue chevelure, décorée d’élytres de buprestes et de plumes de
toucan, et enfermée dans une vitrine » provenant du Pérou.
61 Son camarade Paul Éluard présente à peu près la même fréquence de participation
avec une activité d’acheteur lors de quatre ventes. Le 20 mai 1927, il achète 17 pièces
précolombiennes principalement du Pérou (Chimú) et seulement deux du Mexique.
Ensuite, il se fait l’acquéreur, le 20 novembre 1928, d’un vase chinchas (Pérou) qu’il
obtient du marchand Georges Aubry. Puis, sous le nom d’Eugène Grindel, il achète
onze lots de l’Amérique précoloniale au cours de l’année 1928 (22 mai, 14 novembre
et 20 novembre) avec toujours une préférence pour les créations péruviennes.
62 Il faut leur ajouter le très actif poète et écrivain roumain Tristan Tzara. De 1927 à
1930, il est recensé neuf fois56 en tant qu’acheteur sur le marché. L’artiste, ancien
chef de file du mouvement dada, s’est laissé séduire, surtout en 1928, par près de
100 lots provenant des 5 continents dont une soixantaine est issue de l’Amérique
précolombienne. Ses faveurs vont d’abord au Pérou (Chinchas, Inca, Nazca), puis à la
Colombie, au Mexique et au Costa Rica. S’il achète à tous les prix – de treize à mille
francs –, il s’octroie malgré tout deux œuvres onéreuses : un grand fétiche
anthropomorphe nahua (Mexique) à deux mille cent cinquante francs et un
pendentif « Heï Tiki » de Nouvelle Zélande à trois mille deux cent cinquante francs.
En écrivant régulièrement sur les arts précolombiens, comme dans les Cahiers d’art
en 192857, et en participant aux événements liés aux créations extra-occidentales,
Tristan Tzara se place donc au cœur de ce réseau et s’attelle à « souligner le
parallélisme qui existe entre les arts des peuples d’Amérique qui, quoique peu
intimes et encore moins destinés à flatter les complaisances humaines, touchent de
près aujourd’hui ceux qui, pour satisfaire à leur légitime recherche d’un absolu
moral, ont été amenés à saper les fondements des valeurs consacrées58 ».
63 Si ces artistes collectionnent des objets extra-occidentaux dès le début des années
1920, il semble, d’après les données de la base, qu’ils n’achètent qu’à partir de 1927
et que dès lors, ils participent régulièrement aux enchères. D’autres artistes
surréalistes, bien qu’absents dans cette base possèdent des collections
précolombiennes tels que Benjamin Péret, Wolfgang Paalen, Max Ernst et Roberto
Matta59.
64 Les surréalistes ne sont pas les seuls à s’intéresser au marché des arts dits
« primitifs » puisque les cubistes tels qu’André Lhote, Jacques Lipchitz et Marcel
Gromaire se recensent aussi parmi les vendeurs. De nombreux auteurs tels que
Barbara Braun60, César Paternosto61 et Delphine Berge ont également démontré que
maints artistes de l’avant-garde possédaient des pièces précolombiennes comme
Henry Moore, Jacob Epstein, Pierre Soulages, Arman et Hans Hartung.
65 André Lhote, venu de la sculpture décorative et fondateur d’une académie à Paris en
1925, fait partie des principaux représentants du mouvement cubiste en France. Il
achète régulièrement des objets extra-occidentaux ou les échange62. Répertorié dans
quatre ventes63, il achète en grosse quantité des pièces américaines, océaniennes et
africaines. Il semble d’abord s’intéresser au Pérou – particulièrement à la culture
chimú – et dans une moindre mesure aux Incas et aux productions de la région
d’Ancón. En revanche, en 1932, il acquiert deux œuvres du Mexique (Zapotèque) et
une autre du Pérou (Nazca). Son choix d’acquérir exclusivement des vases de ces
régions est forcément lié à sa pratique artistique mais peut être aussi dû aux
étudiants qu’il fréquente dans son académie. Nombre d’apprentis artistes latino-
américains suivent ses cours, tels que la Brésilienne Tarsila do Amaral, l’Argentin
Antonio Berni et la Péruvienne Elena Izcue. Ces peintres se caractérisent tous par
leur engagement dans la recherche d’un art proprement latino-américain prenant sa
source dans les arts précolombiens64.
66 Le sculpteur cubiste Jacques Lipchitz achète aussi sur le marché de l’art français
mais en quantité beaucoup plus réduite puisqu’il n’est répertorié qu’une seule fois
dans la base de données. Lors de la vente du 14 novembre 1928, il s’est laissé
séduire, sans doute grâce à l’élan venu de l’exposition des « Arts anciens de
l’Amérique » au pavillon de Marsan quelques mois plus tôt, par un vase funéraire
anthropomorphe de la civilisation nahua (Mexique). Acheté au vendeur Pani pour
huit cent cinquante francs, il l’installe chez lui, au 9, allée des Pins à Boulogne-sur-
Seine.
67 Enfin, le peintre, graveur et dessinateur Marcel Gromaire devient propriétaire au
cours de la même vente de trois objets nahuas (Mexique) – une statue
anthropomorphe, une statuette et une poterie – pour une somme totale de mille cent
vingt francs.
68 Il est intéressant de noter que ces deux derniers artistes acquièrent des pièces
précolombiennes sur le marché de l’art secondaire en 1928, soit quelques mois après
l’événement au musée des Arts décoratifs.
69 Les spécialistes se laissent également séduire par les créations américaines
précoloniales. Dans la liste des acheteurs, on retrouve des vendeurs cités
précédemment, tels que Pierre Loeb, Roland Tual et André Portier. Le premier
achète à Georges Aubry quatre pièces péruviennes chinchas le 20 novembre 1928 et
le second en acquiert trois en juin 1927, une en décembre de la même année, deux
autres en mars 1928 et trois lots en mai 1930. À en juger par ses choix d’acquisitions,
les goûts du cinéaste R. Tual semblent se tourner vers le Pérou (Chinchas), le Costa
Rica et la Colombie. Les deux premiers achètent en quantité raisonnable mais le
troisième, en revanche, se fournit ostensiblement sur le marché secondaire.
70 L’expert André Portier, devient, le temps de 19 ventes, acheteur d’art précolombien.
Il commence en 1927 (20 mai, 30 juin et 21 décembre) par acquérir 97 pièces
américaines, puis en 192865, au cours de 7 ventes, il devient propriétaire de 69 objets
de cette région, en 192966 il en paye 21, 45 l’année suivante67, 5 en mars 1931, 1 en
mai 1934 et enfin à nouveau 5 en juin 1936. Ses préférences vont clairement au
Pérou, particulièrement aux cultures chimú et chinchas, mais également nazca,
« quichuas », yauca et aux régions de Cuzco, Chiclayo, Trujillo et Huacho. Par la
suite, il favorise le Mexique, surtout la civilisation nahua ce qui ne l’empêche pas
d’acquérir des pièces de Colombie, du Costa Rica, du Guatemala, du Venezuela, du
Nicaragua et de Haïti. Si ses choix vont dans le sens du goût généralement partagé
par les Français pour le Mexique et le Pérou, l’aspect hétéroclite de ses achats dénote
une plus large amplitude dans ses intérêts. Ses acquisitions sont en grande partie
pour lui mais d’après les procès-verbaux, il achète également pour un certain
Chardan Hobaïca et pour un « Acka » dont le nom nous est resté peu lisible, donc
soumis à incertitude. André Portier, qu’il soit expert ou acheteur, apparaît comme
une des figures majeures du marché de l’art des œuvres dites « primitives » au cours
de l’entre-deux-guerres.
71 L’autre pièce maîtresse de cet échiquier est sans doute le marchand d’objets
« primitifs » d’origine tchèque, Ernest Ascher qui travaille avec Georges de Miré et
collabore avec Charles Ratton à la vente d’André Breton et Paul Éluard en 1931. S’il
commence à acheter des pièces africaines en 1926, c’est à partir de 1927 qu’il devient
acquéreur d’objets précolombiens. De cette année à 1937, il appartient, en tant
qu’acheteur, à 15 ventes d’art extra-occidental68 et acquiert à chaque fois entre 1 et 7
créations précolombiennes sauf en décembre 1927 où il en achète 14 et 27 autres en
février 1929. Ses choix d’acquisitions s’orientent d’emblée vers le Mexique (Nahua)
et le Pérou (Chimú, Quichuas, Inca), mais il se laisse aussi régulièrement prendre par
des objets anciens de Colombie, du Chili et du Costa Rica. Le nombre de ses achats
ainsi que le prix des enchères révèlent des moyens financiers conséquents, pour ce
marchand installé rue des Beaux-Arts à Paris. En mai 1928, il devient propriétaire
d’un lama sculpté du Pérou acheté à Edmond Haenflein pour trois mille deux cents
francs et en février 1929, il achète à A. Pani un grand metate en pierre mexicain et
une statue en pierre sculptée du Costa Rica d’une valeur de mille trois cent cinq
francs chacun. Les 4 et 5 décembre 1930, plusieurs de ses acquisitions dépassent des
sommes relativement élevées comme une urne funéraire mexicaine à mille cent
cinquante francs, une autre pour mille soixante et, à titre de comparaison, il s’offre
aussi un grand casse-tête des îles Marquises d’une valeur de deux mille huit cents
francs. Lors de sa première vente d’objets précolombiens en 1927, il ne dépasse pas
plus de six cents francs pour une pièce, mais l’année suivante il acquiert plusieurs
lots à trois mille francs chacun dans une même vente. Très présent sur le marché, il
semble acheter autant de pièces américaines précoloniales américaines
qu’africaines, océaniennes, sans favoriser une région plus qu’une autre.
72 Son compère, le marchand d’art « primitif » Charles Vignier participe lui aussi très
régulièrement aux ventes, puisqu’il est recensé onze fois entre 1927 et 193069. Dans
son choix de pièces précolombiennes, il opte ostensiblement pour le Pérou,
principalement chimú mais aussi nazca, lambayeque et du pays chinchas et
s’intéresse aussi particulièrement au Chili. Ces faveurs ne l’empêchent pas
d’acquérir des objets du Venezuela, du Nicaragua, du Costa Rica, du San Salvador,
du Guatemala, de Guyane, du Brésil et du Mexique. D’ailleurs, cette variété se
retrouve dans la mise en vente de pièces de provenances similaires à l’hôtel Drouot
par son frère, l’antiquaire Émile Vignier, le 16 et 17 mars 1932.
73 Si son budget est en moyenne de quatre à cinq cents francs par pièce qu’elle soit
d’Amérique ou d’Océanie (mais moins pour le Japon), il va tout de même, lors de la
vente du 21 décembre 1927, dépenser six mille francs pour un pectoral de cuivre
mexicain et le 22 mai 1928, il paye cinq objets du Pérou précolombien plus de trois
mille francs dont cinq fragments de bandeau vendus à six mille neuf cents francs.
Son attrait pour cette aire dépasse le simple intérêt mercantile puisqu’en 1929, il fait
don au musée des Arts décoratifs de Paris d’un galon et de quatre fragments de
tissus précolombiens du Pérou70.
74 Ces éléments nous donnent une idée de la valeur de ces pièces pour les Français et
nous démontrent que les arts de ces régions, contrairement à ce que les historiens
l’ont laissé entendre jusqu’alors, tenaient une place importante sur le marché
parisien, où leur estimation était tout aussi haute, sinon plus, que les pièces
africaines et océaniennes.
75 Ensuite, le marchand d’art slovaque Bela Hein vend autant qu’il achète puisqu’il
participe en tant qu’acheteur à 9 ventes entre 1927 et 192871 et acquiert 138 lots
contenant majoritairement des pièces péruviennes (nazcas, chimú, yaucas, recuay,
incas et des régions Ica et Chinchas) et quelques autres mexicaines (nahua) et
costariciennes. À plusieurs reprises, il dépense des sommes élevées (plus de
deux mille francs) et va même jusqu’à acheter le 22 mai 1928 une momie péruvienne
dix huit mille francs et dix mille cinq cents francs en novembre de la même année
pour un masque mexicain. Son budget est particulièrement important puisqu’il paye
en moyenne mille francs pour une pièce issue du Pérou précolombien.
76 Le dernier marchand très actif sur ce marché est sans doute Charles Ratton puisqu’il
occupe les salles de l’hôtel Drouot en qualité d’acheteur dix-neuf fois entre 1927
et 1934. S’il ne vend quasiment pas, il semble en revanche se fournir pour sa galerie
sur le marché secondaire parisien. Au cours de ces sept ans, il acquiert plus de
230 lots précolombiens et couvre, par la diversité de ses achats, tout l’espace latino-
américain. S’il préfère les pièces péruviennes, notamment nazcas, mais aussi
d’autres cultures – recuay, chimú, inca et des régions d’Ica et de Chincas –, il jette
également son dévolu sur la Colombie, sur le Mexique (Nahua) dans les années 1930
et, dans une moindre mesure, sur le Brésil, le Chili et l’Amérique centrale. Grâce à
des fonds financiers apparemment conséquents, il achète à maintes reprises des
pièces coûteuses comme deux anneaux en or de Colombie en décembre 1927 qu’il
paye sept mille six cents francs. Il profite donc du marché pour se fournir en objets
américains précoloniaux et océaniens – qu’il commence à acheter à partir de 1930 –,
mais n’acquiert que peu de pièces africaines qu’il se procure probablement par
d’autres biais.
77 La base de données met en lumière une multitude d’autres marchands tels que
Georges Aubry dont les faveurs vont au Pérou, Louis Carré qui préfère aussi ce pays
bien qu’il se tourne à maintes reprises vers la Colombie et enfin le marchand grec
Emmanuele Segredakis qui appartient à huit ventes entre 1928 et 1939 et suit ce
goût pour la terre des Incas tout en l’ouvrant aux pièces du Costa Rica en 1939.
78 Parmi ces acheteurs se retrouvent les noms des vendeurs précédents tels que
Maurice Fabre, le Dr Gaffron, Golblin, Georges De Miré, Edmond Haenflein, Walter
Blondy, Jean-Louis André-Bonnet et Arthur Bloche. Présents dès 1927, ils achètent
moins qu’ils ne vendent, mais quasiment tous préfèrent, en ce qui concerne
l’Amérique précolombienne, le Pérou et dans une moindre mesure le Mexique.
79 Quelques noms se détachent dans ce groupe de collectionneurs privés comme celui
de Paul Chadourne. Ce médecin et artiste proche des avant-gardes qui écrit un
article sur le peintre Roger de la Fresnaye dans les Cahiers d’art de 192872,
collectionne les arts précoloniaux américains et fait don d’une partie de son fonds de
pièces péruviennes au musée d’ethnographie du Trocadéro en janvier 193273.
Seulement recensé dans trois ventes – le 11 décembre 1928, le 14 novembre de la
même année et le 2 décembre 1929 –, il acquiert majoritairement des objets nazcas
(Pérou) et quelques autres mexicains mais s’intéresse surtout aux créations
océaniennes.
80 Dans le même ordre, le collectionneur Alphonse Kann achète dès 1927,
probablement sous l’influence de son ami David David-Weill, des œuvres d’art
« primitif » sur le marché français74. Entre 1927 et 1929, son nom n’est relevé que
trois fois75 pour dix lots concernant l’Amérique précolombienne alors qu’il en achète
beaucoup plus provenant d’Asie, d’Inde et d’Égypte. En revanche, ces quelques
achats américains concernent exclusivement le Mexique (Nahua) et le Pérou (Nazca)
et rassemblent des vases, des fétiches, des coupes et une tête momifiée.
81 Le mécène français, Vicomte de Noailles achète également quelques objets du Pérou,
du Mexique et de l’Amérique centrale en mai 1927 et en mai 1928. Madame Titus,
qui est en réalité l’industrielle polonaise Helena Rubinstein76, profite aussi du
marché français en 1928 et en 1930 pour se procurer une vingtaine de lots
péruviens, mexicains, tahitiens et colombiens. Bien qu’elle dépense six mille deux
cents francs pour un morceau de tapisserie de l’ancien Pérou en mai 1928, elle
consacre la majeure partie de son budget à l’Afrique.
82 Parmi ces quelques exemples, le minéralogiste et Colonel Louis Vésigné s’ajoute par
sa présence lors de dix ventes entre 1928 et 1934, au cours desquelles il achète des
lots provenant de toute l’Amérique précolombienne et de toutes natures – fétiches,
amulettes, pierres, statuettes, bijoux, etc. Si ses achats dépassent rarement mille
francs, il outrepasse une seule fois son budget régulier en se portant acquéreur de
quatre colliers de momie mexicaine pour mille huit cents francs en décembre 1929.
83 La présence de personnalités latino-américaines dans le groupe des acheteurs est
assez notable pour être soulignée. Madame de Tuseo ainsi que Madame de Tinoco,
épouse de l’ex-président du Costa Rica exilé à Paris Federico Tinoco Granados77,
probablement d’origine costaricienne, achètent la première en février 1929 et la
seconde en janvier 1930 chacune une dizaine de lots de leur pays. Le collectionneur
mexicain Alberto José Pani profite en revanche de ce marché pour se procurer des
pièces de sa nation, notamment une vingtaine entre janvier 1930 et décembre 1932.
Son compatriote, l’écrivain péruvien César Vallejo fait de même en décembre 1927 et
en mai 1934 avec l’achat d’une trentaine de pièces. Enfin, la dernière personnalité à
relever est l’écrivain et politique péruvien Ventura García Calderón. Missionné par le
mécène Rafael Larco Herrera en 1926 pour organiser une exposition sur les
productions anciennes de son pays et publier le recueil d’ornements d’Elena Izcue, il
se rend acquéreur en mars 1928 de trois vases chimú.
84 La présence de ces personnalités d’Amérique latine indique qu’ils utilisent le marché
parisien pour se procurer des pièces de leur propre pays et leur qualité de vendeurs,
pour certains, sous-entend une probable volonté de tirer profit de leur passé et de
l’intégrer dans les civilisations occidentales par l’intermédiaire des ventes.

Les prix
85 L’analyse de l’évolution des prix des objets précolombiens sur le marché secondaire
parisien permet autant d’appréhender leur valeur par rapport aux autres arts extra-
occidentaux que d’entrevoir les goûts en fonction de la fluctuation des enchères.
Quoique certains procès-verbaux manquent dans les fonds d’archives, ce qui ne
nous permet pas de connaître les résultats de quatre enchères, la quantité
d’éléments recensés dans la base de données nous autorise à donner une estimation
des prix en fonction des aires géographiques.
86 D’après les données recueillies, nous pouvons affirmer qu’une grande partie du
commerce des objets précolombiens sur le marché secondaire français s’est effectué
à la fin des années 1920. En 1927, 997 lots de cette ère sont passés en vente à l’hôtel
Drouot et l’année suivante en dénombre 1 265 avec des prix allant de six cents à près
de mille francs78. Ces deux années, avec celle de 1929 durant laquelle plus de 700 lots
sont mis en vente, représentent un « pic » dans la vente d’objets précolombiens à
Paris dans l’entre-deux-guerres. En effet, d’après les statistiques rendus par la base,
moins de 200 lots provenant de l’Amérique précoloniale sont vendus sur le marché
secondaire parisien entre 1926 et 1939.
87 À partir de ces données, seuls quatre pays d’Amérique latine ressortent : le Pérou, le
Mexique, le Costa Rica et la Colombie. Ce premier élément nous indique à nouveau
que ces quatre nations obtiennent les faveurs des Français au début du XXe siècle et
qu’en dépit de l’abondance des pièces péruviennes et mexicaines excavées lors des
fouilles, les prix ne baissent pas. En revanche, les objets du Costa Rica et de la
Colombie se faisant plus rares et plus difficiles à obtenir en raison probablement des
lois protectionnistes de ces pays, les quelques lots vendus deviennent rapidement
chers.
88 S’il est impossible de lister tous les prix des pièces précolombiennes vendues, notons
que dans les lots vendus à plus de deux mille francs, les trois quarts proviennent du
Pérou. Ensuite, pour les lots achetés à plus de trois mille francs, le Mexique
supplante l’aire andine. De surcroît, si le lot le plus cher – soixante-quatre mille
francs – répertorié dans la base de données provient de l’art Cham, les deux suivants
sont issus de l’Amérique précolombienne. Le 14 novembre 1928, Monsieur Nicolas,
dont nous ignorons l’identité, achète à Alberto Pani une statuette en jadéite
représentant une divinité anthropomorphe mexicaine de la civilisation nahua pour
la somme de trente-quatre mille francs79. Néanmoins, le record pour cette aire
géographique a été battu le 30 juin 1927 par le marchand André Portier qui acquiert
auprès d’Arthur Bloche un vase anthropomorphe fracturé provenant de Colombie
pour quarante et un mille cinq cents francs. À titre de comparaison, les prix pour des
pièces d’Océanie n’excèdent pas, pour les plus onéreuses, quinze mille francs pour
une tête humaine de l’île de Pâques et dix-huit mille francs pour une statue Ouli de
Nouveau Mecklembourg, vendues en mai 192880. Pour l’Afrique, les prix sont
beaucoup moins élevés et ne dépassent que rarement les deux mille francs, exceptée
une statuette du Cameroun achetée par Charles Ratton à Paul Éluard et adjugée à
quatorze mille cent francs le 3 mai 1931. Ces quelques exemples mettent en lumière
la cherté des objets précolombiens sur le marché secondaire par rapport aux objets
d’Océanie et d’Afrique.
89 Enfin, les pièces de l’Amérique latine précoloniale occupent notablement le marché
secondaire français, particulièrement celles du Pérou présentes en grand nombre car
moins chères, et celles du Mexique et de la Colombie moins nombreuses, mais
beaucoup plus onéreuses. Ainsi que l’explique Rolande Bonnain : « La valorisation
des objets d’arts premiers tient d’abord à leur rareté, mais à rareté égale, les objets
ont plus ou moins de valeur en fonction de leur taille, de leur matériau ou
simplement de la mode qui les met soudain en vedette81. » Les pièces mexicaines,
particulièrement les civilisations aztèque et nahua, sont davantage estimées par les
Français. Dans ce cas précis, les échelles de prix sont sans doute établies d’après les
critères de goût de l’époque et non pas d’après les quantités d’objets disponibles sur
le marché82. Au contraire, pour la Colombie, l’argument de la rareté semble pertinent
puisque cette aire géographique n’est que peu représentée dans les collections
françaises et que ce pays, ainsi que le Costa Rica commencent à être valorisés à la fin
des années 1930.

De l’authentique au faux
90 La question de l’authenticité de l’objet précolombien ou, dans le jargon du marché
de l’art, de son pedigree, se pose dès lors que ces pièces entrent dans les registres
des salles de ventes publiques. La signature, pour ces objets anonymes, ne peut bien
sûr pas être un critère. Par conséquent, est désormais considérée comme
« précolombienne » toute pièce réalisée avant la conquête espagnole et sa valeur est
déterminée, entre autres, par sa culture originelle. Le milieu, l’époque et l’usage
deviennent alors « un gage d’authenticité ». Dans les catalogues de vente, les
descriptions des lots précisent quasiment systématiquement le pays et la culture de
l’objet ainsi que sa temporalité : précolombienne ou coloniale. Une pièce authentique
nahua du Mexique coûte plus cher qu’une autre « seulement » mexicaine et sa valeur
augmente si tel artiste l’a possédée. Le contexte d’élaboration de l’objet ne peut être
détaché de l’histoire du regard des contemplateurs puisque les deux participent de
l’authenticité et donc de la valeur attribuée à une création de l’Amérique pré-
conquête.
91 L’attrait nouveau pour ces pièces dans l’entre-deux-guerres suscite un appétit
croissant chez les Français désireux de posséder ces œuvres à la mode, si bien que
l’offre ne peut plus répondre à la demande, obligeant les marchands à avoir recours
à des pièces factices, surtout pour les objets de la culture zapotèque83. L’étude de la
production de faux précolombiens permet d’appréhender l’impact de ce marché
naissant en France au cours de cette période. Ainsi que l’explique Pascal Mongne, la
production de faux existe depuis le début de la conquête pour subvenir aux désirs
des Espagnols de posséder ces exoticas. Néanmoins, ce « phénomène sociologique »
s’accroît conséquemment au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, probablement
en raison de la présence française au Mexique (Commission Scientifique) qui
favorise l’attrait pour ces civilisations passées. La présence de faux sur le marché
des collectionneurs poursuit son accroissement jusqu’à son apogée à Paris dans les
années 1920. La capitale française, devenant le point névralgique des ventes d’arts
précolombiens en Europe, alimente la production de contrefaçons qui sont parfois
réalisées avec des attributs français ou occidentaux tels que le bonnet phrygien ou
avec des formes Art Déco84. Une dizaine d’années plus tard, cet élan autour des faux,
particulièrement zapotèques (Mexique), diminue à cause de la crise financière pour
s’éteindre pendant dans la décennie suivante85. Notons enfin que la diffusion de faux
a servi le discours propagandiste du président mexicain Venustiano Carranza
lorsqu’il fait envoyer des pièces précolombiennes – orignaux et faux – dans les
consulats mexicains à l’étranger afin d’étendre l’image de son pays86.
92 Cette base de données réalisée en collaboration avec Léa Saint-Raymond met en
lumière des éléments inédits sur le marché des pièces précolombiennes dans la
France de l’entre-deux-guerres. Il ressort de ces données un vaste réseau de
professionnels du marché, auquel répond un milieu de collectionneurs spécialisés ou
amateur, français ou étrangers, profitant de cet attrait pour l’ère précolombienne.
Dans cet espace marchand se rencontrent différentes personnalités – scientifiques,
marchands, amateurs, politiques, artistes – dont les intérêts, pourtant variés,
convergent autour de ces pièces. Au-delà de ces échanges transdisciplinaires, la
présence d’objets précolombiens dans les ventes a permis d’« imposer l’art primitif
par le seul regard esthétique, évacuant ainsi le créateur originel87 ». Les prix
attribués aux pièces mexicaines et colombiennes confirment cette affirmation et
ajoutent, en plus des témoignages écrits, un élément économique à l’argument d’une
modification de statut des artefacts ethnographiques en œuvres d’art. Bien que
l’histoire de l’art ait en partie occulté la place faite aux arts de l’Amérique
précoloniale, il apparaît, avec ces données, qu’ils ont eu beaucoup plus d’intérêt et
d’impact en France, d’un point de vue financier et artistique. Si l’attrait pour le
Mexique et le Pérou semblait déjà évident grâce à l’étude des collections et des
expositions, le Costa Rica et la Colombie semblent en revanche susciter un
engouement nouveau et leur présence est sûrement due à celle de vendeurs venus de
ces deux pays.
93 L’analyse de la « logique de situation », pour reprendre l’expression de Karl
Popper88, nous autorise à constater que la présence des civilisations
précolombiennes, des Mexicains et des Péruviens en France induit une
reconfiguration des conceptions française et latino-américaine de l’altérité ; on passe
à une appréhension positive de processus de filiation, enrichissant l’identité
moderne sur les plans scientifique, historique et artistique. L’« étranger latino-
américain » devient une partie intégrante d’une identité moderne plurielle ; il ne
représente plus un « ailleurs » seulement rêvé – même s’il le reste en partie
jusqu’aux premières années du XXe siècle – mais devient aussi l’incarnation d’un
champ des possibles dans des domaines aussi variés que l’économie, la politique ou
les arts.
94 La volonté d’assimilation réciproque de ces pays à la France et l’appréhension des
différents codes culturels qu’elle implique, pose les bases de la formation d’un
discours esthétique métissé – franco-latino-américain – au début du XXe siècle. Cette
éducation éthique et surtout visuelle, en ménageant une place à l’Homme
précolombien et latino-américain, facilite les appropriations ornementales des
années 1930. Cette nouvelle « auratisation89 » autour de l’Amérique latine brouille les
anciennes conceptions spatiales, temporelles et visuelles et participe à la création
d’une nouvelle valeur symbolique, qui situe l’objet perçu comme outil de
connaissance et de rapprochements internationaux mais le dégrade tout autant en
lui ôtant son statut symbolique ou sacré. De plus, les objets précolombiens, vieux de
plus de quatre siècles, deviennent des « nouveautés » dont l’aspect « inédit » va
séduire les artistes décorateurs français du siècle suivant.
95 Emportés par cette vague, les décorateurs français commencent, vers la fin des
années 1920, à renouveler leur répertoire de formes grâce aux motifs précolombiens
et ces vastes constructions socio-culturelles nous permettent déjà d’émettre
l’hypothèse d’un effet générationnel : tous les créateurs analysés dans cette étude
sont nés au cours de cette période de mise en place du regard sur les arts
précolombiens.

Notes
1. DERLON Brigitte et JEUDY-B ALLINI Monique, op. cit., p. 47.

2. ÉTIENNE Noémie, CHARPY Manuel et ESTEBANEZ Jean, « Introduction », in Material Culture Review:
Things Between Worlds. Creating Exotism and Authenticity in the West, From the 19th Century to the
Present, 2014, no 79, p. 1.

3. MERLEAU-PONTY Maurice, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 44


[http://classiques.uqac.ca/classiques/merleau_ponty_maurice/phonomenologie_de_la_perception/phonomenologie_de_la_perceptio
(consulté le 6 juin 2016).

4. Ibid., p. 100.

5. DERLON Brigitte et JEUDY-B ALLINI Monique, « Domestication and the Preservation of Wildness: the Self
and the Other in Primitive Art Collecting », in Material Culture Review: Things Between Worlds.
Creating Exotism and Authenticity in the West, From the 19th Century to the Present, 2014, no 79, p. 92.

6. Ibid.

7. GOMBRICH Ernest Hans, La préférence pour le primitif : épisodes d’une histoire du goût et de l’art en
Occident, Paris, Phaidon, 2004, p. 194.

8. DIAS Nélia, « Des arts méconnus aux arts premiers : inclusions et exclusions en anthropologie et en
histoire de l’art », Histoire de l’art et anthropologie, 2007, no 60, p. 7.

9. PASSUTH Krisztina, « Plus qu’un marchand, une éminence grise : Joseph Brummer, ami d’Henri
Rousseau », in DUPONT Valérie (dir.), Tribus contemporaines : explorations exotiques des artistes
d’Occident, actes du colloque de Dijon, 5 et 6 mai 2000, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, p. 45.

10. CAZAUMAYOU Sophie, Objets d’Océanie. Regards sur le marché de l’art primitif en France, Paris,
L’Harmattan, 2007, p. 76.

11. B IRO Yaëlle, « African Arts Between Curios, Antiquities, and Avant-Garde at the Maison Brummer,
Paris, (1908-1914) », Journal of Art Historiography, juin 2015, no 12, p. 11-12.

12. CAZAUMAYOU Sophie, op. cit., p. 52.

13. Les dix commissaires-priseurs recensés sont : Fernand Lair-Dubreuil, Léon Flagel, Alphonse
Bellier, Étienne Ader, Marcel Pognon, Edmond Petit, Henri Baudoin, Robert Glandaz, Pierre-Roger
Recourat-Chorot et Jean Dubourg.

14. VOSY-B OURBON H., « Ventes aux enchères d’objets d’art de l’Amérique précolombienne », Journal de
la Société des américanistes, 1929, vol. 21, no 1, p. 303.

15. CAZAUMAYOU Sophie, op. cit., p. 30.

16. DAGEN Philippe et MURPHY Maureen, op. cit., p. 82-85.

17. Conférer la rubrique « acquisitions » dans le Bulletin du musée d’ethnographie du Trocadéro publié
de 1931 à 1934. Charles Ratton fait don de plusieurs pièces, dont des péruviennes, au musée en 1932,
1933 et 1934. Ses compères Louis Carré et Pierre Loeb donnent également des objets en 1931 et 1932.

18. B ONNAIN Rolande, L’empire des masques, Paris, Stock, 2001, p. 33.

19. WARIN François, La Passion de l’origine : essai sur la généalogie des arts premiers, Paris, Ellipses,
2009, p. 33.

20. B ONNAIN Rolande, op. cit., p. 33.

21. WARIN François, op. cit., p. 33-34.


22. ROSSELIN Céline, « La matérialité de l’objet et l’approche dynamique-instrumentale », in WARNIER
Jean-Pierre, Le paradoxe de la marchandise authentique. Imaginaire et consommation de masse, 1994,
Paris, L’Harmattan, p. 153.

23. B ONNAIN Rolande, op. cit., p. 42.

24. RIVIÈRE Georges Henri, « Les grandes ventes. La collection d’art primitif de M. G. de Miré », L’Art
vivant, décembre 1931, no 155, p. 666.

25. Ibid.

26. RATTON Charles, « Les ventes. Collection G. de Miré. Sculptures d’Afrique et d’Amérique », Cahiers
d’art, 1931, no 9-10, p. 453-454.

27. « La collection d’art de M. G. de Miré », Vogue, juillet-décembre 1931, tome 60, p. VI- VII.

28. « Collection d’art de M. G. de Miré », Art et décoration, juillet-décembre 1931, tome 60, p. VI.

29. « 16 décembre 1931, collection de G. de Miré. Sculptures d’Afrique et d’Amérique », Beaux-Arts,


revue d’information artistique, décembre 1931, no 12, p. 11.

30. RATTON Charles, « Les ventes. Collection G. de Miré. Sculptures d’Afrique et d’Amérique », art. cité,
p. 453.

31. RIVIÈRE Georges Henri (préf.), Collection G. de Miré. Sculptures anciennes d’Afrique et d’Amérique,
vente du 16 décembre 1931, hôlel Drouot, Argenteuil, Impression de Couloma, 1931, 48 p.

32. RIVIÈRE Georges Henri, « Les grandes ventes. La collection d’art primitif de M. G. de Miré », art.
cité, p. 666.

33. FÉNÉON Félix, « Fin de l’enquête sur des arts lointains », art. cité, p. 729.

34. HAMY Ernest-Théodore, « Désiré Pector. Notes sur l’américanisme. Quelques-unes de ses lacunes
en 1900 », Journal de la Société des américanistes, 1901, vol. 3, no 2, p. 203.

35. Ibid.

36. Ibid.

37. FAUCOURT Camille, op. cit., p. 39.

38. Archives de l’UCAD, dossier « Exposition de 1928 », D1-169, lettre de Jean-Louis André-Bonnet à
Louis Metman datée du 03 avril 1928.

39. B ELLIER Alphonse, CARRÉ Louis, RATTON Charles et KELLER Georges F., Sculptures d’Afrique, d’Amérique
et d’Océanie. Collection André Breton et Paul Éluard, vente hôtel Drouot du 2 et 3 juillet 1931, Paris,
impr. Vigier et Brunissen, page de titre.

40. CAZAUMAYOU Sophie, op. cit., p. 103.

41. Ibid., p. 109.

42. DAGEN Philippe et MURPHY Maureen, op. cit., p. 30.

43. Archives de l’UCAD, exposition de 1928, D1/169 : lettre datée du 7 juillet 1928 de Alberto José Pani
à Louis Metman.

44. Archives du Metropolitan Museum of Art, Thomas Watson Library, fonds Joseph Brummer, X1201,
carte datée du 24 mai 1938.

45. Il vend lors des enchères du 7 et 8 avril 1927, du 30 juin 1927 et du 17-21 décembre 1927.

46. MONTENS Valérie, archives des musées royaux d’art et d’histoire, dossier d’étude et de préparation
du tableau de tri 2008, Bruxelles, 2008, p. 33 [http://www.arch.be/docs/surv-toe/TT-
SL/fed/MRAH_EP_2008_DEF.pdf] (consulté le 04 mai 2016).

47. FAUCOURT Camille, op. cit., p. 30.

48. GRUNNE Bernard de, Bela Hein, grand initié des ivoires Lega, Paris, Adam Biro, 2001, p. 3-6.

49. GÄNGER Stéphanie, Relics of the Past: The Collecting and Study of Pre-Columbian Antiquities, Oxford,
University Oxford Press, 2014, p. 111.

50. Ibid.

51. La civilisation nazca était connue des Européens mais les géoplyphes nazcas sont découverts en
1927. Daniel LÉVINE, Pérou millénaire : 3000 ans d’art préhispanique, Biarritz, La Cita, 2000, p. 37.
52. Archives de l’UCAD, exposition de 1928, D1/169 : lettre datée du 18 mai de Georges Brunon-
Guardia à Louis Metman.

53. FAUCOURT Camille, op. cit., p. 45.

54. Archives de l’UCAD, dossier exposition « Les arts anciens de l’Amérique », 1928 : D1/169, lettre de
Madame Tinoco à Louis Metman, 18-04-1928.

55. B RETON André, « Crise de l’Objet », Cahiers d’art, mai 1936, in id., Le surréalisme et la peinture, Paris,
Gallimard, 1965, p. 279.

56. Tristan Tzara achète soit trois fois en 1927 – 8 avril, 30 juin, 21 décembre –, quatre fois en 1928 –
29 avril, 22 mai, 14 novembre et 11 décembre –, une fois en 1929 – le 3 décembre – et enfin le
24 janvier 1930.

57. TZARA Tristan, « À propos de l’art précolombien », art. cité, p. 170-172.

58. TZARA Tristan, « Découverte des arts dits primitifs », art. cité, p. 39.

59. B ERGE Delphine, op. cit., 130 p.

60. B RAUN Barbara, op. cit.

61. PATERNOSTO Cesar, Abstracción, el paradigma amerindio, Valence, Institut Valencia d’art moderne,
2001, 267 p.

62. André Lhote 1885-1962, exposition, musée de Valence, 15 juin-28 septembre 2003, Paris, RMN,
2003, p. 246.

63. La présence d’André Lhote est répertoriée à l’hôtel Drouot le 9 mars 1931, le 3 juillet 1931 et le
22 juin 1932.

64. La base de données en ligne de GREET Michele intitulée 1920s Transatlantic Encounters: Latin
American Artists in Paris recense cette présence et les différentes formations artistiques dont
l’inscription de certains peintres latino-américains dans les ateliers d’André Lhote, de Fernand Léger
et d’Othon Friesz [http://chnm.gmu.edu/transatlanticencounters/].

65. En 1928, il participe aux ventes du 12 mars, du 29 avril, du 9 novembre, du 22 mai, du 16 octobre,
du 14 novembre et du 11 décembre.

66. En 1929, il achète lors des enchères du 26 février et du 3 décembre.

67. En 1930, il est acheteur lors des ventes du 3 mai 1930 et du 5 décembre.

68. Orthographié « Ascher » « Acher » « Achere », « Achère » ou « Achères », il appartient aux ventes
suivantes : le 20 mai et le 30 mai 1927, le 21 décembre 1927, le 12 mars et le 29 avril 1928, le 11 et
22 mai 1928, le 16 octobre et le 14 novembre 1928, le 26 février 1929, le 24 janvier et le 5 décembre
1930, le 17 mars et le 23 décembre 1932 et le 21 juin 1937.

69. Il appartient aux ventes datées du 8 avril et du 30 mai 1927, du 21 décembre 1927, du 11 et du
22 mai 1928, du 16 octobre et du 14 novembre 1928, du 26 février 1929 et du 24 janvier et 11 juin
1930.

70. Annuaire pour 1929 de l’Union centrale des arts décoratifs, palais du Louvre, pavillon de Marsan,
Paris, UCAD, p. 97.

71. Bela Hein participe aux ventes suivantes : 8 avril, 20 et 30 mai 1927, 21 décembre 1927, 12 mars et
22 mai 1928, 16 octobre et 14 novembre 1928 et enfin 11 décembre 1928.

72. CHADOURNE Paul, « Notes sur Roger de la Fresnaye », Cahiers d’art, 1928, no 8, p. 313-326.

73. Bulletin du musée d’ethnographie du Trocadéro, Paris, musée d’ethnographie du Trocadéro,


bulletin semestriel, janvier 1932, s. p.

74. CABANNE Pierre, « Les collections perdues d’Alphonse Kann », in Les grands collectionneurs,
tome II : Être collectionneur au XXe siècle, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 2004, p. 217-221.

75. Il est présent lors des ventes du 21 décembre 1927, du 14 novembre 1928 et du 26 février 1929.

76. DAGEN Philippe et MURPHY Maureen, op. cit., p. 15.

77. FAUCOURT Camille, op. cit., p. 45.

78. SAINT-RAYMOND Léa et VAUDRY Élodie, « A New Eldorado: The French Market for Pre-Columbian
Artefacts in the Interwar Period », in SAVOY Bénédicte, GUICHARD Charlotte et HOWALD Christine (éd.)
Acquiring Cultures. Histories of World Art on Western Markets, Berlin, De Gruyter, 2018.
79. Ces prix sont ceux indiqués sur les procès verbaux et ne tiennent pas compte des fluctuations du
franc. Malgré tout, les évolutions financières sont faibles puisque 1 francs en 1925 vaut 2,09 francs en
1939. Par conséquent, lorsque Monsieur Nicolas achète 34 000 francs la pièce mexicaine, il la paye, en
franc constant sur la base de l’année 1925, 26 130 francs. De même, lorsque André Portier achète
pour 41 500 francs un vase colombien, il la paye 31 894 francs sur la valeur du franc de 1925. Pour
l’analyse précédente sur les tranches des prix, les valeurs n’ont pas été basculées en francs constants
puis la marge permise par ces paliers de 1 000 francs, voire plus, n’influe pas, parce que trop faible,
sur les résultats.

80. SAINT-RAYMOND Léa et VAUDRY Élodie, « De l’Adu Zatua à l’“oiseau-totem” : l’Océanie esthétique et
marchande des surréalistes », in FLAHUTEZ Fabrice, DROST Julia et SCHIEDER Martin, Le surréalisme au
regard des galeries, collectionneurs et médiateurs, Centre allemand, Paris, 2018.

81. B ONNAIN Rolande, op. cit., p. 260.

82. MONGNE Pascal, « Les “urnes funéraires” zapotèques : “collectionnisme” et contrefaçon », Journal
de la Société des américanistes, 1987, tome 73, p. 17.

83. MONGNE Pascal, « Le faux zapotèque et la collection de Gustave Bellon. Iconographie,


thermoluminescence et nouvelles considérations », art. cité, p. 53-54. Zapotèque est le nom donné à
une civilisation du sud du Mexique, dans l’actuelle vallée de Oaxaca, au IVe siècle avant notre ère. Elle
se caractérise par une grande production d’urnes funéraires qui sont de véritables sculptures (ALCINA
Jose, L’art précolombien, Paris, Citadelle et Mazenod, 1978, p. 154-159).

84. MONGNE Pascal, « Les “urnes funéraires” zapotèques : “collectionnisme” et contrefaçon », Journal
de la Société des américanistes, op. cit., p. 38-40.

85. MONGNE Pascal, « Les “urnes funéraires” zapotèques : “collectionnisme” et contrefaçon », art. cité,
p. 40-41.

86. U GALDE Alejandro, « Las exposiciones de arte mexicano y las campañas pro Mexico en Estados
Unidos, 1922-1940 », op. cit., p. 270.

87. CAZAUMAYOU Sophie, op. cit., p. 13.

88. POPPER Karl, « La logique des sciences sociales », in ADORNO Theodor et POPPER Karl, De Vienne à
Francfort : la querelle allemande des sciences sociales, Bruxelles, Complexe, 1979, p. 88-89.

89. B ENJAMIN Walter, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, op. cit., p. 16.

© Presses universitaires de Rennes, 2019

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Référence électronique du chapitre


VAUDRY, Élodie. Chapitre VI. Marché de l’art des pièces précolombiennes In : Les arts précolombiens :
Transferts et métamorphoses de l’Amérique latine à la France, 1875-1945 [en ligne]. Rennes : Presses
universitaires de Rennes, 2019 (généré le 30 avril 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/140588>. ISBN : 9782753580732. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pur.140588.

Référence électronique du livre


VAUDRY, Élodie. Les arts précolombiens : Transferts et métamorphoses de l’Amérique latine à la France,
1875-1945. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2019 (généré le 30
avril 2023). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pur/140522>. ISBN :
9782753580732. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.140522.
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